Nommer un objet,
c'est supprimer les trois quarts de la jouissance du poème
qui est faite de deviner peu à peu : le suggérer, voilà le rêve.
C'est le parfait usage de ce mystère qui constitue le symbole
Stéphane Mallarmé
1. Ses origines
Il est né en France vers 1880 dans la jeunesse littéraire et artistique, en réaction contre le moralisme,
le rationalisme et le productivisme de l'ère industrielle.
C'est le Manifeste publié par Jean Morréas en 1886, dans le Figaro, qui est considéré comme l'acte de
naissance de l'école symboliste.
2. Ses influences
Il s'inspire du préraphaélisme anglais mais des traits annonciateurs se trouvent déjà au sein du
romantisme allemand, par exemple dans la peinture de Caspar David Friedrich, britannique (Blake) et
français (Chassériau). Baudelaire, Verlaine, Mallarmé, sont les trois poètes français qui ont le plus
influencé le symbolisme.
Le mouvement symboliste français a, à son tour, influencé le symbolisme autrichien, anglais (E.Hulme
écrit: "Nous avons subi une grande influence du symbolisme français") et le mouvement symboliste un
peu partout dans le monde.
3. Ses caractéristiques
a) originalité
Le symbolisme tient son originalité de son extension géographique (il se répand partout dans le monde),
de son contenu esthétique et de son déroulement chronologique.
b) valeurs
Le symbolisme met l'accent sur les états psychiques intermédiaires (le rêve, le fantastique...).
Le mouvement symboliste tente de stimuler l'imaginaire et la sensibilité des gens. Il permet le passage
du monde réel au monde de l'idée.
c) en poésie
Les poètes symbolistes essaient d'atteindre une réalité transcendante et cherchent à saisir l'idéal
comme l'ont tenté Baudelaire ou Rimbaud.
Dès lors, pour eux, la poésie est un instrument de connaissance qui traduit les découvertes du poète par
des symboles verbaux. En effet, le symbole est le secret de la poésie.
Les poètes cherchent aussi un langage fluide, musical et pur. Le vers libre est une de leurs innovations
pour s'affranchir de la rime et de la métrique régulière.
Baudelaire influence l'école symboliste pour le recherche de l'Idéal; Mallarmé, de son côté, accorde
beaucoup d'importance à la fonction poétique du langage comme un médiateur entre réel et idéal. En
effet, le symbolisme est essentiellement l'idéalisme appliqué à la littérature.
d) en peinture
Le symbolisme se tourne vers le passé, la nature, le mythe ou la religion.
La peinture symboliste est un art du caché, de l'ailleurs, de l'invisible où le symbole occupe une grande
place.
e) le symbole
Etymologiquement, il s'agit de "deux choses lancées ensemble"; le symbole est donc une association de
deux réalités, le signe de cette association.
En religion, le symbole est un mot ou un objet qui résume ou illustre un élément essentiel de la
doctrine ou de l'histoire religieuse. Par exemple, pour les premiers chrétiens, le symbole du
poisson représentait le Christ, parce qu'en grec les cinq lettres du mot étaient les initiales de
l'expression "Jésus Christ, fils du Dieu sauveur". Les bâtisseurs du Moyen Age amplifieront cette
symbolique.
En philosophie, symbole a une signification proche de celle de représentation. La pensée
symbolique procède par images et analogues, à la différence de la pensée logique. Pour Platon,
les réalités concrètes ne sont que des images des idées pures.
En littérature, le mot symbole synthétise les deux acceptions: comme en religion, c'est une
transposition en une image concrète de réalités abstraites (allégorie). D'autre part, les mots du
symbole littéraire sont des analogies de puissances, de vérités ou de mystères cachés.
Baudelaire, par le biais de métaphores, rapproche des réalités séparées, des fragments pour
leur donner du sens (cf. Correspondances).
Le rôle du lecteur est dès lors essentiel: il doit interpréter ou déchiffrer les images qui lui sont
proposées.
a) Charles Baudelaire
Il est né en 1821. Il fit des études au Lycée Louis-le-Grand, puis des études de droit. Il commença à
écrire ses premiers vers à 17 ans et fréquenta les cabarets littéraires.
En 1846, il découvrit Edgar Poe dont il présenta les oeuvres au public français après 17 ans de
traduction.
En 1857, le recueil Les Fleurs du Mal fut jugé obscène et il fut condamné à payer 300 FF d'amende.
Il écrivit encore les poèmes en prose du Spleen de Paris avant de mourir paralysé et infirme le 31 août
1867.
L'ennemi
S'ajoute la notion essentielle de Baudelaire, en opposition à l'Idéal: le Spleen, identifié ici à l'"Ennemi".
b) Stéphane Mallarmé
Il est né en 1842. La poésie représentait pour lui un refuge contre le réel.
Dès sa sortie du collège, il dut gagner sa vie et entra comme surnuméraire à l'Enregistrement de Sens.
Il devint suppléant au collège de Tournon puis, à partir de 1871, enseigna l'anglais à Paris. Cette année-
là, il publia des poème dans la revue l'Art libre.
Ses activités littéraires furent diverses: unique rédacteur de La Dernière Mode, gazette du monde et de
la famille, auteur d'un ouvrage de philologie, Les Mots anglais, d'un ouvrage de mythologie Les Dieux
antiques...
C'est toutefois Prose pour Des Esseintes qui fit de lui le personnage le plus fascinant du symbolisme
naissant.
Brise marine
Ce poème, en alexandrins, est intéressant par les rapprochements qu'on peut faire avec d'autres
textes.
Son rythme lent et ses sonorités douces suggèrent l'ennui (on peut le mettre en rapport avec
le Spleen de Baudelaire).
Sa thématique, le manque d'inspiration, fait penser à un autre poème mallarméen, L'Azur: le
poète , il est hanté par les pages blanches (" le vide papier que la blancheur défend") et, en
même temps, il est blasé ("J'ai lu tous les livres"), il ne trouve plus le plaisir nulle part ("La chair
est triste").
Le thème du voyage (cf. champ lexical: partir, steamer, mâts...) fait penser à l'Invitation au
voyage de Baudelaire mais ici, au contraire du poème de Baudelaire, c'est la fuite de l'ennui qui
pousse le poète, malgré des obstacles (la maison "de vieux jardins", la famille " la jeune femme
allaitant son enfant", le métier d'écrire "la clarté déserte de ma lampe"), à voyager. Toutefois,
c'est sans certitude:
c) Paul Verlaine
Il est né à Metz en 1844.Ses premiers poèmes parurent dans des revues. Il rencontre Banville,
Baudelaire et Hugo.
Son premier recueil, Poèmes saturniens, paraît en 1866, grâce à l'appui financier de sa cousine. Peu de
temps après la parution de La Bonne chanson, il quitte sa famille pour aller vivre avec Rimbaud.
Condamné pour avoir tiré sur Rimbaud en juillet 1872, il passe deux ans en prison à Bruxelles et à
Mons. C'est qu'il compose Les Romances sans paroles et Sagesse.
Libéré en 1875, il exerce les fonctions de professeur dans une école anglaise avant de rentrer à Paris.
Clair de lune
Le poème, composé de trois quatrains et écrit en décasyllabes est déjà symboliste: le premier vers
donne la clé du poème: l'âme est un paysage: le poète va donc évoquer son interlocuteur
(interlocutrice?) par petites touches, il l'identifie à un paysage (symbole). Comme le réclame Mallarmé, il
ne s'agit pas de nommer mais d'évoquer.
On ne sait pas exactement si le "personnage" est triste ou heureux: tout le poème est construit sur
l'opposition entre bonheur et tristesse. Heureux car on retrouve, d'une part, le thème de la fête:
déguisements fantasques, masques, bergamasques. Le luth peut faire office d'instrument qui sonne
bien quand on l'entend, sa musique coule à l'oreille. On a donc, à première vue, une impression de
bonheur, de gaieté.
Mais, sous les masques, on découvre un paysage triste. Le rythme est lent, il coule comme les "grands
jets d'eau sveltes parmi les marbres", comme la musique du luth. Les sonorités douces donnent
également une impression de tristesse.
Dans son recueil Stances, la pureté de la langue ne fait qu'un avec le poli des vers.
Extrait de Stances