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ÉTUDES
DAHOMÉENNES
-
REVUE PUBLIEE
SOUS LE HAUT PATRONAGE, DE :
M. LE GOUVERNEUR DU DAHOMEY.
ÉTUDES
DAHOMÉENNES
1953
J. L.
I. — L'ETABLISSEMENT FRANÇAIS
SUR LA COTE DU BÉNIN ET LA RECHERCHE
DES POINTS
D'APPUI (1851-1884)
—
I. L'ÉTABLISSEMENT FRANÇAIS
(1851-1884)
Dans le but de placer sur des bases plus sûres et mieux définies les
relations du gouvernement de Lagos aveccelui du Protectorat fran-
çais de Porto-Novo, lesquelles ainsi que les événements subséquents
l'ont montré, n'avaient pas été déterminées d'une manière suffisante
dans l'arrangement du 4 mars avec M. le Gouverneur français, et
pour assurer la sécurité et la tranquillité à tous les habitants de ces
territoires, ainsi qu'à leurs propriétés, il est convenu :
1° Que la convention faite entre le roi et les chefs de Pocrah (1)
et Son Excellence le Lieutenant-Gouverneur de Lagos, au nom du
Gouvernement de Sa Majesté britannique en date du 29 juin 1863,
restera en suspens et ne sera appliquée en aucune façon jusqu'à la
réception de la décision des gouvernements respectifs.
Mais l'Amiral déclare
qu'à ses yeux, cette convention qui d'après
la déclaration de M. le Gouverneur de Lagos n'avait d'autre motif
que les légitimes inquiétudes provoquées par la lelttre de M. Daumas
du 24 juin, n'a plus de raison d'être par suite du retrait de cette
et des explications a données
lettre, qu'il par écrit à cet égard,, dans
sa lettre du 28 juillet, et ensuite par la délimitation de frontières
arrêtée entre Appa et Badagry.
(1) Pocrah, village situé au nord de Badagry, sur la piste reliant Porto-
Novo à Abéokuta. —
Appa, village situé sur le cordon littoral, en face
de Badagry, dont il est séparé par l'embouchure du fleuve Ado.
14- ÉTUDES DAHOMÉENNES
Ces quartiers sont habituellement séparés les uns des autres par
de larges rues ou de grandes places de forme circulaire ; celles-ci,
à l'occasion, de lieux
ombragées par des arbres magnifiques servent,
de vente ou de points de réunion, dans les jours de réjouissance
publique.
Les les rues et les salams eux-mêmes seraient des foyers
places,
d'infection sans une multitude de petits vautours noirs et puants qui
se chargent de la propreté de la ville. Seuls moyens et instruments
A LA FIN DU XIX 0 SIÈCLE 17
LE DAHOMEY
à chaque pas, soit sur la place ou dans les rues de la ville, soit dans
les sentiers de la campagne, on ne saurait mettre en doute, dis-je,
que le culte organique est le plus répandu, s'il n'est commun à toute
la population. Un fait certain, c'est que les féticheurs et féticheuses
de ce culte sont fort nombreux et jouissent de beaucoup de consi-
dération. Le grand prêtre les recrute dans toutes les familles, les
féticheuses surtout dans celles qui sont riches ou influentes, et dès
l'âge le plus tendre, les initie aux mystères de ce culte. Certains jours
de l'année sont consacrés à des fêtes, dans lesquelles.les féticheurs et
les féticheuses, suivant le cas, sont seuls à prendre part en public.
Les féticheurs sont souvent médecins, quelquefois aussi ils exercent
les fonctions de cabécères dans les villages de peu d'importance.
Funérailles. — Un
des premiers actes qui ont signalé l'avènement
du roi actuel a été .de célébrer les funérailles des rois précédents
qui n'avaient pas encore reçu ces honneurs : elles sont naturellement
semblables à celles des autres noirs, mais plus solennelles et par
conséquent bien plus dispendieuses : ainsi au lieu de lui envoyer un
esclave pour le servir, on lui expédie une série de personnes pour
former sa cour dans l'autre vie : on choisit donc plusieurs esclaves
qu'on élève au grade de cabécères ; on leur donne différentes com-
missions à faire auprès du roi défunt ; on leur offre un bon verre
d'eau-de-vie, et quand ils s'y attendent le moins ils reçoivent par
derrière le coup de grâce. On agit de même si on veut lui envoyer
un cheval bu tout autre animal..
Lois au roi pour la coutume. — Pour maintenir le
imposées
respect dû à la Majesté du Roi, celui-ci s'impose l'obligation de ne
pas sortir le jour, sauf clans des circonstances extraordinaires qui
se présentent rarement ; dans son palais il ne donne que très rare-
ment audience à ses sujets. Il suit les conseils des féticheurs, en cas
de maladie et ne s'écarte pas des usages du pays.
Il
est obligé d'user d'un interprète même dans le cas où celui qui
parle connaît parfaitement la. langue indigène ;: c'est à lui qu'est
'
réservé le dernier appel dans les sentences judiciaires.
Cour —
Les cabécères ou chefs, constituent de droit l'en-
royale.
tourage du prince
; deux ressemblances très frappantes avec les dif-
férentes cours d'Europe donnent à penser qu'ils ont reçu ces usages
de quelque peuple civilisé : d'abord chaque cabécère a le titre de
la charge qu'il remplit auprès de la personne royale ; on m'a fait
également'remarquer que ces cabécères prennent un « de » devant
le nom comme titre de noblesse les insignes
; ensuite de
viennent
l'autorité : ils ont adopté comme marque de pouvoir une étoile blan-
che qui pend au cou et descend jusqu'à la ceinture ; en outre, une
petite calotte blanche leur couvre seulement le sommet de la tête.
Un, deux, trois parasols font partie de leurs insignes, et dans les
visites de cérémonie on les porte tous ouverts au-dessus de leur
tête/ Il est à tenir
compte d'abord de l'antiquité de Pétoile Comme
insigne de l'autorité : les prêtres catholiques suivent cet usage, et
quoique le temps en ait modifié la forme, elle n'en est pas moins
restée le seul signe par lequel l'autorité d'une paroisse est reconnue.
En second lieu c'est encore un usage très ancien que l'on retrouve
dans l'emploi de la couleur blanche comme prérogative réservée
aux cabécères.
Passons aux
mariages : Dans ce pays le mariage n'a pas de carac-
tère sacré qu'il revêt chez les peuples civilisés : la polygamie est non
seulement en usage, mais encore en honneur. L'influence' que l'on
possède et la considération dont on jouit sont en proportion du
nombre de concubines ; et il est facile d'en saisir la raison, les fem-
mes étant considérées plutôt comme des esclaves que comme des
compagnes : leur travail ne se borne pas à prendre soin du ménage,
mais encore à se procurer des moyens dé subsistance .; dans ce cas
les seules occupations du mari constituent à fumer, boire, manger,
dormir et s'amuser ; les femmes partent le matin avec leur enfant
sur le dos, et par la vente ou le transport des marchandises gagnent
l'argent nécessaire à l'existence, argent qu'elles apportent, au.logis
sans rien en distraire. Cependant une fidélité constante est exigée
de la femme par les lois du pays, et le moindre écart est puni avec
LE DAHOMEY À LA'FÏN DU XIX» SIÈCLE 25
L'an 1868, le
19 du mois de mai, les soussignés Jean-Baptiste
Bonnaud, agent vice-consul de France au Dahomey et à Porto-
Novo, assisté de M. Pierre Delay, négociant français à Whydah, et
LE DAHOMEY A LA FIN DU XIXe SIÈCLE 27
Au sud, par la mer. A l'est, par la limite naturelle des deux royau-
mes du Dahomey et de Porto-Novo: A l'ouest, à une distance de
6 kilomètres de la factorerie V. Régis Aîné, sise à Kotonou, sur les
bords de la mer. Au nord, à une distance de 6 kilomètres de la mer,
mesurée perpendiculairement à la direction du rivage.
Art. 2.. — Les autorités établies par le Roi du Dahomey à Koto-
nou continueront d'administrer le territoire actuellement cédé, jus-
qu'à ce que la France en ait pris effectivement possession. Rien ne
sera changé à l'état de choses existant actuellement ; les impôts et
les droits de douane continueront, comme par le passé, à être perçus
au profit du Roi du Dahomey.
.*
**
—
Cession de Kotonou. Copie du traité passé entre
la France et le Dahomey, le 19 avril 1878.
— La et n'ont cessé
Articlepremier. paix et l'amitié qui régnent
de régner entre la France et le Dahomey, depuis le traité de 1868,
sont confirmées par la présente convention qui a pour objet d'élar-
Art. 2. — Les
sujets français auront j)lein droit de s'établir dans
tous les ports et villes faisant partie des possessions de Sa Majesté
et d'y commercer librement, d'y occuper et posséder des pro?
Gléglé
maisons et magasins pour l'exercice de leur industrie ; ils
priétés,
de la plus entière et de la plus complète sécurité, de la part
jouiront
du Roi du Dahomey, de ses agents et de son peuple.
LE DAHOMEY A LA FIN DU XIXe SIÈCLE 29
Art. 3. — sujetsLes
français résidant ou commerçant dans le
Art. 4. — Les
sujets français jouiront, pour l'admission et la cir-
culation des marchandises et produits introduits par eux et par leurs
soins au Dahomey, du traitement de la nation la plus favorisée.
Monsieur,
A la
requête des négociants et autres personnes de la ville de
Porto-Novo, j'ai l'honneur d'adresser à Votre Excellence, copie
d'une pétition qu'ils m'ont adressée, à la date du 7 courant, et qui
renfermant leurs plaintes et protestations contre le stationnement
d'un navire de guerre anglais en face de la ville, réclame également
mon intervention auprès de Votre Excellence et de mon Gouver-
nement, à l'effet d'obtenir le retrait de ce navire de guerre.
Outre l'effet
que la présence de ce navire de guerre produit sur
le commerce de cette place, elle jette l'inquiétude et le trouble parmi
les populations avoisinantes, qui- n'ont pas oublié que, dans une
autre occasion, un navire de guerre anglais vînt au large de Porto-
Novo, et maltraita à la fois la ville et les habitants, craignant que
des faits semblables ne se renouvellent, elles n'osent pas venir pour
faire leur commerce, et en conséquence ne peuvent pas vaquer à
leurs transactions habituelles.
Signé : JOBELOT,
la pétition précitée :
Ci-joint
Monsieur,
J'ai l'honneur de vous accuser réception de votre lettre datée de
Porto-Novo, le 8 janvier 1*872, renfermant d'un document
copie
signé par les agents des maisons de commerce françaises et d'autres
résidents de Porto-Novo.
32 ÉTUDES DAHOMÉENNES
Signé : ROUVIER.
Commandant,
J'ai l'honneur de vous informer que, conformément au décret du
14 avril de l'année dernière, le protectorat français a été rétabli sur
le royaume de Porto-Novo et ses dépendances, le 2 avril courant.
Par ordre de M. lé Commandant en chef de la station 1 navale de
l'Atlantique-Sud, M. Masseron, son chef d'état-major, a présidé
à cette cérémonie
par la même occasion m'a fait reconnaître, par
les autorités indigènes, comme Résident français et en cette qualité
chargé de l'exercice du Protectorat.
B. COLONNA DE LECCA.
PROCES-VERBAL
importance.
.A Lagos, notre commerce paie des droits^et est obligé à des frais
assez considérables ; à Kotonou les droits à payer au roi du Daho-
mey sont peu élevés, mais les opérations de débarquement et de
chargement sont très onéreuses en raison des difficultés de la barre
qui empêche souvent les communications.
Novo mais en révolte contre le roi, réduit à l'île que j'ai décrite, sur
laquelle seule s'exercerait ainsi notre protectorat.
Le champ des
opérations commerciales sera ainsi considérable-
ment étendu
et la sécurité que trouveront les indigènes sur notre
marché les y ramènera. Confinant au Dahomey, il nous devient fa-
cile d'en surveiller les turbulents habitants, d'empêcher leurs dépré-
dations et au besoin de les réprimer.
ploient. Cette anomalie est tellement entrée dans les usages, qu'avant
de changer cet état de choses je tiens à vous en référer.
J'ai fait un premier pas dans la voie que j'indique en nie rendant
à Joffi et en obtenant du. chef et des habitants de ce pays leurs sou-
mission au roi Toffa ; les relations sont reprises à la satisfaction
générale. Je me propose de faire des tentatives dans le même sens à
Poçrah.j Okéadan .et Oûémey, pays plus éloignés, plus peuplés et
oartant plus difficiles à pacifier.
Je compte visiter Addo et Ouo qui,
bien que situés en limites
dehors de la convention
des de 1864,
devenue lettre morte, tiennent, me dit-on, pour le roi de Porto-
Novo ; si le fait est vrai j'y mettrai le pavillon français et notifierai
à Lagos que ces pays, faisant partie de Porto-Novo sont placés sous
le protectorat de la France.
En
résumé, Monsieur le Commandant supérieur, il y a ici beau-
coup "de bonnes choses à faire mais il faut se hâter de concentrer
à Porto-Novo les moyens d'action nécessaires.
Le Roi du
Dahomey a cédé à la France le territoire de Kotonou,
en toute souveraineté avec tous ses droits, sans aucune exception
ni réserve, par un traité du 19 avril 1878, qui ne faisait que confir-
mer une cession antérieure. -
.. Le, 12: août 1862, le Roi Sodji régnant alors à Porto-Novo^ concé-
da à la .Maison Régis Aîné de Marseille, la plage- qui s'étend de la
frontière du Dahomey à l'ouest jusqu'à la frontière des possessions
anglaises près Badagry.et sollicita le protectorat de la France pour
tous ses Etats. Cette protection lui fut accordée par un traité du-'
23^ février 1863. . -.
. Le lpi: août suivant, afin d'éviter toute contestation dans l'avenir,
les limites du royaume de Porto-Novo furent fixées par une conven-
tion passée entre le Contre-Amiral Didelot, commandant en chef
de la Division navale française, et Son Excellence le Lieutenant-
Gouverneur de Lagos. En- décembre 1864, une nouvelle convention
confirmant et précisant la première, fut passée entre le Contre-
Amiral Laffon de. Laudebat, commandant en chef de la Division
navale,, et le Lieutenant-Gouverneur de Lagos. Les limites du royau-
me de Porto-Novo. sont, donc. parfaitement déterminées d'un com-
mun accord avec le Représentant du Gouvernement britannique.
A peine, cet acte était-il intervenu que le Gouvernement impérial,.'
sur le rapport du Commandant: de la Division navale, renonçait
définitivement à l'exercice du. protectorat sur le royaume de Porto-
Novo, ce qui n'infirmait en rien nos droits sur la plage devenue,
par suites des cessions faites, un territoire définitivement français.
.Quinze ans plus tard, le 4 octobre 1879, le Gouverneur de Lagos
informa le Consul de France dans cette ville qu'il avait mis provi-
soirement, le 26 septembre 1879, sous la protection de la Grande-
Bretagne « la ville indépendante de Kéténou et son territoire » pour
se rendre aux prières du Roi de Kéténou et des chefs, exposés aux
menaces et aux agressions du Roi de Porto-Novo. Il n'est question
alors.que de la seule ville de Kéténou.
L'effet de cette
prise de possession, si elle était maintenue, serait
non seulement de diminuer considérablement le royaume de Porto-
Novo et de lui enlever tous débouchés sur la mer ; mais encore de
' 45
LE DAHOMEY A LA FIN DU XIXe SIÈCLE
trop peu nombreux et tous les gradés, officiers compris, sont malades
et ne peuvent rendre aucuns services. •
Monsieur,
J'ai, par suite, l'honneur de vous prier de bien vouloir faire cesser
chez cet homme des illusions que des malveillants ont pu faire naî-
tre et qui pourraient amener, s'il persistait dans ses idées de révolte,
des châtiments sévères pour lui et les hommes qui soutiennent ses
idées. Je n'hésiterais pas, en ce cas à faire arrêter ces gens et à les
faire expulser du pays qu'ils troublent, afin de rendre la paix aux
habitants qui ne demandent qu'à vivre tranquilles et laborieux,
sous les ordres du Roi de Porto-Novo, comme ils l'ont fait de tous
temps avant l'arrivée de ce Aidé.
Veuillez agréer, Monsieur, etc.
Signé : DORAT.
Il y a plus de, deux mois que nous n'avons eu la visite d'un navire
de guerre, et encore le « Dumont-d'Urville » n'a-t-il fait que passer
pour débarquer nos vivres.
Il serait
d'un excellent effet qu'un navire reliât les établissements
du Sénégal, de la baie du Bénin et du Gabon par un voyage
'
mensuel.
Colonel DORAT.
LE DAHOMEY. A LA FIN DU XIXe SIÈCLE 5?.
(1885-1889)
Monsieur le Ministre,
Commandant,
Au mois de
septembre 1885, commencent les difficultés avec le
Portugal, qui ne seront définitivement aplanies qu'en 1887. Julio de
Souza, agissant au nom du Roi Glèlé, comme Yevogan de Ouidah,
mais à son insu, prépare avec le Gouverneur de Sao Thomé, un pro-
jet de protectorat du Portugal' sur la côte dahoméenne. Le pavillon
portugais est arboré à Ouidah, Godomey, Cotonou (septembre 1885).
Le
Lieutenant Roget et un officier de Marine française protestent
auprès de l'officier portugais commandant la garnison de Ouidah et
font part de la violation de nos droits au Minisire de la Marine.
Monsieur le Ministre,
J'ai déclaré, enfin, à MM. les délégués qu'un conflit sérieux était
imminent, l'acte commis au nom de M. le Gouverneur de San-
Thomé étant une violation de territoire et que j'allais à Whydah
demander à M. le Gouverneur de faire amener son pavillon pour
éviter le conflit qui pourrait éclater après un refus de sa part.
Commandant,
Lepavillon de guerre portugais a .été hissé ce matin à Kotonou,
auprès de la factorerie Régis.
Par un
traité, en date du 19 avril 1878 passé avec le Roi du
Dahomey, ce dernier nous a cédé le territoire de Kotonou, lequel
a été dès cette époque, reconnu propriété de la France.
Le Gouvernement portugais doit avoir connaissance du traité
précité et n'ignore pas probablement qu'à Kotonou nous avons un
Commandant particulier.
L'arrivée du « Sado » me permet de protester, dès maintenant,
de la façon la plus formelle, auprès du Commandant de ce navire
de guerre contre la violation d'un territoire qui appartient -à la
France.
Signé : G. D'ABOVILLE.
A bord du « Gabès »,
Monsieur le Gouverneur,
Depuis, j'ai appris que ce pavillon avait été planté pour ainsi
dire par surprise par des soldats portugais, commandés par un offi-
cier, et malgré la présence à ce moment-là, à Kotonou^ du Com-
mandant particulier de Kotonou, M. Roget, officier de l'armée
française, qui, à son réveil, le matin du 13 septembre 1885, vit non
sans grand étonnement, le pavillon portugais planté sur la plage. Il
avait fallu que les soldats portugais se rendissent de nuit à Koto-
nou, car, dès le petit jour, ce pavillon était arboré.
Le Lieutenant de vaisseau,
commandant la canonnière française le « Gabès »,
P. ARNOUX.
Monsieur le Ministre,
Signé : BILLOT.
Signé : BILLOT.
l'honneur
J'ai de vous adresser la copie de mon dernier rapport
périodique au Ministre ; ce document vous renseignera sur la situa-
tion générale, qui n'a du reste pas été modifiée dans le golfe du
Bénin depuis un mois. Nous sommes au calme plat, aussi n'avan-
çons-nous guère.
Les Allemands ne sont pas encore les maîtres à Petit-Popo —
qui
— installent
le protocole n'ayant pas encore été ratifié cependant
déjà au titre privé. Une belle maison s'y monte pour le représentant
allemand et on commence des jalantations de café, cacaoyers, etc.
Quel exemple !
Sans doute mon successeur arrivera sous peu, mais, s'il tardait et
que dans l'intervalle on dut. relever M. le Lieutenant Roget, il y
aurait lieude retenir cet officier jusqu'à, l'arrivée du Commandant
titulaire, auquel seul il pourra-donner tous les renseignements que
les écrits ne remplacent pas. Je croirais l'intérêt du service compro-
mis sérieusement si le nouveau Commandant ne trouvait pas à
Porto-Novo, à mon défaut, M. le Lieutenant Roget qui connaît les
affaires, les gens et les traditions qui s'établissent.
Monsieur le Gouverneur,
J'ai l'honneur de vous rendre compte que je suis arrivé à Grand-
Popo le 6 février.
Les travaux de délimitation de la frontière franco-allemande à
la côte des esclaves ont été terminés le 1er février. Je m'empresse
de vous adresser une copie du procès-verbal qui fixe d'une manière
définitive la situation et les limites de notre protectorat dans la
région des Popos.
*
**
M. le
Lieutenant'Roget, commandant particulier p.i, au retour
de son voyage à Petit-Popo, au mois d'août 1886, en a informé le
Département dans sa dépêche du 5 septembre dernier.
Il est regrettable qu'aucune protestation officielle n'ait été adres-
sée à M. Falkenthal sur ses agissements; le terrain de Zébé, où
s'élève sa maison, étant revendiqué par les- gens d'Agoué placés
• , . .
sous notre protectorat.
Telle était notre situation à la Côte des Esclaves. J'ajouterai que
le traité des Ouatchis, pris à la lettre, ne nous donne que les villa-
ges dont les chefs ont apposé leur signature. Ouatchi, veut dire
« homme de l'intérieur », et le pays des Ouatchis comprend tout le
territoire situé clans le nord des Popos jusqu'au Niger. Le mot
Ouatchi peut se traduire exactement, par l'expression anglaise, très
employées au golfe de Guinée « Bushman », homme de brousse.
Dans la
première conférence que j'ai eu l'honneur d'avoir avec
M. Falkenthal, il n'a pas manqué de faire valoir le sens exact du
mot Ouatchi. Il m'a, en outre, entretenu du pays de Gridji, dont
le nouveau Roi Ajoda, venait d'être proclamé.
Ce pays même avant la signature du protocole qui cède Petit-
Popo à l'Allemagne, avait fait des avances au Représentant du Gou-
vernement germanique. Il prétend avec des droits sur Zébé, et
d'autres territoires non loin d'Agoué, tandis que les habitants dé
ce dernier pays protestent.
D'un autre côté, Lawson, qui regrette profondément aujourd'hui
de ne pas avoir signé un traité avec la France, revendique Messan
Kondji (1).
Popo. Après une discussion très longue et une exploration des deux
Jean BAYOL.
ÉTUDES DAHOMÉENNES
Monsieur,
J'ai l'honneur...
Signé : Alfred MOLONEY.
Monsieur le Gouverneur,
signé : DE BEECKMAN.
- LE DAHOMEY A LA FIN DU XIX 0 SIÈCLE 79
Le Lieutenant-Gouverneur du
Sénégal et Dépen-
dances, à Monsieur le Gouverneur du Sénégal et
Dépendances ;
Monsieur le Gouverneur,
J'ai l'honneur de vous rendre compte de la situation politique
de Porto-Novo et de ses dépendances.
J'ai été reçu, à mon débarquement par tous les Européens et les
délégués du Roi.
garnison ait été retirée, non loin du nôtre, dans le chenal d'Agué-
gué.
LE DAHOMEY A LA FIN DU XIXe SIÈCLE 81
Le Lieutenant-Gouverneur,
Jean BAYOL.
Le
Commandant particulier p.i, des établissements
français du golfe du Bénin, à Son Excellence Mon-
sieur le Gouverneur de Lagos ;
Monsieur le Gouverneur,
Hôtel du Gouvernement ;
Lagos, le 21 mars 1887.
Monsieur,
Acting Administrator,
Fred EVANS.
Monsieur le Gouverneur,
Pendant son
long séjour à la résidence de Porto-Novo, j'avais eu
soin de lui donner connaissance des dépêches ministérielles me pres-
crivant, de'la la plus expresse, d'apporter beaucoup de pru-
façon
dence et d'esprit de conciliation dans mes rapports avec les autorités
anglaises et d'éviter, de tout
pouvoir, mon
toute complication. Je
m'étais- également empressé de lui communiquer votre lettre du
14 février 1888 me transmettant la dépêche du 25 janvier lui inter-
disant toute ingérence active dans la politique ; « son voyage devant
être purement d'investigation commerciale et son itinéraire, entre
Porto-Novo et le Moyen-Niger ne devait pas traverser les posses-
sions britanniques du Bas-Niger ».
A la
suite d'une visite de M. Viard à la Mission catholique an-
glaise de Togpo, cet explorateur n'a pas cru devoir suivre l'itinéraire
que je lui avais tracé et, malgré les ordres formels du Ministre et
mes recommandations les plus pressantes, s'est dirigé le 22 mars sur
Abéokuta et, poussé également par les missionnaires établis dans
cette ville, a signé un traité le 11 avril avec les chefs Egbas d'Abéo-
kuta plaçant leur royaume sous le protectorat exclusif de la France.
Vous savez, Monsieur le Gouverneur, dans quelle situation délicate
nous nous trouvons à Porto-Novo vis-à-vis du Gouvernement de
Lagos, quel prix le Ministère attache à la cessation des troubles
causés par les rivalités entre indigènes français et anglais et com-
bien mes instructions me prescrivent d'éviter toute cause de conflit
et tout acte pouvant amener la plus légère complication.
LE DAHOMEY A LA FIN DU XIX 0 SIÈCLE 87
Monsieur le Gouverneur,
Nous vous remercions des bons sentiments que vous nous avez
exprimé dans la lettre que nous avons reçue il y a dix jours et nous
vous prions de croire que les Egbas désirent rien tant que d'avoir
avec la France des relations de confiance et d'amitié.
Cette lettre m'a été dicté mot pour mot par Onilado, roi d'Abéo-
kuta, avec le consentement de tous les chefs importants de la ville.
Monsieur le Gouverneur,
La ville est très mal tenue, presque aussi sale que Porto-Novo.
La y est belle et active, on y rencontre beaucoup de
population
jolies mulâtresses venant de la famille de M. de Souza.
Comme devais je
partir le lendemain pour Grand-Popo par la
lagune, j'eus un instant la crainte que le Yévogan ne me fit fermer
les routes, il n'en fut rien et bien au contraire, il avait annoncé
mon passage à tous les villages dahoméens que je devais trouver
sur ma route et je fus reçu avec de grandes démonstrations qui
me coûtèrent quelques caisses de gin.
ne pourrons entrer en
Il est
maintenant que nous
bien assuré
arrangement avec sans l'avoir
le Roi vu. Il faut
Glèlè donc se
décider à aller à Abomey de suite en laissant un aviso devant Why-
dah, ou installer toute la garnison du Bénin à Kotonou et suppri-
mer les droits qui sont payés au Roi, après l'avoir prévenu par un
courrier spécial.
Cela serait encore le meilleur moyen, le plus économique et cer-
tainement le plus pratique, peut-être Glèlè sera-t-il tellement stu-
péfait de notre audace qu'il ne dira rien, ou peut-être encore, et
c'est même probable, fermera-t-il toutes les factoreries du Dahomey,
c'est-à-dire Godomé, Avrékété et Whydah, mais
Abomey-Calavi,
^94 ÉTUDES DAHOMÉENNES
cela ne
pourrait durer car il ruinerait son peuple et lui-même. Je
crois que les commerçants accepteraient cette situation sans trop
murmurer, mais à la condition que l'on puisse leur assurer pour le
présent et l'avenir une protection sérieuse à Cotonou.
Tous les points cités plus haut sont sur le bord de la mer et pour-
raient être protégés par un ou deux navires de guerre, Abomey-
Calavi, seul, est dans l'intérieur, touchant au lac Denhan et pourrait
être protégé, je crois, par la canonnière.
Toutes ces précautions ne seront nécessaires que pour quelques
jours, le Roi sera bien obligé d'en prendre son parti et d'accepter
une situation qu'il a en somme acceptée de bonne volonté. Nous ne
pouvons en aucun cas accepter la situation actuelle, c'est-à-dire
entretenir un détachement à Kotonou qui n'a aucune autorité et
qui semble être destiné à protéger le Yévogan, qui reste absolument,
libre d'imposer les Européens, de fermer les routes et de ne pas
même visiter le Résident quand il passe à Kotonou.
La population du
Dahomey aime beaucoup les Français et ne
demanderait qu'à être placée sous notre protectorat, mais à la
condition qu'elle n'ait pas à craindre là vengeance du Roi et que
nous occupions Abomey. ,
Il
est positif que les Allemands font tous leurs efforts pour acca-
parer le Dahomey, le Commissaire allemand y est continuellement
et prend les plans de Whydah et des environs, le médecin de Petit-
Popo fait des opérations et a vacciné dernièrement 300 individus
au compte de la maison allemande.
Signé : DE BECKMANN.
Monsieur le Gouverneur,
'
( 1 ) L'Agore : lieu où Ion rend la justice de l'Agorigan, ministre du Roi
dans les villes.
96 ÉTUDES DAHOMÉENNES
Il
est à peu près certain que le Roi Toffa avait "envoyé vers le •*
27 mars un lari et vingt hommes au Dahomey pour espionner ; ces
hommes ont été pris et exécutés.
Nous attendons
les Gabonnais d'un moment à l'autre. La compa-
gnie de débarquement de F « Arethuse » rentrera à son bord et je
vais encore rester avec M. Bertin, qui certainement rétablira l'état
de siège, reprendra F « Emeraude » et enlèvera le poste de la
Résidence.
100 ÉTUDES DAHOMÉENNES
On
ne peut nier que nous avons eu au début des espions du Roi
tués ; quelques chefs opposés ou partisans du Roi ont été massacrés
par leurs Jiommes, mais depuis dix jours nous vivons sur des craintes
et des suppositions.
Nous, soussignés :
Assisté de :
Le blocus
sera levé et le présent arrangement entrera en vigueur
à compter du jour de l'échange des signatures. Toutefois, cet arran-
gement ne deviendra définitif qu'après avoir été soumis à la ratifica-
tion du Gouvernement français.
Fait à Ouidah, le 3 octobre 1890.
Les villages qu'on rencontre sur le chemin sont rares, peu habités
et ne présentent que des ressources insignifiantes comme vivres, tels
sont : Décamé, Cocokandji, Ouconodénou, Ganlou, Achinsa, Hara-
son. Le village de Godomé est un peu plus important et possède
deux factoreries françaises. Quant à Whydah c'est le point le plus
commerçant du Dahomey ; on y trouve deux maisons de commerce
françaises et trois allemandes ; le marché indigène est important
et les vivres relativement faciles à s'y procurer.
Le
chemin (sentier de 36' kilomètres) suivi dans toute cette par-
tie de la route, est pénible à cause de la marche dans le sable ; il
est coupé en huit endroits différerits, par des marigots presque à
sec à la belle saison mais qui, à la saison pluvieuse, grossissent beau-
coup et arrivent entre Kotonou et Godomé, d'une part, Harôson
et Whydah, de l'autre, à ne plus former qu'un immense marais.
ment, l'eau devient très rare, les indigènes sont obligés d'aller la
chercher jusqu'à 12 kilomètres et encore n'est-ce qu'une eau boueuse
et ayant le plus souvent mauvais goût.
Or, c'est là une difficulté qu'on pourrait, sans douté éviter faci-
lement en creusant des puits, chose qui manque totalement dans le
pays. De Kana à Abomey la route est bordée à droite et à gauche
d'une suite ininterrompue d'habitations groupées par trois ou quatre.
Agrimé, Zogodo, n'offrent aucun moyen de défense, Kana non
plus ; mais à Kana, avec quelques travaux dans les maisons situées
à droite et à gauche de la route, on pourrait barrer complètement
le passage ; toutefois, le canon aurait vite raison de cette résistance. .
En résumé,- il n'y
a que la partie de route comprise entre Whydah
et Avidji qui présente des difficultés sérieuses, c'est-à-dire la traver-
sée de la forêt et le passage du Lama.
Une fois parvenue à Kana, une troupe européenne peut être sûre
du succès.
CHASLES.
portugais.
LE A LA FIN DU XIX 0 SIÈCLE 107
DAHOMEY
Nous ne
faisons qu'une fois le tour de l'immense place et on
nous'arrête en face du Roi que nous saluons en arrivant ; il se lève
vient vers nous et quand il est à deux pas, salue chacun de la main,
s'informe de notre santé, demande des nouvelles de M. le Président
de la République, puis retourne sur son Ut.
Il parle ensuite
nous de son armée qui est innombrable et se livre
à quelques fanfaronnades avec .lesquelles il doit avoir l'intention de
s'assurer son peuple, car je ne suppose pas qu'il ait celle de nous
intimider.
Entre temps, il fait danser les amazones qui simulent une attaque
contre un ennemi invisible ; l'une d'elles tombe comme frappée à
mort, ses compagnes viennent examiner son corps, puis l'abandon-
nent, après quoi elle ,se relève toute seule ; on nous dit que s'est
l'image réelle de ce qui se passe à la guerre : le fétiche rend la vie
à celles qui ont été frappées par les balles ennemies.
de guerriers, ce sont
des danses où figurent, il est vrai, des fusils et
des poignards, mais enfin ce sont des danses. Le Commandant
répond que cela nous fera le plus grand plaisir.
Béhanzin leur
fait des reproches sur la conduite de Toffa : « C'est
lui qui l'a mis sur le trône de Porto-Novo et Toffa a toujours com-
mencé les hostilités ; enfin, il n'a pas envoyé ses condoléances au.
Tout le monde
fait trois fois le tour de l'immense place qui est
devant le palais ; les soldats se livrent à un tir ininterrompu surtout
en passant devant nous. Nous sommes ainsi amenés à constater que
leurs fusils à pierre partent rarement ; ils tirent d'ailleurs sans viser,
tenant leurs fusils à bout de bras pour ne pas être blesser par les
gaz de la poudre du bassinet qu'ils remplissent outre mesure. On
peut compter qu'il y a environ la moitié ou le tiers de ratés.
Nous
savons que l'exactitude n'est pas la politesse des rois du
Dahomey, aussi craignons-nous que demain ne se présente que dans
plusieurs jours, mais il faut bien en prendre son parti.
temps. En arrière et sur les côtés on voit environ deux à trois cents
femmes.
LE DAHOMEY A LA FIN DU XIX 0 SIÈCLE 113
Nous assistons à des tirs exécutés par les amazones, puis par les
amazones-artilleurs, car cette variété existe ; au lieu de fusils, elles
tirent des tromblons dont elles appuient la crosse à terre. Après,
viennent celles qui vont à la chasse aux éléphants ; de nombreux
ratés se produisent et la . figure assez douce de Béhanzin devient
alors farouche.
Après nous avoir fait ses adieux, il vient nous reconduire pendant
300 ou 400 mètres ; arrivés là, nous voyons une quantité de guer-
riers massés en avant de nous sur la route ; ils tirent tous ensemble
et nous donnent ainsi, dans la nuit, le spectacle d'un bouquet de
feu d'artifice.
Hi- , ÉTUDES DAHOMÉENNES
PARTIE MILITAIRE
Mais j'ai fort bien reconnu plusieurs figures que j'ai vues chaque
.
fois, ce qui me ferait supposer que la relève n'est pas du double.
guerre, leurs hommes n'y vont pas non plus ; cependant je pense
que dans un cas pressant, le Roi les enverrait quand même. Il n'est
pas possible de savoir le nombre des cabécères du royaume ; les
pas et, le sauraient-ils, ne veulent
gens du pays ne le savent pas
le dire.
•«1
Car il est
inrpossible dans ce pays d'avoir un renseignement,
même en payant. Ils refusent de parler, oUj s'ils parlent, ils disent
des choses si extraordinaires qu'il est inutile d'insister.
Les levées. — La masse des guerriers consiste dans les levées faites
dans le royaume au moment d'une campagne. Dans chaque pro-
vince, le cabécère chargé des affaires de la guerre, rassemble le \
nombre d'hommes que le Roi lui demande. On prend ceux qui ont
des fusils ; quand il en faut plus, on envoie qui on trouve et le Roi,
qui a des réserves d'armes et de munitions^ arme ces gens-là qui
ne doivent pas faire
troupes des
bien sérieuses. Pendant :.notre
deuxième séjour à Widdah, le cabécère s'occupait de recruter des
hommes pour une expédition et ce travail lui coûtait beaucoup de
peine et n'allait pas vite. Ces gens-là aiment peu la guerre qui ne
leur rapporte que des coups et dés fatigues, tout le butin apparte-
nant de droit au Roi qui en distribue une partie à ses chefs de
guerre. Pendant la guerre, les hommes n'ont droit qu'à la nourriture.
Les chefs de guerre. -^- A Abomey, nous en avons vu une quin-
zaine des plus élevés en grades ; ils n'ont pas l'air de. jouir de beau-
coup d'estime au point de vue intellectuel ; ils n'entrent pour aucune
part dans les conseils du Roi, se livrent sur les places publiques à
toutes espèces de danses bizarres et de chants absolument comme
leurs hommes^, dont ils ne se distinguent ni par la dignité d'allure,
ni par la richesse du costume. Cependant, seuls dés dignitaires du
royaume, devant le Roi, ils ne se mettent pas à plat ventre, ne ram-
pent pas pour s'approcher et ne se couvrent pas de poussières.
L'un d'eux, Agao, qui a le commandement spécial des gardes du
eorps, est considéré comme un chef remarquable ; pendant la
guerre', même quand le Roi s'y trouve, c'est lui qui a la responsabi-
lité des opérations. •
Il
y a aussi quelques amazones armées de ces fusils et formant
corps à part. Tous ces fusils sont chargés à poudre de traite et avec
118 ÉTUDES DAHOMÉENNES
des balles faites par des forgerons du pays avec du minerai de fer.
Il est évident qu'elles ne sont pas calibrées et ne jouissent d'aucune
propriété balistique.
Les canons. —- A il y a beaucoup de canons mais ce
Abomey,
sont de vieilles pièces, couchées par terre, dont aucune n'est placée
sur un affût même rudimentàke. Elles ne servent que pour les
saluts et dans les fêtes. Il n'y aurait en aucune façon à s'en préoccu-
per lors d'une attaque de la ville, même si on entendait des détona-
tions, car si elles faisaient du mal à quelqu'un ce serait aux gens
qui s'en serviraient et non aux ennemis. Ont-ils seulement des bou-
lets de calibre ?
* .
Quant à la facilité avec laquelle on coupe les têtes, elle est aussi
fausse que bien d'autres choses ; on m'a répété bien des fois qu'on
ne décapitait jamais de Dahoméen à moins que ce ne soit un crimi-
nel avéré ; quelques coups de bâton pour le peuple, la prison pour
les chefs, voilà les moyens de répression.
Mon impression sur la manière dont nous avons été reçus par le
roi, sur les honneurs tout particuliers qu'il nous a rendus (réception
et honneurs qui sont décrits en détail dans le rapport d'un des mem-
bres de la mission) est la suivante :
Le Roi ne tient pas du tout à se mesurer une seconde fois avec
nous ; il a peur de nous ; les pertes qu'il a subies et qu'il a tenues
cachées à son peuple, lui ont donné à réfléchir ; il se rend compte
que notre armement est terrible et qu'il risquerait une défaite. Or
une défaite serait sa perte dans l'esprit superstitieux de son peuple
qui le craint-mais ne l'aime pas, et de là à une révolution qui le
balayerait, il n'y a pas loin. Après le combat d'Atchoupa, il était
dans u-n désarroi complet et n'osait rentrer à Abomey ; la paix est
venue le sauver.
Mais si le Commandant Terrillon à ce combat avait eu cent hom-
mes de plus, si quand on eut rassemblé environ mille cinq cents
hommes de troupe au Bénin, on avait poussé de l'avant, c'en était
fait du Dahomey. Tous les gens qui ont assisté à ces événements sont
d'accord là-dessus, et ce que j'ai vu vient confirmer ces dires.
Le Roi qui entretient dans son peuple une haute idée de sa puis-
sance, qui se livre en public à des fanfaronades indignes d'un homme
intelligent est beaucoup plus modeste en particulier, et sa façon de
répéter un nombre considérable de fois qu'il désire la paix avec nous,
qu'il nous a toujours considéré comme des amis est signifivative.
Les artilleurs
haoussas seraient tout désignés pour aller y faire
l'essai de leur
valeur. Bien soutenus par les compagnies de Sénéga-
lais, on n'aurait pas à craindre de faiblesse de leur part ; mais ils
nécessiteraient quelques cadres blancs.
— Il vivement de la de
Eau. y aurait à se préoccuper question
Peau, elle est rare au Dahomey. Aucun
village ne possède de puits,
par défense expresse du Roi. Les mares où on va chercher l'eau
sont très éloignées des villages et difficiles à trouver sans guides ; or,
ces derniers manqueraient certainement. De plus, il serait prudent
de supposer qu'elles pourraient être empoisonnées par l'ennemi qui
se retirerait. On aurait donc à en emporter une forte provision au
moyen de porteurs.
à Whydah. — Une
Débarquement opération qui selon moi serait
fort importante, c'est une attaque sur Whydah. Elle pourrait être
faite de deux manières, soit directement par Whydah-Plage, soit
par Grand-Popo.
Par Whydah-Plage, il y aurait comme inconvénient :
La
barre à passer en- pirogues qu'on serait obligé de réquisition-
ner sur tous les points de la côte, Kotonou, Godomey, Whydah,
Grand-Popo, mais on aurait l'avantage d'être rapidement arrivé à
Whydah, dont on s'emparerait facilement, et où on trouverait
immédiatement un abri sûr, l'ancien fort qui est occupé actuelle-
ment par la Maison Régis et qui pourrait loger un grand nombre
d'hommes, il est vrai qu'au moment des hautes eaux, la barre est
généralement très mauvaise et on pourrait se trouver arrêté pendant
plusieurs jours en face de Whydah sans pouvoir débarquer.
Par Grand-Popo, aurait on
l'avantage de débarquer en un point
qui nous appartient ; mais il faudrait du temps, pour préparer le .
transport par la lagune des Popos'; ce trajet ne serait pas sans dan-
ger, car la lagune est peu large, et l'ennemi pourrait y installer des
embuscades, ayant eu le temps de se préparer à cela en apprenant
le débarquement de Grand-Popo. Des barrages échelonnés (pour
la pêche et la douane) sur les lagunes, retarderaient la marche.
Il
est évident que si l'on pouvait avoir en plus une ou deux com-
R. AUDEOUD.
PROJET DE REPARTITION DES-TROUPES EN CAS D'EXPÉDITION
Artilleurs
- =
Employés Soldats' Tirailleurs Tirailleurs
des ,, , , , . , Miliciens
blancs sénégalais haoussas F
factoreries blancs . haoussas
H
o
>
! .4 compagn.
Colonne de l'Ouémé .. » » » i 50 600 » » o
g
Colonne de Whydah. » 2 à 300 » » » 75 ' »
ravitaillement d'Afa-
mé sur l'Ouémé) .. !" O
a
Artilleurs blancs à ré- » 60 » » » 25 x
partir dans les deux
garnisons et . à en-
ce
voyer à Whydah t—i
O
Total - 75 600 . 60 50 600 300 25 F
M
Monsieur le Gouverneur,
Il est bien
regrettable que je n'aie pas eu un interprète plus sé-
rieux, plus indépendant du Dahomey (il y a des parents) et moins
sujet à être terrifié par son séjour en ce pays. Il serait, je crois, né-
cessaire de faire une enquête et de le punir très sévèrement s'il est
prouvé que, sciemment, il m'a laissé commettre cet impair.
Il n'est
pas douteux pourtant que les maisons françaises au
Dahomey ont eu une situation délicate depuis les dernières affaires,
abandonnées au début de la guerre par les agents emmenés comme
otages à Abomey, réoccupées depuis la paix, les factoreries ont dû,
au dire des Dahoméens, être retrouvées intactes, alors que les inven-
taires établis à la réouverture par les employés accusent des détour-
nements considérables. Il y a là matière à un gros débat. La ques-
tion d'ailleurs a été agitée devant le roi, pendant notre séjour à
Abomey et n'est pas résolue. Le mécontentement des autorités de
Whydah à l'occasion de ces assertions de pillages qu'elles persistent
à nier, ne fera que s'accentuer.
Les
maisons allemandes, nous a-t-on dit, sont favorisées et, à la
demande du roi, un M. Bàrth^ très en faveur à Abomey, serait en
train d'installer une factorerie à Abomey-Calavi,
Reçus dix fois par le roi avec solennité, nous avons toujours été
traités avec la plus grande affabilité.
LE DAHOMEY A LA FIN DU XIXe SIÈCLE 131
Le roi est allé jusqu'à nous dire qu'il avait 1.080 chefs de guerre
ayant chacun 3.000 guerriers.
Sur cette
question, le roi s'est nettement refusé à toute restitution
sur laquelle il a jugé inutile d'insister, ajoutant, toutefois, que les
gens réclamés étant de Whydah, c'est-à-dire Dahoméens, partant
ses sujets il n'avait rien à dire. Je crois même qu'il a demandé pour-
quoi Xavier Béraud ne venait pas lui-même les réclamer.
En résumé, dans tous les entretiens que nous avons eus, le roi
nous a témoigné son vif désir de rester notre ami et les marques de
sympathie très nombreuses, dés honneurs extraordinaires, corrobo-
rent amplement, cette opinion.
Le peuplequ'il gouverne, tel que nous l'avons vu, n'a pas d'opi-
nion, qu'il fasse la guerre par force ou par goût et beaucoup doi-
vent la faire par force, il est difficile de prévoir si une nouvelle
affaire avec les Blancs rencontrerait de ce côté beaucoup d'enthou-
134 ÉTUDES DAHOMÉENNES
importance commerciale.
Par ces motifs, la disparition du Dahomey serait un
grand soula-
gement pour les populations qui l'avoisinent, une cause d'accroisse-
ment pour le commerce de la côte d'Afrique dans le voisinage de
Porto-Novo, auquel il rendrait une confiance que les dernières affai-
res lui ont un peu fait perdre et qui ne renaît que difficilement.
HOCQUART.
aux tirailleurs haouassas.
capitaine
LE DAHOMEY A LA FIN DU XIXe SIÈCLE 135
Monsieur le Gouverneur,
Je ne serais point
surpris que la question du wharf ne fut pour
quelque chose dans
le message de Béhanzin, car les autorités daho-
méennes de Kotonou n'ont pas caché leurs inquiétudes au moment
où M. l'Ingénieur Thomas s'est livré à ses études préliminaires.
Je crois qu'il sera prudent, au moment de la construction, de
faire bonne garde à Kotonou et même, au besoin, de renforcer
provisoirement la garnison de ce point en diminuant celle de Porto-
Novo où une attaque imprévue est impossible à cause du réseau
d'espions que nous entretenons sur la frontière de Dékamé.
A Kotonou, au contraire, une surprise est toujours possible par
suite de la proximité de la frontière dahoméenne et des bois qui
couvrent le terrain.
Il est évident clans tous les cas que le Dahomey arme avec activité
et en ajoutant aux chiffres ci-dessus les 600 fusils introduits il y a
quelques mois par la Maison Goedelt, on arrivera au chiffre res-
pectable de 5.000 fusils à tir rapide.
Il paraît que jamais le Dahomey n'a mis sur pied une armée
aussi considérable que celle qui est actuellement en campagne ; le
ban et l'arrière-ban de la population ont été mobilisés et l'on estime
'
que l'effectif actuel doit dépasser 20.000 guerriers des deux sexes.
On prétend qu'à son retour d'Abéokouta, Béhanzin doit razzier
quelques villages du Nord du Dékamé, à dix ou douze heures de
marche de Porto-Novo. En droit strict, ces villages seraient sur le
territoire de Porto-Novo, bien qu'ils ne reconnaissent pas l'autorité
du roi Toffa. Quoi qu'il en soit, ce projet, que l'on prête à Béhan-
zin, n'est jusqu'à présent qu'un bruit auquel il est prudent de n'ac-
corder qu'une confiance relative.
LAGOS
PORTO-NOVO
GRAND-POPO ET AGOUE
Grand-Popo ou
d'Agoué, et doit être, au nord et à égale distance
de ces deux points Agoué-Séva et à peu près à moitié chemin entre
Athiémé et Grand-Popo, c'est-à-dire à 23 kilomètres de la plage, à
vol d'oiseau.
AGOME-SEVA
Malgré cela, il nous a fallu, avec le courant pour nous, sept heu-
res de pirogues pour descendre, tellement la rivière est sinueuse.
Je souhaite que cette lettre vous trouve en bonne santé ainsi que
toute votre famille.
Monsieur le Gouverneur,
ces localités pour y acheter des provisions ; que sur ces trente-deux
femmes, quatorze avaient été mises à mort séance tenante, et que
les autres allaient être mises en vente, que nous étions priés, si on
venait les vendre dans notre territoire, de les racheter à n'importe
quel prix ».
Très surpris de cette lettre, je répondis au roi, que j'allais m'occu-
per de l'affaire immédiatement et lui faire rendre les prisonnières,
je me disposai en même temps à écrire à M. Cornilleau dans ce sens.
Sur ces entrefaites, le 1er décembre, M. Régnot mourait à Koto-
nou à bord du « Taygète » et je me transportais dans cette localité
pour lui rendre les derniers devoirs.
A peine arrivé à Kotonou, je recevais par une pirogue venue par
mer, une lettre de M. Cornilleau dont voici la copie :
Monsieur le Résident,
Vers midi, Kouakou m'envoyait son bâton et me faisait dire que les
Dahoméens avaient, le matin même, passé la rivière d'Aroh, et, pillaient
en ce moment les villages de Gnessin, Ouatchicomé et autres. Il tenait
ces renseignements d'un honime qui, se rendant dans cette localité pour
voir sa famille, s'était enfui à l'aspect des Dahoméens et au bruit de la
fusillade. Je fis venir cet homme et l'interrogeai, il me répéta que ce
Kouakou m'avait dit.
La lettre des autorités de Whydah cessait d'être une énigme, et la ma-
noeuvre apparaissait clairement. Pour donner un prétexte, une apparence
de raison à leurs pillages, les Dahoméens avaient inventé cette histoire
d'arrestation et de massacre de femmes, appartenant à la maison du roi,
et leur lettre m'était à peine remise, que leurs bandes envahissaient notre
protectorat et se livraient à leurs exactions accoutumés.
D'après les renseignements qui me parviennent de différents côtés, ils
parcourent et pillent en ce moment la région comprise entre la rivière
d'Aroh à l'est, et celle d'Agomé-Séva à l'ouest, Ouatchicomé au sud et
Onodomé ou Vodomé au nord. Naturellement, ces indications sont loin
d'avoir une exactitude rigoureuse, mais elles vous permettront, cependant
de vous rendre compte de la marche des Dahoméens. Je dois vous faire
remarquer, toutefois, que sur la carte d'Albéca, Ouatchicomé s'appelle
Ouatchicongè, et est placé beaucoup trop au nord. Il se trouve en réalité,
beaucoup plus près d'Adjaâ, marché important' situé à deux heures à
peine de Grand-Popo. Adiaâ ne figure pas sur la carte de M. Ballot,
mais Ouatchicomé s'y trouve ; en consultant les deux cartes, on peut
avoir une idée assez exacte de cette région.
El main-.enant, pourquoi les Dahoméens ont-ils envahi notre protecto-
rat ? C'est pas uniquement pour piller, comme on pourrait le supposer ;
c'est surtoutpour se procurer des esclaves.
Depuis deux jours les chemins sont fermés, un courrier, envoyé samedi
par la Maison Fabre, n'a pu dépasser le décimère d'Aroh et est revenu
le soir-même.
En présence de cette impossibilité de communiquer avec vous par les
ordinaires — les courriers, du reste, refusent de partir —
moyens je
n'hésite pas à vous faire parvenir cette lettre par voie de mer. Je sais
qu'il résul'.are de ce chef une dépense relativement élevée, mais, j'ai tout
lieu de croire qu'étant donnée la situation exceptionnelle clans laquelle
Signé : F. CORNILLEAU.
Bien que cette lettre fut assez alarmante, je me souvins des nom-
breuses alertes qui se sont produites sans raison à Porto-Novo, et, je
me décidai à attendre de plus amples informations. Le « Taygète »
Monsieur le Résident,
La situation est loin de s'améliorer.
Signé : F. CORNILLEAU.
Naturellement, tout ce qui n'a pas été tué séance tenante a été
amené en captivité et sera revendu sous peu à quelques maisons
allemandes pour le compte de la Colonie du Cameroun ou de l'Etat
indépendant du Congo.
PORTO-NOVO
TOGO ALLEMAND
Vous aurez appris sans doute déjà l'échec des Allemands au Ca-
meroun et la mort du capitaine de Gravenreuth tué par les indi-
gènes ; c'est précisément cet officier qui, au mois d'août dernier,
achetait des esclaves à Whydah pour monter son expédition.
Signé : EHRMANN.
Signé : EHRMANN.
LE DAHOMEY A LA FIN DU XIXe SIÈCLE 155
—- Notes in-4°: ::
africaines,
— in-8°.
Initiations,
— Catalogues, inr8°.
— Instructions in-8°
sommaires,