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1
L'APOGÉE ROMAINE
LA belle époque de la domination romaine
. s'étend SUl' les trois premiers siècles de
l'ère clu-étienne. Il serait superflu d'insister
sur la prospérité qu'atteignit la province
romaine d'Afrique. Les ruines
et grandioses qui couvrent le pays en témoi-
gnent. Tous les habitants de la Byzacène, de
la Numidie et du Tell des Maurétanies se
plient peu à peu à la vie agricole dans les
plaines, comme dans les montagnes. Le
nomadisme ne subsiste plus qu'aux confins
du désert.
Les Numides adoptèrent les dieux romains,
dont le culte ne froissait aucune de leurs
croyances. Ils devinrent chrétiens. Puis, au
VIe siècle revinrent à leurs dieux natio-
naux : Siniferne, dieu de la guerre; Masti-
-- 55 --
,
man, avide de vlctimes humaines. En outre,
quelques tribus conservaient la religion juive
importée par les nombreux juifs venus de
la Cyrénaïque à pàrtir du ne siècl e.
Les Numiçles et les -Maures un
langage qui leur était particulier. Non seule-
ment leur langue était parlée, mais s'écrivait;
leur système d'écriture:qui leur appartenait
en propre ne se retrouve dans aucune
autre langue: c'est l'alphabet libyque. Cette
langue est encore parlée de nos jours dans
le désert sous le nom de Tamatchek et, en
Algérie, en Tunisie et au Maroc, sous les
noms de Chelha, Chaouia, Kebaïlya, Tifi-
nagh, etc., etc.
Au cours des ne et Ille siècles, les Numides
devinrent de riches agriculteurs, vivant de
la vie romaine, donnant des généraux, des
artistes, des hommes d'Etat et même des
empereurs à Rome.
5G -
"LA FIN DE L'EMPIRE
V
ERS la fin du IIIe siècle, à la faveur des
troubles romains, l'agitation gagne de
proche en proche les montagnes de Numidie.
A l'Est Aradion soulève les tribus les moins ,
latinisées, et étend la révolte jusqu'aux portes
de Calthage. En 188, la situation fut jugée
si grave que Maximilien en personne vint
se mettre à la tête des forces romaines.
L'Afrique romaine, comme Rome, allait
sombrer dans le désordre.
A partir du IV. siècle, la civilisation
romaine disparaît peu à peu. A -l'anarchie
politique s'ajoute la guerre religieuse. Les
Berbères avaient adopté le christianisme,
mais bientôt le signal de l'hérésie est donné.
On voit d'abord celle des donatistes, parti-
sans de l'évêque de l'Aurès, Donat. Ce
- 57 -
•
mouvement, provoqué par une question de
personne et non par le dogme, s'augmente
bientôt des Circoncellions, bandes d'esclaves
qui prêchaient l'égalité parmi les hommes en
massacrant tous ceux qui leur tombaient
sous la main. Vers la même époque, naquit
en Cyrénaïque le schisme d'Arius, lequel
mettait le dogme en cause. Arius s'était
séparé de l'Eglise Orthodoxe par suite de
divergences de vues relatives à, la Trinité.
La révolte des Donatistes prit rapidement
l'allure d'uri. soulèvement général. Sous les
ordres de Firmus, des légions entières se
joignirent aux rebelles. Pendant ce temps,
les Maures se soulevaient à l'Ouest. Y 01-
Césarée fut brûlée et Firmus proclamé roi.
A sa mort, son frère Gildon se mit à la tête
des insoumis. L'insurrection montagnarde
prit les proportions catastrophiques, qui
précipita la fin de la domination romaine.
- 58-
•
LES VANDALES
, AU début du v· siècle, l'Afrique Romaine,
comme l'Empire d'Occident, est en
pleine décadence. C'est alors que les Van-
dales, sous les ordres de Genseric, débar-
quent. Bien accueillis par les indigènes,. leur
marche sur Carthage est facilitée. Séduits
par la riche métropole qu'était encore Car-
thage, ils se contentent d'en raser les murs
conservant telles quelles toutes les insti-
tutions.
Si Genseric persécute les chrétiens ortho-
doxes, il conserve à la tête des provinces les
gouverneurs africains. Son règne, de près
d'un demi-siècle, fut brillant; mais ses
successeurs ne surent pas maintenir leur
puissance militaire.
- 59 -
r
Ils se laissèrent aller de plus en plus
aux charmes de la vie romaine, tandis que
les autochtones recouvraient peu à peu
leurs vertus guerrières. Antalas, chef des
Frexes, lutta longtemps contre eux et,
finalement, les battit. Après une occupation
d'un siècle, les Vandales s'inclinent devant
les Byzantins.
•
- 60 -
LES BYZANTINS ·
LES Byzantins s' emparèrent de l'Afrique
sans coup férir. En 531, Bélisaire, leur
général, -n'eut qu'à se présenter; les Van-
dales rapidement dispersés se fondirent
dans le pays. La politique suivie vis-à-vis
des Berbères par Byzance fut déplorable.
Les soulèvements succédèrent aux soulève-
ments. L'Afrique ne connut plus ni paix,
ni prospérité.
Le poète Corippe trace un triste tableau
de ces temps troubles : « L'Afrique, dit-il,
menacée d'un grand péril, penchait vers sa
ruine. La haine et la fureur s' étaient allu-
mées au cœur des guerriers barbares. Ren-
dus audacieux par le succès de leurs ruses,
des combats qu'ils livrèrent, de leurs dévas-
tations; fiers du courage de leurs guerriers,
ils portaient la flamme parmi les maisons
- 01 _.
de cette terre livrée à leur pillage et. de
toutes parts amenaient des Africains, "les
réduisant à la captivité. »
« La troisième partie du monde, l'Afrique
entière, périssait au milieu des flammes et
de la fumée des incendies. »
Au VIle siècle, les indigènes avaient par-
tout recouVl·é leur indépendance.
« Les Berbères, dans les campagnes, dit
Ibn-Khaldoun, forts par leur nombre et
leurs ressources, obéissaient à des rois, des
chefs, des princes et des émirs; ils y vivaient
à l'abri des insultes et loin des atteintes que
la vengeance et la tyrannie des Romains et
des Francs auraient pu leur faire subir. »
- U:l -
LES ARABES
EN 644, Adballah ben Saad, Gouverneur
de l'Egypte, obtint du Khalife Oth-
mane de marcher sur l'Ifrikya, gouvernée par
le patrice Grégoire. Ce ne fut qu' une ran-
donnée fructueuse après laquelle les Arabes
rentrèrent en Egypte. Pendant une ving-
taine d'années les événements orientaux
détournent leur attention de la Berberie.
En 665, Maawia ben Hodeidj marche
contre l'Ifrikya et anéantit les Byzantins.
Le célèbre Okba, nommé gouverneur du
pays, fonde Kai1'ouan (669) . Son successeur
s'avance jusqu'à Tlemcen.
Redevenu gouverneur de la province
d'Afrique en 682, Okba répand l'Islamisme
jusqu'au Maroc. C'est au retour de cette
expédition qu'il est surpris et tué. .
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J
~ ______ ~ ~ ~ __________ ~ ~ L ~ __________ ~ __ ~ ~ = = ~
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,,
:
Les Berbères réagirent sous les ordres de
Kocella et de l'intrépide Kahena; cette
dernière, après quelques années de guerre
heureuse, perdit la vie dans une rencontre
avec l'armée de Hassan ben Noman (693),
nouveau gouverneur d'Egypte qui s' empare
de Carthage et constitue le gouvernement
du Moghreb.
Ce gouvernemept devint indépendant en
passant aux mains de Moussa ben Nocéir.
Aidé par les indigènes, ce général _ prit
Sidjilmassa aux confins du désert et attei-
gnit Ceuta, dont il confia le commandement
au Berbère Tarik, lui laissant 27 Arabes
pour catéchiser les autochtones. Tarik pé-
nètre en Espagne en 711, anéantit les Goths
dans la bataille de Guadalète, puis 's'empare
de Cordoue, Grenade, etc., etc.
A son tour, Moussa passe en Espagne
avec une armée comprenant 10.000 Arabes
et 8.000 Berbères. Désormais, Arabes et
Berbères, intimement alliés, étendent la
conquête musulmane jusqu'au nord des
Pyrénées et envahissent la Gaule. Arrêtés
à Poitiers (732), ils se cantonnent dans la
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Septimanie. Obeidallah, gouverneur d'A-
frique, envoya de son côté vers l'intérieur
des expéditions qui répandirent l'Islam chez
les Touareg et laissèrent un. gouverneur
arabe dans le Souss.
Le jeune prince Ommiade Abderàhmane
ben Merouane, échappé par miracle au
massacre de sa famille par les Abassides,
réussit à passer en Espagne à la tête d'une
armée de Berbères zénètes, s'empare du
pouvoir et fonde le Kalifat de Cordoue.
En 756, ks Ommiades d'Espagne se sépa-
rent des Abassides. Le Moghreb à son tour
se soustrait à la suzeraineté de l'Orient
d'abord et de l'Espagne ensuite.
,
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,
- - - -- ~ - ---- - ~ - - - - - - - - - ~ - - - - -
LES DYNASTIES
ARABO-BERBÈRES
E
N 807, Edris ben Edris, descendant d'Ali,
1 fonde la ville de Fez, étend son influence
jusqu'à l'Est de Tlemcen et conclut une
alliance avec el Hakem, Kalife de Cordoue.
Vers la même époque, Ibrahim ben Aghlab,
gouverneur de Kairouan, devient indépen-
dant, etfondeladynastiedes Aghlabites (909).
Ses successeurs s'emparent de la Sicile et
de Malte (837), pénètrent en Italie et même
en France où ils installent comme base
d'opérations, pour le Dauphiné, la Savoie,
la Suisse et le Piémont, la fOl·tel·esse de
Fraœinet (La Garde-Freinet, dans le Var).
La mort d'Edris iaissa le pouvoir divisé
entre ses fils qui se combattirent les uns les
autres.
- 67 -
Vers 902, le Chef des Chiites, Obeidallah,
prenant le titre de Mahdi, passe er( Afrique.
Son lieutenant Abou-Abdallah . réunit de
nombreuses troupes berbères, enlève Kai-
rouan, renverse les Aghlabites et fonde la
dynastie des Fatimites (909). Il s'empare
ensuite de Sidjilmassa, délivre son maître
prisonnier et le ramène triomphalement
dans sa capitale.
Le Mahdi étendit son Empire jusqu'à
Tahert et Oran et jusqu'à l'Océan: et au
Sahara. Le Kalife Abderrame III, venu
au secours des Idrissites, chassa les Fatimites
du Moghreb el Akça et en profita pour se
faire proclamer Emir des Croyants dans
Fez (954). Le Kalije el Mouazz Maad enlève
aux Abassides l'Egypte et la Syrie, et
transporte la capitale des Fatimites de
Méhdia (Tunisie) au Caire.
A la fin du xe siècle et au début du XIe ,
les ambitions déchaînées de certains princes
rendent la situation très confuse en Afrique
du Nord. Ces dissentiments provoquent
l'invasion Hilalien:ne, évaluée à environ
45.000 guerriers et 200.000 âmes. Pendant
- 68-
que les Hilaliens s' avancent vers l'Ouest, les
Berbères Lemtouma ou Almoravides, vou-
lant rénover l' Islam, remontent des soli-
tudes sahariennes et atteignent le Tafilalet et
le Souss ..
En 1002, sous les ordres de Y oucef ben
Tachefine, les Almoravides occupent Alger
et Tlemcen et fondent Marrakech. Appelé
en Espagne, Y oucef. ben Tachefine remporte
avec ses armées la célèbre victoire de
Zallaka (1086) et en profite pour mettre
l'Espagne sous ses ordres.
Vers 1120, Mohammed ben Toumert Ojas-
monda fonde la secte des Almohades. Il
l'emporte quelques succès sur les Almo-
ravides et s'empare d' Oran, Tlemcen, Fez
et Marrakech (1147). Son successeur Abd el
Moumen soumet à sa loi, vers 1052, l'Es-
pagne, Alger et Bougie.
Après de nombreux succès remportés p ~ r
Abou-Yacoub, Abou-Youcef, el Mançour
An:nacer, qui les menèrent jusqu'à Tunis
la puissance des Almohades décrut à p a r t i ~ ·
de 1212.
La décadence politique des Almohades
- 69-
permit à d'autres dynasties berbères de
s'élever, telles celle des Hafcides fondée
.par Abou-Zakaria, celle des Abde10uadites
de Tlemcen et des Mérinides. L'Empire
fondé par les Mérinides se scinda sous l'ins-
tigation du roi de Grenade, à partir de 1377,
en deux royaumes : celui de Fez et celui du
Maroc. Le Moghreb central, lui, est divisé
entre les Ziannites de Tlemcen, les Magh-
raoua Oulad Mendil et les Zénètes Toudjine.
L'Ifrikya seule jouit d'une paix relative
sous le Kalifat du prince Ha/cide Aboul-
Abbas.
Vers 1425, les Hafcides acquièrent la
prépondérance dans le gouvernement du
Moghreb. A la même époque, Alger est une
sorte de république administrée par des
notables Sanhadja, tandis que les tribus
arabes de l'intérieur restent indépendantes.
La décadence des dynasties moghrébines
s'accentue de plus en plus. Les rivalités
grandissantes la précÎpitent. Cette anarchie
encourage les entreprises européennes et,
en 1471, Tanger et Arzila · tombent aux
mains des Portugais; dès lors naît l'industrie
-70 -
de la course sur mer à laquelle aucun port
de l'Europe et du Moghreb ne reste étran-
ger.
Les Espagnols, à leur tour, investissent
Melilla (1496), Mers-el-Kébir (1505), Oran
(1509), Bougie (1510). Quant aux Portugais,
ils se rendent maîtres de tous les .ports de
l'Atlantique.
En 1550, les Chérifs Saadiens prennent
le pouvoir et chassent les Portugais, pendant
que les Turcs expulsent les Espagnols de
la Tunisie et du Moghreb central. La dynas-
tie Hafcide s'éteint à Tunis (1573); ce qui
permet aux Turcs d'étendre leur puissance
sur la plus grande partie de l' Afrique dU'
Nord.
-71 -
LA. CIVILISATION nUSUUlA.NE
r
- --------.,..- --- --
LA CIVILISATION MUSULMANE
"rOUs ces princes, tous ces empereurs con-
quérants ne sont donc pas de simples
chefs de bandes, ainsi qu'une histoire sophis-
tiquée s'est complue et se complaît à le
répéter. Leurs actes, leurs q!uvres, sont
ceux de grands politiques et de grands
monarques et ces grands monarques ne
pouvaient que commander à des sujets
évolués.
L'Mrique du Nord eut toujours une vie
nationale basée sur l'unité politique qui lui
permit de franchir les siècles de son histoire
douloureuse en conservant s-es vertus primi-
tives.
Les Spahis, les Tirailleurs, que beaucoup
ont connus sur maints champs de bataille
modernes ne ressemblent-ils pas à ces magni-
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fiques cavali'ers et à ces valeureux fantassins
de Massinissa, de Jugurtha et timt d'autres
grands chefs nord-africains? Depuis le
vue siècle, l'Afrique du Nord est devenue
Arabo-Berbère par la foi, par les mœurs,
par la civilisation.
Cette nouvelle race, fusion de deux grands
peuples, n' a-t-elle pas conservé, malgré les
vicissitudes passagères, ce qui fit sa gran-
deur? Non, l'Islam n'est pas une religion
de haine, de brigands et d'arriérés, comille
l'écrivent nos contempteurs. C'est la foi des
braves, c'est la foi des hommes purs. Pour
la conserver en nos cœurs, pour la pratiquer
chaque jour, pour adorer notre dieu, qui
n'est pas à nous seuls, mais -celui de l'uni·
vers, nous n'avons besoin de nulle police,
de nul clergé, de nul intercesseur.
C'est ce qui explique le dynamisme de
l'Islam et sa progression constante. Cela
explique aussi les attaques forcenées qu'il
eut à subir depuis sa naissance; elles ne
l'empêchent d'ailleurs pas de porter chaque
jour l'espérance dans les cœurs. On a écrit,
on a jeté à tous les échos:
-76 -
1
.-
({ L'Islam est la religion de l'immobilité ...
Les Nord-Afdcains sont de quasi-sauvages. ))
Nos adversaires ne surent jamais, à notre
instar, s'élever au-dessus de leur victoire;
dans leur fanatisme inquisitorial, ils commi-
rent les pires crimes. Il est une chose qu'on
ne peut trop redire, dont il faut se pénétrer:
c'est que cette nation conquérante et civili-
satrice, dont les travaux furent immenses
a subi la pire des destructions. Toutes ses
œuvres, toutes ses archives furent anéanties
en d'horribles autodafés, par les hommes
fanatisés de Torquemada.
Malgré ces destructions haineuses, de
grands savants sont parvenus - ' après de
longs travaux - à nous faire connaître ce
que l'Europe doit à ces prétendues hordes
pillardes. Que nos adversaires le veuillent
ou non, les Arabo-Berbères ont été les grands
. professeurs de l'Europe moderne. Je me
bornerai à faire la nomenclature de leurs
connaissances et de leurs travaux, qui por-
tèrent si loin les diverses branches de la
civilisation.
-77 -
1
1
LES ARTS
PAR horreur de l'idolâtrie, le Prophète
. proscrivit les images. Cette prohibition
fit que les Arabes ne pratiquèrent parmi les
Beaux-Arts que l'Architecture, l'art le Plus
fait pour conserver dans les âges la mémoire
d'un peuple.
J'aimerais montrer l'AIjama de Cordoue
et Medinet-al-Zohra, palais de plaisance
des Califes. J'aimerais vous guider à travers
les centaines de gracieuses colonnes faites
de marbres rares de l'AI-Jama, les fraîches
galeries, les nefs où flottaient les parfums
de l'aloès et de l'ambre qui se consumaient
dans des milliers de cassolettes. J . Condé
nous les décrit avec amour et nous dit
même le poids de l'huile que l'on brûlait
tous les ans dans les quatre mille six cents
lampes : 24.000 livres.
- 79 -
6
•
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l
1!
De Medinet-al-Zohra, véritable ville qu'Ab-
derramane III Le Magnanime fit bâtit à
quatre lieues de Cordoue, il ne reste plus,
hélas! aucun vestige. Marbre, bois de cèdre,
jaspe, albâtre, jardins délicieUx arrosés de
sources vives et jusqu'à ce jet de vif-argent
jaillissant dans le patio du pavillon du
Calife furent la proie de la haine religieuse.
Les Arabes ne furent pas qu'architectes,
ils acquirent chez toutes les nations' une
réputation inégalée de tanneurs, fondeurs,
ciseleurs, fourbisseurs d' armes et fabricants
d' étoffes. Les cimeterres d'une trempe iné-
galée, les cotes de mailles si légères et si
impénétrables, les tapis moelleux, les fins
et brIllants tissus de laine, de soie ou de lin,
attestaient cette incontestable.
- 80 -
LES SCIENCES
Agriculture. - Les Arabo-berbères consi-
dérèrent l'Agriculture comme une . véritable
science, alors que partout ailleurs elle n'était
qu'un labeur. Ils introdù'isÏrent en Espagne le
riz, le mûrier et, de ce fait, la soie, la canne à .
sucre, le coton. Ils construisirent des « silos ",
des canaux d'irrigation, des norias. Les
provinces de Valence et de Grenade con-
servent encore la tradition de la culture
arabe. Le Traité ' d'Agriculture de Abou-
Zakarya-al-Awam de Séville, conservé à la
bibliothèque de l'Escurial, prouve à quelle -
hauteur de vue et à quelle perfection s'était
élevée cette science dans l'Espagne Musul-
mane.
Médecine. - La Médecine, remplacée par
- 81 -
1 ...
1
la magie, les évocations et les exorcismes
depuis Galien, trouva parmi les Arabes les
plus savants rénovateurs :
Abou-Ali-al-Hosayn-ebn-Syna (Avicenne),
Abou-Berkr-ebn-Zakarya- al- Razy (Razy),
Abou- al- Oualyd:-Mohamed- e bn- Ros ch d
(Averroës), Abou-al-Quasem-Khallaf- ebn-
Abas (Albucasis), méritent d' être honorés
autant qu'Hippocrate.
Chù·urgie. - On peut considérer les
Arabes comme les inventeurs de cette
science. Il n'y a pas bien longtemps, au
. cours du siècle dernier, on empruntait la
lithotritie à la « Méthode de Guérir " d'Albu-
CaslS.
Botanique. - S'ils portèrent si loin la
- médecine, c'est parce que la Botanique était
très populaire parmi eux.
Chimie. - Les premiers éléments de la
Chimie, inconnue de l'Antiquité, leur sont
dus. « Alambic ", « Alcali ", « Alcool", « AI-
kerme ", etc., etc., font assez connaître leur
origine par leur nom même.
Pharmacie. - De l'application de la Bota-
nique et de la Chimie à la ~ é d e c i n e est née
- 82 -
--
la Pharmacie, science dont Ebn-Zohar,
auteur de divers traités sur la matière,
passe pour l'un des premiers fondateurs.
Toutes les branches de l'Histoire Naturelle
furent également cultivées par les Arabes,
qui ont laissé de nombreux traités sur les
animaux, les plantes, les métaux, les pierres
précieuses, les fossiles, etc., etc.
Mathématiques. - Le monde doit aux
Arabes l'Arithmétique et l'Algèbre qui a
conservé son nom d'origine.
AstTOnomie. - L'Astronomie, née chez
les Chaldéens, leur doit des progrès très
importants. Ebn-Yonnes (Ibn-Jonis), Al-
hacen (al-Ahasan) et surtout Albategius
(al-Batany), surnommé le Ptolémée des
Arabes s' illustrèrent dans cette science par ,
leurs travaux.
Le Calife al-Mamoun fit "mesurer géomé-
triquement un degré du Méridien pour déter-
miner la grandeur de la terre. Louis XIV
ordonna la même opération neuf siècles
après. Maharned-ibn-Mouza semble avoir
aperçu la loi de l'harmonie générale, peut-
être même a-t-il ouvert la voie à Newton.
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,
L
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Enfin, l'Almanach est dû aux Arabes.
Musique. - La Musique a été cultivée
avec succès. L'Escurial renferme plusieurs
traités qui prouvent incontestablement que
les Arabes employaient les mathématiques
dans la composition musicale et qu'ils con-
naissaient la science de's accords.
- 84-
LES INVENTIONS
T
OUT le monde convient que les Arabes
ont transmis des Indes à l'Europe les
chiffres qui pottent leur nom. Mais ce que
l'on semble ignorer, c'est que, selon toute
apparence, le monde leur doit les trois
découvertes qui ont changé l'état littéraire,
militaire et politique; à savoir : le papier,
la boussole, la poudre à canon.
Le papiel·. - De temps immémorial, la
Chine connaissait le papier, qu'elle fabri-
quait avec la soie. En l'an 30 de l'Hégire,
une fabrique semblable fut établie à Samar- "
cande; cinquante-huit ans plus tard - en
706 -le Mecquois Y oucef Arnrou découvrit
le moyen de fabriquer le papier avec du
coton. L'invention postérieuré du papier de
lin ou de chanvre a fait naître pas mal de
controverses, mais personne ne fournit la
preuve de son existence en Europe avant le
- 85 -
XIVe siècle, alors que l' on trouve dans les Ar-
" chives de Barcelone un traité de paix entre
Alphonse II d'Aragon et Alphonse IX de
Castille, daté de 1178, et les « fueros »
accordés à Valence en 1251 par Jacques le
Conquérant, écrits sur du papier fourni par
les Arabes qui, arrivés en Espagne où la
soie et le coton étaient également rares, le
fabriquèrent avec du chanvre et du lin.
Boussole. - Même en admettant que la
boussole soit d'origine chinoise, il est incon-
testable que les Arabes la perfectionnèrent
et en étudièrent l'usage. Je troublerai beau-
coup d'esprits en disant que l'emploi du
pendule que se disputent Huygens et Galilée
est probablement une invention arabe. Plu-
sieurs arabisants avouent avoir trouvé dans
les manuscrits arabes mention de l' « horloge
automate ", très « ingénieuse horloge" etc ...
Poudre à canon. - La poudre ne fait son
apparition en Europe que vers le milieu du
XIVe siècle. "Par contre, on trouve trace de
~ o n emploi par les Arabes dès 690 et depuis,
Jusqu'à l'occupation de l'Espagne, plusieurs
auteurs en font mention. "
- 86'::-
LES BELLES-LETTRES
LES Arabes brillèrent autant dans les
Belles-Lettres que dans les Sciences·
Nul, d'ailleurs, ne le conteste. Ils touchèrent
plus ou moins heureusement à toUS " les
genres : philosophie, jurisprudence, histoire,
roman, langues étrangères, poésie, etc., etc.
Les douze P1'Iw.'V, les Soupirs d'un Amant,
le Jm"din des Désù's, Calila et Dimna sont
célèbres dans la littérature mondiale. Leibe-
nitz tenait en très haute estime le roman
philosophique de Djafar-Ibn-Tofayl Hay ben
Diocadhan.
Comme le roman, la poésie brilla d'un très
vif éclat. Les collections des Diwans, des
Fleurs, des Jardins, l'attestent hautement.
- 87-
ÉTABLISSEMENTS
SCIENTIFIQUES
UNE foule d'établissements publics con-
couraient à l'entretien et au développe-
ment du goût de la Nation : mosquées,
écoles, collèges, observatoires, académies,
bibliothèques, etc., etc., étaient nombreux
et bien dirigés.
Le premier soin des Arabes, lorsqu' ils
avaient conquis une ville, "était d'y élever
une mosquée et une école. Ce sont eux qui
donnèrent à l'Europe le modèle des Collèges.
Ils élevèrent les premiers observatoires astro-
nomiques et donnèrent naissance aux aca-
démies modernes. On les attribue à Allegreti
de Forli. Mais bien avant lui les Arabes
avaient, outre les écoles ou facultés, une
quantité de ces corps savants dont les
- 89-
membres se renouvelaient par élection et se
livraient à des travaux communs.
L'Espagne seule renfermait soixante-dix
bibliothèques publiques. Celle de Cordoue
dirigée par le propre frère du Calife A I h a ~
kem II et dont le poste était considéré comme
le premier de l'Empire, était si importante
. que le seul catalogue formait quarante-quatre
,,:olumes de cinquante feuilles chacun. Quatre
SIècles plus tard, après tous les efforts de
Charles le Sage, la bibliothèque royale de
France se· composait d'environ neuf cents
volumes dont les deux tiers étaient des
livres de théologie.
Tous ces trésors de l'intelligence ont en
grande partie disparu en d'horribles auto-
dafés.
- 90 -
FEMMES CÉLÈBRES
LE goût des sciences et des études de tous
genres était si répandu chez les Arabo-
Berbères que les femmes elles-mêmes parta-
geaient leurs travaux et leurs succès. Je
citerai:
Marya al Fayzouly, surnommée la Sapho
de Séville;
Ayscha, la Savante;
Valadat, poétesse;
Maryem, professeur public de rhétorique
et de poésie à Séville, et tant d'autres ...
Telle Lobnah, secrétaire particulière du
Calife.
Cela détruit la légende qui montre
les Arabo-Berbères sous le jour de Barbe-
Bleue tenant absolument à l'obscurantisme
,
de leurs compagnes.
- 91 -
Le fait de confier à des femmes une chaire
p ~ b l i ~ u ~ ou les secrets de l'Etat, malgré la
sevérlté des mœurs, prouve qu'ils étaient
loin d'être ces monstres condamnant la
moitié de l'espèce humaine à l'ignorance
et à la servitude, ainsi que se sont complus
et se complaisent à l'écrire de graves
hurluberlus ignares ou malhonnêtes.
- 92-
,.
PERIODE
BARBARESQUE
APARTIR du XVIe siècle, s'ouvre la période
que l'on peut appeler; période barba-
resque. C'est le nom donné aux pirates qui,
établis sur toutes les côtes d'Afrique, depuis
Salé jusqu'à Tripoli, font la course en Médi-
terranée et des raids sur les côtes euro-
péennes.
A plusieurs reprises, l'Europe réagit. En
1508, en 1509; en 1785, Louis XIV fait
bombarder Alger. Mais les corsaires algé-
riens, protégés par lès Turcs, sévirent jus-
qu'au milieu du XIXe siècle.
Dès le XVIe siècle, l'Afrique du Nord se
scinde. A l'Ouest, le Maroc maintient son
indépendance; les Chérifs Saadiens, sou-
- 98 -
/
verains temporels, administrent sagement
leur empire qui s'agrandit et vit dans la
prospérité.
Au XVIIe siècle, les Saadiens sont détrô-
nés par les Chérifs qui règnent
encore de nos jours. Cette dynastie fournit
de grands monarques, tels Moulay-Ismael,
fondateur de Meknès, Moulay-Mohamed,
grand mécène ami des Arts et de la Science.
Grâce à eux, le Maroc prend figure de grand
Etat Musulman.
Tandis que ce pays s'organisait en Etat
puissant, susceptible d'entretenir des rela-
tions régulières avec l'Europe, l'Algérie était
dominée par la Turquie.
Au. milieu du XVIe siècle, un renégat
chrétIen: Khaü'-ed-Din Barberousse, s'ins-
talle à Alger dont il fait le plus grand repaire
de corsaires. Afin d'opérer dans une sécurité
relative, il se place sous la suzeraineté du
Sultan de Constantinople.
Sous cette souveraineté nominale et le
gouvernement plus proche du Dey d'Alger,
l'Algérie était loin de former un pays uni.
Ni le Sultan, ni le Dey, n'exerçaient réelle-
- 9-L -
ment le pouvOIr en dehors des villes et de
leurs banlieues.
Les tribus ne payaient les impôts que lors-
que l'on venait les chercher « manu militari"".
Sur l'Odjak même, l'autorité du Dey était
précaire. Les Janissaires se chargeaient de
le renverser lorsqu'il n'avait pas 1'heur de
et, même s'il ne l'avait pas voulu,
Ils lm Imposaient le maintien de la course
dont ils percevaient une partie des profits.
C'était l'anarchie. .
. La Tunisie, à l'Est, forme un Etat quasi
gouverné par un Bey, plus ou
moms suzeram du Sultan turc.
De cette période, il faut retenir qu'à
l'Ouest de l'Mrique s'est formé un Etat
indépendant assez puissant pour maintenir
indépendance jusque ces derniers temps.
A l'Est, un Etat autonome qui résista à
l'emprise étrangèrè jusqu'à la fin du
XIX. siècle, alors qu'au Centre régnait la
confusion.
- 95 -
7
~~~~~------~-------r-.=-----~-~---
CONQUÊTE FRANÇAISE
LES prétextes officiels ,. de la première
installation de la France sont trop
connus et trop récents pour que j'y revienne.
Une fois l'Algérie pacifiée en 1872 -- car la
résistance dura de 1830 à 1872 -- les yeux
de la France se tournèrent vers la Tunisie
et, sous prétexte de conflits frontaliers, deux
colonnes pénétrèrent dans ce pays. L'une
réduisit les Kroumirs en avril 1881 : l'autre
débarqua à Bizerte. Cette rapide expédi-
tion se termina par le Protectorat (traité
du Bardo -- 12 mai 1881 -- et traité
du 8 juin 1883).
Du Moghreb, il restait des terres fertiles
à occuper. Aussi, dès l'aube de notre siècle,
la diplomatie et l'armée françaises à l'ins-
- 97 -
tigation des Juifs, s'employèrent-elles à pro-
voquer les incidents qui justifieraient une
occupation.
Après la Conférence d'Algésiras en 1905,
qui reconnaissait l'emprise française sur le
Maroc, c'est l'occupation d'Oudjda et de
Casablanca, puis la pénétration complète
achevée ces dernières années.
- 98-
1830-1942
J
E n'ai nullement l'intention de faire le
réquisitoire de la conquête; il serait,
terrible. Nos griefs sont nombreux et de
poids. Je n'évoquerai pas les périodes guer-
rières qui, souventes fois, furent d'une
cruauté folle. Je n'insisterai ni sur les
persécutions, ni sur les expropriations incon-
sidérées.
Les militaires sont gens d'armes et en se
lançant à la conquête de nos terres ances-
. traies, n'étaient nullement tenus d'emporter
dans leurs musettes un manuel d'Histoire
qui leur apprît qu'ils s'attaquaient à des
peuples d'antique civilisation.
Elevons le débat, tentons loyalement de
combler le fossé sans cesse s'élargissant
- 99-
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