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Auteur : Jean LECLERCQ.

Tome 4 - Colonne 1902


Titre de l'article : EXERCICES SPIRITUELS.

— Les termes exercitium et exercitia, et même exercitatio, pour désigner les


pratiques de la vie spirituelle, appartiennent au langage chrétien depuis les premiers
siècles. Leur 1903 histoire est très homogène. Au moyen âge, les termes exercitium
spirituale, exercitia spiritualia seront peu à peu utilisés pour désigner des « exercices
de piété ». Le développement de ces expressions sera étudié 1) aux périodes les
plus anciennes, celle de la formation de la terminologie de l'Église à l'époque des
Pères et dans le haut moyen âge ; 2) aux 13e-15e siècles ; 3) dans la Devotio
moderna jusqu'à saint Ignace de Loyola ; 4) un chapitre spécial présentera la
doctrine du magistère sur les exercices de piété.

I. ANTIQUITÉ ET HAUT MOYEN AGE1. L'ANTIQUITÉ.— 1° Sens profanes.

— A la différence de ce qui est généralement le cas, le mot exercitium ne s'est pas


imposé dans l'Église grâce à la Bible, où il ne se trouve qu'une fois (2 Mac. 4, 14). Il
est issu de la langue profane, où il était employé dès l'époque classique. Il venait de
exerceo, dérivé de ex et de la racine qui a donné arx, arca, arceo, mots qui évoquent
l'idée de contenir, enfermer, protéger ; exercere, c'est d'abord faire sortir, poursuivre,
ne pas laisser en repos, et, par suite, « travailler » la terre, par exemple ; par
conséquent « pratiquer » (un art), l'«°exercer », et « s'exercer ». De exerceo est né
exercitus, qui signifie premièrement « exercice », et fut bientôt réservé à l'exercice
militaire ; le sens le plus général d'exercice passa alors à exercitium, exercitio,
exercitatio (cf A. Ernout et A. Meillet, Dictionnaire étymologique de la langue latine,
Paris, 1932, p. 64).

Dans le latin profane, exercitium désigne donc une action qui exige effort, en deux
domaines principaux : celui de l'oeuvre à faire, — et il traduit alors les termes grecs
γυμνασία et ἄσϰησις —, et celui de la réflexion : il équivaut surtout à ἀδολεσχία.
Dans le premier sens, on l'applique aux athlètes, aux acteurs, aux danseurs, aux
soldats surtout. Très tôt, le mot revêt une nuance militaire : il sert à désigner la
marche, l'équitation, l'exercice en campagne (exercitium campestre), le port d'armes
(armatura), bref toute forme du militare exercitium. Dans le second sens, il sert à
désigner les arts, — médecine, musique, poésie, éloquence —, puis l'habileté qu'on
y acquiert, l'effort pour s'y entraîner, c'est-à-dire l'étude, et même l'école. En ses
deux sens, le mot donne naissance à des dérivés comme exercitor, exercitator
(maître, entraîneur), exercitatorius (ce qui sert à l'entraînement).
Sur ces mots et leurs sens dans la latinité ancienne, des témoignages sont cités et
classés dans le Thesaurus linguae latinae, t. 5, 2, fasc. 9, Leipzig, 1939, col. 1367-
1400 ; pour exercitium en particulier, col. 1384-1387 ; pour la latinité chrétienne
ancienne, quelques témoignages dans A. Blaise, Dictionnaire latin-français des
auteurs chrétiens, Strasbourg, 1954, p. 327-328.

2° Sens chrétiens.

— Dès le 3e siècle, saint Cyprien, parlant du Christ qui s'est plié aux épreuves de la
vie humaine, écrit : « Christi adventu, qui exercitio et exemplo hominis fungeretur »
(Quod idola dii non sint 12, PL 4, 579, et éd. G. Hartel, CSEL 3, 1, 1868, p. 29).
D'autres auteurs chrétiens utilisent exercitium en son sens général. Mais le mot
garde souvent sa résonance militaire, spécialement lorsqu'il est appliqué au martyre,
à toute forme de lutte contre l'oisiveté et tous les vices ; il devient alors synonyme
d'ascèse. Le texte latin de 1 Tim. 4, 7-8, dut avoir, sur ce point, de l'influence. Saint
Paul avait écrit : « Exerce autem teipsum ad pietatem. Nam corporalis exercitatio ad
modicum utilis 1904 est, pietas autem ad omnia utilis est ». Ce texte fut, pour une
part, à l'origine d'une distinction, qui sera souvent émise plus tard, entre les
« exercices corporels », c'est-à-dire surtout les pratiques de mortification, et les
« exercices spirituels », c'est-à-dire les activités de prière, autrement dit les
« exercices de piété ». Ainsi l'Ambrosiaster marque la différence entre l'exercitium
corporale et la pietas, et il définit le premier : « Corporis autem exercitium nihil aliud
quam canis frena sunt » (In Ep. 1 ad Tim. 4, PL 17, 473d-474b). Le mot
« exercices » fait fortune dans le vocabulaire monastique : dans la traduction de
l'Historia monachorum (laquelle devait avoir tant d'influence par l'intermédiaire des
recueils de Vitae Patrum), on parle des monachorum exercitia (29, PL 21, 455c), des
« exercices spirituels » (exercitia spiritualia, 7, 410d), des « exercices de vie
spirituelle » (spiritalis vitae exercitia, 29, 453d), des « exercices de piété » (pietatis
exercitia, prol., 387 et 390) ; Cassien parle des exercitia virtutum (Conlatio XXI, 15,
1, éd. M. Petschenig, CSEL 13, 1886, p. 590 ; PL 49, 1190d = gesta virtutum).
Studium, servant à traduire ἄσϰησις, comme exercitatio, est l'équivalent de ce
dernier mot : on parle de spiritualia studia, virtutum studia, salutaria studia, studium
continentiae, etc (des textes sont cités dans L. Th. A. Lorié, Spiritual Terminology in
the Latin Translations of the Vita Antonii, Nimègue, 1955, p. 70-71 et 98-99). Quant
au mot exercitium, il est surtout associé à ce qui est particulièrement difficile et
pénible : les jeûnes, les veilles, les durae crucis exercitia, comme dira saint Césaire
d'Arles (Sermo 197, 1, éd. G. Morin, t. 1, Maredsous, 1937, p. 753).

Plus encore qu'à propos d'un effort d'ascèse corporelle, on l'emploie pour désigner
l'application de l'esprit, et spécialement cet effort de répétition, de mémoire et de
réflexion qu'est la meditatio (sur le sens de ce mot, cf J. Leclercq, L'amour des
lettres et le désir de Dieu, Paris, 1957, p. 19-23 et 72-73). Ce sens n'était pas
inconnu des grammairiens anciens ; « exercitium est meditatio », avait écrit Servius
(In Vergilii Aeneidos lib. IV commentarii, vers 171, éd. G. Thilo, Leipzig, 1881, p.
494, 5), et saint Isidore, à son tour, formulera la même équivalence : « exercitium
dicitur, hoc est meditatio » (Origines seu Etymologiae XV, 2, 30, PL 82, 539a). En
faveur du succès de ce mot, avec cette acception, joua, dans les milieux chrétiens,
l'influence des anciennes versions bibliques latines. Exercere, exercitare et
exercitatio y traduisaient, surtout dans les psautiers, ἀδoλεσχεῖν, qui est un
hébraïsme correspondant à suḥ, plus souvent à siḥ. Saint Augustin disait
d'ἀδολεσχεῖν : « ad animi exercitationem pertinet… Videtur mihi significare animi
affectum studiosissime aliquid cogitantis cum delectatione cogitationis »
(Quaestiones in Heptateuchum 1, 69, PL 34, 565d, et éd. J. Zycha, CSEL 28, 2,
1895, p. 35-36 ; dans le même sens, In ps. 118, 6, 4, CC 40, p. 1681), et ailleurs :
« Exercetur quippe in justificationibus Dei laetus, et quodam modo garrulus, qui
mandata ejus quae diligit, et cogitandi et operandi delectatione custodit » (In ps. 118,
14, 4, p. 1710). C'est en ce sens que exercere était appliqué, dans les anciennes
versions latines du psautier, aux mystères de Dieu, à sa loi : il équivalait à « penser,
proclamer, répéter pour s'en pénétrer », c'est-à-dire à meditari et à loqui, la
mémorisation impliquant un effort réitéré des lèvres, qui redisent et « mâchonnent »
le texte sacré. Ceci se vérifie, en particulier, dans le psautier romain et dans le
gallican, qui est de saint Jérôme. Toutefois, quand Jérôme établit, plus tard, sa
traduction du psautier 1905 Juxta Hebraeos, il élimina cette signification et le mot
exercere lui-même, pour lui substituer meditari ou loqui.

Des témoignages peuvent être trouvés dans le texte et l'apparat critique des
psaumes 54, 3 ; 68, 13 ; 76, 4, 7 et 13 ; 118, 15, 23, 27, 48, 78, dans les éditions de
R. Weber, Le Psautier romain et les autres anciens psautiers latins, Rome, 1953, et
H. de Sainte-Marie, Sancti Hieronymi Psalterium iuxta Hebraeos, Rome, 1954, coll.
Collectanea biblica latina 10 et 11. Bien qu'il ne fût pas dans la Bible avec cette
signification, exercitium la revêtait à la faveur de formes verbales apparentées. Pour
commenter le mot meditabitur du ps. 1, 2, l'Ambrosiaster écrira : « In Dei lege
exercitium facit » (Quaestiones Veteris et Novi Testamenti 110, 9, PL 35, 2331c, et
éd. A. Souter, GSEL 50, 1908, p. 275.)

Dès les premiers siècles, le mot exercitium avait acquis droit de cité dans le langage
des chrétiens pour désigner l'effort qu'exige la vie spirituelle dans les deux domaines
de l'action (au sens ancien du terme : la pratique des vertus) et de la contemplation,
autrement dit : de l'ascèse et de la mystique.

2. DANS LE HAUT MOYEN AGE,

sans être l'un des plus fréquents du vocabulaire de la spiritualité, le mot exercitium
reste traditionnel. On le trouve à toutes les époques, employé pour désigner soit
l'ensemble des pratiques entre lesquelles doit être partagée la journée : dans sa
Regula Complutensis, saint Fructueux de Braga † 651 parle des exercitia spiritualia
(1, PL 87, 1099), — soit la pratique d'une vertu particulière : saint Colomban † 615
parle des humilitatis verae exercitia (Ep. 2, 5, éd. G. S. M. Walker, Sancti Columbani
opera, Dublin, 1957, p. 16, 2). La lettre, par laquelle Louis le pieux notifiait à
l'archevêque Magnus de Sens les décrets portés par le concile d'Aix de 816 au sujet
des chanoines et des moniales, mentionne les spiritalia exercitia (MGH Concilia aevi
karolini, t. 1, 1906, p. 461-462). Dans les Constitutions promulguées pour l'ermitage
de Camaldoli entre 1080 et 1085, le bienheureux Rodolphe appelle manualia
exercitia les travaux que l'on fait aux champs ou, en tout cas, « hors des cellules »,
et qui pourraient nuire à la « tranquillité érémitique » (ch. 33, éd. Mittarelli-Costadoni,
Annales camaldulenses, t. 3, Venise, 1758, p. 527). L'auteur anonyme des Octo
puncta perfectionis assequendae fait de la pureté du coeur le plus important des
« exercices spirituels » (PL 184, 1181d-1182c). A la fin du 11e siècle, Hariulf de
Saint-Riquier distingue de l'ermitage, « où l'athlète courageux se livre au combat
singulier », le monastère, où l'ensemble des moines, comme dans un camp
retranché (castra caelestis exercitii), se livrent aux divina exercitia (Vita Madelgisili,
n. 5 et 7, éd. J. Mabillon, Acta sanctorum ordinis Benedicti, t. 6, Venise, 1738, p.
550-551). Ici, le mot gardait quelque chose de sa signification militaire primitive ;
c'est aussi le cas en d'autres textes, par exemple dans le premier des Sermones
super Cantica de saint Bernard :

« Sed et in quotidianis exercitiis et bellis, quae nulla hora pie in Christo viventibus
desunt a carne, a mundo, a diabolo, sicut militiam esse vitam hominis super terram
incessanter experimini in vobismetipsis, quotidiana necesse est cantica pro
assecutis victoriis innovari » (Super Cantica 1, 9, PL 183, 788d ; éd. J. Leclercq, C.-
H. Talbot, H.-M. Rochais, Sancti Bernardi opera, t. 1, Rome, 1957, p. 7, 5-8 ; sur la
fidélité du vocabulaire de ce passage, et d'autres semblables, au vocabulaire
monastique ancien, cf Ch. Mohrmann, Observations sur la langue et le style de saint
Bernard, dans S. Bernardi opera, t. 2, 1958, p. XXVIII-XXIX).

1906 Bernard emploie ailleurs, au singulier, spirituale exercitium pour désigner


l'ensemble des épreuves de la vie spirituelle, dans laquelle « tentations et
tribulations nous exercent » (Sermones super Cantica 21, 10, PL 183, 877ab, et t. 1,
p. 128, 5-12 ; cf De diversis, 16, 6, PL 183, 582a ; In vigilia Nativitatis 3, 6, PL 183,
97cd, etc). On trouve aussi des expressions comme salutaria exercitia (Aelred de
Rievaulx, De institutis inclusarum 21, éd. C.-H. Talbot, dans Analecta sacri ordinis
cisterciensis, t. 7, 1951, p. 193, 16), regularia exercitia (S. Bernard, Sermones super
Cantica 33, 10, PL 183, 956b, et t. 1, p. 240, 20) pour désigner l'ensemble des
pratiques de la vie spirituelle ou des observances monastiques. D'après Aelred
encore, des virtutum studia spiritaliaque exercitia naissent les verae virtutes (De
Jesu puero 2, 12 et 3, 20, PL 184, 857b, 861d, et éd. A. Hoste, coll. Sources
chrétiennes 60, Paris, 1958, p. 74, 27-32, et p. 94, 9-10 ; cf p. 95, note 1).

Néanmoins, de plus en plus, et spécialement au cours du 12e siècle, le mot


exercitia, surtout lorsqu'il est accompagné de l'épithète spiritualia, est employé de
préférence pour désigner les activités de prière. Ainsi, dès le 10e siècle, dans la
Regularis concordia, est-il parlé d'«°exercice spirituel » à propos des oraisons
privées auxquelles les moines peuvent se livrer après l'office de nuit (éd. T. Symons,
Londres, 1953, p. 37). Plus tard encore, Pierre de Honestis assimilera les
« exercices » aux autres pratiques de prière : « lectionibus, psalmis, hymnis, canticis
et ceterorum bonorum operum exercitiis vigilanter insistant » (Regula clericorum 1,
1, PL 163, 708c). En ce sens, les « exercices spirituels » se distinguent du travail
des mains : Guigues l'ancien le dit lorsqu'il prescrit au chartreux de passer de l'une à
l'autre de ces occupations (Consuetudines Cartusiae 29, PL 153, 699-700). Pierre le
vénérable l'explique plus clairement encore lorsqu'il justifie l'observance clunisienne,
où l'on fait beaucoup plus de part à la prière qu'au travail manuel : les « exercices
spirituels », qui consistent « à prier, lire, psalmodier », y sont considérés comme de
plus de valeur que les corporalia opera, consistant surtout dans l'opus manuum (Ep.
1, 28, PL 189, 128c-129c). Ce dernier n'est d'ailleurs qu'une forme de cette
corporalis exercitatio dont saint Paul (1 Tim. 4, 8) avait écrit « qu'elle est utile à peu
de chose, tandis que la piété l'est à beaucoup » (151ab ; dans le même sens, Raoul
de Cluny, Vita Petri venerabilis 2, PL 189, 19ab).

On retrouvera une distinction semblable au livre 2 du De claustro animae (14, PL


176, 1062d) : « Labor interioris (hominis), labor scientiae ; labor exterioris, exercitium
operationis. Scientiae labor in tria dividitur, id est in laborem disciplinae, exercitii et
doctrinae. In pueritia labor disciplinae, in juventute exercitii, in senio doctrinae, ut qui
nescit, in pueritia discat ; quae didicit, in juventute ad usum ducat ; quod ad usum
ducit, in senio doceat ».

Au cours du 12e siècle, et spécialement dans la seconde moitié, s'élaborent les


linéaments de ce qui deviendra plus tard l'oraison méthodique. Mais ces données,
dans la mesure, même restreinte, où elles sont déjà une « méthode », ne sont guère
présentées sous le nom d'«°exercices » avec une insistance qui suffise à imposer ce
mot. A. le Bail, dans une étude intitulée Les exercices spirituels dans l'Ordre de
Citeaux (RAM, t. 25, 1949, = Mélanges M. Viller, p. 260-269), n'a pu citer, dans la
tradition cistercienne médiévale, que Guillaume de Saint-Thierry pour justifier ce
titre. Pierre de Celle † 1183 écrit un traité sur la mortification et la 1907 lecture, de
afflictione et lectione, publié sous le titre De triplici exercitio cellae ; mais ce titre ne
se justifie ni du point de vue des manuscrits, ni du point de vue du texte, où il est
seulement parlé, d'une manière générale, « de secundo exercitio id est de lectione in
cella » (éd. J. Leclercq, La spiritualité de Pierre de Celle, Paris, 1946, p. 233, 19 ; cf
p. 41, note 1 ; cf DS, t. 2, col. 1945). Adam Scot, prémontré devenu chartreux,
écrira, vers le début du 13e siècle, un long traité édité sous le titre De quadripertito
exercitio cellae : lui-même l'avait intitulé De quadripertito officio cellae (prologue, PL
153, 802a) ; il est vrai qu'il avait commenté ce titre comme il suit : « maxime quae illa
sint sanctae religionis exercitia… conatus sum pro posse demonstrare. Sunt autem
quatuor exercitia illa studium sacrae lectionis, maturitas defecatae meditationis,
devotio purae orationis, strenuitas utilis actionis » (ibidem). Au début du 13e siècle,
le cistercien Étienne de Sallai compose un bref traité De modo orationis et
meditationis ; c'est A. Wilmart qui lui a imposé le titre sous lequel il l'a publié : Le
triple exercice d'Étienne de Sallai (RAM, t. 11, 1930, p. 355-374 ; cf p. 357 ; voir sa
notice, DS, t. 4, col. 1521).

L'auteur qui a le plus parlé d'«°exercices spirituels », Guillaume de Saint-Thierry †


1148, n'a guère proposé de méthode d'oraison. Il garde au mot « exercices » la
signification qu'il avait reçue des mots grecs dont il était l'équivalent dans l'antiquité.
Dans l'Epistola ad Fratres de Monte Dei, il emploie exercitium dans tous les sens
que la tradition avait donnés à ce mot, quitte à en préciser, chaque fois, la
signification par le contexte ou par un qualificatif. On trouve plusieurs fois la
distinction entre les exercitia corporalia et les spiritualia, entre lesquels doit se
répartir la journée du solitaire, les premiers devant toujours être subordonnés aux
seconds, orientés vers eux (I, 22, PL 184, 322b ; 29, 326a ; 32, 328bd, avec citation
de 1 Tim. 4, 8). L'exercitium est, dans un domaine quelconque, — celui du travail, de
l'ascèse, de la prière —, toute pratique dont le résultat est de garder aux facultés
leur vigueur, et de l'accroître encore : « Rusticus duros habet nervos, fortes
lacertos : exercitatio hoc facit… Voluntas facit usum, usus exercitium, exercitium
vires in omni labore subministrat » (23, 323a). Ainsi le commençant, animalis
incipiens et Christi tirunculus, a besoin, pour être exercé à la vie intérieure, ad
exercitanda ejus interiora, de réfléchir, à l'aide de ses sens, sur les exemples que le
Seigneur a donnés par ses actes extérieurs (42, 335bc). Le progressant, rationalis,
doit accorder plus de part aux facultés spirituelles, l'intelligence et la mémoire :
« fortioribus exercitiorum studiis exercendus est » (II, 5, 342b). Toutes ces pratiques,
celles de la mortification et celles de la contemplation, parce qu'elles ont été
recommandées par saint Paul (2 Cor. 6, 4-10, et 11, 27), sont autant d'exercitia
apostolica : cette expression inclut, et le contexte le confirme, toute la vie spirituelle,
toute l'ascèse et toute la mystique (II, 6, 342cd). Jamais les mots « exercices » ou
« exercices spirituels » ne désignent une forme quelconque d'oraison méthodique.

Au 13e siècle, le bénédictin Guillaume de Saint-Martin de Tournai, dans ses Flores


S. Bernardi (c. 82), rassemblera, sous le titre De exercitio, des textes de saint
Bernard et de Guillaume de Saint-Thierry où se trouve l'expression « exercices
spirituels » (éd. S. Bernardi opera, Anvers, 1616, col. 2146) : elle n'y a que la
signification très générale marquée ci-dessus. Il faudra attendre la seconde moitié
du 13e siècle pour que, dans 1908 la tradition monastique, avec les Exercitia de
sainte Gertrude, ce mot soit appliqué à des séries d'invocations inspirées de la
liturgie et quelque peu organisées, ne serait-ce que par le thème commun que
suggère le titre de chacun de ces sept ensembles (éd. S. Certrudis Exercitia
spiritualia septem, dans Revelationes Gertrudianae ac Mechtildianæ, t. 1, Poitiers-
Paris, 1875, p. 617-720).

En somme, dans le haut moyen âge, le mot « exercice » a été conservé dans le
vocabulaire de la spiritualité, souvent avec les nuances qu'il tenait de ses origines
profanes et patristiques. Mais il n'a jamais revêtu une importance égale à celle de
termes issus de l'Écriture sainte et, en particulier, de meditatio.

Jean LECLERCQ. II. AU MOYEN AGE (EN DEHORS DE LA DEVOTIO MODERNA)

L'emploi et le sens de l'expression exercitia spiritualia demeurent au moyen âge


ceux décrits dans la période précédente. L'évolution de sens ne se manifeste, en
effet, que lentement, surtout à partir du 15e siècle.

1° Sens les plus ordinaires.

— Jusque-là, les usages du mot sont relativement restreints. On rappelle volontiers


le texte de saint Paul qui semble opposer la corporalis exercitatio à la pietas,
laquelle a la promesse de la vie présente et future (1 Tim. 4, 8). On n'oublie pas
l'expression cicéronienne, plus générale encore, sur l'utilité de s'exercer, en quelque
art que ce soit : « Si deest exercitatio, modicum vel nihil ars proficit ». Le chrétien
doit nécessairement « exercer les oeuvres de miséricorde » (exercitatio operum
misericordiae), ce qui embrasse toutes les activités charitables. D'autres formules
deviennent vite stéréotypées : la vie chrétienne est tout entière un exercice qui nous
entraîne vers la perfection de la charité. Cet exercice se concrétise en exercices
corporels et spirituels, et chaque auteur, depuis l'heureuse formule de Guillaume de
Saint-Thierry, ne manque pas de redire la nécessaire subordination des uns aux
autres. Enfin, la vie du moine se ramène toujours au quadruple exercice exposé
dans la Scala claustralium de Guigues II le chartreux : la lectio, la meditatio, l'oratio
et la contemplatio (PL 184, 475-484).

En plus de ce quadruple exercice, l'expression recouvre toute attitude intérieure et


extérieure que le chrétien peut prendre devant Dieu, encore que fréquemment on
réserve l'appellation d'exercitia corporalia aux pratiques et observances religieuses
corporelles ou extérieures, comme le jeûne, la veille, le travail manuel, etc. Ce sens
large donné aux exercitia, spiritualia ou corporalia, est constant jusqu'au 16e siècle
inclusivement.
Néanmoins, très tôt, on appliquera les mots exercitium, exercitia, à des formules ou
à un ensemble de prières centrées sur un thème dévotionnel, adressé au Seigneur,
à la Vierge, à un saint. C'est déjà le sens des Exercitia spiritualia de sainte
Gertrude ; certains livrets de dévotion au moyen âge ne sont que des exercices de
ce genre.

2° « Manières de procéder ».

— Les auteurs ont abondamment parlé de maints exercitia spiritualia : la méditation


et l'oraison, l'examen de conscience, la confession, la lecture spirituelle, la visite aux
autels et à la réserve eucharistique, et, plus tard, le rosaire. Plusieurs ont composé
des livres de méditations, où leur âme s'exprime librement en élans de foi et
d'amour.

Beaucoup d'auteurs observent que l'Esprit Saint 1909 meut l'âme et qu'il la veut
docile, passive. Beaucoup aussi n'hésitent pas à dire qu'il convient d'adopter un
certain ordre dans les lectures, les méditations, les oraisons, les examens de
conscience et en particulier dans les examens de confession. « In meditationibus
ordo servandus est », conclut Denys le chartreux, résumant la tradition médiévale
(De meditatione, art. 4, Opera, t. 41, Tournai, 1912, p. 75-77). Cet ordo signifie qu'un
sujet de méditation doit être choisi au préalable et qu'on ne peut procéder à
l'aventure dans la manière de s'acquitter de cet exercice ; les auteurs suggèrent avis
et recommandations, mettent en garde contre les déviations, les illusions, les
dangers, dans le seul but d'ailleurs de mieux disposer l'âme à la conduite de l'Esprit.
Ces « manières de procéder » se feront plus ou moins précises, elles seront plus ou
moins variées selon la diversité même des auteurs et la catégorie de leurs lecteurs.
Aussi bien, pouvons-nous parler d'«°oraison sans méthode » chez un Paul
Giustiniani, mais tout de même décrire sa « méthode qui ne connaît pas de
méthode » (cf J. Leclercq, La vie érémitique d'après la doctrine du bienheureux Paul
Giustiniani, Paris, 1955, p. 105 svv).

On a décrit déjà les « méthodes » de l'exercice de l'examen de conscience au 12e


siècle (art. EXAMEN DE CONSCIENCE, col. 1809-1814).

Sans avoir la prétention d'épuiser le sujet, donnons quelques précisions recueillies


dans les ouvrages plus importants ou plus connus de la période qui nous occupe.
Nous laisserons de côté les Vitae hagiographiques, car la recherche fructueuse faite
jusqu'au 12e siècle par L. Hertling (voir infra, bibliographie) n'a pas encore été
poursuivie. Pour les auteurs qui relèvent du courant de la Devotio moderna nous
renvoyons au chapitre qui leur est consacré (infra, col. 1923-1933).

1. Au 13e siècle.

— Il semble nécessaire de rappeler dès l'abord trois auteurs qui, s'ils n'emploient à
peu près jamais l'expression que nous recherchons, n'en ont pas moins exercé une
influence considérable sur l'ensemble des traités médiévaux qui ont parlé des
exercices spirituels : saint Edmond de Cantorbéry, Guillaume d'Auvergne et
Guillaume Peyraut. — Edmond d'Abingdon † 1240, dans son Spéculum Ecclesiae,
expose trois modes de contemplation et plus particulièrement « materiam et modum
cogitandi de Deo in sua humanitate » (ch. 27, éd. Magna bibliotheca Patrum, t. 5,
Paris, 1654, col. 785c). Pour plus de détails voir DS, t. 4, col. 293-295. — La
Rhetorica divina (Opera, Venise, 1591, p. 322-388) de Guillaume d'Auvergne †
1249, évêque de Paris, est un traité de la prière, qui offre de multiples prescriptions
pratiques et de nombreuses et très belles formules de prière. Gerson le conseillait et
l'utilisait beaucoup. Voir J. Lingenheim, L'art de prier. Essai sur la Rhétorique divine
de Guillaume d'Auvergne, Lyon, 1934. — Le Speculum religiosorum du dominicain
Guillaume Peyraut († vers 1270) a longtemps été connu sous le nom de Humbert de
Romans (Maxima bibliotheca Patrum, t. 25, Lyon, 1677). Le 6e livre (p. 732-753)
concerne la vie contemplative et les moyens qui y disposent : oratio, lectio,
meditatio, contemplatio ; la description s'appuie sur l'autorité de saint Augustin, de
saint Bernard, de Guillaume de Saint-Thierry, de Richard de Saint-Victor. Les
conseils et les méthodes du Speculum ont été mis à profit aussi bien par les moines
que par les auteurs spirituels postérieurs.

1910 1° Le chartreux Hugues de Balma, qui écrit dans la seconde moitié du siècle,
emploie volontiers, dans sa Mystica theologia, l'expression exercitium spirituale et
exercitia spiritualia. « Par oraisons secrètes et aultres exercitacions espirituelles »
(d'après une traduction française du 15e siècle, qui force un peu le sens, « tam
orationi interiori quam etiam spirituali quodam exercitio »), « celui qui aime
fidèlement doit aider les autres à parvenir à la connaissance de la vérité » (ch. 2,
part. 2, Opera S. Bonaventurae, t. 8, Paris, Vivès, 1866, p. 18). L'exercitium se
confond avec l'élan de l'âme, avec l'activité de la vie spirituelle, en laquelle chaque
faculté est tendue vers Dieu, avec la contemplation (« mens per ardentius exercitium
ad superna extenditur », ch. 3, part. 1, p. 22b ; « diuturno aspirationum ardentium
exercitio (mens) elevata », 22b ; « se exercere in osculo pedis et manus, ad osculum
oris », 21b, 22b, 27b, etc). S'il semble que ces amoris exercitia soient réservés à la
voie unitive, Hugues recommande aux « simples » et aux laïcs des industriae, qui
sont des modes de prier, des pratiques, des « méthodes » d'oraison affective et
aspirative (27b). Ces industriae, fort communes chez les auteurs spirituels
médiévaux, concernent l'attitude du corps, le lieu et le moment des exercitia
spiritualia (ch. 3, part 3). Il convient de fixer un moment pour l'oraison, hora debita et
tempore congruo, de préférence la nuit, et de remplir exactement ce temps prévu,
dont on ne s'excusera pas aisément. Il n'y a qu'un pas pour transformer ce spirituale
exercitium en « l'heure d'oraison ». La septième et dernière industrie se préoccupe
d'un « ordre stable » dans la vie spirituelle : régler le nombre des prières, des
psaumes, des hymnes à réciter, en prévoir la succession, à moins que la charité ou
l'obéissance n'y contreviennent. Cet ordonnancement (felix exercitium) en facilitera
l'habitude et l'aptitude (habilitation, consuetum exercitium ; ch. 3, part. 3, p. 39a).

2° Chez David d'Augsbourg † 1272 nous trouvons les formules « bonarum actionum
humilis exercitatio » (De exterioris et interioris hominis compositione, Quaracchi,
1899, p. 41), « corporalis exercitatio » (p. 65, 80, 87, 162, 163), « sublimia virtutum
exercitia » (p. 331). Cet exercice s'entend de la pratique des vertus, des
observances extérieures ou des exercices corporels. L'expression exercitia
spiritualia a, par contre, un sens très large : « quae vel obedientia jusserit, vel caritas
fraterna requirit, vel devotionis studio apta sint, vel cujuslibet alterius virtutis » (liv. 3,
ch. 20, p. 205). Et parmi les « sept exercices utiles au progrès spirituel » David
énumère toutes sortes d'attitudes intérieures dont seule la dernière inclut les
exercices monastiques ordinaires, méditation, lecture, attention aux biens spirituels,
contemplation (ch. 26, p. 213). Quoi qu'il en soit, l'auteur décrit les exercices de la
vie religieuse du novice, confession, messe, lecture, etc ; il indique la manière de
s'en acquitter (disciplina), et il recommande au novice qui est sur les chemins ou se
dévoue à l'hôpital de se fixer des moments pour prier et méditer (liv. 1, ch. 23, p. 31).
David expose longuement « trois modes de prier », ce qui suppose que chacun
prévoit des temps de prière et une manière de prier (liv. 3, ch. 53-59, p. 296-333) ; il
parle enfin de « prières spéciales » ou de dévotion, que certains récitent « à jours ou
heures déterminés », — il ne faut d'ailleurs pas en abuser (ch. 62, p. 337-338). Voir
DS, t. 3, col. 42-44.

3° Saint Bonaventure † 1274 n'emploie guère l'expression exercitium spirituale ou


exercitia spiritualia, mais 1911 il explique longuement l'utilisation des exercices
spirituels et en donne des méthodes. Rappelons tout d'abord un sens spécial
d'exercitium. Il est nécessaire, répète-t-il, de « s'exercer » pour passer de la science
à la sagesse ; ce passage se fait par la « sainteté » : « transitus autem est
exercitium » ; ce passage du studium scientiae au studium sapientiae par le studium
sanctitatis est une exercitatio, qui s'appuie sur le don de piété (In Hexaemeron,
Opera, t. 5, Quaracchi, 1891, p. 420-421).

Le Soliloquium de quatuor mentalibus exercitiis, destiné aux commençants, — il


emprunte beaucoup au De arrha animae de Hugues de Saint-Victor et il aura grande
influence, par exemple sur Pierre d'Ailly —, expose en quatre chapitres dialogués
entre homo et anima les quatre sortes d'exercitatio mentalis ou de mentale
exercitium. Cet « exercice mental » consiste en des considérations ou méditations :
sur soi (ad interiora sua), sur la vanité du monde (ad exteriora), sur les fins dernières
(ad inferiora) et la béatitude (ad superiora). Il s'agit d'appliquer sur tous ces points le
radius contemplationis, autrement dit, de les considérer à la lumière de Dieu (t. 8,
1898, p. 28-67).

En plus de traités et directoires spirituels à l'intention des personnes plus avancées,


tels le Lignum vitae (t. 8, p. 68-86) et la Vitis mystica (p. 159-189) qui présentent la
considération de la passion du Christ, Bonaventure a composé deux ouvrages qui
nous offrent des « exercices » spirituels méthodiques : l'Itinerarium mentis in Deum
(t. 5, p. 295-313) expose les moyens de monter jusqu'à Dieu par la speculatio de
Dieu dans ses images et en lui-même ; le De triplici via (t. 8, p. 3-18) enseigne
comment s'exercer à la meditano, à l'orario et à la contemplatio. On sait que Florent
Radewijns, dans son Tractatulus de spiritualibus exercitiis, a suivi souvent ad
litteram le De triplici via.

Dans les Memorabilia generalia, d'inspiration bonaventurienne, la garde du coeur est


rappelée ; le coeur, en effet, doit être voué « aux seuls exercices spirituels » (Opera,
t. 12, Paris, 1868, p. 206), c'est-à-dire aux seules choses d'en haut. Ces
Memorabilia disent aussi comment s'acquitter de l'examen, de l'oraison, du combat
spirituel, etc. Des sentences de Bonaventure ont été extraites de ses oeuvres
(Exercitia quaedam spiritualia, ibidem, p. 169-170) « pour occuper l'esprit », Nous y
lisons : « D'abord tu t'exerceras dans la prière avec ferveur de telle manière et en
certains temps ». Ces exercices suggèrent l'offrande des actions, des élévations ou
oraisons jaculatoires, des attitudes intérieures d'humilité, de charité, la garde des
sens, etc.
A l'article S. BONAVENTURE, É. Longpré a longuement étudié les exercices
spirituels que présente le saint docteur pour chacune des trois voies : examen de
conscience, contrition, confession fréquente, réforme de vie, fuite du péché,
fréquentation des hommes spirituels, souvenir habituel de la passion du Christ,
méditation, prière et contemplation, etc ; nous y renvoyons, t. 1, col. 1792-1815.

Le disciple et compagnon de saint Bonaventure, Bernard de Besse (DS, t. 1, col.


1504-1505), s'attache guère à l'expression exercitium ou exercitia dans son
Speculum disciplinae ad novitios, sinon pour parler à la manière de Hugues de
Saint-Victor et de David d'Augsbourg d'exercitium disciplinae (Opera S.
Bonaventurae, t. 12, Paris, 1868, p. 444), d'exercitium honorum operum, divini officii,
operis manualis ou enfin d'exercitia virtutum (p. 455, 459b, 472b, 489a).

2. Au 14e siècle.

— 1° Sans doute l'ouvrage qui nous intéresse davantage au 14e siècle est celui du
1912 franciscain Jean de Cauli (Caulibus), Meditationes vitae Christi. Composées à
la fin du 13e siècle ou au début du 14e, elles reflètent l'esprit bonaventurien, et plus
encore peut-être la pensée de saint Bernard. Le préambule, les chapitres 45 à 54 et
la conclusion donnent la clé et l'intention de l'auteur : la vie du Christ sera le thème
central et préféré inter spiritualis exercitii studia (Opéra S. Bonaveriturae, t. 12, Paris,
1868, prooemium, p. 510a) ; ces sujets de méditation et de considération « doivent
être uniquement notre occupation, notre repos, notre nourriture, notre étude » (ch.
99, p. 628b) ; répartissez ces sujets pour chaque jour de la semaine et « choisissez
une heure tranquille pour méditer » (ch. 100, p. 629a) ; vous repasserez en votre
esprit les scènes méditées, de préférence la nuit, comme le suggère saint Bernard
(ch. 36, p. 556-557 ; cf Cantica 86, PL 183, 1196b). En fait, Jean de Cauli, à la suite
des auteurs qu'il pille, entend par exercitia les exercices de la vie active et ceux de la
vie contemplative (ch. 45, p. 566a, 570b, 580b, etc), y compris l'examen de
conscience, la méditation et la contemplation, ou les diverses observances
religieuses. On sait l'influence que les Meditationes pseudo-bonaventuriennes
exerceront pendant le moyen âge et au delà ; elles contribueront, pour une part sans
doute importante, à familiariser les chrétiens à la considération régulière et
« méthodique » des scènes de la vie du Christ. Voir trad. P. Bayart, Méditations sur
la vie du Christ, Paris, 1958 ; DS, t. 1, col. 1848-1853.

C'est à la fin du 13e siècle que le bienheureux Raymond Lutte † 1315 compose son
Art de contemplation et le Livre de l'ami et de l'aimé, qui font suite à son roman
Blanquerna. Cet Art veut être une méthode de contemplation : « Comme l'art et la
manière (manera) aident en ces matières (pour élever l'âme à contempler Dieu)..,
Blanquerna fit un livre sur la contemplation par art et le divisa en douze parties… »
(prologue). Il développe les dispositions extérieures et intérieures pour contempler.
Sa « manière » est fondée sur l'activité des puissances de l'âme, au point que J. de
Guibert n'a pas hésité à y retrouver une des sources des méthodes ignatiennes (Voir
bibliographie). On n'y rencontre pas l'expression exercices spirituels.

Raoul de Biberach † 1360, autre franciscain, en chacun de ses itinéraires vers


l'éternité propose, pour entrer plus avant dans le « manoir » éternel (manerium) de
Jésus : l'exercice de l'imitation de Dieu (De septem itineribus aeternitatis, Opéra S.
Bonaventurae, t. 8, Paris, 1866, p. 402b), l'exercice de l'action extérieure (p. 408b),
l'exercice assidu de la méditation nocturne (« meditationis sedula exercitatio »,
418b), l'application des sens spirituels (« exercitatio sensuum spiritualium », 443a).
L'expression exercitia spiritualia ne semble pas avoir été retenue.

Nous ne la rencontrons pas davantage dans le Speculum virginum, anonyme de


période indéterminée (éd. M. Bernards, Cologne, 1955), mais seulement la
description classique des « spiritualis disciplinae instrumenta que sont les jeûnes,
les veilles, l'abstinence et toute autre chose semblable » (p. 134) ; ni dans le
Speculum inclusorum, d'un anonyme anglais du 14e siècle, qui se borne à rappeler
« l'exercice de la vie contemplative, qui consiste surtout en ces trois choses,
l'oraison fervente, la méditation dévote et la lecture qui édifie » (éd. L. Oliger, Rome,
1938, p. 85).

2° Richard Rolle de Hampole † 1349 semble à peu près aussi laconique. On relève
tout au plus quelques allusions à l'exercice de la prière et de l'oraison à travers 1913
son Incendium amoris (éd. M. Deanesly, Manchester, 1915) : Dieu, après la
tempête, donne la « sérénité des saints désirs » pour s'exercer virilement dans les
larmes, la méditation et l'oraison (ch. 14, p. 183 ; cf ch. 31, p. 235) ; méditation et
oraison sont comptées au nombre des exercices de la vie solitaire (ch. 20, p. 203-
204) ; « après les gémissements amers et après les exercices des oeuvres
spirituelles, l'âme est appelée à sentir la douceur de la contemplation » (spiritualium
operum exercitia, ch. 22, p. 208) ; les spiritualia charismata guident l'âme dans ces
exercices (ch. 26, p. 219), qui doivent se poursuivre pendant de longues années si
l'on veut parvenir au divin amour. On retrouve l'emploi des mêmes expressions dans
le De emendatione vitae de Richard (Paris, 1510). Pour parvenir à la contemplation,
il faut s'exercer progressivement sur différents thèmes ; autant d'états spirituels,
autant d'exercices différents et de sujets différents (ch. 8 De meditatione). La pureté
de coeur (ch. 10) s'obtient par l'exercice de la lectio, de l'oratio et de la meditatio.
C'est par une longue exercitatio spiritualium operum qu'on parvient à la
contemplation. O nobilis et mira exercitatio ! (ch. 12 De contemplatione Dei).

L'auteur anonyme du Cloud of unknowing emploie en passant l'expression


« exercices spirituels » ; il signale les trois exercices principaux, lecture, méditation,
oraison (ch. 35). L'épître de la direction intime, également anonyme, n'est guère plus
précise, bien qu'elle parle « d'exercices quotidiens » (trad. M. Noetinger, Tours,
1925, p. 386, 393, 403). Walter Hilton † 1395 traite longuement des exercices de la
méditation et de la contemplation dans The scale of perfection (éd. G. Sitwell,
Londres, 1953), à l'intention des recluses. Il emploie volontiers l'expression exterior
and interior exercices et spiritual exercices ; certes, ces exercices ne sont que des
moyens (convenient means, livre 2, ch. 19), auxquels il ne faut pas s'attacher pour
eux-mêmes et qu'il faut savoir dépasser (livre 2, ch. 19 et 21) ; ils n'en restent pas
moins nécessaires, s'ils sont utilisés avec discrétion et sagesse, dans la docilité au
Saint-Esprit.

3° II est important de faire une place à part au bienheureux Henri Suso † 1366 et
aux dominicaines des couvents rhénans. Le Livret de l'éternelle sagesse (1328) et
l'Horologium sapientiae (1334) présentent des sujets de méditations sur la passion,
qui sont de véritables exercices méthodiques : veniae, méditations sur un thème
proposé, prières vocales et oraisons jaculatoires, etc. « La méditation de toute la
passion suivant cette méthode, écrit B. Lavaud, est un des meilleurs exercices
spirituels qui se puissent concevoir » (introduction à la traduction de l'Œuvre
mystique de Henri Suso, t. 1, Paris, 1946, p. 21) ; elle sera en effet de plus en plus
commune. C'est dans l'Horologium que nous retrouvons la vieille expression du
prologue du traducteur latin de l'Historia monachorum, que le moyen âge semblait
avoir oubliée : exercitium pietatis, exercitia pietatis (éd. Denifle-Richstätter, Turin,
1929, p. 48, 267, 268). Voir supra, col. 1904.

Suso déplore l'abandon des exercices spirituels des anciens (p. 48) et insiste pour
qu'ils soient repris : « Frappe deux fois la pierre (Nombres 20, 11), c'est-à-dire par le
souvenir intérieur (Suso vient de parler de la memoria passionis) et par l'activité
corporelle : exerce-toi à la piété (cf 1 Tim. 4, 8) en étendant les mains, en levant les
yeux vers le crucifix, en te frappant la poitrine ou en faisant de dévotes génuflexions
ou d'autres semblables pratiques de piété (pietatis officia), jusqu'à ce que viennent
d'abondantes larmes… » (1e partie, ch. 14, p. 147-148).

1914 Ces nombreuses pratiques que Suso recommande étaient fort en honneur
chez les dominicaines, comme en fait foi la Chronique de Töss : veniae, exercices et
pratiques de dévotion, récitation et répétition multipliée de prières vocales,
méditation quotidienne de la passion, salutations empressées à la sainte Face, etc.
C'est bien ici le climat des Meditationes vitae Christi de Jean Cauli et des exercices
dévotionnels de sainte Gertrude. Voir art. ÉLISABETH STAGEL, DS, t. 4, col. 588-
589, et la bibliographie, notamment J. Ancelet-Hustache, La vie mystique d'un
monastère de dominicaines au moyen âge, Paris, 1928, p. 44-45, 54, 135, etc.

Les mises en garde de Jean Tauler † 1361 à propos des exercices et des pratiques
de dévotion, adressées également à des religieuses dominicaines, n'ont certes pas
diminué ces pratiques ; sans doute ont-elles aidé à les intérioriser davantage.

Le célèbre prédicateur s'en prend en réalité à ceux et à celles qui ne soupçonnent


pas qu'il leur faut dépasser « le travail extérieur, les pratiques sensibles », ou à ceux
qui ne le veulent pas, parce qu'ils y cherchent contentement, jouissance et repos. En
la présence expérimentale du Seigneur, dans l'union effective avec lui, « tombent
prières, représentations des saints, pratiques de dévotion, exercices » (Sermon pour
la septuagésime, trad. Hugueny-Théry-Corin, Sermons, t. 1, Paris, 1927, p. 215-
224 ; cf Sermon pour la veille des rameaux, p. 292 svv, où Tauler s'insurge contre
les pratiques purement extérieures ; pour le 13e dimanche après la Trinité, t. 2, p.
341-342 ; pour l'assomption, p. 371 ; sur S. Matthieu, t. 3, p. 99-100 ; pour la fête
d'un confesseur, p. 241, etc).

Tauler se moque de « ceux qui font leurs exercices d'une manière grossière et
aveugle : ils vont se coucher et s'endorment ; au matin, ils recommencent » ! Aux
autres il conseille : « Lorsque tu auras trouvé une forme de prière, qui, plus que
toute autre, te plaise et excite ta dévotion, fût-ce même la considération de tes
péchés et de tes défauts, ou quoi que ce soit, garde cette manière de prier et donne-
lui tes préférences » (Sermon du lundi avant l'ascension, t. 1, p 316-317). Tauler
insiste beaucoup sur la distinction entre « prière intérieure » et « prière extérieure » ;
il semble bien ne vouloir déconseiller ou même proscrire cette dernière que
lorsqu'elle est devenue purement machinale et « empêche le coeur de prier »
(Sermon du 5e dimanche après la Trinité, t. 2, p. 199-202).
Tauler, comme Suso, parlera de « l'exercice de la sainte passion » (Sermon du 13e
dimanche après la Trinité, t. 2, p. 336) ; il loue également « l'aimable exercice de
piété » envers le Saint-Sacrement, habituel dans les monastères rhénans (Sermon
pour l'exaltation de la croix, t. 3, p. 38, 40). L'exercice de la méditation faite après
matines, la nuit, doit porter sur la vie de Notre-Seigneur, « point par point », sur la
passion surtout, jusqu'à ce que l'on ait acquis, en écartant toute multiplicité,
l'habitude de l'exercice du recueillement sans image, dans le fond de l'âme (Sermon
du 17e dimanche après la Trinité, t. 3, p. 123-125). Tauler explique, « pour le bon
emploi de la journée », quels exercices faire et dans quel esprit : « Les pratiques
consistent en jeûnes, veilles et silence » ; « après matines, demeurez dans le choeur
environ le temps d'une messe chantée » ; suit la manière d'employer ce temps en
méditation et la recommandation de « l'exercice des saintes et adorables plaies »,
qu'il faut faire « avec application intérieure » (t. 3, p. 249-256).

Rapprochons des sermons de Tauler les Institutiones, qui sont dans l'esprit du
maître. Les exercices 1915 ne sont qu'un support vers l'union. « Tous les autres
exercices, comme la contemplation, la méditation, l'oraison, les inclinations, les
jeûnes, les veilles doivent être rapportés à cette fin qu'est l'union amoureuse avec
Dieu » (ch. 25). C'est par l'exercitium amoris, c'est-à-dire par « la considération de la
majesté divine et de sa fidélité, de notre petitesse et de notre infidélité », que nous
nous y préparons, surtout si cet exercitium est fait dans la seule vue « de l'honneur
de Dieu » (ch. 9). Hélas ! que de chrétiens se bornent à un accomplissement
machinal de pratiques et ne « se préoccupent pas plus d'union à Dieu que du sultan
d'Ègypte » (ch. 28) ! Enfin, si les continua pietatis exercitia disposent à la
contemplation (ch. 16) et s'il est bon d'avoir des règles pratiques quotidiennes,
demeure la liberté de l'Esprit : « Deum absque certo modo sequi oportet » (ch. 33).

4° La Vita Jesu Christi de Ludolphe le chartreux † 1370 évoque les Meditationes


vitae Christi de Jean Cauli. Ces deux oeuvres exercèrent une influence primordiale
sur la vie chrétienne. Ludolphe, dans sa préface, montre comment il faut chaque jour
lire et méditer la vie du Christ. La méthode proposée est celle que tous les auteurs
préconisent au moyen âge : « se rendre présent aux scènes évangéliques » pour
mieux se conformer au Christ.

Le chartreux Henri Eger de Kalkar † 1408 présente deux thèmes de méditations


méthodiques, l'un sur les péchés personnels (De via purgativa, éd. dans Opera de
Denys le chartreux, t. 42, Tournai, 1913, 625-632), l'autre sur la passion de Notre-
Seigneur (Informatio meditationis, éd. H. Lindeman, dans OGE, t. 7, 1953, p. 71-88),
sans que l'expression « exercices spirituels » y figure. Après complies, il est
recommandé de faire l'examen de conscience suivant la méthode indiquée (ibidem,
p. 72). Le De via purgativa est connu, édité, traduit, sous des titres fort divers : Scala
spiritualis exercitii, Excitatorium, Exercitatorium ad monachos, Monachale,
Cartusiense ; incipit : Volens purgari.

3. Au 15e siècle.

— 1° On a vu déjà ce que Pierre d'Ailly † 1420 entendait par exercices spirituels


(DS, t. 1, col. 259-260). Son Epitome quadruplicis exercitii spiritualis (Opuscula
spiritualia, Douai, 1634, p. 148-160) explique, en suivant pas à pas le Soliloque de
saint Bonaventure, ce que signifie l'exercitatio ou l'exercitatio mentalis, expressions
qui reviennent constamment : l'exercice mental est une méthode ordonnée à la
béatitude, à la divine contemplation. Cette méthode est simple : invocation de la
Trinité, attention au sujet jusqu'à la « refectio mentis », terme de l'exercice. L'auteur
présente les quatre sortes d'exercitia bonaventuriens : circa interiora, circa exteriora,
circa inferiora, circa superiora ; chacun d'eux comporte trois points ou
considérations. En reprenant la division classique dans son De quatuor gradibus
scalae spiritualis (ibidem, p. 140-148), Pierre d'Ailly précisait que la lectio relevait de
l'exercitium exterius et la meditatio de l'interior intellectus (p. 145). Il détaille encore
nombre de moyens et de pratiques spirituels pour arriver à l'Aimé, dans Le jardin
amoureux de l'âme dévote (édité par L. Salembier, dans Revue de Lille, t. 25, p.
115-116). E. Vansteenberghe, en attribuant en toute vraisemblance à Pierre d'Ailly
un De exercitio proficientium (dans Beiträge zur Geschichte der Philosophie und
Theologie des Mittelalters, Suppl., t. 3, Munster, 1935, p. 1238-1246), n'hésitait pas
à l'intituler Un « programme de vie » de la fin du moyen âge (p. 1231-1237) ; nous y
retrouvons les exercices spirituels, l'examen, la méditation, etc, 1916 à leur place
respective dans la vie du chrétien, mais le mot même fait défaut.

2° Dans l'oeuvre de Jean Gerson † 1429, on pourrait utilement distinguer les écrits
latins, spéculatifs ou destinés aux doctes, et les écrits français destinés aux
« simples gens » Les textes originaux français ne sont pas tous publiés ou restent
assez difficiles d'accès. A leur défaut, force est bien de recourir à l'édition d'Ellies du
Pin, rien moins que sûre (t. 3, Anvers, 1706). C'est dans les écrits latins que nous
trouvons souvent l'expression exercitia spiritualia accompagnée d'un essai de
systématisation, et d'abondants exemples ou thèmes d'exercices.

Comme ses devanciers, — et Gerson s'appuie volontiers sur saint Bernard, les
victorins, Guillaume d'Auvergne, saint Bonaventure et les pseudo-Bonaventure,
Henri Suso et bien d'autres, en même temps que sur l'expérience —, le chancelier
de Paris entend volontiers par « exercices spirituels » et « exercices corporels
tendant à la spiritualité » les veilles, les larmes, les jeûnes, les disciplines, les prières
dévotionnelles, la méditation, etc (Tractatus pro devotis simplicibus qualiter se in
suis exercitiis… debent, t. 3, col. 606a ; cf La montaigne de contemplacion, ch. 17,
éd. P. Pascal, Paris, 1943, p. 61). « S'adonner aux exercices spirituels » demande
« qu'on sache l'Écriture, qu'on ait un bon directeur, un conseiller fidèle, expert, dévot
et discret, craignant Dieu » (col. 616a) ; ces « exercices des personnes dévotes »
doivent se faire de préférence en privé (col. 698cd). Une personne occupée à des
fonctions extérieures ne pourra pas toujours vaquer aux exercices spirituels ; il lui
suffit d'offrir ses travaux pour elle et pour les autres, et de prévoir « le recours à
Dieu » « en des moments qui lui seront plus favorables » (col. 607a).

Gerson parle longuement de l'exercice de la méditation et de l'oraison (exercitatio


meditantis, De simplificatione cordis, t. 3, col. 466a). Il montre combien il est
nécessaire de passer de la lectio (« lectio, vel colloquium aut aliquod hujusmodi
exercitium ») à l'oraison du coeur ; il en expose la méthode et ajoute des thèmes
d'oraison (De mystica theologia practica, t. 3, col. 417-420), ou méditations « sub
typo columbae », en prenant soin de souligner « quoi capita… tot meditationes » ; il
se refusera toujours à imposer un « modus meditandi » (De meditatione, consid. 6, t.
3, col. 451a).
C'est ordinairement à ses soeurs que Gerson adresse des « règlements spirituels »,
tout en songeant aux chrétiens et aux chrétiennes vivant dans le monde. Il règle les
exercices de piété de la journée et de la semaine dans le Traité sur l'excellence de la
journée (éd. E. Vansteenberghe, dans Revue des sciences religieuses, t. 14, 1934,
p. 209), l'examen de conscience et les prières de dévotion dans les Neuf
considérations (ibidem, p 212-214), la confession, la lecture spirituelle, les prières
communes et privées, les heures, dans les Ordonnances ou « Avisemens » (ibidem,
p. 216-218). Il insiste sur la méditation, propose des septaines de méditations (Lettre
sur la méditation et les dévotions quotidiennes, titre de l'éditeur, ibidem, p. 382-386),
l'exercice de « procession » ou de Pèlerinage spirituel, à l'occasion du jubilé de 1400
(50 jours d'exercices pour les personnes qui ne peuvent se rendre à Rome, ibidem,
p. 389-391). Nous trouvons souvent dans les écrits spirituels de Gerson des
« modes de méditer » ou des thèmes d'oraison (vg La montaigne de contemplation,
ch. 37-41, éd. citée, p. 92-101 ; la 2e partie de La mendicité 1917 spirituelle est faite
d'« oraisons » et de « méditations », ibidem, p. 151-221) ; son mode préféré de prier
et de se tenir devant Dieu est celui du mendiant (La mendicité spirituelle). Dans le
règlement de vie composé pour Charles VII, un certain nombre d'industriae ou de
pratiques sont recommandées : lecture spirituelle à différentes heures de la journée
(un choix de livres est donné, qui comporte des livres de méditations), examen de
conscience, méditation (thèmes proposés sur les oeuvres de miséricorde spirituelle
et corporelle, etc ; Tractatus de considerationibus quas debet habere princeps, t. 3,
col. 231-234).

Les « exercices spirituels », on le voit, sont entrés dans la vie même du chrétien.
Tous les règlements de vie, toutes les « journées chrétiennes » comportent
désormais des pratiques de ce genre.

Que Louis Barbo † 1443, réformateur de la congrégation de Sainte-Justine, ait eu ou


non une influence sur la congrégation bénédictine de Valladolid et qu'il ait lui-même
été disciple de la Dévotion moderne, importent peu ici. Son Modus meditandi et
orandi est offert sous forme de septénaire, « omnibus pie in Jesu amore
exercentibus » (titre de la 1e édition, Venise, 1523). Aux moines, « un temps
déterminé est fixé pour vaquer ensemble à l'oraison mentale dans l'église » (ms, p.
143, ligne 9). Comme certains estiment cet « exercice » inusité dans l'ordre, Barbo
compose son Modus pour légitimer cet « orandi exercitium » (ibidem, ligne 12) ; il
propose trois « manières » ou méthodes de s'en acquitter. Cf DS, t. 1, col. 1245,
1426-1427, et I. Tassi, Ludovico Barbo (1381-1443), Rome, 1952, p. 143-152 ;
édition critique du Modus. Il est à noter que les Constitutions de Sainte-Justine ont
tout à fait entériné l'usage et l'obligation d'exercices spirituels (cf P. Salmon,
Ascèse.., p. 117-119 ; voir bibliographie).

3°. C'est surtout dans son De disciplina et perfectione monasticae conversationis


(Opéra, Lyon, 1628) que saint Laurent Justinien † 1455, archevêque de Venise et
réformateur des chanoines réguliers de Saint-Georges, parle abondamment des
« exercices spirituels ». Ailleurs, en particulier dans le De casto connubio Verbi et
animae (p. 200-203), il insiste volontiers sur l'exercitatio interior, les exercitia
interioris hominis, l'exercitatio interioris orationis, l'exercice de la prière continuelle
(orationis infatigabile exercitium), « l'exercice et le profit de l'oraison mentale » (titre
du chapitre 22), sur la vie spirituelle considérée comme une exercitatio spiritualis où
le studium orationis donne et protège le désir de la perfection. Il emploie aussi
l'expression interiora exercitia (De perfectionis gradibus, c. 13, p. 725c), ou rappelle
le texte de 1 Timothée 4, 8.

Le réformateur souligne, dans le De disciplina, la nécessité du combat pour être apte


aux « exercices spirituels », synonymes ici des negotia spiritualia ou même des
spiritualia Domini praelia, propres aux commençants (c. 6, p. 89 ; cf c. 10, p. 99e ;
Liber de obedientia, c. 16, p. 634 ; Lignum vitae, c. 7, p. 75d). Le De perfectionis
gradibus insiste de son côté sur les exercitia sancta virtutum du miles Christi (p.
715a, 724f, 725e ; cf De humilitate, p. 673d ; De disciplina, p. 117f, 118a).

Le chapitre 8 du De disciplina expose au novice ce qu'est l'exercitatio spiritus (p.


93f), les exercitationes des spirituels (p. 95b ; cf Lignum vitae, c. 8, p. 75d) et plus
particulièrement l'exercitium orationis ou la mentalis exercitatio (p. 120b). Il lui faut
s'exercer principalement dans la méditation de la vie et de la passion du Christ (per
diutinam exercitationem, p. 93f). Longuement saint Laurent explique l'attitude de
l'âme méditant avec ferveur les « gestes » du Sauveur (p. 93-96 ; cf Sermo in festo
Nativitatis Domini, p. 395b), sans qu'elle 1918 prenne garde aux sarcasmes
diaboliques contre ces « exercices de novices » (p. 96). Ces exercices ne
conduisent-ils pas à la contemplation ? Le chapitre 18 dit comment « monter à Dieu
par l'exercice de l'oraison » (De ascensu in Deum per orationis exercitium, titre, p.
116 ; cf Lignum vitae, c. 3, p. 72a). Saint Laurent propose une méthode d'oraison ;
cependant, conseille-t-il, que chacun trouve « son modus orandi », « sa forma
orandi ». Il énumère quelques-uns des chemins qui aident l'âme à trouver Dieu, « ut
proficiat, crescat, uniatur, liquescat » (p. 118e) : l'exercice de la présence de Dieu,
acte préliminaire et essentiel, l'éloignement des créatures, le choix du temps et du
lieu, la recherche de « ce qui nourrit et enflamme » (p. 118e), la docilité aux motions
et aux lumières divines jusqu'à « l'arrivée de l'Époux » (p. 120d). Laurent Justinien
insiste sur l'ordonnance des exercices spirituels, notamment sur l'oraison : s'en tenir
coûte que coûte à l'heure prévue, il y va du « fruit de l'oraison » (p. 121). Ne pas
oublier, après l'oraison, de « rendre grâces des grâces obtenues » (p. 121c). Les
occupations extérieures du moine doivent être entremêlées d'«°exercices spirituels
de dévotion » ; ils renouvellent l'esprit (ch. 21, p. 126f). Il ne convient d'ailleurs pas
de blâmer les uns, ou de les mépriser, au profit des autres (p. 126d).

4° On peut, à bon droit, rapprocher des règlements dressés pour les laïcs par Pierre
d'Ailly et Jean Gerson l'Opéra a ben vivere que saint Antonin de Florence † 1459
composa pour sa dirigée, Lucrèce Tornabuoni, mère de Laurent Médicis le
magnifique et grand-mère de Léon X. A juste titre, la traductrice française l'intitule
Une règle de vie au 15e siècle (Paris, 1921). Cette règle enserre, en effet, la journée
dans un étroit réseau d'exercices de piété et ressemble fort aux manuels médiévaux
composés pour les chrétiens de toute profession. L'Introduction à la vie dévote de
saint François de Sales s'avérera plus souple et moins minutieuse, mais toutes ces
« journées du chrétien » s'ingénieront à accompagner pas à pas le fidèle du lever au
coucher : prières vocales, gestes religieux, lectures et conversations spirituelles,
oraisons jaculatoires et examens de conscience, méditation, vigilance aux devoirs
domestiques, garde des sens, etc. Voir bibliographie, DS, t 1, col. 726. Le moraliste
qu'est saint Antonin n'omettra pas de rappeler l'obligation des « opéra spiritualia » le
dimanche : « prière, méditation, audition des choses divines, lecture, aumône, etc »
(Summa sacrae theologiae, 2e partie, tit. 9, ch. 7, Venise, 1582, fol. 311r).
5° C'est sans doute chez les chartreux du 15e siècle que nous rencontrons
l'évolution la plus nette sur le thème des « exercices spirituels ». Certes, Henri de
Balnea (vers 1430) dans son Speculum spiritualium (Paris, 1510) ne nous redit
guère autre chose que Guignes, Suso et Gérard Zerbolt, auxquels il emprunte sa
liste d'exercices spirituels (5e partie, ch. 7, f. 112b) et son insistance sur la passion
du Christ (il propose un septénaire, ch. 21, f. 126b-131b), Et il faut en dire à peu près
autant de Vincent d'Aggspach † 1464 qui reprend le vocabulaire et la doctrine de
Guillaume de Saint-Thierry dans son Dialogus de institutions et exercitiis cellae ;
aussi, la distinction entre exercitia corporalia et exercitia spiritualia y est-elle
constante. Voir l'analyse donnée, DS, t. 3, col. 851.

Par contre, il vaut la peine d'ouvrir le De perfectione et exercitiis sacri cartusiensis


ordinis (Cologne, 1609) de Jean Hagen de Indagine † 1475. Dès les premières
pages, l'éminent chartreux affirme, ce qu'il s'attachera à 1919 démontrer : tous « les
exercices corporels et spirituels de la chartreuse tendent à la fin de l'ordre, qui est la
perfection de la charité » (ch. 1, p. 12-13) et « la contemplation dans l'union à Dieu »
(ch. 2, p. 17 ; cf ch. 19, p. 106). L'état religieux peut d'ailleurs être considéré en son
ensemble comme « un exercice par lequel on s'exerce à cette perfection de la
charité » et les voeux de religion (p. 17 et 21) sont comme « trois exercices ou
instruments à quoi se ramène concrètement la vie religieuse » (ch. 5, p. 32). Mais le
moine en sa cellule a « des temps fixés pour ses exercices spirituels » : après
vêpres et matines, il médite et contemple en savourant les psaumes (ch. 18, p. 104).
Les statuts de l'ordre prévoient la manière de s'acquitter de la contemplation, de la
componction, de la prière et des autres exercices spirituels aux temps marqués.

La seconde partie (De nonnullis spiritualibus cartusianorum exercitiis) précise


quelques-uns de ces exercices : la pénitence ou confession générale qui se fait à
l'entrée à la Chartreuse et toute confession (ch. 1-3, p. 143-156), la correction
fraternelle (ch. 4, p. 156-164), la lecture de l'Écriture et des auteurs spirituels (ch. 5,
p. 164-169), la méditation, pour laquelle on utilise avec profit les livres sur la
passion, — c'est « un des exercices spirituels que les chartreux doivent faire très
dévotement en cellule après vêpres et pendant les veilles de nuit aux temps
marqués » (ch. 6, p. 169-174) —, l'oraison et la contemplation à laquelle disposent
les exercices corporels et spirituels (ch. 8-9, p. 174-182). Le religieux examinera
avec soin s'il profite de tous ces exercices : progrès spirituel, progrès dans la
réalisation des conseils évangéliques, respect des temps fixés, pureté d'intention
(ch. 10, p. 189-190) ; c'est ce que Jean Hagen appelle encore l'exercitium proficiendi
(p. 187). Les maîtres des novices formeront attentivement leurs sujets, car ces
exercices corporels et spirituels sont les instruments de la pureté de coeur, de la
contemplation et, en définitive, de la charité (p. 191). Le De perfectione est sans
doute un des tout premiers ouvrages qui parlent tout au long d'«°exercices
spirituels », autrement dit d'exercices de piété qui conduisent à Dieu et conçus
comme des temps fixes de prière « méthodique ». Ces exercices, « insérés
profondément dans la vie cartusienne, font d'une certaine manière partie de
l'essence de la Chartreuse ; sans eux, le nom de chartreux est un vain mot » (ch. 17,
p. 235).

Qui s'étonnerait de retrouver la doctrine de Jean Hagen dans les traités que son
confrère Denys le chartreux † 1471 consacre à la vie érémitique (De vita et fine
solitarii, De laude et commendatione vitae solitariae, etc) ? Même distinction des
exercitia corporalia (parfois corporales exercitationes) et des exercitia spiritualia,
énumération équivalente des uns et des autres, même but aussi, même
recommandation de respecter les temps marqués, même éloge des « saints
exercices de la cellule » (De laude, art. 22 titre, Opera omnia, t. 38, Tournai, 1909, p.
356) et de l'exercitium par excellence qu'est la vie solitaire (« O cella, spiritualis
exercitii mirabilis officina°», art. 32, p. 371C' ; « exercitium cellae coelique… idem
est », De vita, lib. 1, art. 26, ibidem, p. 292B). A peine relevons-nous quelques
distinctions et précisions.

Denys distingue en effet : 1) les exercices spirituels proprement dits (célébration,


récitation de l'office, etc, De laude, art. 22, p. 356C) et ceux qu'il appelle « exercices
intérieurs et intellectuels » (méditation, contemplation, louange de Dieu, exercice des
vertus théologales, etc, Enarratio in tertiam régulam 1920 S. Francisci, art. 41,
ibidem, p. 502C' ; cf De laude, art. 9, p. 337B'C') ; 2) les exercices corporels, comme
dormir, se vêtir, se nourrir, ou les jeûnes, les veilles, les abstinences, les disciplines
et tous travaux manuels (De laude et Enarratio, ibidem) ; 3) enfin, des exercices
mixtes, qui, s'ils comportent une activité extérieure, concernent néanmoins la
réforme intérieure (cilice, discipline, jeûne, abstinence, coucher sur la dure et toute
activité qui a pour but de soumettre ou de régler les sens et la partie sensitive
(ibidem). La distinction est loin d'être rigoureuse, on le voit, aussi ne sera-t-elle pas
retenue.

Denys ajoute que certains exercices, corporels et spirituels, sont communs à tous,
d'autres sont libres et surérogatoires (De vita, lib. l, art. 21, p. 286A ; De laude, art.
22, p. 356D). De toute manière, ces « moyens » (media, De laude, art. 10, p. 339)
sont « ordonnés » à « la garde du coeur » (De laude, art. 16, p. 348B), « ad pietatis
profectum », « ad virtutem » (De vita, lib. 1, art. 11, p. 276C et A'), à la purification
des facultés (De fonte lucis ac semitis vitae, art. 22, t. 41, 1912, p. 126), en définitive
à la contemplation (De vita, lib. 2, prooemium, t. 38, p. 301B) et « à
l'accomplissement du précepte de l'amour de Dieu » (De laude, art. 35, p. 377A ; cf
De vita inclusarum, art. 4, t. 38, p. 390A' ; De perfectione caritatis, art. 3, t. 41, p.
352A).

Les autres oeuvres spirituelles de Denys ne sont pas négligeables. Il parle


habituellement, au sens général du terme, de l'exercice ou des exercices de la voie
purgative (« Via purgativa est exercitium et conatus seu occupatio », De fonte, art. 3,
t. 41, p. 98C' ; cf De contemplatione, lib. 1, art. 21, t. 41, p. 157B' ; Exhortatorium
noviciorum, art. 2, t. 38, p. 529C', etc), de l'exercice et des exercices de la voie
illuminative (De fonte, art. 9, p. 106A', et, englobant les trois voies, art. 20, p. 123B' ;
cf De contemplatione, lib. 1, art. 21, p. 159A', etc ; studia spiritualia est souvent alors
employé comme synonyme) ou même du mysticae theologiae exercitium
supernaturale (De contemplatione, lib. 3, art. 11, p. 267A').

Denys insiste à maintes reprises sur l'ordre à garder dans les exercices et
notamment dans la méditation (De meditatione, art. 4, t. 41, p. 74 ; « successive ac
ordinate », dit-il des exercices de vertus, équivalant ici aux exercices spirituelles art.
7, p. 81B'). Il propose des thèmes de méditations (De meditatione, art. 4, 8, 10-12, p.
75-77, 81-88 ; De vita inclusarum, art. 16, p. 402-403, etc), une journée-type de
recluse (De vita inclusarum, art. 10, p. 396-397), de l'examen du matin à celui du
soir, etc.
Denys utilise fréquemment, et c'est sans doute l'un des premiers auteurs à le faire,
l'expression « exercices de dévotion » ou « exercices dévotionnels ». Dans le De
contemplatione, le devotionale viae purgativae exercitium englobe l'ensemble des
prières, examens, méditations et autres exercices de la voie purgative. Sur le
chemin de la contemplation une des « industries » recommandées est de ne rien
changer aux « exercices dévotionnels habituels », qu'on éprouve ou non de la
consolation (De fonte, art. 25, p. 131C'). La question est précisée dans le De
contemplatione (lib. 1, art. 24, p. 162-163) : les exercices habituels de dévotion
disposent à la contemplation ; quelle doit y être l'attitude du corps, où les faire, et, s'il
y a lassitude (« in uno aliquo devotionis seu contemplationis exercitio »), peut-on
s'employer à un autre « exercice dévotionnel » ? Quels sont en définitive ces
« exercices extérieurs et intérieurs de dévotion » ? tout simplement les exercices
spirituels déjà signalés.

6° Henri Harphius (Herp) † 1477 ne rentre guère dans ce courant des exercitia
spiritualia, l'expression est fort rare dans sa Theologia mystica (Rome, 1586). Il lui
arrive, en passant, de reprendre la distinction de 1921 Guillaume de Saint-Thierry
commentant 1 Tim. 4, 8, et d'énumérer les exercitia corporalia et les spiritualia (lib. 3,
pars 4, ch. 26, p. 774-775).

Mais si l'emploi de exercitium, exercitia, exercitatio, exercere, se exercere, est on ne


peut plus fréquent, c'est ordinairement dans un sens général : exercice de la vie
active ou contemplative ; il sert surtout à désigner les différents degrés de l'oraison,
de la vie contemplative et de l'amour unitif. Chacun des degrés d'amour décrits par
Hugues de Saint-Victor et repris par Harphius est un exercice. L'« exercice
d'aspiration ou d'amour unitif », ou l'«°exercice d'amour », est ainsi longuement
exposé en ses éléments, lesquels constituent eux-mêmes quatre autres exercices
(lib. 2, pars 3, ch. 46, p. 547-552 ; cf lib. 3, pars 3, ch. 17, p. 720-726). « Les
pratiques des exercices spirituels » de la voie purgative (lib. 2, pars 2, titre du ch. 17,
p. 494-496 ; cf ch. 14, p. 491, et pars 4, ch. 62, p. 593-594) sont elles aussi des
pratiques intérieures : la conversio ad Deum, la purification des affections aux fautes
vénielles, « les exercices continuels et les désirs aspiratifs ». Notons encore
l'exercitium aeternae vitae, qui est la méditation des fins dernières, et les exercitia
passionis dominicae, qui sont la contemplation de la passion telle que la présente
saint Bernard (ibidem, ch. 16, p. 493-494). L'exercitium pietatis n'est pas autre chose
que l'exercice du don de piété (lib. 2, pars 3, ch. 38, p. 531).

4. Conclusion.

— Il ne semble pas indispensable de prolonger cette enquête. Avec l'apport massif


des ouvrages de la Dévotion moderne, que concrétise en 1494 la publication du
Rosetum exercitiorum spiritualium de Jean Mombaer et celle de l'Exercitatorio de
Garcia de Cisneros en 1500, les livres et les méthodes sur les exercices spirituels se
multiplient.

1° En voici quelques exemples pour le 16e siècle.

Pour réédifier l'aedificium spiritualis exercitationis (homélie 19, Opera pia et


spiritualia, Mayence, 1604, p. 497b), Jean Trithème † 1516 suggère de revenir aux
« quatre instruments des exercices spirituels de la cellule » : lire, écrire ou copier
des textes, prier et méditer ; il y en a bien un cinquième, ajoute l'abbé de Spanheim,
mais il n'est guère accordé qu'à ceux dont le coeur est purifié, « être élevé à la
montagne de la contemplation du Seigneur » (homélie 6, p. 433a et b). En vérité,
« c'est la négligence des exercices spirituels qui a causé la ruine de l'institution
régulière », affirme le De triplici regione claustralium et spirituali exercitio
monachorum (préface, p. 564). Pour Trithème, chacune de ces « régions » est un
exercice, à l'intérieur duquel il en précise d'autres ; par exemple, de la triple crainte
naissent trois sortes d'exercices, l'exercice de la crainte servile, de la crainte filiale et
de la crainte chaste (2e région, art. 5, p. 594). Enfin, son Modus et forma quotidiani
exercitii monachorum formule les prières, explique les gestes extérieurs et les
attitudes intérieures du moine, depuis la recollectio du matin jusqu'à celle du soir.
Chaque démarche est prévue. La « conclusion générale de tous ces exercices
spirituels » demande qu'ils soient vécus dans « la liberté et la joie de l'Esprit » (p.
655). Un Compendium spiritualis exercitii (p. 656-660) suit le Modus (627-655), à
l'intention de ceux qui l'estimeraient inadapté à leur cas.

Le chartreux Jean-Juste Lansperge † 1539 entend par exercice un ensemble de


prières liturgiques et d'aspirations ou d'effusions du coeur centré autour d'un thème,
tel que l'expiation des péchés, l'action de grâces, la lutte contre les suggestions
démoniaques, la demande des vertus infuses, la purification, la conformité, etc. Tel
est le contenu de son « carquois » (Pharetra divini amoris, Opera omnia, t. 5,
Montreuil, 1890).

On y trouve encore des exercices de dévotion, comme ceux-ci : Exercitium ad


piissimum et fidelissimum Cor Jesu, p. 62-64, 1922 ad sacratissima vulnera, p. 64-
70, ante communionem seu missae celebrationem, p. 99-119, ou encore des prières
accompagnées de gestes extérieurs, exercitium quinquaginta veniarum seu
adorationum ad Salvatorem, p. 83-87, etc. Plusieurs autres ouvrages de Lansperge
répondent au même but, notamment ses Centum et quinquaginta theoriae, son
Epitome exercitiorum… vitae Christi ejusque Matris, ses Meditationes seu
alphabetum… ad Jesum Christum sponsum patientem, etc.

Il serait tout aussi aisé de relever chez le bénédictin Louis de Blois † 1566 un certain
nombre de « pieux exercices » : exercice « pour se mettre en présence de Dieu »
(L'institution spirituelle, ch. 10 et 11, trad. de Wisques, coll. Pax, t. 1, Paris-
Maredsous, p. 149-157), formules d'aspirations (ch. 4, p. 101-104), etc. L'abbé de
Liessies distingue communément les exercices religieux extérieurs et les exercices
spirituels proprement dits (ch. 5, p. 106-107) ; il expose la « variété des exercices »
spirituels ou de piété et des « pratiques de dévotion » dans Le miroir de l'âme (t. 2,
ch. 10, § 6, p. 86-87), lorsqu'il décrit l'exercice de recueillement (p. 76-92). Cf DS, t.
1, col. 1730-1738.

Les Exercitia theologiae mysticae seu exercitia quaedam pia… (Cologne, 1548) de
Nicolas Eschius † 1578 s'apparentent à la Dévotion moderne et à la spiritualité
ignatienne ; ils ont été longuement décrits (DS, t. 4, col. 1060-1066).

Le livret de saint Ignace de Loyola, Exercitia spiritualia, qui paraît à Rome la même
année, muni d'une bulle d'approbation de Paul III, fait entrer définitivement dans la
tradition de l'Église et dans la vie chrétienne la dénomination de plus en plus
courante d'exercices spirituels, appliqués à tous les exercices qui nous conduisent à
Dieu. L'acception traditionnelle des quatre exercices monastiques, la distinction des
exercices corporels d'avec les spirituels, l'ordonnancement de ces exercices dans la
journée des moines et des fidèles, la « méthodisation » de ces exercices
(méditation, examen, etc) proposés aux commençants et à la foule des chrétiens,
tout cela y est repris et schématisé. Voir infra, col. 1931-1933.

2° De notre enquête à travers le moyen âge se dégage, semble-t-il, une double


conclusion.

1) Tout d'abord, et le plus ordinairement, l'expression « exercices spirituels » revêt


une signification multiple. Le cas le plus typique en est précisément le vocabulaire
de saint Ignace de Loyola, qui reflète bien, sur ce point, la tradition médiévale. Dans
ses Exercitia spiritualia, l'expression est, en effet, utilisée en des acceptions
diverses : méditation, considérations, oraison, application des sens, examen,
élection ou réforme de vie, pénitence extérieure et intérieure, discernement des
esprits, docilité au directeur spirituel, docilité à l'Esprit Saint, purification des
puissances, prières vocales, « exercices » pour s'affectionner au Christ, à l'humilité,
etc.

Parallèlement à cette signification multiple, l'appellation d'exercices spirituels,


d'exercices de piété ou de dévotion, restera appliquée à quantité d'exercices dont
est tissée la vie chrétienne. Qu'il s'agisse, par exemple, d'exercice du chemin de la
croix ou d'exercices d'une neuvaine, du mois de Marie ou du rosaire, lesquels sont
composés d'un certain nombre d'« actes », de formules de prière vocale ou de
gestes, offerts à des intentions précises et que soutient la foi vive ; ou qu'il s'agisse
de la réception des sacrements (préparation à la confession, à la communion, action
de grâces, etc) ou d'exercices de prière personnelle (oraisons 1923 jaculatoires,
méditation, oraison, contemplation, examen, visite au Saint-Sacrement, etc).

2) En même temps et peu à peu, on l'a vu, l'expression « exercices spirituels » était
appliquée, sinon restreinte, à quelques exercices de piété : examen de conscience,
méditation, confession de dévotion, action de grâces après la communion, récitation
du rosaire, visite au Saint-Sacrement, etc. Des méthodes pour bien s'en acquitter
furent précisées. Il est arrivé, — comme il arrivera toujours —, que ces méthodes se
dégradent en « pratiques » !

Nous ne pouvons négliger de rappeler la liberté avec laquelle l'ensemble des


auteurs parlent des exercices spirituels et des méthodes qu'ils suggèrent. L'auteur
de l'Épître de la direction intime le dit avec humour : « Lorsque tu commenceras ta
prière, ne te mets pas en peine de sa durée, ne t'occupe pas de ce qu'elle sera ni du
nom que tu lui donneras : oraison, psaume, hymne, antienne ou toute autre prière,
prière générale ou particulière, prière mentale ou prière vocale » (trad. M. Noetinger,
Tours, 1925, p. 332). Saint Ignace redisait au fond la même chose sous une forme
plus mystique : « Sinat Creatorem cum creatura et creaturam cum suo Creatore ac
Domino immediate operari » (Exercitia, n. 15).

Les conciles provinciaux et les documents pontificaux ont entériné ce vocabulaire et


souligné l'utilité de ces exercices, comme le montre le chapitre IV. Et le 17e siècle
offrira à tous une floraison copieuse d'ouvrages d'exercices spirituels et de « journée
chrétienne », dont l'Introduction à la vie dévote (1608) demeure le type accompli, en
centrant tous ces exercices autour de l'eucharistie : « Le soleil des exercices
spirituels est le très saint, sacré et très souverain sacrifice et sacrement de la
messe » (2e partie, ch. 14).

H. Watrigant, Quelques promoteurs de la méditation méthodique au 15e siècle coll.


Bibliothèque des Exercices 59, Enghien (Belgique), 1919. — J. de Guibert, La
« méthode des trois puissances » et l'Art de contemplation de Raymond Lull, RAM, t.
6, 1925, p. 367-378. — L. von Hertling, De usu nominis exercitiorum spiritualium
ante S. P. Ignatium, dans Archivum historicum Societatis Jesu, t. 2, 1933, p. 316-
318. — J.-F. Bonnefoy, Une somme bonaventurienne de théologie mystique : le
« De triplici via », Paris, 1934, p. 21-42 Les exercices spirituels ; p. 119-150.
L'influence, la méditation méthodique. — Optat de Veghel, De oefening van het
inwendig gebed in de Minderbroedersorde gedurende de 15e en 16e eeuw, OGE, t.
21, 1947, p. 113-160. — P. Salmon, L'ascèse monastique et la spiritualité, VSS, n.
29, mai 1954, p. 195-240 : l'auteur parle des exercices spirituels en étudiant « la
séparation entre vie parfaite et vie religieuse » au moyen âge ; Aux origines de la
congrégation de Saint-Maur. Ascèse monastique et exercices spirituels dans les
Constitutions de 1646, dans Revue d'histoire de l'Église de France, t. 43, 1957, p.
101-123.

Voir les articles ASCÈSE, CONTEMPLATION, EXAMEN DE CONSCIENCE,


MÉDITATION, RETRAITE SPIRITUELLE, ETC.

André RAYEZ. III. DE JEAN RUYSBROECK A SAINT IGNAGE

Dans les milieux de la Dévotion moderne et en relation avec elle, au cours de la


période qui va de Ruysbroeck † 1381 aux débuts du 16e siècle, l'expression
« exercices spirituels » connaîtra une fortune croissante et prendra un sens plus
précis, sans évincer pour autant les termes de meditatio et de contemplatio. Il ne
s'agit pas d'une évolution rectiligne, comme on pourra s'en convaincre en relevant ce
terme dans les écrivains les 1924 plus significatifs, et dans certains des maîtres
étrangers à cette école mais dont elle a subi l'influence.

1. Jean Ruysbroeck † 1381 n'appartient pas à la Dévotion moderne, on le vénère


mais on ne le suit guère.

Il emploie quelquefois le mot exercice (oefeninghe, ufeninghe) tour à tour dans le


domaine ascétique et dans le domaine mystique. Dans Van VII trappen, il parle de
« la substance divine » qui est au-dessus de tout exercice de vertu (boven alle
ufeninghe van doegden). C'est pourquoi, ajoute-t-il, « nous devons aimer à regarder
Dieu en nous exerçant dans les images, les formes et les ressemblances divines…
L'Esprit de Dieu nous enseigne trois modes d'exercices (III wisen van ufeninghen) ».
Il s'agit d'exercices progressifs de prière et de méditation que l'auteur décrit en détail
(Ruusbroec Werken, éd. Ruusbroec-Genootschap, Malines-Amsterdam, t. 3, 1932,
p. 239 svv ; trad. des bénédictins, t. 1, 3e éd., Bruxelles, 1937, p. 250-251). Mais
dans l'Ornement des noces spirituelles, vers la fin du livre 2, quand l'âme a traversé
les purifications passives et qu'elle est engagée dans les voies mystiques, il est
encore question d'exercices :
« La vie la plus intime est exercée selon trois modes (Die innichste leven wordt
beufent in (drien) manieren)… Le premier mode est tout d'oisiveté, car il rend
l'homme oisif vis-à-vis de toute chose et l'élève au-dessus des oeuvres et au-dessus
de toute vertu. Il l'unit à Dieu et donne aux exercices les plus intimes qu'on puisse
pratiquer fermeté et stabilité (eene vaste ghestadicheit der innischster
oefeninghen) » (t. 1, p. 223-224 ; voir aussi p. 226 et 227 ; trad. t. 3, 2e éd., 1928,
livre 2, ch. 71, 72, 73, p. 190 svv).

On voit qu'ici le terme ne désigne plus une activité de méditation mais des
phénomènes proprement mystiques.

2. Origine et premiers développements de la Dévotion moderne. — 1° Gérard


Groote (1340-1384) est le « père de la Dévotion moderne ». Il a laissé peu d'écrits
spirituels, des traductions de Ruysbroeck et d'autres, des lettres (éd. W. Mulder,
Gerardi magni epistolae, Anvers, 1933) et un Tractatus de quattuor generibus
meditationum sive contemplationum (éd. A. Hyma, dans Archief voor de
geschiedenis van het aartsbisdom Utrecht, t. 69, 1924, p. 296-326). On ne découvre
le mot exercices que dans sa lettre, en thiois, à une recluse, où il parle de ses
exercices qui consistent à prier, jeûner et autres bonnes oeuvres, « oefeninghe van
lezen vasten en andere goede werken » (lettre 68, p. 266), et à un chartreux :
« omne exercitium legendo et vigilando et orando » (lettre 70, p. 287). Quand il traite
de la méditation et de ses méthodes, il n'use pas du mot exercitium, pas davantage
dans ses Conclusa et proposita non vota (dans Thomas a Kempis, Opera, éd. M. J.
Pohl, t. 7, Friboupg-en-Brisgau, 1922, p. 87-109). Il en sera tout autrement parmi ses
disciples.

2° Florent Radewijns (vers 1350-1400), exécuteur des projets de Gérard Groote,


devient le vrai maître de la Dévotion moderne. Sous sa plume ou sur ses lèvres
revient quelquefois la mention d'exercices-, il les veut quotidiens et même
déterminés d'heure en heure. « Singulis horis describe tua singula exercitia », dit-il
en s'inspirant de la « Lettre d'Or » de Guillaume de Saint-Thierry (dans Thomas a
Kempis, ibidem, p. 197). Qu'on les choisisse selon les avis d'un sage conseiller
(« De discussione exercitiorum cum aliquo experto », dans De extirpatione vitiorum
et acquisitione verarum 1925 virtutum, inc. Multurn valet ; éd. J.-F. Vregt, dans
Archief voor de… Utrecht, t. 10, 1882, p. 420). S'il emploie le mot exercices au sens
d'application des facultés intellectuelles à un thème donné, il lui accole rarement le
qualificatif spirituels. Ses méthodes, ses conseils, ses modestes écrits ont été
développés et systématiquement organisés par son disciple et collaborateur, Gérard
Zerbolt.

3° Gérard Zerbolt de Zutphen † 1398, frère de la Vie commune, a laissé deux traités
spirituels, De reformatione virium animae (Homo quidam) et De spiritualibus
ascensionibus (Beatus vir), présentations successives du même système spirituel ;
le second, mieux élaboré, nous suffira. C'est un exposé méthodique et complet du
progrès spirituel de l'âme, depuis l'état de péché jusqu'au retour à l'innocence
originelle antérieure au péché et jusqu'au sommet de l'oraison, celui-ci étant décrit
non d'après Ruysbroeck et sa mystique trinitaire, mais d'après saint Augustin cité
tout au long dans un passage des Confessions. A cette contemplation « per
speculum in aenigmate » on arrive par l'humanité du Christ (c. 45). Le progrès de
l'âme se fait en trois ascensions successives au moyen d'exercices savamment
gradués. « Ascensiones in corde debes disponere : modum et exercitia quibus te vis
in anteriora extendere » (c. 1). Il faut combiner « opera et exercitia » suivant les avis
d'un guide expérimenté (c. 9 et 51). Gérard fournit le plan, le mode et la matière des
exercices. Place est faite aux « exercitationes corporales », mais secondaire et
subordonnée. Quant aux exercices spirituels, à défaut d'une définition précise, voici
une description : « Sunt autem tria ista : lectio, meditatio, oratio. His tribus innititur et
perficitur omne spirituale exercitium » (c. 43). Il y faut inclure l'examen de
conscience, dont la méthode est décrite en trois degrés, le dernier étant à peu près
ce qu'on appellera plus tard l'examen particulier. Pour tous ces exercices, l'auteur
fournit des thèmes gradués et détaillés : péché, fins dernières, bienfaits de Dieu,
vertus et vices, plus abondamment sur la vie et la passion du Christ. Notons la
distribution septénaire des « particules » de la passion du Christ, adaptée par
Florent Radewijns aux sept jours de la semaine. Il attire l'attention, éveille la
réflexion, provoque les affections, ponctuant ses aperçus ramassés de cogita..,
attende.., mirare.., et autres rappels du même genre répétés presque à chaque
ligne. Il s'agit donc bien d'une méthode d'oraison attentive et appliquée. Par les
précisions, l'ampleur, la gradation qu'il apporte, Gérard Zerbolt marque une étape
dans l'évolution du terme.

4°Les Frères de la vie commune, formés par maître Florent, s'adonnent avec zèle
aux « exercices ». Les statuts de la maison de Zwolle rangent sous ce terme tous
les moyens de perfection : prière, méditation, lecture, travail des mains, veilles et
jeûnes, les « exercitationes » (entendons mortifications et humiliations imposées) et,
reprenant la formule de David d'Augsbourg, « composition de l'homme extérieur et
intérieur », pour arriver « directa via ad caritatem Dei, ad gustum aeternae
Sapientiae » (Jacobus Traiecti, Narratio de inchoatione domus clericorum in Zwollis,
éd. M. Schoengen, Amsterdam, 1908, p. 241). Dans ses Dialogues des novices,
Thomas a Kempis a reproduit des extraits des Exercices de Lubbertus Berneri et de
Jean Kessel, le cuisinier, décédés l'un et l'autre en 1398 (Opera, t. 7, p. 260-267 et
303). Nous trouvons des consignes qu'ils se donnent à eux-mêmes et des dévots
exercices assignés aux différentes 1926 heures de la journée. Gerlac Peters † 1411,
vrai mystique dans le sillage de Ruysbroeck, avait rédigé pour lui-même un
Breviloquium pro danda occasione spiritualis exercitii, qui est lui aussi un livret de
résolutions ascétiques. On constate donc que le mot continue de s'employer en des
sens généraux.

5° Jean vos de Heusden † 1424, premier prieur supérieur du chapitre de


Windesheim, a publié une Epistola de vita et passione domini nostri Jesu Christi et
aliis devotis exercitiis secundum quae fratres et laici in Windesem se soient
exercere. Il n'en est pas l'auteur, l'original est thiois, il l'a traduit ou fait traduire en
latin, l'appuyant de son autorité. L'original a été édité par C. C. de Bruin (dans
Nederlandsch archief voor Kerkgeschiedenis, nouv. série, t. 34, 1943, p. 1-23) et
Jean Busch l'a inséré dans son Chronicon Windeshemense (éd. K. Grube, Halle,
1886, p. 226-244). Il blâme d'abord ce qu'il appelle l'« inexercitatio » des religieux
« qui ad omnia exercitia attediari incipiunt » (p. 227). Nous trouvons le terme sous
différentes formes : « ubi Deus non exercetur » ; « vitam Domini nostri Jesu Christi…
exercere » (p. 228). Il fournit « aliquam… regulam bonorum exercitiorum… quae
sancti viri et homines bene exercitati mihi reliquerunt » (p. 229). Cette règle ou
méthode consiste principalement à distribuer de jour en jour de la semaine des
points déterminés, trois pour chaque jour, matin, après-midi et soir. Et pour finir il
renvoie au Beatur vir de Gérard Zerbolt ; « juxta hunc modum fratres devotarum
congregationum se soient exercere » (il s'agit des frères de la Vie commune). Il n'y a
pas chez lui d'ordonnancement progressif, il souhaite que cette pratique des
septénaires prépare à la communion hebdomadaire.

6° Jean de Schoonhoven † 1432, sous-prieur de Groenendael, autre figure de


premier plan dans le chapitre de Windesheim, écrivain abondant sinon original, a sa
place dans l'histoire des exercices. Il nous intéresse surtout par son Epistola contra
errores cujusdam prioris, restée inédite (Bruxelles, bibliothèque royale, ms 15129, f.
160v-162v). Parmi les erreurs qu'il relève, la seconde est ainsi formulée : « Quod
subditos tuos non permittis devotioni vel spirituali exercitio aut contemplationi
vacare ; sed ab hujusmodi exercitiis eos retrahis : et eos corporalibus
exercitationibus solum intendere compellis ». Ce qui nous vaudra des précisions et
des arguments éclairants. Il lui oppose le texte de 1 Tim. 4, 7 et 8 : « Exerce te ad
pietatem.., nam corporalis exercitatio ad modicum utilis est ; quia, sicut dicit ibidem
Ambrosius (= Ambrosiaster, PL 17, 474a), jejunare, vigilare, laborare non prodest,
nisi addatur pietas ». Il reconnaît que les « domestici Dei » doivent être comme ceux
de la femme forte, « vestiti duplicibus », mais il faut préférer l'exercice spirituel.
« Quis enim nesciat exercitia spiritualia praevalere exercitationibus corporalibus ;
sicut praevalet spiritus corpori et lex spiritualis legi carnali ». Jean de Schoonhoven
cite à l'appui les règles de saint Augustin et de saint François, la « Lettre d'Or » et un
sermon de saint Bernard sur l'assomption : « Non sola inveniatur in nobis exercitatio
corporalis ad modicum valens : sed inveniatur utilis ad omnia pietas et exercitium
spirituale » (PL 183, 420b).

On remarquera la tendance à désigner du terme exercitium de préférence les


exercices directement spirituels ; parlant d'exercice corporel on dira plutôt, comme
saint Bernard dans le texte allégué, exercitatio.

1927 Deux méthodes anonymes s'inspirent, sinon de l'Epistola de Vos de Heusden,


du moins des mêmes principes.

7° La Formula spiritualium exercitiorum seu meditationum pro noviciis in religione


instruendis (ms 15e siècle, 91 folios, Chantilly, bibl. des jésuites) tient à la fois, dans
son dessein général, de l'Epistola et du Beatus vir de Gérard Zerbolt. Dans le cadre
de la journée régulière, elle range, en trois parties, un ensemble coordonné
d'exercices spirituels, méditations, examens détaillés, recommandations ascétiques
(celles-ci dans la dernière partie), mais tout est présenté en forme de thèmes à
méditer. Chose remarquable, la Formula n'accorde presque pas de place à
l'exercitatio corporalis.

De la Formula un petit ouvrage se rapproche, intitulé Generalis modus formandi


meditationes de regno coelorum ad habendam compunctionem et desiderium ad
ipsum obtinendum (éd. V. Becker dans De Katholiek, nouv. série, t. 19, 1884, p. 40-
47 et 101-116), rédigé au 15e siècle dans l'esprit de Windesheim. Il donne plus qu'il
ne promet, fournissant des thèmes à méditer chaque jour de la semaine, sans
omettre, le vendredi, des « particules » sur les épisodes de la passion. Il ne s'agit
que de méditations, de réflexions dirigées : « cogita.., verte oculum.., nota… Debes
tenere hunc modum et talem affectum formare ». Il conseille encore : « Oportet
longo tempore in his exercitiis immorari ». Voici le mot entendu ici uniquement
d'activités spirituelles.

3. De Thomas a Kempis à Jean Mombaer. — 1° Thomas a Kempis † 1471, fidèle


disciple, lui aussi, de Florent Radewijns, mais combien supérieur à son maître bien-
aimé, n'a pas manqué de parler d'exercices spirituels. Bornons-nous aux oeuvres
qu'il a rassemblées dans son manuscrit autographe (éd. L.-M.-J. Delaissé, Bruxelles,
1956, ou éd. M.J. Pohl, t. 2, 1904), trois exposés concentriques qui se complètent
les uns les autres. Au livre 1 de l'Imitation (composé de 1420 à 1424) le ch. 19, « De
exercitiis boni religiosi », apporte l'écho des enseignements de Florent Radewijns,
de Gérard Zerbolt et de Jean de Schoonhoven. Il s'agit de la résolution à renouveler
chaque jour : « Omni die renovare debemus propositum nostrum » (v. 3), consigne
puisée dans une exhortation de Florent qu'il recopiera dans la Vita du même (éd.
Pohl, t. 7, p. 173). Il recommande la fidélité aux exercices : une légère omission ne
va pas sans dommage (v. 7). Deux exercices sont particulièrement nécessaires :
renouveler le matin ses résolutions et le soir examiner sa conduite (v. 15-16). Les
exercices ordinaires sont : lire, écrire, prier, méditer, travailler pour la communauté
(v. 18). Quels exercices préférer ? les spirituels, et d'abord ceux de communauté.
Quant aux exercices, que chacun assume à part soi à ses moments libres, grande
liberté est laissée selon l'utilité de chacun, selon le cours des fêtes ou les variations
de la vie intérieure (v. 20-29 ; cf aussi livre 1, ch. 20, 23). Au chapitre suivant,
l'exercice sur la vie et la passion du Seigneur est mis au premier plan. On y trouve
en abondance tout l'utile et le nécessaire, point n'est besoin de chercher mieux (ch.
20, 27-28). D'autre part, les formes exercitatio, exercitari s'entendent des épreuves,
contradictions, humiliations et peines qu'il faut supporter dans le progrès spirituel
(livre 2, ch. 9, 30 ; ch. 12, 19 ; livre 3, ch. 12, 4 ; ch. 19, 4 ; ch. 30, 35 ; ch. 49, 14).

Ce sommaire est détaillé par Thomas a Kempis dans les douze chapitres du Libellus
spiritualis exercitii (avant 1441 ; éd. Delaissé, p. 465-488 ; éd. Pohl, t. 2, p. 329-355).
Au début, cette déclaration : « C'est la coutume chez les bons religieux d'avoir des
exercices dévots pour s'exciter chaque jour au progrès 1928 spirituel et à l'amour de
la vertu » (ch. 1, 2). Telle est la fin des exercices. Thomas ne distingue plus ici,
comme faisaient Gérard Zerbolt et d'autres en s'inspirant de la « Lettre d'Or » et des
Pères, le scopos et la fin, la pureté du coeur et la charité ; lui-même le fera plus loin.

En quoi consistent ces exercices, le chapitre 1 le décrit rapidement : veiller sur ses
pensées et ses mouvements intérieurs, lutter contre la dissipation du coeur par la
prière, la lecture, la méditation (v. 5), noter progrès ou reculs dans un « libellus » (v.
14). Relevons encore ce conseil : « Chaque jour, insère dans tes exercices un article
sur la passion du Christ » (ch. 4, v. 54).

L'opus 13 et dernier de l'autographe, Brevis admonitio spiritualis exercitii (éd.


Delaissé, p. 539-548 ; éd. Pohl, t. 2, p. 421-432), marque l'importance que Thomas,
d'accord avec son milieu, reconnaissait aux exercices. Il s'exprime ici d'une façon
plus brève, comme l'annonce le titre. « L'homme progresse peu à peu, et cela par
les exercices quotidiens » (v. 2). Il ajoute aussitôt, indiquant en quoi ils consistent :
« Trois choses sont nécessaires au religieux.. : la prière, la lecture et le travail. C'est
en cela qu'il doit s'exercer chaque jour ». Le travail prend place parmi les exercices
spirituels dans la conception de Thomas a Kempis, parce qu'il est bon au corps et
utile à l'esprit, qu'il doit être pénétré de prière et d'oraison. Aussi bien, a-t-il sa place
dans l'office du choeur, dans les attitudes, les gestes et le chant (De operatione ; De
choro). Après de brèves et impérieuses recommandations sur chacun de ces
exercices, il en vient à la fin qu'il faut poursuivre : « Ad quid omnia exercitia ».
Relevons sa réponse : tous doivent tendre à vaincre les passions, à mortifier la
volonté propre, au mépris du monde et à l'amour de Dieu, à rabattre la chair et
élever l'âme ; qu'enfin par l'apaisement des convoitisés on arrive à posséder la
pureté du coeur et la tranquillité de l'esprit. L'amour de Dieu est curieusement placé
avant la pureté du coeur, contrairement à l'ordre généralement adopté. On voit que
Thomas n'a pas grand souci des distinctions tranchées. Toute la vie religieuse dans
ses activités diverses est une par principe intérieur.

2° Jean Busch, † après 1479 (cf DS, t. 1, col. 1983-1984), ami personnel de Thomas
a Kempis, mérite une mention. Grand réformateur de monastères, il a répandu en
différentes régions de Germanie les principes et les pratiques de Windesheim.
Quelques-unes de ses lettres ont été éditées où il propose des méthodes et des
exercices, telle son Epistola ad priorem augustinentium Magdeburg de diversis
exercitiis (éd. D. J. M, Wüstenhoff, De kleinere geschriften van Johannes Busch,
Gand-La Haye, 1890, p. 77-80) sur les « exercitia intellectum et affectum fratrum
juniorum ad cognitionem et amorem Dei incitantia », et celle qu'il adresse à un
chanoine de Windesheim, Guillaume (p. 73-77). Dans l'une et l'autre nous trouvons
des thèmes gradués de méditation ; il recommande spécialement « certa exercitia »
sur la vie et les mystères du Christ. De lui-même il raconte qu'il avait chaque jour
des exercices spéciaux, deux ou trois « fercula » ; si l'un ne lui plaisait pas, il pouvait
en prendre un autre (De reformatione monasteriorum, lib. 1, c. 2, éd. K. Grube, p.
397).

3° Wessel Gansfort † 1489, théologien aventureux, fréquenta le monastère


d'Agnietenberg en deux périodes de sa vie ; dans son adolescence il connut Thomas
a Kempis, dans sa vieillesse Jean Mombaer, dont il loua les oeuvres, spécialement
le Chiropsalterium (Opera, 1929 Groningue, 1614, p. 328) ; Mombaer lui emprunta
sa Scala meditationis. A ces titres, Wessel Gansfort se rattache quelque peu à la
Dévotion moderne. Il a longuement traité des sujets chers aux contemplatifs de
Windesheim : De oratione, en onze livres (p. 1-185), Tractatus de cohibendis
cogitationibus et de modo constituendarum meditationum, intitulé aussi Scala
meditationis, en quatre livres que suivent trois exemples (p. 193-408) ; il ajouta
d'autres traités sur les causes de l'incarnation, de la passion et de l'eucharistie. Sur
tous ces thèmes il fournit des considérations et des méthodes, des points et des
échelles, bref des exercices variés et progressifs, sans que lui-même emploie ce
terme, sinon une fois, quoiqu'il l'ait entendu souvent au Mont-Sainte-Agnès et
ailleurs. Il enseigne que rien ne fixe l'esprit et n'empêche ses divagations comme
l'amour ou, à son défaut, l'emploi d'une échelle des exercices, par quoi on peut
accéder à l'amour « per scalam exercitiorum » (Scala, lib. 1, c. 14, p. 213).

Cette échelle n'est pas une « scala realis » où l'ordre des concepts suit l'ordre réel
des choses (lib. 3, c. 9, p. 280). « Mon échelle rationnelle (scala autem rationalis
mea) l'emporte sur tous les autres instruments, puisqu'elle les comprend tous. Elle
est dite rationnelle ou intérieure parce que tous ses degrés sont en nous » (lib. 4, c.
1, p. 281), c'est-à-dire qu'elle invite à une succession d'actes des trois facultés,
mémoire, intelligence et volonté, en quinze degrés, non compris les actes
préparatoires et de conclusion. « A qui s'exerce à cette échelle (exercitanti se in
scala), Dieu donnera de savourer combien il est doux » (c. 3, p. 282). Cette échelle
aura des partisans chaleureux parmi les derniers représentants de la Dévotion
moderne (cf P. Debongnie, Jean Mombaer, Louvain, 1928, ch. 10, p. 206-226).

4° Jean Mombaer (Mauburnus) † 1501, de Bruxelles, profès d'Agnietenberg, fut


envoyé en France pour réformer des monastères de chanoines réguliers. Sa réforme
ne consistait pas seulement à rétablir la pauvreté et la régularité mais bien
davantage à introduire, en des milieux qui pratiquement les ignoraient, l'estime et
l'usage des exercices spirituels. Il en avait amassé pour son usage personnel,
prenant de toute main ; il les mettait en forme rigoureuse et les étayait de vers
mnémoniques. Une édition partielle en fut faite dès 1491, sous le titre : Exercitia
utilissima pro horis solvendis et sacra communione cum considerationibus variis de
vita et passione domini et sacramento eucharistie (Zwolle, P. de Os). Dès 1494
l'ouvrage parut à peu près complet sous le titre imagé Rosetum exercitiorum
spiritualium et sacrarum meditationum (ibidem).

Arrivé en France, l'auteur prépara une nouvelle édition pour laquelle il rédigea une
introduction générale, Invitatorium ad exercitia pietatis (tit. 1, Paris, 1510). C'est une
dissertation fortement charpentée en quinze corollaires suivis d'une série
d'objections avec leurs réfutations. Il s'agit de démontrer l'excellence et le primat des
exercices spirituels sur tous les autres exercitia ou exercitationes. Les deux mots
sont pris à peu près indifféremment. La pièce centrale est empruntée à saint
Bonaventure qui distingue quatre « religiosorum exercitia » et les range dans l'ordre
de valeur décroissante :

« Primum et praecipuum est studium immaterialis orationis exercitiumque internae et


spiritualis contemplationis.. ; secundum locum… exercitia corporis, quae tamen
connectuntur exercitio mentis », comme le chant de l'office et les prières vocales, en
notant que ce qui est prescrit l'emporte toujours, par le fait même, sur tout le reste ;
« tertium gradum… exercitia studii sanctarum scripturarum, lectio librorum
devotorum.. ; quartum 1930 et ultimum locum tenet sibi exercitium operis mechanici
et manualis » (correl. 4, Milan, 1603, p. 4).

Parmi les « exercitationes » de la vie religieuse, la meilleure est celle qui est plus
enracinée dans la charité et qui enflamme davantage le coeur (affectus), mais elle le
sera dans la mesure même où elle se fonde sur des « vivis conceptibus
intellectualibus » (correl. 5 et 6, p. 5-7). C'est à quoi est destiné tout le gros ouvrage
« pro administranda materia et exercitationis occasione » (tit. 39 (38) :
Phylocaumarium, prologue, p. 724).

L'Eruditorium exercitiorum (tit. 2 (1) de l'éd. princeps) s'ouvre par cette profession de
foi : le manque de toute « exercitatio » et la décadence de la religion proviennent du
manque de formation première, c'est-à-dire que les jeunes religieux ne sont pas
formés aux exercices intérieurs, à la prière mentale et à la dévotion. Ils se contentent
des observances extérieures. Ce n'est pas en cela que consiste le règne de Dieu ni
la perfection, c'est dans les exercices intérieurs qu'elle réside (Milan, 1603, p. 29-
30). La célébration de l'office divin ne suffit pas à elle-même, il y faut joindre
l'exercice intérieur ; c'est pourquoi Jean Mombaer a composé l'« exercitii modus, cui
nomen est chyropsalterium » (tit. 5 (4), p. 163). Pour la communion aussi il est
expédient d'avoir un « manuale quoddam exercitium » ; et voici un exercice en forme
d'échelles, « scalare quoddam exercitium », où l'on pourra faire un choix et s'exercer
(tit. 6 (5), p. 199).

Qui se décide à lutter sérieusement contre ses vices s'y exercera assidûment au
moyen des septaines, « jugiter exercendum septenas » (tit. 18 (17) : Destructorium
vitiorum, c. 4, p. 385), en s'appliquant méthodiquement de jour en jour de la semaine
et d'heure en heure de l'office, par l'exercice de la mémoire, de la méditation et de la
prière, contre les sept péchés capitaux.

Quant à la méditation, pour qu'elle soit salutaire, il y faut fixer son esprit à des
« points déterminés ». « De punctis determinatis necessariis meditanti » (tit. 20 (19) :
Meditatorium, c. 4, § 2, p. 416). Le Rosetum les présente sous deux formes, les
rosaires et l'Échelle de méditation empruntée telle quelle à Wessel Gansfort. Il s'en
explique.

Pourquoi des rosaires, c'est-à-dire des points disposés en cinq dizains ? Pour qu'on
puisse s'y exercer de façon plus assidue, « crebrius in his exercitaremur » (ibidem) ;
si on répugne à méditer ces points, que du moins on les récite en manière de rosaire
avec des Ave et que par ce moyen on se dispose à la méditation. « O heureuse
pratique, ô exercitation sacrée ! » (ibidem, p. 417). « Ah, rendons hommage à Marie
au moyen de ce petit exercice, hoc exercitiolo » (tit. 24 : De Virgine Matre, c. 3, p.
551). L'Échelle de méditation « se recommande principalement par ceci qu'elle
comprend et réunit presque tous les exercices des saints répandus dans l'Écriture.. ;
qui s'applique à ce seul exercice rassemble tous les genres d'exercices » (tit. 20
(19) : Scala meditatoria, c. 1, p. 419).

Par ces textes cueillis çà et là et par tout l'ensemble du Rosetum, dernier ouvrage
important qu'ait produit la Dévotion moderne, il apparaît bien que par l'estime
croissante et dominante des exercices de la vie intérieure qui animent toute la
journée, toute la semaine, toute l'année du moine, on en vient à resserrer à peu près
complètement le mot exercice, même sans qualificatif, au sens d'exercice spirituel,
de prière réglée, de méditation méthodique sur des thèmes ou « points » déterminés
d'avance. Notons cependant que le Rosetum maintient la liberté pour l'âme
intérieure de s'affranchir 1931 de la méthode quand le souffle de l'Esprit l'attire en
d'autres directions (c. 8, p. 428-429). Cf P. Debongnie, Jean Mombaer, cité plus
haut.

4. Garcia Jiménez de Cisneros † 1510, abbé de Montserrat, est un propagateur des


exercices selon la méthode du Rosetum. A l'usage de ses moines il publia en 1500
sur les presses de son monastère, en édition espagnole et latine, deux opuscules
qu'il voulut anonymes, Exercitatorio de la vida espiritual, Exercitatorium vitae
spiritualis, et le Directorio de las horas canonicas, Directorium horarum
canonicarum, maintes fois réédités. L'auteur ne se piquait pas d'originalité et se
bornait à reproduire des sections choisies du Rosetum en y insérant des extraits
d'autres oeuvres ou des prières de son cru. L'un et l'autre ouvrage fournissent des
exercices spirituels pour la méditation à ses différents degrés et pour la récitation de
l'office du choeur. « Dans ce livre, lit-on au prologue, nous traiterons de la manière
que l'« exercitador » et l'homme dévot emploieront pour s'exercer, « exercitar »,
selon les trois voies qu'on appelle purgative, illuminative et unitive, et comment, par
des exercices nettement déterminés, « ciertos y determinados », dans l'ordre des
jours de la semaine, en méditant, priant et en contemplant il pourra monter de façon
méthodique et atteindre la fin qu'il désire, qui est d'unir son âme à Dieu ». La fin
absolue est l'amour sans mesure de Dieu et la pureté du coeur, les exercices en
sont les moyens, à employer avec discrétion (ch. 4).

Les ch. 2 à 9, résumant l'Invitatorium ad exercitia pietatis (tit. 1) du Rosetum,


enseignent la nécessité des exercices spirituels et leur fécondité, à condition qu'ils
soient précis et déterminés, réguliers et persévérants. Au ch. 21, qui introduit de la
voie purgative à la voie illuminative, l'auteur donne une méthode détaillée d'examen
de conscience, qui prend place ainsi parmi les exercices, à côté de la méditation, de
la prière et de la contemplation. Négligeant la lecture, il ajoute à la « partie unitive »
une « partie contemplative », où il traite avec insistance des excellences des divers
modes de contemplation jusqu'aux degrés infus et de l'amour divin. En conclusion
de nombreux « points », Cisneros s'épanche en prières affectives qui présagent les
« colloques » de saint Ignace. Comme Gérard Zerbolt, il prévoit et conseille cette
forme de « descente », qui est le travail manuel (ch. 28).

Le Directorio enseigne comment se préparer avant les heures de l'office choral,


comment tenir son esprit attentif pendant leur célébration, en l'attachant à des
mystères déterminés de jour en jour et d'heure en heure selon une adaptation très
libre des principes du chiropsalterium, de Mombaer, et termine en fournissant des
thèmes de contemplation pendant le chant du Gloria Patri.

Par son Exercitatorium, Cisneros fait la transition entre la Dévotion moderne des
Pays-Bas et le rénovateur des exercices, Ignace de Loyola.

5. Saint Ignace de Loyola † 1556 hérite de la tradition esquissée ci-dessus ; il la


définit exactement tout en l'intégrant dans le cadre à la fois restreint et décisif de ses
Exercices spirituels (voir art. IGNACE DE LOYOLA). Nous soulignerons surtout les
points de contact entre saint Ignace et ses prédécesseurs.

La définition de l'expression exercices spirituels est donnée dans l'annotation 1 :


« Par ce terme, on entend toute manière d'examiner sa conscience, de méditer,
1932 de contempler, de prier oralement ou mentalement et autres activités
spirituelles ». Ils sont aussitôt comparés aux « exercices corporels, comme marcher
et courir » (cf les Directoria, cités infra). La 4e annotation montre qu'Ignace connaît
le système des septaines ou semaines d'exercices ; il admet le mot, mais brise le
cadre, qu'on adaptera aux capacités inégales des exercitants.

A côté de l'examen général, Ignace propose une méthode d'examen particulier


quotidien (1e semaine) à faire en trois temps sur un point déterminé ; cette méthode
suit, semble-t-il (cf Exercitia spiritualia, coll. Monumenta historica Societatis Jesu,
Madrid, 1919, p. 258, n. 1, et p. 438, n. 1), l'ordre des vices capitaux et des jours de
la semaine. On retrouve ici le système des Ascensions spirituelles de Gérard Zerbolt
(ch. 8).

La méthode d'oraison proposée dès la première semaine n'est pas sans


ressemblance avec celle que le Rosetum emprunte à la Scala meditationis de
Wessel Gansfort : de part et d'autre, on met en action successivement la mémoire,
l'intelligence et la volonté ; les « préambules » rappellent les « degrés
préparatoires » de la Scala. Le « lo que quiero » ignatien est à rapprocher de
l'« electio magis cogitandorum » du même ouvrage. S'il y a dépendance, elle ne se
fait pas par l'intermédiaire de Cisneros, qui n'a pas repris de façon explicite ce
schéma. Mais les « colloques » d'Ignace répondent exactement aux prières
affectives que Cisneros met en conclusion habituelle de ses considérations. La
prière « Eterno Señor » (98) qui conclut la contemplation du « Règne » applique au
dessein particulier d'Ignace la « permissio », dernier des degrés de conclusion dans
la Scala meditatoria du Rosetum (titre 20 (19), éd. Milan, 1603, p. 427). De part et
d'autre, cette oblation est présentée comme un sommet.

Les considérations sur les mystères du Christ, rangées dans l'ordre de l'histoire
évangélique et distribuées par semaines, le maintien même de ce terme qui
correspond mal au cadre adopté, trahissent une dépendance générale par rapport
au septénaire hebdomadaire que l'Exercitatorio de Cisneros empruntait à Mombaer,
lui-même écho fidèle d'une tradition bien établie dans son milieu et parmi les maîtres
spirituels. Ignace a pu lire le premier, Jean Chanones connaissait les oeuvres de
Mombaer et de Gérard Zerbolt ; on peut penser qu'il forma son pénitent aux
méthodes en honneur à Montserrat. Par ce canal, la tradition des exercices spirituels
comme les pratiquait la Devotio moderna atteignait le retraitant de Manrèse.

Parmi les exercices spirituels proposés par saint Ignace, il faut encore signaler les
« applications des sens » (cf DS, t. 1, col. 810-811, 822-826) et les 2e et 3e
« manières de prier » (n. 249-260). Dès la 2e annotation, Ignace met l'exercitant,
pour la marche générale et particulière des Exercices, sous la direction immédiate,
continue et discrète du directeur. Avec Florent Radewijns et ses disciples, les
exercices spirituels prévus, expliqués et commentés, restaient des exercices que
chacun utilisait à son gré. Aussi n'était-il guère question que de conseil à prendre, de
plan général d'exercices à soumettre au jugement et à la décision d'un guide
spirituel. Saint Ignace inaugure ce qu'on appellera désormais la « retraite », soit une
période de temps déterminé, pendant laquelle, dans le cadre d'exercices spéciaux,
« la créature sera seule avec son Créateur ». Aussi, pour atteindre ce but, le choix,
la progression, en bref l'adaptation de ces exercices par « celui qui les donne », doit
se régler sur la capacité 1933 de chacun et l'appel de la grâce. Il est demandé à
« celui qui les reçoit » une docilité totale (11e annotation), d'ailleurs active et
généreuse (5e annotation).

De tout ce matériau qui lui provenait en bonne partie de la tradition, Ignace a fait une
synthèse nouvelle. Tout y est commandé par le but précis qu'il propose dès le titre
général : « Amener l'homme à se vaincre lui-même de façon qu'il puisse faire choix
d'un état de vie, dans une volonté dégagée de toute inclination déréglée ». Les
Ascensions spirituelles de Gérard Zerbolt organisaient déjà l'ensemble des exercices
en vue d'un but à atteindre, mais ce but était celui de toute vie intérieure, la pureté
de coeur et l'amour de Dieu, et c'était l'oeuvre d'une vie fervente. Ignace veut
entraîner à cette purification et à cet amour, en vue d'un choix décisif où toute vie
prendra sa direction et son élan pour la plus grande gloire de Dieu. Instrument d'une
efficacité sans pareille, les Ejercicios espirituales de saint Ignace ont été recueillis
par sa postérité et adoptés par l'Église. Après lui, le terme « exercices spirituels »
reçoit une signification nouvelle qui éclipse les autres sans les abolir.
H. Watrigant, Quelques promoteurs de la méditation méthodique au 15e siècle, coll.
Bibliothèque des Exercices 59, Enghien (Belgique), 1919. — P. Debongnie, Jean
Mombaer, Louvain-Toulouse, 1928. — H. Rahner, Ignatius von Loyola und das
geschichtliche Werden seiner Frömmigkeit, Gratz, 1947. — J. Lewis, Le rôle de
l'élection dans les Exercices spirituels de saint Ignace, dans Sciences
ecclésiastiques, t. 2, 1949, p. 109-128, traite in obliquo du sens du mot « exercices
spirituels » après saint Ignace. — Directoria Exercitiorum spiritualium (1540-1599),
éd. I. Iparraguirre, coll. Monumenta historica Societatis Jesu, Rome, 1955 : évolution
du mot au temps de saint Ignace et chez ses premiers commentateurs. — G. M.
Colombás, Un reformador benedictino, Garcia Jiménez de Cisneros, Montserrat,
1955, ch. 7, p. 229-283. — M. Smits van Waesberghe, Origine et développement
des Exercices spirituels avant saint Ignace, RAM, t. 33, 1957, p. 264-272. — M.
Alamo, art. CISNEROS, DS, t. 2, col. 910-921. — P. Debongnie, art. DÉVOTION
MODERNE, DS, t. 3, col. 727-747.

Pierre DEBONGNIE. IV. LES EXERCICES DE PIÉTÉ D'APRÈS LES DOCUMENTS


RÉCENTS DU MAGISTÈRE

« L'ensemble du culte que l'Église rend à Dieu, écrivait Pie XII, dans l'encyclique
Mediator Dei du 20 novembre 1947 (AAS, t. 39, 1947, p. 530 ; traduction dans la
Documentation catholique, t. 45, col. 202), doit être à la fois intérieur et extérieur ».
Extérieur, car il émane d'une Église visible, il est fait pour une collectivité dont les
membres ne peuvent communiquer que par des signes visibles. Mais son « élément
essentiel » est intérieur, car l'âme du culte et son but, c'est l'union au Christ. « Sans
quoi, la religion devient assurément un formalisme inconsistant et vide » (p. 531 et
col. 203). Certes, « c'est de la vertu divine et non de la nôtre que (les actes
sacramentels et liturgiques) tirent leur efficacité », néanmoins, « l'oeuvre
rédemptrice, indépendante en soi de notre volonté, requiert notre effort intérieur,
pour pouvoir nous conduire au salut éternel » (p. 533-534 et col. 204-205).

Aussi ne peut-il y avoir, dans la vie spirituelle du chrétien, aucune opposition ou


contradiction « entre l'action divine… et l'active coopération de l'homme.. ; entre
l'efficacité du rite extérieur des sacrements… et le mérite de celui qui les administre
ou les reçoit.. ; entre les prières privées et les prières publiques.. ; 1934 entre la vie
ascétique et la piété liturgique ». Sans doute, « la prière liturgique, du fait qu'elle est
la prière publique de l'Épouse de Jésus-Christ, a une dignité supérieure à celle des
prières privées ; mais cette supériorité ne veut nullement dire qu'il y ait, entre ces
deux sortes de prière, contradiction ou opposition. Inspirées par un seul et même
Esprit, elles tendent ensemble et d'abord au même but, jusqu'à ce que le Christ soit
formé en nous et devienne tout en tous » (p. 537 et col. 207).

Pie XII avait souligné un peu plus haut la nécessité des exercices de piété pour
contrôler, soutenir et vivifier la vie spirituelle. Relisons ce texte, parallèle à ceux qui
furent déjà cités à l'article DÉVOTIONS (DS, t. 3, col. 751-758).

Si la piété privée et intérieure des individus négligeait le saint sacrifice de la messe


et les sacrements et se soustrayait à l'influx salvifique qui émane du Chef dans les
membres, ce serait évidemment chose blâmable et stérile. Mais lorsque tous les
exercices de piété non strictement liturgiques ne visent l'activité humaine que pour la
diriger vers le Père des cieux, pour exciter efficacement les hommes à la pénitence
et à la crainte de Dieu, pour les arracher à l'attrait du monde et des plaisirs, et
réussir à les conduire par un dur chemin au sommet de la sainteté, alors ils ne
méritent pas seulement nos plus grands éloges, mais ils s'imposent par une absolue
nécessité, car ils démasquent les écueils de la vie spirituelle, ils nous poussent à
l'acquisition des vertus et ils augmentent l'ardeur avec laquelle nous devons nous
consacrer entièrement au service de Jésus-Christ… La piété authentique… a besoin
de la méditation des réalités surnaturelles et des pratiques de piété pour s'alimenter,
s'enflammer, s'épanouir et nous pousser à la perfection (p. 534-535 et col. 205).

Après avoir rappelé ces vérités essentielles et après avoir situé dans l'ensemble de
la vie chrétienne l'ascèse et la prière personnelle, Pie XII insistait sur le devoir, qui
incombe aux prêtres comme aux laïcs, de susciter et de développer une vie de
prière personnelle, solide et profonde. L'Église n'a d'ailleurs jamais cessé de
rappeler aux clercs et aux fidèles les exigences pratiqués de cette vie. Nous nous
contenterons de relever quelques-uns des très nombreux documents du magistère,
parmi les plus récents et les plus significatifs, concernant l'oraison, l'examen de
conscience, la confession, la lecture spirituelle, etc. Les documents qui regardent les
exercices spirituels de retraite seront étudiés à l'article RETRAITES SPIRITUELLES.
La législation des exercices de piété des moines et des religieux a été établie pour
chaque ordre ou congrégation dans les règles, constitutions, coutumiers et
directoires propres à chacun d'eux. Cette législation fait l'objet d'approbations
particulières de la part du Saint-Siège ; aussi est-elle traitée dans les articles
consacrés à ces ordres et congrégations comme aussi aux articles COUTUMIERS,
DIRECTOIRES, MONACHISME, etc. Nous envisageons ici les exercices de piété 1.
des clercs, et 2. des laïcs.

1. CLERCS

Le Code de Droit canonique, dans la partie qui traite des droits et des devoirs des
clercs (lib. II, pars 1, c. 108-486), leur enjoint, comme première obligation, de
« mener une vie intérieure et extérieure plus sainte que celle des laïcs et de servir à
ceux-ci d'exemple (excellere in exemplum) par leur vertu et la rectitude de leurs
actions » (c. 124). Les termes de ce canon rappellent l'exhortation que le concile de
Trente adressait à tous les clercs (session 22, De reformatione, c. 1) : « Rien
n'instruit davantage et ne porte plus continuellement 1935 les hommes à la piété et
au culte de Dieu que la vie et l'exemple de ceux qui sont consacrés au saint
ministère » (Mansi, t. 33, col. 133). Cette exhortation générale sera fréquemment
reprise, soit par les papes dans leurs constitutions ou leurs encycliques (le cardinal
Pierre Gasparri, dans les Fontes du Code, n'en cite pas moins de 27, depuis Sixte V
en 1586 jusqu'à Benoît XV), soit par de nombreux conciles particuliers, provinciaux
ou diocésains.

Dans la plupart de ces documents, papes et conciles ne se contentent pas de


rappeler, à la suite du concile de Trente, les obligations générales et les exigences
de sainteté inhérentes à toute vocation sacerdotale : ils précisent ces devoirs et en
indiquent les conditions, ils spécifient en quoi consiste la vie de prière du prêtre, à
quelles sources puiser pour renouveler sa vie intérieure, développer l'union à Dieu et
le zèle des âmes.
Le concile n'avait détaillé aucune prescription, fixé aucune norme universelle.
Simplement, dans les décrets relatifs à la formation des clercs, il avait rappelé le
devoir de l'assistance quotidienne à la messe et de la confession au moins
mensuelle ; pour la réception de la communion, il s'en remettait au jugement des
confesseurs (sess. 23, De reformatione, c. 18 ; Mansi, t. 33, col. 147). En revanche,
nous trouvons dans les conciles provinciaux ou synodes diocésains, qui se sont
tenus entre la clôture du concile de Trente (1563) et l'ouverture du premier concile
du Vatican (1869), maintes prescriptions positives.

1° Les conciles de Milan au temps de saint Charles Borromée.

— En ce qui concerne la réforme du clergé, saint Charles Borromée, archevêque de


Milan (1564-1584), non seulement donna l'exemple d'une incomparable piété et
d'une inlassable charité, mais fut un organisateur de premier ordre. Voir DS, t. 2, col.
692-700. Chaque mois, ses soixante « vicaires forains » devaient présider des
réunions ecclésiastiques, ou « congrégations diocésaines », interroger prêtres et
clercs sur la fréquentation des sacrements, sur l'exercice de leurs fonctions sacrées,
sur leurs progrès dans les études, leurs lectures, sur leurs autres exercices et
activités (cf Instructiones congregationum dioecesanarum, dans Acta Ecclesiae
mediolanensis, t. 1, Lyon, 1683, p. 541 ; cf aussi Actes du 4e concile provincial, 3e
partie, ibidem, p. 140).

De façon plus précise encore, dans ses instructions aux visiteurs diocésains, saint
Charles recommande la diffusion de la méthode de l'examen particulier selon saint
Ignace et la Pratica dell'orazione mentale de Mathias Bellintani, capucin (ibidem, t. 1,
p. 558 ; cf DS, t. 1, col. 1356).

Synodes diocésains et conciles provinciaux se succèdent à une cadence régulière,


selon la décision du concile de Trente. Dès le premier concile provincial, en 1565,
l'archevêque insiste sur l'oraison comme préparation à la messe (t. 1, p. 10). Au
cours du quatrième synode diocésain, en 1574, les « monitions au clergé »
préciseront les exigences de la vie de prière : chaque jour l'oraison mentale,
l'examen de conscience et la lecture spirituelle, et la confession hebdomadaire
obligatoire. Pour la lecture spirituelle, il sera vivement conseillé de s'en tenir à la
Bible, aux écrits des Pères (surtout de saint Cyprien, saint Ambroise, en particulier
son De sacerdotali dignitate, saint Augustin et saint Grégoire le Grand), aux oeuvres
de saint Bernard (p. 149 ; l'édition de Lyon place ces « monitions » 1936 dans les
Actes du 4e concile provincial, en 1576 ; celle de Milan, 1890,t. 1, col. 912, au 4e
synode diocésain de 1574).

Pour les séminaristes, les règles sont encore plus nettes (Institutiones ad universum
seminarii regimen pertinentes, ibidem, t. 2, p. 859-878). Le règlement du séminaire
devait comporter, tous les matins, une demi-heure d'oraison, puis matines et prime
de l'office de la Vierge et la messe ; au cours de la journée, les autres « petites
heures », le rosaire ou le chapelet, suivant l'avis du confesseur, une récollection de
l'oraison dans l'après-midi, et un quart d'heure d'examen de conscience dans la
soirée. Les clercs ayant reçu les ordres devaient se confesser tous les huit jours ; les
autres, les premiers et troisièmes dimanches du mois et les jours de fête (pars 3, c.
2, p. 875).
Ces décisions eurent un retentissement considérable ; non seulement elles
contribuèrent pour une grande part à la réforme du clergé dans l'archidiocèse de
Milan, mais leur influence s'exerça à travers l'Italie et l'Europe.

« En 1566, Pie V avait songé à tenir un concile national de tous les évêques d'Italie.
Quand il eut connaissance des Actes du premier concile de Milan (1565), il jugea
son projet inutile. La confirmation des décrets vaudra une approbation de la curie.
Ainsi, selon le mot de I. Pogiani, la réforme romaine devenait fille de la milanaise »
(P. Broutin, Les deux grands évêques de la réforme catholique, NRT, t. 75, 1953, p.
291).

Dès la première édition des Acta Ecclesiae mediolanensis en 1582, cent


exemplaires furent expédiés à Lyon et dix à Tolède. De nombreuses assemblées
synodales adoptèrent textuellement ses décrets (vg Aix en 1585, Toulouse en 1590,
Avignon en 1594 ; les statuts de Saint-Malo, en 1614, avouent une dépendance
explicite, etc).

L'influence des décrets de Milan ne s'exerça pas seulement sur de nombreuses


assemblées conciliaires de la fin du 16e siècle et de tout le 17e : des traités de
formation sacerdotale y puisèrent, tels les Avvertimenti per l'uffizio del rettore curato
(1606) de Jean-Baptiste Costanzo, archevêque de Cosenza, que Edme Cloyseault
traduisit sous le titre Le Pastoral de saint Charles (Lyon, 1697), le florilège de Louis
Abelly † 1691, ou Episcopalis sollicitudinis enchiridion, Paris, 1668, etc (cf P.
Broutin, La réforme pastorale en France, t. 2, p. 332, 348).

2° Conciles des 16e et 17e siècles.

— Pour ce qui est des conciles provinciaux et diocésains, dès 1579, à Melun,
l'archevêque d'Aix, Alexandre Canigiani, fit connaître la législation borroméenne.
Dans ce concile, il est demandé explicitement aux prêtres « de ne jamais célébrer le
saint sacrifice sans un examen de conscience préalable, des prières et des
méditations » (cf L. Odespung de la Meschinière, Concilia novissima Galliae, Paris,
1646, p. 94). Tout un ensemble de règles pour les séminaires (Leges collegii
seminarii) y furent également adoptées ; le chapitre 2 de ces Leges traite « de iis
quae ad pietatem spectant » et prévoit pour les séminaristes la confession
mensuelle, un quart d'heure d'examen de conscience chaque soir, après les litanies
récitées en commun, une lecture spirituelle quotidienne et une formation à l'oraison
et à la méditation (« genus orandi et meditandi », p. 102).

De semblables prescriptions sont fixées parles conciles de Rouen, en 1581 (ibidem,


p. 211), et de Bordeaux, en 1583, lequel impose une demi-heure de méditation le
matin, et la récitation de l'office de la Vierge, en plus des exercices de piété prévus à
Melun (De institutione et legibus seminariorum, § 5 De pietate, ibidem, p. 323).

Si la réglementation de la vie de prière est, dès cette époque, assez nette, en de


nombreux diocèses, pour les 1937 séminaristes, elle l'est beaucoup moins pour les
prêtres. Souvent les conciles se contentent de généralités sur l'oraison (vg concile
de Besançon, en 1571, dans Concilia Germaniae, t. 8, p. 73-77), ou plus simplement
ils reproduisent les considérations du concile de Trente (vg Malines, 1570, tit. 14,
dans Concilia mechlinensia, t. 1, p. 117).
Toutefois, le concile d'Ypres, en 1629, demande à tous les prêtres de consacrer
chaque jour « un certain temps » à l'oraison (Concilia Germaniae, t. 9, p. 499). Le
concile de Malines de 1652 est plus précis : « Les prêtres feront chaque jour au
moins une demi-heure de lecture de la sainte Écriture ou de quelque ouvrage pieux
(alicujus libelli pii) et une autre demi-heure de méditation sur les divins mystères, et
très particulièrement sur la passion du Christ » (Concilia mechlinensia, t. 2, p. 300).

Plus détaillé encore, Le Pastoral du diocèse de Limoges, édité en 1689 sur l'ordre de
l'évêque Louis d'Urfé, donne un « emploi du temps-type ».

Trois-quarts d'heure ou une demi-heure d'oraison mentale : « c'est par ce moyen


que l'on remplit ce que le Saint-Esprit dit du juste, qu'il aura soin de donner son
coeur à Dieu dès le matin, pour penser au Seigneur qui l'a créé, et qu'il fera sa prière
en la présence du Très-Haut (cf Eccli. 39, 6) ». Ensuite, prime et tierce avant la
messe, « qui doit être précédée d'un bon quart d'heure de réparation et suivie au
moins d'un autre quart d'heure d'actions de grâces ». L'après-midi, une demi-heure
de lecture spirituelle. Après la prière du soir, « on lira un sujet de méditation pour le
jour suivant » et l'on se coucehra « dans quelque bonne pensée, après avoir offert à
Dieu son sommeil » (t. 1, Limoges, 1830, p. 243-245).

3° Aux 18e et 19e siècles.

— Dans les conciles du 18e siècle, cependant, les prescriptions concernant les
exercices de piété des prêtres resteront habituellement assez vagues ; on
recommandera vivement de consacrer « un certain temps » chaque jour à l'oraison
mentale et d'examiner sa conscience, sans plus de précisions. Quelques conciles
néanmoins reprendront les décrets de Milan ou ceux de Malines (1652).

Par exemple, le concile de Trèves, en 1720, suggère instamment une lecture


spirituelle quotidienne et une demi-heure au moins de méditation « sur la fin de
l'homme, la vocation, la dignité de l'état sacerdotal, les charges pastorales, les
vérités éternelles » (Concilia Germaniae, t. 10, p. 398).

Le 3 février 1768, l'évêque d'Ypres, Félix de Wavrans, adresse à son clergé une
lettre pastorale dans laquelle il recommande « l'exercice de l'oraison mentale
quotidienne » : « Qu'ils s'y exercent sagement et méthodiquement, pour pouvoir
exhorter et entraîner ensuite leurs fidèles dans cette voie ». C'est la meilleure
préparation à la célébration du saint sacrifice (ibidem, t. 10, p. 601 et 633).

Au 19e siècle, la plupart des conciles provinciaux ou synodes diocésains imposent


au clergé certains exercices quotidiens. L'obligation de l'oraison mentale est quasi-
générale.

Collectio lacensis, t. 3, col 31 (Baltimore, 1829), 127 (Oregon, 1848), 650 (Québec,
1854), 711-712 (Québec, 1868), 751 (« oratio mentalis, sine qua vix possunt
salvari » ; Halifax, 1857), 786 (Suisse, 1850), 877 (Tuam, Irlande, 1858), 941
(Westminster, 1852), 1045 (Australie, 1844), 1210 (Cincinnati, 1858) ; — t. 4, col.
128 (Reims, 1849), 762 (Bordeaux, 1859), 903 (Sens, 1850), 989 (Aix, 1850), 1067
(Toulouse, 1850) ; — t. 5, col. 56 (Gran, Hongrie, 1858), 194 (Vienne, 1858), 378
(Cologne, 1860), 422 (Prague, 1860), 674 (Kalocza, Hongrie, 1863), 899 (Utrecht,
1865) ; — t. 6, col. 48 et 52 (Urbino, 1859), 199 (Ravenne, 1855), 544 et 546
(Bogota, 1868), 624 (Sou-Tchéou, 1803), 659 (Pondichéry, 1844), 755 (Ombrie,
1849), etc.

Certains conciles demandent une demi-heure (vg t. 3, col. 1045) ; d'autres même
une heure (t. 6, col. 544). Pour renforcer leurs prescriptions, les législateurs citent
parfois tel Père de 1938 l'Église ou tel auteur spirituel : saint Jérôme (Ep. ad
Heliodorum, t. 3, col. 877 ; Ep. ad Nepotianum, t. 5, col. 900), saint Pierre
Chrysologue (Sermo 26, de fideli dispensatore, t. 5, col. 899), Gerson (Tractatulus
consolatorius de meditatione 7, t. 5, col. 423), le pseudo-Bonaventure ou Gilbert de
Tournai (Pharetra IV, 26 ; ibidem), saint Laurent Justinien (De casto connubio 22 ;
De oratione 10 ; ibidem).

L'examen de conscience est moins souvent imposé que l'oraison, mais de nombreux
conciles le prescrivent (cf t. 3, col. 650, 1045 ; t. 4, col. 128 ; t. 5, col. 674, 900 ; t. 6,
col. 624, etc).

En revanche, presque tous les décrets insistent sur l'obligation de la lecture


spirituelle quotidienne (cf t. 3, col. 127, 650, 712, 751, 786, 877 ; t. 4, col. 128, 1067 ;
t. 5, col. 56, 674 ; t. 6, col. 199, 624, 659, etc), faite de préférence dans l'Écriture (vg
t. 3, col. 127-128 ; t. 5, col. 56 ; t. 6, col. 624 et 659). Parfois, d'autres auteurs
spirituels sont conseillés (t. 5, col. 56 ; t. 6, col. 624 et 659).

La récitation du rosaire ou du chapelet se trouve mentionnée six fois dans les


décrets rapportés par la Collectio lacensis (t. 3, col. 128, 720, 786, 941 ; t. 5, col.
674 ; t. 6, col. 544). Et les mêmes canons insistent souvent sur la visite quotidienne
au Saint-Sacrement (t. 3, col. 128, 786, 941 ; t. 5, col. 56 ; t. 6, col. 544).

Signalons enfin plusieurs exhortations pressantes sur la préparation à la messe et


sur l'action de grâces (t. 3, col. 31 et 781).

4° La confession.

— Le concile de Trente imposait la confession mensuelle aux séminaristes (ainsi


qu'aux moniales) ; il ne précisait rien pour les prêtres. Les conciles de Milan,
présidés par saint Charles Borromée, prescrivirent à tous les prêtres du diocèse la
confession hebdomadaire, alors que l'archevêque demandait aux séminaristes de se
confesser deux fois par mois et aux jours de fête (cf supra, col. 1936). Dans la
plupart des autres diocèses, on s'en tint, pour les séminaristes, aux prescriptions de
Trente (vg Melun, 1579 ; Rouen, 1581 ; Bordeaux, 1583 ; Concilia novissima Galliae,
p. 102, 211, 323). Quant aux prêtres, l'influence des Actes de Milan et l'exemple
donné par les ordres et les congrégations religieuses amenèrent à prescrire la
confession hebdomadaire.

En effet, la plupart des constitutions religieuses approuvées aux 16e et 17e siècles
imposaient la confession hebdomadaire. Certaines demandaient même davantage
aux prêtres : deux fois par semaine ou plus souvent, dans les constitutions des
clercs réguliers des Écoles Pies, des camaldules, des jésuites des lazaristes, etc.
Les constitutions des « Pii operarii », approuvées en 1612, prévoyaient « que les
prêtres, s'ils ne se confessent pas tous les jours, le fassent au moins plusieurs fois
par semaine ». Même prescription dans les constitutions des théatins, et pour les
membres de l'Oratoire de saint Philippe Néri. Cf P. Henrard, La confession
fréquente, dans Revue des communautés religieuses, t. 5, 1929, p. 154-156.

Bon nombre de conciles provinciaux ou de synodes diocésains des 16e et 17e


siècles demandent aux prêtres de se confesser chaque semaine.

Le concile de Gand de 1571 souhaite, « dans toute la mesure du possible, la


confession hebdomadaire, ou tout au moins chaque quinzaine » (Concilia
Germaniae, t. 7, p. 679). La même année, celui de Bois-le-Duc est encore plus
strict : « saepius.., nec unquam rarius quam semel in hebdomada » (ibidem, p. 714).
De même, Ypres en 1577 : « ad minus semel in hebdomada » ; Chelmno (Culma),
1583 : « semel saltem in hebdomada » ; cf aussi Ratisbonne, 1588 ; Tournai, 1589 ;
Verdun, 1598 ; Tournai, 1600 ; Cambrai, 1604 ; ibidem, t. 7, p. 846, 979, 1059 et
1045 ; t. 8, p. 469, 483 et 595 ; de même encore, Bourges, 1584, dans Concilia
novissima Galliae, p. 417.

Au synode diocésain de Milan en 1578, saint Charles demandait à ses prêtres


d'avoir un confesseur habituel, 1939 « certum ac firmum confessarium » (Acta
Ecclesiae mediolanensis, t. 1, p. 388) ; et dans l'instruction qu'il adressait aux
vicaires forains, il les exhortait à veiller à ce que tous les prêtres demandent chaque
trimestre à leur confesseur habituel un « témoignage » signé, attestant que, pendant
le trimestre écoulé, ils se sont bien confessés « au moins chaque semaine » (p.
689). Enfin, l'archevêque exigeait de tous les prêtres participant au synode une
confession le dimanche qui en précédait l'ouverture et une autre le premier jour du
synode.

La rigueur des règles milanaises n'était pas universelle, il s'en fallait de beaucoup.

Ainsi, en 1609, le concile de Constance demande aux prêtres de se confesser au


moins chaque quinzaine et aux clercs mineurs tous les mois : « contravenientes
gravissime puniemus » (Concilia Germaniae, t. 8, p. 863). Les conciles d'Olmutz
(Autriche) en 1591, de Brixen en 1603, et de Coire en 1605, se contentent d'exiger la
confession mensuelle (ibidem, p. 337, 552, 636). En 1592, le concile de Breslau, en
raison probablement de la situation locale, fixait comme minimum à tous les prêtres
« quatre confessions par an » et, reprenant une prescription du concile de Salzbourg
de 1569 (t. 7, p. 349), adoptée par saint Charles Borromée, exigeait un « billet de
confession », établi par le confesseur et devant être présenté au visiteur ou à
l'évêque (t. 8, p. 397).

Il dut y avoir d'assez nombreuses négligences, non seulement en Silésie, mais


même en Belgique, puisque nous voyons l'archevêque de Malines, dans une réunion
de ses doyens en 1618, déplorer la réception « rare » du sacrement de pénitence et
exhorter les prêtres à se confesser « plus fréquemment » : « Que l'archiprêtre s'en
informe à l'occasion de sa visite » (Concilia mechlinensia, t. 2, p. 277). Le même
souhait est formulé par Benoît XIV dans son encyclique Etsi pastoralis du 26 mai
1742.

Il semble que cette relative divergence se soit maintenue au cours des 18e et 19e
siècles.
Alors que la majorité des décrets conciliaires particuliers d'Italie demandent aux
prêtres la confession hebdomadaire à un confesseur habituel et aux séminaristes la
confession bi-mensuelle (vg Urbino, 1859 ; Ravenne, 1855 ; conférence des
évêques de Sicile, 1850 ; dans Collectio lacensis, t. 6, col. 52, 199, 815), la plupart
des conciles non italiens ne précisent pas la fréquence et emploient de préférence
les termes : frequenter, sedulo, diligenter, crebrius, etc (cf t. 3, col. 650, 1210 ; t. 4,
col. 985 et 989 ; t. 5, col. 54 et 56, 377, 674, 1141 [Wurtzbourg, 1848], etc). Les
conciles de Vienne (1858), Prague (1860), Kalocza (1863) fixent comme minimum la
confession mensuelle (t. 5, col. 170, 421, 653). Celui d'Utrecht (1865) demande « la
confession hebdomadaire ou tout au moins deux fois par mois » (t. 5, col. 898) ; de
même le concile de Toulouse de 1850, (t. 4, col. 1067).

Cependant, en 1869 encore, le 2e concile de Quito (Équateur) demandait aux


évêques de la province de prescrire au moins quatre confessions par an, aux quatre-
temps : pour s'assurer de ce minimum, ils pourront exiger un « billet de confession »
(t. 6, col. 442).

Aussi ne devons-nous pas être étonnés de voir l'évêque d'Ermeland, Philippe


Krementz, déposer en 1870 un postulatum au concile du Vatican pour obliger les
prêtres à se confesser plus souvent : cette loi défendra sévèrement de différer la
confession au delà de deux mois (cf C. Martin, Omnium concilii vaticani…
documentorum collectio, 2e éd., Paderborn, 1873, p. 196-199). Le concile,
interrompu par la guerre, n'a porté aucun décret en cette matière.

En 1872, le concile de Malines, présidé par le futur cardinal Victor Dechamps,


comportait un chapitre de ses Statuta sur « les moyens propres à acquérir la
perfection sacerdotale » (ch. 2, Malines, 1872, p. 4-8). 1940 Nous y trouvons la liste
complète de tous les exercices dont parlera le Code (une demi-heure ou tout au
moins un quart d'heure de méditation quotidienne ; la confession « singulis
septimanis aut saltem quindenis »).

En 1899, le concile plénier d'Amérique latine, célébré à Rome, promulguait à son


tour un ensemble de décrets « de vita et honestate clericorum » (tit. 8, n. 631-672) ;
au chapitre 6, il demandait, avec la demi-heure d'oraison quotidienne, de fréquentes
visites au Saint-Sacrement, une grande dévotion au Sacré-Coeur et à la sainte
Vierge, la réception fréquente (crebro) du sacrement de pénitence pour tous les
prêtres (Acta et decreta concilii plenarii Americae latinae, Rome, 1900).

5° Saint Pie X.

— Dans l'exhortation Haerent animo que Pie X adressait, le 4 août 1908, au clergé
du monde entier, il établissait un lien étroit entre l'examen de conscience quotidien et
le sacrement de pénitence. Après avoir rappelé le conseil de saint Jean
Chrysostome (Expos. in ps. 4, 8 ; Cf DS, supra, col. 1808) et la règle du pseudo-
Bernard (Meditationes piissimae 5 ; cf DS, supra, col. 1814), le pape ajoute : « Il est
d'expérience que celui qui se livre fréquemment à un sévère examen de ses
pensées, de ses paroles, de ses actions, a plus de force pour détester et fuir le mal
en même temps que plus de zèle et d'ardeur pour le bien ».
A l'opposé, l'incurie et l'abandon de soi-même « en arrivent parfois au point de faire
même négliger le sacrement de pénitence… Il n'est pas rare de trouver un prêtre qui
presse les autres de laver sans retard par le rite sacramentel les souillures de leur
âme, et qui s'en acquitte lui-même avec une telle indolence qu'il attend des mois
entiers pour le faire » (ASS, t. 41, 1908, p. 572 ; trad. dans Mgr Pierre Veuillot, Notre
sacerdoce, t. 1, Paris, 1954, p. 121-122).

Ces considérations étaient précédées par une invitation pressante « à réserver


chaque jour un temps déterminé à la méditation des vérités éternelles. Aucun prêtre
ne peut s'en dispenser sans encourir un grave reproche de négligence et un
dommage pour son âme. Saint Bernard, écrivant à Eugène III.., l'avertissait
franchement et instamment de ne jamais omettre la méditation quotidienne des
choses divines, de ne jamais prendre excuse des occupations multiples et très
graves que comporte l'apostolat suprême (cf De consideratione I, 7) ». Et Pie X
développait tous les avantages qui rendent cette pratique « salutaire et même
absolument nécessaire » (ASS, p. 565-566 ; trad. Veuillot, p. 113).

« Il importe beaucoup que le prêtre joigne à la méditation quotidienne des choses


divines la lecture de livres de piété, de ceux surtout qui ont été divinement inspirés »,
suivant le conseil de saint Paul et des Pères (ASS, p. 569-570 ; trad. Veuillot, p.
118).

6° Le Code de Droit canonique.

— Depuis 1904 (encyclique Arduum sane munus, 19 mars), une commission avait
été instituée pour préparer la composition du nouveau Code. En cette matière de la
vie spirituelle du clergé, on peut dire que tous les éléments existaient ; il suffisait de
les reprendre, de les grouper, de les codifier. Voir É. Jombart, art. CODE, DS, t 2,
col. 1012-1022.

Le Code ne prescrivit pas directement la méditation, l'examen, le chapelet, la


confession hebdomadaire, etc. « Les Ordinaires doivent veiller » (Curent Ordinarii, c.
125), faire en sorte que les clercs, sauf empêchement légitime, remplissent ces
devoirs de piété, reçoivent avec cette fréquence le sacrement de pénitence. Ces
mots 1941 expriment-ils un ordre ou un simple conseil ? Selon J. Creusen (Le Code
et les pratiques de dévotion, loco cit., p. 84), ils expriment un ordre : « La
comparaison avec un grand nombre d'autres articles du Code suffit à le prouver.
Quand il veut simplement conseiller ou exhorter, le Saint-Siège se sert d'autres
expressions ». Les Ordinaires doivent, avec sollicitude, faire en sorte que les clercs
de leur diocèse (sans distinction de degrés, séminaristes, prêtres, chanoines, etc)
observent les pratiques de piété énumérées dans le canon, savoir : « la confession
fréquente », c'est-à-dire, de l'avis général des commentateurs, tous les huit jours ou
au moins tous les quinze jours ; « la pratique quotidienne de l'oraison mentale
pendant un certain temps, de la visite au Saint-Sacrement, de la récitation du rosaire
et enfin de l'examen de conscience ».

Aucune précision, aucune directive concernant le choix des moyens ne sont


données. Aux évêques de voir quelles mesures paraissent les plus opportunes.
L'exemple, les exhortations, les recommandations, les encouragements sont
habituellement les moyens les plus efficaces. Parfois, il faudra reprendre, rappeler à
l'ordre, punir peut-être. Les documents pontificaux récents apportent aux uns et aux
autres précicions et direstives.

On s'est demandé si l'évêque « pourrait déterminer par voie de précepte la


fréquence des exercices ou les autres modalités d'exécution » ? F. Claeys-Bouuaert
(dans R. Naz, Traité de Droit canonique, t. 1, Paris, 1948, p. 285) répond : « Nous
n'oserions le nier d'une manière absolue. Mais, pour se départir, en une matière si
délicate, de la sage réserve consacrée par la tradition ecclésiastique et adoptée par
le Code, il faudrait pouvoir invoquer des circonstances toutes particulières, par
exemple la vie commune déjà établie ».

Ce qui importe davantage, semble-t-il, c'est de veiller à ce que les obligations


apostoliques des prêtres leur permettent d'assurer fidèlement ces exigences de
prière, indispensables au maintien et au développement de leur vie surnaturelle :
c'est pour eux un droit strict et un besoin essentiel ; s'ils étaient, de façon habituelle,
tellement surchargés qu'il leur fût impossible d'assurer ces exercices quotidiens,
l'évêque, que l'on suppose mis au courant, devrait prendre les décisions nécessaires
pour y remédier (cf J. Creusen, loco cit.).

7° Documents pontificaux récents.

— Benoît XV, dans son encyclique Humani generis sur la prédication de la parole de
Dieu (15 juin 1917, AAS, t. 9, 1917, p. 305-317), insistait sur la nécessité de l'esprit
d'oraison pour une prédication efficace :

« La grâce de Dieu ne s'obtient point par l'art et le zèle, mais par la prière. Celui
donc qui s'adonne peu ou point à l'oraison dépense en vain et son travail et sa
peine, puisque cela ne lui profite en rien, ni pour lui-même ni pour ses auditeurs » (p.
314 ; trad. Veuillot, t. 1, p. 174). Benoît XV reviendra fréquemment sur ce thème, en
particulier dans ses différentes allocutions aux prédicateurs de carême (cf AAS, t.
10, 1918, p. 92-97 ; t. 11, 1919, p. 111-118 ; t. 12, 1920, p. 61 ; t. 13, 1921, p. 93),
ainsi que dans sa lettre apostolique Maximum illud du 30 novembre 1919, sur la
propagation de la foi (t. 11, p. 440-455).

De tous les enseignements de Pie XI, le plus important devait être, selon sa propre
attestation (cf lettre apostolique du 18 janvier 1939, AAS, t. 34, 1942, p. 252-264),
l'encyclique Ad catholici sacerdotii fastigium, du 20 décembre 1935, sur la dignité du
sacerdoce (t. 28, 1936, p. 5-53). Le pape y insiste sur la nécessité pour les prêtres
d'une intense vie de prière et d'une délicate 1942 pureté de conscience ; il affirme
que la première de toutes les vertus sacerdotales, est une piété solide, ferme, sûre :
« sans elle, les autres dons comptent peu ; avec elle, même si ces dons ne sont pas
exceptionnels, on peut accomplir des merveilles ». Mais Pie XI ne fixe aucune règle,
s'en tenant à celles du Code.

Pour retrouver des prescriptions nettes, il faudra attendre Pie XII. Sans doute, en
1948 déjà, dans l'exhortation qu'il adressait au clergé indigène (28 juin, AAS, t. 40,
1948, p. 374), il avait dit : « Ménagez-vous chaque jour un temps pour la méditation
des vérités éternelles et la prière, vous attachant à une lecture régulière de l'Écriture
sainte et des auteurs spirituels ; le soir.., examinez soigneusement votre vie » (trad.
Veuillot, t. 2, p. 141-142). Mais c'est dans son exhortation Menti Nostrae, au clergé
du monde entier, le 23 septembre 1950, sur la sainteté de la vie sacerdotale, qu'il
devait préciser l'importance de la fidélité quotidienne aux exercices de piété fixés par
le Code. « Pour nous inciter chaque jour avec plus d'ardeur à atteindre la sainteté,
l'Église nous recommande avec instance, outre la célébration de la messe et la
récitation de l'office divin, d'autres exercices de piété » (AAS, t. 42, 1950, p. 671 ;
trad. Veuillot, t. 2, p. 190) :

1) Méditation quotidienne. — « Cette méditation des choses saintes nous prépare de


la meilleure façon à célébrer le sacrifice eucharistique et à faire notre action de
grâces après la messe ; en outre, elle nous dispose à comprendre et à goûter les
beautés de la liturgie. La méditation nous porte à contempler les vérités éternelles,
ainsi que les admirables exemples et préceptes de l'Évangile… Ainsi le prêtre ne
peut-il acquérir la maîtrise de soi et de ses sens, purifier son âme, tendre, comme il
le faut, à la vertu, remplir fidèlement, activement et avec fruit, les devoirs du
ministère sacré, s'il ne médite les mystères et ne participe à la vie du divin
Rédempteur… C'est pour Nous une grave obligation de vous exhorter d'une façon
particulière à la pratique de la méditation quotidienne… Aucun autre moyen de
sanctification ne possède l'efficacité particulière de la méditation et sa pratique
quotidienne est absolument irremplaçable » (AAS, p. 672 ; trad. Veuillot, p. 190-
191).

2) Prières vocales ; rosaire. — « Qu'on ne sépare pas de la méditation et de


l'oraison les prières vocales ; que l'on n'interdise pas des prières privées qui, selon la
condition particulière de chacun, aideront efficacement à réaliser l'union de l'âme
avec Dieu » (AAS, p. 673 ; trad. Veuillot, p. 191). Le rosaire, dont l'Église
recommande la récitation quotidienne, est l'une de ces prières vocales les plus
profitables.

3) Visite au Saint-Sacrement. — « Le prêtre se rendra au pied du tabernacle, et il


demeurera là au moins pendant quelque temps pour adorer Jésus dans le
sacrement de son amour, pour réparer l'ingratitude de tant d'hommes envers ce
sacrement, pour s'enflammer chaque jour davantage d'amour envers Dieu » (AAS,
p. 673 ; trad. Veuillot, p. 192).

4) Examen de conscience, confession, direction spirituelle. — « Que le prêtre


n'omette pas de faire chaque jour son examen de conscience.., pour écarter les
obstacles qui empêchent ou retardent les progrès dans la vertu, pour poursuivre
avec plus d'ardeur tout ce qui favorise les travaux du ministère sacerdotal et pour
implorer du Père céleste la miséricorde pour tant d'actes accomplis d'une façon
répréhensible » (AAS, p. 673-674 ; trad. Veuillot, p. 193).

Pie XII reprend alors ce qu'il avait déjà dit dans l'encyclique Mystici Corporis (AAS, t.
35, 1943, p. 235) : « La confession fréquente augmente la vraie connaissance de
soi, favorise l'humilité chrétienne, tend à déraciner les mauvaises habitudes, combat
la négligence spirituelle et la tiédeur, purifie la conscience, fortifie la volonté, se prête
à la direction spirituelle et, par l'effet propre du sacrement, augmente la grâce »
(AAS, p. 674 ; trad. Veuillot, p. 193-194).

1943 « En entrant dans la vie spirituelle et en y progressant, n'ayez pas une trop
grande confiance en vous-même, mais, avec humilité et simplicité, recevez le
conseil et demandez l'aide de ceux qui, avec une sage discrétion, peuvent… vous
diriger vers une perfection chaque jour plus accomplie… Sans ces prudents
directeurs de conscience, il est très difficile de répondre comme on le doit aux
impulsions de l'Esprit Saint et de la grâce divine » (AAS, p. 674 ; trad. Veuillot, p.
194).

Cette exhortation paraît être, parmi tous les documents pontificaux des siècles
derniers, le plus précis et le plus fondé en motivations spirituelles profondes.

A plusieurs reprises, S. S. Jean XXIII est revenu sur ces prescriptions de la vie de
prière du clergé. A l'occasion du centenaire de la mort de saint Jean-Marie Vianney,
le pape adressait au clergé du monde entier son encyclique Sacerdotii nostri
primordia (1er août 1959 ; AAS, t. 51, 1959, p. 545-579), dans laquelle il proposait le
curé d'Ars comme modèle des vertus sacerdotales et insistait particulièrement sur la
nécessité d'une vie intérieure personnelle profonde, base indispensable de toute
action apostolique. La lecture de la Bible est proposée aux prêtres comme
« nourriture quotidienne ». Dans le même sens, le discours aux aumôniers d'Action
catholique italienne, le 7 juillet 1959 (Documentation catholique, t. 56, 1959, col.
1049-1052) ; la lettre de la Congrégation des Séminaires et Universités, du 5 juin
1959, aux évêques, sur la formation des clercs (ibidem, col. 1051-1060) : la
formation et les vertus intérieures sont les « sources éternelles d'où l'apostolat tire
toute sa noblesse et sa fécondité surnaturelles » (col. 1058).

A l'occasion du synode romain (24-31 janvier 1960), le pape adressa trois allocutions
aux prêtres et une aux séminaristes (AAS, t. 52, 1960, p. 201 svv). Il y rappelait que
la prière devait être pour eux « une nourriture délicieuse, savoureuse et substantielle
de l'esprit, en même temps qu'une source perpétuelle de courage, de réconfort au
milieu des difficultés et parfois des amertumes de la vie et du ministère sacerdotal et
pastoral » (AAS, p. 234 ; Documentation catholique, t. 57, 1960, col. 268).

« Que votre prière, dit le pape aux séminaristes, soit continuelle, recueillie et
profonde. Qu'elle soit votre aliment… Le psautier est une source très précieuse de
prière. Il devra un jour vous être familier et devenir la pensée de vos pensées, la
substance vivante de votre vie consacrée… Méditez chaque psaume pour en
découvrir les beautés cachées et acquérir ainsi un sens de Dieu et de l'Église sûr ;
reposez-vous dans cette méditation ; élevez-vous des psaumes jusqu'à la
contemplation des choses célestes, et, par eux, sachez apprécier avec mesure et
exactitude les choses de la terre, de la culture et de l'histoire, ainsi que les
événements quotidiens… C'est maintenant que vous devez devenir des hommes de
prière » (AAS, p. 275-276 ; Documentation.., col. 286).

2. LAICS

Dans l'encyclique Mediator Dei, Pie XII, après avoir rappelé que « l'Église
recommande très vivement au clergé et aux religieux un certain nombre de pieux
exercices », ajoutait : « Nous voulons, à présent, que même le peuple chrétien ne
soit pas exclu de ces derniers. Ce sont pour ne parler que des principaux : la
méditation des choses spirituelles, l'examen de conscience attentif permettant de se
mieux connaître, les retraites fermées instituées pour réfléchir plus profondément sur
les vérités éternelles, les ferventes visites au Saint-Sacrement et ces spéciales
prières de supplication en l'honneur de la bienheureuse Vierge Marie, entre
lesquelles excelle, comme chacun sait, le rosaire ».

1944 Tout en stimulant la véritable piété, ces différentes pratiques « disposent à


participer aux fonctions sacrées avec un plus grand fruit et écartent le danger que
les prières liturgiques ne se réduisent à un vain formalisme ». Aussi le pape
demande-t-il aux évêques de « recommander et encourager ces exercices de piété,
desquels, sans nul doute, ne pourront manquer de dériver, pour le peuple qui leur
est confié, des fruits salutaires ».

« Ne permettez pas.., ajoute-t-il, que l'adoration de l'auguste Sacrement et les


pieuses visites aux tabernacles eucharistiques soient négligées, que soit
déconseillée la confession des fautes, faite dans le seul but de la dévotion, que le
culte de la Vierge Mère de Dieu… soit sous-estimé, spécialement chez les jeunes,
au point de s'éteindre et de s'alanguir peu à peu. Ces façons d'agir sont des fruits
empoisonnés.., qui croissent sur les branches pourries d'un arbre sain » (AAS, t. 39,
1947, p. 583-585 ; trad. dans Documentation catholique, t. 45, 1948, col. 243).

Ce rappel de la nécessité des exercices de piété est relativement fréquent dans les
documents du magistère ; mais c'est la première fois, semble-t-il, que nous trouvons
une énumération aussi complète se rapportant aux laïcs.

Nous ne dirons rien ici des retraites spirituelles pour les laïcs, renvoyant à l'article qui
leur sera consacré. Nous soulignons cependant, en passant, l'importance des
documents du magistère sur ce point. Si le bref Romanus Pontifex de Paul V (23 mai
1606), accordant une indulgence plénière aux religieux qui feraient une retraite
annuelle de dix jours, peut avoir aidé l'insertion de cet exercice dans les constitutions
religieuses (Bullarium romanum, t. 11, Turin, 1867, p. 315-318), d'autres documents
concernant les laïcs furent tout aussi déterminants. Citons, par exemple, l'indulgence
plénière accordée aux laïcs faisant une retraite de huit jours (Alexandre VII, 12
octobre 1657 et 11 juin 1659, ibidem, p. 302 et 472), et surtout l'encyclique
Quemadmodum nihil de Benoît XIV (16 décembre 1746) sur l'oraison mentale faite
au cours des missions paroissiales (Benedicti XIV.., bullarium, t. 2, Prato, 1846, p.
150-151).

Après avoir mentionné les principaux documents pontificaux ou conciliaires qui


traitent de façon générale de la vie de prière des fidèles, nous signalerons les textes
particuliers relatifs à tel ou tel exercice.

1° Généralités.

— 1) Nécessité. — Dans son allocution du 13 mars 1943 aux prédicateurs de


carême (AAS, t. 35, 1943, p. 109-112), Pie XII leur demandait de « faire pénétrer
dans l'esprit et la conscience des chrétiens la nécessité absolue de la prière…
Personne ne peut sans la prière observer pendant longtemps la loi divine et éviter
une faute grave ».

Ce rappel se retrouve fréquemment dans les documents ecclésiastiques : conciles


provinciaux ou synodes diocésains (vg concile de Besançon de 1571, Concilia
Germaniae, t. 8, p. 73 ; concile de Tours de 1583, Concilia novissima Galliae, p.
361 ; concile d'Urbino de 1859, Collectio lacensis, t. 6, col. 35, etc). Pie XI y revient
souvent (allocution du 4 novembre 1927 aux jeunesses catholiques italiennes,
Documentation catholique, t. 23, 1930, col. 357, etc). C'est Pie XII qui y insistera le
plus : il en fait par exemple le sujet de son allocution aux jeunes époux, le 2 juillet
1941 (dans Allocutions de S. S. Pie XII aux nouveaux époux, t. 2, Paris, 1951, p. 14-
19) ; dans ses discours à des groupes d'Action catholique (par exemple, le 24 avril
1943), à l'Union des ligues féminines catholiques (11 septembre 1947,
Documentation.., t. 44, 1947, col. 1459-1460), à la Fédération mondiale des jeunes
filles catholiques (18 avril 1952, ibidem, t. 49, 1952, col. 596), aux Enfants 1945 de
Marie et aux congrégations de la sainte Vierge, aux membres et aux directeurs de
l'Apostolat de la Prière (cf infra), etc.

2) Fréquence. — « La coutume chrétienne a créé une série d'habitudes de prières,


par exemple la prière du matin et du soir et la prière pour les repas. Ces prières…
correspondent si bien à la conception chrétienne de la vie et à l'attitude de l'enfant
de Dieu vis-à-vis de son Père du ciel, qu'elles vont particulièrement de soi pour les
chrétiens » (F. Tillmann, Handbuch der katholischen Sittenlehre, t. 4, vol. 1,
Dusseldorf, 1935, p. 215). La Didachè déjà demandait aux fidèles de prier au moins
trois fois par jour (ch. 8, éd. et trad. H. Hemmer, 2e éd., Paris, 1926, p. 16-17).

Le quatrième concile de Milan (1576) rappelait cette consigne (en citant le 4e concile
d'Orléans) et enjoignait aux curés d'organiser matin et soir des prières en commun
pour leurs paroissiens, soit à l'église, soit en famille, soit au travail, dans les ateliers
ou aux champs (cf Acta Ecclesiae mediolanensis, t. 1, p. 105 ; trois ans plus tard, le
5e concile de Milan insistait sur les prières avant le travail, avant et après les repas,
p. 175).

Ces recommandations seront reprises par d'autres conciles particuliers, rattachées


parfois à l'obligation de l'Angelus et aux sonneries de cloches, trois fois le jour (vg au
concile de Prague de 1605, Concilia Germaniae, t. 8, p. 741), et souvent
renouvelées par les papes. Pie XII y est revenu fréquemment et avec insistance.

Aux paroissiens de Saint-Sabas, à Rome, le 11 janvier 1953, il disait : « Commencez


par faire en sorte que respirent de nouveau les âmes frappées d'asphyxie, parce
qu'elles ne prient jamais et en aucune manière. Faites que de tous les coeurs monte
aux lèvres, et des lèvres au ciel, une invocation même brève, mais répétée tous les
jours… Une paroisse dans laquelle tous pensent chaque jour à invoquer le Seigneur
ne tardera pas à constater que la vie se réveille en elle » (R. Kothen, Documents
pontificaux de Pie XII, Saint-Maurice, 1953, p. 36).

Trois mois plus tard, le 9 avril, le pape disait aux étudiants de la Sorbonne : « Restez
des hommes de prière, d'une prière quotidienne, personnelle et fervente » (AAS, t.
45, 1953, p. 276 ; Documentation catholique, t. 50, col. 522). Citons encore
l'allocution à la fédération mondiale des jeunesses féminines (3 avril 1956) : « La
prière quotidienne et prolongée, seule voie qui conduise en présence de Dieu…
N'espérez pas exercer d'apostolat digne de ce nom, si vous n'acceptez d'abord cette
exigence élémentaire et dont la tradition chrétienne n'a cessé de souligner
l'importance » (AAS, t. 48, 1956, p. 274 ; Documentation.., t. 53, col. 519).
3) Prière en famille. — Nous avons noté plus haut l'exhortation du concile de Milan
(1576) à ce sujet. Elle fut reprise par plusieurs autres synodes. Soulignons, par
exemple, les consignes données soit par le concile de Prague de 1605 (Concilia
Germaniae, t. 8, p. 742), soit par les Règlements synodaux de la Rochelle en 1710,
demandant aux parents « d'être bien exacts à la prière du matin et du soir, qui se
fera en commun par toute la famille assemblée » (Ordonnances et règlements
synodaux.., Paris, 1780, p. 174), soit enfin par le concile de Kalocza (Hongrie) de
1863, qui rappelle aux fidèles leur devoir de prier matin et soir, avant et après les
repas, en famille, et de s'adonner à des lectures pieuses, ainsi qu'à des pratiques de
dévotion à l'égard de la Vierge et des saints patrons (Collectio lacensis, t. 5, col.
696).

Dans les allocutions de Pie XII nous relevons plusieurs conseils identiques.

Déjà en 1940 (le 10 avril), s'adressant aux jeunes époux, le pape développe ce
thème (Allocutions.., t. 1, p. 82-83). En 1946 1943, il y revient dans son allocution
aux prédicateurs de carême (AAS, t. 35, p. 105-116), et le 16 août 1950, dans sa
lettre au congrès des catholiques allemands de Passau (Ihr findet euch), il écrit :
« Nous disons aux familles de la ville et de la campagne : Restez fidèles à la
tradition de la prière au foyer domestiqué. Bénie de Dieu, cette prière fortifie la loi,
augmente la crainte de Dieu et la confiance en la Providence, elle accroît le respect
mutuel et l'amour, et remplit l'âme de courage au temps de l'épreuve » (AAS, t. 52,
1950, p. 733).

2° Recommandations particulières.

— Nous nous en tiendrons à celles qui regardent l'offrande de la journée, le chapelet


ou le rosaire, la confession fréquente et les visites au Saint-Sacrement.

1) Offrande de la journée. — C'est surtout dans les documents pontificaux relatifs à


l'Apostolat de la Prière, que nous trouvons louée et instamment conseillée la
pratique de l'offrande.

Pie X, dans sa lettre Multa quidem du 9 avril 1911, au directeur général de


l'Apostolat de la Prière, la recommandait vivement (AAS, t. 3, 1911, p. 345) ; de
même Pie XI, dans la lettre du cardinal Pacelli du 6 août 1932 (Documentation
catholique, t. 28, 1932, col. 787-788) et l'allocution du 23 septembre 1938
(Osservatore romano du 24) ; Pie XII dans ses messages ou allocutions des 27
septembre 1956 (AAS, t. 48, 1956, p. 674-677) et 19 mai 1957 ; dans ce dernier
radio-message adressé au congrès de l'Apostolat de la Prière de Braga, le pape
qualifiait l'offrande de « pratique élémentaire et simple.., qui est déjà, par elle-même,
un culte rendu au Seigneur ; c'est une prière, la meilleure, qui, en offrant les
prémices du jour, le sanctifie » (AAS, t. 49, 1957, p. 415 ; Documentation catholique,
t. 54, 1957, col. 720).

2) Chapelet et rosaire. — Le premier document pontifical qui accorde des


indulgences à une confrérie du rosaire est la bulle de Sixte IV, du 30 mai 1478. A la
fin du 16e siècle, plusieurs conciles particuliers, tel celui de Besançon, en 1571
(Concilia Germaniae, t. 8, p. 78), demandent aux curés de l'enseigner à leurs fidèles
et de veiller à ce qu'il soit récité fréquemment ; Sixte V en approuve le « pieux
usage ». En 1605, le concile de Prague insiste auprès des pères de famille pour sa
récitation quotidienne (ibidem, p. 742).

Léon XIII, de 1883 à 1901, n'écrivit pas moins de quatorze encycliques ou lettres
apostoliques sur le sujet (extraits groupés dans Notre-Dame, coll. Les
enseignements pontificaux, Paris-Tournai, 1957, p. 77-149).

Benoît XV, à son tour, affirmait que « cet exercice était, merveilleusement propre à
nourrir la piété et à exciter les âmes à la pratique des vertus » (enc. Fausto
appetente die, 29 juin 1921, AAS, t. 13, 1921, p. 334 ; Notre-Dame, p. 187).

Le 6 mars 1934, Pie XI (dans la lettre Inclytam ac perillustrem, à l'occasion du


septième centenaire de la canonisation de saint Dominique) souhaitait « ardemment
que soit conservée religieusement ou rétablie l'habitude en honneur chez nos pères,
chez qui c'était chose sacrée pour les familles chrétiennes, de réciter dans une
louange alternée chaque jour le rosaire » (AAS, t. 26, 1934, p. 231 ; Notre-Dame, p.
220).

Pie XII est revenu plusieurs fois sur l'excellence de cette pratique (à de jeunes
époux, 16 octobre 1940, Allocutions.., t. 1, p. 177-183 ; et dans sa lettre du 31 juillet
1946 à l'archevêque de Manille, AAS, t. 38, 1946, p. 418-419 ; Notre-Dame, p. 268).
Le 15 septembre 1951, l'encyclique Ingruentium malorum présentait le rosaire
comme la plus belle prière, la plus adaptée, la plus fructueuse ; et le pape demandait
aux évêques de veiller à ce que sa récitation soit « de plus en plus estimée et
répandue », avant tout « au sein des familles » (AAS, t. 43, 1951, p. 579-580 ; Notre-
Dame, p. 327-333).

Semblable désir devait être exprimé par Jean XXIII, dans sa lettre du 28 septembre
1960 au cardinal-vicaire de Rome, souhaitant que les fidèles sachent faire de cette
1947 prière, « la plus simple et la plus accessible », « une école de vraie perfection,
en contemplant dans un recueillement intime les enseignements qui irradient de la
vie du Christ et de Marie » (Osservatore romano, 30 septembre ; Documentation
catholique, t. 57, 1960, col. 1249-1252).

3) Confession fréquente. — Pie XII, nous l'avons noté, cite, parmi les pratiques de
dévotion privée et les exercices de piété des fidèles comme du clergé, la pratique de
la confession fréquente. Dans l'encyclique Mystici corporis (29 juin 1943), il
recommande fortement « ce pieux usage introduit par l'Église sous l'impulsion du
Saint-Esprit » (AAS, t. 35, 1943, p. 235). Dans Mediator Dei, le 20 novembre 1947, il
blâme les opinions erronées et « funestes à la vie spirituelle », selon lesquelles « il
ne faut pas faire tant de cas de la confession fréquente des fautes vénielles ».
« Nous insistons de nouveau pour que vous rappeliez à la sérieuse méditation et à
la docile observation de vos fidèles… les très graves paroles dont Nous Nous
sommes servi » (AAS, t. 39, 1947, p. 585 ; Documentation catholique, t. 45, 1948,
col. 244).

Du concile de Trente à nos jours, les décrets synodaux relatifs à la confession


fréquente des fidèles sont extrêmement nombreux. S'il a fallu attendre Pie X et le
décret du 20 décembre 1905 (ASS, t. 38, 1905-1906, p. 404) pour rétablir l'usage de
la communion fréquente, par contre la confession fréquente n'a cessé d'être
recommandée.

Sans doute, aux 16e et 17e siècles, bien des Conciles la conseillent surtout aux
grandes fêtes. Tels Constance en 1609, Bois-le-Duc en 1612, Sion en 1626
(Concilia Germaniae, t. 8, p. 863, et t. 9, p. 210 et 383). Narbonne en 1609 (Concilia
novissima Galliae, p. 587) ou Cologne en 1662 (Concilia Germaniae, t. 9, p. 976)
précisent quatre ou cinq fois par an et, en plus, deux fois pendant le carême (cf
aussi Brixen, 1603, et Constance, 1609, ibidem, t. 8, p. 545 et 863). Osnabruck,
1628, et Paderborn, 1688 (t. 9, p. 453, et t. 10, p. 157), la conseillent aux fêtes du
Christ et de la Vierge et pendant le carême. Cologne en 1662 (t. 9, p. 976) fait une
différence entre les enfants qui doivent se confesser plus souvent, et les adultes. Le
concile de Reims, en 1583, dit frequenter (Concilia novissima Galliae, p. 232).

En fait les conciles de cette époque ont tendance à favoriser la confession


fréquente ; celui de Constance, en 1609, par exemple, demande aux curés de
recommander la frequentem exomologesin et d'être prêts à recevoir les confessions
« en tout temps » (t. 8, p. 863). Pour le concile de Metz en 1640, il faut recourir
« saepissime, très souvent à l'ancre du salut » (t. 8, p. 957 ; repris au concile de
1699, t. 10, p. 237).

Aux 18e et 19e siècles, c'est le mot frequenter que l'on rencontre le plus
habituellement : par exemple, Avignon, 1725 (Mansi, t. 37, col. 323), Utrecht II, 1763
(Mansi, t. 38, col. 729), Bourges, 1850 (Collectio lacensis, t. 4, col. 1116),
Westminster, 1852 (saepe, t. 3, col. 934), Ravenne, 1855 (t. 6, col. 158), Venise,
1859 (t. 6, col. 333), Prague, 1868 (t. 5, col. 511), etc. En 1850, le synode plénier
d'Irlande dira « le plus souvent possible » (t. 3, col. 782).

Le 9 décembre 1763, Clément XIII « accorda à tous les chrétiens soucieux de


purifier leur âme par un fréquent aveu de leurs fautes.., au moins une fois la
semaine, à moins d'empêchement légitime.., de pouvoir gagner toutes les
indulgences quelles qu'elles soient » (Decreta authentica S. C. Indulgentiis, t. 1,
Ratisbonne, 1883, p. 207). Une telle pratique existait donc à l'époque et l'Église la
favorisait.

Un siècle plus tard, le concile de Kalocza de 1863 comporte, dans ses décrets, un
chapitre (tit. 6, ch. 9) 1948 pour motiver la confession fréquente des fidèles : elle
purifie l'âme, elle favorise le renouvellement fréquent d'un véritable ferme propos,
elle accroît l'horreur du péché, elle rend le coeur plus prompt aux motions de la
grâce, elle permet de mieux connaître les passions dominantes et les affections
déréglées, elle provoque une plus grande fidélité au devoir d'état, elle rend l'âme
plus forte contre ses ennemis, elle affermit la volonté et augmente la grâce de la
persévérance. Aussi le clergé est-il exhorté à instruire les fidèles, à les inciter à la
confession fréquente et à leur en faciliter la pratique (Collectio lacensis, t. 5, col.
706-707). Il faudra attendre l'encyclique Mystici Corporis de Pie XII pour retrouver
dans un document du magistère semblable motivation (cf AAS, t. 35, 1943, p. 235 ;
cf supra, col. 1942.

4) Visites au Saint-Sacrement. — Le canon 1273 du Code de Droit canonique


rappelle à « ceux qui sont chargés de l'instruction religieuse des fidèles », qu'ils « ne
doivent rien omettre pour exciter dans leur âme la piété envers la très sainte
eucharistie, et les exhorter surtout à assister au sacrifice de la messe et à visiter le
Très-Saint-Sacrement, non seulement les dimanches et les jours de fête de
précepte, mais souvent encore les jours de semaine, autant qu'il est possible ».

Depuis la parution du Code, à maintes reprises, les papes ont rappelé les bienfaits
et les exigences de la dévotion eucharistique (cf DS, t. 4, col. 1637). Le 3 juin 1932,
Pie XI accordait dix ans d'indulgence pour chaque visite, à charge de prier aux
intentions du pape, et une indulgence plénière une fois par semaine à ceux qui
auront fait cette visite chaque jour, se seront confessés et auront communié au
moins une fois (AAS, t. 24, 1932, p. 231-232). Pie XII recommanda vivement cette
pratique, en particulier dans l'encyclique Mediator Dei. Dans son discours du 22
septembre 1956, au congrès international de pastorale liturgique à Assise (AAS, t.
48, 1956, p. 722-723 ; Documentation catholique, t. 53, 1956, col. 1296-1297), il
attirait l'attention sur la « tendance… d'une moindre estime pour la présence et
l'action du Christ au tabernacle » :

On se contente du sacrifice de l'autel, et l'on diminue l'importance de Celui qui


l'accomplit. Or, la personne du Christ doit occuper le centre du culte, car c'est elle
qui unifie les relations de l'autel et du tabernacle et leur donne leur sens… Le
liturgiste le plus enthousiaste et le plus convaincu doit pouvoir comprendre et
deviner ce que représente le Seigneur au tabernacle pour les fidèles profondément
pieux, que ce soient des gens simples ou instruits. Il est leur conseiller, leur
consolateur, leur force, leur recours, leur espérance dans la vie comme dans la mort.
Non content de laisser venir les fidèles vers le Seigneur au tabernacle, le
mouvement liturgique s'efforcera donc de les y attirer toujours davantage.

Toute piété véritable doit être à la fois personnelle et communautaire. Sans doute,
on peut prier isolément ou en groupe, mais ces deux formes de prière doivent se
compléter l'une l'autre. Publique ou privée, toute prière chrétienne est
essentiellement catholique. « Un chrétien n'est chrétien et n'agit en chrétien que par
le lien qui le rattache à tous ses frères, en le rattachant au Christ… Ce qui suscite sa
prière et qui la fait prière chrétienne est aussi, par conséquent, ce qui la fait
universelle, catholique, publique, unie à toutes les prières chrétiennes » (É. Mersch,
Morale et Corps mystique, 3e éd., t. 1, Bruxelles-Paris, 1949, p. 131-132).

1. Ouvrages généraux, en dehors des grandes collections conciliaires classiques,


Mansi, etc. — Acta Ecclesiae mediolanensis, 1949 Milan, 1582 ; dernière édition par
Achille Ratti (Pie XI), 1890 ; nous utilisons l'édition de Lyon, 1683, 2 vol. — L.
Odespung de la Meschinière, Concilia novissima Galliae, Paris, 1646. — Concilia
Germaniae, Cologne, 1759-1790, 11 vol. avec index. — Nova et absoluta collectio
synodorum… archiepiscopatus mechlinensis, Malines, 1828-1829, 2 vol., cité
Concilia mechlinensia. — Acta et decreta sacrorum conciliorum recentiorum,
Fribourg-en-Brisgau, 1870-1890, 7 vol., cité Collectio lacensis. — Cardinal Pierre
Gasparri, Codicis juris canonici fontes, Rome, 1923-1939, 9 vol. avec index.

2. Vie spirituelle des clercs. — 1° Textes du magistère rassemblés dans Enchiridion


clericorum, Cité du Vatican, 1938. — Des traductions parues en diverses langues,
nous retenons ici : R. Kothen, Documents pontificaux de Pie XII, Paris-Louvain,
1948-1958, 11 vol. — Mgr Pierre Veuillot, Notre sacerdoce. Documents pontificaux
de Pie X à nos jours, Paris, 1954, 2 vol.

2° Études. — J.-C. Antonelli, De juribus et oneribus clericorum, Rome, 1699. — Pl.


Boeckhn, De clero, seu obligationibus et officiis, beneficiis et juribus utriusque cleri,
Salzbourg, 1728-1731. — M. Verhoeven, De regularium et saecularium clericorum
juribus et officiis, Louvain, 1846. — N. Nilles, De vita et honestate clericorum,
Innsbruck, 1890. — E. Méric, Le clergé sous l'ancien régime, Paris, 1890. — J.
Creusen, Le Code et les pratiques de dévotion, dans Revue des communautés
religieuses, t. 4, 1928, p. 83-89 ; P. Henrard, La confession fréquente, ibidem, t. 5,
1929, p. 122-129, 153-158. — F. Claeys-Bouuaert, art. Clerc, dans Dictionnaire de
Droit canonique, t. 3, 1939, col. 827-872. — G. Soranzo, San Carlo Borromeo, Milan,
1944, 2 vol. — G. Lemaître, Notre sacerdoce, Paris, 1945. — R. Garrigou-Lagrange,
De sanctificatione sacerdotum secundum nostri temporis exigentias, Turin, 1946. —
Ch. Grimaud, La vie spirituelle du prêtre séculier, Paris, 1946. — H.-M. Vicaire, Le
clergé catholique du 15e au 19e siècle, dans Prêtres d'hier et d'aujourd'hui, coll.
Unam Sanctam 28, Paris, 1954, p. 183-214. — P. Broutin, La réforme pastorale en
France au 17e siècle, Paris-Tournai, 1956, 2 vol.

3. Vie spirituelle du laïc. — Au niveau où nous nous sommes placés il y aurait moins
à chercher des traités sur les divers exercices de piété, qu'à utiliser d'une part des
biographies de chrétiens et de chrétiennes exemplaires dans leur vie spirituelle,
familiale, sociale et professionnelle, et d'autre part des revues de formation
spirituelle pour des laïcs engagés dans l'action catholique. Des congrès et des
sessions de toute sorte ont également abordé la question.

1° Documents. — La collection « Enseignements pontificaux » a publié : Le laïcat,


Paris, 1957, et Consignes aux militants, Paris, 1958, qui donnent la liste et la
traduction des textes essentiels. — En nombre de pays, des revues ont consacré
des articles ou des numéros entiers au thème de la sanctification du laïcat ; vg
Supplément de la Vie spirituelle (Paris), les numéros de novembre 1950 et de février
1952 ; Christus (Paris), les numéros 13, 20, 29, sur l'Apostolat du chrétien, L'homme
en prière, Le devoir d'état ; voir aussi Geist und Leben en 1947 ; Tijdschrift voor
geestelijk leven, n. 5 de 1949 ; etc.

2° Études. — On trouvera une bibliographie importante, en diverses langues, dans


L'apostolato dei laici. Bibliografia sistematica, Milan, 1957.

On pourrait retenir : F. Charmot, La doctrine spirituelle des hommes d'action, Paris,


1938. — Y. de Montcheuil, Problèmes de vie spirituelle, Paris, 1948. — C. Feckes,
Die Lehre vom christlichen Vollkommenheitsstreben, Fribourg-en-Brisgau, 1949. —
L.-J. Lebret et T. Suavet, Rajeunir l'examen de conscience, Paris, 1952. — D.
Dohen, La sainteté des laïcs, Paris, 1953. — F. Hermans, La vie spirituelle des laïcs,
Paris, 1954. — R. Spiazzi, I valori spirituali nella vita del laico, Brescia, 1956. — J.
M. Hernández de Garnica, Perfección y laicado, Madrid, 1956.

Charles SCHMERBER.

Article complet :
93 pages

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