C O M
Sauvage par nature
WILD AT HEART
Édito
« Un gentleman est un homme
qui sait jouer de la cornemuse
mais qui n’en joue pas. »
Pierre Desproges
SATOSHI HASHIMOTO
valeurs, les peurs et les aspirations de 2017. Survivaliste d’obédience
écolo, il traverse le monde et affronte les éléments en quasi-autonomie.
Sur M6 dans « À l’État sauvage », il pratique la maïeutique au fin fond
de la jungle et fait naître les consciences chez nos amis les people. Mike
Horn et le succès de son mode de vie racontent les paradoxes d’une
époque prise entre l’angoisse de l’apocalypse et la croyance mystique
que rien ne résiste à l’humain. C’est cette figure combative, positive, qui
n’ignore rien des ténèbres, que le journaliste Charles Audier est allé re-
trouver dans le sud de la Nouvelle-Zélande, mettant ses propres limites
à l’épreuve des heures de vol et des décalages horaires.
Et puisque tout change, tout le temps, sans doute aurez-vous
remarqué, fidèles lecteurs, qu’à l’image du monde, GQ aussi fait peau
neuve. Nouvelle maquette, nouvelle typo, nouvelles images, un vent d’air
frais souffle sur votre magazine. Celui des gentlemen.
— BÉLINE DOLAT
Rédactrice en chef
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 6 Juillet 2 017
* LA PERFORMANCE MÉCANIQUE POUSSÉE À L’EXTRÊME
TOURBILLON RM 025
MONTRE DE PLONGÉE
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Sommaire G Q M AGA Z I N E . F R GQ FRANCE
COMMENT NOUS TROUVER ?
@GQFRANCE @GQ_FRANCE GQFRANCE L E C T E U R S Q G @ C O N D E N AS T. F R
DEREWWK HENDERSON
70
Rencontre avec l’aventurier le plus bankable du moment,
qui avant de devenir le présentateur star de l’émission
« The Island » sur M6, a fait fortune en vendant des choux, si, si !
Et retrouvez notre enquête sur le boom des stages de survie.
16 LE CLUB GQ
Courrier, coulisses, contributeurs, rendez-vous…
22 IDOLE
Portrait de la musicienne israélienne Noga Erez.
24 TÉLÉVISION
Petit tour des transferts (complètement fictifs) que la
rédaction aimerait voir s’opérer dans le PAF.
28 MUSIQUE
L’immense Ryuichi Sakamoto, compositeur de musique
de film de légende ( The Revenant, Furyo…) sort un disque.
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 8 Juillet 2 017
Sommaire
124 MODE
Notre série mode met à l’honneur David Hockney, dandy excentrique,
peintre de la transparence et de la douceur de vivre californienne.
Alors que le Centre Pompidou lui consacre une rétrospective, nous
rendons hommage au style indémodable du roi anglais du pop art.
98 REPORTAGE
Plongée dans les coulisses de
l’hippodrome de Hong Kong, où
circulent bookmakers, chevaux,
jockeys et milliardaires…
54
versus la Porsche de junior.
58
DESIGN
Le dernier Salon du meuble de Milan a vu passer RETOUR VERS LE TURFU
la nouvelle création des frères Bouroullec : Une histoire pop des objets.
64
le fauteuil Quindici. Une leçon de justesse.
ALCOOLS Le rosé réhabilité.
147
61 Ce numéro NATATION Les conseils de
VOYAGE contient un Michael Phelps, en personne.
encart
150
Si tu vas à Riooooo… Arrête-toi à
abonnement
Santa Teresa. Réhabilité par les jeté entre les PARFUMS Viril, sage, séduc-
artistes et les intellos, cet ancien pages 98 et teur… trouvez votre effluve.
99.
152
quartier de riches est le nouveau
« Montmartre du Brésil ». SEXE Les bonnes manières
de l'onanisme. Réveiller sa libido…
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 10 Juillet 2 017
BOSS 0882/S
HUGOBOS S.COM
RÉ DACTIO N E N CHE F
Rédactrice en chef Béline Dolat
Rédacteu r en ch ef adjoint (magazine) Mathieu Le Maux
Rédacteu r en chef adjoint (digital) Antoine Jaillard
MO DE
Rédacteu rs en chef mode James S leaford et Ylias Nacer
Rédacteu rs m ode Jacqueline de Cossette, Laetitia Paul
Assistant N assim Derbik h
É DITIO N
C hef d’édition Jean Perrier
Secrétaire de rédaction Céline Leporrier
RÉ DACTIO N
C h ef des n ews, enquêtes et reportages Fabrice Tassel
C h ef de ru briqu e Lab Alexandre Lazerges Chef de rubrique High-tech Jérémy Patrelle
C h ef de ru briqu e Horlogerie Nicolas Salomon Chef de rubrique Trip Marie Aline
Rédaction Charles Audier, Magali Bertin, Toma Clarac, Marine Delcambre, Julien Lambea, Étienne Menu, Thibaud Michalet
Respon sable des relations presse et rubrique #GQClub Adèle Schnur
Gestion n aire de la rédaction Marianne Botté
ON T CO NTRIBU É À CE NU MÉ RO
C h ron iqu eu rs Maïa Mazaurette, Nicolas Santolaria
Textes Lilly Mar t h e Ebe ne r, Marie Farman, Maud Gabrielson, Clovis Goux,
C arol Isoux, Antoni n Iommi-Amunategui, Ak im Mousterou, Anna Topalof f
P hotos Je ff Boudre au, C h r i stoph e C oë non, Agnès Dherbeys, Marius W. Hansen, Derek Henderson, Paul Rousteau
Illu stration s Tom Froese, Satoshi Hashimoto, S imon Landrein,
Pi e r re La Police, Ben Wiseman, Zeloot
DIRECTE U R DE LA PU BLICATIO N
Xavier Romatet
D irectrice générale adjointe Violaine Degas
Attach ée de direction Isabelle Delaunay
PÔ LE IMAGE
Respon sable du service syndic ation Caroline Ber ton
Docu m en taliste et gestion n aire du patrimoine photos de Condé Nast Vanessa Bernard
C ONS E IL D’ADMINISTRATIO N
Président directeur général Xavier Romatet
Adm in istrateur Nicholas Coleridge
Adm inistrateur Giampaolo Grandi
C ondé Nast International Ltd.
Provenance des papiers : papier de couverture, France (Ptot : 0,01 kg/tonne) ; papier intérieur,
Italie (Ptot : 0,008 kg/tonne) Taux de fibres recyclés : 0.
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY Juillet 2 017
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Presiden t, C ondé Nast E-commerce Franck Zayan
Brésil
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Vogue , GQ, AD, Glamour, GQ Style, Tatler,
D iffu sion Presstalis – ISSN 1959-7800 – Numéro de commission paritaire 0720 K 894 84 –
Ph otogravu re Arciel. I mprimé chez ROTOFRANCE,
ru e de la Maison-Rouge, 77 185 Lognes
D épôt légal à paru tion . Notre pu blic ation contrôle les publicités commerciales avant insertion
pou r qu ’elles soient parfaitement loyales.
Elle su it les recom m an dation s de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité.
Si, m algré ces préc au tion s, vou s aviez une remarque à faire, vous nous rendriez service en
écrivan t à l’ARPP (2 3, ru e Auguste-Vacquerie, 75 116 Paris – www.arpp-pub.org).
« Le papier u tilisé pour ce magazine est recyclable.
Il a été produ it avec du bois en provenance de forêts gérées durablement et dont la pâte a été
blan ch ie sans chlore. Les usines sont certif iées
par des tierces parties in dépendantes selon les normes I SO 9001 Assurance Qualité,
et les n orm es ISO 14001 et EMAS, Systèmes de Management Environnemental. »
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY Juillet 2 017
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Direction : le futur.
Le club GQ
La rédaction vous réserve
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COULISSES
Inspiration
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En hommage au
peintre britannique
David Hockney – dont
la rétrospective
débute le 21 juin à Paris
– GQ s’est imprégné de
l’univers du maître
pour réaliser une série
de mode très pop.
Coordonné par Adèle Schnur
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 16 Juillet 2 017
Le parfum très masculin
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Le Club GQ
FLASH-BACK
UNE BROMANCE ÉLECTRIQUE
COULISSES COMMENT GQ REMODÈLE SOUS LE MANTEAU
DR
ter Mitty. Un coup de fil ne suffit pas lage de son voilier de 35 mètres. À le nouvel album de Gorillaz sorti au printemps, et s’est
pour comprendre la fascination qu’il peine l’interview terminée, direction produit sur scène à Londres avec le groupe, aux côtés
suscite. Et pour cause : l’aventurier Sydney, où notre équipe l’attendait d’Albarn mais aussi de Noel Gallagher, le moins débile des
passe sa vie loin d’un réseau 4G et pour la séance photo. Il disparaîtra frangins d’Oasis ! Objectif pour notre prochaine soirée
n’a qu’une idée en tête, réaliser l’im- aussitôt après, dans le désert de des Hommes de l’année : organiser la rencontre entre
possible. Mais comment ce natif sud- Simpson au centre de l’Australie. » Johnny et Kendrick Lamar.
CONTRIBUTEURS
CHARLES AUDIER ZELOOT JEFF BOUDREAU SIMON LANDREIN CAROL ISOUX DEREK HENDERSON
(JOURNALISTE) (ILLUSTRATRICE) (PHOTOGRAPHE) (ILLUSTRATEUR) (JOURNALISTE) (PHOTOGRAPHE)
Il se rêve en disciple Illustratrice Né au Canada, Jeff Basé à Londres, Après avoir passé Après avoir passé
du clan Mike Horn indépendante basée à Boudreau étudie Simon Landrein a des années dans vingt ans à travailler
avec lequel il a Haan, en Rhénanie- les beaux-arts à commencé sa carrière les studios d’une entre Londres, Los
traversé la Namibie du-Nord, Zeloot l’Université de Floride dans l’animation 3D grosse matinale Angeles et New York,
et dont il signe le collabore du Sud. La mode avant de rejoindre le radio, Carol Isoux se Derek Henderson est
portrait dans ce régulièrement au New et le voyage sont studio Passion passionne pour l’Asie devenu une figure
numéro (p. 70), Yorker, au New York ses deux passions. Pictures en 2013. En et rejoint la Chine d’où incontournable de la
mais se révèle Times, à Esquire ou En extérieur, il aime tant qu’illustrateur, elle couvre l’actualité photographie. Ses
physiquement plus avec Ray-Ban, et créer une synergie on a pu voir son style politique, économique images racontent les
proche de Kev Adams. signe des créations entre mannequin et minimaliste et et culturelle pour paysages naturels et
Pour GQ, il se d’affiches pour des paysage. En studio, impertinent dans Le Parisien, BFM TV, les communautés
passionne pour les événements culturels. il se concentre les colonnes du New Al Jazeera… Installée d’Australie et de
sports extrêmes, le Son coup de crayon sur le vêtement Yorker ou du New depuis 2010 en Nouvelle-Zélande.
Vendée Globe, teste ultra-graphique et et la lumière. Pour York Times. Dans ce Thaïlande, elle signe C’est donc tout
des engins pleins de coloré accompagne ce numéro, il signe numéro, ses dessins pour ce numéro naturellement à lui
cambouis, mais ne l’article sur le mythe la série de mode rythment l’enquête le reportage sur que nous avons pensé
comprend pas encore du French lover inspirée par David sur Steve Jobs et le le Hong Kong Jockey pour notre cover boy
les règles du football. (p. 92). Hockney (p. 124). smartphone (p. 112). Club (p. 98). Mike Horn (p. 70).
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 18 Juillet 2 017
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Le Club GQ
AUTOPROMO COURRIER DES LECTEURS
QUAND LA GENDARMERIE NATIONALE
EN MARCHE !, MAIS
S A N S PAT I N S ?
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 20 Juillet 2 017
B O U T I Q U E V UA R N E T, 2 8 R U E B O I S S Y D ’A N G L A S , PA R I S 0 8 - V UA R N E T. C O M
Noga Erez
le chant des possibles
Surnommée la « M.I.A. de Tel Aviv », la musicienne
israélienne délivre avec Off the Radar une
électro singulière et robotique. Et si elle explore
des thèmes contemporains, elle rejette
l’étiquette de chanteuse engagée pour mieux
célébrer les charmes de l’altérité.
P a r To m a C l a r a c
L
e titre du premier album de l’Israé- trêmement aimants et encourageants qui
lienne Noga Erez, Off the Radar, a m’ont toujours soutenue dans mes choix,
l’éclat et la concision d’un slogan choc, voire mes lubies. J’ai commencé par le
mais n’en demeure pas moins ouvert piano, puis la guitare et je suis passée ainsi
aux quatre vents de l’interprétation. Un d’un instrument à un autre, avant les cours
peu comme sur le toit du Point Éphémère, de chant. »
la salle parisienne où elle se produit le jour Cette enfance heureuse dans l’art contre-
de notre rencontre, début mai : « C’est une dit cer taines humeurs ou angoisses qui
expression à sens multiples, conf irme la traversent Off the Radar, un disque où l’on
jeune musicienne. Dans la chanson du même danse en même temps qu’on mitraille et où
nom, je parle de la peur de l’anonymat, de la peur est une affaire collective et totale.
passer inaperçu, du manque de reconnais- On est tenté, peut-être de manière naïve,
sance, en somme. Mais échapper aux ra- d’y déceler l ’impact du conf lit israélo-
dars peut en même temps être un truc po- palestinien. Elle tempère aussitôt : « Il me
sitif. C’est quasiment impossible aujourd’hui semble que la peur est un sentiment qui
et il y a quelque chose d’héroïque à ne pas se peut déf inir notre génération, mais je ne
fondre dans la masse. » Il y a aussi quelque parle en aucun cas d’Israël en particulier.
chose d’héroïque à soutenir le regard vert J’écris depuis un lieu intime, très person- Rio en 2016 : « Ce n’était pas dans le village
grisant de Noga Erez sans rougir… nel. C’est mon ressenti que je documente. olympique, précise-t-elle, et il n’y avait pas
À la différence de sa musique, inclassable Je ne voudrais sur tout pas être perçue de drapeau sur scène ou quoi que ce soit
électro robotique croisée avec un rap neu- comme une ambassadrice de mon pays. » dans le genre. La proposition m’a plu car
rasthénique, la chanteuse de 28 ans a elle était vraiment étrange. » Noga Erez,
une beauté qui n’échappe pas aux radars, « M I E U X C O N N A Î T R E L’A U T R E » qui a grandi à distance de la religion dans
même si elle n’en joue jamais dans ses clips Ce souci de ne pas être réduit à sa nationa- une région où cer tains tentent de « l’im-
sophistiqués, par fois tournés très loin lité n’a pas empêché celle qu’on surnomme poser dans la vie quotidienne », cultive un
de Césarée, ville du nord d’Israël où elle a parfois la « M.I.A. de Tel Aviv » d’accep- regard critique sur son pays, brasse des
grandi : « Mes parents étaient des passion- ter une invitation du ministère des Affaires thèmes politiques dans sa musique, mais
nés de musique, confie-t-elle. Des gens ex- étrangères de son pays à jouer aux Jeux de refuse catégoriquement l’appellation « ac-
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 22 Juillet 2 017
La chanteuse
Noga Erez,
à deux doigts
du succès ?
TONJE THILESEN
tiviste » à la ville comme sur scène. teuse. Mais ce n’est plus vraiment le cas. Je l’entendais notamment quand je rentrais
Dans l’entrelacs syncopé de beats métal- Avec Ori, on écrit les chansons en studio. de l’école. Il résonnait en moi, Israélo-juive,
liques, de basses ludiques et de mots accro- En général, le beat arrive en premier et le de façon très particulière. Dans le contexte,
cheurs conçu avec son producteur et co- reste se greffe autour. L’écriture se confond il me faisait peur en fait. C’était vraiment
compositeur Ori Rousseau, c’est tout autre avec la production. » Cette démarche par- intense. Puis j’ai grandi. La nécessité d’ap-
chose qui se joue : une envie manifeste de ticulière peut dérouter, mais jamais autant prendre à mieux connaître l’autre est forcé-
démanteler les mélodies pour mieux se que les souvenirs qui sont à l’origine de cer- ment un thème important du disque », conclut
perdre dans l’expérimentation, quitte à frô- tains titres, comme « Muezzin », marche la chanteuse. Il est surtout nécessaire de dé-
ler le trop-plein. « À une époque, j’écrivais militaire éclatée : « Quand j’étais jeune, je couvrir la musique de Noga Erez.
de manière classique des mélodies et des vivais juste à côté d’un village musulman. Il
O F F T H E R A DA R , D E N O GA E R E Z ( C I T Y S L A N G )
harmonies sur mon piano, explique la chan- y avait l’appel à la prière cinq fois par jour. ALBUM DISPONIBLE.
23
Intelligence_Télévision
PRÉVU À GQ !
Le mercato
(idéal)
des médias
M6
s’opérer. À bon entendeur... FRANCE 2
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 24 Juillet 2 017
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Chronographe Automatique Bi-Compax, Roue à Colonne ;
Calibre Jacob&Co JCAA05, 260 Composants ;
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Intelligence_Télévision
PA R I S P R E M I È R E
LEMOINE « C À VOUS »
FRANCE 5
« SALUT LES TERRIENS »
CANAL+
« VIVEMENT DIMANCHE »
FRANCE 2
Il nous aura fallu quelques L’an dernier, Canal+ vou- Vous aurez bien compris Son arrivée fracassante
a n n é e s p o u r a c c ro c h e r lait lui conf ier « Le Grand que s’il y a bien un animateur dans « ONPC » il y a deux
au style Mouloud, dont la Journal ». Mais l’anima- sur lequel on mise pour les saisons a appor té un se-
pseudo-désinvolture et le t r i c e a p r é f é r é re s t e r prochaines années, c’est cond souffle à l’émission du
« parler jeune » nous ont s u r Fra n c e 5 o ù l ’ at te n - lui. Alors on ne va pas vous samedi soir, qui commen-
longtemps cri spés. Mai s dait, en plus du poste de dire pour la 14 e fois à quel çait sérieusement à ron-
avec le pure player Clique. j o ke r d ’ A n n e - S o p h i e L a - point ce jeune homme est ronner. Le problème, c’est
tv, déclinaison Web d’une pix, une émi ssion média formidable, mais si on avait que le show perd en rythme
émission pas terrible ( GQ (« C l ’hedbo »)… L’avenir les clés de la grille, on sait à chaque fois que Moix re-
l’avait dit, et il nous en veut a prouvé qu’elle avait fait déjà où on le mettrait : à donne la parole aux invités.
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 26 Juillet 2 017
La Pépite du Speyside
Cardhu, « pierre noire » en gaélique, est le joyau du
Speyside, berceau des plus grands whiskies écossais.
RCS Nanterre B 337080055 - Le mot Cardhu ainsi que les logos associés sont des marques protégées. © Diageo 2017
Intelligence_Musique
CRÉDITS PHOTOS.
Sakamoto,
un musicien pas
prise de tête.
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 28 Juillet 2 017
Q
UAND IL A APPRIS la mort de David Bowie, le 10 janvier
2016, Ryuichi Sakamoto sortait tout juste de la céré-
monie des Golden Globes. Le musicien japonais venait
de concourir pour la bande originale de The Revenant
d’Alejandro González Iñárritu, qu’il avait signée alors
qu’il se remettait d’un cancer de la gorge. Il découvrait donc
ce soir-là que la légende britannique venait, elle , de suc-
comber à un cancer du foie quelques jours après la sortie
de son dernier album, Blackstar . Une résonance tout sauf
anodine pour Sakamoto quand on sait que c’est en enre-
gistrant la musique d’un film avec Bowie que sa carrière de
compositeur pour le cinéma a débuté, une trentaine d’an-
nées plus tôt. Furyo racontait l’histoire d’un officier anglais,
joué par le chanteur vairon, prisonnier d’un camp militaire
japonais du Pacifique pendant la Seconde Guerre mondiale.
En plus d’en avoir écrit l’immortelle mélodie orientalisante
Ryuichi
– « Merry Christmas Mr. Lawrence », le titre original du
film –, Sakamoto y interprétait lui aussi un rôle, celui du
capitaine de camp dont la sévérité se trouvait mise à mal par
Sakamoto :
le trouble que faisait naître en lui son beau détenu. Dans une
scène mémorable, celui-ci lui volait même un baiser.
« Je suis né juste après la Seconde Guerre mondiale et pour
moi les traditions de mon pays se résumaient à une autorité
“Ma musique
très forte, à l’armée, à des hommes froids et violents »,
PHO T O PIERRE EVEN - © PARISHIKI
n’aime pas
mier album solo depuis huit ans, async. « Je me sentais très
CRÉDITS PHOTOS.
se défouler”
à fait androgyne, Sakamoto ne s’est jamais opposé frontale-
ment à un certain modèle d’homme dur et fort : il a préféré
explorer une sorte d’ailleurs de la virilité. Ne serait-ce qu’en
surface, puisqu’il a été dès ses débuts une icône dandy et
versatile du style masculin, naviguant entre les vestiaires Auteur de bandes
preppy, militaire, futuriste, bohème ou casual-chic. Un goût
originales
du caprice discret et du jeu de références qui a aussi déter-
miné sa musique, laquelle passe de la douceur à l’élan, du classiques et
voluptueux à la désolation en ignorant toujours l’agressivité. pionnier de la
Q U A N D O N L U I FA I T R E M A R Q U E R cette absence, il ré- techno-pop,
pond amusé : « Mon compositeur préféré, c’est Claude
Ryuichi Sakamoto
Debussy, qui n’a jamais rien écrit en fortissimo. Ma musique
refuse de s’exprimer de façon trop affirmative : elle n’aime est toujours,
pas se défouler. Elle préfère l’entre-deux qui sépare le son à 65 ans,
du silence, ainsi qu’une certaine complexité d’émotions, ce stakhanoviste
quelque chose d’irrésolu, de suspendu, qui ne va pas tou-
délicat dont les
jours tout droit d’un point à un autre. » Mais qui, oblique-
ment, relie une diversité impressionnante de repères. œuvres agissent
En quarante ans, Ryuichi Sakamoto a suivi un parcours d’une sur l’âme comme
densité et d’une imprévisibilité rares, et marqué à long un baume. Après
terme le cours de l’histoire musicale récente sans jamais
avoir échappé à un
fanfaronner – ce qui explique sa faible notoriété auprès du
très grand public. Pionnier de la musique électronique, au cancer, il sort son
sein du trio Yellow Magic Orchestra – avec Haruomi Hosono premier album en
et Yukihiro Takahashi, qui sont toujours ses amis et avec huit ans. Rencontre
lesquels il a déjà plusieurs fois reformé le groupe – puis en
avec un génie
solo, il a nourri en quelques disques, et sans bien s’en rendre
compte, les débuts de la new-wave, de la techno et du hip- inépuisable.
hop. Il s’est ensuite montré l’artisan le plus inspiré de Par Étienne Menu
29
Intelligence_Musique
cette tendance pourtant suspecte qu’on appelait dans
les années 1980 la world music. On l’a aussi croisé en son-
gwriter pop très sous-estimé – car amateur de registres vite
déconsidérés comme l’acid-jazz ou la lounge – mais dont les
chansons ont étonnamment bien vieilli. Un peu plus récem-
ment, ses compositions néo-classiques nourries d’arrange-
ments synthétiques sont devenues une espèce de genre à
part, qui infuse à la fois le cinéma international et la musique
ambient. La sensibilité si singulière de Sakamoto aux tragé-
dies du monde fait depuis longtemps vibrer la membrane de
notre inconscient sonore d’une mélancolie reconnaissable
entre mille. Et async confirme que sa poésie poignante et
élévatrice fait toujours partie de nos fondamentaux.
P
LUS QU’UN BANAL « touche-à-tout de génie » ou qu’un
triste dilettante post-moderne, le Japonais incarne le
modèle le plus élégant pour notre époque de ce que la
Renaissance désignait comme un « honnête homme ».
« J’ai toujours cherché à découvrir le maximum de réussi à aller mieux. Je suis convaincu que les plus grands
choses, à rencontrer et travailler avec des gens érudits et musiciens peuvent soigner leurs congénères. »
créatifs. Même au-delà des arts : je veux savoir tout ce qu’il
L
y a à savoir sur les sciences, l’histoire, la géopolitique... » ’ŒUVRE DE SAKAMOTO elle-même sait comme nulle
Sauf que là où l’humanisme renaissant a préparé le terrain autre mettre du baume au cœur et stimuler les neu-
Sakamoto
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Paris - 33 rue des Petits-Champs, 1er - 4 rue de Rivoli, 4ème - 13 rue Saint-Placide, 6ème - 84 rue de Rennes, 6ème
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Intelligence_Lit térature
Hugues Pagan, 70 ans,
s’était éloigné du roman
pour créer les séries télé
Mafiosa et Police Disctrict.
TROIS ROMANS
NOIRS À GLISSER
DANS SA POCHE
COMPLOTS
DE FAMILLE
Le polar
israélien
n’est pas
franchement
une tradition,
mais on aimerait que ça le
devienne à la lecture du bijou
psychologique qu’est La
Violence en embuscade.
Si l’histoire se lance par la
découverte d’une bombe près
d’une crèche, la trame
politique s’éloigne dans des
méandres intimistes très
étranges. Le commandant
Avraham Avraham est un
personnage attachant, et on
HANNAH ASSOULINE/OPALE/LEEMAGE/DR
a déjà hâte de le recroiser...
La Violence en embuscade,
de Dror Mishani (Points
Hugues Pagan
sans toujours lui laisser de policier), 384 pages, 7,70 €
“A
U LOIN, le vraquier grandes joies de ce prin- des clous, et puis il y a Che- devient irrépressible.
Et l’obscurité fut, de Maurizio
n’en f inissait pas de temps, si délicieuse qu’il roquee, le coup de foudre de Giovanni (10-18),
p e i n e r e n d i re c t i o n serait égoïste de ne pas la d e Sc h n e i d e r, u n e j e u n e 360 pages, 8,10 €
du couchant, sur la par tager à l ’approche de femme brune aussi pudique
TRAVAIL
ligne d’horizon, très l ’ é t é : re t ro u ve r H u g u e s qu’incandescente... Et D’ORFÈVRE
basse, rectiligne et sans Pagan, un des meilleurs et puisqu’une bonne nouvelle Ancien capitaine
vie, et qu’on eût dite tra- des plus énigmatiques au- n’arrive jamais seule, Pa- à la Brigade
criminelle de
c é e d ’ u n t ra i t a u c rayo n teurs français de polars, gan conf ie avoir « trois ou Paris, Hervé
gras.” Voilà, c’est la der- envolé un jour de 1997 avec quatre autres textes dans Jourdain met
nière phrase du livre, eh Dernière station avant l’au- la cave à fromage », dont en scène avec un vécu évident
une enquête menée par
bien elle m’a pris quarante- toroute, son neuvième ro- un se situant en Algérie, une équipe du 36 quai
huit heures ! » Peu im- m a n , e t q u i rev i e n t ave c où il a vécu jusqu’à l’âge de des Orfèvres (en passe de
porte, a-t-on envie de répli- Profil perdu (chez Rivages, 16 ans. Avant de nous quit- déménager vers les
Batignolles). Flics jusqu’à
quer à Hugues Pagan quand son éditeur historique). ter, il a lui aussi une ques- l’os, rivalités de couloirs...
nous l’interrogeons. Après Dans l’intervalle, l’écriture tion : « C’est pour quel l’ouvrage dessine aussi un
vingt ans de silence que pour la télé l’a certes beau- journal, déjà ? » portrait lucide de l’époque.
Le Sang de la trahison,
valent deux malheureuses coup occupé (Maf iosa, Po- PROFIL PERDU,
d’Hervé Jourdain (Fayard),
D E H U G U E S PAGA N ( R I VAG E S ) ,
journées ? Ce fut l’une des lice District, Un flic…) mais 416 PAG E S , 19 , 9 0 € 448 pages, 8,90 €
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 32 Juillet 2 017
MAROQUINERIE HOMME
W W W. W Y L S O N P A R I S. C O M
Brenner W8154-9
Intelligence_Musique
P O U R Q U O I O N Y VA : pour
P O U R Q U O I O N Y VA : parce oublier Hugues Aufray.
qu’il n’y a rien d’autre à faire L A B O N N E T Ê T E D ’A F F I C H E :
comme LE dernier rendez- de génie en passe de devenir gonal. Sise dans le fort de QUER : Arab Strap. Le duo
vous festivalier de l ’été. la mascotte de l’événement. Saint-Malo et sur la plage, dépressif écossais est de
Depuis ce printemps, il est L’A C C E S S O I R E I N D I S P E N - La Route du rock propose retour après plus de dix ans
la propriété de Matthieu SABLE : un pass VIP pour tous les ans depuis 1991 une d’absence. On va se marrer.
Pigasse, via Les Nouvelles trinquer avec Julien Dray. programmation pointue gui- L’A C C E S S O I R E I N D I S P E N -
éditions indépendantes (Les L’A LT E R N AT I V E : retarder le dée par une poignée de têtes SABLE : un ciré, Bretagne
Inrockuptibles, Nova…). retour de vacances. d’affiche jamais ronflantes. oblige.
L’A LT E R N A T I V E : aller aux
Eurockéennes, festival au-
trement plus musclé mais va-
« Est-ce que lidé par Jean-Pierre Chevè-
vous êtes tous nement (6-9 juillet à Belfort).
lààààààà ? »
VICTOR PICON
LOLLAPALOOZA
22-23 JUILLET
À L’ H I P P O D R O M E
D E L O N G C H A M P À PA R I S
Le guide GQ
MIDI FESTIVAL sence un festival sans tête FICHE : The Weeknd, mil-
21 - 22 - 23 JUILLET d’affiche. liardaire YouTube, meilleur
À LA VILLA NOAILLES L E G R O U P E À N E PA S M A N - « buddy » des Daft Punk.
des festivals
À HYÈRES QUER : D r u g d e a l e r, u n L E G R O U P E À N E PA S M A N -
Fondé en 2005, le Midi Festi- Californien moustachu QUER : les Pixies, papis pré-
val joue la carte Riviera dé- por té sur la folk psyché, grunge aux riffs aussi vieil-
tente en proposant un line- tout comme ses merveilleux lissants qu’imparables, jadis
Bonne nouvelle : vous pouvez up défricheur dans le cadre compagnons de route Ariel idolâtrés par Kurt Cobain.
idyllique des jardins de la Pink et Weyes Blood. L’A C C E S S O I R E I N D I S P E N -
ranger vos écouteurs
Villa Noailles. Doux comme L’A C C E S S O I R E I N D I S P E N - SABLE : un smartphone
de smartphone à la cave. une sieste estivale. SABLE : un plaid, pour dor- avec une optique décente
La saison des festivals est P O U R Q U O I O N Y VA : pour mir dans l’herbe. pour des selfies au poil.
ouverte et, avec elle, de purs découvrir les groupes qui L’A LT E R N A T I V E : Cabourg L’ A LT E R N A T I V E : le Main
joueront dans les gros fes- mon amour, pour rejouer Square Festival, mastodonte
rendez-vous rock, folk ou tivals de demain. La Boum sans Sophie des Hauts-de-France égale-
électro-pop à ne pas rater. L A B O N N E T Ê T E D ’A F F I C H E : Marceau mais avec une meil- ment organisé par Live Na-
P a r To m a C l a r a c aucune, vu que c’est par es- leure BO (28-29-30 juillet). tion (30 juin-2 juillet à Arras).
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 34 Juillet 2 017
Intelligence_Sof t Power
Trois penseurs
à citer
lors d’une ET SI MASTODON
ÉCRASAIT TWITTER
discussion 3.0 Avec son logo en forme de
mammouth hilare, le réseau
de micro-blogging Mastodon
résume son ambition : voir
large. Là où Twitter limitait les
C’est bien d’avoir un smartphone échanges à 140 caractères,
Mastodon en propose 500, en
dernier cri, c’est encore plus des contenus multimédias
mieux de connaître les théories (GIF, vidéo, images). L’autre
détail d’importance est qu’ici
des philosophes qui analysent on ne « tweete » pas, mais on
« toote ». Créée par le jeune
ces évolutions… informaticien allemand Eugen
P a r N i c o l a s S a n t o l a r i a _ I l l u s t r a t i o n : P i e r r e L a Po l i c e Rochko, l’application a connu
ces dernières semaines un
fort engouement, en raison
notamment de son caractère
non commercial et de son
esprit cyber-libertaire.
SATOSHI HASHIMOTO
Autre avantage : Mastodon
lors que la technologie et ses progrès ali- Pour lui, cet instrument doit d’abord être considéré permet de masquer certains
mentent toutes les conversations, celles-ci comme un outil « d’inscription », et c’est cette pos- contenus et de les faire
restent le plus souvent embourbées au stade sibilité de consigner les interactions qui produit, au apparaître quand on
le souhaite en appuyant sur
de dialogue du café du commerce. GQ vous travers de l’usage du smartphone, un effet de « mo- un simple bouton. Open
livre quelques références non exhaustives qui bilisation ». Nous nous sentons alors responsables, source, ce mammouth laineux
pourraient alimenter vos techno-bavardages. « mobilisés » comme si nous étions en guerre. qui a pour autre particularité
de ne pas venir de la
D O N N A H A R AWAY Comment le citer ? « Maurizio Ferraris, c’est l’anti- Silicon Valley mérite toute
Cette philosophe et anthropologue, auteur du Nabilla. Derrière le “non mais allô, quoi !”, il montre notre cajolante attention.
Cyborg Manifesto, milite pour une appréhension de que l’oralité n’est plus qu’anecdotique. En vrai, le
la technique comme outil de désindexation des iden- téléphone est une machine à écrire. »
tités. Construction mythique, le « Cyborg » devient BY U N G - C H U L H A N
pour elle un outil conceptuel dont l’hybridité vise à Né à Séoul, ce philosophe allemand s’est fait
contester les assignations binaires : homme/femme, connaître avec son best-seller La Société de la fa-
humain/non-humain… En creusant un peu, on verrait tigue. Il est un penseur de la technique reconnu qui,
presque se dessiner sous cette invitation à la libéra- sous la forme de livres incisifs, étudie les implica-
tion une forme voilée d’animisme technologique. tions actuelles de la « psychopolitique ». Envisa-
Comment la citer ? « Les travaux de Donna Haraway geant l’idiotie comme une attitude hérétique, il en
me font penser à Siri. Dans les deux cas, le genre est fait le moyen étonnant de s’opposer à la communi-
optionnel et peut être modifié dans les réglages. » cation totale qui régente les existences.
MAURIZIO FERRARIS Comment le citer ? « Tiens, j’en ai marre du Spritz,
Théoricien du courant philosophique dit du « Nou- je vais plutôt me prendre une Suze cassis. Comme
veau Réalisme », Maurizio Ferraris est l’un des pen- dirait Byung-Chul Han, “La puissance du consensus
seurs qui a le plus réfléchi sur le téléphone portable. majoritaire étouffe les idiotismes.” »
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 36 Juillet 2 017
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Style
L’habit
mode d’emploi.
Bienvenue
à chino town !
Loin des greens et des
marinas, c’est désormais
BEN WAT TS
au skatepark que le
chino se porte. Analyse Un petit
de ce virage à 180°. coup de flip,
Aaron ?
Par Jacqueline de Cosset te
AARON MURRAY
Est-il nécessaire de rappeler que le
beige se marie à merveille avec plus de beige
encore. Et avec toutes les autres
couleurs aussi. L’erreur serait inhumaine.
CHINO PHARMACY BOARDSHOP 41 €, GILET
G U C C I 7 5 0 € , T- S H I R T V E L V A S H E E N 7 9 € ,
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2 017 Juillet 39 G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY
St yle_Tendances
1
JONATHAN
CAPERONIS
Le chino rafistolé, ou
la version 2017 du jean
rapiécé hérité de l’ère
grunge des années 1990.
CHINO J.CREW 115 €,
CHEMISE LOUIS
VUITTON 390 €,
BASKETS ADIDAS
ORIGINALS 99,95 €,
B O N N E T VA N S , M O N T R E 3
SMART TURNOUT 116 €,
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BRACELETS BURKMAN
Mettre un chino à bandes
BROS.
tricolores façon pantalon
de smoking, histoire de
CHAMPION 53 €, S K AT E B O A R D
BEN WAT TS
BASKETS DEL TORO PHARMACY
4 5 7, 5 0 € . B O A R D S H O P.
C
E L A FA I T D É J À un bon petit moment que le chino n’est plus seulement
le pantalon des golfeurs ou des crâneurs BCBG de la Ivy League. Enfilé
par les « cool kids » en planche à roulettes – qui ont définitivement
remisé leurs bagg ys – parce qu’il est souple, léger et résistant, le
« khaki » (la couleur beige en anglais), comme le surnomment les
Américains, se porte rapiécé, usé, troué et surtout sans fioritures preppy.
Le look de l’étudiant WASP était un must circa 2009 et il n’est pas à jeter.
Mais pour décoincer son allure, il faudra se passer du blazer, du polo et de
la paire de Sebago et associer au chino un T-shirt ou une chemise à carreaux
sous un sweat à capuche, comme l’illustrent à merveille nos quatre skateurs
de Las Vegas.
2 017 Juillet 40 G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY
3
Chad,
qui aime un
peu faire le
malin.
41
St yle_Shopping
Un pied
dans le futur ADIDAS
STAN SMITH <-> STAN SMITH BOOST
PRIMEKNIT (149,95 €)
À sa création, en 1968, la Stan Smith innove
Nouvelles matières, semelle améliorée, en se parant de cuir. La reine des baskets
blanches se voit cette année greffer de la
design épuré... les sneakers iconiques semelle antichocs de sa cousine l’Ultra Boost et
d’une tige en maille tricotée (Primeknit). L’effet
se modernisent et passent en mode Kamoulox était à craindre, mais ça fonctionne.
techno. La preuve par quatre.
P a r M a t hi e u L e M a u x . P h o t o g r a p h e F r a n ç o i s C ha p e r o n
Ceci est le
parfait contre-
exemple d’un
rangement
réussi. NIKE
AIR MAX 1 <-> VAPORMAX PLATINUM (210 €)
Si la Air Max 1 reste indispensable dans un
placard à sneakers digne de ce nom, il est
recommandé d’investir dans sa toute dernière
descendante, la Air VaporMax, dont la semelle
100 % bulle d’air pousse à son comble le concept
du hublot inventé par Tinker Hatfield en 1987.
NEW BALANCE
NB 574 <-> NB 247 (95 €)
Le confort molletonné et les lignes rondes
de la « Nioubee » 574 en ont fait une parfaite
sneaker mamoune. Il lui fallait donc une
héritière capable de se frotter aux stars
du bitume et des dancefloors. Tige en mesh,
chausson en néoprène et carène plus légère,
la 247 Sport fait très bien le job.
CONVERSE
ALL-STAR CHUCK TAYLOR <-> ALL-STAR
CHUCK TAYLOR X FLYKNIT (110 €)
90 % des Converse portées sur Terre sont des
Chuck Taylor en tissu noir ou blanc. En pleine
inflation maintenant que les millennials ont
eu vent de son existence, la Converse a une
alternative possible : cette version « tech » en
maille serrée empruntée à la maison mère Nike.
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 42 Juillet 2 017
St yle_Shopping
Ras la casquette !
Alternative à la « cap », le bob n’est
plus réservé aux fans de pétanque et
de boissons anisées. Et c’est tant mieux.
Par Laetitia Paul
Q
U’ONT EN COMMUN Son arrivée en France in-
les adeptes du Ricard, ter vient un peu plus tard
les pécheurs irlan- lorsque la célèbre marque
dais et PNL ? Le bob. d’ apéritif marseillaise les
1
Ce couvre-chef aurait fait imprimer de son logo
été inventé en Irlande dans pour les distribuer sur les
l e s a n n é e s 1 92 0, pa r u n routes du Tour de France.
dénommé Robert, dit Bob. Depuis, le bob a coiffé Le bob, c’est
Pratique car pliable dans la A l Pa c i n o d a n s S e r p i c o , au choix bleu,
blanc, ou
poche, imperméable, ven- les rappeurs de Run DMC rouge (vive
tilé grâce à ses œillets laté- ou du Wu-Tang Clan, Johnny la France !)
raux et n’obstruant pas la Depp dans Las Vegas Pa-
vue avec sa petite visière, rano, et donc, plus récem-
2 3
1. Johnny Depp en reporter gonzo dans Las Vegas Parano de Terry Gilliam (1998).
2. Henri Verneuil sur le tournage de son film Les Morfalous (1984).
3. Un petit coucou de LL Cool J dans un bus new-yorkais, en 1985.
S TO N E I S L A N D
8 6 €
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 44 Juillet 2 017
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Pédaleur de charme
Oubliés le cuissard jaune fluo et le sémillant maillot à pois, le cycliste d’aujourd’hui pédale
sur la tendance technique chic, entre sportswear d’expert et prêt-à-porter urbain.
Par Jacqueline de Cosset te
FICHE TECHNIQUE
Vélo cadre en acier
chromé. Poids : 9,5 kg.
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G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 46 Juillet 2 017
AUX PRISES
AVEC
LES ÉLÉMENTS
Talisker, Talisker Skye, les logos et les emblèmes associés sont des marques déposées. © Diageo 2015.
La caméra
en bout de selle
permet de
voir ce qui se
passe
derrière !
HONDA
Tonnerre
A
PRIORI, IL N’Y A RIEN de plus simple FICHE TECHNIQUE
à dessiner qu’une moto : deux roues, Honda 150 SS Racer
Monocylindre 150 cm 3
une selle, un réservoir et un guidon. refroidi par eau.
métallique
Avec son gros phare rond, ses roues 4 soupapes, 18 ch.
p l e i n e s e n c a r b o n e , s e s p l aq u e s
porte-numéros transparentes sur les côtés
et ses touches bleu f luo en référence au
film Tron, le concept 150 SS Racer de Honda
Avec son concept 150 SS réussit à renouveler le genre en imaginant Noé Duchaufour-Lawrance. Une simplicité
Racer, Honda imagine la cette moto du futur de type café- racer. qui trouve ses sources dans le mobilier de
moto du futur : elle sera Grâce à sa ligne sobre, efficace, intempo- grands maîtres comme Jean Prouvé ou les
relle, elle séduit immédiatement. « Ce qui productions de meubles cultes comme la
épurée et dure comme fer.
en fait le sel, c’est l’omniprésence du mé- Navy chair d’Emeco, loin des carénages en
Par Alexandre Lazerges tal, le dessin qui respecte le principe de plastique et des formes alambiquées des
l’emboutissage, la mécanique apparente et motos actuelles. On espère que l’accueil
la matière qui s’exprime sans fioritures », enthousiaste réservé à ce concept permet-
analyse le designer (et motard) français tra la fabrication en série.
2 017 Juillet 49 G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY
Lab_High-Tech
Des alvéoles
fixées
au mur pour
votre petit
nid douillet.
Enceintes graphiques
DR
Bang & Olufsen présente avec le Shape un système
sonore haut de gamme et modulable dont les
performances vous scotchent, littéralement, au mur.
Par Jérémy Patrelle
F
RANCHIR LE MUR du son en avion crée Bluetooth ou Wifi). L’ensemble se fixe au
ce qu’on appelle un « bang supersonic » mur, et, pour que chaque module s’emboîte
assourdissant. Mais lorsque Bang et sans la moindre perdition de place et de FICHE TECHNIQUE
Olufsen (B&O), le fabricant danois de qualité acoustique, le designer danois Øivind Hub :
(qui se glisse à l’intérieur
matériel hi-fi haut de gamme s’attaque Alexander Slaatto a choisi la forme géomé- d’une tuile acoustique)
au sujet, il emploie la méthode modulaire trique la plus parfaite : l’hexagone. Il s’est 15,12 cm de diamètre
de son compatriote Lego. Avec le Shape, pour cela inspiré des alvéoles d’abeilles 4,35 cm de hauteur
290 grammes.
B&O présente un système son mural à agen- (qui permettent aux insectes d’économiser Enceinte :
cer soi-même, à partir des huit éléments la quantité de cire à utiliser) ou des sty- 36,4 x 32,0 x 11,1 cm, 2,3 kg.
de 30 cm : quatre haut-parleurs, un ampli- los Bic (dont la forme à six faces facilite le Ampli :
36,4 x 32,0 x 11,1 cm, 2,4 kg.
ficateur, deux amortisseurs acoustiques rangement dans les boîtes). Les éléments Tuile acoustique :
pour contrôler la résonance et un hub qui du Shape s’imbriquent facilement les uns 36,4 x 32,0 x 11,1 cm,
connecte sans fil le système à un smart- dans les autres pour composer une sculp- 0,9 kg.
phone, une tablette ou un ordinateur (via ture murale personnalisée, jusqu’à 44 élé-
ments de couleurs différentes. L’avantage,
c’est qu’avec autant de modules, ce mur du
son permet d’amplifier la musique au point
d’engendrer un nouveau big bang !
B E O S O U N D S H A P E , B A N G & O LU FS E N
À PA R T I R D E 4 0 0 0 € E N F O R M AT I O N S TA N DA R D
( 8 É L É M E N TS ) . D I S P O N I B L E E N AO Û T 2 017.
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 50 Juillet 2 017
Lab_Moteurs
Faire un burn
sur un parking,
c’est bien. Mais
apprendre à bien
gérer le départ,
c’est mieux !
CRÉDITS PHOTOS.
FICHE TECHNIQUE
- Moteur : 808 chevaux, V8 6,2L à compresseur
(le V8 de série le plus puissant du monde).
- 400 mètres départ arrêté en 9,65 secondes.
- 0 à 100 km/h en 2,3 secondes (mieux que la Bugatti Chiron de
1 500 chevaux, qui l’effectue en 2,5 secondes).
- 1,8 G à l’accélération.
- Degré d’octane au choix entre 91 et 100.
- Garantie 3 ans ou 36 000 miles (24 000 km).
- Production annuelle : 3 000 voitures.
- Pour l’achat d’une Demon, un cours de conduite d’une journée à
l’école de Bob Bondurant est offert.
- Prévoir une police d’assurance spéciale au moment de l’achat.
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 52 Juillet 2 017
Le diable au corps
La vraie star de Fast & Furious 8, c’était elle. La nouvelle Dodge Challenger
Demon bondit de 0 à 100 km/h en 2,3 secondes seulement, imposant
une force d’1,8 G au pilote. Présentation détaillée de ce monstre à quatre
roues (approuvé par Vin Diesel).
Par Alexandre Lazerges
A
LORS QUE LE FILM Fast & Furious 8 démarrait sur les des colons qui chevauchaient des mustangs sauvages –
chapeaux de roues avec près d’un milliard de dollars ces chevaux domestiqués ont d’ailleurs conservé le nom
de recettes dès les quinze premiers jours, la marque de « quar ter horses ». Le principe de ces courses est
américaine Dodge présentait au salon de New York la simple, deux voitures côte à côte, à l’arrêt, sur une route
voiture la plus puissante de son histoire : la Challenger déserte. Une demoiselle lâche un foulard et le premier à
SRT Demon de 840 chevaux. « Avec un temps record de franchir la ligne au bout des 400 mètres a gagné. En Europe,
9,65 secondes, c’est la muscle-car de série la plus rapide les amateurs de voitures se souviennent que les magazines
que je n’ai jamais conduite sur un quart de mile », reconnaît automobiles ont longtemps donné le chiffre de 400 mètres
Dennis McCarthy, le préparateur des voitures de la saga départ arrêté (« D.A. ») dans les fiches techniques, avant
motorisée. Cette voiture est tellement rapide qu’à sa sortie que cette mesure ne soit remplacée par le 0 à 100 km/h.
d’usine, elle a immédiatement été interdite par la NHRA, la Or, même à ce jeu-là, la Dodge écrase de deux dixièmes
C2R017
É D I TFSC A
fédération qui gère les courses de dragsters américaines. de seconde la reine des hypercars, la Bugatti Chiron de
« Pour nous, c’est un honneur d’être mis au ban, sourit 1 500 chevaux, avec 2,3 secondes pour l’américaine contre
P HUO
Timothy Kuniskis, le PDG de Dodge. Au bout de 400 mètres, 2,5 secondes pour la française.
S TLOL S
la voiture atteint 225 km/h et fait subir jusqu’à 1,8 G au pilote, Dodge a donc réussi ce que Vin Diesel dans Fast & Furious
C.
soit près de deux fois son propre poids ! » appelle une « ten second car ». Astucieusement, la marque
POUR RAPPEL, le 400 mètres (ou quar t de mile) dé- a d’ailleurs confié plusieurs modèles à la production pour
part arrêté, est la distance fétiche des courses du samedi la séquence d’ouverture du huitième épisode : c’est la voi-
soir aux États-Unis, une tradition qui remonte à l’époque ture blanche et noire avec laquelle Dom Toretto (Vin Die-
sel) prend la fuite et tourne le dos à sa « famille ». Dans le
film, la Challenger Demon se reconnaît facilement avec sa
large écope d’air sur le capot. Et de l’air il en faut, d’une part
pour alimenter les huit pistons d’une cylindrée de 6,2 L, et
d’autre part pour refroidir la mécanique qui surchauffe ai-
sément lors des folles accélérations : « À cet effet, le cir-
cuit d’air climatisé est dévié pour aider à faire baisser la
Départ arrêté, la Challenger température du V8, explique Kuniskis. La voiture est alors
Demon atteint les 400 mètres prête à repartir quasiment instantanément. »
en 9,65 secondes, record
du monde. É V I D E M M E N T, D E S P E R F O R M A N C E S aussi extrêmes
exigent une essence spéciale, avec un indice d’octane de 100
ou plus, contre 98 dans les stations-service courantes. À dé-
faut, la puissance baisse légèrement, de 840 à 808 chevaux
(ce qui reste considérable). Et pour effectuer les meilleurs
départs possibles, le constructeur offre une journée de for-
mation en Arizona à l’école de pilotage de Bob Bondurant
(ancien coureur automobile). Ce stage permet d’apprendre
à faire patiner les pneus arrière. Quant aux roues avant, les
propriétaires pourront s’amuser à les démonter au profit
de fines roues galettes qui deviennent toute façon inutiles
lorsque la voiture se cabre comme dans F&F. Avec un tarif
en dessous des 100 000 dollars, la Dodge Challenger SRT De-
mon mériterait bien un « prix » d’interprétation.
53
Lab_Design
Erwan
et Ronan
Bouroullec.
M
I N I M A L , S O P H I ST I Q U É et architectu- tant pour nous, précisent-ils, il fait partie
ral, le fauteuil Quindici signé des deux de notre culture formelle et visuelle. Nos
designers français est le fruit de leur sources d’inspiration viennent plutôt de nos
troisième collaboration avec le fabri- lectures, de nos observations et, bien sûr,
cant Italien Mattiazzi. L’assemblage de nos voyages, notamment en train. » Il est
des trois éléments principaux – dossier, vrai que le Quindici a un petit air de siège
assise et accoudoirs – crée un « sandwich de TGV. Pour une version ultra-confort, on
visuel ». À la question « le Quindici s’inspire- optera pour le modèle de la chaise longue
t-il de la célèbre Red Blue Chair de Gerrit paré d’un fin rembourrage habillé de tissu
Rietveld conçue dans les années 1920 ? », Raf Simons. Et où installer ce fauteuil ?
les frères Bouroullec répondent par la né- « Probablement près d’une fenêtre, pour
gative. « Mais ce designer est très impor- s’y asseoir avec un livre entre les mains »,
conseillent les designers. Les larges accou-
DR
doirs en forme de T peuvent aussi servir de
tablette sur laquelle on peut déposer son
verre. Les Bouroullec pensent à tout.
W W W. M AT T I A Z Z I . E U
Sobriété et géométrie
pour le fauteuil Quindici
Lounge en bois de Ronan &
Erwan Bouroullec. 1 266 €.
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 54 Juillet 2 017
NOUVEAU !
LE MANUEL
DU STYLE
PRINTEMPS/ÉTÉ 2017
LE VERDICT
La plus puissante des Seat de route détonne de manière réjouissante. Mais à puissance égale,
les prouesses de Porsche font encore (comme depuis plus de 50 ans), la différence... Vainqueur : la Porsche 718.
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 56 Juillet 2 017
pour l'ACPM - R.C.S. Paris B 378 899 363 - *Source : ACPM ONE Global 2016 V4.
Où lirez-vous la presse
quand les tablettes auront disparu ?
Sur papier, certainement, et sur d’autres supports qui n’existent pas encore.
La presse a déjà beaucoup changé. C'est même le média qui a le plus évolué.
Aujourd'hui, 93 % des jeunes entre 15 et 24 ans lisent la presse au moins une fois par mois quel que soit le support*.
Demain, pour vous accompagner, nous évoluerons encore. Mais ce qui ne changera pas, c'est la qualité du travail
de nos journalistes. C'est et cela restera notre cœur de métier. Et nous trouverons toujours le moyen de vous rendre
accessible une information de qualité qui vous procure du plaisir.
Notre évolution ne se fera pas sans votre avis, exprimez-le sur demainlapresse.com
avec #DemainLaPresse
D E M A I N L A P R E S S E . C O M
Intelligence
Pour se la jouer
« Guzzi » le
magnifique !
RETOUR VERS 2
LE TURFU 3
R I A N O V O S T I / D U P U I S 2 017 / P R E S S E
1- LES 40 ANS DE LA LADA NIVA
960
1
version modernisée avec l’ABS et un moteur
En images par seconde, c’est le nombre
dépollué.
de clichés 4K que peut prendre le smart-
3- LES 60 ANS DE LA FIAT 500 phone Xperia XZ Premium de Sony.
Cet anniversaire pourrait paraître anecdo- Baptisée « super slowmotion », cette
tique puisque la voiture n’est plus produite fonction rappelle le « bullet time » de
depuis 1975, mais le modèle néo-rétro Matrix, quand Keanu Reeves parvenait
qu’elle a inspiré, sor ti en 2007, a sauvé à éviter les balles. À titre de compa-
Fiat de la faillite et lui a permis d’acheter raison, le super ralenti d’Apple n’enre-
Chrysler-Jeep pour assurer ainsi son avenir. gistre « que » 240 images/seconde.
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 58 Juillet 2 017
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Stars mythiques
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Le premier
qui chante
Dario Moreno
sera jeté du
Corcovado.
OFFSET
Santa Teresa
S
MARTPHONE EN MAIN, prêts à dégai-
ner du selfie, de nombreux touristes
en claquettes multicolores jouent des
est-il le quartier
coudes au pied de l’escalier Selarón,
si reconnaissable à ses carreaux de
faïence aux couleurs du drapeau brésilien.
Chacun cherche la meilleure position et le
meilleur angle de vue pour donner l’impres-
sion de profiter pleinement de ce nouveau
passage obligé du « Rio trip » concocté par le plus cool de Rio
(et du monde) ?
les tours-opérateurs. Préférant zigzaguer
entre les boutiques de souvenirs et les
vendeurs à la sauvette (Havaianas plus ou
moins légales ou bière bien fraîche, c’est
selon) sitôt le cliché posté sur Instagram, Réhabilité par les artistes et les intellectuels, l’ancien
très peu auront le courage de gravir ces secteur des riches est aujourd’hui le plus en vogue de Rio.
215 marches menant vers le quartier Santa
Voyage au cœur du « Montmartre du Brésil », symbole
Teresa, que beaucoup décrivent comme
le « Montmartre du Brésil ». L’endroit d’une gentrification à l’envers.
ressemble au chemin que l’on emprunte Par Marine Delcambre
2 017 Juillet 61 G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY
Trip_Voyage
pour atteindre le Sacré-Cœur – et touristes, c’est « parce que de nombreux
notamment au long escalier qui y conduit. Cariocas ont su préserver l’ambiance bo-
Perché sur une colline, entre mer et mon- hème du lieu ». Et ce, malgré les différentes
tagne, Santa Teresa est le quartier des restaurations et les constructions en cours.
artistes, des écrivains, des musiciens, des En 2016, trois hôtels ont ainsi ouvert leurs
intellectuels, des Européens expatriés. À la portes : la Casa Marques, le Mama Shel-
fin du XIXe siècle, il était considéré comme ter Santa Teresa et le Santa Teresa Hotel
l’un des coins les plus exclusifs et nobles de MGallery By Sofitel. Les ruelles pavées sont
la ville – les riches brésiliens et étrangers étroites et sinueuses. Ça grimpe. Raide.
souhaitaient fuir les mauvaises conditions Les murs sont recouverts de graffitis et de
d’hygiène du centre et se réfugier sur les mosaïques de toutes les couleurs. Il y a des
hauteurs. Dernière marche. Loin de l’agi- femmes nues, des poissons volants, des fla-
tation d’en bas, tout semble calme soudai- mants roses. Et le portrait de Pelé, évidem-
nement. Plus tôt, Rodrigo Braz Vieira, fon- ment. On grimpe encore. Entre les bâtiments
dateur de l’agence de voyages Bravietour vieillis et les grandes maisons coloniales,
Incoming expliquait que « Santa Teresa était on a une vue imprenable sur la « cidade
l’un des seuls quartiers de la ville à avoir maravilhosa » – Ipanema, Copacabana et
conservé l’âme carioca ». D’ailleurs, si le Christ Rédempteur inclus. Au loin, on aper-
« petit village » n’est pas encore envahi de çoit le « Bonde », ce tramway jaune tou-
jours plein à craquer qui relie le quartier au
centre-ville. Certains voyagent perchés sur
un marchepied à l’extérieur de l’habitacle.
MONTMARTRE (PARIS) BUSHWICK (NEW YORK) MITTE (BERLIN) CENTRAL (HONG KONG)
Le centre de Santa Teresa Impossible de ne pas penser Bien que l’on soit loin du bruit Le pão de queijo est à Rio
ressemble à s’y méprendre au à Bushwick, le temple du et de l’agitation du Centro, de Janeiro ce que sont les
Montmartre secret, nettoyé street art new-yorkais, on fait la fête à Santa Teresa bols de wonton et de nouilles
de ses touristes. Celui de lorsqu’on se balade dans comme à Berlin, ou presque. à Hong Kong. Un petit pain
l’avenue Junot, de l’allée les rues de Santa Teresa. Ici, on profite des petits bars au fromage typiquement
À SANTA des Brouillards et de la rue de
l’Abreuvoir. Celui des petites
Ici, comme à Brooklyn,
les créatifs ont pris
de quartier (on vous conseille
le coin de Largo dos
brésilien à manger sur le
pouce, au milieu des
TERESA, ruelles pavées et pentues. possession des lieux. Guimarães, le centre autochtones, dans une cantine
En haut de la colline, le silence En témoignent les murs gastronomique, et le bar do de quartier sans enseigne qui
ON SE SENT est étourdissant. Et le petit recouverts de graffitis Mineiro où l’on boit des ressemble à s’y méprendre
UN PEU village aux maisons colorées
comme préservé de l’agitation
colorés, de dessins et de
mosaïques, ou encore les
caïpirinhas bien chargées),
en se laissant porter par les
à un garage abandonné.
Tout comme dans les petites
COMME À... de la grande ville. ateliers d’artistes en plein air, notes de samba et de forró. échoppes street-food de Hong
comme celui de Getúlio Kong, on s’arrête ici parce
Damado qui utilise des qu’on en a entendu parler.
matériaux de récup’ ramassés Il faut connaître pour trouver,
dans la rue pour fabriquer et, surtout, ne pas hésiter une
ses œuvres d’art... seconde à y entrer...
62
Le « bonde », ce fameux tramway jaune dans
lequel s’agglutinent voyageurs et locaux,
relie Santa Teresa au centre-ville.
GUNNAR KNECHTEL_MARTA NASCIMENTO_LAIF-REA /
OFFSE T / SHUT TERSTOCK /MAMASHELTER
GUIDE PRATIQUE
Y aller : Air France.
Pour vous rendre à Rio de
Janeiro, munissez-vous de
votre passeport en cours
de validité. C’est parti
pour 13 heures de vol. À partir
de 918 € l’aller-retour.
Y rester : Mama Shelter.
Après Paris, Marseille, Lyon,
Bordeaux et Los Angeles, le
groupe français a décidé de
s’installer à Rio. Et a ouvert,
en novembre, un premier
hôtel. Un refuge intimiste mais
très ouvert sur l’extérieur
« à l’image du Mama Shelter,
fait de mixités, de rencontres,
de fêtes, de passions et de
contradictions » selon Serge
NOTTING HILL Trigano, le propriétaire. En
(LONDRES) réalité, avant la construction,
Difficile de parler de Rio sans il envisageait déjà d’y installer
évoquer son carnaval. C’est un « faux Mama Shelter ».
à Santa Teresa que l’on trouve Sébastien Bazin, le président
les meilleurs blocos (défilés d’Accor (le leader européen
de personnes habillées de la de l’hôtellerie possède 35 %
même manière). Le petit du capital de Mama Shelter),
quartier se transforme alors a alors décidé d’acheter la
en temple de la fête à ciel propriété pour y construire
ouvert, comme son alter ego un vrai Mama, cette fois, en
londonien qui accueille, accord avec la famille Trigano.
chaque année, son désormais Y dîner : Santa Teresa
très populaire carnaval. MGallery by Sofitel.
En mars 2016, MGallery by
Sofitel a inauguré son premier
établissement cinq étoiles au
Brésil. Beaucoup y vont pour
le rooftop avec piscine, mais
surtout le Térèze. Un élégant
restaurant gastronomique
réputé pour sa cuisine
brésilienne contemporaine
et l’incroyable vue qu’il offre
sur la baie de Guanabara.
63
Trip_Alcools
Le rosé
brise
le plafond
de verre
L
E ROSÉ A LONGTEMPS EU mauvaise réputation. On les entrailles d’un réfrigérateur. » Longtemps malmené, le
l’a considéré comme un sous-vin, à deux pas de la pi- rosé a toujours été la quatrième roue du tricycle, loin der-
quette, tout juste bon pour les barbecues de seconde rière le rouge, le blanc… et même le vin orange, ce vin blanc
zone. Les plus snobs lâchant, péremptoires : « Ceci tellement macéré qu’il prend des teintes ambrées. Mais
n’est pas du vin. » une petite révolution s’opère et il n’y aura peut-être bientôt
Le commun des mortels lui a aussi collé l’image de « vin plus que Marine Le Pen pour dire que le rosé est « un vin de
de piscine », on l’a servi avec des glaçons, on a travaillé nana », comme on a pu l’entendre dans les allées du Salon
sa couleur comme on markète la couleur des saumons de de l’Agriculture cette année.
supermarché… Ces mêmes supermarchés où l’on retrouve, L E R O S É P O S S È D E U N AT O U T C O L O S S A L . Anne Zunino,
chaque été, des cubis de rosé bas de gamme que la critique caviste au Lieu du Vin (Paris 20 e ) nous le rappelle : « Il a
américaine Alice Feiring détruit dans son dernier livre, Skin une image de vin plus léger. C’est souvent un vin simple,
Contact (éd. Nouriturfu) : « Artificiel, produit en masse, fort accessible, idéal pour se désaltérer. » La force du rosé est
en soufre. Rien qu’à l’odeur, je savais déjà que le vin aurait donc tout simplement d’être la bière du vin ! Contrecoup
le goût d’un concombre oublié pendant des semaines dans évident, c’est un vin saisonnier : « Le rosé ne représente
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 64 Juillet 2 017
MAIS LEQUEL CHOISIR ?
que 1 % de nos ventes hors saison. Mais quand le printemps
est là, et tout l’été, les ventes grimpent à 15 %. » Il y a un rosé
à part, précise la caviste : « Le champagne rosé est associé Pour le travailleur Pour le festif
au festif, on en vend toutes les semaines. » Bière du vin ou « L’Apostrophe » « Wonder
champagne ? Ce grand écart est la preuve que le rosé a (Domaine Les Terres Womanne »
Promises, Provence) (l’Anne, Languedoc)
quelques bons coups à jouer. Côté chiffres, l’observatoire Idéal après une journée de Un pétillant naturel rosé
FranceAgriMer constate que la consommation de vins rosés travail intense, libérateur un peu fou. Audace et feu
dans le monde représente 10 % de la consommation globale, comme une séance d’artifice garantis en
de yoga (12 €). bouche (18 €).
« un chiffre en progression alors même que la consomma-
tion mondiale de vins stagne ». Le plus gros consommateur Pour le type droit Pour l’aventurier
de rosés ? La France, de loin, avec huit millions d’hectolitres « Château la « Petite Fugue »
Verrerie » (Clos des Cimes, Rhône)
engloutis par an, soit un tiers de la production mondiale. Le (Vallée du Rhône, Lubéron.) À déguster sur le capot
L ’A B U S D ’A LC O O L E S T DA N G E R E U X P O U R L A S A N T É , C O N S OM M E Z AV E C M O D É R AT I O N .
rosé serait-il notre petit vice honteux : on le critique mais En toute transparence, d’un cabriolet,
on en boit plein en douce ? Il y a de ça. Mais depuis qu’il a cet assemblage de Cinsault moteur éteint bien sûr,
Grenache n’a rien à cacher. dans le but avoué de
acquis un statut chic, on l’assume mieux. Parfait pour fêter l’issue séduire madame en toute
d’un procès (11 €). légèreté (10 €).
D
E U X A M AT E U R S É C L A I R É S nous le confirment. Yuko
et Gaël débouchent ce qui se fait de mieux en matière
de rosé. Yuko l’assure : « Le rosé ça s’accorde plu- on peut énumérer bien d’autres appellations prestigieuses
tôt bien avec tout, c’est sa force. » Pour Gaël, « les pour le rosé : Bandol, Cassis, Bellet, Rosé des Riceys… En
rosés ne sont pas des sous-vins, c’est clair et net ». Provence, on retrouve Philippe Pouchet et Marie Lottin. Au
Et ils n’hésitent pas à se faire plaisir : « Tu as vraiment une Château Bas, ils créent certains des meilleurs rosés de
qualité différente quand tu passes la barre des dix euros. la région (et donc du monde). Avec des vins qui peuvent
On n’a pas de mal à mettre 25 euros dans une bouteille. » parfois se bonifier sur plus de dix ans. Pour Philippe, il ne
De fait, des rosés à 10, 15 voire 25 euros – et qui valent ce s’agit pas de faire du vin plus lentement, mais « avec moins
prix en bouche – commencent à fleurir à travers le vignoble. d’interventions ». Dans quel but ? « Ce type de vin repré-
Vincent Bonnal, dans le Languedoc, réalise un rosé de macé- sente le chaînon manquant entre les blancs solides et les
ration (voir encadré). Il a appelé son vin Brosé, jeux de rouges légers. Ils ont leur place dans l’univers culinaire mo-
mots mêlant « bro » (frangin, en anglais) et « rosé ». Clin derne. » Même l’interprofession commence à s’intéresser
d’œil au « marketing masculiniste en vogue aux USA » pour à ces rosés rares : elle leur a demandé d’accueillir pas un,
mieux vendre du rosé à la population mâle d’un pays « qui ni deux, mais six journalistes américains, qui ont eu droit à
y voit une boisson de fille » (comme Marine). L’idée de vin une verticale, remontant aussi loin que le millésime 1998…
« genré » ayant tendance à agacer ce vigneron, il a décidé Alors, y a-t-il encore lieu de douter du potentiel de ce vin ?
de la tourner en dérision mais son vin est surtout typique Le fait est que les rosés de volume industriel connaissent, de
d’une nouvelle génération de rosés, en décalage complet leur côté, un bel essor, avec, pour la Provence, un bond de
avec la production de masse : plus coloré et « encore meil- 9 % du chiffre d’affaires sur un an et un triple-saut de 23 % à
leur après quelques années de vieillissement ». l’export. Ils représentent donc un concurrent pour les rosés
En effet, les rosés aujourd’hui ne sont pas tous conçus d’artisans comme ceux du Château Bas, pensés pour la garde
pour être bus dans les six mois, mais, comme les meil- ou la gastronomie. Concurrence positive ? On peut l’espérer :
leurs vins, ils peuvent se faire attendre. Les tavels d’Éric cette réussite des vins d’entrée de gamme pouvant attiser la
Pfifferling (Domaine de l’Anglore) sont ainsi considérés curiosité des buveurs pour les rosés élégants, comme ceux
comme de grands vins – au-delà de leur couleur rose. Et de Marie, Philippe, Vincent et les autres.
65
Trip_Gastronomie
On grignote
quoi sur
les marchés
de France ? Bernard Montauzier, ostréiculteur
au Château-d’Oléron (17).
G E R AU LT G R E G O RY, S U D R E S J E A N - DA N I E L - H E M I S / G E T T Y I M AG E S
C’est le petit
plaisir du marché : LES HUÎTRES LA SOCCA
D E M A L A KO F F À C A N C A L E V I A U N C R O C H E T À NICE
déguster sur
PA R L’ Î L E D ’ O L É R O N Point commun à la dizaine de marchés
le pouce La recette de bonheur ? Une douzaine niçois : de longues f iles d’attente devant
/MARTA NASCIMENTO-REA
une spécialité d’huîtres fraîches, un demi-citron jaune, les stands de vendeurs de socca. Spécia-
locale. GQ vous quatre tranches de pain de seigle, une beur- lité méditerranéenne également nommée
rée au sel de Guérande, deux canons de « cade » à Hyères et Toulon ou « farinata »
propose un tour blanc sec, le dernier GQ et /ou un bon co- en Italie, cette grande et fine galette à base
de France des pain. Voilà un week-end qui commence bien. de farine de pois chiches est d’abord cuite
mets à dévorer sur une plaque ronde en cuivre étamé avant
LA GALETTE-SAUCISSE
À RENNES
Attention,
U n e s a u c i s s e d e p o rc g r i l l é e ro u l é e jeu de mots :
dans une galette de sarrasin froide et le à Nice,
tour est joué. Consommé sur les marchés les vendeurs
de socca
et lors des raouts populaires d’Ille-et- dansent !
Vilaine et des Côtes-d’Armor depuis la f in
du XIX e siècle, le hot-dog breton est tour
à tour, selon l’heure à laquelle on le com-
mande, un en-cas anti-fringale, un remède
à la gueule de bois (c’est scientifiquement
prouvé) voire un déjeuner express si on
le complète d’une crêpe au sucre. L’ajout
d’une pointe de moutarde est toléré, mais
celui d’une autre sauce serait considéré
comme un crime de lèse-majesté. Et quand
on sait que « Galette-saucisse, je t’aime »
est un chant de supporteurs du Stade ren-
nais, mieux vaut ne pas trop rigoler.
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 66 Juillet 2 017
Trip_Gastronomie
LA KNACK
(ET SA MAURICETTE)
À ST R A S B O U RG
STEPHANE AUDRAS-REA
de Sète, sur le stand de la maison Dassé,
face au plus ancien port de France, avec un
verre d’Ormarine AOP Picpoul de Pinet pour
calmer le feu des épices.
L’ÉCHAUDÉ
À C A R M A U X ( TA R N )
depuis 1935. Après avoir fait le plein de Sur les marchés de For t-de-France,
cèpes et de charcuterie, les chalands s’ar- on déguste les accras à la morue
rêtent grignoter un échaudé, petit triangle ( évidemment) mais aussi aux légumes et
de pâte à pain aromatisé à l ’anis (agré- aux crevettes. À peine le temps de se dire
menté d’orange, on appelle cela un Char- qu’il faut en garder pour plus tard qu’on a
lot) ; ou un janot, version plus élaborée déjà tout avalé !
contenant du beurre et du sucre. Ces « bis-
cuits du navigateur » réputés pour leur
longue conservation se croquent avec une
grappe de raisin, ou un vin chaud en hiver.
LA NIFLETTE
À P R O V I N S ( S E I N E - E T- M A R N E )
ger est uniquement vendue durant les deux Le marché de Romans-sur-Isère (Drôme) a été
élu en mai plus beau marché de France lors
semaines suivant la Toussaint, à Provins d’un vote (plus de 100 000 suffrages exprimés)
(Seine-et-Marne), et pas ailleurs. organisé par le groupe St Môret. Oui monsieur.
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 68 Juillet 2 017
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Cover stor y
Mike
Horn
Positive
altitude
Il a fait fortune en vendant des choux, gravi les plus hauts
sommets, frôlé plusieurs fois la mort et parcouru
le monde dans tous les sens... Désormais, Mike Horn est
« l’aventurier de M6 », star du grand public et des
réseaux sociaux. Comment gère-t-il ses multiples vies ?
Rencontre avec un homme, un vrai.
P a r C ha r l e s A u d i e r _ P h o t o g r a p h e D e r e k H e n d e r s o n
2 017 Juillet 71 G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY
L
Cover stor y
es plus hauts sommets, les commandes d’une Merco Classe-G, se Sud. Une traversée en solitaire de 5 100 ki-
les océans sans fin, les dé- rue (sans roue de secours) sur une piste de lomètres en autonomie complète, effectuée
serts arides : rien ne lui ré- caillasses aiguisées, avale 300 kilomètres, dans des conditions dantesques avec des
siste. À pied, en bateau, ramène l’essence nécessaire et installe vents à plus de 240 km/h, des températures
s a n s a s s i s t a n c e m oto r i - son équipe, dont nous faisons partie, dans à moins de 60°C. Sans oublier son lot de ga-
sée, il chahute à travers le un abri trouvé en chemin. Le lendemain, il lères : « J’ai perdu ma popote nourricière
globe comme un gamin dans conduit comme un dératé pour rejoindre et j’ai cassé un ski dès les premiers jours, il
sa chambre. Dans sa trace, l’aéroport de brousse, n’hésitant pas à s’est planté dans une sastruga (une petite
les distances entre les deux remonter au volant la piste d’atterrissage crevasse de glace formée par les vents vio-
p ô l e s fo n d e n t à m e s u re pour s’assurer qu’on ne rate pas notre lents, ndlr), mon épaule s’est luxée et mon
que les rêves s’élargissent. avion. La classe. Dans son sillage se déga- aile de kite s’est envolée avec ma GoPro. »
Mike Horn est, sans lais- geait un parfum d’aventure qui, déjà, nous Mike Horn pourrait tellement frimer, en ra-
ser beaucoup d’espace au avait semblé entêtant. jouter des tonnes. Mais non, ses phrases
doute, le plus grand aventu- UN AN PLUS TA R D . Flairant l’oppor- tombent aussi simplement que sa poignée
rier en activité. L’héritier du tunité de recroiser Mike, on n’hésite pas de main est franche. À ses yeux, tenter l’im-
Britannique Robert Falcon une seconde : après trente-cinq heures de pensable tombe sous le sens : « J’ai voulu
Scott et du Norvégien Roald voyage, trois escales, six plateaux-repas et traverser l ’Antarctique pour me prou-
Amundsen, les explorateurs un tête-à-tête trop long avec un douanier ver que je gardais les pieds sur terre. Et je
polaires. À bientôt 51 ans, néo-zélandais, nous revoilà face à Horn, souhaitais le faire à l’ancienne, comme les
ce Suisse né à Johannes- qui surpervise l’appareillage de Pangaea, grands explorateurs : Charcot, Amundsen,
burg évoque son prochain son voilier de trente-cinq mètres, en passe Scott, Shackleton ou Paul-Émile Victor. Un
objectif, qui serait l’apogée de rejoindre Sidney où sera organisée la style sans f ilet, sans porte de secours. »
de sa carrière, avec l’évi- séance photo dix jours plus tard. Il dispa- Pour autant, l’homme n’est pas simpliste,
dence des authentiques din- raîtra ensuite dans le désert de Simpson, au plutôt guidé par une forme de philosophie
gues, ceux pour lesquels les centre de l’Australie, pour s’entraîner dans essentialiste : « Je veux aller au bout de
limites ne sont qu’un mot : « Je veux réali- des conditions difficiles avant sa prochaine mes capacités. C’est en affrontant la diffi-
ser l’impossible, ce qui n’a jamais été fait. « target » : « Une série de cols à plus de culté que je trouve l’essence de ma vie. Mais
Comme la traversée de l’Antarctique en so-
litaire, une étape de Pole2Pole, un tour du
monde “à la verticale” au passage des deux
pôles », lance-t-il au comptoir de la café- Avec son accent suisse inimitable,
téria d’une station-service de Cromwell au
sud de la Nouvelle-Zélande, un endroit qui
incite à prendre les jambes à son cou.
Mike Horn confie : « J’ai cru à un moment
Mike est un familier des passionnés de na-
ture et d’aventure depuis un quart de siècle ne plus savoir qui j’étais vraiment.
déjà. À l’aube des années 2000, les aficio-
nados de l’outdoor découvrent ses expé-
ditions, narrées dans une série de six ou-
En partant à nouveau, j’ai su...
vrages, et restent scotchés par son passage
dans l’émission « Tout le monde en parle » C’est ma source de vitalité. »
de Thierry Ardisson, en février 2005. Il y ra-
contait en toute simplicité, comme on parle
de ses randonnées estivales sur le GR20
corse, son périple de 808 jours à pied au- 8 000 mètres dans le Kamtchatka, en Russie. en dehors de ces moments extrêmes, il n’y
tour du cercle polaire arctique. Devenu dé- Il ne faut pas mollir », s’amuse Mike Horn. a aucune plus-value à rendre sa vie compli-
sormais une figure populaire et connectée, Son rythme est un défi pour le commun des quée. Il faut faire au plus simple au quotidien
l’aventurier inspire ses 570 000 fans sur les mor tels. Lui-même en a par fois le tour- pour avoir le temps d’accomplir de grandes
réseaux sociaux et pénètre dans les foyers nis : « J’ai cru à un moment ne plus trop sa- choses par ailleurs. »
grâce à M6 et ses deux émissions dont « À voir qui j’étais vraiment. En partant à nou- IL A PORTÉ CE MODE de pensée à l’écran,
l’état sauvage », une série de documen- veau, j’ai su… C’est ma source de vitalité », sur M6, avec « The Island », une émission
taires qui rassemblent en moyenne 3,6 mil- confie l’aventurier avec son accent suisse de télé-réalité survivaliste où il n’y a pas
lions de téléspectateurs en prime-time. inimitable, teinté d’anglais et d’afrikaans. de perdants, une sorte de « Koh-Lanta »
2016, EN NAMIBIE : la nuit tombe, Mike et En chemin vers son bateau, il raconte son sans épreuves folkloriques, filmée par les
sa troupe sont à court d’essence. Le temps hiver glacial en kite-ski pour rallier les deux participants eux-mêmes. Le but ? Tenir le
presse, il faut agir vite s’ils veulent pour- extrémités du continent, de la base russe coup, tout simplement. Et dans « À l’état sau-
suivre l’expédition le lendemain. Sous les Novolazarevskaya à la base tricolore Dumont vage », une version épicée et sans fioritures
yeux d’une horde d’éléphants, Horn prend d’Urville, en passant par le mythique pôle de « En terre inconnue » de Frédéric
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 72 Juillet 2 017
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G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 76 Juillet 2 017
Lopez. « Ma vie c’est l’exploration, pas de survie au cœur de l’hiver pour s’extraire une vie d’errance en enchaînant les petits
la télévision. Mais c’est le meilleur moyen d’un métro- boulot-dodo avilissant. David boulots entre Zurich et Montreux. Contraint
de partager mon univers », explique Horn, Morin Ulmann, docteur en anthropologie de la de voler pour se nourrir, il dort dans des
qui a emmené Michaël Youn au milieu des modernité, voit en l’aventurier un homme qui étables avant de rencontrer sa femme. Sa
dunes de Namibie, Matt Pokora au cœur de fait passer l’action avant la pensée : « Mike vie d’aventurier professionnel commence.
la jungle sri-lankaise (Horn a installé le chan- Horn est dans le spectacle critique de notre
teur au sein d’un bivouac dans les arbres, vie quotidienne. C’est un artisan de la vie, les « GARDER LE CAP »
vingt mètres au-dessus du sol), ou encore pieds bien ancrés dans le sol. On sent chez
E
Laure Manaudou le long de la rivière Kwando, lui une réelle authenticité. » D’autant plus n 1997, sa première grande épopée l’em-
au Botswana. « Pour le tournage de l’épi- que Mike Horn nourrit ses aventures d’une mène en Amérique du Sud. Un ami pilote
sode avec Laure, même les Rangers locaux batterie d’aphorismes aussi évidents qu’im- le dépose au Pérou où il entame à pied
n’avaient jamais vu autant d’éléphants de placables : « L’échec n’est pas une option » ; un périple de 600 kilomètres à travers
leur vie, raconte Stéphane Sallé de Chou, « On passe environ 30 00 jours sur Terre. les Andes pour finalement redescendre
directeur des programmes de flux de M6, Que voulez-vous en faire ? » ; ou encore : « Si l’Amazone jusqu’au delta dans l’océan Atlan-
présent sur chaque tournage. Pour la chaîne, tes rêves ne sont pas effrayants, ils ne sont tique, 6 400 kilomètres plus à l’est. Il est,
on cherche des animateurs issus de la so- pas assez grands. » Il faut examiner la vie de trois ans plus tard, le premier homme à faire
ciété civile, des spécialistes d’un domaine, Horn pour comprendre cet homme qui a été le tour du monde sans assistance motori-
pas des professionnels de l’image. Un peu brisé deux fois, viscéralement. Par la perte sée au niveau de l’équateur en prenant soin
comme Philippe Etchebest sur “Top Chef ”. de son père à l’âge de quinze ans. Puis par la de ne jamais s’éloigner de plus de 30 miles
Mike Horn est un homme authentique et ma- mort de son épouse, il y a deux ans. Il n’avait (50 km) de cette ligne imaginaire. Puis, de
gnétique. Il montre l’exemple et pousse les qu’une seule alternative : se sublimer, ou 2002 à 2004, il parcourt 20 000 kilomètres
autour du cercle polaire arctique sans as-
En 1990, à 24 ans, il lègue sa fortune à ses sistance motorisée (la fameuse odyssée de
808 jours qu’il a racontée posément chez
et démarre une vie d’errance. Il est même pectateurs, lecteurs et followers suivent
ses exploits. La vie simple et frugale de ce
Q
ue révèlent sur notre époque cette fas- virage en 1990 : alors qu’il n’a que 24 ans, il peur, je ne peux pas la gérer. » Et de citer
cination pour l’aventure et le succès du lègue sa fortune à ses amis par le biais de sa un exemple très concret : « Avant de partir
personnage de Mike Horn ? L’explora- sœur avocate. Il prend un aller simple pour pour la traversée de l’Antarctique, je me
teur est-il simplement le symbole d’une Zurich – seuls l’État helvète, l’Angleterre et suis posé des questions pour décomposer
mode typiquement urbaine qui voit des Israël accueillaient à l’époque des titulaires l’aventure. 5 100 kilomètres ? J’ai fait plus
trentenaires actifs s’infliger des week-ends de passepor t sud-africain –, et démarre long. Vivre par -50°C ? J’ai connu plus
77
Cover stor y
froid. Affronter des vents de 240 km/h ? LA RECONNAISSANCE de ses pairs ne 100 000 euros que réclame (logiquement)
Ah. Là, je devrais être prudent. Mais comme se cantonne pas au milieu de la montagne. une assurance pour un marin qui s’aventure
ces vents n’étaient prévus qu’à la fin du Les ténors du monde de la voile acclament dans les 50 èmes hurlants au sud du globe.
parcours, la première moitié du trajet se sans barguigner les performances de Mike. Selon nos calculs, la participation des spon-
résumait à des vacances. » Simple, n’est- Comme Stève Ravussin, son aide de tou- sors principaux que sont Mercedes, l’hor-
ce pas ? jours et coéquipier de Franck Cammas sur loger Panerai, l’équipementier Scott pour
Avant Mike Horn, seul un autre homme, le Groupama 3 lorsqu’ils ont raflé le Trophée lequel il teste et développe de nouveaux
Norvégien Rune Gjeldnes, avait parcouru Jules Verne en 2010 : « Il excelle dans la produits, plus ses cachets de M6 et des par-
4 800 kilomètres, en 2006. Et à par t eux gestion des problèmes et des tempêtes avec tenaires comme le Yacht Club de Monaco,
deux, personne d’autre n’a osé se lancer son monocoque. Il marche beaucoup au couvrent à peine la moitié des dépenses.
dans une traversée de l’Antarctique. « Vers “feeling” et il apprend très vite. Il avait des « Là, il me reste 400 000 euros. Mais le ba-
la fin du périple, on me disait : “Tu dois chan- notions distinctes de la gestion du vent, de teau est à moi. Je pourrais le vendre pour
ger de route. L’hiver se pointe et tu dois bi- l’eau et de la glisse. Mais dès ses premières continuer mais... », explique-t-il en mimant
furquer pour raccourcir le trajet sur la leçons de voile sur le lac Léman, il a tout le geste de se scier les deux jambes.
banquise. Autrement tu ne passeras pas.” rassemblé pour devenir un marin. Avec du
C’est dans ces moments que je sais rester recul, la voile est ce qu’il y a de plus simple L’ E V E R E S T AV E C O M A R SY ?
moi-même, quand il ne faut pas se déro- dans les expéditions de Mike », conclut,
P
ber à son objectif premier : passer la barre amusé, le navigateur. our alimenter la machine à rêves, le
des 5 000 kilomètres. J’ai gardé le cap », se Même Thomas Coville, le recordman du clan Horn s’organise comme une PME,
souvient l’aventurier. tour du monde en solitaire (49 jours et trois avec le patriarche en tête de gondole.
heures), se souvient avoir été fasciné par En coulisses, la botte secrète de Mike
SA PETITE ENTREPRISE la détermination de l’aventurier : « J’ai n’est autre que sa progéniture. Annika
eu la chance de naviguer avec Mike il y a et Jessica Horn, ses filles âgées de, res-
C
ette volonté proche de l’entêtement, longtemps. Il a cette volonté profonde de pectivement, vingt-quatre et vingt-deux
Fred Roux, guide de haute montagne ne se poser aucune limite et son humilité ans, suivent leur « Pap’s » dans ses expé-
avec lequel Horn a grimpé trois cols à m’a beaucoup inspiré. Aujourd’hui encore, ditions depuis leur enfance. Adolescentes,
plus de 8 000 mètres (les Gasherbrum cela me nourrit. » Venir à bout d’un tour elles ont même rallié le pôle Nord en famille.
1 et 2, à 8 068 mètres et 8 035 mètres, du monde entrecoupé d’exploits coûte une Aujourd’hui, après avoir acquis avec un
et le Makalu au Népal, culminant à fortune. Sur le pont de son navire, l’explo- solide bagage académique, elles sont aux
8 481 mètres), l’illustre parfaitement : « Il rateur détaille ses contraintes financières : commandes de la logistique et de la com-
n’a pas de limite. Un jour, on était sur le pôle « Pour faire Pole2Pole correctement, réa- munication de leur père. Et elles ont bien
l’intention de reprendre le flambeau, à leur
Venir à bout d’un tour du monde coûte une manière : « Tant qu’on le pourra, nous sui-
vrons notre père dans ses aventures pour
le clan Horn s’organise comme une PME, demander en retour. Entre novembre 2016
et février 2017, les quatre vidéos postées
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 78 Juillet 2 017
Chemise Levi’s
Pantalon Giorgio Armani
Montre Panerai
Souliers Brixton
CRÉDITS PHOTOS.
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 80 Juillet 2 017
LA SURVIE
MODE
D’EMPLOI
Est-ce l’effet Mike Horn ?
De plus en plus d’actifs, lassés par leur
C RCÉHDRI TI SS TPOHPOHTEO
Q
uand on le rencontre, on peine à croire qu’Arnaud,
informaticien de 39 ans, a survécu dans la forêt, en
totale autonomie. La faute, sans doute, à son allure
de geek maigrichon, qui cadre mal avec l’idée que l’on
se faisait de l’aventurier buriné, capable d’allumer un
feu avec deux silex ou de tuer un animal sauvage à mains
nues. Lui-même en a d’ailleurs été le premier surpris. Ins-
crit « de force » par sa femme à un stage de survie en mi-
lieu naturel, il a bien pensé à prendre ses jambes à son cou
quand il s’est retrouvé face à un groupe d’anciens militaires
et d’adeptes du trekking en haute montagne. Mais après une
première nuit à la belle étoile, dans un froid polaire au
81
Décr yptage
fin fond de l’Ardèche, Arnaud a senti que « psychologi- et des émissions comme celles des aventuriers Mike Horn
quement », il était « plus costaud que les golgoths qui pani- et Bear Grylls ou encore « Koh-Lanta » pour le côté reality
quaient parce qu’ils étaient trop gelés pour trouver le som- show. Dans une société très sécurisée comme la nôtre, il
meil ». Après cinq jours en groupe, il a été lâché dans un y a un désir de renouer avec l’extraordinaire, de sortir de
endroit inconnu et s’est débrouillé tout seul pour manger, la routine, de rebooster nos vies. » Ainsi, quel que soit le
boire, dormir et se chauffer. Une expérience « quasi mys- type de stage, tous ambitionnent de nous faire abandonner
tique » dont il est ressorti transformé : « Je m’étais tou- notre « moi social » pour renouer avec notre « moi pri-
jours vu comme un type un peu faible et trop sensible au mitif », de quitter notre petit confort pour nous confron-
stress. Grâce à ce stage, j’ai pris conscience de ma force ter aux aléas de la Vie-la-Vraie, et de renouer avec ce qui
mentale, de mon endurance, de ma ténacité… Depuis, j’ai fait de nous des Hommes-des-Vrais : « l’instinct de sur-
beaucoup plus confiance en moi. Et dans ma vie profession- vie ». D’ailleurs, tous les participants racontent la même
nelle, je me laisse moins marcher sur les pieds ! » histoire : celle d’un citadin qui a réveillé la bête sauvage qui
sommeillait au fond de lui.
R ET R O U V E R « L A V I E - L A-V R A I E » « Cela a longtemps été un truc de mec, précise Jona-
than Czodor Ichmoukametoff, fondateur de l’École de Vie
L
e cas d’Arnaud est loin d’être isolé. Depuis quelques et Survie en Forêt (EVSF). Mais c’est en train de changer
années, les stages de survie sont en plein essor. Le car, depuis quelques années, je compte de plus en plus de
marché se développe et se divise entre version sof t femmes. Les participants viennent de tous les milieux, cela
(proche du camping sauvage d’antan), version parami- va de l’ancien militaire à la femme d’affaires, du randon-
litaire (ambiance « opération commando » avec saut neur aguerri à celui n’a jamais quitté Paris, de la mère de
en parachute en option), version survivaliste (où l’on se famille au geek asocial… » Au terme d’un week-end, d’une
prépare à affronter la fin du monde, aux zombies, aux ex- semaine ou d’un mois en pleine nature (pour des tarifs
traterrestres...). Idéologiquement, tout oppose les écoles dans l’ensemble assez accessibles, 500 euros en moyenne
prêchant un retour vers Mère Nature et celles qui envi- la semaine) ces gens qui n’auraient jamais dû se rencon-
sagent sérieusement la lutte armée contre l’envahisseur, trer vont devoir former un groupe soudé, où les plus forts
mais toutes se réclament pourtant d’une même notion : la physiquement auront beaucoup à apprendre des petits ga-
survie. « Le mot n’a jamais été autant à la mode, remarque barits pleins d’astuce. Très vite, un esprit de corps se dé-
le sociologue Bertrand Vidal. À la télévision, on zappe entre veloppe au sein de la bande d’apprentis survivors et c’est
des séries post-apocalyptiques, comme The Walking Dead souvent le premier enseignement tiré par les participants :
82
« Jamais je n’avais ressenti une telle cohésion au sein d’un je demandais à la vie ! Le soir, je me suis endormi heureux,
groupe, raconte Erwan, quadragénaire parisien travaillant sans penser à demain ou à hier, juste en écoutant le crépite-
dans la finance. Au tout début du stage, le formateur nous ment des flammes… »
a fait courir dans un champ, au milieu de sangliers. On a L’épreuve du feu est un incontournable du stage de survie.
vite compris qu’il fallait qu’on avance collés-serrés pour Tous les participants en parlent comme d’un moment fon-
pouvoir passer. C’est une vraie métaphore de ce qu’on a dateur : réussir demande de la force, bien sûr, mais sur-
vécu. On s’est soutenu, on s’est remonté le moral et on n’a tout de la patience. Une qualité souvent inexploitée dans une
jamais laissé personne à l’arrière. C’était beau, cette soli- société qui valorise la rentabilité. « Dans mon boulot, il y a
darité. À la fin, on avait l’impression d’avoir fait la guerre une prime à la rapidité d’exécution, raconte Arnaud, l’infor-
ensemble ! » Une révolution pour Erwan, habitué à évo- maticien. Mais là, c’est l’inverse : plus tu cherches à aller
luer dans le milieu ultra-compétitif des salles de marchés :
« Dans mon travail, les éléments les moins performants
sont isolés, voir carrément virés. Là, c’est “chacun selon
ses moyens” : une règle que l’on a oubliée et qui est pour-
tant fondamentale. »
ÉLOGE DE LA LENTEUR
C
’est le grand paradoxe de ces stages de survie : alors
que l’exercice en lui-même est une « performance »,
la notion est f inalement peu présente dans les dis-
cours de ceux qui en reviennent. « Bien sûr, beaucoup
cherchent à se dépasser, pour trouver ce que j’appelle
un “sésame héroïsant”, note John C. de l’EVSF. Mais ils réa-
lisent très vite qu’en matière de survie, il est plus impor- « Je m’étais toujours vu comme un
tant d’économiser ses forces plutôt que de repousser ses
limites. Car à trop s’épuiser… on ne survit pas ! »
L’autre grande leçon de vie qu’apprennent les stagiaires,
type un peu faible, raconte Arnaud,
c’est l ’impor tance des plaisirs simples. Et là encore,
l’enseignement est apparu par surprise. Chef d’entreprise 39 ans. Depuis le stage, j’ai pris
dans le secteur automobile, Samir a participé à un stage
« commando » en Ardèche proposé par des anciens de
l’armée. Au programme : saut d’un hélicoptère dans une
conscience de ma force mentale. »
rivière, pistage d’animaux sauvages et course d’orienta-
tion dans la nuit. Il est venu chercher « de l’action » et il
en est revenu bouleversé par la satisfaction d’avoir réussi vite… moins tu as de chance d’y arriver. Cela fait un bien
à faire du feu : « C’est la chose la plus gratifiante que j’ai fou de se rappeler la valeur de la lenteur. On fait mieux les
faite dans ma vie. D’abord, cela demande un tel effort que choses quand on prend le temps. Une fois, je l’ai dit à mon
tu es fier de toi quand tu y arrives. Ensuite, c’est un récon- patron et il n’a pas su quoi me répondre parce que c’est vrai,
fort immédiat. Et que tu partages avec les autres, ce qui est tout simplement. » Dans un sourire, Arnaud ajoute : « Sur-
émouvant. » Samir, qui se définit comme un « éternel insa- tout, faire du feu te reconnecte à des gestes très anciens,
tisfait », toujours en quête d’un nouveau contrat, d’un nou- qui viennent des racines de l’humanité, de nos ancêtres pri-
veau marché, a, pour la première fois de son existence, pro- mitifs… » Et c’est finalement là, le but ultime de tout stage
fité de l’instant présent : « Pouvoir manger quelque chose de survie : renouer avec son « moi primitif » pour mieux af-
de chaud après une journée de marche, c’est tout ce que fronter le monde moderne.
Flower power : nostalgique des dans des rivières et vous faire permaculture et aux bienfaits de
camps scouts de votre enfance, réveiller au milieu de la nuit par un l’aloe vera ? Rendez-vous sur :
vous voulez apprendre à vivre sergent-chef ? Rendez-vous sur : lesurvivaliste.blogspot.fr
83
Rencontre
LES PETITS
SECRETS
DU POUVOIR
« Ceci est le premier jour du reste de ma
vie… » En ce lundi 15 mai, au lendemain
de l’investiture d’Emmanuel Macron,
le communicant Gaspard Gantzer sait
qu’une page vient de se tourner. Lui qui
fut pendant trois ans le conseiller le plus
proche de François Hollande a accepté
de rencontrer l’écrivain Karine Tuil, dont
le dernier livre, L’insouciance, questionne
justement l’exercice du pouvoir. Retour
sur un quinquennat mouvementé avec
ces deux alchimistes du langage.
R é a l i s é p a r F a b r i c e Ta s s e l _ P h o t o g r a p h e : C hr i s t o p h e C o e n o n
KARINE TUIL
Paru à l’été 2016, son roman L’Insouciance nous
plonge dans la violence de l’univers politique.
Il a figuré notamment dans la sélection du prix
Goncourt. L’auteur y décrit le personnage
d’Osman Diboula, conseiller à l’Élysée et
personnalité politique montante. Il s’agit du
dixième livre de Karine Tuil, qui publie aux éditions
Grasset depuis 2003. Son précédent roman,
L’Invention de nos vies (2013) est en cours
d’adaptation au cinéma après avoir été traduit
dans une dizaine de pays.
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 84 Juillet 2 017
GASPARD GANTZER. Tout d’abord, ce qui pouvoir : tout se fait à ciel ouvert, tout se
m’a impressionné dans votre livre, c’est la sait, et donc la violence de l’exercice s’en
justesse de l’appréciation de ce que sont le retrouve décuplée. À titre personnel, dès
pouvoir et son fonctionnement. C’est très mon arrivée, une polémique a été lancée au
crédible. D’ailleurs, je vous avoue, j’ai un sujet d’une photo sur mon compte Facebook
peu peur d’en parler devant son auteur… parce que les gens se demandaient quel
85
Rencontre
« Quand on en a marre de jouer la co- fusé parce que ce n’était pas la place d’un
médie, mieux vaut quitter la scène. » C’était Président. D’ailleurs, quand j’ai vu l’émis-
soit le signe d’une incroyable lucidité, soit sion, je n’ai eu aucun regret. Je ne jette pas
d’un incroyable cynisme. Ou alors un véri- la pierre aux hommes politiques qui veulent
table cri de désespoir. J’ai toujours dit aux s’exposer. Cela sert leur notoriété, leur po-
gens avec qui j’ai travaillé qu’il fallait cher- pularité, etc., mais il faut bien maîtriser tout
cher au maximum à s’extraire de cette co- ça. Cela est également vrai pour un écrivain
médie, parce que les Français attendent dont la vie privée peut être exposée…
de la part des hommes politiques non pas
de l’insouciance mais de l’abnégation. Par K T. Personnellement, j’ai toujours refusé la
86
très impopulaire. Je n’ai pas eu à traverser K T. En tout cas, le conseiller en communica- dernière ». C’est pour ça que je n’ai quasi-
la descente. Et dans le monde de l’édition, tion reste un personnage très romanesque, ment jamais invité personne à l’Élysée pour
comment un écrivain vit-il la critique, lui ? qui exerce une forme de fascination… un café ou un apéritif, je n’ai jamais pris de
chauffeur, je suis toujours venu en scoo-
KT. La sortie d’un livre est toujours un mo- G G . …que j’ai du mal à comprendre, parce
ter, pour que le jour de mon départ, rien ne
ment extrêmement violent, car quand un ou- que je connais la réalité du travail (rires) .
puisse me manquer.
vrage est très médiatisé et que vous avez De manière générale, il n’y a pas plus substi-
du succès, vous faites aussi l’expérience de tuable qu’un conseiller. D’ailleurs, pourquoi K T. Mais qu’est-ce qui va vous manquer ?
l’impopularité. En politique, les conseillers vous êtes-vous intéressée à ce sujet dans
G G . Il y a deux choses auxquelles j’ai été,
peuvent appeler des journalistes en disant votre roman L’insouciance ?
d i s o n s , d ro g u é : d ’ a b o rd a u s e n t i m e n t
« ce papier n’est pas bon ». Or, jamais en lit-
K T. Dans la continuité de ce que j’avais fait d’avoir une prise, même si elle est faible,
térature vous ne verrez un auteur prendre
dans L’invention de nos vies (Grasset, 2013) , sur les événements. La deuxième, pour
son téléphone et appeler le journaliste pour
j’avais envie d’aborder la représentation moi qui suis passionné par l’actualité, les
lui dire « ça ne va pas ce papier » (rires des
des minorités dans les sphères de pouvoir, journaux, les médias, c’est que j’ai adoré
deux). Ou alors il est suicidaire ! Je reviens
à travers le parcours de cet homme poli- comprendre et évoluer dans les coulisses
sur votre cas : dans le documentaire d’Yves
tique, Osman Diboula, fils d’immigrés ivoi- de chaque événement. Ça, ça va me man-
Jeuland (Un Temps de Président, 2015) ,
riens, issu de la banlieue, qui se retrouve- quer. Et ce qui a été terrible à vivre, ce sont
c’était vous le personnage principal…
rait propulsé à la tête du pouvoir, et avec la bien sûr les attentats. Je n’y étais évidem-
G G . Oui, et franchement ça n’a pas été un question de la géographie, par exemple ce ment pas préparé. Je crois même que si on
moment agréable pour moi. Là, c’est moi désir d’être au plus près du Président. m’avait dit un jour que j’irais rue Nicolas-Ap-
per t où des dessinateurs que je connais,
« En politique, les conseillers peuvent appeler que je lis, que j’admire depuis trente ans se
sont fait assassiner, j’aurais dit ce n’est pas
n’est pas bon”. Jamais vous ne verrez un que je n’évalue pas encore totalement.
87
Rencontre
même s’il n’est pas dans l’action. Ça G G . (Rire) Oui, c’est vrai ! premières est de passer du temps avec les
dure une demi-heure, une heure et je com- gens. C’est ce qu’il aime le plus.
K T. J’étais très étonnée.
mence à sentir un gros problème sur les ré-
K T. Alors justement, sur cette question de
seaux sociaux : que fait le Président ? Où G G . On ne pouvait pas l’apprendre autre-
l’isolement, que pensez-vous d’Emmanuel
est-il ? Et là, on prend la décision immédiate ment. Qu’aurait-il fallu qu’on fasse ? Qu’on
Macron qui est entouré de conseillers ayant
qu’il se rende au centre de situation au mi- espionne les éditeurs, qu’on mette les jour-
fait l’ENA avec lui ?
nistère de l’Intérieur pour prendre des in- nalistes sur écoute ? Finalement, je suis
formations et montrer qu’il est en action. Je assez f ier qu’on l’ait découver t par Twit- G G . L’Élysée peut enfermer par sa géo-
décide même qu’il y aille à pied, ça a créé ter, parce que je sais très bien ce qu’il au- graphie, sa situation dans Paris. Très vite,
une image extrêmement spectaculaire, rait fallu faire pour le savoir avant… Ensuite, vous pouvez être tenté de vous appuyer sur
j’avais peur d’en faire trop.
88
JUIN/JUILLET 2017
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çait : « Mais tu ne me sers à rien ! Je que je me réveille tôt, et le week-end. J’ai un porte. Cette chose-là n’est pas facile à com-
veux que tu commences par me dire ce qui rapport un peu addictif à la lecture, j’aime prendre. Il n’y a qu’à regarder tout le foin
ne va pas ! » J’ai donc gardé ce réflexe. terminer un livre très vite. Et puis je ne lis qu’on a fait parce que François Hollande n’a
quasiment que des livres en rapport avec pas parcouru les deux mètres supplémen-
K T. Et avez-vous songé à suivre Emmanuel
l’actualité ou le pouvoir. taires pour raccompagner Nicolas Sarkozy
Macron quand il est parti du gouvernement ?
jusqu’à la voiture lors de la passation de
G G . Pas du tout. D’abord, parce que je n’ai K T. C’est une matière très forte, même si pouvoir en 2012…
pas bien pris le fait qu’il parte : nous avions raconter le pouvoir de l’intérieur est très
encore beaucoup de choses à réaliser en- diff icile. François Hollande, lors d’un dé- K T. Et aujourd’hui, vous arrêtez la poli-
semble. Ensuite, parce que j’avais décidé, jeuner avec des écrivains, m’avait dit cette tique ? Je trouverais ça dommage, car vous
dès le départ, de faire acte d’une loyauté phrase très juste : « Le livre le plus inté- avez l’expérience du pouvoir…
totale envers François Hollande. Dès que ressant à écrire est celui sur la solitude du
pouvoir. Donc, vous ne pouvez pas le racon- G G . (Rires) Je n’ai rien anticipé. Mais de
je suis rentré à l’Élysée, mon objectif a été
ter. » Or, c’est cette violence du pouvoir qui toute façon, il faut que je m’ouvre à autre
de rester jusqu’au bout, quoi qu’il arrive.
intéresse les gens. chose. J’ai désormais le virus de la poli-
Même quand il a renoncé à se représenter à
tique. Je pense que dans plusieurs années,
l’élection présidentielle. J’aurais eu un pro-
G G . Il est en effet très difficile de décrire j’y reviendrai. Je crois aussi que l’opinion
blème d’estime personnelle si j’étais parti.
la réalité de la violence politique. Les au- publique a besoin d’une transition. La vie est
K T. Sur Instagram, vous évoquez souvent teurs de fictions ont souvent besoin de ra- longue et pour ceux qui ont la passion de la
vos lectures. C’est à l ’Écume des pages jouter de la violence réelle pour faire com- politique, de l’engagement et de l’action au
(boulevard Saint-Germain, à Paris, ndlr) prendre la violence politique, qui réside service de l’intérêt général, on a toujours
que vous achetez vos livres, non ? dans des choses a priori insignifiantes. Par l’occasion de servir. Bon voilà… On a parlé
G G . Oui, d’ailleurs on partage cette librairie exemple, cer tains conseillers souf frent longtemps là, non ?
avec François Hollande. Je lis le matin parce par fois de devoir attendre derrière une
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IL S’EN PASSE
DES CHOSES
SOUS NOS
COUVERTURES A partir du 1er juin, découvrez chez RELAY les magazines
les plus talentueux et les plus audacieux de l’année.
Le French
lover
est-il
(définitivement)
mort ?
S
Beau, ténébreux et capable é d u c t i o n ga u l o i s e , d é l i c e s d e l a f re n c h to u c h ,
Parisiennes bluffantes d’élégance, soupirs au Moulin
d’ensorceler toutes les femmes… Rouge, liber tinage joyeusement dépravé : les cli-
C’est ainsi que se rêve le Français. chés d’une France débordante de libido ne manquent
pas. Contre la réalité du métro, et contre l’avis d’une
Vu de l’étranger, il est attirant, par t grandissante d’étrangers. La légendaire arrogance
certes, mais également grossier, française rattraperait-elle l’image d’Épinal ? Après avoir
renoncé au statut de grande puissance politique, après
cracra et arrogant. Alors posons avoir accepté de parler globish, il est temps de réévaluer
la question qui fâche : le mythe notre puissance érotique.
Autant asséner immédiatement les vérités qui fâchent :
du « sexy frenchy » pourra-t-il tout Français grandit avec une conf iance démesurée
dans ses capacités amoureuses et sexuelles. Ce n’est pas
résister au temps ?
de sa faute : la littérature lui a vendu la désinvolture à la
P a r M a ï a M a z a u r e t t e _ I l l u s t r a t i o n s : Ze l o o t Beigbeder, le cinéma s’est entiché du sex-appeal à la De-
lon et, de Musset à Cassel, le charme français carnassier,
un peu dangereux, ne se dément pas. Le concept même de
French romance en dit long : personne n’a entendu parler
de German romance. L’Hexagone possède à la fois la langue
de l’amour (lire l’encadré page suivante), les femmes les plus
sexy du monde (supposément) et la Ville Lumière, plébiscitée
pour les lunes de miel (3 e position en 2017, après les Maldives
et les îles grecques, selon le site de voyages Agoda).
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 92 Juillet 2 017
Arodpucts
CRÉDITS PHOTOS.
2 017 Décembre 93 G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY
Idées
Ajoutez à cela le repas gastronomique made in France, connecter sexualité privée et morale publique ? Et par ex-
patrimoine culturel immatériel de l’humanité et nos plaisirs tension, l’acceptation de l’infidélité n’est-elle pas la marque
de la bouche font un sans-faute. d’une nation globalement immorale ? Un exemple parlant :
Cette image de marque remonte à un mythe fondateur : celui alors que l’acteur Aziz Ansari (Parks & Recreaction, Master
de l’amour courtois – pur, désintéressé… et pratiqué volon- of None) effectuait un tour du monde des habitudes amou-
tiers hors mariage. Le XVIII e siècle des libertins parachève reuses pour la rédaction de son manuel Modern Romance
notre image de vicieux : Laclos et Sade font frissonner le (éditions Hauteville, mai 2017), c’est la vue de f leuristes
monde entier avec leurs Liaisons dangereuses et les 120 Jour- proposant des bouquets pour les maîtresses à la Saint-Va-
nées de Sodome. Pas étonnant qu’en 1974, Patti LaBelle fasse lentin qui l’estomaque. Au point d’aller y chercher une asy-
fortune avec son tube international « Lady Marmalade » et sa métrie homme-femme. « L’idée qu’une Française soit mise
question étrangement explicite « Voulez-vous coucher avec devant le fait accompli et contrainte d’accepter la double
moi ? ». Le refrain reste aujourd’hui la seule phrase que les vie de son mari me met mal à l’aise. J’apprécie en revanche
non-francophones connaissent par cœur. de la part des Français leur réalisme, leur propension à ad-
mettre que l’être humain est par nature faillible. » Victime,
S CA N DA L E S ET TO L É R A N C E S À L A F R A N Ç A I S E la Française ? À voir : les deux qualités qui lui importent le
plus sont en effet l’honnêteté puis… la fidélité (BVA 2016).
C
ette prétendue grivoiserie n’est d’ailleurs pas que Coupable, le Français ? Pas vraiment : avec une moyenne
pur fantasme. Parce qu’il n’y a pas de fumée sans feu, de six partenaires, les Français se situent exactement dans
des spécificités françaises existent. La différence la la moyenne européenne (Online Doctors, 2014). L’infidélité
plus cruciale concerne le rapport à l’infidélité – dont est une attitude, certes, excusable, d’accord, mais pas un
nos politiciens défendent les couleurs jusqu’au scan- mode de vie – et certainement pas une aspiration profonde.
dale international : DSK et sa sexualité prédatrice, François S I N O U S S E M B L O N S I N C A PA B L E S de prendre la f idé-
Mitterrand et sa double vie, les amours mouvementés de lité au sérieux, c’est peut-être aussi que nous aimons
Nicolas Sarkozy et de François Hollande. Plus récemment, trop « ça ». Malgré notre vie sexuelle supposément aven-
les rumeurs concernant Emmanuel Macron ont fait le bon- tureuse, la France occupe la place de 6 e pays plus gros
heur de la presse people bien en dehors de nos frontières.
Mais au-delà de l’anecdote, cette attitude pour le moins
détendue relève du fait culturel indéniable. Ainsi, le Pew
Research Center, un think tank américain spécialisé en sta-
tistiques, demandait-il en 2014 à des individus du monde
entier s’ils considéraient les aventures extraconjugales
comme immorales, avec une réponse claire comme de l’eau Seuls 47 % des Français s’offusquent
de l’infidélité, contre 60 % des
de Seine : la France est le seul pays où la norme statistique
est à la tolérance. Seuls 47 % des Français s’offusquent
d’une inf idélité, contre 60 % des Allemands, une broutille
face aux Américains (84 %) ou aux Turcs (94 %). À l’étran-
ger, c’est l’incompréhension totale. Comment peut-on dé- Allemands et 84 % des Américains...
94
consommateur mondial de pornographie (PornHub 2016),
avec des sessions moyennes d’à peu près neuf minutes.
C’est moins que les Américains, mais ça reste beaucoup.
43 % des hommes français et 31 % des femmes jugent la
sexualité indispensable (« Contexte de la Sexualité en
France », Ined). Pour Claudia, de Stockholm, en couple de-
puis six ans avec un Français, le lit fait le nœud de la rela-
tion : « Le sexe est très intime, très vocal – on parle de ce
qui fonctionne, de comment s’explorer, de notre désir –, je
n’avais jamais connu ça en Suède. J’aime qu’il prenne les
choses en main, ça me fait me sentir féminine. Il sait ce
qu’il veut et n’a pas peur de se faire comprendre. » Se-
rait-ce ce côté latin qui boosterait les libidos… ou ce tem-
pérament sanguin n’est-il qu’un cliché supplémentaire ? À
écouter Amy Schumer en 2012, le penchant pour la promis-
cuité serait carrément dans les gènes : « J’étais en train
d’embrasser un Français. Il s’est laissé faire, sans doute
parce qu’il était français. » Et l’humoriste d’enchaîner sur
un signe extérieur de sauvagerie sexuelle : l’absence de cir-
concision. « Il a immédiatement sorti son pénis. Donc, je re-
garde la chose, et je fais quoiiiii, de quoi s’agit-il ? Je ne pou-
vais raisonnablement pas m’enfuir en courant. Donc travail
d’équipe, je commence à batailler avec sa peau pour trou-
ver le pénis dessous. » Hé oui, le Français est sale.
L A C O N C U R R E N C E DA N O I S E
U
ne icône bien connue de la French séduction, du
moins hors de nos frontières, s’appelle Pépé le Pu-
tois. Ce personnage des Looney Tunes, héros de 17
films animés par Chuck Jones entre 1945 et 1970, est
un animal représenté constamment en chaleur, incon-
trôlablement puant, harcelant toute beauté passant à proxi-
mité. Si votre mémoire patine, tout est normal : le putois
s’est vu affublé sur les écrans français d’un accent italien
– manière de protéger notre frêle ego. Dans la version ori-
ginale, Pépé parle en quasi-français (« I am zi broken art Larsen, pianiste danois en couple depuis six ans avec une
of lôve »). Outre le cliché de l’odeur (un Français sur cinq Française, confirme : « Ma sœur, qui a vécu à Paris, m’avait
ne prend pas de douche tous les jours, et 44 % ne se lavent prévenu que les hommes sont généralement très agressifs
pas les mains après un passage aux toilettes, selon des son- et qu’ils sont censés faire le premier pas avec les femmes,
dages BVA de 2012 et 2015), on notera l’association entre contrairement à la Scandinavie où c’est plutôt l’inverse. »
mœurs légères et hygiène contrariée. La saleté est phy- Même son de cloche aux États-Unis avec Sam Sacks, cri-
sique et morale, et volontiers contagieuse. tique littéraire au Wall Street Journal et père d’une petite
Ainsi, dans French Lovers, le film français d’Éric Rochant Franco-Américaine : « Mes a priori sur les Français ve-
sorti en 1985 (à ne pas confondre avec French Lover, le film naient des f ilms d’après-guerre – le French lover est un
américain de Richard Marquand de 1984…), pouvons-nous homme dur, un peu crade, portant des gants noirs en cuir,
observer un Hippolyte Girardot hyper-entreprenant, qui in- fumant des cigarettes sans filtres, toujours en train de fron-
siste pour raccompagner en voiture une femme qui attend cer des sourcils, blasé et immoral plus que véritablement
le bus. Quitte à insister lourdement. Un trait qui fera rire obsédé. » Aucun doute, le Français sent le soufre. Et l’af-
jaune les 100 % de femmes (selon le Haut Conseil à l’Éga- faire DSK n’a rien arrangé. Point de misérabilisme pour au-
lité entre les femmes et les hommes) ayant été harcelées tant : il y a Pépé le Putois, certes, mais comme plaisante-
dans le métro parisien par les pépés modernes (contre 51 % rie pour remettre les narcissismes à leur place. En réalité,
dans le métro de Londres, selon ActionAid). Rasmus Kjaer le French lover reste fringant. Les classiques citeront
95
Pour Sam, journaliste américain, Yves Montand (dont Marilyn Monroe s’entichait lors
du tournage du Milliardaire au début des années 1960) et
un peu crade, mais plus blasé connus ici, leur origine française les rend exotiques pour la
presse people américaine : Benjamin Millepied (l’amoureux
96
Idées
Anglais, lesquels ont pourtant la réputation d’avoir une li- lover est tellement répandu que de nombreuses femmes
bido dans les chaussettes. Nous faisons l’amour 1,3 fois arrivent en France avec l’espoir d’y perdre la tête. Mais
par semaine (Ifop/Marianne, 2014), un peu plus que les Français savent combien leur allure est populaire, ils
l’unique rapport par semaine des Américains (Université n’ont pas toujours besoin de séduire. C’est encore plus
de San Diego, 2017). Selon l’application Spreadsheets en évident sur Tinder ! Les Français, surtout les Parisiens, ont
2014, notre rapport moyen ne dure même pas trois minutes tendance à rester dans leur groupe. Se connecter avec
– c’est moins qu’en Russie ou au Canada, au Mexique ou eux peut être intimidant. » Un complexe de supériorité
en Espagne. Ce n’est pas en France qu’on nous propose- qui f lirte parfois avec le cynisme. Pour Noah Millman, pro-
rait une heure hebdomadaire de travail payé pour hono- ducteur et chroniqueur culturel à New York, le Frenchie
rer notre moitié, mais en Suède, au pays des glaçons. Et est « vraiment dans la sensualité. Mais le revers de la mé-
s’il fallait parler de la fameuse beauté des femmes ? Re- daille, c’est la suspicion que cette sensualité repose sur
venons sur terre : la seule Française à avoir gagné le titre une passion dirigée vers soi-même ». Ironiquement, cette
de Miss Univers depuis 1953 est Iris Mittenaere, en 2016. image de surdoués des codes amoureux serait notre plus
gros handicap : le French lover a pris le melon.
ARROGANT ET AUTOCENTRÉ, LE FRENCH LOVER ? Cela dit, tout n’est pas (encore) perdu. Non seulement il
appar tient à chacun de tempérer son auto-célébration,
L
a situation est-elle pour autant sans espoir ? Pas du mais comme le soulève l ’anthropologue et sociologue
tout, car si sexuellement la paillardise rabelaisienne Michel Bozon, auteur en 2016 de Pratique de l’amour, le
semble gêner plutôt qu’inspirer, ce n’est pas le cas du plaisir et l’inquiétude (Payot), nous faisons face à « une
très courtois et très romantique rapport à l’amour… énorme production de stéréotypes sexuels qui valorisent
Dans l ’expression French lover, oserait-on préci- et qui dévalorisent, mais en disent plus sur l’observateur
ser qu’il y a love ? Selon l’observatoire BVA 2016, 72 % des que sur l’observé ». Si le French lover surnage dans l’ima-
Français croient au grand amour, et les deux-tiers croient ginaire mondial malgré ses innombrables défauts, c’est
en l’amour pour la vie et au mariage. Anne-Line, manager peut-être que les autres sont pires… ou que, f inalement,
stratégique installée depuis quinze ans à Tokyo, évoque l’arrogance reste sexy.
les attentes de son mari japonais : « Il était persuadé que
les Français s’embrassaient partout, tout le temps. Ce qui
ne l’a pas empêché de trouver bizarre qu’on s’embrasse
avant de se dire qu’on allait sortir ensemble, comme c’est
le cas au Japon ou aux États-Unis. » Signe des temps, et
peut-être d’un certain retour à l’ordre moral, c’est le côté
amoureux des Français qui continue de faire recette. Parmi
les villes les plus romantiques du monde, Paris et Venise
se contestent la première place des sondages (The Knot,
WeLoveDates, Travel + Leisure 2016). Woody Allen vient fil-
mer au bord de la Seine ses amourettes, Meg Ryan y tombe
amoureuse de Kevin Kline dans French Kiss (1995). Pas éton- FANTASMES DES FRANÇAIS :
nant à ce titre que les Américains nous placent au 4 e rang de
leurs fantasmes après eux-mêmes, les Espagnols et les Ita-
UN INCONSCIENT UN PEU RACISTE ?
liens (HostelBookers 2014). Qu’est-ce qui fait fantasmer beurette de cité (+322 %)
Le risque évidemment, c’est d’en faire trop – voire de se les Français ? Selon les arrive juste derrière salope
données PornHub 2016 : française (+659 %). Comment
reposer sur ses lauriers. Il y a dix ans, « L’Amour à la fran- eux-mêmes (narcissisme, expliquer cette spécificité ?
çaise » des Fatals Picards se classait 22 e sur 24 lors de quand tu nous tiens). S’il s’agissait d’un « simple »
l ’Eurovision : un refrain catchy, cer tes, mais massacré Les mots-clés les plus tapés imaginaire post-colonial,
sur la plateforme sont sans nous réclamerions
par un franglais surjoué, sans même parler des écharpes appel : 1) french, 2) française, des Sénégalaises ou des
roses et des tours Eiffel enchaînées au kilomètre. Car 3) maman française. Une Vietnamiennes. Ce qui
c’est bien là que l ’arrogance rattrape le my the : à trop tendance identique dans transparaît ici relève plutôt
les pays non anglo-saxons, de l’interdit franchement
vouloir « faire le Français », on perd la part d’innocence sans doute parce que raciste : si on considère que
qui constitue l’authenticité initiale, et à trop célébrer le l’anglo-saxon est le choix par la femme arabe est couverte,
French lover, on tombe amoureux de soi-même plutôt que défaut. Nous sommes moins contrôlée, protégée par sa
chauvins que les Japonais, famille, alors non seulement
des autres. Qui sans surprise ne le pardonnent pas. Marina qui eux ne cherchent que son caché-dévoilé renvoie aux
Iakov, Russo-Canadienne, fondatrice et réalisatrice de du japonais. L’affaire se corse sources de l’érotisme, mais
Dating Beyond Borders (séduction sans frontières, une quand on descend dans sa supposée virginité la rend
le classement. 7 e position : aussi fascinante qu’un fruit
chaîne YouTube spécialisée en codes amoureux interna- arabe. 9 e : beurette. Parmi défendu. Pour notre fameux
tionaux), ne dit pas autre chose : « Le cliché du French les plus grosses progressions, universalisme, on repassera.
97
L’hippodrome de Hong Kong est le plus fréquenté au
monde, avec près de deux millions d’entrées par an.
Le Jockey Club, qui gère le lieu, engrange chaque année
des mises autour de 13 milliards d’euros, uniquement
sur les courses hippiques.
A G N È S D H E R B E Y S - M . Y. O . P
Repor tage
HONG KONG
LA FOLLE COURSE
AUX DOLLARS
Deux soirs par semaine, l’hippodrome de Hong Kong devient le rendez-vous incontournable
des hommes d’affaires, des bookmakers et des parieurs de l’île. Malgré les milliards d’euros
en jeu et l’ombre de la corruption, le Hong Kong Jockey Club gère cette frénésie avec le
plus de transparence possible. Plongée au cœur d’un réseau local et influent, aux côtés
de jockeys français attirés par la gloire et les gains faramineux.
P a r C a r o l I s o u x - P h o t o g r a p hi e s A g n è s D h e r b e ys
2 017 Juillet 99 G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY
S
Repor tage
ur l ’écran géant au centre du terrain, cer à temps un billet sur leur champion. Plus complet, et dans les gradins de jeunes Fran-
d e s c h i f f re s a s t ro n o m i q u e s d é f i l e n t : que trente secondes pour se décider. çais en cravates, stagiaires des grandes
52 000 000 dollars de Hong Kong (6 millions Hong Kong est le deuxième centre mondial banques environnantes, côtoient près du
d’euros), 55 000 000, 60 000 000... Deux du pari hippique, derrière le Japon. Douze parc à bière de vieux af icionados chinois
minutes encore avant le départ de la pro- millions d’euros sont misés en moyenne sur en doudoune, d e s b u s i n e s s m e n , e t d e s
chaine course. Une éternité pour les ac- chaque course, et la somme s’envole lors femmes d’af faires perchées sur des ta-
cros aux paris qui rôdent près des guichets des grandes occasions. Avec huit courses lons extravagants qui se retirent discrète-
pendant que les lads traînent littéralement, par soirée, deux fois par semaine, le Jockey ment à l’ombre des zones VIP.
longe en main, les derniers chevaux récal- Club, qui gère le lieu, affiche des enjeux au- L’écran se f ige : près de 14 millions d’euros
citrants dans les stalles de départ. Les joc- tour de 13 milliards d’euros annuels unique- ont été pariés, les jeux sont faits. D’un coup
keys, plumes de muscles hissées sur leurs ment pour les courses hippiques, 20 mil- sec, les portillons automatiques des stalles
montures, sont prêts. Ça piaf fe, ça se liards si l’on prend en compte ses autres s’ouvrent et les bolides de muscles en jail-
cabre, ça tire en sens inverse : la pression activités de paris sportifs, sur le football et lissent, le mors en avant. Une ligne droite,
monte d’un cran. la loterie. Pas mal, pour une île d’un peu plus un virage puis encore une ligne droite, avant
U n e m i n u te . L e s c h i f f re s s ’ e m ba l l e n t . de sept millions d’habitants. de passer une première fois devant la foule
900 000 000, 950 000 000 dollars... en un À CÔTÉ, NOTRE PMU LOCAL, pour tant surexcitée par le vrombissement de la ca-
éclair, la barre des dix millions d’euros est à neuf milliards d’euros d’enjeux annuels, valcade. Une course courte, presque bru-
franchie. « Plus de la moitié des paris sont passerait presque pour un casino de village. tale, qui agit comme un shoot sur ces junkies
enregistrés dans la dernière minute », ex- Encore dix secondes. Les jockeys se roulent du pari. Les jockeys sont accroupis légère-
plique un journaliste local. Les parieurs en boule sur les pur-sang. Plus le temps ment au-dessus des chevaux pour ne pas
professionnels attendent encore, jusqu’au d’admirer le décor, pourtant somptueux : peser de tout leur poids. La clameur enf le
dernier instant, pour bien sentir le cheval. 1 400 mètres de piste émeraude au milieu dans les tribunes : « Allez, Invincible Dra-
Jumelles en main, ils observent une atti- d’une forêt de buildings illuminés, plantés gon ! » « Fonce, Triomphe de Jade ! » Plus
tude, un regard, une imperceptible clau- sur une île vallonnée à peine plus grande que étonnant : « En avant, Everyday Lettuce ! »
dication qui leur indiquera qui seront le le Luxembourg. C’est l’hippodrome le plus (« salade de tous les jours », les noms de
vainqueur et les perdants. Dans les salles fréquenté au monde, avec près de deux mil- chevaux à Hong Kong sont réputés pour leur
de paris, à l’arrière de l’hippodrome, les lions d’entrées par an. Chaque mercredi, originalité). C’est la dernière ligne droite.
joueurs se bousculent désormais pour pla- lors des « Happy Wednesdays », il affiche Les chevaux donnent tout, les jockeys
10 0
La piste de l’hippodrome mesure
1 400 mètres de long. Deux soirs par
semaine, huit courses se déroulent au
milieu des buildings illuminés.
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s’enroulent sur les encolures, la cra- daire superstition des Chinois méridionaux, contrat qui les lie à un seul propriétaire.
vache fouette l’air. Les parieurs tremblent, un jockey qui gagne une course est tout de Dans le cas d’Alexis Badel, il s’agit du fa-
leurs mains triturent les tickets gagnants, suite perçu comme touché par la chance : meux prince-imam Karim Aga Khan, chef
ou perdants. sa popularité augmente rapidement et les spirituel des Ismaëliens nizârites, un cou-
Dans les loges réservées aux VIP, aussi, opportunités se multiplient. « Mais si tu te rant ésotérique de l’islam. Parmi les plus
l’excitation est à son comble. Mais le spec- mets à perdre, ils vont considérer que la gros mécènes privés au monde, il est connu
tacle diffère. Les propriétaires des che- chance t’a quitté, et là, ils t’ignorent com- pour sa passion des chevaux. Sauf cas
vaux, personnages souvent fantasques, aux plètement », précise aussitôt Alexis. Ce exceptionnel, Alexis monte ceux de l’écu-
goûts extravagants et à la fortune solide, soir, il peut s’endormir rassuré. rie princière, dont les couleurs, casaque
sont trop occupés à prendre des self ies Au lendemain de la course, Alexis a la mine verte à épaulettes rouges, évoquent celles
avec les 300 hôtes qu’ils ont invités au Club des beaux jours. Sa victoire, qui a mis d’ex- du drapeau ismaëlien.
pour les impressionner. C’est l ’une des cellente humeur les propriétaires du che- À Hong Kong, les jockeys sont délivrés de
fonctions essentielles du Hong Kong Jockey val, lui permet de remporter une coquette tout contrat et vivent comme des merce-
Club : s’afficher et démontrer son apparte-
nance à la bonne société. Ces hommes d’af-
faires dépensent en moyenne entre 100 000
et plusieurs millions d’euros pour faire l’ac-
Dans les loges VIP, les propriétaires
quisition d’un cheval. Si leur bien remporte
la course, ils touchent environ 80 % du prix de chevaux prennent des selfies avec leurs
de la dotation, (f ixée en moyenne) autour
de 100 000 euros à Hong Kong. Mais la vic-
toire ne dépend pas d’eux, tant ils sont ré-
invités. Il faut s’afficher et démontrer son
putés pour « donner des conseils far fe-
lus aux jockeys, de préférence juste avant appartenance à la bonne société.
une course », comme l ’explique Michael
Cox, spécialiste hippique au South China
Morning Post. Raphaël le Masne de Cher-
mont, homme d’affaires français patron
de Shanghai Tang – la première marque de somme : entre 10 et 21 000 euros puisque naires. « Ici, on n’a pas d’agent pour s’oc-
luxe chinoise – et membre du club depuis la course était sponsorisée à hauteur de cuper de nos contrats, confirme le cavalier
quinze ans, confirme : « On vient surtout ici 210 000 euros et qu’à Hong Kong, le vain- français. Tout se fait par relations, il faut
pour amener des clients et leur faire pas- queur touche environ 5 à 10 % de la dota- discuter avec les entraîneurs chaque jour
ser une bonne soirée. » À 53 000 euros la tion (et de 1 à 5 % s’il est placé dans les cinq et les convaincre de nous confier des pur-
cotisation annuelle et un processus d’adhé- premiers). Entre décembre 2016 et février sang à monter. » Tout se joue lors de brefs
sion très stricte supervisé par les membres 2017, il a gagné plus de 50 000 euros, soit de conciliabules qui se déroulent en général
les plus éminents du Club, on montre aussi deux à trois fois ce qu’il aurait empoché en pendant la parade, juste avant les courses,
à ses clients ou à ses investisseurs qu’on France sur la même période, même en réa- l’une des rares occasions de rencontrer les
a de la ressource et des connexions. Dans lisant une bonne saison. Le Brésilien João propriétaires. « Au début, je ne connaissais
les étages supérieurs qui surplombent la Moreira, étoile de la saison, gagne environ personne, se souvient Alexis, alors je ser-
piste, à travers les baies vitrées, les salles un quar t des courses auxquelles il par ti- rais le plus de mains possible, tout le temps,
VIP regorgent de ces dîners d’affaires où cipe et affiche des gains récoltés entre sep- et très fort pour qu’ils se disent : “Il a de la
l’on croise aussi bien des membres du gou- tembre et mars avoisinant le million d’eu- poigne, il peut monter.” La plupart du temps,
vernement que des investisseurs japonais. ros... « J’aime la France, explique Alexis. les mecs ne me regardaient même pas. »
Off iciellement, ni les propriétaires, ni les C’est mon pays. Mais, et je m’excuse de l’ex-
entraîneurs, ni les jockeys n’ont le droit de pression, on se sent un peu comme des clo- OLIVIER, LE « SENIOR RIDER »
L
ici. » Cer tains jockeys locaux viennent à ’attractivité financière du Club, alliée
L E FA I T D U P R I N C E l’entraînement en voitures de luxe. Le ma- au régime f iscal débonnaire de Hong
tin de la course trônait sur le parking du Kong, en fait une destination de choix
A
lexis Badel, un Français de 27 ans, Club une Ferrari, dont la très chic plaque pour les jockeys internationaux. Si
c o u p e l a l i g n e d ’ a r r i v é e e n t ê te . personnalisée ne mentionnait que les ini- cer tains, comme Alexis, sont invités
Speedy Longwah, son jeune cheval tiales « CAS » : le dernier joujou de Caspar pour une saison de quelques mois, d’autres
néo-zélandais, peut dérouler à pe- Fownes, un entraîneur réputé. ont décroché le Graal : une licence à l’an-
tites foulées. Grâce à cette victoire, Pour les jockeys, faire de bonnes affaires née. C’est le cas d’Olivier Doleuze, un autre
l’une de ses premières à Hong Kong, le jeune est un exercice qui nécessite diploma- Frenchie, 44 ans, dont trente de carrière,
jockey tout juste débarqué de Chantilly se tie, talent et opiniâtreté, très loin de ce des milliers de courses et plus de 700 vic-
construit une réputation qui lui permettra de qu’ils connaissent « au pays ». En France, toires à son actif. Olivier est une figure du
monter d’autres chevaux. Grâce à la légen- les jockeys signent la plupart du temps un Club : entraîneurs, administrateurs,
10 3
journalistes spor tifs, tout le monde jockeys ou d’entraîneurs –, ils gagnent très staff à marcher dans une piscine couverte.
loue sa bonne humeur et son intelligence jeunes, en cas de succès, des sommes ver- « À Chantilly, on emmène son cheval en fo-
tactique. Un poil cabotin, ses qualités de tigineuses. Olivier l’admet : « On n’a pas rêt, on peut se promener des heures sans
show-man ravissent le public hongkongais. d’éducation à l’argent, alors dès qu’on en rencontrer personne », raconte Alexis. Ici,
« Un peu plus jeune, confie-t-il, quand je ga- gagne on flambe, on va en boîte, on paie des à l’image des humains qui vivent entassés
gnais une course, je défilais debout sur le bouteilles de champagne pour les copains, à plusieurs familles dans les deux-pièces
cheval, je me roulais dans l’herbe… » Il est pour tout le monde… J’ai prof ité à 800 %, minuscules des tours environnantes, les
considéré par la presse spécialisée comme c’est vrai. » Mais la comparaison s’ar- chevaux passent leur vie dans des boxes
l’un des meilleurs jockeys français vivants, rête là : les jockeys, de petite taille et ar- étroits, et sont entraînés de façon rigoureu-
même si lui, modeste, considère qu’« une borant des tuniques improbables, sont loin sement mathématique.
course, c’est le cheval à plus de 80 % ». Se- de l’image glamour que renvoient les foot-
lon ses propres termes, il se sait « sur la balleurs. Et la couverture médiatique quasi UN CLUB IRRÉPROCHABLE
f in » et « espère encore faire une saison nulle auprès du grand public les oblige à un
M
après celle-ci ». Puis ce sera la retraite, sens de l ’autodérision permanent. « On ichael Chang Chun Wai, un entraîneur
à Saint-Tropez dont il est originaire. Son a tous des souvenirs douloureux de notre hongkongais apprécié des jockeys
occidentaux, déplore ces méthodes :
Le Jockey Club jouit d’un monopole sur « Ici, on entraîne les chevaux comme
on éduque les enfants... Ma f ille
loterie. C’est le seul organisme habilité discipliner », rappelle Olivier. Il sait de quoi
il parle : suspendu six mois pour consom-
O
livier Doleuze aime le ski, les belles sponsoring sont rares. « France Galop (la des chevaux et augmenter leurs capaci-
voitures, manie sa petite citadine « un société qui organise les courses de galop en tés pulmonaires, non seulement à domicile,
peu traf iquée » comme un engin de France, ndlr) a soixante ans de retard dans mais aussi en compétition aux États-Unis,
course et donne ses rendez-vous au ses rapports au reste du monde », estime où son usage est permis, au risque de dé-
Peninsula, un luxueux hôtel du front de un jockey italien. savantager ses chevaux. Cette discipline
mer, juste avant de faire un saut chez son En contrepar tie de ces conditions f inan- de fer concerne aussi le déroulement des
tailleur et son bottier – il ne porte que des cières faramineuses, le Club de Hong Kong courses : le soir même de sa victoire, Alexis
chaussures en croco. En quinze ans de Joc- exige de ses jockeys une discipline de fer. est sanctionné sur une autre course pour
key Club, le montant de ses gains se compte Logés à l’hippodrome de Sha Tin (le deu- « conduite irresponsable », en passant de-
en millions d’euros, qu’il a successivement xième de la ville, un peu plus éloigné du vant un autre cheval il a gêné sa progression.
gagnés, perdus, re-gagnés…et récemment centre, qui accueille les courses le week- Une faute légère pour laquelle il n’aurait, se-
re-perdus, dans des investissements ha- end), ils se présentent à l ’entraînement lon lui, « sûrement pas » été sanctionné en
sardeux, comme cette salle de gym qu’il a dès 5h30 du matin, une bonne heure avant France. Verdict : deux jours de suspension.
voulu ouvrir avec un associé véreux. « J’ai le lever du soleil. L’entraînement au Club est La sentence peut paraître mineure mais elle
fait trop confiance », se justifie-t-il. Les joc- intensif, voire militaire. Quelques tours de représente un manque à gagner important.
keys ont ceci de commun avec les footbal- piste pour l’échauffement, puis des séries Si le Club se veut irréprochable, c’est
leurs que, venus de milieux relativement de courses en conditions réelles, chrono- parce qu’il jouit d’un statut unique, d’abord
modestes – la plupart des jockeys rencon- mètres sur chronomètres. Ensuite les che- en raison de sa structure : une association
trés sont eux-mêmes f ils et petits-f ils de vaux sont entraînés par les membres du à but non lucratif qui jouit d’un monopole
10 4
Repor tage
gouvernemental sur les courses hippiques, 700 millions d’euros est en cours), ou dans
le football et la loterie. En clair, il s’agit of- des missions de bienfaisance sur l’île. Les
f iciellement du seul organisme habilité à projets sponsorisés sont extrêmement di-
prendre des paris à Hong Kong. En échange vers et donnent l’impression que le Jockey
de ce monopole légal, le Club reverse des Club est présent dans toutes les sphères
impôts monumentaux au gouvernement : de la société : jeunes, vieux, femmes, en-
près de deux milliards d’euros par an, en- vironnement, handicapés, familles... « Les
viron 10 % des recettes fiscales de l’île, ce Hongkongais apprécient ce modèle écono-
qui en fait le premier contribuable. Pour- mique, car tous les profits sont ré-injectés
tant, ça ne suffit pas à écouler le trop-plein dans leur société, estime Raphaël le Masne
de bénéf ices qui provient du prélèvement de Chermont. Même le lycée français en a
sur les paris (17,5 %). Comme la société prof ité ! » Bourses d’études, centres de
n ’ e s t pa s c e n s é e f a i re d e p ro f i t , to u t traitement d’Alzheimer, programmes d’in-
l’argent est réinvesti, soit dans le Club lui- ser tion, banques de nourriture, etc. pas
même (un programme de rénovations de une université de l’île sans sa « Jockey
Passage en force
Ce rapprochement avec la Chine n’est pas du
Chaque mercredi, l’hippodrome affiche complet. goût de tout le monde. Une bonne partie de
Les aficionados chinois croisent les riches la société civile hongkongaise s’oppose en
hommes d’affaires. effet à la mainmise de plus en plus pesante
de Pékin sur les affaires internes de l’île.
Et un épisode récent a fait déborder le
vase : le projet controversé de création d’un
« musée de l’histoire chinoise de Hong Kong ».
Le bâtiment de 10 000 mètres carrés, prévu
en plein centre-ville, est une réplique fidèle
du Palais de Pékin situé dans la cité interdite.
Tout un symbole pour les autorités chinoises
qui, jusqu’à présent, se faisaient discrètes
dans le paysage culturel et urbain de l’île. La loi
hongkongaise prévoit qu’un projet d’une telle
ampleur doit être approuvé par le Parlement,
pourtant le musée chinois est passé en force.
Justification de Pékin : pas besoin d’impliquer
le Parlement, puisque le musée sera construit
sur des fonds privés. D’où viennent ces fonds ?
Du Hong Kong Jockey Club, pardi, qui met sur la
table la bagatelle de 420 millions d’euros pour
cet ouvrage. L’affaire a fait scandale, d’autant
que les termes exacts de la transaction ne
sont pas connus. Et c’est bien là la crainte
majeure des amateurs du sport sur l’île : qu’une
fusion avec la Chine continentale fasse perdre
au Club une partie de son identité et de ses
valeurs fondamentales...
10 5
Club Tower » ou son « Jockey Club au-
ditorium ». Dans le centre-ville, leur logo
e s t l i t t é ra l e m e n t pa r to u t : e n u n c o u p
d’œil, on comprend que le Jockey Club est
un acteur incontournable de Hong Kong,
presque une branche de l’État.
D E S VA L I S E S D E B I L L E T S V E R T S
P
ar son statut d’institution, le Club
conserve une volonté farouche de lut-
ter contre la corruption du sport et ne
recule devant rien pour s’en assurer.
« On est sur écoute, on le sait parfai-
tement, aff irment plusieurs jockeys. Par-
fois même on est suivis, mais on les voit
venir de loin. » Rien de grave, assurent-
ils, l ’administration s’assure simplement
qu’ils ne rencontrent pas « de mauvaises
personnes. ». L’organisation des courses
est ainsi pensée qu’elle rend diff iciles les
petits arrangements. Les relations entre
cheval, entraîneur, propriétaire et joc-
key étant non-exclusives, les jockeys n’ap-
prenant souvent qu’au dernier moment
quel cheval ils vont monter, les tentatives
de corruption sont plus hasardeuses. De
plus, l ’institution privilégie un système
de courses à handicap destiné à rééquili-
brer les chances entre tous les chevaux :
les bons chevaux, qui viennent de gagner
une ou plusieurs courses, doivent por-
ter un poids supplémentaire propor tion- Le Club exige des jockeys une discipline de fer. L’entraînement,
qui commence à 5h30 du matin, est militaire, et les contrôles
nel au nombre de victoires. Plus un cheval antidopage drastiques. L’exigence y est totale et l’organisme
a gagné de courses successives, plus lourd prend la question de la corruption des courses très au sérieux.
sera le poids à porter. Comme nul ne peut
connaître à l’avance la réaction exacte du
cheval et sa limite, ces courses sont d’au-
tant plus difficiles à influencer.
Si le Club prend la question de la corrup-
tion des courses au sérieux, on ne peut des valises remplies de billets de 100 dol- pouvait récupérer un chèque du Club, ac-
pas en dire autant des affaires de blanchi- lars, raconte Peter Guy, éditorialiste finan- cepté dans toutes les banques. C’est en-
ment d’argent. À la décharge des adminis- cier au South China Morning Post, et reve- core le cas aujourd’hui. Il y a quelques mois
trateurs, c’est Hong Kong tout entière qui naient une heure plus tard vous remettre un à peine, un gang de loan sharks, (usuriers,
est connue pour son attitude laxiste quant relevé de compte crédité de la somme. » ndlr) des individus qui prêtent de l’argent
à la provenance des fonds d’investissement Et les caissiers du Jockey Club acceptaient à des taux prohibitifs, a été arrêté : ils uti-
étrangers sur son territoire. Aujourd’hui les mêmes valises sans broncher, comp- lisaient des comptes du Hong Kong Joc-
encore, l’île est considérée comme un pa- tant d’ailleurs les billets avec une honnêteté key Club pour collecter leurs mensuali-
radis fiscal et le personnel de ses banques scrupuleuse : « Un coursier à la retraite tés. Depuis, le staff a été appelé à plus de
est réputé pour ne poser aucune question m’a raconté qu’il faisait tellement confiance vigilance sur les grosses sommes en li-
gênante. Dans les années 1960, 1970 et 1980, aux caissiers du Club qu’il allait siroter quide, même s’il n’y a aucun plafond. Parier,
à l’époque des gentlemen bankers, « des un verre pendant qu’ils comptaient », c’est bien, parier beaucoup, c’est mieux.
coursiers venaient à votre hôtel chercher conf ie Peter Guy. À la f in de la soirée, on
10 6
Repor tage
GET TY IMAGES
107
Aventure
Duels
en
haute
mer
U
Ça va foiler ! À partir du 25 juin, le paquebot Queen Mary 2 n géant de carbone de 30 mètres de
long et 21 de large s’arrache lente-
affrontera quatre trimarans sur la transatlantique ment du ponton qui lui est exclusive-
The Bridge. Si le match paraît disproportionné, il permettra ment réservé, à l’entrée de la marina
de Port-la-Forêt (Finistère sud). Sur
surtout aux quatre monocoques de se jauger mutuellement le quai, quelques promeneurs trop heu-
avant d’autres défis à venir. Explications aux côtés de reux de voir sortir le maxi-trimaran Macif
font signe à son skipper, François Gabart,
François Gabart, l’un des prestigieux engagés. 34 ans, décrit comme le nouveau génie des
P a r C ha r l e s A u d i e r océans depuis sa victoire du Vendée Globe
2013. Déjà au taquet et impatient de sortir le
multicoque avec lequel il a remporté la Tran-
sat Bakerly en mai 2016, le Petit Prince des
mers (son surnom) fait très vite déguerpir
son staff. Il reste deux équipiers. Et GQ. Cap
sur l’île de Sein, à l’ouest, puis retour à
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 10 8 Juillet 2 017
ALEXIS COURCOUX / PRESSE
Le pont
de Brooklyn
en ligne
de mire.
10 9
Aventure
100 miles au sud des îles de Glénan, soit auteur du même exploit en équipage (Tro- line cinq winchs (les treuils) comme il le fait
pas moins de 400 miles (700 km) de naviga- phée Jules Verne) en 40 jours et 23 heures le plus clair de son temps en compétition.
tion en vingt-quatre heures. « Cette nuit, et Actual d’Yves Le Blevec, vainqueur de la « Pour virer de bord, explique-t-il, j’ai une
je manœuvrerai en solo, annonce François Transat Jacques Vabre 2011. Du lourd. longue check-list de manœuvres à appliquer.
Gabart après quinze minutes en mer. Vous En pratique, changer de direction en solo
ferez vos quarts de deux heures pour m’ob- DU ROSBIF AU MENU peut me prendre entre 45 et 60 minutes. »
server, mais ne touchez à rien, il faut que je Un enchaînement de gestes millimétrés qui
P
m’entraîne. » But de la manœuvre : tester renant de la vitesse, Macif file à sert à optimiser la vitesse du bateau et à
les nouveaux réglages du maxi-trimaran en 25 nœuds (46 km/h) alors que le vent éviter de casser une pièce ou, pire, de se
vue de la course transatlantique The Bridge, réel ne dépasse pas les 15 (28 km/h). retourner – l’envergure et la vitesse du
entre Saint-Nazaire et New York, du 25 juin Prêt à s’envoler sur ses foils (ailes pro- trimaran de 14 tonnes peuvent rapidement
au 1 er juillet, qui opposera le Queen Mary 2 filées assurant une force de portance l’envoyer sur le flanc.
à quatre trimarans Ultim (multicoques de sur l’eau), le multicoque braille alors dans Cette hantise de « voileux » n’inquiète pas
Christopher Wells, capitaine du Queen
E M M A N U E L L L A FAY M A X P P P / S I PA / C H R I S T O P H E L AU N AY ( 2 ) / P R E S S E
poursuit : « Dans cette bataille navale, les
Ultim sont construits pour être rapides,
avec des vitesses de pointe dépassant les
45 nœuds. Ce n’est pas notre cas, d’autant
que nous transportons 2 691 passagers et
1 245 membres d’équipage. » Une station
plus de cent pieds), la nouvelle classe reine, un fatras sonore caractéristique de ces im- balnéaire f lottante dont seulement 10 %
en équipage. Sur la ligne de départ : Macif, menses carcasses de carbone. Ça craque, du personnel (mécaniciens, officiers de
donc, mais aussi Sodebo de Thomas Coville, ça couine, ça siffle dans tous les sens. Im- quart, employés de sécurité ou de main-
qui a écrasé le record du Tour du monde en perturbable, François Gabart s’affaire au tenance) est réellement en charge de la
solitaire (49 jours et 3 heures) à Noël der- piano, ce « plan de travail » où convergent bonne marche du bateau. Avec ses quatre
nier, Idec Sport barré par Francis Joyon, les drisses et les écoutes du bateau, et mou- moteurs diesel de 16 cylindres chacun qui
La recette d’une
LE BLEVEC
ACTUAL
flotte : 5 marins (au lieu de 6),
dont Samantha Davies, 7/10 6/10 5E
Transat réussie ? la navigatrice britannique.
Un bateau
puissant, bien sûr,
mais aussi un THOMAS Le skipper en solitaire est le plus
équipage en
symbiose et une
COVILLE
SODEBO
rapide en tour du monde (sans
escale ni assistance). Record à 9/10 7/10 3E
capacité à battre : 49 jours et 3 heures.
anticiper les
conditions météos Le skipper charentais
FRANÇOIS
ainsi que la part
d’inconnue GABART
MACIF
a remporté le Vendée Globe
en 2013 et la Transat Bakerly 9,5/10 8/10 2E
inhérente à ce en 2016.
genre de
compétitions.
Pour The Bridge, CHRISTOPHER 345 mètres de long,
GQ s’est risqué à
dresser son
WELLS
QUEEN MARY 2
1 245 membres d’équipages,
90 720 chevaux : 10/10* 10/10 1ER
Quinté+. c’est le paquebot à abattre.
* Les dés sont pipés, ce pirate est motorisé.
110
Route nord
SAINT-NAZAIRE
Départ le
25 juin 2017
Route Queen Mary 2
NEW YORK
Arrivée à partir du
1 er juillet 2017 Route sud L’ARCHIPEL
DES AÇORES
CARTE DU PARCOURS
Deux options pour les skippers : la
route sud, avec les Canaries en ligne de
mire pour éviter l’anticyclone des
Açores et attraper les alizés qui filent
vers le Brésil. Ou celle au nord, mais
gare aux icebergs au large de
Saint-Pierre-et-Miquelon.
mesurent la taille d’un bus à deux étages se jouera entre eux à quelques mois d’objec- du monde a relancé les ambitions d’une
et développent la puissance de 22 680 che- tifs communs (Transat Jacques Vabre, Route génération de marins exceptionnelle : « J’ai
vaux (donc 90 720 chevaux au total !), le du Rhum) et surtout du nouveau Brest World hâte de connaître le véritable potentiel de
Queen Mary 2 voguera à la vitesse stabili- Ultim Tour – nom provisoire –, une circum- mon Sodebo et de m’améliorer encore par
sée de 21,5 nœuds afin de franchir la ligne navigation complète en solitaire, sans assis- rapport à cet hiver où j’étais seul à bord,
d’arrivée, sous le pont de Brooklyn, après tance et sans escale qui fera office de juge et donc forcément limité. » Absent de ce
sept jours de mer exactement. de paix, en 2019, et qui affole déjà tous les tour de chauffe transatlantique, car en-
ports de France. core accaparé par le SAV « médias-com »
U N M AT C H D A N S L E M AT C H Francis Joyon est on ne peut plus clair : d’après-victoire sur le Vendée Globe en
« The Bridge va nous permettre de nous janvier dernier, Armel Le Cléac’h en tirera
L
es trimarans pourront-ils rivaliser comparer réellement entre nous et ça, des enseignements à distance : « Notre
avec un tel colosse, qui filera en ligne c’est positif pour la suite ! » François Ga- trimaran Banque Populaire IX n’est pas
droite quand les skippers auront deux bart, lui, préfère euphémiser. « Cela va encore prêt pour lutter en Ultim. Et je veux
options tactiques (donc un risque à être un bon entraînement. Même si c’est en un bateau très technologique avec des foils
prendre) pour rejoindre New York (voir équipage, nous allons pouvoir exploiter à les plus innovants possible pour pouvoir
la carte) ? « Selon les statistiques, il y a 10 % fond le potentiel de nos trimarans. En soli- voler encore plus haut sur l’eau que les
de chance qu’il soit battu », raconte Damien taire, il y a une limite imposée par le phy- concurrents. » Il souligne un peu plus au
Grimont, à l’initiative du projet. Alors qu’ont- sique du marin. On ne peut pas se démulti- passage la course… à l’armement qui se
ils à gagner dans ce très folklorique match de plier. Être plusieurs à bord permet d’avoir jouera aussi en coulisses d’ici 2019 et le
gala ? Un coup de com’ ? Exposer leurs spon- de nouvelles idées, de découvrir des pos- départ de cette « ligue des champions de
sors en espérant en attirer de nouveaux ? Ce sibilités encore inconnues en condition de la voile » (Le Cléac’h). The Bridge en sera
qui excite vraiment les quatre engagés multi- compétition. » Même approche chez Tho- la première vitrine. Ou plutôt, en l’occur-
coques, c’est le « match dans le match » qui mas Coville, dont l’exploit en solo autour rence, une sorte de tête de pont.
111
Enquête
ET STEVE JOBS
CRÉA LE SMARTPHONE
Lancé il y a dix ans par le cerveau d’Apple, le smartphone a
transfiguré notre quotidien et bouleversé l’économie de la
téléphonie. Depuis, la guerre fait rage entre les principaux
concurrents Apple, Samsung, Huawei... Histoire d’une
révolution technologique qui obéit au doigt (et bientôt à l’œil).
Par Jérémy Patrelle_Illustrations : Simon Landrein
P
A LO A LTO, CA L I F O R N I E , 29 juin 2007. temps à autre, un produit révolutionnaire d’iPhone, mais nous avons toujours es-
Steve Jobs, casquette de baseball vis- naît et change la face du monde : le pre- sayé de faire les meilleurs produits, ceux
sée sur la tête, T-shirt noir à manches mier Macintosh a révolutionné l ’informa- qui font la différence. Merci aux équipes
longues, jean stone et chemise de bû- tique (1984, ndlr), le premier iPod a révolu- d’Apple d’aider le monde à changer chaque
cheron nouée autour de la taille, dé- tionné la musique (2001, ndlr) . Aujourd’hui, jour. » Les ingénieurs, développeurs et
boule à la surprise générale dans l’Apple nous vous présentons trois produits révo- techniciens d’Apple ont été les premiers
Store. L’ambiance, déjà électrique, tourne lutionnaires : un iPod, avec un grand écran, à proposer aux utilisateurs un appareil
à l’hystérie. « La foule l’accueillit tel Moïse un téléphone por table et un appareil de avec écran tactile qui permette de télépho-
venant acheter la Bible », raconte Wal- communication Internet. » Avant de scot- ner, envoyer des messages, lire des mails,
te r I s a ac s o n d a n s s o n o u v ra g e c o n s a - cher l’assistance : « Vous comprenez ? Ce écouter de la musique, naviguer sur Inter-
cré au patron d’Apple ( Steve Jobs, édi- ne sont pas trois appareils mais un seul et net, prendre des photos, jouer aux jeux vi-
tions JC Lattès, 2011). Transcendées, des unique appareil. » Ainsi naquit l’iPhone au déo, se repérer dans une ville…
centaines de personnes font la queue de- terme d’une keynote historique. U N V É R I TA B L E O R D I N AT E U R p e rs o n n e l
puis plusieurs heures devant le magasin Dix ans plus tard, l ’iPhone est devenu le à por ter sur soi. « L’iPhone c’est comme
pour… un téléphone, « le téléphone de smar tphone le plus connu du monde. Ses avoir votre vie dans votre poche », expli-
Jésus » comme l’appelaient les blogueurs différentes éditions – un nouveau modèle quait Jobs en janvier 2007. Vi sionnaire
de l’époque. Six mois plus tôt, Apple avait présenté chaque année depuis 2007 – se donc, alors qu’en 2016, 1,48 milliard de
annoncé f ièrement l ’arrivée de son pre- sont écoulées à plus d’un milliard d’uni- smar tphones toutes marques confondues
mier téléphone por table sur le marché au tés, seuil atteint en juillet 2016. Tim Cook, ont été vendus dans le monde selon IDC.
cours du Macworld Expo, grand-messe an- successeur de Steve Jobs à la tête d’Apple Une progression de 2,3 % certes plus faible
nuelle de la f irme de Cupertino. Jobs pro- en 2011, se félicitait alors : « Nous n’avons que les années précédentes mai s déjà
mettait une révolution, une de plus : « De j a m a i s c h e rc h é à ve n d re u n m a x i m u m promise à une hausse en 2017 et 2018
S
ymbole du XX e siècle et du Web 2.0, le qui dépassent sont à la mode. Les photos études démontrent également que les uti-
phénomène smartphone aurait pu, en ultra-pixellisées aussi. C’est le temps de lisateurs passent aujourd’hui plus de temps
fait, arriver un peu plus tôt. Un cer- l’insouciance téléphonique, les appareils à consulter leur smartphone qu’à regarder
tain modèle Simon tente sa chance coûtent encore cher mais ne contiennent la télé ou qu’à s’alimenter… La « faute »
dès 1994 (Simon pour « Simon says » pas tous nos secrets comme aujourd’hui. a u x r é s e a u x s o c i a u x n ot a m m e n t , d o n t
l’équivalent de « Jacques a dit » en France).
Création d’IBM, cet appareil doit être consi-
déré comme le pionnier des smartphones En créant l’iPhone, Steve Jobs voulait
surtout éviter que l’iPod ne soit
de l’histoire, car il fut le premier à offrir
un écran tactile et monochrome. Ce der-
nier mesurait 4,5 pouces avec une réso-
lution 293x160 pixels alors qu’aujourd’hui
le Full HD compte 1920x1080 pixels. Doté
d’un processeur 16 MHz, le Simon, qui pou-
cannibalisé par le téléphone mobile.
vait recevoir des fax et des mails, embar-
quait des applications comme un agenda,
un calendrier, la liste des contacts, un logi- Ça, c’était avant l’iPhone. Ce smartphone Facebook qui prend son essor international
ciel de prise de notes (avec le stylet fourni), miniaturise la technologie connue et fait du précisément en 2007.
des jeux, la cartographie… Comme le Com- téléphone un objet dont plus personne ne En créant l ’iPhone, Steve Jobs voulait
municator de Nokia sorti en 1996, le Simon, peut se passer. Plus indispensable qu’une d ’ a b o rd é v i te r q u e s o n p ro d u i t p h a re
SATOSHI HASHIMOTO
trop massif (il mesurait 23 cm de haut et voiture, plus vitale qu’une carte de crédit, d’alors, l’iPod, ne soit cannibalisé par le
pesait 500 g), trop en avance (pas de 3G, plus fort même que les drogues douces et téléphone mobile comme l’appareil photo
ni de 4G mais du GPRS et des réseaux de l’alcool. La preuve, une étude américaine était en passe de l’être. L’arrivée du smart-
télécommunication qui ne s’étendaient pas parue dans le New York Times en 2016 in- phone a en réalité tout changé, remettant
sur toute la planète), trop chiche en batte- d i q u e q u e l e s ad o l e s c e n t s c o n s o m m e - les compteurs de la high-tech à zéro. Moto-
rie (une heure d’autonomie) et trop cher raient moins d’alcool et de tabac, en partie rola, inventeur du premier téléphone mobile
(899 dollars en 1984), suscite l’indifférence grâce aux smar tphones, puisque « l ’uti- commercialisé en 1984 pour l’équivalent de
quasi générale. IBM n’en vend que 50 000. lisation de ces derniers a explosé au mo- 7 000 euros – le DynaTAC 8000X de Michael
TOUJOURS PLUS
SMART !
NOVEMBRE 2008
Le concurrent JUILLET 2011
29 JUIN 2007
BLACKBERRY de l’iPhone LG OPTIMUS 3D
IPHONE
STORM se montre enfin. Premier smartphone
Annoncée en janvier par Steve 1 er tactile de BlackBerry à afficher la 3D
Jobs, la sortie de l’iPhone 2G, mais les fans ont du stéréoscopique.
fait se déplacer les foules. mal à oublier le Bold. Inutile.
114
Enquête
Douglas dans Wall Street en 1987 – entame
son déclin, alors que Nokia ou Sony Erics-
son, qui dominaient le marché, ne suivent
pas le mouvement du grand écran tactile,
ni du clavier virtuel ni de la multiplicité des
tâches. BlackBerry obtient un répit à près
de 20 % de parts de marché en 2009 grâce
à son clavier physique et à la consultation
des mails plébiscités par les pros, avant
de disparaître des écrans radars. Pendant
ce temps, le géant Samsung tisse tranquil-
lement sa toile. Intercalé alors dans le trio
star des mobiles (3 e en 2006, 2 e en 2007),
le conglomérat sud-coréen a investi plu-
sieurs milliards dans les téléphones. Entre
2008 et 2009, les modèles Player (Style, Ad- COMMENT RÉALISER UN (VRAI) FILM À L’IPHONE ?
dict, Pixon, Ultra et Star), à écran tactile et Sean Carter, auteur du long métrage semaines, insiste Sean. Non seulement
sans clavier physique, dits « multimédia » tourné à l’iPhone Tangerine, présenté le téléphone est plus léger à manier
au Festival de Sundance et primé à qu’une caméra, mais, de jour comme
constituent les prémices du smar tphone. celui de Deauville en 2015, a réalisé en de nuit, nous avons pu travailler en
Conscient que cet objet qui tient dans la 2016 un court métrage promotionnel lumière naturelle, n’ayant recours à
main offre un véritable statut social et per- pour la marque Kenzo, Snowbird. des projecteurs qu’à trois ou quatre
Pour GQ, il s’explique sur son choix reprises. Si le smartphone avait existé
met d’équiper en Internet des millions d’uti- technique. « J’ai dû filmer Tangerine dans les années 1960, je suis sûr que
lisateurs jusque-là exclus des réseaux de à l’iPhone pour réduire les coûts Jean-Luc Godard s’en serait servi
communication classiques, Samsung sor t de production et non pour devenir un pour créer la Nouvelle Vague. »
ambassadeur Apple », s’excuse-t-il Quant aux conseils que prodigue le
ses premiers téléphones intelligents en juin presque. Il justifie sa démarche cinéaste pour tourner à l’iPhone,
2010, le Galaxy S avec un système Android exactement comme les plus grands il y en a deux : « 1) il faut un stabilisateur
développé par Google et le Wave doté du réalisateurs racontent leurs débuts car le téléphone est trop petit et
avec une caméra Super 8. « On a la main bouge tout le temps. 2) Il est
système d’exploitation maison Bada (rem-
VISUAL / DR
commencé par faire des essais et puis capital d’enregistrer le son et les voix
placé en 2014 par Tizen). on a convaincu les producteurs en avec de bons micros sur du bon
De son vivant, Steve jobs fulminait contre montrant que l’image rendait bien sur matériel parce que les cinéphiles
grand écran. » Tangerine est le tout peuvent très bien s’habituer à une
ce qu’il considérait comme un plagiat premier film tourné à l’iPhone en image originale ou différente mais
de Google, avant qu’Apple ne por te ses format cinémascope grâce à un le son doit impérativement être de
attaques juridiques directement contre le adaptateur qui se fixe sur la lentille. bonne qualité, c’est la clé pour que
« Nous avons pu tourner en quatre cela soit du cinéma. »
fabricant coréen. Depuis, le feuilleton
JUIN 2015
LG G4
JANVIER 2013
SONY XPERIA Z LG tente le dos
Le savoir-faire photo en cuir pleine
de Sony se retrouve fleur. Original.
(enfin) dans un Et le capteur AVRIL 2017
de ce qu’il est convenu d’appeler « la États-Unis a momentanément donné raison munication pour rassurer les consomma-
guerre des brevets » n’en finit pas : design, à... Samsung, considérant que le balayage de teurs et le marché, Samsung joue gros en
interface, swipe (balayage de l’écran)... « À l’écran ou le design des boutons ne pouvait 2017. « Nous n’avons pas le droit à l ’er-
l’origine, Samsung est une boîte d’ingénieurs pas être considéré comme propriété d’un reur », confirme Camille Castinel lors de la
avec un domaine recherche et développe- seul fabricant. présentation du nouveau téléphone phare
ment très poussé, indique Camille Castinel, de la marque, le S8, à New York, fin mars.
responsable marketing produit chez Sam- LE PHÉNIX SAMSUNG « Après la phase de communication, nous
sung France. Chaque année, la marque dé- passons à celle du renouveau avec le Galaxy
U
pose des milliers de brevets et investit des ne victoire sous forme de consola- S8. Il faut être au top de l’innovation et de la
millions pour intégrer un maximum d’innova- tion pour Samsung qui vit depuis sep- qualité. » Pragmatique, Samsung revient à
tions : les écrans Super Amoled, des proces- tembre 2016 un calvaire en termes une stratégie made in Apple, habituée à dé-
seurs ultra-puissants (celui du Galaxy S8, le d’image. Censé concurrencer rouler ses fameuses keynotes en marge des
Exynos 9 huit cœurs gravé à 10 nanomètres, l’iPhone 7, le Galaxy Note 7 a été retiré grands événements technologiques de la
est une première), les modules photo sur de la circulation quelques semaines après planète. L’entreprise sud-coréenne a de fait
les modèles S3 et S4, la norme IP 68 (résis- son lancement, des batteries ayant explosé. délaissé la cohue du Mobile World Congress
de Barcelone fin février pour une présen-
Demain, l’intelligence artificielle embarquée tation en solo de son nouvel appareil haut
de gamme, à New York. DJ Koh, président
nos envies en fonction de l’heure et de blée, et sans trembler, le début d’« une nou-
velle ère du smartphone » avec les Galaxy
116
Enquête
(contre 55 millions pour le S7 d’avril 2016 poussées qu’Apple ou Samsung qui com-
à mars 2017)… En attendant les premiers mercialisent leur modèle haut de gamme
chiffres de ventes du S8, sorti le 28 avril, à pa r t i r, re s p e c t i ve m e n t , d e 76 9 d o l -
le constructeur coréen, qui fabrique d’ail- lars (iPhone 7) et 809 dollars (Galaxy S8).
leurs des pièces pour l’iPhone, dominait en Pour séduire, la marque chinoise mise en
2016, pour la cinquième année consécutive, particulier sur les qualités photos et l’intel-
le marché de la téléphonie (20,8 % de parts ligence artificielle de ses smartphones. Les
de marché, 14,5 % pour Apple, 9,3 % pour modèles P9 (sorti en 2016) et P10 (2017) in-
Huawei). Les stars des années 2000 à 2010, tègrent ainsi un capteur photo conçu par
elles, ne répondent plus ou presque . l’allemand Leica, une technologie premium
qui permet à chacun de se prendre pour
E T B I E N T Ô T, L E « S U P E R P H O N E » Cartier-Bresson. Et de glaner un maximum
de likes sur tous les réseaux dédiés.
A
pple mis à part, le marché de la télé- Désormais indispensables à notre bien-
phonie s’est tourné vers une combi- être, les téléphones des années à venir
naison sino-coréenne. De fabricant seront encore davantage à notre écoute
low-cost pour téléphones occiden- grâce à l ’intelligence ar tif icielle embar-
taux, la Chine s’est muée en acteur quée. L’I.A. apprend de nos habitudes et
majeur des solutions cellulaires. L’exemple anticipe nos envies par l’envoi de notifica-
LE GRAND RETOUR
Huawei est révélateur. Inconnue du grand tions en fonction de l’heure et de l’endroit
public lors de son arrivée dans les rayons en où l’on se trouve. Nos cartes de paiement
2012, la marque affiche une croissance de
23 % entre 2015 et 2016. Les marques Oppo
et d’embarquement peuvent être intégrées
à nos appareils et des sociétés comme Oki-
DE NOKIA ?
Privé de la révélation du nouveau
et Vivo, qui complètent le top 5 des meil- dokeys, Kwikset Kevo ou August proposent Samsung, le Mobile World
leurs constructeurs en 2016, connaissent des serrures connectées que l’on ouvre et Congress (MWC) de Barcelone,
des progressions de 121,6 % et 102,5 % sur la ferme avec son smartphone. grand-messe mondiale du mobile,
s’annonçait plutôt morne cette
même période. Denis Morel, vice- président RECONNAISSANCE VOCALE, traduction, re- année. Pourtant, au bout du Hall 3,
de Huawei France indique à GQ : « Notre ob- connaissance des images, le smar tphone un stand ne désemplit pas, celui de
jectif est de devenir numéro deux en 2019 permettra bientôt de s’orienter dans des Nokia. Pourquoi ? Parce que la
DR
Style
Sexe
Tech
MANUEL DU STYLE
À L’USAGE DES GENTLEMEN
I L L U S T R AT I O N S : T O M F R O E S E
Juillet 2017
N°01
« Le talent
et le goût ne
suffisent pas. Seul
le style compte. »
―Pierre Cardin
ET A K I M M O U ST E R O U
MENU
AFP
Peut-on porter sa
casquette à l’envers ?
de son dans cette quête du « moi estival », notre
Manuel du style à l’usage des gentlemen
sera votre guide. Telle une boussole dans
Faut-il s’inquiéter
d’une seule boucle — D’un point de vue stylistique, l’arrivée
d’oreille portée ? de l’été est une période complexe.
Car il est très tentant de s’abandonner
WANTED
p. 122 S’habiller sans être
overdressed… soi-même, de renoncer à ce qui définit
notre allure, d’envoyer valser les dogmes
Un homme peut-il
porter du rose ? au profit d’un nouveau « moi libre » et
épicurien. À mesure que la température
Un bonnet de laine augmente, les chaussettes disparaissent,
par temps chaud ?
les motifs et les couleurs vives s’imposent.
p. 123 Comment faire Les lunettes noires changent la perception
sa valise ? Le Moc’ de couleur en veau grainé,
que l’on a du monde et que le monde
J.M. Weston, 475 €. Impeccable
a de nous. Que les choses soient claires,
avec un pantalon de toile.
rien n’est interdit. Si ce n’est, peut-être,
de suivre aveuglément l’air du temps.
Pinton, une
et un savoir-faire d’excellence, observe
le responsable commercial, Alexis
Pinton. Nos artisans locaux travaillent
LEEMAGE / PRESSE
la forme dans la masse avec un acétate
saga française
français, noble et légèrement flexible.
Nos faces s’assemblent aux branches Le modèle Ona O,
grâce à des charnières et des rivets créé pour Aristote
de qualité supérieure », précise le Onassis, env. 390 €.
petit-fils du créateur.
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 12 0 Juillet 2 017
« I N S A N C T I N O D I PA P I L I O N E M C R E D I M U S »
Un tote bag en toile écrue… Êtes-vous sur un court Aux premiers rayons de Non, votre amie n’a pas
de tennis ou de squash, soleil, les rues se peuplent égaré son précieux. Elle
raquette à la main ? Dans de « filles au panier ». suit la tendance, la mode.
ces cas-là, ce couvre-chef Ce phénomène appelé En effet, certains créateurs
porté à l’envers est toléré. En le « syndrome Jane Birkin » ont décidé que désormais,
revanche, vous visitez la ville est né en 1970, quand la les boucles d’oreilles
… et un roman, Les Jours en famille ou descendez chanteuse arpentait Paris se porteraient à l’unité.
enfouis, le dernier à la boulangerie, là, non. avec un panier en guise de On ne juge pas et on prend
de Jay McInerney. D’ailleurs, ne la portez pas sac à main. Une trouvaille acte. (Notez toutefois
à l’endroit non plus. Le plus reprise à bon compte par les que ces dernières s’offrent
sage serait de la ranger. jeunes filles d’aujourd’hui. toujours par paire.)
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 12 2 Juillet 2 017
« I N S A N C T I N O D I PA P I L I O N E M C R E D I M U S »
adoucissante
Les sous-vêtements alternatif en cas de météo capricieuse
ou de dîner impromptu.
Commencez par ranger vos souliers
dans la partie basse pour la stabilité.
Mettre ses chaussettes dans ses souliers,
et les souliers dans leurs housses.
Déposez votre trousse de toilette au
centre de la valise. Si vous emportez
Les T-shirts Les vêtements une deuxième paire de chaussures,
volumineux positionnez-les autour de la trousse
et les pantalons de toilette, semelles tournées vers
l’extérieur. Les ceintures se déroulent
le long de la valise. Les vêtements
volumineux vont se positionner
sur la partie haute. Comblez les espaces
La ceinture Une seconde paire avec vos sous-vêtements, puis placez
de chaussures une lingette adoucissante de sèche-linge
pour la fraîcheur. Disposez ensuite
vos chemises pliées. Pour le costume,
il est préférable d’utiliser une housse
de protection. Néanmoins, dans une valise
La trousse de toilette solide, la housse en plastique du pressing
suffit. Voilà, une valise compacte
pour des vêtements intacts. Pensez tout
de même à garder un peu d’espace
pour un souvenir, ou votre magazine.
Il ne nous reste plus qu’à vous souhaiter
un agréable séjour.
La sélection GQ :
Les chaussettes dans les
Classic Flight en aluminium, Rimowa, 519 €.
souliers et les souliers
TLX Continental Carry-On en
dans leurs housses
polycarbonate, Tumi, 465 €.
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 12 3 Juillet 2 017
C H E M I S E 1 6 0 € E T PA N TA L O N 2 2 5 € T H E K O O P L E S , C R AVAT E B A L I B A R I S 8 5 € ,
LUNETTES MOSCOT 265 €, CHAUSSURES CLARKS 150 €.
12 4
Mode
Hockney time
Dandy excentrique, peintre de la transparence et de la douceur de vivre californienne,
David Hockney fêtera ses 80 ans cet été. Alors que le Centre Pompidou lui consacre
une rétrospective, rendons hommage au style indémodable du roi anglais du pop art.
R é a l i s a t i o n L a e t i t i a P a u l _ P h o t o g r a p h e J e f f B o u d r e a u _ Te x t e C l o v i s G o u x
2 017 Juillet 12 5 G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY
K I M O N O B A L LY 2 2 9 5 € , P A N T A L O N B A L I B A R I S 1 2 5 € , C H E M I S E A L A I N F I G A R E T 1 3 5 € ,
PA G E D E D R O I T E : C A R D I G A N E T PA N TA L O N P R A D A ( P R I X S U R D E M A N D E ) ,
T- S H I R T L E V I ’ S 3 5 € , L U N E T T E S E T N I A B A R C E L O N A 1 8 5 € , C H A U S S U R E S C L A R K S 1 5 0 € .
12 6
Mode
L
O R S Q U E D AV I D H O C K N E Y débarque à la Cité des Anges en visitant les riches pro- de Beverly Hills, des façades d’immeubles
Los Angeles, en 1964, il est très excité : priétés nichées dans les collines. Le ballet sur Santa Monica et, sur les conseils d’Andy
« C’était en grande partie, je pense, une des arroseurs sur les pelouses immaculées, Warhol, beaucoup, beaucoup de piscines et
fascination, une attirance sexuelle », se les mouvements de l’eau à la surface des de corps alanguis de nageurs. La décoration
souvient-il. « Je suis parti marcher sur piscines et les palmiers perdus dans l’im- devient un véritable sujet, les apparences un
la plage. J’ai cherché la ville des yeux. J’ai mensité du ciel sont autant de révélations : culte et le matérialisme une forme étrange
aperçu des lumières et je me suis dit : “ça « Ce que je ne savais pas, c’est que j’étais de mysticisme. Nous sommes à la fin des
doit être elle.” J’ai marché au moins trois profondément attiré par le grand espace. » années 1960 et David Hockney vient d’inven-
kilomètres et je suis arrivé à une station- Le peintre fait alors sa propre révolution, ter les années 1980.
service tellement éclairée que je l’avais rejette la tentation de l’abstraction lyrique, « D AV I D H O C K N E Y »
A U C E N T R E P O M P I D O U D U 21 J U I N A U
prise pour la ville. » Face aux mirages d’un en vogue aux États-Unis, pour se plonger 2 3 O C T O B R E 2 0 17 . C E N T R E P O M P I D O U . F R
L.A. qui se dérobe à chacun de ses pas, le dans le grand bain de la figuration. Il peint
héros du pop art anglais découvre l’âme de des femmes au foyer dans leur living-room
LU N E T T E S E T N I A B A R C E L O N A 1 8 5 € , C H A U S S E T T E S FA L K E 1 5 € , C H A U S S U R E S S A N T O N I 3 9 0 € .
PA G E D E G A U C H E : P U L L A M I 1 6 0 € , C H E M I S E S T E L L A M c C A R T N E Y 4 6 5 € ,
PA N TA L O N J A C O B C O H E N 3 3 2 € , L U N E T T E S M O S C O T 2 6 5 € .
12 9
PULL PRADA (PRIX SUR DEMANDE), JEAN EMPORIO ARMANI 200 €, LUNETTES
M O S C O T 2 6 5 € , C H A U S S E T T E S FA L K E 1 2 € , C H A U S S U R E S S A N T O N I 6 8 0 € .
PA G E D E G A U C H E : P U L L 1 1 2 0 € E T PA N TA L O N 4 1 0 € H E R M È S ,
131
C H E M I S E R AY É E A . P. C 1 2 0 € , L U N E T T E S M O S C O T 2 6 5 € , C O L L I E R P R A D A ( P R I X S U R D E M A N D E )
PA N TA L O N J A U N E 5 4 0 € E T S A C 4 1 5 0 € H E R M È S , C H E M I S E S T E L L A M c C A R T N E Y 4 6 5 € ,
LU N E T T E S G U C C I 6 0 0 € , C H A U S S E T T E S FA L K E 1 2 € , C H A U S S U R E S C H U R C H S 3 8 0 € .
C H E M I S E B A L I B A R I S 1 2 5 € , C R AVAT E B L E U E C H A R V E T 1 6 5 € , PA N TA L O N H E R M È S 5 6 0 € ,
LU N E T T E S M O S C O T 2 6 5 € , M O N T R E C A R T I E R 1 5 0 0 0 € , C H A U S S E T T E S FA L K E 1 2 € ,
C H A U S S U R E S S A N T O N I 6 8 0 € , D R A P D E P L A G E H E R M È S 1 6 5 € . PA N TA L O N B L A N C I K K S 1 4 5 € .
13 2
C O ST U M E D I R K B I K K E M B E R G S 2 0 2 5 € , P O LO S E R G E B L A N C O 1 0 9 € ,
PA G E D E D R O I T E : PA N TA L O N D I R K B I K K E M B E R G S 7 2 0 € , C H A U S S E T T E S FA L K E 1 2 € ,
C H A U S S U R E S J . M . W E S T O N 4 7 5 € . C A R D I G A N 7 5 0 € E T PA N TA L O N 7 5 0 € G U C C I ,
T- S H I R T M A J E S T I C F I L A T U R E S 5 7 € .
13 4
13 5
V E S T E 8 3 0 € E T T- S H I R T 2 2 0 € B O S S , P A N T A L O N A M I 4 5 0 € , C A S Q U E T T E A C N E S T U D I O S 9 0 € ,
PA G E D E D R O I T E : P U L L C . P. C O M P A N Y 1 6 5 € , C H E M I S E S T E L L A M c C A R T N E Y 4 6 5 € ,
PA N TA L O N P R A D A ( P R I X S U R D E M A N D E ) , L U N E T T E S M O S C O T 2 6 5 € , C H A U S S U R E S C H U R C H S 3 8 0 € .
M A N N E Q U I N : DY L A N M O R A N @ S U PA — C O I F F U R E : Y U M I N A K A D A - D I N G L E AV E C AV E D A M E N
A S S I S TA N T M O D E : N A S S I M D E R B I K H — A S S I S TA N T S P H O T O : B E N J A M I N B R E A D I N G E T S E B A S T I A N
J O H A N S S O N — N O U S R E M E R C I O N S C H A L E U R E U S E M E N T L’ H Ô T E L B Y B L O S À S A I N T-T R O P E Z
P O U R L’ A C C U E I L Q U I N O U S A É T É R É S E R V É .
13 6
OMEGA SEAMASTER PLANET OCEAN « BIG BLUE »
A p r è s l a D e e p B l ac k l ’ a n n é e pas s é e , O m ega p o u rs u i t s o n ex p é r i m e n ta t i o n d e l a c é ra m i q u e e n p ro p o s a n t a u jo u rd ’ h u i u n e ve rs i o n
b l e u e G M T. S u r l e s q u i n z e p r e m i è r e s m i n u t e s d e l a l u n e t t e g r a d u é e , u n m é l a n g e i n é d i t d e c a o u t c h o u c e t d e c é r a m i q u e f a v o r i s e l a
prédation sous l’eau. Une première. Enfin, si le bracelet a l’apparence du textile, il est en réalité en caoutchouc.
É TA N C H É I T É : 6 0 0 m è t r e s . D I A M È T R E : 4 5, 5 m m . P R I X : 1 0 4 0 0 € .
13 8
Horlogerie
R O L E X OYST E R P E R P E T UA L S E A DW E L L E R
C ’ e s t l a m a t r i c e . E n 1 9 6 7, l a m a r q u e à l a c o u r o n n e d é p o s e l e b r e v e t d e l a v a l v e h é l i u m e t a p p o r t e L A s o l u t i o n q u i v a c h a n g e r l a v i e
d e to u s l e s p l o n g e u r s p r o fe s s i o n n e l s , p u i s q u e l a m o n t r e r é s i s te a i n s i à l a p r e s s i o n . E l l e r ev i e n t c e tte a n n é e d a n s u n e ve r s i o n
a n n i ve r s a i r e d o t é e d ’ u n e l u n e tt e « c e r a c h r o m » , d ’ u n e l o u p e d e t y p e c yc l o p e s u r l e q u a n t i è m e , e t e n 4 3 m m . À n o te r é g a l e m e n t ,
la mention « sea dweller » en rouge : futur collector ?
É TA N C H É I T É : 1 2 2 0 m è t r e s . D I A M È T R E : 4 3 m m . P R I X : 1 0 4 0 0 € .
2 017 Juillet 13 9 G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY
TA G H E U E R C O N N E C T E D M O D U L A R 4 5
Pu i s q u e d é s o r m a i s , l a m o n t r e c o n n e c t é e e s t u n g e n r e h o r l og e r à p a r t e n t i è r e , i l s e m b l a i t l é g i t i m e d e p r é s e n t e r c e tte n o u ve l l e
ve rs i o n é ta n c h e . À 5 0 m è t re s s e u l e m e n t , c e r te s . M a i s p u i s q u e 9 0 % d e s u t i l i s a te u rs n’ i ro n t pas a u - d e l à d e s c i n q m è t re s , c ’ e s t
l a r g e m e n t s u f f i s a n t . E n t i è r e m e n t a s s e m b l é e c h e z Ta g , e l l e p r o f i t e d ’ u n s y s t è m e d e c o r n e s e t d e b r a c e l e t a m o v i b l e q u i p e r m e t n o n
seulement de nombreuses combinaisons stylistiques, mais aussi et surtout de remplacer le module par un tourbillon, moyennant un
peu moins de 15 000 euros.
É TA N C H É I T É : 5 0 m è t r e s . D I A M È T R E : 4 5 m m . P R I X : 1 6 0 0 € .
14 0
BELL & ROSS 30-92 DIVER
L e s v r a i s f a n s d o i v e n t s e s o u v e n i r d e s a c o u s i n e , l a B R 0 2 D i v e r d e f o r m e t o n n e a u . Vo i c i s a v e r s i o n c a r r é e . A t t e n t i o n , l a c a r r u r e e s t
carrée, mais le module lui, est rond. Car pour qu’un joint fasse parfaitement l’étanchéité, il doit être de forme circulaire, la pliure
risquant de créer une faille.
É TA N C H É I T É : 3 0 0 m è t r e s . D I A M È T R E : 42 m m . P R I X : 3 3 0 0 € .
141
O R I S A Q U I S D AT E
C ’ e s t s a n s d o u t e l a m a r q u e q u i a l e p l u s g r a n d n o m b r e d e r é f é r e n c e s s u r c e t h è m e : p r è s d e 8 0 ! Vo i c i l a d e r n i è r e - n é e .
Po u r l e s a f i c i o n a d o s , e t p a r r a p p o r t à l a p r é c é d e n t e , o n r e m a r q u e s u r t o u t u n a f f i n a g e d e s c o r n e s , d e l a c o u r o n n e v i s s é e e t d u
p r o t è g e - c o u r o n n e . D i s p o n i b l e a v e c u n b r a c e l e t a c i e r o u d a n s u n e v e r s i o n c u i r, v e n d u e a v e c u n s e c o n d b r a c e l e t e n c a o u t c h o u c .
É TA N C H É I T É : 3 0 0 m è t r e s . D I A M È T R E : 4 3 , 5 m m . P R I X : 1 6 0 0 € .
14 2
PA N E R A I L U M I N O R S U B M E R S I B L E B R O N Z O
S i v o u s a v e z a i m é l a v e r t e , v o u s a l l e z a d o r e r l a b l e u e . Po u r r a p p e l , l a p r é c é d e n t e d e 2 0 1 1 a v u s a c o t e p r e s q u e d o u b l é e s u r l e
s e c o n d m a rc h é . S é r i e l i m i t é e , pa t i n e i n i m i ta b l e d u b ro n ze , l e s a r gu m e n t s n e m a n q u a i e n t pa s . Le s m ê m e s c a u s e s p ro d u i s a n t l e s
m ê m e s e f f e t s , i l e s t f o r t p r o b a b l e q u e c e l l e - c i a f f o l e é g a l e m e n t l e s c o m p t e u r s . L’ u n d e n o s c o u p s d e c œ u r c e t t e a n n é e .
É TA N C H É I T É : 3 0 0 m è t r e s . D I A M È T R E : 47 m m . P R I X : 1 4 0 0 0 € .
14 3
T U D O R H E R I T A G E B L A C K B AY S T E E L
Po u r c o u r o n n e r s o i x a n t e a n s d e m o n t r e s d e p l o n g é e Tu d o r, l e m o d è l e p h a r e d e l a g a m m e h é r i t a g e d é b a r q u e c e t t e a n n é e d a n s u n e
v e r s i o n « f u l l » m é t a l . J u s q u ’ i c i , p o u r m é m o i r e , l a g a m m e s e d é c l i n a i t a v e c d e s l u n e t t e s d e c o u l e u r : b o r d e a u x , b l e u e t n o i r. Vo i c i l a
ve rs i o n d u p u r i s te , ave c e n p r i m e l a d a te à 3 h e u re s . À n ote r u n e fo i s e n c o re , l a m e n t i o n d e l a p rofo n d e u r e n ro uge , a l l u s i o n à l a
« référence 7923 » de 1955.
É TA N C H É I T É : 2 0 0 m è t r e s . D I A M È T R E : 41 m m . P R I X : 3 5 6 0 € .
14 4
AUDEMARS PIGUET DIVER
C’est, toutes proportions gardées, une bonne affaire. Une montre « à complication » chez Audemars à un prix inférieur à
2 0 0 0 0 e u r o s , c ’ e s t u n i q u e ! L a c o u r o n n e à 1 1 h e u r e s s e r t à fa i r e t o u r n e r l a l u n e tte u n i d i r e c t i o n n e l l e d o n t fa i t o f f i c e l e r e h a u t .
M o u ve m e n t m a n u fa c t u r e d e r é f é r e n c e , c a d r a n « m é g a t a p i s s e r i e » , b o î t e t i t a n e , t r o tte u s e « l o l l i p o p » . . . D e l a t r è s b e l l e
haute horlogerie.
É TA N C H É I T É : 3 0 0 m è t r e s . D I A M È T R E : 42 m m . P R I X : 1 9 6 0 0 € .
14 5
LECLUB
Avant-premières, offres exclusives, coups de cœur de la rédac…
Pour vous, GQ rétablit les privilèges. Bienvenue au Club.
REJOIGNEZ-NOUS !
“ Il faut
nager
sur l’eau, Dustin Hoffman
et Anne Byrne,
à l’aise, en 1975
à Cannes.
et pas
ICONOSPORTS / AFP
dedans...”
Imaginez Michael
Phelps, plus grand
nageur de tous les
temps et jeune
retraité des bassins,
vous donner
de précieux conseils
pour améliorer votre
nage. C’est ici, là,
maintenant.
Par Jérémy Patrelle
e t M a t hi e u L e M a u x
LA RÈGLE D’OR
R E ST E R ( AU M A X I M U M ) tement. En natation, c’est la même
À L A S U R FA C E chose. Si vous jambes sont trop
« Quelle que soit la nage pratiquée, basses, vous aurez du mal à avan-
il faut d’abord se concentrer sur la cer vite, à bouger. Et ce sera très
position du corps. Plus vous êtes fatigant. Chaque partie du corps doit
“haut” sur l’eau, mieux c’est. Ima- donc être au maximum à la surface :
ginez un bateau : il faut qu’il soit le en nageant sur et non pas dans l’eau,
plus possible sur l’eau pour flotter et celle-ci offre moins de résistance, et
aller vite, n’est-ce pas ? S’il penche vous dépensez ainsi moins d’énergie.
en avant ou en arrière, il ira plus len- Facile, non ? »
LE CRAWL LE VIRAGE
B AT T R E ( V I T E ) D E S P I E D S TROUVER DES POINTS
DE REPÈRE
« Les meilleurs nageurs du ni vos hanches descendre.
monde sont ceux qui battent Cela vous permet de vous « En crawl, le virage est fond qui me donnaient une
le mieux des pieds. Pour se rendre compte des muscles assez simple, on sent le mur indication sur la distance
maintenir à la surface, il faut que vous avez. Et évidem- venir assez vite. On peut qui restait. Ici, par exemple,
“fouetter” l’eau, encore et ment, n’oubliez pas de res- aussi se fixer un repère en (l’entretien se fait à la pis-
encore. Dans le crawl, tout pirer ! Pour ma part, j’ai observant le dessin des car- cine Molitor à Paris, ndlr),
est question de connexion souvent opté pour une res- reaux au fond de la piscine je ne nagerais pas le dos car
entre les différentes par- piration des deux côtés afin ou en comptant le nombre je me taperais sûrement la
ties de votre corps. Il faut d’avoir une meilleure rota- de rotations des bras. En tête contre le mur puisqu’il
que votre buste soit fort, et tion du corps et un meilleur dos, je regardais les dra- n’y a ni drapeaux ni aucun
ne pas laisser vos jambes rythme sur les longueurs. » peaux accrochés au pla- indice spatial. »
14 8
Action_Natation
LA BRASSE
T I R E R V E R S L’AVA N T
« Ne me demandez rien sur ger mais, là encore, les TROIS IDÉES DE GÉNIE
cette nage, c’est celle où je
suis le plus mauvais ! (aucun
faire tenir le plus proche POUR CLAPOTER AUTREMENT
de la surface de l’eau. Aller
titre en carrière, ndlr) chercher devant et non en
Un conseil tout de même, profondeur. Avec les bouts
concernant les mains : il des doigts vers le haut et les
ne faut pas les faire plon- paumes vers l’extérieur. »
LE FINSAIL
YA N N GA M B L I N PA R I S M AT C H S C O O P / D R
ENVIRONNEMENT
14 9
Comme un parfum
de renouveau
Pour les hommes qui apprécient une certaine forme de classicisme
sans rejeter la modernité, les parfumeurs offrent des versions
revisitées de leurs grands succès. Et il y en a pour tous les goûts.
P a r M a g a l i B e r t i n . P h o t o g r a p h e F r a n ç o i s C ha p e r o n
TROUBLE JEU
CHROME D’AZZARO
LA NOUVELLE VIRILITÉ
HUGO MAN D’HUGO BOSS
15 0
Action_Beauté
SAGE DISTINCTION
EAU SAUVAGE DE DIOR
EN TERRE INCONNUE
ACQUA DI GIÒ DE GIORGIO ARMANI
Do it yourself :
abordez
le plaisir solitaire
autrement
L’onanisme a ceci de plaisant
qu’il n’y a que soi à satisfaire. Et s’il
n’est plus question, à notre époque,
de culpabiliser, il faut savoir se prendre
en main sans pression, mais avec
passion. Voici quelques tips qui
vont changer votre vision de la
masturbation.
Free Form de
Jackson Pollock
(1946).
P
RENE Z SOIN DE VOUS. Rappelons une évidence : le sexe VARIEZ LE RYTHME. Si une masturbation peut s’expédier
est bon pour le moral, la santé, les soucis de stress... en vingt secondes, s’astreindre à une contrainte temporelle
Il s’agit de se chouchouter, et sans rendre hygiénique la permet de déployer l’imagination. Et comme vous n’avez pas
masturbation (vous n’avez pas besoin de permission), de partenaire à satisfaire, vous pouvez prendre des pauses,
autant suivre cette logique bien-être jusqu’au bout. Se délayer, jouer avec vos limites. Vous amener au bord de
soulager en trois secondes dans les toilettes, c’est jeter son l’orgasme et arrêter. À ce titre, la meilleure motivation, c’est
plaisir par la fenêtre. Vous pouvez, mais c’est dommage. la deadline : prendre dix, vingt minutes. Si cette durée vous
Bien sûr, le narcissisme a mauvaise presse. Prendre soin de semble disproportionnée, tant mieux : votre créativité va
soi est vaguement immoral. Face à un imaginaire collectif être obligée de prendre le relais. Et quitte à prendre du
toujours suspicieux, réaffirmez votre indépendance : vous temps, prenez aussi de l’espace. Plutôt que de faire « ça »
valez bien cet orgasme, parce que vous en êtes digne, parce sur le canapé, réexplorez votre quotidien : la baignoire, le lit,
que c’est chouette de prendre du plaisir. Seul. Tranquille. la voiture, la plage ou la montagne. Tout est permis... dans le
Sans personne pour juger. Même pas son arrogant surmoi. cadre de la loi (pour information, l’exhibition sexuelle peut
Et face aux oiseaux de mauvais augure qui voudraient ré- vous coûter un an de prison et 15 000 euros d’amende).
duire la sexualité à une activité partagée (et pourquoi pas
reproductrice...), revenons sur terre : comparer ne sert à OUBLIE Z (UN PEU) VOTRE PÉNIS. Parce que vous accep-
rien, la masturbation offre des plaisirs différents. Elle est tez que le service prenne son temps, délaissez un instant
l’espace de l’indulgence absolue. Pas d’obligation de résul- votre pénis pour explorer d’autres sensibilités (la zone du
tats. On peut ne plaire à personne. Enfin ! périnée, l’anal, le massage, les tétons, des jeux de tempé-
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 15 2 Juillet 2 017
rature, de chatouilles, de frustration, de tension, voire de N O U R R I S S E Z V O T R E P SYC H É . Et si vous lâchiez la por-
douleur). Ce que vous y découvrirez alimentera la richesse nographie ? Outre que sa stimulation très directe pousse à
de vos rapports à deux, notamment si vous avez tendance une jouissance express, le X vous entraîne à réagir toujours
à jouir trop vite : les sexologues recommandent en effet, aux mêmes éléments – dans la vraie vie, ce conditionne-
pour contrôler son éjaculation, de décoller sa sexualité du ment peut se retourner contre vous. D’ailleurs, vous allez
tout-pénis. Votre corps va apprendre à apprécier des plai- retrouver toujours les mêmes morphologies, ahanements,
sirs différents. Essayez cependant de pas tomber dans une positions... Au risque d’oublier que les femmes ont des poi-
masturbation d’entraînement, ou dans le tout-performance, gnées d’amour et des moments de silence. Les grosses pla-
chrono à l’appui. Ceci dit, rien n’empêche d’instrumentaliser teformes de streaming font remonter dans les recherches
sa jouissance pour être meilleur ensuite. Vous ne serez pas les vidéos les plus populaires : quand vous allez sur YouPorn,
le premier : un tiers des Français se masturbent avant un vous vous masturbez littéralement comme tout le monde.
rendez-vous amoureux, selon l’Ifop/Cam4. La littérature érotique en revanche a le mérite de libérer
l’imagination... tout en donnant des munitions pour votre
MISEZ SUR LE BON GEL. « Il faut que ça glisse, et puis que prochain dîner mondain (arriver à citer Pierre Louÿs de
ça transpire » : il y a vingt ans, NTM avait déjà tout compris mémoire fait toujours son petit effet). Pensez à la musique,
au lubrifiant. Mais attention, pour une masturbation, mieux à la bande dessinée, aux nus du musée (les éditions Albin
vaut changer de crémerie. Le lubrifiant dont vous vous ser- Michel viennent de sortir les dessins érotiques de Rodin,
vez habituellement, à base d’eau, respecte les préservatifs consacrés justement à la masturbation... féminine). Reste
et les sextoys. C’est formidable... jusqu’au moment où ça enfin le pur fantasme, celui dont vous êtes le producteur,
colle. Pour la longue durée, il vous faudra un gel à base de narrateur et héros. Et dont les mille ramifications per-
silicone, qui se trouve dans toutes les pharmacies. Pour une mettent de se découvrir de nouvelles passions, de nouvelles
performance optimale, zappez les marques dont ce n’est manières de désirer, inscrites dans des scénarios toujours
pas le métier (comme les marques de préservatifs) et ren- plus complexes. Moins vous utilisez de supports masturba-
dez-vous au lovestore le plus proche : la plupart proposent toires externes, plus vous explorez votre psyché : qui a dit
de tester leurs produits. Mettez une noisette de gel sur votre que la masturbation était du temps perdu ?
poignet, massez jusqu’à absorption. À moins d’une minute
de glissade, vous pouvez trouver mieux.
Côté textures, faites-vous votre idée personnelle : cer-
tains lubrifiants se rapprochent de l’huile de massage
(Concept S n°2), d’autres sont plus gélatineux (BioGlide,
par Joy Division). C’est une question de goût. Les adeptes COURRIER DES LECTEURS
de la glisse sans limite opteront pour la marque Nuru (à base Je ne comprends pas, je ne sur Tinder, en soirée avec des
d’algue, 34 euros sur Amazon), tout droit venue du Japon. rencontre que des amis, à l’after-work... et
psychopathes. Où sont les plutôt à des heures décentes
femmes responsables ? (espèce de psychopathe).
TROUVEZ L’ACCESSOIRE ADAPTÉ. L’énorme avantage de
Partout où se mène une vie
vivre au troisième millénaire ? Chaque saison voit déferler responsable – ce qui signifie Faut-il attendre d’être
de nouveaux jouets. 47 % des Français en utilisent (Ifop/ que si vous ne tombez que amoureux pour coucher ?
sur des femmes Selon une étude britannique,
Dorcel), et 11 % de manière régulière. Vous ne saurez quels
irresponsables... vous l’êtes 10 % des hommes et 20 % des
produits vous conviennent qu’en essayant, donc essayez. aussi (reposez femmes sont de cet avis.
Les paresseux adoreront l’Autoblow ou le Cobra Libre qui immédiatement ce Mojito, Cela peut sembler logique :
plus personne n’en boit en dehors de tout
font le boulot à leur place, les amateurs de sensations réa-
depuis 1986). La pop-culture sentimentalisme dégoulinant,
listes se jetteront sur les FleshLights, tandis que les accros vous a vendu des rencontres plus le sexe est impliqué,
au design testeront toutes les textures des œufs Tenga. érotiquement et meilleures seront les
intellectuellement fabuleuses sensations. L’amour est un
Côté anal, on vous laisse faire votre marché parmi les plugs
au bar à cinq heures du matin moyen comme un autre
et autres chapelets... mais si vous cherchez des plaisirs ? Peut-être en fac de de faire attention. Ensuite,
vraiment adaptés à votre morphologie, c’est toujours la médecine, mais pas dans le évidemment, le sexe n’a
monde des adultes. Notre pas besoin d’être
marque Aneros qui tient le haut du pavé – avec une précision
imaginaire de la séduction est stratosphérique pour être
toute médicale. Leur Progasm a été élu produit bien-être complètement inadapté satisfaisant... et n’oublions
de l’année par les X-Biz Awards. Un cran plus bas, tentez le à nos vies contemporaines : pas de retourner l’équation :
à nous de réactualiser nos le sexe est, aussi, un
cockring pour retarder votre éjaculation. Préférez du solide
stratégies. À cinq heures du merveilleux moyen pour
(le caoutchouc a tendance à se déchirer)... mais évitez à matin, l’avocate impeccable tomber amoureux. Pour
tout prix les anneaux en métal qui peuvent se coincer. se lève pour concocter son une fois, vous pouvez mettre
premier smoothie au quinoa, la charrue avant les bœufs,
Les technophiles jetteront enfin leur dévolu sur les applis
avant d’enchaîner sur et votre peau de grizzli avant
dédiées (FapApp, pour muscler votre poignet), ou investiront l’épicerie bio, le kick-boxing, de l’avoir tué.
dans un casque Oculus Rift pour consommer leur porno en l’assemblée générale de la
soupe populaire. Pas facile Écrivez à Maïa via son
3D. L’offre reste maigre mais elle continue de se développer
de draguer entre deux blog gqmagazine.fr/
: on ne devrait plus tarder à pouvoir expérimenter des sen- choux-fleurs biodynamiques ? sexactu ou Facebook.
sations proprement surhumaines. En attendant les robots ! Vous attraperez la perle rare Elle vous répondra !
15 3
Action_Sexe
De
l’importance
d’être
constant
Comment réveiller en elle
une libido endormie ? En vous
montrant vous-même désirable,
partout, tout le temps.
Par Maïa Mazauret te_Illustration : Ben Wiseman
C
’EST LE MOMENT que tous les hommes redoutent : collègues, vous devriez le faire pour elle. La libido féminine
après quelques mois ou quelques années de sexe tor- fonctionne comme la vôtre, elle a besoin de s’accrocher à
ride, elle n’a pas envie. La veille encore elle arrachait quelque chose – au-delà de votre grandeur d’âme. Au lit nous
votre ceinture, et là, un mardi, à 21h47 précisément, elle interagissons avec une peau, un corps, un potentiel érotique.
dit non. D’ailleurs, elle ne prend plus l’initiative depuis Le jour où vous lâchez du lest, un mardi à 21h47, par exemple,
longtemps (la dernière fois, c’était un vendredi, à 18h12). Fin vous prenez le risque de nous lâcher avec.
de partie ? Pas du tout, et pas de panique : c’est un simple LES FEMMES NE SONT NI MÉCHANTES, ni folles, ni bio-
rappel à l’ordre du désir, sans rapport avec les suspects logiquement destinées à tomber dans la routine – c’est vous
désignés (la routine, l’usure). Vous pouvez y échapper et si qui êtes devenu routinier. Notre silence est une politesse.
j’étais vous, je me mettrais au boulot tout de suite. Nous mentons, nous heurtons votre désir, pour ne pas heur-
Revenons en arrière, mon cher Watson. Que s’est-il passé lors ter vos sentiments – exactement comme quand nous simu-
du mardi fatidique ? Où était le colonel Moutarde à 8h14 ? Cer- lons. « Je n’ai pas envie » est une excuse partielle à laquelle
tainement pas dans la salle de bains. Vous n’avez pas fait atten- manquent seulement quelques mots : « Je n’ai pas envie de
tion, mais dans l’urgence vous avez négligé de vous coiffer et/ toi, aujourd’hui. » Sous-entendu : « Si tu fais mieux demain,
ou de vous raser, laver, parfumer. J’accuse : vous n’avez pas bien sûr, on renégocie. » La tension sexuelle ne peut pas se
enfilé votre jean taille basse moulant. Pire encore : à 19h03, reposer : elle s’entretient. Et elle se récupère. Alors ce mer-
en rentrant du travail, vous avez oublié le pain mais aussi le credi, à 8h02, prenez votre douche et vos responsabilités.
reste. La vaisselle traînait dans l’évier. Vous avez ronchonné Jetez ce T-shirt manga, faites votre part des tâches domes-
au sujet de votre journée pourrie. Pour traduire : vous n’avez tiques (sinon votre amoureuse devient votre maman, et rien
pas pris la première initiative, celle qui consiste à vous rendre ne sabote plus le désir sexuel qu’une interférence du tabou
désirable, admirable, intéressant. Cette initiative, elle vous de l’inceste). Revenez du bureau avec une bonne nouvelle, une
semblait encore évidente dimanche dernier. Et maintenant, anecdote amusante, qui montre que vous en voulez encore,
trop occupé que vous êtes à vous plaindre des nanas jamais que vous n’avez pas lâché l’affaire. À 20h24, sortez les apé-
assez motivées par le sexe, vous nagez en plein déni : bien sûr ritifs faits maison – ses préférés, à la tapenade. Elle boude ?
que les chevilles de cette charmante créature se méritent. Pas pour longtemps (elle a juste faim). La meilleure initiative
Ce mardi, à 21h47, le deal offert à votre amoureuse n’était sexuelle ne consiste pas à demander mais à provoquer la
pas juste. Elle était maquillée, pas forcément fraîche mais demande. L’implicite plutôt que l’explicite : fondement de notre
souriante. Vous, non. Elle est déçue : parce que vous avez érotisme. Vous voulez être touché ? Prenez-lui la main.
trahi ses attentes. Elle n’a aucune envie de bouder son plaisir,
c’est vous qu’elle boude. Bien sûr, la plupart des femmes sont MAÏA MAZAURETTE est chroniqueuse pour GQ .
censées être maquillées et souriantes rien que pour obtenir Elle a (notamment) écrit le roman La Coureuse
(Kero) en 2012 et le livre Belle toute crue
un job, elles sont donc constamment désirables. Est-ce que (Marabout) en 2016. Retrouvez son blog sur
ça change quelque chose ? Ce que vous ne faites pas pour vos gqmagazine.fr/sexactu.
G E N T L E M E N ’S Q U A R T E R LY 15 4 Juillet 2 017
UNE ALLURE D’EXCEPTION
DEPUIS 1820
- Johnnie Walker, Black Label, Keep Walking, les emblèmes et logos associés sont des marques déposées. © John Walker and Sons 2017.