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RELIGION

ET

PRATIQUES DE PUISSANCE
Collection Anthropologie - Connaissance des hommes
Dirigée par Jean-Pierre Warnier

Dernières parutions:

Laurent Vidal, Rituels de possession dans le Sahel. Préface de Jean


Rouch. 1991.
Inès de La Torre, Le Vodu en Afrique de l'Ouest, rites et traditions.
1991.
Suzanne Lallemand, L'apprentissage de la sexualité dans les Contes de
l'Afrique de l'Ouest, 1992.
Noël Ballif, Les Pygnlées de la Grande Forêt, 1992.
Michèle Dacher, Prix des épouses, valeur des soeurs, suivi de Les re-
présentations de la Maladie. Deux études sur la société Gain (Burkina
Faso), 1992.
Nambala Kante (avec la collaboration de Pierre Erny), Forgerons
d'Afrique Noire. Transmission des savoirs traditionnels en pays
malinké, 1993.
V éronique Boyer-Araujo, Fenzl1zeset cultes de possession au Brésil, les
conlpagnons invisibles, 1993.
Nicole Revel et Diana Rey-Hulman, Pour line anthropologie des \'oix.
1993.
Albert de Surgy, Nature etfonction desjëtiches en AfJ'ique noire, 1994.
Marie-Christine Anest, Zoophilie. hOl1zosexualité. rites de passage et
initiation nlasculine dans la Grèce contenzporaine. 1994.
Philippe Geslin, Ethnologie des techniques. Architecture cérélJlollielle
Papago au Mexique, 1994.
Suzanne Lallemand, Adoption et I1zariage. Les Kotokoli du centre du
Togo, 1994.
Olivier Leservoisier, La question foncière en Mauritanie. Terres et
pouvoirs dans la région du Gorgo!. 1994.
Xavier Péron, L'occidentalisation des Massaï du Ken,ya. 1995.
Albert de Surgy, La voie des fétiches, 1995.
Paulette Roulon-Doko, Conception de l'espace et du tenlps che::. les
Gbaya de Centrafrique, 1996.
René Bureau, Bokaye .' Essai sur le Buriti fang du Gabon, 1996.

@ L'Harnzattan.1997
ISBN: 2-7384-5035-0
Sous la direction d'Albert de SURGY

RELIGION
ET
PRATIQUES DE PUISSANCE

Editions L'Harmattan L'Harmattan INC


5-7, rue de l'Ecole-Polytechnique 55, rue Saint Jacques
75005 Paris Montréal (Qc) - Canada H2Y IK9
Liste des auteurs
Françoise CHAMPION - Chargé de recherche au C.N.R.S., U.R.A.
221 : Systèmes de pensée en Afrique noire
Gérard COLAS - Chargé de recherche au C.N.R.S., U.R.A. 118 :
Centre d'étude de l'Inde et de l'Asie du Sud
Constant HAMÈS - Chargé de recherche au C.N.R.S., U.R.A. 1733 :
Centre d'études interdisciplinaires des faits religieux
Danielle JONCKERS - Chargé de recherche au C.N.R.S., U.R.A.
2041, Dynamique religieuse et pratiques sociales anciennes et actuel-
les
André JULLIARD - Chargé de recherche au C.N.R.S., U.R.A. 2041 :
Dynamique religieuse et pratiques sociales anciennes et actuelles
Marie LECOMTE-TILOUINE - Chargé de recherche au C.N.R.S.,
U.P.R. 299 : Milieux, sociétés et cultures en Himalaya
Pierre LORY - Directeur d'études à l'Ecole Pratique des Hautes
Etudes, section des sciences religieuses
Jacques MERCIER - Chargé de recherche au C.N.R.S., Laboratoire
d'Ethnologie et de sociologie comparative, Université de Paris X
André PADOUX - Directeur de recherche honoraire au C.N.R.S.,
(a dirigé l'ancienne formation de recherche "L'hindouisme, textes,
pratiques, doctrines ")

Annick REGOURD - Docteur en philosohie, arabisante. (Missions


financées par le Centre Français d'Etudes Yéménites)

Albert de SURGY - Directeur de recherche au C.N.R.S., U.R.A.


221 : Systèn1es de pensée en Afrique noire
Gilles TARABOUT - Chargé de recherche au C.N.R.S.. U.R.A. 118 :
Centre d'étude de l'Inde et de l'Asie d Sud
Jeanne-Francoise VINCENT - Directeur de recherche au C.N.R.S.,
directeur de l'U.R.A. 2041 : Dynan1ique religieuse et pratiques socia-
les anciennes et actuelles.
Présentation

Albert de Surgy

En dépit du progrès scientifique et technique, et de l'enseignement


obligatoire, des personnes de tous les milieux continuent d' espére r
échapper à l'insatisfaction et au malheur en recourant à des forces ou
entités mystérieuses. Ne voyons pas là de simples subsistances d'une
époque révolue. Le phénomène prend de l'ampleur à proportion des
incertitudes de l'avenir qui s'offre aux individus.
En Afrique noire le recours à des pratiques de caractère magique,
mettant en jeu toutes sortes de puissances invisibles, ne cesse d'être
dénoncé par les chrétiens et les musulmans qui ne parviennent
souvent à en détourner les gens qu'en mettant à leur disposition des
pratiques équivalentes. Dans un pays aussi avancé que le Japon, la
croyance aux esprits et l'adhésion à des groupes constitués autour
d'homn1es ou de femmes proposant à autrui des secours spirituels
tendent pl utôt à augn1enter. Gourous et petits magiciens opérant à
l'aide de mantras fleurissent toujours en Inde et font nlême école hors
de l'Inde. Des mouvenlents se proposant d'intensifier la force psychi-
que de leurs adhérents, tant par entraînement personnel que par rela-
tion ritualisée avec le divin, reIn portent un grand succès aux Erats-
Unis. Voyants, astrologues, désenvoûteurs et sorciers continuent
~ ~

d'exercer. voire nlême se rnultiplient en France, non pas dans les

7
Albert de SurgJ'

campagnes arriérées. mais surtout dans les grandes agglomérations.


Alors que les croyances chrétiennes déclinent chez les jeunes
Européens, celles relati ves aux porte- bonheur, à la voyance, aux
horoscopes, aux miracles, y sont au contraire plus élevées que chez
leurs aînés 1. Cures de conception "holistique", traitant simultané-
ment le corps, l'âme. le groupe social et la planète, sciences occultes
et divinatoires, connaissance des forces immatérielles (psychiques,
culturelles, transpersonnelles, pneumatiques, astrales) qui opèrent à
l'intérieur de chacun, "libération" de ses énergies personnelles, éveil
de facultés psychiques inexploitées, accès (par des drogues ou des
exercices ascétiques) à des "états de conscience modifiés", etc.,
intéressent de plus en plus.
Le marché ainsi ouvert donne lieu à un foisonnement de groupes
plus ou moins stables qui ont été qualifiés dans leur ensemble, par la
sociologue Françoise Champion 2, de "nébuleuse mystique-ésotéri-
que" .
Parallèlement, dans l'univers chrétien, une nouvelle attitude reli-
gieuse se dessine oÙ l'obéissance à Dieu et l'espérance d'être élevé en
récompense auprès de lui cèdent le pas au désir d'en faire descendre
l'Esprit sur terre pour y prendre la direction des affaires humaines
ou à celui d'assimiler telle ou telle facette de sa puissance pour être
en mesure de contribuer méritoirement à l'accomplissement d'une
œuvre lui faisant honneur.
Pour éprouver la réalité d'un tel Etre se trouvant expulsé par la
science du champ d'action de l'homme, le besoin grandit d'en res-
sentir physiquement la présence comme réceptacle d'une effusion
pouvant conduire à la transe. à l'extase ou à des visions prophétiques,
et de constater qu'il intervient effectivement dans le monde, à la
demande de ses adorateurs, en y déclenchant des guérisons et des
événements miraculeux.
Faut-il voir dans ces nouvelles orientations, qui nlettent moins
l'accent sur Dieu lui-même que sur l'épanouissenlent des honlmes, Je
signe d'un profond renouvellement de la religion ou, au contraire. de
sa décadence? Dans la plupart des mouvements qui tentent de satis-
faire la soif contemporaine de merveilleux, Françoise Champion

l Enquête Je l'lnten1atlonal Social Sun c: Progran1 ( 1991 L consacrée Ùla religiun.


l. C.N.R.S.. Groupc Je Sociologie Jes Rcligions ct Jc la Lucité.

8
Présentation

dénonce des "réemplois, voire de pures instrun1entalisations:' de


pratiques religieuses "prioritairen1ent considérées comme des métho-
dologies de développelnent personnel", d'amélioration de la santé ou
de domination plus judicieuse de la nature par l' homme, indépen-
damment de toute référence à un sacré hétérogène au monde humain.
Constatant un "glissement du religieux... vers le 'simplement ma-
gique' de tendance parascientifique, vers le psychologique, vers un
humanisme revisité", elle estime que la nébuleuse mystique-ésoté-
rique "représente particulièrement bien la forme que tend de plus en
plus à prendre le processus social de décomposition du religieux dans
la société contemporaine" 3.
Un glissement dans le même sens, mais de bien moindre extension,
peut être observé en Afrique noire. Les anciens dieux qui soutenaient
les composantes familiales, professionnelles ou associatives de la
société traditionnelle y perdent de leur utilité à mesure que les
références identitaires changent. De ce fait, la tradition religieuse
tend à ne plus y être mise à profit que pour satisfaire un besoin
croissant de protections et de meilleurs chances pour conquérir une
place au soleil. La croyance au sacré et la crainte qu'il inspire
demeurent toutefois extrêmement vives.
En Europe où les religions dominantes, tant catholiques que pro-
testantes, avaient pratiquement réussi à éradiquer de la bonne société
les pratiques magiques, superstitions et autres égarements de la "reli-
gion populaire", le phénomène prend l'allure d'un effondrement
complet. Là où l'édifice religieux s'écroule, aucun étage intermé-
diaire suffisamment résistant ne le retient plus de s'effondrer jusque
sur sa base et c'est sur le champ de ruines résultant qu'émergent. à la
façon d'une nouvelle végétation après un incendie de brousse, une
n1ultitude de n1ouven1ents portant l'homme à s'intéresser à l'au-delà
in1médiat de son domaine d'existence.
Si certains voient dans les formes contemporaines de religiosité la
conséquence d'une sorte de décrochage du véritable sacré, d'autres en
attribuent plus prosaïquement le succès à la tentation de plus en plus
vive de se dérober devant les graves problèmes de notre époque en
cherchant refuge dans l'irrationnel.

:)
"Nouycau'\ n1011\enlents rcli~.!ieu~ et nOll\clles rcli~iosités 111~sti411es-ésoté-
ri4ucs", dans LèS caltièr.1)Frallçai~, £1°273, ncL-déc. 1l)95~ p. 1R.

9
Albert de SurgJ'

A tOllSceux qui s'en tiennent à des interprétations aussi pessimistes


ou alarmistes, il est opportun de faire observer que des pratiques du
même ordre que celles qui étonnent aujourd'hui sont couramment
mises en œuvre, depuis très longtemps, dans d'autres régions du
monde. Elles y sont légitimées par des systèmes de représentation
parfaitement cohérents qui, non seulement ne les opposent en rien à
la quête du divin, mais encore les font apparaître comme des moyens
d'y intéresser le plus grand nombre d'individus.
Contre le manque de considération pour des religions "paiennes"
accusées d'adorer des forces de la nature et n'accordant de réalité à
Dieu que dans la mesure où il se montre utile, j'avais déjà réagi en
montrant qu'une prétendue infestation de la religion vodou par de la
magie et de la sorcellerie dénotait avant tout un souci d'intégration,
sous l'autorité de Dieu, de toutes les puissances à l' œuvre dans la
personne humaine et dans l'univers.
Mais des pratiques maraboutiques, remplissant auprès des popu-
lations des fonctions analogues à celles des "féticheurs" traditionnels
avaient cours dans les régions islamisées de l'Afrique noire, tandis
qu'à l'autre extrémité du champ d'extension de l'islam une semblable
équivalence pouvait être observée entre manipulations musulmanes
ou hindoues d'esprits et de forces cachées.
D'où l'idée d'un groupe de travail que je fondai, en juin 1992,
avec la collaboration d'André Padoux (indianiste) et de Pierre Lory
(islamologue), pour mettre en commun l'expérience de chercheurs
qui, en Afrique, au Moyen-Orient et dans le sous-continent indien,
avaient été amenés à constater à quel point pratiques de soumission
aux divinités ou d'accession à la sainteté et pratiques visant à l'ob-
tention de bienfaits en ce monde même, fut-ce aux dépens d'autrui, se
complétaient et s'entremêlaient inextricablement.
"Dans la mesure, précisions-nous, où un rapprochement de Dieu a
pour fruit une participation accrue à sa souveraineté, l'exercice d'une
certaine domination des esprits et des forces de la nature est souvent
considéré comme un témoignage de réalisation spirituelle et peut
même tenir lieu de moyen d'accès aux sources de l'être par assimi-
lation expérimentale des puissances qui en émanent. Jouissance effec-
tive de pouvoirs surhumains et désintéressement total des affaires du
monde coïncident paradoxalenlent au sein de systèmes que nous S0I11-
mes mal préparés à comprendre, mais qu'en dépit de préjugés tenaces

10
Presel1ta tion

rien ne pernlet de lier à une nlentalité prérationnelle ou à un stade


primitif de développement social.~'
Nous souhaitions réfléchir sur une telle compatibilité de fait, ou
du moins sur les conditions de compatibilité, entre des pratiques ma-
giques ou occultes, touchant parfois à la sorcellerie, et d'une part la
religion et la mystique, d'autre part le développement scientifique et
technique des sociétés modernes.
Nous nous fixâmes pour objectif d'examiner le statut accordé aux
puissances imnlatérielles pouvant être sollicitées au manipulées à des
fins intéressées, personnelles ou collectives, lllondaines ou surnatu-
relles, d'étudier leur genèse, leur hiérarchie leurs caractéristiques et
leurs vertus, et de comparer les modalités des rapports pouvant être
amorcés puis entretenus avec elles.
On trouvera réunies ci-dessous quelques unes des communications
présentées à ce groupe. Elles n'ont pas la prétention de traiter ex-
haustivement du problème, ni d'en proposer une théorie générale,
mais plutôt de l'éclairer de divers points de vue qui dépendent du
terrain fréquenté, du mode d'approche préféré (observation ethno-
graphique, étude de textes liturgiques ou doctrinaux...), de la problé-
nlatique et des centres d'intérêt de chacun.

Il existe une interprétation sociologique des puissances et des rites


considérés. Elle est le plus nettement évoquée ici par André Julliard
qui nous montre combien la représentation que l'on s'en fait dépend
du statut et du savoir acquis.
Parallèlement aux discours savants orthodoxes (mais déjà di vers)
des responsables de culte, la réalité des divinités (ukin) sollicitées par
les Oiola Felup de Guinée Bissau est mise en question par d'assez
nombreuses personnes sans pour autant que le groupe soit empêché
de bien fonctionner en s'y référant. Les divinités en question se résu-
01ent alors à des lieux sacralisés d'élaboration de stratégies indivi-
duelles et de décisions politiques sous le double regard des puissants
du village et d'une figure emblématique de l'intérêt commun. Ce
seraient les hon1mes qui, sous couvert d'entités prétendument trans-
cendantes, mettraient à profit dans le secret, à des fins nuisibles all
bénéfiques, certaines connaissances (utilisation de poisons Oll de
remèdes, etc.) et des capacités naturelles de clairvoyance (dévoration
du principe vital d'autrui ou accession à la sagesse traditionnelle

Il
.41bert de Surg}/

présentée comnle une montée vers Dieu).


Une société peut ainsi fort bien subsister sans croire sérieusement
au surnaturel et le sociologue considérer que les entités surnaturelles
n'ont d'existence que dans le discours de ceux qui en parlent.
Telle n'est pas, bien entendu, l'opÏnion de ceux qui ont foi en un
Etre capable de les élever au dessus d'eux-mêmes et de la collectivité
à laquelle ils sont intégrés. Comme le problème qui nous préoccupe
ici n ~est pas tant celui des "pratiques de puissance", toujours suscepti-
bles de recevoir une interprétation psychologique et sociologique,
que celui de leur intégration éventuelle dans une perspective religieu-
se, nous avons tout intérêt à respecter la mentalité et le langage des
responsables de cultes et, tout en nous gardant de prendre parti pour
ou contre, faire comme si ce dont ils nous parlent existait vraiment.
Cette insertion déli bérée dans le religieux nous a amenés à ne
prendre guère en considération les formes de puissance vitale ou psy-
chique par lesquelles un individu s'attaque parfois à un autre ou
affronte les forces qui tourmentent l'un de ses clients. Nous ne nous
sonlmes intéressés qu'aux puissances faisant l'objet d'un culte ou que
l'on cherche à se concilier par des rites. Il s'agit là de puissances
extérieures aux intéressés, ne les préoccupant que dans la mesure où
elles viennent perturber, orienter, compléter ou guider l'exercice de
leurs propres facultés.
Traitant de conceptions minyanka (Mali), Danielle Jonckers met
nettement à ce propos en évidence deux types de forces: d'une part
celles dont l'usage implique connaissance, sagesse, fermeté, généro-
sité, capacité d'arbitrage, d'autre part celles s'exerçant impulsive-
n1ent, avec violence, et parallèlement deux types de chefs: des chefs
sacrés ou de terre, devant leur légitimité à des objets de culte (des
variétés de fétiches) renvoyant à des entités -'supra-humaines", et des
chefs de guerre, hommes politiques, riches commerçants ou entrepre-
neurs se rendant à l'occasion célèbres par des coups de main, des
détournements de fonds et des opérations frauduleuses.
Une distinction fondamentale s'impose de la sorte entre un monde
de primitivité (celui régi par des passions attisées et orientées par
toutes sortes d'esprits ou d~infIuences) et un nl0nde ordonnateur
dominant, caractérisé par la clarté. la liberté et la justice.
Ce qui me paraît capital en la matière, et très africain. est la valo-
risation de la nature et de la force violente dans la nlesure où elle

12
Pres en ta don

invite du nlên1e coup la force de sagesse et de conciliation à venir


dominer ses débordements. Chacune se révèle étroitement complé-
mentaire de l'autre, et j'ai ailleurs soutenu lïdée que la force vitale
était celle qui contraignai t l'une et l'autre à entrer dialectiq uement en
rapport 4.

D'autres textes nous ouvrent l'esprit sur différents modes de


conception des puissances.
Il semble que l'on puisse opposer un monde de puissancesterres-
tres, aériennes ou inférieures (celles rapportés dans notre symbolisme
ancien au monde sublunaire) à un monde de puissances célestes,
éthérées ou supérieures (celles rapportées dans notre symbolisme
ancien au ciel planétaire).
Cette opposition est la plus clairement reflétée dans la distinction
islamique entre les djinns et les anges (texte de P. Lory). Elle l'est
également en Ethiopie (texte de J. Mercier) dans la distinction établie
entre les :ar et les génies de lieu, les démons et autres esprits malé-
fiques. Toutefois des entités inférieures peuvent se laisser convertir à
la cause d'entités supérieures qui exercent dès lors sur elles leur
seigneurie. Elevées en quelque sorte au rang des supérieures, elles
aident en échange celles-ci à se manifester sur le plan terrestre. Il
appartient au thérapeute, en s'appuyant pour cela sur une di vination,
de juger si une entité inférieure ne mérite que d'être expulsée du
sujet qu'elle dérange ou s~il y a moyen de la faire passer, pour le plus
grand profit de tous, sous le contrôle d'une entité supérieure bien-
veillante.
.
On est donc amené à envisager: - tantôt des associations d'entités
des deux ordres conservant dans le monde musulnlan leurs positions
hiérarchiques (les djinns s~y présentant en magie comme les exécu-
teurs des ordres des anges) mais pouvant déboucher ailleurs, comme
en Ethiopie, sur des sortes d'hybrides, - tantôt des entités ambiva-
lentes, encore indétermi nées, pouvant demeurer fantasques, et donc
importunes, ou se placer sous l'autorité d'entités surnaturelles plus ou
moins nettement engagées au service de Dieu (ou prendre au con-
traire le parti d'entités déchues, diaboliques, fondamentalement rnalé-
fiques ).

-+l-il voie des fitiches, Paris, L 'Halll1attan, p. 9h-97.

13
"~Vbert de SurgJ'

Bref la distinction en question n'implique nullement disjonction.


Les opposés se rencontrent et peuvent aussi bien, le cas échéant sous
la pression des hommes, préférer s'associer ou se livrer combat que
de continuer à tenir leurs distances. Du point de vue de la dynamique
thérapeutique, ce sont les entités complexes ou bâtardes, donnant
accès aux forces de toutes catégories, et non pas les entités les plus
pures, qui se révèlent les plus intéressantes.

Dans les cultures africaines et moyen-orientales, les deux ordres


de puissance précédents (sublunaire et céleste) apparaissent eux-
nlêmes dominés par un monde divin, source de l'incitation des âmes à
se réaliser dans l'action et terme de leur épanouissement, que notre
symbolisme ancien situe cette fois au niveau de la sphère étoilée.
Les divinations les plus respectées de l'ancienne Côte des Esclaves
d'Afrique occidentale, celles qui orientent toutes les activités religieu-
ses et magiques, vont chercher leur inspiration à ce niveau. Annick
Regourd nous montre que la tradition de géomancie arabe qui
perdure au Yémen prétend pareillement remonter, par le Prophète,
jusqu'à Dieu. Selon ses meilleurs représentants il n'y a pas d'incom-
patibilité entre divination et appartenance à l'islam. La pratique de la
divination, loin d'éloigner de Dieu, suppose que l'on soit en rapport
intime avec lui et implique des qualités qui appartiennent aux
mystiques. Ils estiment que, pour arriver à percer les secrets du
monde, il est nécessaire d'être pieux, et c'est bien auprès de Dieu
qu'ils sollicitent la connaissance des réalités cachées.
Lorsque les pratiques magiques musulmanes ne sont pas éclairées
par une telle divination, elles n'en demeurent pas moins rapportées à
Dieu, détenteur de l'autorité suprême, qui leur confère ou en autorise
l'efficacité. C'est en effet la science des Noms divins qui permet de
maîtriser à sa source l'énergie spirituelle. .'Le Nom divin, écrit Lory.
donne pouvoir sur les planètes qui elles-mêmes gouvernent le monde
subI unaire".
L'utilisation nlagiq ue du texte coranique, dont traite Constant
Halnès. fait également apparaître Dieu comme la source de tout
pouvoir. Elle postule que chaque verset, chaque nl0t, chaque lettre
rnêrne, conservant un rapport nlystérieux avec sa source. possède une
vertu incantatoire pernlettant d'activer dans le sens souhaité telle ou
telle facette de la puissance divine. Morceaux de Coran proférés.

1-+
Presen ta tion

entendus~ recopiés, avalés, portés sur soi~ enfouis quelque part ou


manipulés rituellement attestent d'une exploitation du Livre sacré qui
tranche fortement avec son usage liturgique. Elle rappelle néanmoins,
à bien des égard, la façon dont les mystiques morcellent et triturent
eux aussi le texte pour en extraire des interprétations plus profondes.
Elle s'apparente également à l'usage qui en est fait par certains
adeptes de confréries lorsqu'ils en récitent de très nombreuses fois de
suite certains passages pour s'imprégner l'esprit de forces divines
correspondantes.
Il reste que l'exploitation d'un tel filon de puissance peut être
poursuivie en se dispensant du contrôle divin. Rien n'empêche dès
lors qu'elle conduise aux mêmes excès qu'un commerce, condamné,
avec des puissances autonomes ne se trouvant pas entièrement con-
verties à Dieu, utilisables par conséquent à des fins qui le contrarient.
Des inversions artificielles dans le texte peuvent provoquer par
exemple des accidents ou des événements nuisibles. De savants
mélanges de noms dangereux et de morceaux de phrases arrachées à
leur contexte, renforcés le cas échéant par des substances naturelles,
sont employés pour neutraliser éliminer ou faire souffrir quelqu'un.
De telles déviances posent le problème d'une inspiration éventuelle
des actes magiques par une puissance opposée à l'accomplissement de
l' œuvre créatrice, habituellement jugée exclue des cieux en com-
pagnie d'une cohorte de partisans ralliant à leur cause toutes sortes
d'esprits inférieurs. Ainsi s'irnpose à notre attention tout un peuple de
diables ou de shaytan (petits satans) prenant plaisir à tourmenter les
hommes, à les induire en erreur ou à les pousser au crime. Ces
redoutables créatures font l'objet de pratiques destinées à préserver
de leurs assauts ceux qui refusent de se ranger dans leur camp, mais
il est remarquable qu'on ne les sollicite jamais pour des actes de
magie, y compris de magie noire. Personne en effet ne peut leur faire
confiance, ni les asservir à sa volonté. Il est seulement possible,
moyennant certains avantages immédiats, d'accepter de se consacrer
avec eux à la propagation du mal.
Toute puissance exceptionnelle d'action sur le monde apparaît
finalement devoi r être cherchée dans r au-delà céleste de cel ui-ci: au
flux d'énergie sortant de la bouche de Dieu ou auprès d'anges,
d'esprits supérieurs (planétaires) all de divinités particulières dont
beaucoup restent neutres ou an10rales. Seule l'intention qui préside à

15
/:\1bert de Surg)'

l'actionnement de telles puissances fait éventuellement basculer l'acte


magique du côté de la magie noire dès lors qu'il devient moralement
injustifié.

Bien que les conceptions théologiques et cosmogoniques soient


assez différentes en Inde, on n'y rencontre pas moins des divinités
subordonnées aux plus grandes, pouvant introduire à celles-ci, pré-
sentées parfois comme des formes particulières de celles-ci, et des
divinités plus sauvages ou terrestres, vénérées surtout dans les basses
castes, utilisées comme gardiennes des lieux sacrés et des personnes,
présentant une nature très voisine de celle des esprits perturbateurs
ou maléfiques qu'on leur demande d'éloigner. Un niveau de plénitude
ontologique d'où il devient impensable de descendre s'incarner une
nouvelle fois sur terre y surmonte aussi des niveaux intermédiaires
d'assimilation partielle du divin. On n'y voit cependant guère appa-
raître d'équivalent de Satan. La Divinité elle-même s'y pose en prin-
cipe du mal comme du bien et des entités surnaturelles en provien-
nent, maléfiques ou bénéfiques (ou se révélant tantôt maléfiques,
tantôt bénéfiques), pouvant aussi bien causer la chute des âmes que les
aider à trouver le salut. L'ascèse et les rites permettent d'agir sur
elles.
En tant qu'aspects ou formes diversifiées de la Déesse, rayonnant
en cercle à partir de celle-ci pour en diffuser la puissance fonda-
mentale (shakli) à tous les niveaux de l'univers, les Yoginï dont nous
parle André Padoux nous renvoient à leur façon à cet Absolu qui
dépasse l'entendement où se trouvent résolues, dans l'unité d'une
source universelle, les oppositions entre transcendance et immanence,
vérité et illusion, sagesse et violence, matière et esprit, etc. Très liées
au territoire (champs, montagnes, forêts), qu'elles peuplent souvent à
la nlanière de fées, elles nous sont pourtant présentées dans les textes
comme des images ou des hypostases de la Déesse, appelée suprême
Yoginï, dont elles partagent le caractère ambivalent, celui-là même de
la femme en Inde. Tout aussi redoutables qu'à l'occasion bienveillan-
tes, elles se trouvent associées à l'aspect terrible de Shiva (Bhairava)
et leurs adeptes - comnle pour se situer résolument par delà toute
lirnitation? - rnanifestent un goût prononcé pour les rites transgres-
sifs.

1 ()
Présentation

N'est-ce pas à un mênle niveau suprême - celui où le principe du


maL pleinenlent maîtrisé et devenu dès lors inoffensif, ne se trouve
pas exclu mais installé à sa juste place - que les chrétiens cherchent à
remonter lorsqu'ils réclament à leur Dieu des messages prophétiques,
la délivrance des mauvais esprits, la guérison des maladies et toutes
sortes de miracles? Car les pratiques de puissance ne concernent pas
uniqBement les religions archaïques. Sous la poussée des mouvements
pentecôtistes et néo- pentecôtistes, elles sont en plein essor dans les
Eglises chrétiennes. De même que la Déesse hindoue s'irradie en plu-
sieurs figures, un seul et même Esprit-Saint, triomphant perpétuel-
lement de Satan, y est censé distri buer comn1e il l'entend, aux mem-
bres de la communauté, des dons de plusieurs sortes, assimilables à
une pluralité d'aspects de sa puissance.
Je montre ici que les attitudes, les conceptions, les espérances, les
procédés de provocation du merveilleux, sont semblables chez les
chrétiens du Sud du Bénin et chez les adeptes des cultes vodou. Jésus-
Christ se présente à eux comme un super-vodou, un vodou intégral
ou uni versel.
Il est certain que le Dieu très-haut africain, deus otiosus se con-
tentant de présider aux activités d'une multitude de dieux particuliers,
n'intervient jamais lui-même au profit de ses créatures et ne reçoit
jamais en conséquence de sacrifice. Mais est-il bien le seul grand
Dieu dont les Africain ont connaissance?
Le vaillant Dieu-Soleil mwaba-gurma, bâtard d'une grande Déesse
céleste et d'un inquiétant maître du monde d'en-bas qu'elle dévora
aussitôt fécondée, ne correspond nullement à ce modèle. En obligeant
les êtres d'en-haut à venir collaborer à une réalisation sensée des
"paroles" dégluties dans le désordre par sa Mère, il se pose en repré-
sentant de l'Un assurant dynamiquement, par des allées et venues
quotidiennes entre le Ciel et les entrailles de la Terre, l'unification au
service d'une même œuvre des opposés primordiaux s,
De mên1e, en complément du Dieu suprême Mawu qui se contente
d Ïnspi rer aux hommes le désir de ren1anier significativenlent le
cours naturel de leur existence en faisant appel à des vodous, les
géomanciens de l'ancienne Côte des Esclaves vénèrent une divinité

:; Surgy, A. Jc : ra di~'illalioll par les hili! cordelelles elle: It!s l'v!wo!Jo-(;"nllo


(:Vord-Togo), tonlC 1, "Es4uisse Je leurs croyances rcligicuses", Paris, L'Harnlal-
tan, 1983: surtout les pages 27-68 ct 84-90.

17
Albert de Surg}'

terrible appelée Gbadu, dérivée de la grande déesse yorouba Odudua,


qui intègre à ses pouvoirs celui de la sorcellerie, à laquelle les grands
maîtres doivent l'excellence de leur divination, mais qui ne se prive
pas pour autant d'agir en leur faveur.
Les Africains concernés auraient-ils aussi aisément adoptés le
christianisme sans avoir été déjà familiarisés avec une divinité active
de ce genre?
Jeanne-Françoise Vincent apporte à ce sujet sa contribution dans
une étude sur le Dieu suprême africain, principalement fondée sur les
enquêtes qu'elle a menées chez les Mofu et les Hadjeray du Nord-
Cameroun. Elle nous montre que le Dieu communément situé au plus
haut du Ciel n'est pas aussi impassible et aussi éloigné des hommes
que certains ont été induits à le croire. Créateur et souverain du
monde, source de tout bienfait, il n'apparaît pas totalement effacé
derrière un aréopage de divinités secondaires et d'ancêtres auxquels il
aurait entièrement délégué son autorité: quelle que soit l'importance
de ses di vers représentants, envoyés ou messagers, il reste possi ble en
certaines circonstances de s'adresser directement à lui. Des autels lui
sont consacrés. Des offrandes sacrificielles lui sont notamment pré-
sentées lors d'une grande fête annuelle célébrée en son seul honneur.
Un tel Dieu-du-ciel, entièrement libre de ses décisions, ne peut
faire l'objet d'aucune contrainte. Injonctions et menaces ne sauraient
parfois porter fruit qu'auprès de puissances secondaires, créées ou
enrôlées par lui au service des hommes: au nom de la mission qui
leur incombe, ou au nom d'un pacte conclu avec elles, ces puissances
se laissent en effet mettre en demeure (comme des agents de services
administratifs par des citoyens en difficulté) de bien accomplir leur
travail. Mais aucun appui ne s'offre pour exercer la moindre pression
sur le maître absolu du monde.
Il n'en reste pas moins possible de jouer sur la relation établie
avec ce maître pour ramener à répondre irrésistiblement aux sollici-
tations q ll' on lui adresse. La louange, la sounlission, non pas la
résignation ou une forme de fatalisme, mais un abandon confiant
entre ses mains, l'obligent bien davantage envers ses sujets que de
maladroites tentatives pour lui extorquer des faveurs. Comment ne
souhaiterait-il pas le bien de créatures auxquelles il a accordé et
dispense continuellernent la vie? Dès lors que celles-ci ne I"indispo-
sent pas par des conlportements immoraux, mais se présentent à lui

18
Presentation

cornme des petits enfants ou des serviteurs de bonne volonté, il ne


peut pas s'empêcher de leur nlontrer comment faire et, au besoin, les
prend merveilleusement en charge.
C'est une telle possibilité d'action sur le Seigneur Dieu que les
Eglises mettent systématiquement à profit au détriment de démarches,
jugées moins efficaces, auprès de puissances non souveraines, sus-
ceptibles d'être toujours contrecarrées par d'autres, auxquelles elles
reprochent de ne pas orienter nécessairement vers Dieu et, le plus
souvent, d'encombrer ou même obturer la voie qui mène à lui.

L'efficacité d'un recours à des puissances surnaturelles reste dans


tous les cas largement tributaire de moyens et procédés utilisés pour
se mettre en état d'entrer en rapport avec elles. Rites, formules, lieux
et objets sacrés se trouvent ainsi crédités d'une puissance propre qui
dépend non seulement de leurs propriétés naturelles et symboliques,
mais aussi du consentement de la divinité concernée à y répondre ou
à s'y rendre présente.
Gérard Colas aborde cet aspect du problème en nous parlant de la
puissance du temple hindou. Il nous montre qu'un rapport existe
entre la forme, la couleur et les matériaux de l'image de culte et le
type de service attendu du dieu (délivrance spirituelle, bien-être,
victoire. magie noire...)
Complexe, ou plutôt '"monde" d'objets sacrés, ayant une fonction
de régulation cosmique et sociale, le temple vishnouite est crédité
d'une influence d'autant plus étendue (1) que la puissance divine y a
été installée rituellenlent à une date récente, (2) que sa fondation est
ancienne, (3) qu'elle est attri buée à un --voyant" ou ~'parfait" entré
dans l'intimité du dieu, (4) qu'elle est attribuée à l'intervention (rune
divinité de l'entourage du dieu, (5) enfin qu'elle résulte de l'auto-
manifestation du dieu lui-même dans une image.
Ces considérations nous amènent à attri buer à un dieu deux sortes
de puissance: celle qu' il exerce couramment pour intervenir dans le
Inonde conformément aux demandes qui lui sont transmises et celle
qui lui perolet de se rendre mystérieuseolent présent dans une iOlage
d"où rayonnera plus ou o10ins loin son influence. Elles nous amènent
à distinguer parallèlenlent deux sortes de fonctions olagico-reli-
gieuses : celle qui persuade une divinité d'investir un objet ou une
statue et celle qui l'induit ensuite à agir.

19
.41bert de SurgJ'

Alors que les deux fonctions se trollvent remplies en Afrique


noire par le même personnage, Gilles Tarabout nous montre qu'il
n'en va souvent pas de même en Inde. C'est ainsi qu'au Kérala des
spécialistes appelés tantri assurent l'installation des divinités dans les
sanctuaires puis la restauration éventuelle de la sacralité de ceux-ci. Il
leur faut pour cela être capables de s'identifier à la di vini té elle-
même en transformant symboliquement leur propre corps en un
habitacle où elle pénètre.
Il revient par contre à des mantravadi, experts en récitation de
mantra, d'obtenir des divinités qu'elles répondent favorablement aux
demandes d'assistance qui leur sont adressées. Ces magiciens ne
disposent pas comme les tantri de la divinité. Ils ne l'ont pas "réa-
lisée" en eux au même degré. Ils demeurent écartés d'elle et n'en sont
parfois que momentanément "possédés". Ils la respectent et la servent
comme un maître, mais avec tant de zèle qu'elle ne peut plus rien
leur refuser, à tel point qu'en un certain sens ce sont eux qui la
dominent. On doit toutefois distinguer parmi eux des fondateurs de
sanctuaires et des héritiers de tels fondateurs ne faisant que béné-
ficier, par transmission initiatique, de l'alliance initialement conclue
avec la divinité. Certains mantravadi ont pu être directement investis
de pouvoirs par une divinité les ayant spontanément saisis. D'autres
ont obtenu que la divinité se mette (mette ses pouvoirs) à leur dis-
position par une ascèse prolongée à laquelle elle n'a pu résister. La
plupart ne sont que dépositaires des pouvoirs qu'une divinité a mis à
la disposition d'un de leurs ascendants.
On voit ainsi apparaître pl usieurs sortes de personnages puis-
sants : ceux qui ont réussi à élever leur conscience au même niveau
que les divinités et, parmi les autres, ceux auxquels la divinité a
spontanément fait don de sa présence et de ses pouvoirs, ceux qui ont
réussi à 1ui arracher ce don et ceux auxquels ce don a seulement été
transmis. A nouveau les pouvoirs détenus apparaissent d'autant plus
grands qu'ils ont été reçus directement et gracieusement d'une entité
surnaturelle.

Les textes précédents peuvent laisser croire que les hon1mes cher-
chent toujours à exercer par en dessous une sorte de contrai nte sur
les puissances par lesquelles ils imaginent que leur sort est décidé. II
n'en est rien, car un idéal d'abandon à la miséricorde de Dieu l'em-

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