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m.as 2zi

ti in DU MÉME AUTEUR PAUL ZUMTHOR

AUX :vIÉSIES ÉDITIONS

Essai de poeticue rnédieuale


coll. • Poetique - 1972
u Langue. Texte. Érugme LA LETTRE
col!. • Poétique-. i 975

ti Le Masque e: la Lurn. ilre


con. • Poeuque • . /978
Introduction á la poésic orale
ET
coi!. • Poésique -. 1983
u
CHEZ D'AL-MES EDITEURS
LA VOIX

u Histoire littéraire de la France rediévale

DE LA . (LITTERATURE- MEDIEN/ALE
PUF

1 Langue et Techniques poétiques 'á l'époque romano


Klinck.steek
Le Putts de Babel
_ lii+f20a0CciON-
_ cprP 4.2
H
Gallintard
u Victor Hugo. poéte de Sama
Latían:

u
1 PCEUE. A vEC LE CONCOURS
DU CENTRE. VA TiONAL DES LITTREs

N
ÉDITIONS DU SEUIL
u 27. rue Jacob. Paris VI`

II

1
1. Perspectives

Le ?Fu:irrite/T[1u. Les muiriples 0/Ciitét. • Dépiacements nécessaires. Reperes


spano.lemporeis.
á
C'est á propos de la chanson de geste que se posa d'abord. en France.
le problerne: ailleurs. á propos de formes diverses de poésie heroique, du
Beowulf aux Nibelungen et au Cantar de mea Cid. De ce domaine
pnvile g ie. les questionnements s'étendirent peu á peu 3 d'autres secteurs
de notre • iittérature medievaie -, au gre de circonstances tenant S la
nature des textes. des langues concernées. voire des traditions scientifi-
ques locales et des contraintes universitaires: ainsi. dans l'auvre de Jean
Rychner. l'un des principaux initiatcurs. !a focalisatton se depided. cc
respace de cinq ans. de la chanson de g este au fabliau. Rien de surpre-
nanc á ce qu'une rupture se soit produice dans les présuppositions des
chercheurs. justement sur le premier point. Des habitudes héntees .clu
romantisme poussaient á ran ger elobalement de tellesieuvres sous Vett-
quette d':. épopée et cede-c: renvoyait á Homtre. chasse g ardée des
poenciens de forma • on classique. La découvene. déjá ancienne. de !a
multiplicité des couches textueiles dans Mude et iDayssée naval( nen
enleve á ces poérnes de teur caractere exernpiaire: avait á peine distendu
te lien. intime et irrationnel. qui les actachait á une conceptton de le
poésie. genérale en Europe depuis le xvr stecle. D'oil une valonsatior
des epopees- medievales. dans le contexte des revolutions romantiques.
L'exemple int:pis est le plus clair : de Francisque Michel (en passant pa:
Victor Hugo; jusqu'a Joseph Bédier. on assiste á une récuperation de:
chansons de g este. legues et ciéchiffrées comete les documents originel
de la littérature nationale.
D'oil la force du choc quand, deux ans aves ie Romancerb de Ntenen
dez Pidai. parta en 1955 la Chanson de geste. essai sur Van éptque de.
jongleurs. de Rychner. Celut-c: sinspirait des communicacions présen
lees en 1936. puis en 1951. par A. B. Lora á rAssociatton américaine

15
INTRODLCTION PERSPECri‘ ES
philologze: exploitant les recherches de son maitre Perry. pré:naturément :undée sur la sede démarche compareciste. dudan le vénzable procli-
décédé. Lord expliquait les particularices du texte homérique par les he 2 . En fati. pour cette raison mime. sans doute,ne passionna
nécessités propres á la transmission orate chez les aedes, et rendait dans les années 60-70 qu'une minorté de médiévistes: et aujourd•hui.
compre de celles-ci en decrivam la pratique de guslar ser bes et bosniaques chacun tenerle ses positions pour acquises. Finten: retornbe.
observes ven 1930. Aucour de Lord. Rychner rarneuraic d'autres sources. L'impression. ressentie par beaucoup. de deboucher sur une impasse
plus anciennes et demeurées inconnues des médiévistes. :els !e lisie de provient de ia nature mime des procédures employées, au cours des
L. Jousserandoc sur les Bylines russes (1928) et — beaucoup plus im- années. pour localiser approximativernent, dans l'écendue et !a duree
portant á long serme — celui de Marcel Jousse sur :e Sede oral e: — s'aglt-il en effet d'autre chose? —. les faits d'oralite médiévale. De
mrsernorechnique chez les verbo-moreurs 11925).
ces procédures. ie n'u pas á refaire ici le catalogue. Un znalentendu
Rychner opérate sur neuf chansons de geste du siécle (certaines embrume l'hortzon. qu'il importe d'éclairer d'emblee: bien des specia-
représentanc sans doute une tradinon un peu plus anciennet. 11 relevait. listes (oublieux d'un important anide publié des 1936 par Ruth Crosby/
dans l'ordre de la composicion. de la texture verbale et du mouvement admectent taciternent que le tenme d'oralité. en deeá de la transmission du
general. les ressemblances, sur plusicurs points frappantes, entre ces message poitique. implique son improvisacton: la plupart laissent leur
N poimes et les chants yougoslaves. II en déduisait une homologte que Fon lecteur dans le doute. Paute de s'are posé la question. rant de
pouvan étendre aux conditionnements extornes de l eceuvre: action du querelles suscitées par la théorie de Parry-Lord. élaborée pour rendre
récaant. distribution des séances, inserion dans !a sic 50Ciale. Le livr: compre de procedes de pseudo-improvisation épique. mais prise pour
laissait bien des points obscurs. et l'auteur s'etair peut-étre facilité la définitoire de toute poesie orate. De mime. on exposé bien des
táche par le choix des exemples. Peu importe : un tournam dan pris. Un divaeations t'atice d'avoir distingue entre tradizion orate e: transmissum
congrés. reuní á Liége en 1957. en mesura i'enverzure._ en mime temps orate : la premtere se stcue dans la durée: la seconde. caos le présent de la
que l'inergie de ceux qui eardaient la main sur le fretn! Dans les dix ans performance.
qui suivirent. recherches et hypotheses se multipiiérent. Une méthode de En verte. le fait de Voralité. réduit aux termes oil r' onc. assez som-
dépiscage de l'oralité s'était constituée. d'autant pius süre d'elle-mime mal:en-tent. definí tan( de savantes contributions. sincere mai dans la

n que plus attaquee de l'extérieur. Ses tenants n'hésitatent pas á nrer une
doctnne des conclusions erapinques ter du plus grand trueno
permettait datteindre. Dés 1967. N(ichaet Curschmann pouvait. l'in-
leur
perspective genérale ues études medievales. II y tigure désormais: c • est le
seui pum( assuré: mais de facon marginaie. comme une curiosité. torre
une anornalie Au pis, on en prend son pum: toute nature produit ses
rention des médiévisces • Parre un hilan. encore somrnaire. Man. á la fin monstres. ce n'est pas une raison pour faite de la térarotogte la mesure Ce
des années 70. paraissaient successivement en Allemagne le premier :out! On oublie qu'une ••anomalie -. [est un fait en quéte d'interpreta-
ouvrage de synchése et de bibliographie ainst qu'une antholozie d'anides non. Jamais jusqu'id Fon n'a tenté mime d'interprete: l'oraticé de la
parus entre 1953 et 1977 sur l'oralité de l'épopée médiévaie anelo- poésie mediévale. On s'est contenté d'en conscater l'extstence. Or. :out
saxonne cc allemande: la chanson de g este y dan touchée par le biais de comme un squelette fossile. une fois repiré. doit erre digné des sédt-
la musique Aussi bicn, les résistances demeuraient foses. En 1978 tenis qui Vernorisonnent. de mime la poesie médiévaie doit Vare du
encore. au Comes de la Société Rencesvals. rezroupant la ptupart des mtlieu tardif oú l'extstence des manuscnts luí a permis de substster: ces
spécialistes européens et américains en la metiere. l'un d'eux fulmtnait dans ce rndieu que se conscirua le préjugé faisant de l'écriture la forme
contre le • précendu caractere oral des chansons de geste». Sa communi- dominante — héeérnonique — du langage. Les rnéthodes elaborées sous
canon fut sti p/te d'un deba( qui. me semble-t-il. toumait á sa confusion. I' intluence de ce préjugé (en fait, toute la ptitiolocie du XIX' 5-tecle. ec du
mais revelan plus encare á que! point. de pan et d'autre. l'areurnentation. nórre encere pour une pan non seulernent tiennent peu de compre de
i. Curscamann 1967: Haymes: Voorwineen-Haan 2. Calas-Ouggan.
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INTROOLCTION PERS PECT1VES

leurs limites de vaiidité. mais ont du mal á 1.tcrrniner. dans :a profondeur demeure externe. parnelle et retardée. et «diré seconde quand elle se
chronolostique. la juste distante considérer leer objet. Recherches et recompos e á partir de l'écnture au sein d'un milieu tend á
raexions sur !'oralité de la chanson de geste ( je prends cet exemplel °ni exténuer les valeurs de la voix dans l'usage et dans l'imagmaire. En
etc jusqu'id pour atar d'ébranler quelque peu les assurances. d•auénuer inversant le point de vue. on dirait que l'orante mime procéde de I l exis-
la portee de plusieurs termes et de diffuser un cern nombre de doutes cence d'une culture ..éctite (au seas de possédant une écriture -):
communs. Elles ne nous ont point apporcé de ceraude. Mais. justernent. Foralité seconde. d'une culture •lettrée • ton tome expresston est mar-
la questton n'est pas celle d'une certicude. C • est ceile de notre mode de quee plus ou monis par la presence de l'écriú. Entre !e et le xvr
perception et. plus encore. de notre volonté d'ouverture. impliquant une de. prévaiut une simation d'orante mixte ou seconde selon les époques.
incéeradon. dans la lecture de nos vieux temes. d'une sone d•imadnacion les rézions. les c!asses sociales. sinon les individua. La réparicion.
cnnque. De ce point de vue. peu importe la chanson de geste comete revanche. ne suit aucune chronoiogie. méme s'U est. en gros. vraisem-
selle. Cest un phénoméne general qu'U convient de considérer. bien en blable que !'importante relative de l'oralité seconde se sois accrue a partir
deba d.. la maténalité de tel genre parnculier: le phénoméne de la voix du xtilt siécie. Le plus anclen poéme • francais -. la séquence crEulalie.
humaine. dimension du teme poéttque. déterminée á la fois sur les plans peu antérieure á 900. composée par un moine lectre á l'intention des
physique. psychique et socioculturel. Si les discussions sur !'oralité des tideles assemblés dans l'ézlise de Sainc-Amand. prés de Valenetennes.
traditions podiques ont aujourd'hui perdu ;out mordant. ce n'es( pas rdevait d'un régime d'oraiité seconde; les onginaux populaires de ce
— ou ce n'es( que secondairernent — cause de l'équivocue des faits. que j'ai nominé !es -chansons de rencontre aux '<ir et mil` stécies. se
Ces( parte que — 'norrnis quelques fugaces exceptions — cene oralité transrnettatent probabiement en régime d'oralicé mixte.
n'es( interro g ee ni sur sa nature ni sur ses fonctions propres. non plus que Deuxtéme remarque : Au sean d'une société connaissant l'écriture. tout
le rrioyen á g e en cara que lieu de résonarce d'une voix. texte poétique. dans la mesure oit il vise á etre transmis á un public. est
macere:le:nen( soumis á la condition suivante : chacune des c:nq opera.
tions qui conscicuent son hiswire (sa production. sa communtcation. sa
réception. sa conservation et sa repétitioni se réalise soit par vote senso-
Troce remarques genérales. avant de poursutvre. nene orale-auditive. soit par le moyen d'une inscription &fent á la
II convient — d'abord — de distinguer trois types d • oraiité. corres- perception visuelle, soit — plus rarement — par ces deux procederes
pondan( á :mis situations de culture. L - un. pnmaire et immédiat. ne concurrernment. Le nombre des combinaisons possibles est eleve e: la
comporte aucen contad avec !'¿triture: en fait. il se rencontre sec.:temen( probiématique. ainsi. diversifiée. Lorsque commumcation ez réceprion
boa dans des sociétes depourvues de tour syméme de symboiisation (ainsi que. de maniere exceptionneile, production> coincident dans le
graphique. soit dans des groupes soctaux isolés et analphabews. On ne ternps. on a une situation de performance. .
peur douter que tel aic été le cas de (arces secteurs du monde pausan Troistéme remarque: Lorsque le poéte ou son interprete chance ou
médiévai. dont la vieille culture, traditionnetle. opprimée. archéo-civili- recite fique le texce sol( improvisé ou mémorise). sa voix seule confére á
sanan ernplissant les vides de l'autre. dut componer une poésie d'oralité celui•ci son autoricé. Le orestige de la traciition. cenes. contribue á le
pnmaire. dont quelques bribes subsisten( peur-étre. recuetilies par des valoriser: mats ce qui l'inte g re á teme cradition. des( l'action de ia voix.
amateurs de pictoresque : amsi. au mtr • siécie. dans bien des sermons Si le poéte ou !'interprete. en revanche. lit dans un livre ce qu'entendent
ils per:le:tem au prédicateur d'illustrer piaisamment ou allécoriquement ses auditeurs. l'autoricé provtent plutót du livre comete tel. objec visuet-
son theme. II n'est pas douteux cependant que la quasi-zotaiité de la lement percu au centre du spectacle periormandei; l'écriture. avec !es
poésie niediévale releva de deux autres :jipes d'oralité. don( le watt vaieurs qu'elle sittnifie et maintient. est explicitement parle á la perfor-
comrnun est qu'ils coexiste:u. au sein du groupe social. avec l'écnture. Je mance. Dans le chant ou la récitation. méme si !e texte declamé a été
les at nommés respectivernent oralité inicie quand l'influence de l'écrit y composé par écrit. l'écnture reste occultée. La lecture publique. par lá

18 19
1N'TRODUCTION PERSPECTIVES
. • ..
mime. est monis cheatrale. quelle que son par ailleurs l'actea du lecteur:
ores de sa source n , comme disalt Paul N'atén, . Cene beauté peut. il est
la présence du livre. élément fixe, (reine le mouvement dramatique. mut
en y introduisant des connotations originales. Elle ne peut néanrnoins vrai. se concevoir comme particuliére. propre á l'individu emetteur du
son vocal : á ce cutre. et sutif exception difficilement imaginable. ene nous
a elimine( la prédominance de [cite( vocal. reste insaisissable. par-dela de si !emes durées. Muss elle est concevable

mi
La coexistence. dans la pranque culturelle. de ces conditionnernents aussi comme historique et sociale. en ce quede una les étres et. par
poétiques divers est universellement actestee en Deciden!. de l'Irlande á la
I • US3IIC qu'on fan d'elle, module la cuirure dommune. Dans le texte
Nioscovie et de la Nonege i l'Espa g ne. du x' ou xc e siecie aux
prononcé. ne serait•ce que du seul fan qu • ii Test. s'invesztssent des
XvIr. parfois xviti". Les comoinaisons. en revanche. de cano de facteurs puisions ci • oti provienc pour l'aucticeur un messa g e specifique. informant
au iré des circonstances en g endren: des situations trop multipies pour ne
e: formalisan t á sa facon celui du texte: ce que Fona g y. dans un lisre
pas estornper (aux yeux de l'observateur rnodernei leur trait commun.
Q Beaucoup de médievistes son: ainsi pones á négliger ou á le tenir
ricen:. nomme. au sens !e plus fon du rerme. le styie vocal
momeen quelle l'énonce, la voix transmue en
Au
le si g ne symboli-


pour acquis. c'est-a-dire nul ec sans effet : et cela d'autant plus que cien nc que délivré par !e langage: elle tend á le dépouiller. ce si g ne. de ce qu'II
perno: d'anacher de (*non scable á tel genre poétique tel mode de comporte d • arbitraire: elle le motive de la présence de ce corps dont elle
zransmission: aucun indice. dans la tradition documentan-e ni dar.s les emane: ou bien. par un effe: contraire ;mis anaiogue. avec duplicicé elle
textos. ne nous interdit de penser — mime si cela est peu probable —que décourne du corps riel l'anention. dissimule sa propre or g anielté sous la
talle chanson ait un jour été !Lie. á voix parlée. devane un zroupe d'audi- tiction du masque, sous la amigue de l'adteur á qui pour une heure elle
teurs: certains rabliaux n'auraient-ils pas éte chances. i l'imitar:0n ironi-
u que peut-etre d'une chanson de geste. comrne Audigeer : d'une chanson
lyrique. comme &alter. dont la forme métnque repu g ne. me semble-t-ii.
préte vie. A l'étalemenc prosodique. á la temporalité du langage la voix
impose ainsi. jusqu'a les gommer. son épaisseur et :a venicallud de son
espace.
á la simple recimtion?... Les possibilités éclatent. :es schemes présuppo- Ces: pourquoi je pretere. au mor d'oralird. ce!ui de vocaüre. La
1E1 ses s'ettricent dans le doncret. Reste l'omniprésence de la v oix. pude:-
pan:. sa pleme maté:lance. I la g ond: lance du texte. e: par iá modinant
vocalicé. l'historicité d'une voix: son usa g e. Une longue tradinon de
pensee. il est vrai. considere et valonse la voix en tant qu'elle porte !e
en quelque (non pour nous les re g les de sa lecture. lanz.a g e, qu'en cite e: par elle s'articulent les sonorices signiBances.
u Lacte d'audicion. en effec. par Jeque: l'i g uvre tau terne peut-etre dan
lon g procese se concrétise sociaiernent ne peut pas ne point s'inserire par
Pourtant. ce qui doit nous revenir davancage. c'est la ioncnon iar g e de la


voix — dont la paroie consucue la marniescanon la plus evidente. mais ni
anticipacion dans le texte. comme un projet. y tracer les signes d'une la seule ne la plus vitale : je veux dise l'exerc:ce de 53 puissance physioio-
intention: e: celle-ci definir. pour une paro. le iieu d'aniculation du gique. sa capacité de produire la phonie e: d'en organiser la substance.
discours dans !e sujet qui le prononce. Ce:teSoné ne cien: pas au sens de maniere irnmédiate : elle ne laif que
procurer son heu. Ce qui se propose ainsi i l'attention. d'es: raspee;
con ore! des cextes médievaux. !eur mode d'existence ea tan: qu 'objets de
pe:ce:anon sensonene : aspec:. mode d'existence eui. z.prés tan: de sil-
Ainsi. non moins que de domine: les techniques de la philolo g ie e: de des. relevent pour nous de cene sone de memoire. toujours en :erran.
l'analyse texwelle. la tache idéale uu médievisce senil de se convamcre macs prite á intervenir pour résonner la langue. presque á I • insu du
des valeurs incomparables de la voix : d'y sensibiliser son attention: sujet qui i'aurait comme appnse par ctrur • comme l'écric suoerbement
nueux. de les vivre. jar elles n'existent qu • á chaud. indépendamment des Roger Dragonear'. L'éloienement des ternos. cene si longue absence.
concepts dans lesquels force est bien de les empnsonner pour les diente.
Nocre ¿lude devrait pulses son inspiraccon et son dynamisme dans la
3. Fonagy. p. 57-176.
considération de cette beauté interieure de la voix humaine. pnse au pius 4 Dragonea' 1984. p. 369.
20
INTRODUCT:ON PERSPECTIVEs

nous contraint á poursuivre ce que nous savons ne pouvoir atteindre : c'est conce voir comme une origine. notre enfance. dans le droit fii orzar!.
les
done en nous que se joue le son de la paradoxale connaissance á iaquelle que de ce que ROUS voici devenus: et de leur supposer. par 15 méme
ainsi nous aspirons. Nul dome que la voix medievale ide méme que le (insidieuse ment), une unité qu'ils n'eurent pas. c'est-a-dire. sous quelque
chane dont nous entrevoyons quelle put étre la pranque: ten repugné á se pretexte methodolo g ique et dans n'impone que: stvle que ce son. de
laisser capturer dans nos métaphores. inspirées par une hantise du dis- folklorise r le - rnoyen áge On ne dialo g ue pas avec le folklore. On en
cours prononcé. lindaire et homophone pour eelui•c:. ternos comme g rave des disques 3 l'intention des touristes. Dans l'erran que nous
espata constituent un recipient neuzre. oó se déposen: des sons cumme sommes cn droit de temer pour percevoir un echo de cene voix ancienne
une rnarchandise. Mais il est une autre voix — une acure écoute á et en evaluer la portee. nen ne nous égareran davantage que la recherehe
du reste. nous invite notre musique !a plus récente — qui se d'un pittoresque : d'une facilité.
:efuse á penser l'un. se refuse i réduire i'acte vocal au produic d'une Évitons de pitee á ces textes plus qu'ils ne nous livrent. ni plus qu'ils
chaine causale univoque. ne dissimulent. Reste que la civilisation de l'Occ:dent medieval (tic celle
C'est dans la perspective de son ultime incapacité d'éprouver (sinon de des populations d'une pente presqu'ile extreme de l'Eurasie qui, durant
prouver!) que fe medie s-P iste enregtszrera ce fait majeur — et qui( s'effor- un millenaire. et de cauces maniéres. dans tous les domaines. á tous les
cera d'en me:. sur le plan de rinterprétation. les conséquences : l'ensem- niveaux. consacrerent l'essennet de !eur energie á imérioriser leurs
ble des textes á nous le g ues par les Xe . xie . siecles. et dans une concradictions. C'est dans ces limites. et dans ce sens. que l'on ¿voquera
mesure peut•étre moindre mil' e: !n ye . a transité par la voix non pas de [maticé fonciere de leurs cultores: comme un ensemble complexe e:
Caqui aleatoire. mais en verzu d'une situation histormue taisant de ce liétérogene de conduites et de modalités discursi v es coenmunes. determi-
transit vocal le seul mode possible de M'alisar= — de socialisation —de nant un systerne de representations et une faculté de taus les memores du
ces textes. Teile est ma thesc — ou mon hypothese. Elle embrasse corps social de produire cenains signes. de les identifier et de les inter-
naturellement les chansons. mais aussi bien les recits et Ude:mations de preter de la méme maniere: comme — par lá rnérne — un acteur entre
:out genre. les chroniques méme. Seui pourratt exi ge:: un examen dishrict :nitres d'unification des acto:nes individuelles. Rien de plus: mais la
le coman: je le feral. Sans dome exhumeraic-on quelques cas excepuon- portée de ce trait est considerable. car il itere source nrentiere de
nets ils seraient. une (bis repares. a considere( un á un. comme echap- [autoricé régissant la pratique lit déiatn de rieles:duele) d'un monde. 11
pene a la norme. nous reste. par notre maniere d'ausculter ces signes. á y (aire resonner le
II s • agit de dialogue: ave:: des termes anc:er.s. porteurs d'un discours non-dit: i ne jamais oublier que tou: ce que nous livrent les manuscrits
que. reduits a notre seule instrumentation intettectueite. nous n'entendons médiévaux fue le produic d'une censure — cede :neme par-detá Fintar-
plus. Ve subsiste que la possibilite de cIrconsente cc d • éciairer quelques vention des clercsi qu • impliquait la mise par écrit.
seczeurs-carrefours on convergenc de g randes perspectives et °U. dans leur Plus ou moins eonfusement. la Munan des medievistes le savent au-
:ame. se reforme ilgurérnent cspace. L'oraiité de !a poésie médievale est jourd'hut. D'oil un cuneux retour parfois du romantisene originel de nos
motns une question de fait. supposant reconstitution et preuve. que études : il suffit que se dessine á l'horizon une orooabilite. méme lotruaine
d'explication. visant á surmonter une alterné réciprcxwe. La voix medié- ou purement anaiogique. d'oralité. pour que joue !e présupoosé : Au
vaie n'est pas la mitre. du moins cien ne nous assure que. dans son commencement était le Verbe. Ces facilites ne cessent de suseiter de
enracinement psychique ni son déploicment corporel. elle lui son idenn- si g nes réactions né g ati v es. ainsi d'un Riecer récernenent a prcoos des
que : le monde dese desintegre. p i: elle :ésonna cc ou elle engendra — :el troubadours mémes: d'his p anistes arnericains comme Micha¿! Walker et
est le seul point cenain — la dimension d'une prole. C'est pourquol. d'atines: plus violentes et fortemenc documentées du gerrnantste
dans la considération de cae Autre, ces huir ou dix siécles decoupés i pour M. J. Scholz pour qui l'évolution du tvpe oral-audittf de transmission des
d'obscurs motiis ideoloeiques. non moins que par commodité de pédago- textes vers le type graphique• v isuel ¿tan deja tres avancée au milieu du
gum dans la continuite des durées. une doubie ternation nous gue:te: de Xli" siécle. et qui fan remontes á cecee époque nos pratiques rnodemes de

22 23
INTRODUCT1ON PERSPECTIVES

lecture. Scholz &arce comme atvpique et fonuite cauce communication connaissanc e rnecessairemenc indirecce) que nous pouvons en avoir passe
verbale. hesite mente á en admettre la eenaralité dans la poésie !ynque. par une investreation de ces dermares.
Toure faussée qu'elle est par le prejugé, cette position a le Brand mente de Peut-atre sommes-nous aujourd • hui mieux que naeuére aptes á cene
déplacer Pacten[ du texte mame vers le public qui le regoit. e: de tache. Désaliénés du positivisme. nous sommes redevenus plus attenufs
substituer. á l'opposition abstraite oraVecrit. les oppositions concretes au souvenir proche des nombreuses traditions medievales qui se mainte-
orellIsceil e: °un-flirt. Le recournement de la perspectIve nous fan sortir naient encare au sein de la saciaré du XIX` siécle. voire, dans nos
de ce qui pouvaa etre une impasse. En dépit des chausse-trapes dont est campagnes. ¡á et la jusqu'au maitu du narre. Ces en effet moins une
semé le chemin de cauce remonrée dans le passé. le point de vue de la coupure qu'une série de déchirernents partiels qui peu á peu nous a
réception des textes nous rapproche. d'une maniere qui n'es pas simple• retranches de l'univers medieval. Dans la meme derive qui nous a fait
ment meraphodque, des sujecs qui les enrendirent. C'est pourquoi j'ai- prendre envers !vi une distante definir:ve. nous en avons interionsé la
merais (aire miennes ici quelques regles simples que j'extrais du discours- mémoire. II en resulte une situation défavorable aux démarches histon-
prostramme de H. R. Jauss. Ur, défi á la Méarie littéraire 3 . et que ques conventionnelles, qui ternient á reconstituer une pré:endue realiza
référe 1 un cerrara comportement incellectuel plus qu • á une até- passée: non moins défavorable aux interprétacions modernisantes. inspt-
thode : raes par une conception hyperbolique de l'alterné. nous sommes en
- accorder á une esthétique de l'effet produit la préérnmence sur une revanche poussés á la pracique d'une modélisation des documents du
esthanque de la production: passé. utilisant des traements de l'expérience conremporaine — norte
- fonder la démarche cntrque sur la consideration de ce que fu: .hori- propre historia:té — comme révélaceurs: projection du passe dans l'es-
zon d'urente du public premier de l'u:uvre: pace moderne. comportan[ á [out insram un recour suique sur :e passé
- tenir compre d'abord. pour definir selle-ci en sane qu • objet d'art. de !a comme tel. ala propre voix m'importe ter. et le sentimern que j'en ai:
nature cc de l'intensice de son diez sur ce pubiic: importe á ce que je peux dire de éste aucre voix. perdue.
- vetiler toujours á poser. dans la mesure du possibie. les questions
auxqueiles l'auvre repondan de son ternps. avant cenes que nous lut •
posons aujourd'hui.
Cenes. !es lacuncs de nocre information limiten[ reit-leucite de ces tl n'es coutetbis pas un des problemes ainst soulevés qui ne s'ánonce
preceptes. Reste un fan: cese dans Pacte de perceprion d'un tex:e. en perspective chronoioeique. ne compone rnouvance entre deux termes:
beaucoup plus ctairemenc que dans son mode de consta:non. que se en arr.ont. haute apoque oü. dans les royaumes barbares. prenaient
manifestenr les oppositions définuoires de la vocalicé. Que le teme ait Sé :onsistance les futures ladinos européennes: en aval. !e monde -• mo-
ou non composé par asir importe. :erres. paríais considérablernenc á son derne •. bourgeois et mercanti le. L'entre-deux. s'il conviene parfois. pour
economie interne et á sa grammaire. Mais qu'il son res: par lecture (aire simple, de le dési g ner comme re:. sera narre • moven áge — ex-
.ndividuelle directe. ou par audition et spectacle. modifie profondément presston contestable s'il en est. mais dont ie n'al pes á (aire ici la critique.
son effet sur le récepceur. done sa signa -ronce. Cela reste vrai de la forme D'un point de vue global. je panage l'opinion de I. Le Golf sur l'exis-
atténuee de performance que consticuerait une lecture publique faite par tence d'un lon g moven áge étendue entre !e rve siécle et le debut de
un interprete assis. ou mame debout. devane son lucrin. A partir de cette l'ere industrielle. La nécessite n'en est que plus grande de marquer les
constatation aúnale. on o yeren !es distinctions qu'impose !a complexe nuances et d'introduire quelque periodisatton. Des fronutres découpent !e
realicé histonque. La voix ese toujours active: mais son poids parmi les cemps non monis que Vespace aussi tloues. et pounant rée:les. ici que lá.
dererminations du texte poécique tluctue en venu des circonscances. et la Je m'en tiens á ce qui. pour mon propos. parait essentiei : en amont. la
pr emiare emergence de - langues vulgaires- distincres. en aval, !es com-
3. Jauss 1978. p. 46-61 -me ncements de l'imprimerie. Admectons que toute socteré humaine pes
/4 25
INTRODUCTION PERSPECTIVES
ere considérée comete un 5y : scene de comtnunications: chacun des n'o- nous un e(fort de reconstrucrion.. de redécou v erte du réseau de reations
rnen: 5 succcssifs de son existente se définira en vertu de deux enteres: la qui les mainrint. Cese avec ces reserves que. dans la suite de ce livre. j'en
nature des tcchniques dont elle fait usaste pour la transmission des messa- situeni l'objet relativernent aux deux ternes chronolo g iques de l 150-
ces: et :a nature des formes assurant la différenciation de ceux-ci. Ces 1250 et 1450-1550. chacun d'eux découpant la durée en un avara. un
Príncipes d • analyse s'appliquent simultanément á plusieurs niveaux. pendant et un aprés. Seul l'aprés-1550 reste. salf exception. hors de mon
S • agissant de poésie. les termes en cause. quant aux techniques. seront la propos.
voix et l'écru: quant aux formes de diffeenciation, diverses structures 1150-1250: s'engage un proces qui. á rnoyen :ente. amérera une
sociales e: mentales ou. plus restrictivement, poliuques et esthétiques. cenaine dé-sacralisation de la société et de l'image que ion s'en forme:
N. Luhmann. qui propos: ces distinctions. ronde sur elles un schéme une zone profane commence á s'y dessiner. :teje par des lois particuill-
évolutii: du • segmentaire au stratifié •• cc au fonctionnel Du \ir au res : ainsi. l'ensemble de mceurs e de discours desi g ne par !e mor de
XvIl• siecle, les masses dominees, daos les teroirs d'Occident, basculé- counoisie et ses équivaients en d • aucres lan g ues. L'existence collecuve
rent du premier type au deuxieme. pour glisser ensuite au tres:ene. n'apparait plus aussi universellernent ritualisée. et á mesure que se réduira
chaque situation nouveile conservant des traits de la situation antérieure• la pan des rices. ceux-ci tendront á la sclérose. les conflits familiaux
de surte qu'á tout moment de la durée se che v aucherenc des ensernbles ou et personnes. lisibles entre les li g nes du De vua sua de Guibert de
fra g ments d'ensembles culturels d'age différent: au mieux, se dee.age une Nogent : des conduites traditionnelles. objet de sanctions communautai.
tendance dominante. par rapport á laquelle telle autre donne une (fausse Y) res. l'honneur ou !a honre. que proclame la parole coilective. s'opposent
impression d • archaisme: es :elle paran futuriste. Les panies de ce magma aux vateurs éthiques. interiorisées. de mieux en mieux reconnues en
dérapent les unes sur les autres. lenternent. puis soudain une accelération milieu aristocratique... ainsi qu'en témoi g ne. encore. la ••courtoisie
!es precipite cc un sesme queque pan ébranle la surface des choses e: des moins dans la figure mythifiée qu'a transnuse le discours poetique qu'elle
aiscours. Dans la continuité du millénaire medieval-. se ciessinent ainsi engendra: premier abouttssement d'une quite de l'individu. sujet de
deux périodes critiques. sommets d'une double courbe. 0 q le rytnme pouvoirs. de responsabiiités et de droits. commencée un siale plus Mc.
s'aecékre cc la cisibiiité :end á se brouiller: le siecle qui s'étend de 1150 Ainsi le mut:tole se rnanifeste au sem de l'unne: enluce un typc
environ a 1250. puis zelui qui. á partir de 1450. descend jusque ‘ers d'homme pluridimensionnet. aux yeux duque'. soudain. nen n'apparait
1550. en quelques régions pius bas encare. Entre ces dates-iá se sitie ce plus banai. Le mot de rnodernitas expnme alors le senctmenc que Fon
que l'un desi g ne communement du nom de • iinérature médievaie -. Ce éprouve á ce spectacie ct l'inteli g ence qu on aspire á en avotr. Eire
n'est pas simple coinedence, mais oien la manifestaban d'une relauon modeme c'est juger hommes cc choses en venu de ce qu'ils ont ou de
proionde: la •. litteature médiévale c'est l'ensemble des formes poeti- ce dont lis Manquenc: c'est connaitre leurs annbuts afín d'en maitriser
ques qui non seulement panicipérent á ces crises ct á la derive qui mena l'usage. Étre • antique• des deux termes s'opposenc dans le jareon
de !'une á l'autre. mais en furent le prociuit e l'un des théátres pnncipaux. scolaire d'alors). c'est connaitre et juger ea venu de lRcre ou du neant.
Rien. cenes. de ce qu'apportent le XII` puis le xv • salde n'est absolu- Pour ce qui conceme la poésie. l'écnture apparait modernc: la voix,
mem nouveau: mais la consciente qu'alors on en pnt comieran á la antique. lvlais la voix. peu á peu. se modemise : elle western un iour.
nouveauté•• son eificace. en actualisait les latentes. II serait eroné de en pleine société de l'avale la permanente d'une -société de l'étre
tixer au siécle (comme on est pan'ois tenté de le faite depuis Oil jusqu'alors la qualité determinan les choix. la quantite entre en
Haskins), ou. selon la viene doctnne de J. Burckhardt, au xv e . le debut Upe de camote. Cenes. rant un objet. pendant des stécles encare. ce
de l'ése moderne. ' A i • une et l'autre de ces ¿caces de nutre histoire se sera (aire un bel objet: mais deja perce l'idee d'un cravaii productif.
produisit une maturation. en apparence rapide. d'élernents venus partbis — dont on sait á quelles absurdités. seo( ou huit siécies plus card, li aura
de tres loin en deeá et revénis de valeurs propres. irreductibles — ce out conducta Le ternos méme se quantifie: on parle de transiatio pour en
n • autorise aucunement á les craiter de sut vivances. mais exi ge plucát de indiques les mutations mesurables.. dars !'histoire des empires et celle du

26 /7
INTRODUCTION PERSPECTIVES
aU XIV ` siécle on concevra et on construira, comme Giovanni Dei raient aussi. Peu importe. Dans l'intenalle entre 1250 environ et ces
Dondi á Padoue. des machines á le compter. Oú les oppostttons se termes-ci. d'autres ligues de force se dessinent : prend forme. aux yeux er.
tranchaient, blanc•noir. out-non. sans echappée. surgissent des termes sous les rr,ains d'une minorire grandissante de dieres, de potentats cc de
tiers ec médiateurs: J. Le Goif l'a montré, retratan dans sa Naissance chi bourgeois. un univers oú s'affirmera un jour l'importance determinante
pargaloire i'intenention. au crrur de la theoloete • d'un comprable divin de Reti. de la futre du remos et de Vouverture sur un avenir imprevisible.
et. par suite de la sttuation mediane du locas ourgatortus. une theátraiisa- L'Occident entre á penes pas dans lacre de l'écniure. dont les scrzprorra
e tion des ñus dernteres. L'argent circule davantaze er. engendre un réseau
plus serre d'obligar:0ns. de contraintes et de désirs. Le negottum se
carolingiens avaient échoué á imposer le modele. D'eta un ieac zlissement
ven ce que. dés environ 1200-1250. un nomine de Sinus auras pu
distingue du labor. e: les ternos sont proches m'a l'on en admenra le prévoir: une prédorninance á long serme du mocete scnptural. Je consa-
mente. sinon la nobiesse: mais l'esprit qui y preside ne dispose pas c:erai un chapitre á cette histoire. Entre le debut du X11 • e: le milieu du
encore d'un laneage oG s'expnmer. et il ltn tau: s'intliner dans d'autres Xv` siécle. panout en Occident s'est produit. á des dezrés cenes divers.
discours. celui de i • Ezlise ou celui des poltes de cour. une muration profonde lije á la généralisatton de l'écriture dans les
L • univers de sens qui s'était constitué á partir des (V. siecles en administrations publiques, qui a conduit á rationaiiser et á systernauser
Occident reposait sur une vision symbolique qui distinguait mal entre la 1 • usage de la mémoire. D'oil une. extremement lente et dissimuléc.
realicé des choses et leur iconicité. Le xll e siécle éprouva. sporadtque- dévaluation de la parole vive. On entre, á reculons e: á pas compres. dans
ment. les premien doutes. Cétait grave. et on le tic sentir aux novareurs. un monde oit, comme disait Octavio Paz. le destin final des iittératures,
tel .Abélard. Alors se répandit. en un ternos assez bref. !a vogue untver- %fest d'engendrer des ,.tuvres mantes dans des langues mores. Aux
selle de Vailezone. jusqu'alors simple cechnique de iecture et d • inte:pré- alenrours de 1500. d est vrai, aucune des cultures européennes, des iors
;anon exégerique: des 1230 s • est elaboré sinon un langage. un type de dista-tetes. n'a vraiment attetnt ce terne. Sans doute. la France en est le
discours. qut occupera. jusqu'au Xv t siecie. á travers I • Europe ennére. plus procne.
une position de maitnse presque absolue dans les usages protocolaire et Dans un peor livre paru en 1980. j'at tenté de décnre. en quelques
poéuque. Sans doute un :el discours repondazt-li á une nécessité. en un para g raphes. les watts á mon avis pnncipaux de la mutanon qui. :in
ternos oU sembtait cesser cotice congruente entre !a réalite cosmtque e: le W-débuc siécle. afecte les mentalites er. les mceurs européennes.
lanzaze humain. Cependant s'ouvratent de nouveaux espaces culcurels. me permets de renvoyer á ces pagel. ainst qu'a mon b y te. deja cae. sur
nouveaux hesoins. nouveaux publics — les vales, la hourzeonie en les rhé:ortqueurs Ven reuendrats expressément ici un elernem 4u1
formacion. les cours royaies occasion de nouveiles censtons. Les concerne de iaeon speciñque non propos : la distante que l'homme aiors
formes d'expression exista/nes demeurent presque inchangéest mais leur semble prendre envers lui-meme. son eioignement de son propre corps. sa
investissement par le sujet qui s'exprime °bele á d'autres rétles : ainsi. le rnéfiance, voire sa honre. des pnses directes. des spectacies non appretés.
sens du pera mot je en poésie n'aura plus en 1250 tout á fan son sens de des manipulauons á main nue : cendance. cenes. sans cesse contranée.
1150. reanmotns dominante. L • usage de la voix subir. dans ce contexte. le
Te! est mor, p remier axe de reference. La fonction poetique de la voix ¡neme :tense d'atténuations et exige le méme type de pratiques substituti-
se modifie. au cours de cene période: son usage perd un peu — tres ves que les manieres de cable ou le discours sur ie sexe. Un ara qui
peu — de son absoiue necessite antérieure: mais son autoricé n'est pas reposan sur des rechniques d'assemblage. de combinaison, de coilage.
encore touchée. Quarn au second axe. 1450-1550. a est. en chronologie. sans souci d'aun:tenni/canon des partes, recule et cede assez vue ie
plus flou que le premier: 1400-1500. voire 1400-1450 ou 1470-1520 terrain a un an nouveau. qu'anime une volonte de singularisation. La
(comme je !e su/frierais dans mon livre sur les rhétonqueurs 4 ) se jusufie-
7 . Zumbar 1978. p :2-53 cc 1980a. p. 77. 78: cf. Gano. p. 21-35 et Gum-
6. Zumulor 1978, p. I bredu 1985.

28
I:•;TROOUCTION PERSPECTivES
théátralité généralisée de la vie publique commence á s'escomper. et nées 1500 y Ce n'ese pas un hasard si la découverte - des textes du
l'espace se pnvatise. Les registres sensoriels visuel ec caedle. depuis des rnoyen áge par les erudits romantiques coincida avec celle qu'ils ( g ene des
sientes á pene dissociables dans l'expérience v écue du plus srrand nom- poésies populaires•de leur ternas! D'et l'applicacion candide. par les
bre. se distinguent. se separen( d'abord chez les fent. puis panout. á médiévistes du xix` ;tecle. á cet ensemble anclen. d'une elassfficatton en
mesure (cause ou efe?) de la diffusion de l'écriture: á mesure que elements populaires cc savancs ou lenes voire cour,ois
s'éloignent les uns des autres les . ans et les - sciences -. Les activités est vrai qu'au debut encare de notre silcie plusieurs crees de nos - cut:tires
culturelles ainsi se diversinent. á la foil dans les fonc:ions qu'elles populaires - provenaicnt formellemene de craditions médié vales : le t'ah est
remplissent. dans les sujets qui les operen( et dans le public qu'elles prouvé pour bcaucoup de cantes et de chansons paysannes. en Europe e:
'asee: se dessine l'ébauche d'une division du travel e d'une spécialisa- en Amérique Mais ce n'étate lá qu'une apparence de continuité : ionc-
tion des teches. facteurs qui jouent centre la piénitude er l'ornniprésence tionnellement. nen nc lie !es termes de ces fausses analogies. Les univers
de la voix. Le chama, jusqu'alar& tres étendu. de la mouvance des formes sémantiques oil respectivement ils s'inscri v ent sant á peine comparables.
poétiques se rétrecit: s'instaure l'idee d'une fixité du texte. La mutabilité. e: nous ne pouvons, sur le plan docurnernairc. pas inférer grand-chose de
la v anation. l'incessante re p rese de thenes oblieés, le renvoi (imane:ce l'un á l'autre d'entre eux.
meme á ramoneé d'une eradition non ¿eme. la prédominance indiscutée Tel est le résultat des efforts prométhéens accompiis par les hommes
des communications vocales Pone desormais figure de moyens patines. qui. vers 1500. 1600. ayanc appds á machématiser l'espace le temps.
tan( son peu méprisables. Leur usa2e se marginalise. cantonné beentat compnrent qu • iis alla:ent dominer la nature á leur prntit — ct aurent
dans la zone de nos cul pares popuiaires place les pensées et les insticutions desnnées á réprimer les - autres -. les
passé 1550-1600. ont canguis leur espace et leur iderutte. pauvres•au mode de vie archaique. aux mentaiités deerminées par
l'un ce Faene aux contours. du reste. encare Ilous. C'est lá un fan lees peurs. Un nouvel equilibre s'inseaurait. parmt les débds d'un en-
nouveau. Le - moyen áee n'avale nen connu de :el. La confrontaron des semble comolexe de pulsions cc de mceurs ressenti comme la man:testa-
jametes vuleaires avec le laten des ciercs. des mccurs avec la mythologie tion d'une impuessance ou d'un refus. Désormais. pour trua ou quena
protessée par l'Église recale. n'alla cenes pas sans canales: et Fon ne sildes. des oppositions jusqu'aiors peu marauées et :lomees dure.
peut nier que la poésie des troubadours e:Mit:tiesas:ger. comme cele des raient. et. se figeratent pour unir. L'orante de la poesie médiévaie nc peut
romanciers de la premiére génération. ne revele une forte poussee dans le 2ucunement se comprendre á partir d'une tele situaron.
sens de la fermeture. de l'isolemcne haurain des coutumes mentales
ariscoerattques. Tout ce qui, dans la culture commune, resiste á cecee
poussée iet réagit á 1 • entreprise d'acculruration en ven menee par cenains
milieux dirigearus depuis des sieclesi tend á s'isoler á son tour. á se durcir Encore le rychme du ternos n'est-il pas uniforme en ;out lieu. Les dates.
en un effon e: peut-étre une pnse confuse de consciente. d'une amplitude á desse:n approximatives. que je propase ice renvoient aux capes hiscon-
jusqu'alors inconnue. Mais. avene le xv' siécle. nen n'ese joué : popu- ques que franchirent. avec plus ou moros de háte. !es terroirs de l'antique
:aire•(si Fon tient á usen de ce( adiectif) ne désigne pas encare ce qui empire d'Occident. quelques autres au-delá du Rhin. du Danuoe ou de
s'oppose á ia - science -. á la lettrure. mais itere á ce qut releve d'un la mer. Plus á Fest. se produtt un décalage chronologIque. mais la nature
honzon comrnun á taus — sur legue( se détachent quelques construcnons et la succession des pisases de développernent resten( á peu pires les
abstraitcs propres á- une tnfime enmanté d•intellecnies. memes: =si. dans les terroirs russes s'étend. du siécie jusque
Ainsi. la tres g rande majorité des textes dont j'interroge la vocalicé vers l'un mil. une ¿poque archaique de poésies orales de ccur: sun.
sone aneérieurs á l'érnergence de cecee -culture populaire discincte — jusqu'au milieu du xit t , ua proces de chnsuanisation qu'accomoaene
tour á tour déciaignée en d'autres lieux ou (laude pour son chame dé-
sute — consecucive á la cassure social& polinque, ideologique. des an- 8. Nteehembleci. p. 213-221 et 382-584: Gourevitch. p. 42.

30 31
INTRODUCTION PERSPECTIvES
rintroduction de pratiques scripturaires: de 1150 á 1350 se recueillent e; méridionale. l'Angleterre du Centre et du Sud-Est. Au-dela. les pays
s'elaboren( les textes que nous possédons. alimentes par le souvenir des ceites. slaves. nordiques. les Balkans. Byzance dessinent des iones en
anciennes sagas. Plus loin...? La délimitation géographique du champ de g radé oil jouent d'aucres iacteurs de cuiture. de plus en plus putssam-
d'étude ne releve d'aucune evidente. Je considere. erabord et par prin-
menc á mesure qu'un s • éloigne. C • est ainsi que je ziendrai compre. guate
cipe. les terroirs Francais et occirans. Sans doute, je les connais mieux que travailler en cela de seconde main. des régions ibériques. italiennes cc
d'autres. Nlais peut-étre invoquerait-on aussi á un tel choix des raisons allemandes ice que je nomme. pour simplifier. rOccidenu. sans a:c.:neer.
moins personnelles. A bien des questions en effet que pose, en general. la dire quelques tres breves excursions par-de:á. Cette démarche réfere
poésie médiévale. le corpus francais. par son ancienneté. sa complexile implicitemenc á l'uniré organique d'une culture. tout en en signalant
son ampleur. permet de formuler des repenses plus nuancées. par lá l'extreme diversité: suegere isous bénéfice crinventairei [un des niveaux
méme de plus lar g e validité. Reste qu'aucune vision du . moyen áge auxquels on neta( cenir pour valide. d'un bou< á rautre de l'Europe. l'idée
n'es( tour á fait justifiable si elle n'en g lobe d'assez vastes cantons de d'une universalite médiévale De celle-ca. le support el le leen ne se
l'Occident. Winstallanc dans mon lieu. je rn • efforce d'ouvrir les fenéeres réduisent pas [comme suggére une opinion erronée) i [usase de la
sur un aiileurs. Jusqu'oil étendre le regard sans risquer d'imprevisibles langue (atine cc des traditions scolaires qu'elle véhicule. Les apports
discorsions de la perspective? G. Duby récemment limitan á l'Europe germaniques et nordiques (dans une moindre mesure. ceitiquesi en
occidentale I • application du serme moyen á ge P. Chaunu rétendait un constituent une composante essentielle cc géné-aie. indiscemabiemeru
peu veis te sud et le nord-ouest. sur un terricoire crois fois Brand tomme la e:limé:Ce á relernent rnéditerranéen — lui-méme en conscant brassage
France d'aujourd'hui. el que peuplerent au xeil e siécic quelque quarance entre Byzance et rOccident. Or. t'ese aux premiers. semble•t-il. beau•
millions d • ecres humains. mais au xv 9 pas plus d'une vingtaine 9 .
Goure- coup plus qu'au dernier. que: nene rimponance primordiaie du róle
virch lui tale ernbrasser la Scanciinavie avec rlslande, laissant des mar- ussigne á la voix.
:hes indécises á l'ese ce au midi. D'un la possibiiité de recourir. avec Cest pourquoi bien des questions cavan( que les e:un:ates phliologi-
prudente. quand il s • impose de contirmcr des iniormations plus directas. dues re les spécifienn rnéritent d'etre posees á un niveau assez general.
á r argument comparan( pour externa qu'il demeure. il ne manque pas. Ainst. route ¿cutre des chansons de geste francaises gagne a se situer dans
en synchronie. de toute v raisernblance. Ce que nous apprenons des la perspective de répopee européenne. Le probleme posé aux speciaiistes
Scabies scandinaves ne peut etre coulernent etranger aux coucumes re- du fr.:Nati par ron:lite présumée de ces chansons zoncerne. partos
grant entre E:be et Rhin ou entre Loire cc Seine. Cec univers-lá iertorait. depuis plus lon g temps encore. les g ermanistes. aneiicistes. hispanisees
ititice dans le plus vas:e espace. les diiferences absolues: ternoins. tes dans leur domaine respectii, les questions retatives aux cenants et abouns-
‘cl yaeeurs. de Roben de Can á Marco Polo. partout et toujours de
sants de la transmission VOC3ie de Vepopée son(. pour ces chercheurs.
plain-pied avec la merveille Rien de comparable pour eux. pnsonniers souvent plus ur g entes cc zomme plus evidentes. par suite des termes
de rimmensite eurasiacique. á I • eerangere pariaite de ce que découvrirent paruculiers mi se defina la situation de diglossie dans les iones cuicureiles
nos navi g aceurs á partir de la fin du xv e siecle. ils envisagent. Comme la natura des fans. quoique comparable. n'ese
Au sein de ces trés larges limites. l'aire offerte á la résonance des voix pas idencique dans toutes les parties de rOccidenc. des idees orle pu
medievales est homo g ene. en denle de differences. croissant avec la emer g er de (elle recnerche sectorielle. qui aiileurs feront peut-ecre («ice
distante. que ron constate dans leur regime ou leur portee. Dans ce que inattendu d • embrayeur. Des racmes pretendes qui. en deca de formes
j'appellerais le • moyen espace-. les ressemblances prédornment. Quanc manifiestes assez diverses. unissenc apparemment le fait ¿pique de pan et
á mol. je prends ici pour noyau territorial ce qui Fut rempire carolingien. d'autre de l'Aquitaine len France du Nord — en Casadle et en Aragoni.
avec des prolon gements dans la pén:nsule lbérique. centraie e: ne peuvent pas ne polen imposer. au Cid el á la Chanson de Gudlaume. un
nombre ¿levé de trates communs. justiciables des mémes procédures.
9. Duby dans Gourentch. prefacc. Chaunu. p. 15-16 et 21.
Au-delá de cene relation sans doute pnvüéglée. c'est á travers l'Occiderc
32 33
INTRODUCTION
entier que se consuma un discours épique dont les reeimes 10C3UX reste-
rent durant des siécles assez proches: de FElbe au Guadalquivir... ou
aar-dela. si l'on suit A. Calmes de Fuentes. Les gernanistes ont ainsi
.1ccumulé une somme considerable d'observacions et de rétlexions dont
serait dommageable d'isoler entiarement les mitres: elles concernent
spéCialement les modalités de transmission cc d'alteration des textes: les
relations entre l'ecnture et la tradition oraje. entre le mythe. la légende. I. Le contexte
l'épopée: entre celleci et l'univers du chanteur. Du Kudrun tá propos
duque! fut pour la premiare fon. Yen 1935. formée l'hypothése d'une
speciricite linzuistique de l'épopée orale) au texte-amalgame des Nibe-
(ungen. contant une geste burgonde du 9* siécle sur le mode de romans
francais du la liste des problémes touchés serait longue. Méme
ouvenure du caté anglo-saxon. oís les études sur le Beobvulf ont de proche
en proche ratissé l'horizon presque entier de l'antique épopée nordique et
de sa tradition.
2. L'espace oral

Les indices d'oralité. - p ire es entendre, • Avant re; crit. - Le réseau des sradi-
nons.

Admeure qu • un texte, a un moment queiconque de son existente. fue


oral. c • est prendre consciente d'un fui( histonque qui ne se con(ond pas
avec !a situation dont subsiste la trace ¿ente. et qui jamais n'apparairra.
au sens propre de l'expression. •• á nos yeux II s • agn ators pour nous
d'essayer de Ion- I • autre fue de ce texte-miroir. de gratter au monis un
peu de tato. La•dente. par-delá l'évidence de notre présent er. :es
racionalices de nos methoucs. ce résidu : ce muttiple sans origine unifica-
r:ice ni fin totaiisance. cene .• avise •• don( parle ',fiche: Seres et dont la
uonnaissance appanient i rouie. Ces( la. e( 15 seuternent. que se situe
pour nous Voralice de notre •••litterature médievale- . vocalite . résidu de
nos phiioiogies. retive á nos systemes de conceprualisation.
Neus ne Vévoquerons jamais qu'en figure... Au reste. ti nous amve
souvent de percesor uans le teme la rumeur. éciatante ou coniuse. d'un
aiscours parlan( de la voix méme qui le porte. Chaque teme en cela
demeure incomparable et exige une ¿come sineuliére il comporte ses
propres indices dr oraiité. de acucie variabie. parfois. tl est vrai (mats
raremenn. nuile. Je rappelle ici bnévernenc quelques tales connus, á
rernenre en perspective.
Par indice d'orante ••. j'enrends tout ce qui. á l'inténeur d'un texte.
nous renseigne sur l • incen• ention de la voix humatne dans sapubiscction:
je veux dice dans la mutarton par laquelle ce teme passa. une ou piusieurs
fiáis. d'un era( virtud 8 ('actualicé. et désormats exista dans ratzermon et
la memore d'un certain nombre d'individus. L • indice. prend valeur de
preuve indiscutible 1orSCIu • il consiste en une notation musicale. doublant
les phrases du texte sur te rnanuscrit. Dans tous les aucres cas..1 marque
une probabilicé. que le médieviste mesure, en générai. á l'aune de ses

37
LE CONTEXTE L'ESPACE ORAL
préju g es. Les temes musicalement notes, tres nombreux et répartis de n'autorise a priori 5 vide: de leur sens ces or commence chanson. orrés
facon assez ré g uliere au cours du te:nps — du x t siécle au Xve chanson vous allez entendre une chanson -) et formules apparentées.
formen( ensemble. á l'egard de bous les autres. un contexte significauf fréquentes dans nos epopees, et du reste non inconnues d'autres genres
connotan( fonernent une situation globale, car manifeste l'existence exploicant. par imication ou ironie. le modele - ¿pique -.
d'un líen habitué! entre la poésie et la voix. Dans !es recueils copies á J'ai pratiqué un sondage dans les prolo g ues et epilogues de trente-deux
partir de la fin du x siécle. le perfectionnement des eraphies accroit chansons de geste. Le mol chanson y apparait 47 fois en Conction ameré-
-eaucoup la frequence de cet indice. On camote par miilicrs les textes férentielle ; 25 fois. une épichéte laudative. quasi publicicaire. l'accompa-
uinsi marqués : surtout des poemes licurgiques ten paruculier. le secteur gne : plaisanre. merveillease. giorieuse et surtout bonne chanson. Cene
presque enser du drame ecdlésiastique) et des chansons de troubadours. derniere expression pourraic provenir d'une serte de jan:0n chev ,aleres-
:rouvéres ou Minnesánger. Ainsi. les quelque cinquance chansonniers - que : le combattant gagné par la fatigue ou le découraeernent s'exhorte á
des XIIr. xiv` et xv e siecles graue auxquels nous est parvenue cene agir de maniere que ne soit chantée de lui maavaise chan g an_ .Ainsi. á
poésie de langue francaise ou occicane ne comiennent pas moins. vanan- trois reprises dans le Roland: ou dans la Chroniaue de Jordan Fantosme.
ces comprises. de 4 350 Ere:Odies, relatives á environ 1700 chansons. composée vers 1175. en forme, il est vrai. de chanson de geste '. De selles
elles-mémes comportan( de nombreuses variantes textueiles. En chiffres expressions — non moins que celle de chanson de geste qui apparait ca et
arrondis• voici les données : la ven la fin du xir siecie — référent á ize qui. d'évidence. est perca
• nombre de paces en cause : troubadours 450. trouvéres 200: comme un ensemble de discours défini par les singulances de Van vocal
- nombre de chansons conservées : troubadours 2 500. (rouvéres 2 000: qu'ii implique. Jean Bode! confirme en d'autres termes ce ternoignage
- dont conservées avec mélodie : troubadours 250. crouvéres 1 500. quand. au prologue de sa Chanson des saisnes. il distin g ue dans Van d'un
Les manuscrits allemands sont moins eénéreux : nous poss¿dons s récicant ce qui tient. d'une pan au ven et au din. d'aucre pan au chata :
peine. pour 150 poétes. 200 mélodies de .11innesiinyer. dont moins de la dédoublemenc fréquent dans les (emes allemands. qui référent á eux-
monté uppartient au gr2.nd chunt counots. me:nes comme á Wort und Wise mot et rnélodie z.
L'ambiguicé comrnence lorsque la nocation accompagne non le teme Reste l'occasion d'un doute — que la musicolo g ie n'est pas en mesure
mémc. mais une citation qui en est faite ailleurs. .Ainsi. le poéme héroi- de lever tour á fait. en dépit des hvpothéses qu'elle avanea depuis le debut
comique d'Audigter ne compone, sur le seul manuscrit qui nous Fa de ce siécle. Du moins. le De l'nt •n du maicre franeais Jean de Grouchy.
cransmis en encier. aucune notation. En revanche. le v. 321. prononcé par vers 1290. serrible-t-ii bien aoponer la preuve que le genre , épique • ¿(oil
un personnage du lea de Ruina er Mario, d'Adarn de la Halle, y est idencirlable. pour les usagers. á sa specificite vocale : cantas .gestuaiis
surmonté. sur deux manuscrits, d'une ligne de notes... dont l'interpreta- Quels que soienc les problemas musicologiques que souleve l'interpreta-
(ion. du reste, a soulevé plus de problémes qu'elle n'en a résolu. Par-dela clon de ce (eme. du moins parait assurée l'existence d'un type de melodie
en eifec Audigier. on a reiné d'en tirer des informations concernant la paniculiere, apparentee á celle des chansons de saints. Le rémoignage de
musique des chansons de geste. genre que ce teme parodie mais cont Jean de Grouchy est corroboré á la rnéme époque par cele: du Penitentsaie
u aucun document n'ese musicalement note. On v releve souveru, en revan-
che. un autre cype d'indice • ailusion expiicite á l'exercice vocal que
de Thomas de Cabharn 4 : des douces subsisten( néanmoms qui tiennent.
d'une pan á la natura du document. peu expiicite ec d'une Cangle assez
conscicue la publication - du texte. lorsque celui•ci se designe lut-méme ambigué: d'aucrc pan á sa date. car ii est poszéneur á la grande :toque
comme chanson. II est peo probable en effet que ce tenue ait pu référer des chansons de geste. comemporatn en revanche ce la conscitution des
des ouvrages offerts á la sede lecture. On ne sauran. cenes: écaner mut á
fait le souocon qu'une inente de vocabulaire ait matntenu. au•delá d'une t. Segre 1971. V. 1014. 1466. 1517: Bezzota. p. 200-207
%kik :969. p. 6: Sayce. p. 73-74.
époque primitive. chanson comme un simpie :non technique. évoquant Poinon 1972. p. 11.13
des o enres combés ensuice dans le domaine de l'écnture. Rien toucefois 4 . Salmen. p. 42-13.

38 39
LE CONTEXTE L'ESPACE ORAL

premiers recueds ¿crics de narrations ¿piques. reís le cycle de Guillaume termes référant au chane mame. ou á la mélodie seule. Parfois est souli•
du manuscnt BN fr. 1448...
grtée la vocalicé de l'elfet 'elle dame de Guiilaume de Dote 1 v . 309-31
On souharterait que le térnoignaee de tour nos textes ait la Mane de a la voix • haute. pure et claire -. Lorsque ces interventions musicales se
celui de la vedle Sainte Fo • pyrénéenne. du milieu du xr siente. Aux
répétent piusieurs dizaines de fois. c'est le careciere vocal de l'auvre
laisses 2 cc 3 de ce puente. un locuteur s'expnmant á !a premiére p er- entiere qui est ainsi exalté : 47 fois dans Guillaume de Dote. 58 fois dan:
sonne (1' . • acimut: -) presente !e texte de maniere tres explicae afín d'en Matador de
ie Frauendienst d'Utrich von Lichtenstein. 79 fois dans le
definir la nature: !e sujet. empruncé á la tradition lacine. néanmoins crés Froissan. encore. ven 1380!
généralement connu. d'Agen jusqu'en Aragon. proviene d'un texte gue Le texte livre parfois d'autres indices. plus direccs. d'oralité: ainsi
entendu lire par des g ens instruirs: le poeme que je pour O. Sayce. les ailusions que fono certains poemas allemands dt
vais vous
communiqucr le sera dans unc langue aisément inrelligible et un style siécie á un accompagnernent instrumental: voire le titre. inexplica.
usuel en pays francais. Ce poéme, á deux repnses appeié canczon ble. de piusieurs preces du Recueil de Cambridee- (vers l'an qu
chanson ), comporte un son (s mélodie ») reglé sur le premier ton -. pourrait signiiier - sur l'air de - : Modus Liebinc. Modus Florum. et
c'est-e-dire, selon l'interprécation d'Alfanc, en psaimodie alternee — ce reste 5.
que sernble confirmer. peu aprés, le plunel de cut cantam esta canczon
(•• .., sur qui nous chantons cene chanson
Enfin. Ie chant s'accompa-
line d'une dense. sans douce de type processionnel.
A la mame :Moque. le chane sur les miracIes du Christ. commande par A la lumiere de ces textes s'éclairent ceux. plus nornoreux encore. cc e:
l'évégue de Bamberz aux clercs Ezzo et Wiile. expose dans sa premiére tour genre. qui pour se designe: : eux-mérnes dans le rnoutement de len.
strophe de quede lacon ceux-ci collaborérent il • un composa le texte. • publication mcourent á quelgue verbe de parole (en francais. efire.
('nutre la melodier et décrit le puissanc effet exercé par cene truvre sur parier. voire comer i. souvent complete. du point de vue de la récepuon
ce teile:
ceux qui l'entendarent La darte de reís remoignaees a permis a plumeurs par un ouir ou ¿couter. Pierre Gallais. il y a vingt ans. relevanc
chercreurs d'en extrapol:r les données cc de les appirquer au genre entier toumures dans un répertoire de 370 textes francais des années 1150-1250
des chansons de saints-, attesté de la fin du Ix au mi:Ce sa du xtr siécie :n trouvait une proportion :elle qu'il ne pouvait l'interpréter autremen
dans plusreurs regions de France et de la heme Allernagne : conclusion que comme un watt per-unen' du discours poetique de cene epogue. De:
contirmee par le prologue qu'apura. sets 1120. !e moricareur du rnanus- formules du type je veux dire. ;e dis. je <lira: se rencontrent. selon set
rii de Hiidesheim á la belle Vit. de Saint Alexis normande icontemporaine re de:
calculs. dans 4 0 % des !cris. 25 re des chansons de geste. 20
de la &time Foy). Rédig: en prose rychmee cc rimee. ti presence. en la des vies de saints 6 . Des releves ultérieurs
romans et des fabliaux. 15
tanrant. cecte • chanson or, les premiers mots qu'II en di: comme ceta de Málk. le confirmen'. Menendez Pidal jadis reievait en,
reproduisent la formule d'ouvenure la plus fréquence dans les chansons quinzatne de formules de ce type dans le seul Cantar de mio Cid. Oh
allemane. j'en al compré plusieurs dizaines dans le Trinan de Outtiried
geste : ici commence aereable chanson -... Ce prologue ne fonctionne e
pas. par rappon au poeme. bien différemment des premiers ven du dans ceiui d'Eilhart. Dans plus de la moitié de ces textes. dice. saqen
Guiilaume de Dote de Jean Renan peu aprés 1200. annoneard d'emialec
diere. ou leurs equivalents selon les tan q ues. apparatssent en corrélattm
qu'ii a. pour !es tixer dans la mémoire de ses auditeurs. fourre son Mea de avec dure. hóren. audire (ou. comme chez Gonfried. v. 185 4 -1553. ave
diverses chansons avec leur méi g die. Jean Renart inaueurait une technt- une allusion aux oreilles du public!): il faudrait de tres forres raisons
que qui eut du succés chez les romenciers francais ce chez certains urées du texte séme. pour annbuer alors á ces verbes une autre uta:
Aliemands. aux Xlir cc xiv" silcles. Par une sone de figure en abirne. le
récit. avant de s'ouvnr ainsi sur un morceau iyrigue. sienale. atin d'as- sauce. p. :48-349 et 370
surer la suture, qu'U ese chanté par tel personnaee: la phrase emploie des GaIlais 1964. p. 491-492
40 41
LE CONTEXTE L':i5PA.C1-: ORAL
que la plus commune. L'ernploi du couple dire-ouir a pour
fonction que Hugo on Trimberg. son contemporain. s • adresse á qui voudra losen
manrfeste de promouvoir (filt-ce fictivement) le texte au statut de locureur oder hóren Icen lire ou entendre Tire -1 son Renner. Vers 1463 tricote.
e: de desiener sa c ommunication comme une situation de discours
in l'Autrichien Michel Beheim. en d'aun : es termes. presente sa chronique
praesentia. Cerrains romanciers, seis Chrétien de Troyes au
debut comme propre á deux usages: on peut en tire( es losen als aireen spruch
d • Yvain. ou Eilhan von Oberg á plusieurs reprises. n'opposent pas en
oder singen als a y: liet la lire comme un discours ou la chanter comme
vain ouir. hóren (par l ' Oreille)
et entendre. vernemen ou merken :par une chanson -1 1 °. R. Crosby cite plusieurs exernples anglais des xiv`•
l'esprit). Parfois meme. le teme semble usen de dire pour sienifier. par
xve siecles.
métonvmie ou litote.. , chanter- ': dans cinq des vingt-quatre prologues La formule cumulative en revanche parait ''acre problarre car elle
¿piques de Molk. dire et chanter alternent. ou s'acidinonnent en figure conjoint des perceptions apparernment !pour nous) différentes. Cenes.
d'accurnulanon: • Cecee histoire., seton Adenet le Rol. dans les
Entonces audire er legere peut s'entendre comme reference redondante á un acte
Ogier. au vers 52. est gracieuse á dire et á chanter. - Dans huit autres
d'audition. La variante. largement atestes. audire er videre. voir et
chansons. dire s'ernploie seul : le reste n'a que chanter. Ces faits de scyle
écouter. Miren uncí sehen semble. elle. accuser l'opposition des registres
n • autorisent pas á cone/ure 5 la synonymie des deux termes.
Du rnoins sensoriels: en réalité. elle ne tau que renvoyer á la double exiscence de
interdisent-ils d'interprete' . dire sans reference 5 un acte vocal. provo-
tout ¿cric : on en von les graphismes. mais on en entend le message.
quant l'ouie. U. Mehler. récernrnent. analysant les rubriques des prononcé par quelque spécialiste... de ceux qui. seion le Poéme moral
drames
litureiques. y montrau rambiguité de dicere et cantare. plus ou moros tenviron I200i. en livre voient et l'escreture entenderte N discerrtent ce
interchangeables, faute d'une définition precise du • chant Nul doute qu'U y a dans le livre cc comprennent l'écriture candis que les laies pon
qu'U en aliar( de méme dans les langues vulgaires. severa et en livre ne voient sont i g noraras et ne savent distineuer ce qui
Une figure d'expolia° plus ou moins clichée, frequente en luan comme es( écrit dans un livre -1. Trois quans de siecle plus tard. pour l'auteur du
dans les langues v ulgaires. aueste l'acténuation. entre taus ces termes, des
roman de Palamede. les deux perceptions resten' encare disnnctes:li bon
contours sémantiques. Elle revés des formes diverses. reductibles á rune que verront ces( tnien livre er escouteront les beata Jis... t . , les gens de
ou rautre de deux sénes. sois cumulative, son alternative: dire Cou bien qui verront mon livre et écouteront ces beiles paroles Entre-
dcrire. ourr eUou lire. La forme alternative. qui semble temas. c'est devenu la formule initiale des cha p es francalses que - A ceux
prédommer dans
les temes ecclésiastiques de haute époque. refere. en les disunguant. aux lira ou orra ¡ire ches ven (-Quelqu'un
qui verront cc orront... . Aucuns
deux modes possibles de réception: l'auteur entend dési g ner par tá l'uni- lira ou entendra lire ces vers selon le Reclus de Molliens. au début du
v ersaiitt du public qu'ii vise. Ainsi. chez Sede.
Historia ecclesiasuca. siécle. en echo á Guillaume de Malmesbury : out ipsi legere aun
plusieurs reprises : religiosas ac pues auditor sive lector... (- l'auditeur ou legentes possitis audire 1- ... que vous puissiez soit lire vous-mérne. soit
lecreur pleux et v ernieux... -) 8 . Ces( devenu. semble-t-ii. un iieu com- Quels que solero le contenu et la rbnction du
entendre ceux qui lisent
mun du discours poecique ultérieur: texte nous sommes ainsi. de toutes pans et de toutes mantéres. renvoyes á
la modalité vocale-auditive de sa communication. Crosby reléve des
Pour les umoureus esfoir
occurrences de ce ranas en Angleterre jusqu'aux ternos de Lydgate:
qui le vorronr tire ou ovr
Scholz !e sí g nale en Allemagne jusqu'au XV' siécle. En toutes langues.
les termes renvoyant aux notions. pour nous distinctes. de lire dire-
Pour réjouir 'es amoureux qui voudront le lire ou l'entendre ¿cric et chanter- constitutrent ainsi. pour des g énérations. un champ lexical
I • auteur du roman du Chasrelainite Couci. á la fin du siécle, candis mouvant. dont le seui trua commun permanent erais la dénotation d'une
W inkkr. p. 288: Schoiz 1984. p. 144- 145
Crosby, p. 90.
O. Scholz 1984. p. 139
9. NkIlk 1969. p. 61. I I. Málk 1969. p. 78: Crosby. p. 90-91 er 99-100.

42 43
LE CONTEXTE L ESPAC E O RAL
°reine : Asser de Sherborne. dans ses Gesta Alfredi. v ers 900. 1053 d'un certain Thibaut. chanoine de Vernon : Hk quippe es: ille
en subsu-
rnalt toutes les cuances dans le v erbo recitare 12. Tebaidas... (- Celui-lá mime, bien connu. qui adapta avec éloquence. du
Ce sont lá amara d'appels aux v aleurs vocales. émanant de la remare tarin en langue vulgaire. l'histoire de nombreux saints, dont saint \Van-
méme du discours poétique. Paríais des indices extornes les conlirmenc. drille, ec en compasa de belles chansons aux rythmes éclacants . ) 15 . Ce
extraits de documents anecdouques. relatifs á un ou plusieurs temes er les teme fui souvent réexaminé. depuis que Gastan Paras l'eur jadis interpréce
évoquant en termes tels que !e caractére vocal de leer publication - se comme une allusion á Fauteur de Saint Alexis. sanan a ce poerne méme.
trouve mas en huir relief. /e cicerai en exemple. illustre pour la diversire En fait. la Transiatto n'est qu'un témoignage panicuiierement explicare
des jueements qu'eile suscita, l'archaique Chansan du roa Clotnatre (plus parma ceux qui artestent la fonction vocale des •chansons de samts -. De
souvent dite de ratas Furonl. procurée au malieu du (non plus succincte. rnais en termes sernblables. Fauteur de la Vira de
siécle par Hilde•
gaire de Meaux. dans la Vita sanch Faronis. et que l'un considera tour a l'évéque Alcmann. vers 1130. evoque le clero Ezzo compasare en alle-
tour comme renregiszrement d'une canciléne populaire, commc une no- mand sa Cantilena de mtraculis Christi '6.
ration uiterieure approximative, camine un pastiche en latan de cuisine, ou Un document de poids — mais rant son peu equivoque — qu'Allane
comme un faux d'Hildegaire! Celui-cl, avam d'en eller les quatre pre- versan au dossier de la Chanson de sainte Foy confirme l'existente et les
miers ven et les quaue derniers, la designe comme •• un chaca< publica la modalités de cene tres ancienne poesie : le Liber mtraculortun sancuse
mode paysanne tau: en langage paysan?) dont on chamal( les paroles Fidis. rapport tina! d'une enquete pratiquée. a partir de 1010. par Bernard
tandas que des lemmes dansaient en frappant des marras (carmen publicum d'Aneers sur la véneration populaire dont eran rabie: la salive eniant.
juma rusticitatem per °m'Indo: paene volitabut ora ira canennum. fent- Foy d'Agen — ouvrage critique. désireux de réhabiiiter les tradations du
naeque choros trufe plaudenao com ponebanti. Deux des cinq manuscrita Or. Bernard sienale
vU1231Ce en les passan. au cable de ses argumenta.
(formen( des versuans plus breves et legérement difierentes: du rnoins qu'en verte d'une .• amague • coucume tevidemment condamnade a ses
panout est-il quesuon d'un carmen ou d'une cantilena L'histotre du yeuxi les pelerins assistan: aux oifices de nuit. loes des vigiles des saints.
:aoven :122 eurooeen est parsemee de documents de cene espete. l.a dans regirse de Conques. accompagnalent Se ieurs • eanulenes resta-
Chronique de l'Espagnol Lucas de Tuy. au «ir siecle. reproduit croas ques la psalmodie des monies. Une annee. l'abbé. exaspere. tic fermer
v ers d'une chanson populaire casullane qui aurait «aura sur Almansour.
reglase á cié !e soir de la Saante•Foy. Par miracie les pones s'ouvrirent
ie heros andalou. aux alentours de Van mil: un manuscnt fustanque d'elles-mimes á la tecle: preuve• conctut Bernard. que dans sa maseri-
angiais. décrn par Ker en 195.7. cite les quarre premiers ven d'une coree Dieu aime les chansons. fussent-elles de :arme populaire: accep-
chanson qu'aurait composée. pour ses guerners. le roa danors Knut. mon :ons-les dont : innocens cantilena. neer rusuca. toierari potes! Non peut
en 1035. Une chronique imane faisant l'histoire de Treviso á la fin du toierer une chanson innocente, mime si elle est rusuque -) 17 . Qu'enren-
xar siecle nous a conservé quarre vers en dialecte local d'une chanson dre par la - resucité - de ces chants ? la langue vuigaire. ou quelque
¿pique improvisee á la surte d'une vicroue survenue en 1196 H. mélodie de caractére populaire. ou bien un mode partici:raer de declama-
•• antedate -. le plus souvent. renvote eiobalement á un ensemble de [ion ' Tour cela ensemble. saos dome : tes chansons de saint subsis•
:extes, dont certains seulernent son[ connus. D'ou une incerutude, mais (antes représemeraient la recuperation de ces traits par l'Ezlise. au sean de
aussa l'importante. pour l'histoire g enérale. de l'enjeu. Ainsi en v a-r•il du la viste act:on dramatique qu'eran sa liturgte.
teme fameux de la Translatto de saint Wulfram. terne par un motne de L'anciennere de tous ces documents. autant que leur homoeénéité. leur
Fonteneile, er qui SiErt3it, parrni les miracles de son héros. la donne un poids hisionque considerable. can c'est au sean de la liturere. ot.
guérison en

12. Ctosbv. p. 90.


A v alle 1965.p. 23. ct 1966 a. 15. Storey. p. 22-23.
1 4. Wartiropper. p. 177. Ker. p. 131. Lomant-Renzt. p. 607. !6. Wapnewski. p. 33.
17 . Zaal p 58-60: cf. 54151k 1983.

44 45
LE CONTENTE L ESPACr.
dans sa zone d • iniluence. que s'élaborerent. aux x y• e: xtr siecles, la du ?‹.` siécie: mais. par-delá l'établissernent du régime normand. s'ouvre
plupan des genres poétiques recuerilis par les copistes du mit` et du xtve: un vide documentaire cumple:: pas un manuscnt de poésie angiaise avant
sois que la liturgie en ait foumi le premier modele. sor( qu'elle se sois 1300. De tels écarts chronoloeiques font probilme. Ainsi. la chanson
conformé:: á des modeles poétiques plus anciens. auxquels elle sut de Jaufré Rudel (je prends cet exemple 2L1 hasardl peuc etre datée. pour
conférer leur ',Jeme efficacité. Ces liens étroits et comolexes. non sans des raisons externes. du milieu du siécie. peut-erre vers 1145: mais
équivocrté. acuchen( plus ou moins directement aux chansons de saincs - de la quinzaine de manuscrits qui nous en ont conservé les versions,
ies chansons de g este frangaises: au chant ecclésial, la poésie des trouba- paríais assez diffárences les unes des autres. aucun n • esr sürement ante-
dours cc de leurs rmitateurs: á l'homilérique. ce qui deviendra le thé5- rieur á 1250. la plupart daten( de la fin du siente ou du .XIV`.
tre au discours pastoral, par l'intermédiaire des
tremola. plusieurs R. T. Pickens. fi qui nous devons la meilleure ¿dition de ce troubadour.
gentes narranis... expose avec beaucoup de nuances en quot l'étude d'une telle ceuvre
implique, avouée ou non, de la pan du lecteur, une fiction histonque. Par
impuissance, ajouterais-je. á conceptualiser l'histoire propre de la voix
humaine. Le meced de dicrons et vers sapientiaux compasé dans la basse
Lorsque l'indice d'oralité trent á que:que caractére propre d'un texte. 11 Antiquité et qui circula pendant des sientes sous le titre de Disticiza
pose de délicats problemes d'imerprétation. Lorsqu'U se fondc sur des Catonis. copié, traduit, aclamé en causes tangues. finit par n'etre plus
documents extérieurs au texte, ri en pose de reconstitution. La met qu'une consteilation mouvante. dont l'oralité faisait le dynamisme. Nous
difiere : l'interprétacion opere sur le particulier: la reconsticution. le plus savons qu'on l'apprenait par arur dans les ecoies...
souvent. sur des tendances g enerales ou des schémes abstrans. Ainsi dans De mutes manieres les tradicions manuscrites sont ainst troublées. et les
!es recherches concluant. de la tradition rnanuscrire d'un texte. á l'in- certitudes que Ion auendrait d'elles ne sont souvent que faibies probabi-
iluence d'une transmission orale. lorsque les v ariantes, d'une copie á lités. D'oil. en cas extremes. le recours á l'hyporhése de manuscnts
l'autre. aneumenc une certaine amplicude. Pour ceux mernc qui reiusent perdus. nutre mythe peut-étre ? Cenains C3itS. 1 est vrai. son( trouolants.
l'idee d'une existente orale de la Chanson de Ruiand. les manuscrits Ainsi, tous les textes en ven qui. en francais et en allernand. nous ont
— une dizaine — qui nous Vont conservée anestent l'existence de deux transmis la - légende• de Tristan son( fraementaires. ou tres couns et
traditions au moins: on pea( admettre entre elles une maree de jeu propice épisodiques. ou bien ils presenten( une tradition manuscrire :ron ern-
aux initiatives des récitants, c'est-3-aire au déploiement de leur an vocal. brouillée pour qu'U sois possibie de voir clairernent les relations qui les
Je parierais :cc. ¡aturar que «indice. de présomprion d'oralité. unissent. II est vrai. =Tne l'écrtvatt G. F. Foiena. que le - hasarck
Cette présomption devrau, en principe, jouer en faveur de la quasi- presidan( á la conservation des textes n'es( généralernent qu'un aspect
totalicé des temes de laneue romane dont la composition Cut anténeure au d'une - nécessité • plus large... dont re peuvenc seuls remire compre la
xiit y siécie. Nous ne possácions. en effet. qu'un nombre dérisoire de pranque de l'écriture, ses implications. et ses ratés.
textes poétiques dans des copies exécutées avant 1200: en aceitan. des La situation critique n'est pas tres dliférence lorsque. de l'existence de
scribes du xit siécie nous ont procuré la S'ajare Fov. le poeme sur Boéee. formes modernes observées en contexte d'oraiité. on iniére la possibtiité.
et quelques vers d'usaze liturgique ; du Xtl e . deux ou trois textes scolaires: sinon la probabilice. d'une tradition loneue. plus ou moins indépendante
puts plus den jusquc vers 1250: en Crancais. á pan l'Eulalie du des textes écrits. Ainsi. les Cintece iilarinesti
recueillis dans la Roumanic
siécie.
!e manuscrt de Hildesherm de [Alexis-. celui d • Oxford du Roland. petu- moderne attesteraien t l'ancienneté des chants héroiques de cette partie des
la longue durée de leur existente purement Ora j e. Ainsi
erre le teme le plus amen du Saint Brandan. tous trois du xic`. rescent á Baikans. et
peu prés seuis: ni l'inflen ni les langues ibériques ne son( cuzcuz loéis. encare. l'étude de C. Ufane sur ies chansons québécoises en (orne de
L'essentiel de !a poésie an g lo-saxonne archaique. en revanche. une tren- faisses concha á une remarquable permanente de ce rype rychmique et
:ame de textes tres divers. nous a é:é conservé par quatre rnanuscrits. tous nanauf, en maree des tradicions ¿entes. Or, l'examen thérnatique el

46 47
LE CONTEXTE L'ESP.ACE ORAL
textuel perrnet de (aire remonter aux x111. Xlv e , xv` siécles
14 des considérés — tous les elements d'un v asto cycle au sein duque: se dissot
355 cnansons enregistrees. proportion faible mais non insignifiante:
l'identite des seuls textes subsistants. L'hypothese est inverifiabie. puit
comparable á cene que fournit l'étude cerque et comparative des que !es voix passées se son( tues: ce qui en funde la validité. c'est s
300 bailades angiaises cc écossalses tules. par El. Sareent et G. Kit-
fecondité. son aptitude á saisir le particulier au moyen du general. De
tredge. du vieux recuell de Child : une dizame iSOU 3.5 %) sont datables probabilités d'ordre divers la soutiennent. de tres inegale force persa:
des mémcs siécles. Combien d'autres sont aussi anctennes ou da‘antage. si s e. Elles résultent partbis de la découverte d'un débns textuel isok
notre insu? Qu'en fut-il. pour de lon g ues generations peut-écre. de ces dans lequel en piase dechifirer les traces d'une situaron oti tour etait livr
rimes rurales - dont partem avec mepris les rhetoriqueurs du xv e ;tecle. aux aleas des transmissions vocales. Ainsi du Fraernent de La Haye -
ea des chansons de métier allemandes qu'a !a mame apoque note te vers Fan mil, par rapport á la geste de Guillaume: mise ea prose d'u:
copiste du Ktinigueiner Liederbuch "11 poeme laten. resulta( peut-étre d'un excrete:: scolaire archaique. Mais
L'hypothese explicatrice s • articule plus aisémenc entre deux textes ou Adaptait-il une épopée de lanzo
p oéme !aun lui-rnéme.
e:ars textuels eloignes dans la durée mais entre lesquels se mantfeste une vuigaire :res anc:enne. ancétre du cycle attesté par les manuscrits
ressemblance á la partielle et assez forte. C'est ainsi qu • S la base des xitr siecle Ainst, encore. de la - Nora Enulianense datable d'envite;
epopees franco-italiennes de la fin du siécle bcaucoup tritaiiimistes. 1060. decouvene naguére dans une maree d'un manuscnt de San N'Una:
á la suite de E. Lévi• ont admis une tradición orate, venue de France sur
de !a Cogolla. dans la Rioja espagnole. bre( récit oil l'en s'accorde á vol
:es pas des croisés. avant l'impon:mon des premiers manuscrus: cene !e resume d'une Chal:son de Roland pnrintive. Le x' stede nous a légut
:racition se rauacheraient les canwrs héroiques des chantcurs toscans du un poeme lana sur le héros Waithartus. composé it l'abbaye de Saint-Gui
xiv" et du siécle. Les ressemblances les plus convamcantes sont. cc don: on peut admettre qu'el imite ou pastiche des cnansons ¿piques no:
plutót que thernatiques. perceptibles a cenaines contraintes («melles ou á écrices de l'Allemaene du Sud...
des tics de composition. voire de v ocabulaire: or. Fethnoiogie raneste. Le bes= d • interpréter des situations aussi equivoques en gendra e:
ce som justement lá des e:len :lents tres stables dans les traditions orales
France. á la fin du xix e siécle. !a checar:e des . .canuiénes -. inspires pa
— ce qui tient au ionetIonnement de la mérnoire vocale icorporeile ec ceile des rhapsodies homériques et á laquelle Gaston Pans attacha sol
ernotivei qui les mainuent. Ces( par ce biais que Fon a pu repérer. num : ie :eme transmis par le copisce ¿tal' considere comete la resultante
dans
:a poésie !vaque courrotse. en France et en Allernagne. la presence !atente d'une pluralicé de poémes courts. de transmission purernent orate. Cettt
d'une poesie difiérente. peut - ¿we d'origine beaucoup plus ancienne. mais :hely :e a durable:rent intluence non seulement bien des recherches sur I:
dont quelques exempies re stront recue:ilis par ecnt qu'á i'epoque mo- m'oyen ,lec. mais :par l'incermédiaire de C. M. Bovvra ?: les travaux de
derne. acres cinq. six ou huit siécles d'ex:vence uniquement orate. Cest. certains ethnoio g ues jusqu • aujourd'hui. L'idée. en particulier. de lancé
pass discutablement. la remete cc la periection formelle des chansons de ronce •• naturelle - de la bailade - par rapport á V- épopée - n'es: fondee
Guiilaume IX ou de He:nricn son Veldeke qui poussa bien des medie% is- sur nen de solide. L'histoire du Romancero ibénque assez d'ar
tes á supposer au modele poetique courtois des antécédents demeures. g uments pour la rumer. S. G. Armistead a mis récemment les choses at
peut-étre tres longtemps. sous un régime de pure oratité. point. La réflexion hisronque autant que nos recherches les plus retente
Dans roas les raisonnements de cene nature, rondes sur la constataron nous convainquent aujourd'hul que. jusqu'a preuve du contraire.:e com
d'une rupture de continutté rextuelle. Vare: un:cm ne peut poner que sur un plexe est en tour plus probable que !e simple. cc l'un moins que le divers.
ensemble. L'idée de pre-histoire en effet. mu'impiique l ' hypozhése. ae Ces( pourquoi. peut-étre. de presomptions cumuléis se dézage parioi
fait sens que global. Ce que :ei d'entre nous dénommerait la . préhistoire
une (orce persuasi v e capable d'assurer l'unammite de l'opinion! Exern
du Roland d • Oxford embrasse — en vertu de la nature mame des fans pies privilegies: la prehistotre des sagas tslandaises e: la poésie scaldique
anc:enne (les eddas). ainsi que. á l'autre extrémité de l'Occidenc. le
:8. Renu • P . 4- 14 : Liforte. p. 848 et 261 . 266: Langio15. p. 315: Suppicr chansons de geste espagnoies. Les sagas. inspirees par divers evénement
48 10


LE CoNTExTE L'E-SPACE ORAL

lies á la colonisanon de Pile, entre 930 et 1030. furent :vises par ¿cric au Cene recherche des precises. la quéte aux indices. les présomptcons.
un Peale: sous quelque forme orale que ce son (peut-écre des poen:es d'un point de vue rnéthodoioe:que. demeurent d'ordre instrumental. Elles
eénéalogiques). elles avatent alors deux ou crois cents ans d'áge. Quant ménenc. au mieux. á construire — te plus souvent. á esquisser en poin-
aux eddas. jis nous sont parvenus sous forme de eications des centaines) tillé — le simuiacre d'un objet. Telle est leur utilicé : une fois actante
dans FArt poétique du curé Snorn Scurtuson. vers 1220. L'usage mérne
cene fin, elles n'imponent plus. Informés par le simuiacre. essayons de
qu'en faic celui-ci. et la parenté de leur art avec la poésie allicérative saisir l'objet Le simuiacre. c'est ici une ! tradition orate- l'objet qui se
an g lo-saxonne ains; ( pour une part) que ieur contenu. permet d'en (aire dérobe. l'action de la voix dans la parole et dans le ternos. Ce que nous
remonter au tecle la tradielon orate. D'Espagne, á part le Cid. com- suegerent les textes ainsi auscultes, ce sont les dimensions d'un univers
pase au xn e siecle. e: le Fernán González du 5.111r. aucun poeme ¿pique vocal : l'espace progre de cene poésie. dans son existente Site. au tour
anclen ne nous est parvenu. L'existence toutefois d'une (Inclinan de le jour. Ce que nous suggerent aussi plusieurs d'entre eux. c'est la
chansons de g este. restée, dans son ensemble. de réeime vocal pur. est
stabilice de cet univers. la stabilité qu • il assura. dans la longue durée. á
prouvée par quelques allusioos qu'y fait une Chronica gothorum du F(xuvre, en elle-méme si fugace, de la voix. Le recul faic apparaitre á nos
m'e siéele• ec surtout par ('ensemble de citations. resumes cc références yeux un réseau serré de traditions poétiques orales embrassanc tour l'Oc-
que foumissent la Crónica general rédigée en 1289 sur l'ordre d • Alphon- eident; cc l'étude comparée de certatns chémes narratifs non moros que de
se X. puts sa seconde rédaction. de 134-1. On a reconstitué hypothén- formes (te! le modele rychmique du révele une remarquable conti-
que:nent l'une de ces chansons. les Infantes de Lara. Deux autres. nuité entre ce réseau el ceux qui recouvrenc ('ensemble de l'Eurasie. l'ai
consacrees au rol g oth Rodrigo er. á Bernardo del Carpio. inspirerent par fan allusion. dans le chapitre précédent. au protit que peuc tirer le
la suite :out un cycle de romances. Ces peernes. á leur tour. progressive• médiéviste d'un examen comparaccf du tan :pique á cravers l'Europe
ment recucillis en Romancero par des amateurs des "(Yr cc xvir siectes. enuere á haute epoque: simple exempie. Mais on ne peut. du crian(
mais dont !'existente est clairement attestée au constituerent comme héroiquc. dissocicr tout á fait !a bailade -. qui en pays anglo-saxon
une seconde vague ¿pique. dont la tradition orate et la fertilicé se main- germanique a fait recemmem encore Vebjec d'étuces importantes !°. va-
cinrenc dans :out le monde hispanique jusqu'au XIX` siecle, en quelques riété d'épopée courte, constituant un art vocal auconome. la bailade.
re g ions jusqu'á nos jours. répandue dans (out le monde eermanique Jusqu'aux xvnr ou XIV té-
On cnvoqueran aussi bien ici les branches franlaises et germaniques du eles, ainsi que dans la plus eranae parte de la Romania médievaie. n'esc
Renarr. (elles qu'elles apparaissent vers 1170-1200 á notre hartan. et pas attestée. semble-t-il. dans les temes de l'ancienne France. dais
dont on ne doute plus que des formes orales les precede:ene. Le vide peuc-écre n'y est-elle simplement pas identifiée. Pour ma pan. je n'hésite
documentaire s'emplit ainsi, peu á peu. d'un corleen de voix perdues. pas á considérer comme ballade cene de nos - chansons de toile comme
Cese paríais aux formes d'un folklore moderne á jouer le róle de revela- Bele Aiglentine, dont j'ai tenté jadis de reconstituer t'histoire textuelle
teur: entre le jeu des marionnettes siciliennes ipuppi) (elles qu'on les travers les mucacions dues á l'incervention des chanteurs. sinon lene
connaic depuis le xvm e sitcle, les Reali di Francia d'Andrea da Barbe-
chanson populaire comme le Ros Renaud. dont le teme francais appa-
vino au :o ye . et les chansons de geste franco-vénitiennes du quelles rait en pays gallo au xvl e siecie. mais dont des versions onc ¿té retevées
traditions vocales ont-elles assuré la continuité? Et entre chansons de en Scandinavic. en Écosse. en Armonque. d'oil Ion peut supposer
', este ou romans franems du et les cycles héroiques véhiculés au qu'elle penetra en terroir franeais 20 ! Des ouvra g es comme ceux de
Brésil par la literatura de cordel. sur le lon g chemin Mi le seul reíais fur Buchan ou de Metzger en 1972, d • Anders en 1974, fournissent
queique compilation du xv' sitcle? macériel et des perspectives d'interprétation. cnégalement assimilables par

19 Anclen. Suenan: Jonsson; Meuer. etc.


XI. Dan:1sec. p. 157-162.
50 51

5
LE CONTEXTT_ C ESPACE ORAL
le romaniste. mais propres á entrainer une saine rermse en question de
sia. du siécle. retléteraient quelque chose de cene poésie archaique
posiuons apparemrnent acquises. Un colloque tenu á Odense, au Dane- Rien n'est moins sür: les quelques phrases méprisantes tombées d
mark. en 1977. jeta sur l'européanité de la ballade une lumiére cenes levres sacerdotales ou royates sienalenc pour nous un trou noir. d'o
inécalernent puissante. mais qui révélait dans sa pénombre les traces de s'eleven( d'autres voix inaudibles. mais innombrables. un éclat soudair
rnultiples et tres anciennes traditions orales. entrecroisées. Une centative de toutes paras. qui bienced sera reprime. ou confisqué par recriture
de dérmition de ce type de poernes s'appuvait sur plusieurs discussions Aussi a-t-on cherché á retrou‘er. parad les textes d'une ¿peque Late
reianves á ses formes et son histoire scandinaves. ainsi qu'á ses rnanifes- rieure. les iraements ou les creas supposés de notre lyrique unginelle -
tations dans l'Europe du Mord. du Centre cc de l'Ouest : Finlande, Hon-
L'enquéte n'aval% aucune chance d'abounr. si on la contraienait dans le
igne. Slovénie: Buchan retrucad les premiers cheminements. entre mi' er limites d'une lame ou d'un terroir. Sur piusieurs points. elle procura de
xve siécle. du genre anglais. définitivement conscitue vers 1450:
resultáis probables. Ainsi. lorsque le cornpilateur d'un chansonnier d
D. Laurent faisait rernonter jusqu'au sinon au Ir. la tradition de XItr siécle signale néedgemment que le troubadour gascon Peire
piusieurs bretonnes. dont la gwerz de Skolan "1. Valeira. l'un des plus anciens qui nous soient connus (dans la premié:
Un semblable elareissement de la perspective s'eral( imposé (dans la ne valait pas erand-chose car il compasad des vers • c
mon j e du
(aula:, rl est vral. de la guate rornantique des Origines). voici pros d'un
feuilles. de fleurs. de chants et d'oiseaux - :2 . on presume qu'il faic ain
siecle. aux histonens de la poésie lyrique - romane. Des les années 1880 reference á un eenre combé, de son ternes. en desuetude ou en desafíe:.
en effec. certams médiévistes avaient ere conduits. sur la tolde témolena-
don. Or, de ce genre. rien ne subsiste que — peut-étre — des (ragmen
ees indirects. á présumer une ou des traditions orales. depuis tormentos mal identiliabies. chants de pnntemps égaiilés parad les chansons
eccintes er dont rnérne les effets hisdariques restent difficiies á déméler.
Ilinnesányer. ou les reverdies•et - romances- irarcaises. jadis pi
par suite de la relactve rareté des soures !atines disponibles pour le haut bliées par K. Bartsch d'aprés des manuscnts reianvement tardiis.
moven et de l'inextstence de documents en langue v uleaire. Ce Acure exemple: une declinan de chants de lamentation sur les mon
slience s'explique. en pante. par une censure ecclésiastique. D oü I • im- spécialernent lors du décés d'un chef. indirecternent attestée des
portance que l'on est en droii d'attacher aux - tintes- qui. de temps siécle. remonte sans doutc plus haut encore, et se minuta :r
autre. se produisent. sous couven de condamnation. On en a dressé
longcemps Boncompazno da Signa. en ) 2_15. dans son trade de sty
depuis longtemps l'inventaire: du v • siécle au X- se desune une longue
, Rherorrea antigua. dite le Boncompaynus,. consacre un chapicre 'a
serie de déclarations officielles réprouvanc ou interdisant l'un g e de maniere dont on chance le lamento chez treize peupies de son termas
camica alabolica. imuriosa. amatoria. obseaena. turpia • de ea/narrar:es Des clercs d'eduque carolingienne en composerent en !aún: il nous
sn-e saltanones. de cantilenae rusticoram. ou. selon un capitulaire caro-
reste plusieurs. partbis assez rustiques par leur tuneaste. et therriatiqt
lingien. de ces mysténeux winileodos chansons d'ami ou - de travail - )
ment toujours engagés- : sur la mon de Chariemazne. sur cede d'Er
chers aux nonnes des pays allemands. Reelementations royales.
duc de Frioul. sur la bundle fratricide de Fontenoy en 841. sur le meur
interdictions conciliaires comme ceiles de Chálons en 569 et 1564. de du sénéchal Alard en 878. pour la mon de Ouillaume Longue-Epée. e
Rome en 853 r_onseils epistolatres comme ceux d'Alcutn á l'évéque de de Normandie. en 942... Cene tradition impregne les chansons de ees
Lindisiarne ou aux moines de Jarrow en actestent la v ieueur et l'uni- les chansons de saints merne. dont l'un des monís est la plainte sur
versalité dans la platique populaire. Ce que les mainteneurs de l'ordre mon du belios. si bien réglée que j'ai pu jadis en (aire la typoiogie.
rejettent amsi. c'est á leurs yeux une persistance paienne: á nous d'en Xil e siécle. le &rictus est devenu un genre noble. cultivé par des poé
déciuire l'existence de traditions longues. On a supposé. sans irop de de tour ou d'école: on confiad le p(anh des troubadours: ou les six bea
preuves. que cenaines meces du recueil latin des Carmina cantabrigen•

21. Holzappel 1978 12. Bounere•Schutz. p. 14.


23. Goldm 1983, p. 38-39.
52 53
LE CONTEXTE LESPACE ORAL
planetas MUSIC3UX
dans lesquels Abélard. á l'intention des nonnes du Cene découverte a largemen t confirmé, en le precisan'. ce que Ion
Paraclet, fait chanter divers personnages bibliques confrontes á la mon supposait de la puissance expressive et de la continuité d'une tres an-
(migue d'un étre airne. Le manuscrit Pluteus 29.1 de la Laurencienne cierne poésie érotique, d'extension quasi européenne (de Grenade aux
nous a conservé. aves leurs mélodics, une dizaine de n'atriles composees forets saxonnes: de Rome á la mer du Nordl, de transmisston oraie et
entre 1180 et 1285 á l'occasion de la dispancion de grands personnages assurement chancee. II est désormais possible d'en identifier cenains
féodaux ou ec clésiastiques, d'Espagne. crAnelezerre et de France: themes. voire quelques traits iormels. Ce que j'en rettens sur,out, c'est
Ce:te histoire se proloneea jusqu'á la fin du moyen age. l'image suscitée ainsi : á l'aubc du monde issu de la désagreization des
a Troisieme exemple, manifestant la presque unanimité des specialistes: cultures eréco-romaines. et durant les siécles manes oit se rétablissait peu
l'existence, duran' les cuto ou six siecies precedan( 1200. de chansons. á peu l'equilibre des (orces eivilisatrices, se manicio' ct se développa un
diles - de femmes- (á la suite des premiers eermanistes qui idencifiérent art vocal «tenia]. Les réactions indignées du haut clergé non motos que
d'archarques Frauenlieder- allemands). Césaire d'Aries, au tr• siente, l'utilisation folldotiste qu'en tiren'. á partir du ni* siente. les poétes de
pi
semblait y (aire allusion déjá, dans son indienation: • Combien de pay- cour attestent son irréductibilité et sa longue fécondité. Les ceuvres de cet
art son' pour nous inemediable ment perdues. Nous n'en percevons
que
sannes chanten{ de ces chansons diaboliques, érotiques. honteuses! •
iQuarn mírele f.:atiene midieres tantico diabolica. amatoria et
rurpia
des retlets. Mais elles existérent: elles se succédérent. au sein d'une
decantant! ); les Pares du conctle de Rome, en 853,
mentionnatent i leur tradition vivante. pendant come l'époque tr.érovingienne. l • aoque caro-
tour des chansons férnintnes - aux paroies honteuses-. accompaenant des linetenne. la haute époque (éodaie. I! est historiquement bien improbable
rondes 25 . Bien ces refrains insérés dans les chansons counoises francat- qu'une tette expenence n'al( pas marqué. tongtemps encore aprés ce
a ses des xiit siales. des strophes reutilisées par les auteurs des
Carmina hurona ou par cerra j as Minnesan ger
constituent probablement á
terne. mute poéste: non tellernent dans les formes de latinee ni les
motits imaginaires que. á un niveau profond. dans Itxpenence d'un
la ibis les dans et les térnoins d'une tractition dont la vieueur se mani• zertain accord entre !e verte e: la voix.

F# remera encore. á partir du XIIP s'ale. dans cenains v illancicos espagnois.


dans les cantigas de amigo ponuszatses. v oire dans les • chansons de

1 toile• ou les maumariées• francaises, et sans doute dans beaucoup de


chansons de danse. tels les carvis d'Anzie:erre. Un ample mouvement
poétique. Iraversant les siécles. se dessme ainsi dans le rniroir de formes
plus tarcives. sans doute plus eiaborées. más qui en imitent ou pastichent
Une vive lumiere frappe ainsi — aux yeux de qui tente de s'affranchir
du préju g é litteraire — les wuvres que nous ont conservas les manuscnts
les teuvres. Quana, á la fin des années 40. je commencat i m'interesser zonfectionnes á partir des Xtr-XIII' siécles. Elle nous procure la quasi-
á ce probléme. je me persuada' que le rana ,han' counois - des certitude d'un usase (a. haute ¿peque exclusivernent) vocal des chansons
croubadours occitans s'elan constitue. vers 1100, par réaction contre de geste jusque vers la En du et de ('ensemble de la poeste
cene poéste sauva ge. L'existence de cene derniére n'en demeura pas • lyrique popularisante. au sens oit P. Bec entend cet adjectif. ren-
moins hypothaque jusqu'a te que. entre 1948 e: 1952. S. M. Sien voyant á un substrat culturel d'orante pure: aubes. pastourelles. et d'au-
ti
plus E. G. Gomez eussent déchiffré et publié une serie de brefs tres. spécialement les formes á refrain. Nous ne connaissons que par des
poémes andalous inseres, en grapnie sérnitique. á titre de jarcha: tstrophe zemoignages indirects (ainsi ceiui de Wace. aux vers 9792 et suivants du
terminale) dans des mawassanas hébraiques e: atabes des Xr. xrP et Roznan de Brue) l'existence de cortes transmis par la seule tradition orate.
X111` siales=6. Mais cene Cerniere dut jouer un tate prépondérant dans la diffusion du
24. Commumeation de G. Le Vot. 1985.
eenre des fabliaux francats et des Schwanke allemands. qui apparait au
25, Romeral() 1969. 9 365-366 cours de la seconde monté du XII' siecle : l'examen. par J. Rychner. dés
26. Heger: HzIty: Romeral() 1969. p. 347-364 1960. de la tradition manuscrite des fabliaux est convaincant á ce égard:
54 4 55
LE CONTEXTE LESPACE ORAL
et l'on n'auraic pas de peine a retrouver des indices comparables d'orante Ventadom 23 . crois des peres de cene poésie. La chanson, au long de son
dans piusieurs formes de - récit bref•contes pieux. mitades de Notre- biscotte. s • ennchit. non seulement. non méme peut-étre principalement.
Dame... jusqu'á la novefla ttalienne. selon R. J. Clements et 1. Gibaldi. du renouvellement incessant de son texte et de sa mélodie. mais de la
Les rozos et vidas insérées dans les chansonniers de t (orce vicale emanant de la muitipitcité et de la diversité de toutes ces
roubadours furent
probablement, á l'ori g ine. soumises au méme régime: la Vida de Guillern _orees. ces bouches qui successtvement l'assurnent.
de la Tor en fuma la preuve direcce: "olio dice sas cansas. el La situatton est analo g ue dans d'autres zones de Vancienne Carolingie:
razia piar lon • semen de la rasan que non era la canso: transfer: par vote d'orante. au X ni' silde. de l'épopée francalse dans la
Quand
voulait exécuter ses chansons, son commentaire (rozos durait plus long- plaine du P6 et en Vénécie: de la chanson troubadouresquc i la cour
temps que la chanson elle-méme -) 27 . v l. Ewan a montré qu'U s'un li de sicilienne de Frédéric 11. La poésie iranciscaine des premieres g enera-
mini-récits calques sur le pian des acensas ad poetas, ce qui nous renvote :10ns de l'ordre. soucieuses d'échapper á tout prestige • savam connut
aux pranques orales de l'enseignement. sans douce une piase initiale d'orante pure. Tout le monde sernble. des
mar:
Personne nc me: en doute. en dépit du faible nombre des mélodies 1228-1229, connaitre le Carraco di Frote Sate de Francois d' Assisel
subsistantes, l'orante de la poésie des troubadours. trouveres ni Tiene. $3 mise par ¿cric n •
est pas assurée avant la fin du siécie. Cóté germanique.
sánger : du moins, en ce qui concerne sa communication. Nlais plusieurs des les années 20 de notre siede, plusieurs savants d'outre-Rhin soute-
raisons Inclinent á penser que la tradition mérne en fut. en bien des cas naient la thése de l'orante généralisée de la poésie allemande. aux XII'.
tpeut-dre en concurrente avcc des rediles volantes,, conliée á la rné• X d e siecles encare. Ils l'entenciaienc. ti est vrat. dans un sens plus large
motee des interpretes. Peu importe que Guillaume IX. á l'aube de cene qu'un ne le faisait ailleurs. et l'étendaient au minan ceurtois. A partir de
tradition, assure avoir improvise telle de ses chansons cc huiré Ruciet. 19e8. lisre de 14. Linke sur Hartmann son Aue relanca la discussion:
expedié la sienne á son desunataire sans Palde du parchemin. On :en.o- F. Knapp. F. Tschirch rappu!.ércnt de teta autoricé une positior. qui 'je
quera pul& la iongue durée qui s'écoula entre l'époque oú v dans le méme ternos.
écurent les ri g norais alors) ét3il cene méme que danissan.
podes ec la date des plus anciens manusents au-deiá de deux siecies. mon Essat de puetique
,mon pour la plupart des :roubadours ancéneurs i la croisade des La oéninsulc Ibérique ioumit les plus rices exemples de traditions
Albigeols. Tout se puse comme si les amateurs et les copetes du poetiques vigoureuses qui se sont maintenues jusqu'a Met sans le secours
%Dr • stécle. inverseinent avalen( considére qu'une époque de leur bis- de !Rent. Celle du Romancero remonte. cá et lá. au mil' stecle. sinon
torre poétique vivante avait pris fin avec le Xlii'. Or. quelle ovan été. dan: méme plus tót. et son dude nc cese de s'étentire et de se préciser. Ainst.
cc vide d'écriture. le mode d'existence des temes les mouvements de une equipe dirigée par Diego Catalán a récemrnent suivi Vhistoire exern-
l'incertexruainé — de l'inter • ocalitti —de l'une 5 l'atare de ces centaines La dama
piaire du romance qui fui le premier mis par écrit. vers 1420.
de chansons Un line récent de J. Gruner funde implicitement sur ce
fan el pastor. Une vingtatne de versions orales distincces en ont par atileurs
une tmerprétation z2Iobale et dialectique - du trabar. D'autres en voten[ ¿té relevées, depuis le Xvi e siecte. diez les Sépharades et. d'un villancico
l'effet dans la mtmvance généralisée de la chanson: 40 "- de celles que qui fournit l'équivaient iyrique de ce récit. on n • a pas retrou v é moins de
nous ont conser • ées plusieurs manuscrits componen( des vanantes signi- 180 versions. en Espagne. en Amérique latirte et. encore. en mtlieu
ficattves. C'est ainsi que s'edairent tpiutót que par un appei aux audt- sépharade :9 . Ces faits impliquent I • existence d'une tradition bien amé-
teurs. invites á faite l'exegése de ce discours) les déclarattons de plusieurs rieure au Xv e siecle.
podes. modulées iau début ou á la fin de la chanson) sur le !heme : plus Chez les Angio-Saxons. avanc la conquéte r.ormande. I'impacc de la
on emendra mes vers. mieux lis vaudront: plus le temes passe. plus zitristiantsation sur les anuques cradicions germaniques en g endra une
signitiants ils deviennent... Ainsi • Cercamon. huiré Rudel. Bemart de

27. Boinierc•SchuQ. p. 134. 2S. N"' ce PIllet•Carste ns it2. 262. 'O


:9. Larnb•Phl ipps.

56 57
:...ESPACE
LE CONTEXTE
• habituellemeni recommandée. s' impuse un fuste éclairaee
poésie oraie. dont les traces resten( assez aisérnent repérables. Aprés pruden ce — d'apport er une
la &marche. 11 ne s'arta pas en effet — sauf exceptio n
1066. et durant (out le KW szecle, divers echos assourdis nous permettent relame á tel teste ou tel terron,
preuve ni mame de fonder telle hypothes e
d'entendre la voix d'une poésie de langue zermanique. populaire. refou- l'imaeination cnttque : cette ouvenur e aux ima-
lee par le francais et le !aun des dominateurs et des le.trés. Le MY' siécle mais bien de provoqu er
ees visueiles et auditives,intéerees parmi les elements d'information que
1 en ressent peut-étre !es effets dans le mouvement que l'on a distingué n — imagos sans lesquelles je
comete ailaerailve reviva!. Au-delá de la Severn et de !a mer. le monde mettenc en truvre le philolog ue e: l'historie
ne saurais vivre ce que j'apprends. c'est-á-dire échapper á i'illusion
&U:que, en dépit de l'intense activité scripturaire des rnotnes irlandais.
demeurera jusqu'a notre siecle exceptionnellement nche de tradicions scientiste.
a
orales, de mame, i l'époque ancienne. les pays nordiques. en depit de

1 différences notables entre Suéde. Danernark et Norvége d'une pan.


Islande d'autre pan. On invoquerait aussi bien. á l'autre bout de la
chrétienre. la poésie vtlgaire de Byzance, et les chants oi se forma le
cycle héroique de Digenis Akruas; plus card. les ballades urbes commé-
moran( ia guerre de Kossovo; vont, en Paienie la transmission des
a yasidas acabe du Proche-Orient... partout. presente dans les interstices
des cubres dominantes, celle dcs juiveries du bassin mediterraneen. de
la France. de l'Allemagne. de l'Aneleterre. On commence aujourd'hui á
mteux en percevoir rampleur et cenes en particulier d'une
poésie liturgique ou profane. ea hébreu. en vemaculaire. souvent bilin-
21.3e I art vocal qu'entre le r et !e mil' siécie developperent aves éclat

(paralleiemenc á la poésie chréttenne des trapes) les communautés sé-


pharades de Provence et d • Espagne 30.
Jusqu'oil poursutvre cene randonnée? Plus on la prolonge. plus nous
atienden( de piéges: cc pius s'écend l'espace consideré. plus fonement
a décroit la valeur des ressemblances observées. Reste qu'un caractere
commun. essentleI quoique prorondement enfout sous les manifestations
de sudase, subsiste dans les substrucrures de coutes les civilisations á
u dominante orate. En ce sens. il n'es( peut-étré pas abusif. comete Fon:
fait récemment plusieurs savants japonais. de relever les analogies entre
le mode de déclamation du Heiké. de nos jours encore. e: ce que Pon peut
savoir de l'énonciacion épique dans le moyen áge occidental. J'ai moi-
rnérne fan l'expérience de la lumiere que projcnent. sur la narure et !e
probable fonctionnernent de nos fabliaux. !es performances de rakugo.
J. Opland tirait. de la pratique des récitants bantous. des informations sur
celle des skops an g lo-sazons... Les reserves inspirées par une saine
philoioeie consenient en cela leur validité! Mais plus encare que la
30. Battu

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