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= > Olam | Ensavoir pis: es royrresen are winrbits pxantet elias ‘erie ner 45 CSET Sere 0, créés & Saint-Nazaire, 5500 a Belfort-Montbéliard, 2000 a Cholet...e quoi infirmer, si besoin était, 'idée que seuls les territoires métropolitains peuvent au- Jourd’hni eréer de lemploi Un certain nombre de villes moyennes connaissent néanmoins d'importantes difficultés. Mais la plupart se situent au nord d'une ligne Cherbourg-Lyon et au centre du pays, dans les régions qui historiquement, ont eu le plus de mal & se relever de la crise indus trielle (voir carte). Ce qui questionne I'unité de la ca~ tégorie « villes moyennes ». « Les politiques publiques sont faites sous forme exclusive de zoning: on erée des périmétres et on fait une politique pour ces périmétres, explique Frédéric Martorell, chargé de cours & l'uni- versité d'Albi. Cest rassurant: ‘ville moyenne’, ca fait tun périmétre Alors que les villes de taille moyenne sont loin de toutes partager les memes problématiques. » Pour celles confrontées au déclin, l'un des pro- blémes semble venir du manque dimagination des lus dans les solutions envisagées. « Le modele le plus souvent mobilisé reste celui de ‘Tattractivté”, explique Yoan Miot. Dans ce cadre les villes sont en concurrence ‘Pour attrer les “classes supérieurescréatives” de secteurs pporteurs tels que le numérique, la culture ou le tertiaire supérieur®, dont Pactivité est supposée bénéficier par ruissellement é tout le teritoire.» Une démarche qui a, selon lui, toutes les chances de rester vaine: « Les secteurs visés sont déja en développement et ont toute latitude pourchoisir leur liew implantation. Résultat: les vlles moyennes font beaucoup pour attrer une “lite sociale” déja sursollicitée, négligent souvent les besoins de la population locale et sous-estiment le potentieléco- rnomique de leur terrtoire.» Lanticipation, clé de la réussite Un autre modéle vanté par les politiques publiques est celui du cluster (pole de compétitivité) qui incite » i ian ype {2} Poor pd eta, or letra use Atergrowth xe) Blevins pon opt rae {ala mérpolatonhoraon input de croseanceSanomiqe? Gir Boas Signet Michel Cometh Rese derORCEn Tah 215 67 [ eM ens » au regroupement spatial d’acteurs spécialisés sur le méme produit ou secteur. Or, selon Marie Ferru- Clément, « ce model n’estpas toujours pertinent». Cette économiste a montré, par exemple, comment le terri~ toire de Chatellerault a opéré une spécialisation non pas productive mais « cognitive » . Trés fortement industrialisé et longtemps spécialisé dans I'armu- rerie, le Chatelleraudais a su entretenir les compé- tences trés spécifiques d'usinage déja développées et les reconvertir dans de nouveaux domaines tels que 'aéronautique et lautomobile. «Avoirun pas ‘sé industriel n est pas nécessairement un désavantage, assure la chercheuse. De tls teritoires auront bien sir dumal a se maintenir sur leur secteur historique, mais peuvent redéployer leurs savoir-faire dans une diversité ‘de domaines. Ce qut les rend dailleurs moins senstbles ‘la conjoncture internationale que des territoires spé- cialisés sur un produit. Et ce sont des territoires ot 'on innove autant que dans les métropoles! » dossier Des centres-ville en mode survie Inutile, done, de chercher un modele de reconver- sion elé en main. Néanmoins, 'anticipation semble un facteur elé de réussite, selon Marie Ferru-Clément « Les reconversions réussies sont souvent amorcées avant que les dificultés économiques ne soient trop grandes. Lexemple en la matiére est sans doute exploitation du sgisement de gazde Lacg pres de Pau, dont Tépuisementa été pensé des les debuts de F exploitation, ce quia permis tune diversification trésprécoce, de la chimie lourde vers Fagrochimie, les matériaux composites et, aujourd hui, les énergies renouvelables.» Anticiper permet égale- ment de mettre en place un accompagnement de la main-d'couvre via une politique de formation et de conservation des savoir-faire locaux. C'est sans doute une telle anticipation qui a manqué aux villes ‘moyennes des régions de viellle Industrie. Pour ces derniéres, tout reste inventer. wm XaverMolénat Is] a rae cope esterase cas basin indus de {Biter Rene danomeonaee an 2008/3 commerciale périphérique. De meme que les appartements vides sont plus marquants que les lotissements qui poussent Face a la crise de leurs centres, les villes moyennes tentent 4a es villages voisins. de limiter I'hémorragie. Avec plus ou moins de ¢s grilles baissées, les vitrines vides et les rideaustirés, les habitants de Vierzon y sont habitués. Enfin, pour ceux qui sont encore la En quarante ans, la ville a perdu 8800 ha- bitants et n'en compte plus que 27000. Les magasins ‘ont suivi: un local commercial sur quatre est vacant, le troisiéme pire taux en France aprés Calais (29 %) et Guéret (26 %), selon les chiffres de la fédération ch ‘commerce Procos. Pourtant, au nord de a vill, la zone ‘commerciale n’a rien de déprimée. On y vient notam- ‘ment depuis les communes voisines de Saint-Laurent et de Vouzeron, dont la population progresse depuis des années. Certes, le bassin d'emploi vieraonnais ne vva pas tres fort, avec son taux de chomage a 13,2 % lentement. Mais les mauvais chiffres de la zone sont Qu’arrive-t-il done aux succes. centres-ville? Le premier pro- bleme est démographique: dans les villes moyennes les plus en difficulté, les centres se dégar- nissent au profit des zones pé- riurbaines et du rural proche. La part des logements vides est «nettement plus élevée dans les poles urbains que dans leurs couronnes», contit~ ‘ait début janvier la Fédération nationale de Fimmo- bilier (Fnaim). «Lesfamilles ont tendance & quittrles centres-ville et leurs logements souvent exigus et peu pratiques pour avoir maison individuelle et jardin. Ceux qui restent sont les jeunes, les retraités et, de fagon plus générale, les pauvres », constate Jean-Claude Driant, professeur & "Ecole d'urbanisme de Paris. Cette pau- périsation des centres entraine des problémes en cas~ cade, détalle le chercheur Yoan Miot: « Lecadre de vie se dégrade, les marchés immobiliers sont déprimés et les builleurs sociaux sont ies fragilisés.» Tout commie les > nances des communes concemnées ‘et sa population totale (47000 habitants) qui baisse ll 7 % (voir encadré page 70), surtout le fait dela commune Vierzon elle-méme, i Pavillon, voiture image de ce qui se passe dans tout !Hexagone. Cestietauxdevacance et hypermarché Lasupposée rise des villes moyennes est avanttout Commerdaieencentie, _La seconde difficulté concerne le une crise des centres-ville. Les rideaux de fer quis'y villeen| France en 2017, commerce. Si « le caeurdes agglo- baissent font oublier ceux qui se lévent sur la zone contre 72%en 2012. __‘mérations concentre toujours une 68 0396 vr 2098 trates Economiques ‘A¥ierz0n, un eal ‘commercial sur ‘quitreest vacant. ppart importante des activités commerciales, rappelle Vinsee, dans tous les secteurs du commerce non alimen- tare, Factvité se déplace vers la périphérie». Ce qui ne ‘veut pas dire que le commerce de bouche va bien: boulangeries-patisseries, boucheries et primeurs cont beaucoup fermé dans les centres. Cette tendance est particulierement vraie dans les vilies moyennes (voir graphique), mais elle n'épargne pas non plus les autres: le taux de vacance commerciale en centre-vlle est passé en France de 7,2 % a 1L,7% entre 2012 et 2017. Parallélement, les abords des villes se sont transformés en zones commerciales géantes. Entre 1996 et 201, 45 millions de métres carrés de zones commerciales ont été autorisés dans lHexagone, dont le quart sur la, seule période 2009-2011, sous left de la loi de m: dernisation de économie (2008), qui alibéralisé le secteur, jusque-la plutot encadré depuis la loi Royer = LECOMMERCE SE PERIPHERISE volutiondetemplolsalarié du commerce ‘entre 2004 et 2014, en % | de 1973, Résultat aujourd'hui : les zones commerciales périphériques suivent la méme tendance que les centres, avec un taux de vacance commerciale de 7,5 % en 2017, contre 5,5 % en 2012. Latroisiéme difficulté qui touche les centres-ville concerne le recul de certains services publics. Cert: il'agit parfois d'un simple démé- agement vers la périphérie, no- tamment pour les hopitaux. Et ccertes, ensemble de la France est ‘concemé, notamment les terrtoires ruraux.IIn'empéche, beaucoup de ‘centres-ville de villes moyennes ont ‘da encaisser la fermeture de la gen- darmerie, de la maternité, 'écoles ou encore de la gare ferroviaire (voir graphique, ‘Toutes ces évolutions ont été a compagnées par la généralisation de usage de la voiture individuelle (83 % des Frangais étaient équipés en 2016). En plus avoir rendu possible 'expansion du systéme péri- phérique (habitat pavillonnaire, grandes surfaces.., «la voiture garde lapriorté en toutes circonstances dans les centres», dénonce Frédéric Héran, économiste et urbaniste a funiversité de Lille Et de citer des centres bourg tels que Coutances (Normandie) ou les places de parking sont dessinées en partie sur les trottoirs, et pas seulement sur la chaussée. Plus globalement, la toute-puissance de l'auto « aconduita penser toutes les infrastructures pour elle eréant des coupures urbaines (double voies, tunnels.) qu’on peut dificilementfranchir sans voiture, poursuit le chercheur. Que faire? Coté déplacements, les changements ne cofitent pas nécessairement trés cher, mais ils im- pliquent d'accepter de détréner la voiture reine, notam- ‘ment en aménageant la voie publique pour donner une > UN RECUL GENERAL DES SERVICES PUBLICS Variation du nombre de communes équipgesen services pubes centre i980 ¢t2013,en% vepare — Agutane — Arpuare au Preece Gendarmerie pal epimare | Ge ages “apteateaseae® Sabet at ec +7453 ns ae as ny 26 a3 ae -102 -107 1 -wapy E i 262 | ‘sGrandspleshasPats I teroye : id somaemciian Cormnerlrhositnedepties 06 al |] tetur:erorte ce carmunes appareratalacatape «moje etal re aeeamees a sues one D60 208 Seon age eee ena utares un arp an crete ] pitsoottderpus oecatgurinyeascensenson benSodautne toon lnmer ae ‘Stune vl wore gurantee 2000 01 000 eras ome Mee on Vy erg 69 eM ens — > vrale place aux pigtons et aux cyclists, Or beaucoup de plane de redyuamisstion des ceutres-vibevaneat encore avec sationnement facilité pour les voltures Les pétons et les eyelistes ot en efecla reputation de consommer pecs rontpas de coffes pou rans porter leurs courses. Bn real, las com ‘mergants surestiment systématiquement la le proportion deleurscientsquisedéplacent | Pr rolure Er image dupbcon qu pene dossier i§ Les élus locaux priétaires dimmeubles dégradés & les rénover, sous peine d'expropriation. Dans ce cas, les communes peuvent alors devenir propriétaires des murs, rénover, puis tenter de revendre & un investisseur.« Cahorsa pris des mesures dece yp, ilustre Jean-Claude Driant. Mais lavillea un joli centre ancien et est placée dans une région plus attractive que Bourges, parexemple.» La méme logique de controle des murs remplirson cabas est tenace»,regrette le SONt devenus ‘vaut pour les locaux commerciaux. La jouralisteOlivier Razemon, auteurdun des entrepreneurs _Semaest, un opérateur public local dé- livre consacré aux centres-ville. instituti dié a la revitalisation commerciale, a Desvillescomme Niort, Chatenuroux, _Wstitutionnels tcemplelancépourle compte dela vile ‘Aubagne, Castres ou encore Dunkerque (=) Se mettant de Paris le programme « Vital Quartier » (mais seulement le week-end pour cette NM CONCUTTeNce dans lequel ell rachéte des locaux com- derniére) ont par ailleurs decide de avec d'autres merciau, les modernise et accompagne rendre les transports en commun gra~ lomérations » _sfutursrepreneurs. «Or les problemes tus Danslesviles moyemnes ence, @BBlOMETatiONS ” ——Sonesimiaesa Purser Sant Pour. les recettes de billetterie couvrent une part marginale du coat total vu la faible fréquentation (par exemple, autour de 10 % A Niort avant le passage & la gratuité ou encore 12 % a Dunkerque). Si de nombreux observateurs critiquent cette démarche, Faccusant de dégrader la ‘qualité des transports par manque d'investissements et de conduire & des gaspillages et & davantage de ddégradations, ses résultats semblent pour le moment plutot positifs. A Dunkerque, la fréquentation a bondi, les incvilités ont baissé et le centre-ville semble etre ‘un peu plus attract, Mais cette gratuite ne moditie ppas fondamentalement la structure des transports: les automobilistesn'abandonnent généralement pas leur voiture, et les bus gratuits sont davantage em- pruntés par ceux qui les prenaient deja Concernant le chantier des logements et des com- ‘merces vacants, lenjeu consiste a prendre le controle ddes murs lorsquils sont dégradés ou & Vabandon. Les ‘pouvoir publics peuvent légalement obliger les pro- Pauvres villes-centre Ledépart des populations isées et la concentration de personnes ‘bauvres dans les centres-ville posent des problémes financiers auc ‘communes. Elles dolvent en effet continuer de payer des charges 6e- ves, « notamment pour entretenir des réseaux d'eau ou de chauffage _devenus surdimensionnés »,explique echercheur Yoan Miot.De plus, a vill-centre supporte souvent certains cod (médiathéque,théatre.., pour des équipements qui bénéficient & toute Cagelomération. En 2015,55 % des recettes des communes francaises venaient des lmpéts ocaux. 0s sont pourlaplupart assis sures habitants et les activités. En clair, quand es habitants (notamment es plus riches) et les magasins (notamment les plus gros) sinstallent en périphér a Ville-centre 'appauviit..sans que ses dépenses baissent fortement. Heureusement, les communes transférent de plus en plus une Large part de leur fiscalité auxintercommunalités. 70 ‘DESSE. | sure Magali Vergnet-Covo, responsable du développement territorial a la Semaest. Dans ledemier cas, vous avez de la vacance de commerces, mais dans le premier vous avez de la mono- activité: textile ii, banques la kebabs ailleurs. Dans tous les cas, sion diversifieou on relanceS % 410 & des com- ‘merces du quartier cela va eréerun effet de lever pour le reste du marché.» Reste que « les clients ne veulent plus seulement consommer ils veulent vivre une expérience agréable autour», aoute-t-elle. Pour faire face a cette cotteuse politique transversale de rénovation, le gou- vernement a presenté en décembre dernier un plan de revitalisation des villes moyennes, pour lequel il prévoit, de réunir 5 milliards d'euros. Maires contre maires Reste, enfin, une mesure moins coateuse mais plus difficile & assumer pour les élus locaux: un encadre- ‘ment strict des installations commerciales en périphé- rie, !Hexagone a en apparence des procédures d'en- cadrement complexes. Mais dans le fits Allemagne, Belgique, Royaume-Uni ou encore Pays-Bas ont davan- tage refusé de projets d'ouverture commerciale que la France. Depuis 1999 et apparition des communautés de communes, quelques progrés sont notables a in- ‘érieur des aggiomérations, note l'urbaniste René-Paul Desse, avec apparition de centres commerciaux plus, centraux et moins souvent en périphérie. Mais, « les lus locauex sont devenus des entrepreneurs institutionnels (~) semettant en concurrence avec dautres aggloméra- tions voisines ». Refuser des nouvelles surfaces com- merciales, et les emplois et recettesfiscales censés les accompagner, nest en effet pas simple pour un elu, Mais au fond, « faut-il vraiment porter @ bout de bras des centres-ville dont plus personne ne veut ?», se demande, mi-sérieux mi-provocateur, Jean-Claude Driant ? La question est légitime. Reste qui oit la France doit devenir plus sobre en mat consommation énergétique, laisser cour la périur- banisation pose un probleme tout aussi sérieux que lacrise des centres-ville. ‘Vincent rimautt 0396 vr 2098 trates Economiques Cae | ‘es nuages noirs chargés de pluie se succédent. Mais la haute ca- art Sanissanon ete Srewesced Steisceses52000 mbes a Senin moqucr Asche ie ‘murs de la ville offrent aux visiteurs un superbe spectacle architectural. Et des visiteurs, ily en a de plus en plus, depuis que le vieux centre de la préfecture du ‘Tarn a été classé au patrimoine mondial de Unesco en 2010. ‘Au début des années 1960, Albi est pour- tanten facheuse posture. A quelques Kilo- ‘métres au nord, les mines de charbon de Carmaux ferment progressivement, les en- {reprises albigeoises qui y sont liges aussi ‘Meme punition pour la caserne du régiment pparachutiste en 1992, Le centre ancien, in- salubre, se vide : sa population baisse de prés de 30 % entre 1968 et 1975 ". La mai- rie, qui sinquiéte de la fuite des habitants et des emplois vers la périphérie, met alors ‘en place une politique de rehabilitation du ‘centre par petites touches, essentiellement ‘partir de la fin des années 1970. Une réhabilitation progressive Rénovation du patrimoine immobilier teen pain ie sree chp Se nets tatacaeeas Pipette ects eee ractére plutot populaire. Autre élément décisif: la forte mobilisation de l'Etat. Pour a yas ens d’Albi-Carmaux (Emac) Albi, ville ie nde he ? dinnover et de se recon- : vertir « intervention de en transformation lacune pete enclle Pour contrer la fuite des habitants et des emplois, Albi sctant serve pour créer a misé sur la réhabilitation de son centre ancien et l'Etat ere eee sue rere sur l'offre de formations. Avec de bons résultats. torell, chargé de cours Tuniversité Albi. > 1398 ee 20187 AterativnsEconamigves 71 — dossier eM ens Coté commerces, en soignant son centre ancien, la ville a limité la déprise commerciale qu'on ob- serve souvent ailleurs. « Nous avons constaté qu’aprés chaque réhabilitation (place, batiment, rue.) les com= ‘mercants sinstallent en nombre stot les travaux finis», expliquent Ygal Fijalkow et Elsa Martin, sociologues &Tuniversité Champollion Albi, Les travaux sont «désormais finis et le vieux centre d’Albi ne ressemble pas a 'idée que l'on se fait souvent de celui d'une ville moyenne : enseignes de vétements, épiceries fines, restaurants, banques, coiffeurs... les vitrines vides sont rares, contrairement la description qu'un journaliste du New York Times a faite d’Albi en mars dernier, et qui a beaucoup fait réagir ici. Cela dit, quelques centaines de métres en dehors du centre ancien, jolies briques et vitrines soignées laissent place a des rues plus fades, davantage de stores baissés, d'immeubles décrépis. « La rénova~ tion d'Albi a eu pour conséquence de concentrer les ‘commerces dans les quartiers rénovés, en partie au détriment de la premiere couronne autour du centre », détaillent les deux sociologues. Au total, Albi a en- registré un peu plus de fermetures de commerces (871) que d’ouvertures (854) entre 2002 et 2013, « Un écosystéme vertueux » Ce maintien global du commerce de centre- ville n'a pas empeché I'aire urbaine d’Albi et ses 100 000 habitants de eréer les classiques zones com- ‘merciales aux abords de la ville. « On a owjours peur ddeszones commerciales, mais sion sefixe une limite, et ‘jepense qu’a Albi nous Pavons atteinte, commerces de ‘centre et de périphérie sont complémentaires », assure Stéphane Kuntz, gérant de la petite surface Utile si- tuée au coeur du marché couvert d'Albi, et président de association de commercants Les vitrines 4’ Abi «Nous vendons aus touristes et aux habitants ~plutot ‘populaires - du centre ancien. Mais chacun, y compris les commergants du centre, va faire ses courses au grand Leclere une fois par mois.» ‘Acoté du Leclerc et des autres enseignes qui bordent Vautoroute menant 4 Toulouse en une heure, Vincent Lemaire regoit dans les locaux de Safra,L'entreprise de carrosserie automobile, fondée en 1955, est l'un des principaux employeurs de 'agglomération, avec ses 200 salariés, Rester 4 Alli xn frein pour cette PME, qu est notamment spécialisée dans les bus électriques ? «Aucontraire, dans une ville dela taille Alb tout estfa- ile pouros démarches: maiie, chambre de commerce et industre, centres de formation... vous aver rapidement des réponses.a vos questions.» « La proximité etl intelligence de tous les acteurs ont permis de eréerun écosystéme vertueux pour chacun », confirme Jocelyne Sanchez, directrice de la pépiniére entreprises Albisia, qui accompagne treize jeunes sociétés. Parmi elles, Neotim (cing salariés), spécia- lisée dans les capteurs thermiques et cofondée par Elian Coment. Arrivé & Albi grace & Ecole des mines, ce dernier confirme que « les liens que Ton acréés avec Ecole et qu'on entretient, les échanges a la pépiniére entreprises ou encore avec les autres industriels nous permettentd avoirdes idées, puis de gagnerdes marchés dans la région etau-dela. innovation n'est pas lige @ la taille de la ville. Cest une histoire d’ hommes.» Lombre de Toulouse Les hommes et les femmes, il n'est cependant pas toujours simple de les faire venir & Albi: « Petite boite, petite vile ca n‘artre pas forcement un jeune ingéntew, surtout quand le deuxiéme membre du couple doit rou- veruun travail qualifé», regrette Vincent Lemaire. Mi «aprés leur premier enfant, les gens cherchent a améliorer leur qualité de vie. Et, Albia une belle carte jouer. ‘Adeux pas de 'Ecole des mines, Fabien Nazaret, jeune chef d'entreprise formé & 'école voisine, confirme cette idée dans les locaux d’Aurock, société de 18 salariés quil a créée et dont activité principale consiste a former des, pieces entitane notamment pour Airbus. « Pour”moi, il était inconcevable dalleré Toulouse avec ses bouchons et soncadrede vie dégradé Autoroute, train, haut débit: nous avons tout pour produire ici», se réjoui ‘Toulouse nest jamais trés loin lorsqu’on parle ‘Albi. « lya une forme de schizophrénie entre Tenvie de ressembler Toulouse universté innovation, culture) et de sen diférencier»,s'amuse Frédéric Martorell. « Albi pourrait sen sortr sans Toulouse a cote, mais peut-étre pas aussi bien »,juge Elian Coment, citant comme les autres la présence de 'aéroport et le dynamisme de la métropole. Un avis globalement partagé par Stépha- nie Guiraud-Chaumeil, maire (sans étiquette) d'Albi, qui liste toutes les actions entreprises par la ville et la communauté ¢agglomération, avant de conclure « Rien ne vient jamais spontanément sur un territoire ‘moyen. Il faut constamment se mobiliser pour donner envie aur gens et aux activités de venir » «Albi coche toutes les cases dela ville moyenne Préfec- ture tranquille pas partculiérement industrielle, un pew vieillissante Entre Ecole des mines et innovation, services informatiques, université vieculturelle.,elleaplutdtréus- sia transition, parpetites touches», résume Josselin Tallec, éographe & Toulouse, avant de nuance: « Elle aun peu délaissé les couronnes précaires autour du centre ancien.» reste done quelques nuages, au-dessus de la cathédrale Sainte-Cécile. ‘mvincentcamast I Lert des commen cecil une igs angen eae Ab non arr cance | Les villes moyennes doivent se réinventer ENTRETIEN Entre les métropoles et les espaces ruraux, les villes moyennes tentent difficilement de trouver un nouvel équilibre. Regards croisés. Lacatégorie«villes moyennes » elle vraiment un sens ? Caroline Cayeux : Les villes moyennes ont une nées 1980, les mutations économiques favorisent les grandes agglomérations, qui concurrencent les villes moyennes sur le plan de la production. Les popu- lattons sutvent cohérence, ne serait-ce que 7 et migrent da- enacts . Monatronsowentioue | j2mete, et dispensable du territoire les territoires les uns Enfin, les villes frangals La ville de Beau caainecneu contre les autres pour mareauee pi eet ge | acest lesprojetsdimplantation ‘re Ss: nombreuses communes | “™s*™=™® commerciale » Ja reconfigura- proches, qui ont moins de 1000 habitants. Comme les autres villes moyennes, elle joue le role de trait, d'union entre les grandes villes et ces petites com- munes et offre la majorité des services publics. Il ne faut cependant pas s/appesantir sur les categories, qui tendent a fausser le débat en opposant artificiel- Jement les terrtoires. Philippe Estébe : On trouve des villes moyennes & peu prés partout en Europe, mais leur rdle est plus important en France, pays a la population peu dense et dispersée. La ville moyenne typique est une pré- fecture, ou une sous-préfecture, qui est un relais de Etat pour couvrir espace hexagonal. Les villes moyennes ont par ailleurs joué un role de verrou par rapport a l’exode rural. Les grandes villes frangaises ont sance lente et tar- dive, car le passage du village a la Dans les territoires relativement riches ile et dynamiques, les villes moyennes tion de la géo- graphie des ser- vices de 'Btat. Mais cela ne signifie pas que toutes les villes moyennes soient en crise, loin dela C.C:: La crise des villes moyennes est surtout po- litique. Pendant des décennies, personne ne s'est préoccupé des villes moyennes. Au contraire, sous le quinquennat de Francois Hollande, Etat a soute~ nu la création de grandes régions et de grandes mé- tropoles. Cette mode du « bigis beautiful» a créé un ‘malaise social :les habitants des villes moyennes ont le sentiment ’étre abandonnés. Nyy art-lpas surtout une crise des centres-ville ? P.E-: Cest évident La trés grande majorté des villes moyennes a connu, & 'instar des grandes villes, un étalement des ménages et des activités, qui se font au détriment des centres his- toriques. Les logements et les commerees n'y corres- esteniasswent se portent plutdt bien ; Benen ph edema fait en direction de itoi eta circulation automobile lapettevitleoudela dansles territoires Yes dificil ville moyennela plus €N grandes difficultés, CC: Les villes moyennes, proche. Cette atti- elles vont mal * ‘comme d'autres territoires, ance pour les villes moyennes s'explique aussi par la présence d'activités, industrielles. Il existe done une certaine pertinence historique & parler de villes moyennes, mais elle est moins évidente aujourd'hui. Yact-lldonc une crise du modele des villes moyennes ? PE. : Les trois fonctions historiques des villes moyennes s‘affaiblissent. A partir du milieu des an- hltope eect seta des hate: Gudesenaménagaret etdelopperent deste ‘eEope ede) cconnaissent un taux de va~ cance commercial élevé. I ls s'explique principalement par 'accroissement constant des zones commerciales, avec la bénédiction de beat coup d'élus des générations précédentes, Par ailleurs, d'une ville voisine a une » Estabe stogache 73 — dossier 74 eM ens > autre, en cas de refus, ou d'une ville ‘moyenne & une autre, sur un méme bassin de vie, on a trop souvent Joué les tervitoires les uns contre les autres pour les projets dim- plantation commerciale, en tentant de faire venir, eoate que cotte, des ‘consommateurs extérieurs a notre zone d'influence classique. Nous avons abouti a des centres com- ‘merciaux beaucoup trop grands qui affaiblissent le commerce de centre-ville. I faut done réguler plus strictement. Les villes moyennes sont-elles coin- céesentre métropoles et rural, avec les inconvénients des deux, mais sans les avantages de chacun ? C.C:: Pour nous. la bataille est difficile. D'un c6té, les emplois et les entreprises ont tendance aller dans les métropoles. De l'autre, Vespace rural peut offrir maison individuelle et jardin. Mais la place des villes moyennes dépend de leur environnement. En Ardéche, celle d’Annonay ne se discute pas : 1a, ville est indispensable au territoire, car elle irrigue et structure offre de services - notamment médi- ‘caux ~ sur tout le nord Ardéche. En revanche, les villes moyennes proches d'une metropole doivent trouver un autre équilibre: profiter de la métropole ‘sans se laisser vampiriser. Mais elles ont toute leur place dans la France urbaine du XI siécle. P.E.: Je suis d’accord. Autour de Toulouse par exemple, on trouve tous les cas de figure : une ville moyenne trés dépendante de la métropole et qui glisse vers des fonctions purement résidentielles (Montauban) ; une ville moyenne qui développe une capacité propre de production de richesses (Albi, voir page 71); une ville moyenne qui ne parvient pas surmonter une crise industrielle (Castres) ; tune ville moyenne qui se vide progressivement au profit de périphéries qui offrent, pour des ménages modestes, la possibilité d'accéder plus facilement ‘ila propriété (Carcassonne) ; ou encore une ville- champignan qui bénéficie d'apports de ménages et activités issus de Faire urbaine de Toulouse (en- semble Pamiers-Foix). Plus loin, Rodez ou encore Aurillae, deux villes moyennes isolées, continuent de jouer un réle structurant pour un vaste espace. Plus xénéralement, les villes moyennes suivent la ten dance de leur territoire: dans les territoires relati- ‘vement riches et dynamiques, les villes moyennes se portent plutot bien ; dans les territoires en grandes difficutés, elles vont mal C.C:: Jajoute que les villes moyennes eréent incontestablement des dynamiques qui leur sont propres. Chacune doit se spécialiser économi- ‘quement, comme nous avons choisi de le faire & Rodez et Aurillac contiwent de jouer un le structurant als pourunvaste espace Quand pi} autres n'y parviennent pus. Beauvais avec 'agroalimentaire. Il faut aussi o toute une gamme de services de qualité, pour que des potentiels nouveaux habitants se disent:« Sije vais & Beauvais, je vais trouver un emploi de qualité dans Vagroalimentaire, mais aussi un cadre de vie agréable. » Cest la clé dela résistance de nos villes par rapport aux terrtoires plus favorisés, qui sont principalement au sud dela Loire. Les politiques publiques ont-elles abandonné les vlles moyennes ? Le chéque de 5 milliards d'euros annoncé récemment parle gouvernement vise-t-il acheter la paix territoriale ? jepuis quarante ans, les villes moyennes Nous nous réjouissons donc de attention que le ‘gouvernement nous porte actuellement. Sur un autre plan, Villes de France s'est toujours battue pour la défense de leur desserte ferroviaire. Supprimer les, transports publics, en particulier ferroviaires, clest isoler le territoire. P-E.: Les politiques publiques n'ont pas abandonné les villes moyennes. Lihopital a par exemple toujours, été défendu et y reste souvent le plus gros employeur. Les régions les ont également choyées en maintenant {bout de bras des liaisons de train parfots peu ren- tables. Cependant, la cure d’amaigrissement subie par les services de IEtat et parfois la perte de statut de capitale régionale (Chalons-en-Champagne, Limoges, Poitiers, etc.) a des effets en cascade sur la présence autres activités. Ce qui prouve & quel point ces villes sont dépendantes de ’économie publique. 5 milliards euros, cest une somme importante, destinée en ef- fet & calmer le jeu. Mais elle ne changera rien & enjeu central des villes moyennes : comment trouver des substituts a "économie lige au secteur public qui ne progressera plus? mProposrecelispar Vincent Gimautt 0396 vr 2098 trates Economiques

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