Aurélia Cervoni, Théophile Gautier devant la critique (1830-1872), thèse de doctorat de
l’Université Paris-Sorbonne, soutenue le 14 janvier 2011, devant un jury composé de Pierre
Glaudes, André Guyaux (directeur), Jean-Nicolas Illouz et Paolo Tortonese.
L’image de Gautier dans la mémoire collective se réduit souvent à quelques clichés : le
gilet rouge de la bataille d’Hernani ; la verve pamphlétaire de la préface de Mademoiselle de Maupin ; « l’art pour l’art » ; l’esthétique « impassible » d’Émaux et camées, prélude au Parnasse contemporain ; la dédicace des Fleurs du mal au « parfait magicien ès lettres françaises ». Se fondant sur un corpus de près de 500 articles, cette thèse se propose d’éclairer l’origine de ces clichés par une étude des controverses suscitées par l’œuvre de Gautier, de 1830, date de publication de ses premières Poésies, à sa mort, en 1872. Pendant plus de quarante ans de vie littéraire, Gautier est la cible de la critique conservatrice, qui voit dans son esthétique le signe d’une déperdition des valeurs morales et religieuses et agite le spectre de la décadence. Rejoignant les conservateurs, les critiques républicains considèrent « l’art pour l’art » comme le produit de la société bourgeoise et mercantile du XIXe siècle. Gautier a également des détracteurs au sein même du camp romantique. Hormis lors de la publication du Voyage en Espagne, en 1843, son style pittoresque et son indifférence politique sont associés au badinage, à la provocation et à l’antihumanisme. Son succès auprès des « fantaisistes », à partir de 1850, puis des parnassiens, au cours de la décennie suivante, dégrade encore son image : à l’exception de quelques grands critiques, comme Baudelaire, on lui reproche de réduire l’art littéraire à une jonglerie. Dans les années 1860, l’esthétique de Gautier est un repoussoir pour les réalistes et les naturalistes.