Chypriotes
Foucart-Borville Jacques. La correspondance chypriote d'Edmond Duthoit (1862 et 1865). In: Cahiers du Centre d'Etudes
Chypriotes. Volume 4, 1985. pp. 3-60;
http://www.persee.fr/doc/cchyp_0761-8271_1985_num_4_1_1186
Jacques FOUCART-BORVILLE
couvrant de croquis pris sur le vif une centaine d'albums que Robert et
André Duthoit viennent de remettre généreusement au Musée de Picardie, en
même temps que les beaux cartons de dessins exécutés pour Brebières.
Après des études classiques dans les collèges jésuites de Bruge-
lette en Belgique, de Saint Clément de Metz et de la Providence d'Amiens,
Edmond vit sa vocation de dessinateur s'éveiller de bonne heure dans
l'ambiance familiale que nous avons déjà décrite, où l'art uni à la religion
régnait sans partage. Viollet-le-Duc, depuis 1849 architecte de la Cathédrale
df Amiens, connut aussitôt les frères Duthoit que leur prestige local venait de
maintenir comme sculpteurs de la Cathédrale de préférence aux Parisiens. La col¬
laboration entre ces hommes qu'animait le même amour du Moyen-Age fut pendant
vingt ans exemplaire, Viollet voyant dans les Duthoit les "derniers imagiers"
et louant leur atelier comme la rémanence des chantiers médiévaux chers à son
coeur.
C'est ainsi que tout naturellement en septembre 1857 le jeune
Edmond, âgé de vingt ans, entra dans l'agence que Viollet venait d'ouvrir à
Paris pour bientôt prendre place avec Anatole de Baudot et Ouradou parmi ses é-
lèves préférés.
Au début notre jeune homme avait été attiré par la décoration de
théâtre et il fallut l'autorité de Viollet-le-Duc pour lui imposer une formation
solide d'architecte assurée sur le tas, loin de l'enseignement académique que
le maître rejetait. Très attaché à Viollet, Edmond n'aura pas d'autre profes¬
seur et restera près de quinze ans dans son agence (de 1857 à 1872 environ) jus¬
qu'à son installation définitive comme architecte indépendant à Amiens. Sa par¬
ticipation sous l'anonymat aux travaux du maître (Notre-Dame de Paris, autels
de Notre-Dame d'Amiens, château de Pierrefonds, etc.) fut considérable.
chéologiques pour son livre Les Eglises de Terre Sainte publié en 1860, fait
appel à lui sur l'indication de Viollet-le-Duc pour être le dessinateur atta¬
ché à une mission de recherches au Proche Orient, ayant pour but de continuer la
mission phénicienne de Renan.
Il s'agissait d'étudier l'architecture phénicienne au Liban et à
Chypre, comme aussi les remparts et tombeaux de Jérusalem, afin de déterminer
le jeu respectif des influences égyptiennes, phéniciennes, juives et grecques,
objet de controverse aiguë dans le monde savant de l'Académie des Inscriptions
et Belles-Lettres, notamment entre Saulcy et Renan. Vogué, par ailleurs, utili¬
sa à titre personnel Duthoit pour les églises chrétiennes de Syrie jusqu'ici
négligées et en contrepartie consentit a ce qu'au retour son dessinateur passât
par Athènes et la Sicile. Un épigraphiste et numismate consommé ,Waddington, se
mêla à eux, les tâches se répartissant entre eux trois : à Vogiié l'histoire des
monuments, leur description et la photographie ; a Duthoit : les dessins (ils
seront légion) ; à Waddington 1 ' épigraphie, mais dans l'île de Chypre Duthoit
laissé seul pendant quelque temps dut s'occuper de tout : fouilles et dessins.
Ce voyage, occasion merveilleuse pour un jeune homme jamais sorti
de son pays, est selon l'heureuse expression de l'Anglais Bergdoll, auteur d'une
excellente biographie d'Edmond Duthoit, l'équivalent de ce qu'étaient pour les
artistes les Prix de Rome et de ce que fut pour Viollet le voyage d'Italie.
De cette mission poursuivie à Jérusalem, en Syrie, au Liban et à
Chypre pendant plus d'un an, de décembre 1861 à janvier 1863, Vogiié tirera les
éléments de deux grands livres remplis de planches dessinées soit par lui, soit
par Duthoit : Le Temple de Jérusalem, 1864-1865, et La Syrie Centrale, architec¬
ture civile et religieuse du Iau Vie siècle .1865-1 867 . Une monographie monu¬
mentale sur Chypre devait suivre, qui ne vit pas le jour faut de temps. Et pour¬
tant c'était bel et bien leur intention commune; voir la lettre de Duthoit de
juin 1865 : "j'ai l'intention de publier mon voyage à Chypre" et les souvenirs
d'Henri Bernard (6).
La chance de la mission se renouvelle en 1865, cette fois sans la
participation de Vogiié, ni de Waddington. Le surintendant des Beaux-Arts, Comte
de Nieuwerkerke, charge Duthoit de se rendre sur la côte asiatique du Bosphore
près de Constantinople pour fouiller le site d'Assos, ville grecque du Ve siè¬
cle avant Jésus-Christ, dont les Turcs veulent utiliser les pierres pour ériger
des forts aux Dardanelles. Il faut gagner de vitesse les archéologues anglais
prêts à se mettre en piste. Après quoi Duthoit gagnera, par Smyrne et Rhodes j sa
chère île de Chypre afin d'y faire pour le sultan le relevé des canons vénitiens
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NOTES
(2) Sur l'activité de Grasset a Chypre, voir Olivier Masson et Annie Caubet,
"A propos d'Antiquités chypriotes entrées au Musée du Louvre de 1863 à
1866", Report of the Department of Antiquities Cyprus 1980, p. 136-149
(revue citée RDAC) .
(3) Badia y Leblich dit Ali-Bey, aventurier espagnol, né 1766, -f 1818, qui a
laissé des récits de voyage au Proche-Orient (Larousse) .
(4) Revue Britannique, nov. déc. 1892, p. 112-113, cité par 0. Masson et
A. Caubet, op. cit.
(5) Pour les résultats d'ensemble de la mission de 1862, voir les lettres a-
dressées par Vogiié à Renan, Revue Archéologique, 1862, I, p. 345-347 et
II, p. 244-249 ; les articles d'épigraphie de Vogiié, Journal Asiatique,
1868, II, p. 491 et s., et deux articles signés Lavoix et Puget "Chypre
et Paphos", découverts par Olivier Masson dans L'Illustration, janvier-
février 1864, I, p. 59 et 61, 109 et 110, avec beau dessin d'après Duthoit
représentant le site d'Amathonte (p. 109).
par le voisinage de la Syrie. Les femmes rappellent dans leur mise les jolies
filles d'Arles, elles portent avec beaucoup de coquetterie un petit corsage
très ouvert qui se croise au-dessous des seins, une mousseline ou des dentelles
couvrant la poitrine, la gorge reste nue, une gaze enveloppe la tête et le chi¬
gnon des personnes qui ne portent point de magnifiques nattes pendantes dans le
dos. Des fleurs artificielles ou naturelles sont placées dans les cheveux.
Mais d'un point de vue logique, mieux vaut parler du débarquement.
(Le compliqué fut de grouver un gîte ; faute d'hôtel, Vogiié et Duthoit durent
accepter l'offre du Consul de France, M. Du Tour (4), de loger chez lui, pen¬
dant que Waddington logeait chez le Consul américain Barclay). M. Du Tour> Con¬
sul de France, mit aussitôt sa maison à notre disposition, mais M. Waddington
alla loger chez le Consul américain. M. Grasset à qui nous avions été adressés
et qui voulut nous entraîner à dé jeûner pour ce jour là, mais n'ayant rien pré¬
paré, il était 2 heures et nous jeûnions encore, mais ceci n'est plus un mal
depuis que nous allions le tenir. M. Du Tour nous fit les honneurs (de son con¬
sulat) d'une façon fort gracieuse. Le soir un grand dîner réunit les notables
habitants européens de l'île.
Puisque j'ai prononcé le nom de M. Grasset, comme je suis appelé
à avoir ici des rapports très fréquents avec lui et que par conséquent son nom
se retrouvera assez souvent dans mes lettres, je veux vous dire de suite qui
c'était. Il est jeune encore, 35 ans, petit, une tête assez artistique (5), une
mise ad hoc. M. Grasset a mangé en France, je crois, une assez bonne fortune, il
le dit du moins, c'est pour se remonter qu'il est venu ici, il s'est mis à la
tête d'une grande culture à laquelle il n'entend rien, il a pour ambition se¬
condaire de se faire un nom dans les arts, il dessine mais assez mal, le plus
parfait ennuyeux du monde, il parle peinture d'un ton doctoral, dans un temps
il fait souffrir le martyre à de pauvres morceaux de bois qui n'en pouvaient
mais. Les maîtres sont ses camarades, ses chose par et et chose par la, et il
n'est pas moins tranchant quand il s'attaque à la statuaire. La numismatique,
l'archéologie, il cause de tout avec le même aplomb, le fait est qu'en toutes
ces matières il s'entend comme à ramer des choux. Tu ne saurais croire com¬
bien la conversation avec ce bout d'homme est fatigante, il a tout vu, il
sait tout, il n'y a de place que pour lui : c'est là son travers ; sauf cela
il nous a reçus très bien, mais je suis effrayé en pensant que je l'aurai un
mois ou 6 semaines sur le dos. Etrangers que nous sommes, nous sommes obligés
d'avoir quelqu'un pour nous renseigner un peu et c'est lui qui est chargé de
cela et on s'est trouvé forcé de l'accepter pour ne le point froisser et l'em¬
pêcher de mettre des entraves à notre travail.
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phète. Je n'ai jamais pu lui faire expliquer laquelle des deux (8).
Le petit village de Kiti possède une église assez misérable, mais
dont l'abside est décorée d'une mosaïque byzantine à fondd'or fort belle. J'ai
essayé de la dessiner, mais il faisait tellement sombre que je n'ai pu en faire
qu'un croquis informe. Elle représente St. Michel, Raphaël et Gabriel, deux
anges sont presque complets, le troisième n'a conservé que la tête ... (Ensuite
en route pour Famagouste.)
(Ouvrant une parenthèse, il décrit les fléaux de l'île : outre
les fièvres et les serpents), ce sont les sauterelles, elles surgissent au prin¬
temps on ne sait d'où, s'abattent sur les moissons, puis s'attaquent aux arbres
dont elles dévorent jusqu'à l'écorce. Dans les sources, elles se voient par
millions et empoisonnent toutes les eaux. Pour détruire un fléau si grand le
gouvernement avait imaginé de forcer chaque individu à apporter une certaine
quantité de ces insectes. Des spéculateurs d'une singulière expèce se mirent à
chasser la sauterelle et à la vendre à ceux qui devaient en payer au Pacha, ceci
vint aux oreilles de ce gouverneur qui conçut de suite une idée magnifique; il
fit concurrence aux marchands de sauterelles, il osa revendre lui-même les sau¬
terelles qu'on lui avait apportées pour payer la taxe, de sorte que cette avari¬
ce détruisait tout l'effet d'une mesure des plus utiles au pays.
Pour nous rendre à Famagouste, nous devons faire deux étapes.
Vendredi à midi, notre caravane se mit en marche pour Athienou, ancienne Golgoï:
les trois membres de la mission, deux janissaires, un domestique grec, deux mu¬
lets portant les bagages et des muletiers perchés sur des ânes .
Athienou est à trois heures et demie de Larnaca, c'est un petit
village qui possède deux églises qui n'ont que peu d'intérêt, les maisons sont
assez grandes et bâties en briques cuites au soleil... C'est assez animé parce
qu'est là le coucher des muletiers qui vont de Larnaca à Nicosie, capitale offi¬
cielle de l'île. Nous descendîmes dans une ferme grecque appartenant à M. Tar-
dieu, négociant français à Larnaca ; je me suis mis en quête ... je fus fort
heureux dans mes recherches. Je fouillai toutes les maisons, toutes les cours ...
et je trouvai entre autres choses trois chapiteaux, tous variés appartenant
à un art tout à fait inconnu qui peut être phénicien ? Des têtes fort belles
et en quantité, nous en achetâmes pour le Louvre et pour des prix fabuleux de
bon marché, en tout une cinquantaine de francs.
La manière de procéder (pour les achats) est toute extraordinaire
(voici un exemple typique). J'avais trouvé une tête très belle de Bacchus in¬
dien (9) . On avait offert une valeur de 5 francs à la femme de la maison où
elle était. Cette femme refusa de la vendre sous prétexte qu'elle n'était pas
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assez payée. En rentrant chez nous on envoya un des janissaires chez cette fem¬
me en lui disant d'apporter elle-même cette tête aux effendi , c'est-à-dire à
nos seigneuries où elle recevrait la somme offerte, sinon ils devaient rapporter
la tête sans rien donner à la malheureuse. Nous avons un firman et vous voyez
qu'il sert à quelque chose.
Le dimanche (2 février) nous arrivâmes à Famagouste ; sur la rou¬
te je relevai une petite église byzantine, toute couverte de peinture et fort
jolie, mais ruinée. La route ... traverse une plaine immense, la Messaoria ;
la culture est ici assez bonne ... mais les arbres manquent totalement, ce qui
rend le paysage monotone. (Près de Famagouste on reprend les marais qui sont
fort pittoresques avec leurs grands roseaux qui ont 6 ou 7 mètres de hauteur
et dans lesquels hommes, chevaux et habitations disparaissent complètement.)
Famagouste montre d'assez loin les deux tours de sa cathédrale
ruinée. Des fortifications encore assez bonnes lui donnent de loin l'aspect
d'une ville française, mais les touffes magnifiques de palmiers qui croissent
partout détruisent bientôt l'illusion.
Famagouste, ancienne Ammagousta, serait une ville dont la fonda¬
tion se perd dans la nuit des temps, mais elle doit son importance aux Lusignan
qui s'établirent à Chypre au XlIIe siècle ; à en juger par ses ruines, elle
était fort importante. Les nations la disputèrent bien des fois ; aux Lusignan
succédèrent les Génois, aux Génois les Vénitiens, enfin au 16e siècle après un
siège horrible la ville se rendit aux Turcs. La ville aujourd'hui n'est plus
qu'une ruine ; 450 soldats turcs et une centaine de musulmans sont les seuls
habitants de la ville. Au dire des Chypriotes, aux jours de sa grandeur, Fama¬
gouste compta 360 églises ; le chiffre est exagéré sans doute mais la vérité est
déjà incroyable, ce n'est qu'église sur église, chapelles sur chapelles ; pres¬
que toutes ont été fort belles, enrichies de peintures de haut en bas ; la ca¬
thédrale qui sert aujourd'hui de mosquée compterait parmi nos beaux édifices de
France avec ce mérite qu'elle a été bâtie d'un seul jet (10).
Lettre 7 : Nicosie, 24 février 1862.
C'est le dimanche 9 (février) que nous sommes partis de Famagouste
pour Nicosie, nous avons en route visité Grotéri, Agio Theodoro, Carpasi, Car-
pasia, Ghialoussa, Tricorno, Kythrea et Nicosie ..., des paysages magnifiques ...,
voyage fatigant, en moyenne 7 à 8 heures de cheval par jour et le soir un dîner
assez mauvais et des lits où la puce a établi son empire. A Carpasi, j'ai cru
que nous nous passerions de lits et de souper, à notre approche tout le monde
s'est enfui en fermant les portes; il a fallu se fâcher tout rouge pour obtenir
la moindre des choses, nos cawas ont commencé par bâtonner un individu qui n'en
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pouvait mais pour l'exemple, puis on s'est mis en devoir de faire sauter une
porte. Ce que voyant la femme de la maison a reparu et nous a fait un dîner a-
troce à 10 heures du soir et nous avions eu ce jour-là 12 heures de marche et
j'ai dû coucher sur une planche tout habillé, enveloppé dans ma couverture (mais
à Ghialoussa, meilleur accueil), le dîner fut copieux et excellent, toute la
famille était débout autour de la table, nous forçait à manger plus que nous
n'en voulions. Ce n'est pas tout, ne va pas trop te scandaliser, ils voulaient
nous amener des compagnes pour la nuit. Tu vois qu'ils ne comprennent pas les
choses à demi. A Kythrea, même hospitalité. La poule est notre nourriture de cha¬
que jour, 2 fois par jour, avec du riz et du pain d'orge.
Le plus souvent, nous déjeûnons hors des villages sur l'herbe»
au bord d'une fontaine qui nous fournit la boisson. De Famagouste à Nicosie
nous avons trouvé peu de chose : quelques débris de chapiteaux par ci par là,
des têtes, des bras, des jambes de statues, j'ai la spécialité pour les trou¬
vailles ; à Carpasi, je suis tombé sur un gisement de têtes, environ vingt-
cinq têtes de statues de pierre, toutes pareilles, assez belles de travail,
mais très frustes.
J'ai force de croquis faits à la hâte, le plus souvent sans même
descendre de cheval.
(Il raconte) de tristes événements : sous nos yeux, deux vaisseaux,
un anglais et un arabe, ont péri sur les brisants qui ferment le port de Fama¬
gouste en plein jour à 100 mètres de nous, en 5 minutes ils étaient coulés
bas ... Tous les hommes ont été sauvés ; MM. Vogué, Waddington et lui ont aidé
au cabestan.
(Ils descendent au Consulat de France à Nicosie) . Nicosie est
l'ancienne capitale de l'île sous les Lusignan, elle abonde en ruines, mais je
suis destiné à rester une autre fois 8 à 10 jours pour les dessiner.
Nicosie est la résidence du Pacha gouverneur de l'île. Nous sommes
allés faire nos salamalecs à ce vieux singe, rien n'est plus cocasse que les
visites turques ou orientales en général, ces messieurs me trouvent terrible ;
malgré toute ma bonne volonté,je ne puis garder mon sérieux. Je me mords les lè¬
vres mais inutilement, il faut que je rie en face de ces poussahs.
En arrivant chez le pacha on nous fit asseoir ou coucher sur le
divan et on apporta des chibouch, longues pipes de 1,50 à 2 de long ; ici la
pipe, sa dimension, son bouquin d'ambre plus ou moins gros ont leur significa¬
tion et telle espèce de pipe se donne spécialement à telle espèce d'individu et
pas à d'autres. On se dit force compliments et banalités, comme on peut s'en
dire entre gens qui ne se sont jamais vus et qui sont obligés de se servir d'un
interprète pour converser.
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abandonné complètement; il avait été fondé au treizième siècle par les rois de
Chypre et rebâti en grande partie au quatorzième.
Pendant mon séjour dans cette oasis, j'ai demeuré seul (quatre
jours) avec un domestique chez le papas ou curé de l'endroit. En Orient, Grecs
catholiques et schismatiques sont mariés. Ce brave curé était donc un bon
vieillard avec six ou sept filles et autant de garçons . . . , costume singulier :
pantalon de zouave rouge et semblant de capote bleue-gris de fantassin fran¬
çais avec sa grande botte grise, ses manches retroussées laissant voir des bras
couverts de véritables poils, il avait un aspect indescriptible. M. de Vogiié
et son compagnon sont toujours charmants pour moi.
Retour à Nicosie où (nous avons) rencontré M. de Vogiié. Nous
repartons pour Dali, la partie la moins habitée de l'île - 15 jours. Ensuite
M. de Vogiié ira en Syrie et je resterai à Chypre, puis j'irai le rejoindre à
Jérusalem.
... Ma santé (est) bien meilleure. (M. de Vogiié) avait un moment
eu du scrupule à m'emmener avec la mine de déterré que j'avais à Paris, il m'a
dit une chose qui vous fera plaisir comme à moi. M. Viollet ne m'a accordé à
lui (M. de Vogiié) que comme une grande faveur qu'il lui faisait j parce qu'il
avait besoin de moi et qu'il le priait de me retenir le moins longtemps possible.
Je commence à croire qu'il a des yeux et qu'il voit ceux qui travaillent ; il
faudrait maintenant qu'il sût les payer, cela viendra peut-être.
Lettre 8 ; 10 mars 1862 - Consulat de France à Larnaca.
(Tout d'abord il apaise les craintes de sa mère au sujet de la
peine de mort contre les chrétiens qui entrent dans les mosquées). Anciennement,
c'est possible - aujourd'hui, il n'en est rien (il suffit de payer) ... tout
se vend ici, la justice, la légalité comme les denrées, presque à l'encan. J'ai
déjà visité plusieurs mosquées, j'en ai dessiné et j'en dessinerai encore, mais
j'y vais conduit par les soldats du pacha, accompagné d'un de ses officiers.
Je suis ravi que papa ait renoncé à faire la chapelle du musée.
Je n'ai absolument pas le temps de m'en occuper, quoique ce voyage me fournisse
une quantité de documents. Je voudrais bien que Saint-Riquier marchât un peu ;
puisqu'on l'a entrepris, il faut la bien faire, (il s'agit du ciborium et de
l'autel, chefs-d'oeuvres d'orfèvrerie dessinés par Edmond Duthoit, note de
1 ' auteur) .
La tournée d'exploration dans l'île s'est terminée hier (pour
revenir) au point de départ : Larnaca.
(Ils viennent de parcourir l'île en tous sens, du nord au midi,
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dessus des autres dans les zigs-zags de la montagne, tout cela éclaire par un
soleil couchant dont les teintes vives et brillantes ne sont pas égalées par
les flammes de bengale. C'est une féerie, un de ces décors qu'on traite de faux.
La montagne que nous traversons a pour nom Machera, en grec "cou¬
teau", nom que lui a valu sa crête; ce qui est assez drôle, puisqu'au sommet
est un couvent grec, un des plus grands de l'île, sa position est magnifique,
il est là perché comme un nid d'aigle au sommet des rochers. Sa construction
est toute particulière et diffère complètement des édifices de ce pays; pour un
moment nous nous crûmes transportés en Suisse. Des toits pointus et saillants,
des galeries extérieures, c'était à se croire transporté dans l'Europe sep¬
tentrionale. (Arrivée au couvent en pleine nuit, par un froid assez vif).
Réception excellente, bonne chambre avec une cheminée monumentale
et un feu digne de la cheminée, café divin, dîner copieux et succulent, arrosé
d'un fameux vin de commanderie qui se cultive dans les environs.
(Le lendemain : visite du couvent) , une vingtaine de religieux
habitent ce couvent sous la direction d'un higoumène. Leur vie n'est rien moins
que dure ... ; comme tout le clergé grec, ils sont fort ignorants.
La route du couvent à Limassol est continuellement dans les mon¬
tagnes, c'est le même spectacle que la journée précédente avec le soleil à tou¬
tes les heures de la journée et la mer au fond du tableau, on traverse deux ou
trois villages, tous dans des positions charmantes, environnés d'arbres de tou¬
tes espèces, quelques-uns font de véritables forêts, les eaux vives se ren¬
contrant encore par-ci. par-là.
Descente fatigante. Arrivée à Limassol à 9 heures du soir ...
(Le Consul de France voit frapper à sa porte trois voyageurs avec une suite de
7 hommes et 10 bêtes de somme ; cependant, il les reçoit à merveille et leur
prépare un dîner magnifique). Bon lit et draps frais.
(Le Consul de France à Limassol est M. Mandovani, un médecin vé¬
nitien, parti de Venise quand la ville fut prise par les Autrichiens en 1849,
dont le quatrième enfant n'était pas baptisé faute de trouver un catholique
pour parrain. M. de Vogiié fut forcé d'être le parrain de) Victor Emmanuele
Secondo Napoleone. Les gorges chaudes que nous fîmes, M. Waddington et moi, de
voir le nom de M. de Vogiié accolé à ceux de ses deux plus intimes ennemis . . .
(M. de Vogiié se laissa faire de bonne grâce) .
En quittant Limassol, nous allâmes coucher à Episcopi, après
avoir dessiné en passant la tour de Colossi (12), ancienne résidence du comman¬
deur de l'ordre des Templiers. (Cette fois l'hospitalité turque). On fait atten¬
dre cinq à six minutes pour évacuer les femmes.
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glise de ce village est assez pittoresque, elle a cinq dômes, elle est bâtie sur
l'emplacement d'un temple dont on voit beaucoup de fragments dans les murs de
1' église, cinq ou six chapiteaux corinthiens, des fûts de colonnes, etc. Sur
les bords de la mer est Bapho, ancienne Neapaphos ou Nouvelle Papho qui sous
les Grecs était déjà une ville importante et, comme Palaea Paphos, contenait
des sanctuaires très courus de Venus (14). Les fûts de colonnes se rencontrent à
chaque pas, mais c'est là tout. La ville a été rebâtie plusieurs fois, détruite
plusieurs fois, de sorte que, sauf une ou deux inscriptions grecques, nous n'avons
rien trouvé. Là aux environs, à une demie heure tout autour, se trouvent des
collines assez basses en calcaire grossier. Ces collines ont été percées complè¬
tement pour faire des tombeaux et bien que depuis un temps fort ancien elle aient
servi de carrières, il reste encore une collection de tombes fort curieuses ;
j'en ai relevé une quantité mais deux particulièrement, c'est une cour, une es¬
pèce d'impluvium entouré d'un portique dorique da,ns lequel les salles sépulcrales
prennent accès. Les colonnes, les chapiteaux, tout cela est pris dans la masse
des roches et c'est d'un travail assez fini. Dans ce tombeau qui est comme vous
pouvez le penser dans un état de conservation assez mauvais, j'ai fait faire
une petite fouille (il aura des difficultés avec les ouvriers des fouilles) , il
faudra être sans arrêt sur leur dos, ou ils voleront tout ce que je pourrai trou¬
ver ou casseront tout ce qu'ils ne pourront pas voler. Les statues, les objets
sont en pierre ou marbre, ils les brisent en deux pour voir s'ilsne trouvent pas
de trésor à l'intérieur ... les inscriptions que nous recueillons et qu'ils ne
peuvent déchiffrer sont à leur dire les indications qui nous conduiront à l'en¬
droit même où se trouve le trésor, aussi nous est-il nécessaire de ruse et même
d'autorité brutale pour pouvoir fouiller le pays.
De Ktima, nous reprîmes le chemin de Limassol ; à deux jours de
là nous revîmes en passant les ruines du temple d'Apollon, à Apel Iona. Re tour à
Limassol : le baptême (du fils du Consul) se fit dans l'église des Francis¬
cains - après, repas de gargantua.
Enfin, notre dernière journée fut pour Amathonte, le seul sanc¬
tuaire de Vénus qui nous restait à voir. Là nous avons trouvé deux bases en
pierre de 3,40 m de diamètre ; quant à la hauteur, je n'ai pu m'en assurer car
ils sont enterrés et ne sortent du sol que de 1 mètre, couverts de sculpture.
Si je parviens à les tirer de là et à les conduire jusqu'à la mer, ce sera mon
chef-d'oeuvre, je vais me mettre sérieusement à étudier cela, à faire faire un
chemin et des engins pour les transporter. Cela fera un fameux effet au Louvre,
car bien que n'ayant encore rien fouillé, bien que ces messieurs fassent les dif-
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ficiles et les dédaignent, nous avons à peu près de quoi garnir une grande salle.
Note de l'éditeur.
(C'est le vase géant dit d'Amathonte, parce que trouvé à Amathonte
ou Palèo Limassol> appelé de nos jours Amathus, tout près de Limassol, l'un des
plus beaux monuments de l'art chypriote archaïque et gloire du Louvre, qui sera
emmené par une corvette française le 30 octobre 1865, voir infra. Taillé dans
un seul bloc de calcaire de 12 pieds de diamètre (4 mètres) avec comme orne¬
ments 4 anses où sont sculptés des taureaux, ce vase était un dolium, c'est-à-
dire un grand vaisseau de terre ou de bois oû l'on serrait le vin, l'huile, le
blé ...).
(Les croquis originaux de Duthoit ici reproduits pour la première
fois ont été utilisés par Grasset pour la gravure parue dans 1 ' Illustration 1864,
I, p. 101. Ils ont le grand intérêt de nous montrer in situ les deux vases ac¬
colés, l'un intact, l'autre brisé).
(Certes le mot "trouvé" employe par Duthoit n'a pas le sens pré¬
cis de découverte d'objet inconnu car selon Olivier Masson et Annie Caubet (15),
situés au sommet de l 'acropole, les deux vases étaient connus depuis longtemps,,
et déjà Grasset en octobre 1861 avait pressenti Renan, mais sans succès, pour
faire enlever le mieux conservé. En 1 'occurrence, le mérite essentiel de Vogué
et Duthoit fut d'en prendre d'autorité officiellement possession au nom de la
France en 1862, Duthoit ayant fait entourer le vase d'un petit mur de protection
que par la suite le consul anglais White fera abattre (infra) . Nous verrons plus
loin que l'énergie résOlue de Duthoit vint à bout de toutes les difficultés).
Deuxième partie du voyage (resté seul, Edmond Duthoit est accompagné dans
quelques-unes de ses tournées par Grasset , notamment à Soli) .
Quant aux fragments plus ou moins beaux de sculptures, il n'en faut pas parler.
Dans mes autres chantiers, j'ai ëtë moins malheureux mais encore qu'est-ce que
j'ai trouvé, environ soixante à quatre-vingts têtes dont les trois quarts sont
mutilés, une quinzaine de statues sans bras, sans tête, sans jambes, quelques-
uns de ces fragments sont fort beaux, mais je n'en ai assurément pas trouvé
là pour l'argent que j'ai dépense.
La manière dont s«découvrent tous ces fragments est singulière.
A Agios-Photis (aujourd'hui Agios Photios) j'ai trouvé en même temps l'une sur
l'autre quinze à vingt têtes, plus loin des pieds et des jambes, tous ensem¬
ble à l'état de gisement, plus loin des troncs et des bustes, les mains et les
bras étaient dans un autre trou ; le fait singulier se reproduit à Mal lour a Cf Ç&).
A Carpasi j'ai déjà fait la même remarque en trouvant quinze têtes de femmes,
et dans tous ces endroits ces gisements ont été trouvés en dehors des villes.
Que s'ensuit-il de là ?
Je m'imagine que vers le Ille ou le IV siècle de l'ère chrétien-
neune secte quelconque, chrétienne ou autre, a détruit de parti pris toutes
les statues, idoles ou portraits que possédait l'île, et non contente de briser
ces images les a enterrées en dehors des cités pour mieux les faire disparaître.
Ce fait m'enlève tout espoir de trouver quoi que ce soit à Golgos ou Iorgos
où j'ai fait ouvrir les tranchées dans l'intérieur même de la ville, sur l'em¬
placement du temple supposé.
Note de l'éditeur ; Ce temple de Golgoï à Agios Photios existait bien, mais les
sondages de Duthoit ne firent que l'effleurer. Ce n'est qu'en 1870 que le consul
américain à Chypre, le général Palma di Cesnola, en découvrira les fondements (16).
(En ce qui concerne les sculptures mutilées et enfouies, il ne
s'agit pas de secte chrétienne iconoclaste, mais plus prosaïquement selon Annie
Caubet et Olivier Massone dépôts de sculptures, anciens ex-voto que les prêtres
accumulaient dans des fosses afin de faire de la place dans le temple ou les
chapelles (17).
(Suite de la lettre) .
J'ai une maison montée sur un très bon pied. Un drogman (M. Mattei
qui fait la comptabilité), c'est mon majordome. Un cuisinier, un kéradgie ou
muletier avec trois animaux, enfin un soldat du gouvernement qui m'accompagne
partout, marchant devant moi pour tenir le chemin libre et qui de plus sert à ta¬
ble. D'Agios Phot is à Iorgos il y a 1/2 heure de chemin et de Iorgos à Malloura
la même route. Je passe donc la moitié de la journée à cheval, courant d'un point
- 26 -
à l'autre ... Je suis hâlé à n'être plus reconnais sable, le soleil commence à
brûler. Je suis obligé de porter le turban.
J'ai dû cette semaine faire usage de mon firman pour forcer un
paysan à me vendre un chapiteau qui tenait dans son mur. Je suis allé là en
menant de force un maçon ; après avoir offert au propriétaire une somme que je
croyais raisonnable et qu'il refusa comme insuffisante, je le menaçais, s'il ne
me l'apportait pas immédiatement, de démolir son mur, lui prendre son chapiteau
et ne lui rien donner du tout. Comme il continuait à faire des difficultés, je
pris les choses de haut et le firman à la main j'ordonnai à mon maçon de démolir
le mur à l'instant même ; il s'en suivit alors une scène des plus comiques, le
propriétaire dont je voulais démolir le mur menaçait le maçon, et moi-même je
menaçais et le maçon et le propriétaire, force me fut de prendre le propriétaire
par les épaules et de le jeter dehors. Quant au maçon* une fois libéré de l'autre,
il se mit à l'oeuvre et m'enleva le morceau demandé. De droit je ne devais rien
au pauvre diable à qui je venais de prendre cette sculpture, mais je ne suis pas
encore tout à fait turc, je lui donnai 20 Fr et je fis réparer son mur (18).
La même scène s'est renouvelée ici déjà trois ou quatre fois, et
toutes les fois j'avais vraiment honte de moi-même d'employer de tels moyens.
Mais aujourd'hui je suis plus cuirassé contre ces scrupules en voyant que non
seulement je n'ai pas fait tort à ces Grecs, mais qu'au fond ils sont fort con¬
tents de ce qu'ils ont reçu et que bien loin de cacher ce qu'ils peuvent encore
avoir de curieux, ils sont les premiers à me l'apporter. J'ai fait quelques em¬
plettes à mon nom, mais, comme il se doit, je ne les prendrai que si le gouver¬
nement n'en veut pas, j'ai quelques têtes fort belles que j'ai achetées 10, 15,
20 sous. Avec un millier de francs, en achetant directement au paysanjOn se
ferait un musée fort gentil, d'autant plus que l'art chypriote est fort beau et
fort varié.
Je voudrais bien finir Saint-Riquier mais pour cela il faudrait
que papa m'envoyât la mesure exacte de la bande d'émaux et un calque de la dis¬
position sur le gradin et le tabernacle (il s'agit du maître-autel de la chapelle
du Petit Séminaire, note de l'auteur). Je regrette fort de ne pouvoir faire le
palais de justice de M. Herbault (19).
Lettre 10* Dali, vers le 27 mars 1862.
Je suis pour le moment à Dali (ancienne Idalium) , les jardins
de Vénus. C'est un joli village bâti au milieu des jardins d'oliviers, de ci¬
tronniers, d'orangers, au milieu des fleurs, avec des eaux vives partout. L'en¬
droit était adoratlement choisi pour dresser un temple à la mère des ris et de
- 27 -
l'amour, (mais Duthoit est) très malheureux, très malade, dévoré par les
puces. J'ai terminé mes fouilles de Golgos ; trois ou quatre méchants bons¬
hommes d'une indécence sans nom, une tête colossale assez laide, voilà tout
mon butin.
A Malloura et à Agios Photis j'ai terminé aussi, j'ai fait
déjà partir pour Larnaca huit chariots et j'ai vingt-quatre mulets chargés
des fragments que j'ai découverts, malheureusement je n'ai rien d'entier.
La dernière découverte que j'ai faite est des plus curieuses...
(et) bien digne de l'île de Vénus. Ce sont des centaines de parties sexuel¬
les mâles et femelles en pierre avec des inscriptions dédicatoires , ce sont
les ex-voto que l'on offrait à Vénus (20). Quelle délicatesse ! A Dali, je
fais de grands trous, mais j'en suis encore à espérer.
(Il a mis à la porte son voleur de cuisinier)
La sauterelle, le malheur de ce pays commence à paraître.
C'est extraordinaire la quantité de ces insectes, la terre en est noire. Le
jour, elle vole en compagnie, comme un nuage elle obscurcit le soleil. A
la nuit, elle s'abat dans les campagnes, malheur à celui dans les terrains
duquel elle est descendue, le matin il ne lui reste plus rien, tout a été
dévoré .
Lettre 1 1 ;5 mai 1862 de Nicosie (à l'oncle Louis Duthoit).
Je quittai Dali le 10 avril, fouilles avec presque aussi peu
de chance qu'à Athienou et Golgoï (Le Consul Laffon, beau-père de Grasset,
l'emmène à Nicosie). (Le dimanche soir, il part avec M. Grasset) en quête
d'une inscription chypriote signalée, mais que M. de Vogue, ni M. Waddington
n'avaient pu trouver (caravane de six hommes armés jusqu'aux dents à cause
d'une bande d'assassins). Cet appareil militaire (cause qu'à la sortie de
Nicosie un poste de factionnaires veut leur faire des difficultés. Grasset)
"au paroxysme de la rage" voulait que je leur tirasse un coup de pistolet à
la tête. J'exhibai le firman.
A Acathchi (c'est-à-dire à Akaki) , nous logeâmes chez un papas
dont les filles étaient fort belles et portaient le plus joli costume que
j'ai rencontré à Chypre. Au soleil levant nous étions en route, traversant
de grands bleds déjà murs et de loin en loin des plaines couvertes de lins
que les paysannes coupaient et mettaient en gerbe avec une facilité et une
rapidité étonnantes.
Peristérona - assez belle église à cinq coupoles précédée d'un
pont de trois arches sur un fleuve sans eau mais couvert de lauriers roses ;
petit croquis du village.
- 28 -
eie le plus curieux se voyait dans les cloîtres ; si grand que soit le cou¬
vent , il est trop petit pour contenir les pèlerins qui affluent, de sorte
que hommes, femmes et enfants couchent pêle-mêle dans les cloîtres par
terre, j'ai mille sujets d'aquarelles a faire.
Entretien théologique fort ennuyeux avec l'higoumène (un
orage empêche le départ le vendredi saint, départ le samedi pour Chrysokhou) .
Nous nous vîmes obligés par contenance a faire le vendredi
saint à la grecque, c'est-à-dire avec des légumes cuits à l'eau, sans beurre,
ni huile ; pour nous dédommager nous fîmes du punch au vin.
En route pour Chrysoroiatissa. (Il envoie six oranges) trop
belles pour les manger qui sont comme des melons, présent de M. Laffon ;
qu'on les envoie de sa part à Mme Viollet-le-Duc, elles en valent la peine.
(La mère confirmera leur arrivée à destination) .
Demain, je vais à Larnaca pour recevoir M. de Vogiié.
Lettres à Viollet-le-Duc .
rappelle les plus beaux ornements de Notre-Dame, et elle ne perd rien à être
exécutée sur un beau marbre enlevé probablement aux édifices antérieurs.
Bellâ-Païs est une belle abbaye du XlVe siècle, avec une église
du XlIIe siècle qui pourrait fort bien être transplantée en France et faire
un des plus jolis types d'église de village. Le plan de cette abbaye royale
est très simple et tout à fait dans les données françaises, mais là encore
il faut constater le sacrifice de la forme aux besoins du climat. Si la cons¬
truction du couvent est magnifique, la position qu'il occupe est plus belle
encore et c'est avec raison qu'elle porte son nom.
J'ai visité et relevé avec assez de soin l'abbaye grecque de
Chico plantée comme un nid d'aigle au sommet d'un des pics les plus élevés
de l'île au milieu des sapins. La construction est moderne, mais n'en a pas
moins conservé un caractère et un style que sont loin d'atteindre les monuments
du même genre qui se construisent actuellement en France. Le programme de ces
abbayes est le même que celui des grands établissements du Moyen-Age. Seule¬
ment à Chico le logement des pèlerins prend des proportions très grandes,
qu'on ne retrouve nulle part ailleurs.
Ici je passe ma vie à cheval et à mulet. Je dessine fort peu
et toujours en courant, à mon grand désespoir. Il y a énormément à faire par¬
tout. Le pays est admirable, d'une fertilité extrême quoiqu' ensoleillé. Le
climat est assez sain pour le moment, mais les changements brusques de tem¬
pérature causent assez souvent des rhumes et maux de gorges assez douloureux.
Il faut partout voyager armé, moins contre les Grecs, que con¬
tre les gens du gouvernement. A Soli, voulant faire enlever une inscription
j'ai dû menacer le mad ir de tirer sur ses gens s'ils m'empêchaient de la
prendre comme ils prétendaient le faire, bien que je portasse un firman très
clair qui constatait mes droits.
J'attends ces jours-ci M. de Vogiié pour aller à Jérusalem, je
ne vois pas encore de terme à ce voyage qui maintenant ne devrait pas se
prolonger au-delà de quatre mois. Depuis déjà deux mois,M. de Vogué est dans
le désert (de Syrie, note de l'auteur) oà il recueille une quantité prodi¬
gieuse d'inscriptions et de dessins. On parle aussi d'aller dans le Basa
où se trouvent, complètement inconnues des villes entières du Ve ou Vie
siècle, avec leurs églises, et édifices civils. Puis tout bas on se propose
de revenir par l'Asie Mineure. Je ne suis point du tout fâché de tous ces
projets. Je ferai là le plus beau voyage qu'on puisse faire et ... que j'a¬
vais toujours considéré comme chimérique.
- 36 -
m1 a fort intéressé et j'ai béni une affreuse tempête de neige qui, me forçant
d'y rester deux jours, m'a permis d'en faire une étude presque complète, étu¬
de qui j'espère, vous intéressera comme point de comparaison avec les monu¬
ments latins de la même époque.
Au nord de KikkoS)je visitai l'emplacement où plusieurs voya¬
geurs placent le monastère d'iai'lla et j'ai pu me convaincre qu'aucun de ces
messieurs n'avaient eu la conscience de faire 16 heures de marche pour s'en
assurer. Je n'ai trouvé là que des ruines d'une mauvaise église byzantine,
dont les inscriptions sont écrites en caractères arméniens . Chrysokhou est non
loin de là ; c'est un port antique, qui offre beaucoup de ruines, mais pressé
je n'ai fait que traverser après avoir déchiffré à grand peine deux inscrip¬
tions grecques assez curieuses et dessiné un chapiteau du style qu'il faudra
bien jusqu'à nouvel ordre appeler style chyrpiote.
A Palaia Paphos, j'ai fait déblayer le tombeau appelé dans le
pays Spelaion tes reginas (c'est-à-dire : Tombeau de la Reine). Bien que ce
mot tes reginas semble bien avoir une origine moderne, il n'est peut-être que
la traduction d'un souvenir ancien. Ce tombeau est digne d'une reine. Il est
immense et son travail est fort soigné. J'ai d'abord découvert deux antéfixes
et un fragment de corniche d'un style gréco-romain assez élégant et puis,
bâties dans les piédroits, deux magnifiques inscriptions chypriotes de plus
d'un mètre de côté, et comme une petite partie seulement de la grotte était
déblayée lors de mon départ, je ne désespère pas d'en retrouver un de ces
jours de nouvelles. Ces inscriptions semblent être inscrites sur les pierres
qui fermaient les chambres funéraires et comme elles sont au nombre de dix à
douze, que les inscriptions trouvées jusqu'à ce jour sont au nombre de trois,
il y a encore de la marge.
A Amathonte j'ai enlevé de force en démolissant les maisons
quatre inscriptions, dont deux chypriotes (29), et j'ai fait déblayer le
fameux vase dont je vous ai déjà parlé et de plus, je l'ai fait entourer d'un
mur qui le met à l'abri des atteintes des passants. Sur ma demande, le vice-
Consul en a pris possession au nom de la France ; le Pacha a protesté, le
Consul, qui est nouveau et qui ne connaît pas les Turcs, a voulu me faire des
récriminations, mais mon mur est en place et la protestation du Pacha est un
acte d'auto-possession qui a sa valeur, si jamais les Anglais, que nos fouilles
ont émus, se mettaient en tête de vouloir l'enlever.
Voici, avec beaucoup de croquis et de notes, le résultat de
quatre mois de travail. Si nos fouilles ne nous ont procuré rien de bien
- 38 -
brillant, elles ne sont pourtant point stériles. Nous avons de quoi former
une série complète de monuments qui pourront faire connaître cet art chyprio¬
te complètement inconnu jusqu'à ce jour, et qui est vraiment digne d'être
étudié. M. de Vogué semble assez satisfait de mes trouvailles, c'est le prin¬
cipal. Nos richesses ont été emballées (dans) 40 ou 50 caisses, et c'est le
Prométhée , aviso à vapeur de l'Etat, qui les a prises pour les porter à Bey¬
routh, où elles sont pour le moment, en attendant qu'on nous ait fait con¬
naître de France la façon de les faire parvenir. J'ai visité l'île de Chypre
trois fois dans tous ses coins et recoins. De l'avis de tous, je suis le
voyageur qui connaît le mieux le pays. J'ai traversé certains villages, où
l'on n'avait jamais vu d'Européens, et où l'on me regardait comme une bête
curieuse. Tous ces voyages m'ont bien prouvé que Chypre serait une belle mine
à exploiter pour les antiquaires et que nos fouilles étaient tout à fait in¬
signifiantes. Dix villes, telles que Courium, Apellona, Amathonte, Solea,
etc., sont vierges de toutes fouilles. Mais il faudrait du temps et de l'ar¬
gent. J'ai dépensé 9.000 et quelques cents francs pendant tout mon séjour de
Chypre. A Soli seulement il faudrait en dépenser dix fois autant, mais alors
on arriverait à des résultats sérieux et l'on ne serait plus là réduit à pê¬
cher dans l'eau trouble, comme nous avons été forcés de le faire ailleurs.
(suit un long passage sur Jérusalem, hors de notre sujet).
Voilà pour Chypre, que j'ai quittée sans regrets. Maintenant
je suis à Jérusalem avec le Comte de Vogiië et M. Waddington, épigraphiste de
premier ordre, qui est au même degré un excellent compagnon.
Note de l'éditeur : Plus loin nous saurons que le grand maître de l'artille¬
rie s'appelle : Halil-Pacha ou Hali-Pacha et revêt aussi la dignité de grand
amiral, Ministre de la Marine.
Le relevé détaillé des canons à inscriptions françaises, gé¬
noises ou vénitiennes existant dans les forteresses de Chypre, rédigé en
août 1875 (voir lettre infra) est conservé en manuscrit dans le fonds fami¬
lial Duthoit à Amiens, intéressante pièce qui mériterait la publication (32).
(Après être passé à Constantinople, Rhodes et Beyrouth, Edmond
Duthoit ayant Antoine Mattel pour drogman, revoit toute l'île de Chypre du 31
mai au 10 juillet 1865 : Larnaca, Athienou, Poli Krisofou, Morfou, Nicosie,
Tricorno, etc. ì et bien sûr Paleo Limassol ... où cette fois il faut enlever
le vase d'Amathonte, véritable prouesse, mais une épidémie de choléra em¬
porte brutalement le consul de Larnaca, M. de Maricourt. Faisant face au des¬
tin et bravant le danger de contagion, Duthoit soigne le consul jusqu'à sa
mort, alors que tous les gens du consulat ont fui , il assume même l'intérim
de la charge. Pour ce haut fait d'un rare courage, il espérait obtenir la
Légion d'Honneur, qui ne lui sera accordée qu'à cause de ses missions en Al¬
gérie en 1882. La décoration turque de l'ordre de Medjidié, conférée en 1866,
reconnaîtra seulement le relevé des canons français et vénitiens des forte¬
resses turques de Chypre) .
Harassé par de longues routes, cuisinier malade, muletier d'une humeur massa¬
crante ζ dont le mulet part au grand galop, d'où chute) . Je n'ai jamais dans
aucun voyage souffert autant que dans ce dernier. Nous: avons une température
de serre chaude ou d'étuve (mésaventure avec ses domestiques qu'il est obligé
de renvoyer. Il parle) des cawas ou zaptiés, gendarmes du pays, collecteurs
d'impôts formant la garde du Pacha, ils portent à leur ceinture tout un arsenal :
cimeterre, sabre, couteau, pistolets (il raconte l'histoire de la fin tragi¬
que du noir assassin qui avait pris le costume d'un cawas pour échapper
aux recherches et, pour mieux tromper son monde, faisait marcher devant lui en
guise de prisonnier, les bras liés, un malheureux paysan qu'il conduisait soi-
disant à Nicosie ; ils traversèrent ainsi une grande partie de l'île, de Paphos
à Kyrénia, mais là un jour le nègre s'enivra et oublia d'attacher son compa¬
gnon qui le tua pendant son sommeil) .
(Il a vu à Famagouste) un brigand des plus célèbres : Katerdji
Tanni, en prison depuis quinze ans t qui pillait et assassinait sans relâche
dans les environs de Smyrne, mais était bien vu des paysans et des pauvres
parce qu'il faisait de grandes aumônes sur le produit de ses rapines et pro¬
tégeait partout les femmes ; longtemps enchaîné de façon babare, maintenant
il porte encore une chaîne avec un boulet attaché au pied et à la ceinture,
mais peut se promener devant la prison et arrose des pots de fleurs. Tous les
voyageurs lui font visite. (Comme il tendait la main, Duthoit lui donne une
aumône et reçoit un énorme bouquet de basilic. Il raconte aussi l'assassinat
d'un primat du village de Gialoussa nommé Zacharoudis, chez qui il avait été
accueilli en 1862, pour une question d'intérêt) .
(Le Consul, Comte de Mari court, lui a joué un tour pour le vase
d'Amathonte mais va bientôt mourir du choléra dans des circonstances où
Duthoit montrera un cran exceptionnel) .
Nous avons à Chypre un singulier consul, le Comte de Maricourt,
avec qui j'avais déjà eu maille à partir lors de mon premier voyage. Cette
fois, il m'a bien reçu mais tout en le regardant comme un excellent homme,
je ne puis m 'empêcher de dire qu'il fait boulette sur boulette et que tout der¬
nièrement il a failli me jouer le tour le plus détestable, toujours à cause
du vase d'Amathonte. Ne s'est-il pas mis en tête de l'enlever à lui tout seul ?
Il a fait une demande au Ministère des Affaires Etrangères qui fut transmise
au Ministère de la Marine (35) et il y a aujourd'hui quinze jours une frégate
portant le pavillon du contre-amiral d'Arboville (sic, mais le vrai nom doit
être : d'Aboville, note de l'éditeur) , partît pour Amathonte, ayant tout
- 44 -
le consulat à son bord pour aller en deux jours enlever le vase, pour l'enlève¬
ment duquel j'avais demandé 30.000 Fr et six semaines de travail. Tout le
monde était prévenu de ce projet à Larnaca. Moi seul, le plus intéressé dans
cette affaire, puisque tant qu'il n'est pas en France, ce vase est ma pro¬
priété et j'en réponds: au gouvernement, moi seul ne fus pas prévenu. Je dois
dire tout de suite qu'ils sont allés là-bas, ont dépensé 12 ou 1500 Fr de
charbon et ont fait le fiasco le plus complet : la frégate est partie toute
honteuse en renonçant à se charger de l'entreprise, obligée d'avouer qu'avec
ses 500 hommes d'équipage il lui fallait plus d'un mois pour opérer la
descente et qu'enfin un bâtiment spécial devait être envoyé pour cela.
Je n'ai pas caché à M. de Maricourt combien j'avais trouvé le
procédé mauvais et je l'ai fait en public. Il a paru alors s'apercevoir qu'il
avait eu tort a-t m'a fait mille m' amours, jurant que son intention n'avait
pas été de se mettre à ma place, qu'au contraire il était le premier à
reconnaître qu'il appartenait à moi seul d'avoir l'honneur de porter à Paris
une pièce de cette importance. Au fond je crois qu'il ne serait pas fâché
de me voir aller au diable et je lui rends bien la monnaie de sa pièce et je
me réserve de faire un petit rapport salé au Ministère de la maison de
l'Empereur sur cette petite expédition clandestine et dont le résultat a été
stupide.
• %»
d'un jour devient l'ami le plus cher, il se sentait perdu et dans, l'iso¬
lement où il se trouvait/ il désirait mourir dans les bras d'un ami, il me
recommanda alors d'aller voir sa famille, de lui raconter sa mort et de leur
porter ses derniers adieux, cinq ou six personnes étaient présentes ; alors
sur ces entrefaites arriva le médecin, il resta à peine une minute près du ma¬
lade, donna à la hâte une ordonnance et s'enfuit en ne nous laissant aucun
espoir ; quand l'autorité du médecin eut déclaré que c'était bien là le
choléra, ce fut une chose bien curieuse et bien triste de voir la terreur
qui s'empara des assistants, et la promptitude avec laquelle ils quittèrent
le consulat. Je restai alors seul avec deux soeurs et un prêtre maronite,
Dom Miquèle. Le consul alors fut pris de crampes horribles, ses membres se
retiraient et il poussait des cris déchirants. Dom Miquèle et moi commençâ¬
mes alors à le frictionner à tour de bras avec de l'eau de vie camphrée, il
était déjà froid comme marbre et sa transpiration glacée était fétide. Puis
il fallut le changer de lit et de vêtement, il n'était déjà plus capable de
s ' aider en rien , les domestiques avaient disparu , toute cette besogne répu¬
gnante retomba sur Dom Miquèle et un peu sur moi, mais le dénuement du con¬
sul était tel que nous ne pûmes alors trouver de draps ; (il se renseigna
auprès du drogman qui) tremblant de peur refusa de venir et fit répondre
qu'il n'y en avait pas. J'entrai alors dans une colère violente, je volai
plutôt que je ne marchai pour me rendre auprès de ce poltron ; (après une
algarade) j'obtins une paire de draps qu'on alla emprunter chez les voisins,
mais je ne pus faire bouger mon homme. Quant au chancelier il avait pris les
devants et s'était retiré le premier chez lui.
Nous restâmes donc avec les soeurs et le prêtre à soigner le
mourant, à assister à toutes les phases de cette horrible maladie, à suivre
ses progrès. Nous étions tous aussi tristes et le silence de cette ville des
morts n'était troublé que par les cris horribles que poussait le malade
quand les crampes arrivaient. A 9 h. de nuit, nous eûmes besoin du médecin,
mais il refusa de se déranger. Enfin, après avoir communié et reçu l'extrême
onction le consul est mort à 2 h. du matin, il fallut l'ensevelir, le
revêtir de son costume officiel et le placer dans une chapelle ardente.
(Duthoit commande une double bière en plomb et en bois, recueille l'argen¬
terie et les bijoux, ferme les armoires) et dans ce grand salon dont le
cadavre occupait le centre nous restâmes là, tous quatre comme saisis, n'o¬
sant parler et pourtant les yeux secs, pas une larme ne fut versée sur ce
pauvre cadavre qui il y a quelques mois avait compté autour de lui sept ou
- 47 -
huit enfants, une femme et un frère ... Le consul mort, étant le seul
Français présent, je restai maître du consulat* (il envoie les cawas)
chercher le député de la nation pour lui faire part de l'horrible accident
et lui remettre les clefs et assister avec lui à l'apposition des scellés,
je fis également appeler le chancelier et le drogman. Ils se firent bien
attendre deux heures, mais ils arrivèrent enfin jusqu'à la porte dont il fut
impossible de leur faire franchir le seuil (il fallut trois heures pour
rédiger l'acte de décès) ; toutes ces lâchetés commençaient à me monter.
J'avais déjà les nerfs assez tendus quand le drogman se permit de faire
quelques observations, (alors il éclate) , je me déchargeai le coeur et il
y en avait lourd, je lui fis une mercuriale dont il se souviendra longtemps.
(Il croyait être décoré) mais pas question pour moi de la Lé¬
gion d'Honneur - il s'agit d'une décoration turque .
Lettre 19 - Constantinople le 18 octobre 1865.
(L'espoir d'une décoration s'est envolé - la déception a été
très rude) .
(De fait Duthoit sera nommé en 1866 chevalier du Medjidié,
pour son inventaire des pièces d'artillerie de Chypre, aucunement pour son
attitude au Consulat de Limassol lors du choléra) .
(Le Ministre lui donne 1.000 Fr pour enlever les ossements du
cimetière franc de Limassol, derniers désirs de M. de Maricourt, en froid
avec l'ambassade). Maintenant que le danger est passé, l'ambassade ne
veut s'occuper que d'affaires politiques.
(Il fera un rapport à Nieuwerkerke sur ces) petites tracas¬
series de l'ambassade.
L'enlèvement du Vase d'Amathonte.
Ce même mois, après l'échec de juin 1865, Duthoit reprend à
son compte le problème du vase d'Amathonte et obtient du gouvernement fran¬
çais un nouvel envoi de deux vaisseaux : La Mouette et La Perdrix, qui
réussissent enfin à enlever l'énorme vase. Le Ministre de la Marine en effet
avait envoyé à Limassol le vaisseau La Perdrix qui revenait précisément
d'Alexandrie en France. Au passage, il prendrait le vase d'Amathonte pour le
ramener à Toulon, plus les caisses d'antiquités entreposées à Larnaca, mais
Un retard de correspondance fit que ces caisses resteront à Larnaca et
La Perdrix n'embarquera le 30 octobre 1865 que le vase d'Amathonte (38) .
Ce n'est qu'en juillet 1866 que partiront les 30 caisses
d'antiquités pesant 2500 kilos laissées ën souffrance à Larnaca depuis août
1865, comme nous l'apprend une lettre de Tardieu, écrite de Larnaca le 17
juillet 1866, disant : "le 16 juillet est arrivé le bâtiment de l'Etat".
(Tardieu et Mattei envoient 11 caisses, 8 barils et 3 monolithes) , "mais
il y a une opposition pour la statue de M. Grasset et l'inscription de
Crysophou" .
Mattei incrimine la méchanceté et l'apathie des gens de ce pays ..."vous
savez à quoi vous en tenir ... Et c'est pour cette raison sans doute que vous
êtes bien résolu à ne plus remettre pied chez nous" (lui aussi est dé¬
goûté de ce. triste pays). (Allusion sans doute à la quarantaine de Larnaca,
supra) .
- 51 -
La statue de M. Gïrasset.
L 1 énigmatique "statue de M. Grasset" retenue en douane à
Larnaca et objet d'un rapport spécial de Duthoit au Ministère (supra) paraît
bien s'identifier avec celle dont parle au dossier des Archives Nationales
( F 21.4045) une intéressante lettre du chargé d'affaires français à
Constantinople envoyée de Therapia le 3 septembre 1865 à Si!. Drouyn de
Lhuys, Ministre des Affaires Etrangères (auquel succédera en 1886 de Mous tier) ,
où l'on rapporte qu'"il y a 3 ans (donc en 1862) MM. Renan (sic) et Vogûé
découvrent une statue dans les environs de Larnaca, l'ambassadeur leur fait
obtenir un f irman pour 1 * enlever et la transporter en France , la statue se
trouve encore aujourd'hui dans sa caisse à la douane de Larnaca et je suis
en ce moment en instance auprès de S.A. Aali Pacha, pour aplanir les diffi¬
cultés soulevées par la douane à ce sujet".
Les relations entre Aali Pacha et l'ambassadeur de France sont en
effet excellentes ; c'est d'ailleurs grâce à cette bonne entente qu'a pu être
entreprise la mission d'Assos, supra) .
(Le nom de Renan indiqué par erreur ne recouvre-t-il pas
Grasset qui ass. ta Vogûé et Duthoit dans le premier voyage à Chypre de 1862 ?
Auquel cas la statue pourrait être la superbe "Vénus assise" de Chypre donnée
tardivement au Louvre en 1880 par Vogûé qui l'avait acquise à une date
indéterminée de Grasset. Elle fut reproduite par ledit Grasset dans 1 'Illus¬
tration de 1864. Olivier Massonqui penche pour cette hypothèse) a retrouvé
le texte de Grasset selon lequel il avait acquis "à Dhali" , la déesse dont
le marquis de Vogûé avait fait don au Louvre" (39) .
Dans d'autres pièces du dossier des Archives Nationales on
relate que le vase colossal d'Amathonte a séduit par ses dimensions les
conservateurs anglais et américains. M. Duthoit a fait construire un "hangar"
pour affirmer la propriété de la France. A cet égard les factures Mattei nous
indiquent que pour pratiquer les estampages il a fallu le 15 juin 1865 "far
demolire la copertura dei vasi di Palea Limassol" , coût 200 piastres et le
17 juillet suivant "rifabricare il muro dei vasi di Palea Limassol", coût
550 piastres.
Autre identification possible : la jolie petite statue du
Louvre, hauteur 45 cm, AM 3424 (reproduite également par Grasset dans
1 1 Illustration de 1864) ne serait-elle pas la "statua comprata d Mr Tardieu . .
500 piastres) qui correspond à la facture Tardieu du 6 août 1865 : "500
piastres, estimation de la statue de Baffo" ? Assurément le prix élevé
- 52 -
de fragments de toutes sortes et j'attends que vous veuillez bien m' indi¬
quer quel mode de transport . . .
Mon exploration de Chypre s'est prolongée au-delà du terme fixé,
mais j'ai eu à compter avec d'intolérables chaleurs, les indispositions de
mes gens et de moi-même, enfin avec le choléra et la panique qu'il a jetée
sur ce malheureux pays.
De plus, notre estimable consul, M. de Maricourt, frappé le
premier du choléra, est mort dans mes bras après l'abandon et la fuite de
tous les Français et spécialement des hommes qui eussent dû lui être les plus
dévoués, son chancelier et son drogman.
Le consul mourant, dis-je, m'a demandé officiellement de me rendre
à sa place à Limassol pour examiner un cimetière chrétien du XlIIé siècle
nouvellement découvert par des ouvriers turcs et dont quelques tombes ont
été violées. J'ai pu lire et copier une dizaine d'inscriptions (françaises)
gravées en belles lettres de la fin du XlIIé siècle sur de belles dalles de
pierre de 1 m sur 2,20, intéressantes pour le consciencieux historien de
Chypre, M. de Mas -Latrie (42) .
(Il demande 1000 Fr pour continuer les fouilles, copier les
inscriptions et transporter les ossements au couvent catholique de la ville) .
Demain je pars pour Assos, mais à cause des quarantaines je
n'arriverai pas avant le milieu de septembre.
(Il demande une prolongation d'un mois ou deux de son séjour en
Orient, ce qui lui sera accordé par lettre du comte de Nieuwerkerke du 7
septembre 1865, envoyée à Assos, au consulat de France aux Dardanelles) .
Le rôle éminent joué par Duthoit dans les deux expéditions fut
pleinement reconnu par Vogûé qui dans une lettre à Renan en 1862 écrivait :
"Duthoit a su par sa grande autorité vaincre le mauvais vouloir des fonction¬
naires et des habitants" (43) et par la suite tint à ce que la salle du Louvre
exposant le vase colossal d'Amathonte appelée tout d'abord : "Salle de
Vogûé", prît le nom de "Salle de Vogûé et Duthoit" bel exemple d'humilité. Il
est dommage que la postérité oublieuse des mérites rendus ait imposé la déno¬
mination banale de "Salle Phénicienne et Chypriote".
- 54 -
NOTES
(l) Comte de Vogiié, Charles-Jean Melchior, né 1829, mort 1916, titré marquis à la
mort de son père en 1877 (ne pas confondre avec son cousin le Vicomte Melchior
de Vogiié, homme de lettres et membre de l'Académie Française). Il entre en H£68
à l'Académieà des
ambassadeur Constantinople
Inscriptions (1871-1875)»
et Belles-Lettres
puis à, succédant
Vienne (1875-1879).
au duc de Luynes ; est
(4) Le Comte Edouard du Tour, nommé consul de France à Larnaca en juillet 1860; eut
pour successeur en mars 1862 le Comte Louis-François de Maricourt, dont la mort
dramatique sera contée par Duthoit en 1865.
(5) Grasset
français Sosthène,
de 3 ans dit
fixéGrasset
à Larnaca
d'Orcet,
(Chypre)
né à peu
Aurillac
avant I860
1828, jusqu'en
mort à Cusset
186, épousa
1900,
à Chypre Aimée Laffon, fille d'un ancien médecin-major de l'armée française ins¬
tallé à Nicosie et nièce de Paul Tardieu, autre français chypriote établi à
Larnaca. Les nombreux articles publiés par lui montrent souvent, au dire
d'Olivier Masson, une pseudo-science mêlant à un journalisme d'anecdotes des
considérations aberrantes et fantaisistes sur la "cryptographie" des monuments,
mais ses souvenirs de Chypre sont précieux pour nous.
(9) C'est à n' en pas douter, en raison d'un dessin de Duthoit qui porte l'indication
en grec Yorgos (c'est-à-dire Golgos ou Golgoï), la superbe tête du Louvre in¬
ventoriée AM 2835» calcaire, h. 0 cm, publiée par 0. Masson et A. Caubet
RDAC, 1980, p. lH6, pl. XXIII, U. Perrot y voyait une tête de vieux juif pareil¬
le à celles des tableaux de Rembrandt. De son côté, le carnet de route de
Vogiié signale pour le 1er février au même endroit une "tête de Bacchus
archaïque".
(10) Ces églises médiévales ont fait l'objet d'un article laudatif d'Anatole de
Moyen
Baudot,
d186U,
en
une
peintures
églises
Orient
trentaine
Agecondisciple
p. 25murales
différentes
par
, Gazette
et d'églises
les
253.àcroisés
Duthoit,
de deDuthoit
des
figures.
Architectes
de
laetces
fin
dit-il,
le deux
chez
du XlIIé
style
Viollet-le-Duc,
et
genres,
a gréco-byzantin.
du siècle
dessiné
Bâtiment
l'intérieur
à : Famagouste
leou"Les
style
Famagouste
Encyclopédie
étant
Eglises
occidental
deux
décoré
types
compte
Chypriotes
d'Architecture,
deimporté
encore
du
- 55 -
(il) L'abbaye de Bellapaïs (le nom : Lapais veut dire la Paix), bâtie par les
Prémontrés à la fin du XlIIe-début XlVê siècles) à quelques kilomètres de
Kérynia, est la seule architecture monastique franque qui ait subsisté intacte
jusqu'à nous. Elle s'adosse à la montagne face à la mer, dans un cadre enchan¬
teur d'oliviers et de cyprès. Son réfectoire est, dit-on, l'un des plus beaux du
monde. Une belle forteresse médiévale se voit à Kérynia sur le bord de la
mer avec tour franque et tour véitienne.
(13) Kourion.
C'est le temple d'Apollon Hylates à Apellona>un peu à l'ouest du site de
(lM magicien
Paphos aujourd'hui
Elymas rendu
Baffo.
aveugle
C'est(voir
là que
Actes
PauldesetApôtres,
Barnabé 13).
disputèrent avec le
(l6) Les fouilles auraient pu êtres davantage fructueuses. Dans la Revue des Deux
Mondes du 15 mai 1879 P· 37, un article de Georges Perrot : L' ile de Cypre
( sic ) rapporte : "un seul architecte a visité l'île, M. Duthoit, le compagnon
de M. Vogué, et sa chance l'a bien mal servi sur ce terrain où ses connaissances
spéciales auraient pu rendre de si incomparables services". "A Golgos, ses
tranchées ont effleuré, sans qu'il en fût averti, l'aire d'un de ces vieux
temples chypriotes, où les statues étaient couchées auprès de leur piédes¬
taux encore en place, sous les ruines des murs et de la toiture." "Un peu
plus favorisé par la fortune, comme M. Duthoit nous aurait donné sur la construc¬
tion et sur le plan du sanctuaire de Golgos des renseignements bien autre¬
ment instructifs que (ceux) de M. de Cesnola !".
Voir aussi 0. Masson, Inscriptions Chypriotes Syllabiques ( ICS ) , I96I, p. 276.
(17) Voir 0. Masson, ibid. , p. 279 ; Revue Archéologique, oct. 1862, p. 2kb,
Fouilles de Chypre et de Syrie, lettres de Vogué à Renan et A. de Longpérier sur
le mamrelon de Golgos: on a trouvé en pleine terre des dépôts souterrains de
statues mutilées, sortes de né-rcropoles· qui ont donné une centaine de
têtes, à Agios Photis près Golgos et à Malloura région de Dali. Un troisième dépôt ΐ
- 56 -
(17 a) La seconde lettre du 13 janvier 1870 réitère : ... "Vogué nous avait parlé
de fosses, d'espèces de tranchées dans lesquelles les briseurs d'images
avaient caché les vieux dieux, comme Tropmann a enfoui ses victimes. Les
amateurs d'actualités aimeraient sans doute à raconter le crime de Golgos
ou le crime de Dali, mais je ne tiens pas à faire du pittoresque".
(18) Exemple de chapiteau de Golgoi : 0. Masson, BCH 95 (1971), p. 309 (au Louvre).
(19) Herbault et son confrère Daullé mettront au point en juin 1862 l'avant
projet du Palais de Justice d'Amiens dans le style Louis XIII conseillé
par Questel. Fortement modifiés par le grand Hittorff (c'est à lui
qu'on doit le portique hexastyle de la cour d'honneur qui par son style
imposant et majestueux rachète la banalité éclectique du bâtiment d' Herbault),
mis
les plans
en exécution
seront approuvés
en 1868-1880.
par le Conseil des Bâtiments Civils en 1863 et
(20) Ces découvertes d'ex-voto concernent au vrai non pas Agios Photios mais
le Masson.
0. lieu dit C'est
Arsos,duà reste
une heure
1' indica-tion
d'Agios Photios,
donnée dans
ainsila que
lettre
le suggère
de Duthoit à
Viollet-le-Duc de mai 1862 et celle de Vogûé à Renan publiée dans la
Revue archéologique d'octobre 1862. Annie Caubet et Bruno Helly ont fait
remarquer que la divinité guérisseuse invoquée en ces lieux n'était point
Vénus, mais Theos Hypsistos (le Dieu Très Haut), avatar de Zeus, Revue du
Louvre , 1971, p. 331-333.
(22) La course au clocher est une course à cheval effrénée à travers prairies,
rivières, haies et fossés pour arriver au but fixé (Larousse).
l'arrivée des sauterelles qui clôturent la saison des fouilles pour s'en
aller en Syrie avec Waddington. Il était de retour à Damas le 10 mai et,
laissant Waddington, est revenu à Chypre où "Dutioit pendant son absence
conduisait une petite mission de 3 personnes avec habileté et énergie.
Duthoit a su paret sadesgrande
fonctionnaires habitants".
autorité vaincre le mauvais vouloir des
(2h) Ce sont, nous dit Annie Caubet, les deux belles épitaphes royales de
Kouklia (Palaea Paphos), au Louvre AM. 1858-59 et i860 ; dans 0. Masson,
ICS, 16 et 17.
(25) Cf. Lettre de Vogûé à Renan, Revue Archéologique oct. 1862 : Le Prométhée
doit embarquer
enlevé une grande
le inscription
produit des chypriote
fouilles. monumentale
A Koukla ou pesant
Paleapaphos,
+00 kilos,
on a très
lourde à transporter jusqu'au rivage ; au Nouveau Paphos 3 inscriptions dans une
grotte à 2 km du rivage, au total on a relevé 11 inscriptions (7 en
nature, à savoir 3 à Kouklia, 1 à Soli par S. Grasset, 2 à Amathonte,
1 bilingue à Athièno).
(26) Sur les ex-voto du sanctuaire égyptien d'Arsos, voir Supra note 20 et
Olivier Masson "Notes sur un Sanctuaire d'Arsos", BCH 10, 1980, p. 273-75·
(29) Les inscriptions chypriotes sont probablement, selon Annie Caubet, ICS 190
et 191.
dans la donation
Un dessin Duthoit
des inscriptions
au Musée deen Picardie.
capitales romaines se trouve
(30) Sur la seconde mission chypriote, voir 0. Masson, BCH 1971, p. 307-308.
L'essentiel, dit-il, est décrit par la lettre de Duthoit au Comte de
Nieuwerkerke du 7 août 1865.
(32) Lettre à son Excellence Halil Pacha grand maître d'artillerie et grand
amiral "Catalogue détaillé des pièces d'artillerie ; piècp.rmutilées, la
tradition du pays raconte que lors de la conquête de l'île de Chypre par
pièces
les turcs
dontau leXVIé
tir siècle;les
avait fait généraux
le plus vainqueurs
de mal à leurs
firent
soldats".
trancherIl las'agit
tête de
des
canons en bronze du XVIé siècle, quelques-uns turcs, la plupart vénitiens.
Ils sont signés des fondeurs : Hercules Albergeto, Camille Albergeti,
Hieronimus Albergeti, Galeacius Albergeti me fecit, avec sur la volée le
lion de St Marc. On cite une "belle pièce française du règne de François 1er,
- 58 -
(35) Grasset explique de son côté que le Consul d'Angleterre à Larnaca, White,
ayant fait abattre la clôture installée par Duthoit autour du vase, le
Consul de France Comte de Maricourt lui a demandé un rapport (depuis perdu)
qu'il a transmis au Ministère, lequel contre l'avis de Renan a opiné pour
l'enlèvement du vase. En récompense Grasset aurait été nommé vice-
consul honoraire et à son retour en France aurait reçu une gratification
de 500 Fr pour le mémoire sur le cratère d'Amathonte, voir Masson et Caubet
RDAC, I98O, p. 1*1-8 . On peut se demander si le Consul n'a pas agi à l'ins¬
tigation de Grasset qui repartait de Chypre vers cette époque (courant 186*0.
(38) Voir la bibliographie citée par 0. Masson et A. Caubet, RDAC, 198O p. l*+9 et
E.
sans
Magen,
date Le
(avant
Vase 1868),
d'Amathonte,
écrit par
relation
le capitaine
de son du
transport
navire. en France, Paris,
- 59 -
(UO) Les factures autographes d'Antonio Mattei (au fonds familial Duthoit)
font clairement
statues : apparaître la mise en caisse au mois d'août 1865 de trois
1°) L'une provenant des fouilles d'Athienou, pour laquelle n'est facturé
que le prix du transport effectué le 21 juillet 1865 "per transporte delle
statue
(à identifier
di Athienou
avec "vostri
. . . 138 calli
piastres"
contenenti le statuette trovate in
Athieno" de la lettre de Mattei à Duthoit du 30 octobre 1865 ) .
2°) La seconde achetée à Athienou "per statue comprate da Athienu e
transporti",
3°) La troisième
6k6 achetée
piastres,à P.
26 Tardieu
juillet le
1865.
21 juillet 1865 : "per una statua
comprata dà Mr Tardieu ... 500 (piastres)", "per le fotografie ... ΐ4θ (p.)".
Ceci
Larnaca
et
statue
le correspond
fait
de(original
Baffo".
de la à photographie,
la pièce
conservé),
La factureen qui
du
question,
vient
même
portedonc
Tardieu
à sûrement
lade ligne
en date
Baffotrès
5 (Bapho,
: du
belle
"500
6 août
Katô
(p.)
vu son
1865,
Estimation
Paphos).—
prix de la
.
(Note complémentaire par 0. Masson) L'identification de cette "statue"
de Katô-Paphos pose un problème. M. Foucart-Borville a songé à l'iden¬
tifier avec une statuette du Louvre, plus tard AM 32+, reproduite RDAC ,
pl. XX. 1 et XXI. 2. Cependant, il ne s'agit pas d'une pièce très remar¬
quable, et A. Caubet la rapproche d'une pièce salamini enne. Un autre élément
du problème est l'existence aux Archives Nationales, dans le rapport de
Duthoit daté du 7 août 1865 (texte plus loin ; date qui suit immédiatement
celle des factures citées), de la photographie d'une "tête hathorique" ; or
derrière la photo est marqué clairement "Bapho". Vu le nombre infime des
photos conservées, la mention de photos prises par Mattei (ci-dessous) et la
mention de "Bapho", je me demande si la "statue de Baffo" ne serait pas
Toutes
simplement
les indications
cette tête hathorique
vont à peu (Louvre,
près dans
AM le2755
même
5 sans
sens.mention
La "statue",
d'origine) ?
acquise à Katô-Paphos (ou comme venant de là) par Paul Tardieu, transportée à
Larnaca (où Paul Tardieu, oncle de Mme Grasset, était négociant), aurait
été vendue pour 500 piastres à Duthoit. Enfin la provenance de Katô-Paphos
s'expliquerait plausiblement par un transport (dans l'antiquité ou à l'épo¬
que moderne) depuis la région de l'Ancienne-Panhos. Peut-être un cas analogue
avec une stèle-fenêtre retrouvée à Ktima, BCH 9· ( 1970), p. 216. Une autre
explication permettrait de comprendre comment une sculpture antérieure à
l'époque hellénistique a pu réellement être découverte à Katô-Paphos. En
effet, dans un intéressant article intitulé "Remarks on the Classical
Settlement on the Site of Nea Paphos", Archaeologia Cypria I (1985), p. 69-
78, Mme J. Miynarczyk a énuméré divers éléments archéologiques certainement
antérieurs à la fondation hellénistique. En tout cas, pour la stèle hatho¬
rique elle-même, voir A. Caubet, Revue du Louvre 1973, p. 3, fig 4, et en
dernier lieu A. Hermary, BCH 109 (1985), sous presse.
(+2) Voir aux Archives Nationales F 21-ii05iles fouilles continuées après le dé¬
part de Duthoit par le consulat ne donneront pas grand chose. Acamas, vice-
consul à Limassol envoie en décembre 1865 les copies des inscriptions de
trois dalles tumulaires exhumées à Limassol. Ces dalles seront embarquées
à Larnaca en septembre 1866 pour Cherbourg par le transport La Sèvre.
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