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Publié le 20 Février 2018


Et pendant que tout le monde est en boucle sur Wauquiez

La vraie bataille pour l’avenir de l’Europe est en train de se jouer


dans l’indifférence générale

Lundi 19 février, les ministres des finances de la zone euro devaient choisir le futur vice-président de la
Banque centrale européenne, premier des quatre postes qui se libéreront ces deux prochaines années à la
tête de l’institution. Notamment celui de son président, Mario Draghi.

Avec Christophe Bouillaud


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Atlantico : En quoi peut-on affirmer que ces remplacements constituent les


éléments clefs de la bataille européenne qui se joue en ce moment?
Christophe Bouillaud : Comme l’a montré le déroulé de la crise européenne depuis 2008, les individus comptent
autant sinon plus que les règles formelles qui régissent le fonctionnement de la Banque centrale européenne
(BCE). Cela veut dire qu’en fonction des personnalités des futurs dirigeants de la BCE on peut s’attendre à telle
ou telle orientation future de la politique monétaire pour la zone Euro. Or cette dernière représente un élément
essentiel de toute politique économique. C’est d’autant plus vrai que, si la reprise économique européenne se
poursuit, les futurs dirigeants de la BCE devront gérer au mieux la sortie de la période d’argent presque gratuit
pour les banques et plus généralement pour tous les gros emprunteurs. Bien sûr, ils pourront bénéficier du retour
d’expérience de la Fed qui s’est déjà engagé dans cette voie de la normalisation de la politique monétaire, mais,
en même temps, la situation de la zone Euro restera très particulière, puisque les Etats membres de la zone Euro
ont des niveaux d’endettement très différents et que, donc, la hausse des taux d’intérêt n’aura pas le même
impact sur les finances des uns et des autres.

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Quel rôle la France, et plus précisément Emmanuel Macron, a-t-elle à jouer


dans cette "bataille"?
En tant que deuxième économie de la zone Euro, la France et ses dirigeants ne peuvent bien sûr pas rester
indifférent à ces nominations. Au-delà des questions de personnes et d’équilibres entre Etats grands et petits, du
nord et du sud, de l’ouest et de l’est, qui vont déjà jouer pour la nomination du nouveau vice-président de la BCE,
l’exécutif français sera sans doute très attentif à ne pas voir à arriver à la tête de la BCE une personnalité qui
reviendrait à la vision d’avant la nomination de Mario Draghi : la lutte contre l’inflation ne peut plus être le seul
mandat de la BCE, les aspects de croissance et d’emploi doivent désormais être pris en compte, même s’ils ne
sont toujours pas dans le mandat officiel de la BCE selon les Traités européens. La tâche d’Emmanuel Macron
devrait être facilitée si, en Allemagne, un gouvernement de grande coalition CDU/CSU/SPD voit effectivement le
jour. Les conservateurs allemands et leurs alliés européens, qui sont les principaux partisans d’un retour à la
vision conservatrice de la BCE, seront ainsi largement contrôlés dans leurs ambitions proprement réactionnaires
de retour à une BCE vue comme une « Bundesbank » continentale.

Entre rupture et continuité, à quoi peut-on s'attendre de l'après Draghi ? Y-a-


t-il des risques de voir s'opérer une rupture ?
Vu les niveaux d’endettement de nombreux pays du sud de la zone Euro, France comprise, et la reprise
économique très poussive en France et surtout en Italie, je vois assez mal comment l’après Draghi pourrait être
marqué par une rupture nette, tout au moins une rupture entendue comme un retour à une politique monétaire
décidément beaucoup moins accommodante, prenant éventuellement le risque du défaut d’un Etat membre de la
zone Euro. Pour une telle rupture, il faudrait vraiment que l’inflation fasse son retour partout, et que l’on retrouve
la vieille spirale salaires-prix des années 1970, y compris dans le sud de la zone Euro, nous en sommes très loin.
Certes, les dirigeants conservateurs allemands et leurs alliés dans le nord de la zone Euro auront à cœur de limiter
la bulle immobilière, en particulier en Allemagne même, et l’envolée de l’inflation chez eux, et ils voudront un
dirigeant de la BCE sensible à ces aspects au nom de la stabilité monétaire, mais je doute qu’ils aient entièrement
gain de cause. L’histoire de la zone Euro est tout de même celle d’un mécanisme qui a favorisé l’Allemagne « à
l’insu de son plein gré », et du coup, il est tout de même peu probable que les dirigeants des autres pays ne
continuent pas à demander en quelque sorte des compensations pour permettre de rendre l’aventure de l’Euro
pérenne. L’élection d’un ministre socialiste portugais à la tête de l’Eurogroupe me parait un indice de ce
rééquilibrage difficile à empêcher vu les performances de l’économie allemande depuis 2008. Les dirigeants
allemands auront en effet bien du mal à faire pleurer dans les autres chaumières européennes.

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