BARENTCOENDERSVANHELPEN
PRÉFACE.
A mis Lecteurs. Puisqu’il semble que le Monde, à
présent est charmé d’un si grand désir de
réduirai chacun Degré en plusieurs paragraphes, vu
que les susdits dix degrés auront leur source de ces
quatre livres comme le nombre de Dix a son origine et
posséder des trésors d’or et d’argent, et que son accomplissement des quatre premiers nombres.
les hommes n’emploient leurs esprits à rien,
avec plus Car,
de zèle, qu’a tâcher d’acquérir des grands biens et des Le Premier Livre livrera, le Premier Être.
grandes richesses, afin de satisfaire, s’il est possible, à
Le Second, les Deux Contraires.
cette furieuse famine qu’ils ont après l’argent, et qu’il
viennent pour cela faire peu de cas, et même à mépriser Le Troisième, les Quatre Éléments.
les plus grands bien, qui doivent véritablement être Et le Quatrième, les Trois Principes.
désirés ; à savoir la vraie sapience, qui consiste dans la
connaissance de Dieu leur Créateur, et leur Premier
Les nombres desquels, étant aussi assemblés, font de
Être, et dans celle de ses créatures, laquelle, encore
même le nombre de dix, comme nous venons de dire
qu’elle soit plus haute et la plus nécessaire de toutes, ils
des Quatre premiers nombres.
la regardent de travers, comme superflue, et d’une
façon tellement dédaigneuse, que, lorsqu’on vient à Ce sont, dis-je, ces Dix Degrés que les Ancien Sages ont
découvrir la vraie Philosophie, on ose bien montés, et étant parvenus sur la sommité d’iceux, ils
effrontément répondre : Non est de pane lucrando, c’est à ont vu par les jeux de leur entendement, que, comme
dire : ce n’est pas pour gagner du pain, ou pour faire on avance avec bon ordre depuis l’Unité jusqu’au
profit. nombre Dix, comme tous les nombres sont compris
sous ce nombre dix, et qu’il ne se peut faire aucun
Ces sortes de gens ne pensent à rien qu’aux paroles très
progrès à d’autres nombres outre le nombre Dix, par
salutaires de Salustre : Non oportet nos vitam silentio
aucune autre voie, qu’en retournant à l’Unité. Qu’ainsi
transire veluti pecora, sed studebimus memoriam nostram
de même on monte par ordre de l’Unité de Dieu ou du
quam maxime longam essicere.
Premier Être de tous les êtres, aux Deux Contraires, aux
C’est-à-dire : Il ne faut pas que nous passions la vie Quatre Éléments, et aux Trois Principes, jusqu’au
sous silence, comme sont les bêtes, mais nous devons nombre Dix ; que toutes choses sont aussi comprises
nous étudier, de faire en sorte, que l’on se souvienne de sous ce Nombre, et qu’il ne se peut non plus faire
nous aussi longtemps qu’il est possible. aucun progrès outre ce nombre Dix à aucun être que
Ayant considéré mûrement cette inclinaison telle illicite par le retour à l’Unité, qui est le Premier Être de tous, et
et perverse, un désir m’a pris de tacher de tendre l’arc qu’ainsi la plus haute science, à savoir la connaissance
de mon petit esprit, pour considérer, s’il ne serait pas parfaite du Créateur et de ses créatures est à espérer et
possible d’approcher à un but plus considérable et à Comprendre par cette connaissance.
d’imprimer à mon prochain des pensées plus relevées Je tacherai ainsi de monter à ces Dix Degrés de sapience
en concevant une petite Philosophie, qui ne consista le mieux que je pourrai et quand j’aurai le bonheur
pas en une grandissime quantité de beaux mots, ni en d’être parvenu jusqu’à la sommité de cet Escalier ;
des disputes hargotteuses, mais qui ne fut au contraire d’étendre mes esprits et mes expériences sur les Trois
que fondée simplement et succinctement au possible Royaumes des Composés, qui sont, le Royaume des
sur des démonstrations Géométriques, et sur des Végétaux, des Animaux et des Minéraux, comme du
expériences Chimiques : Voici pourquoi que j’ai cru Centre jusqu’à la circonférence ; de considérer les Dix
que le titre de l’escalier des sages ne conviendrai pas Degrés de sapience autant qu’il me sera possible en
mal à cette Philosophie, et je ferais bien de la faire chaque Royaume à part, et de diriger à la fin mon
paraître en manière de Dialogue entre François et pèlerinage en telle sorte que j’aurai quelque espoir de
Vrederic, étant le premier celui qui tiendra son propos parvenir aussi au havre éternel de l’Unité de notre
fondé principalement sur la Théorie, et l’autre sur la grand Dieu et Créateur.
Pratique et sur des expériences.
Le Lecteur se contentera, s’il lui plaît, par provision,
J’ai jugé que ce susdit titre serait donné à bon droit à avec cette Première Partie de l’Escalier des Sages
cette Philosophie, à cause que les Anciens Sages, jusqu’au temps que notre grand Dieu me favorise de
comme le père de tous les Philosophes, Hermès ses grâces pour produire et accomplir la Seconde
Trimégiste, Moïse le Prophète, St. Thomas d’Aquin, le Partie, qui est aussi Commencée. Je le supplie qu’en
Roi Geber, et une infinité d’autres vrais Philosophes lisant ce Traité il ne s’attache trop à la lettre ni à l’écorce
ont fait leurs démarches sur cet Escalier, et qu’ils ont des choses que je représenterai, mais qu’il en veuille
obtenu du grand Dieu leurs sciences tant regarder la substance et la moelle d’un œil attentif, et
incomparables par l’ascension infatigable d’icelui. Je qu’il jouisse ainsi du fruit de ce labeur qu’on lui
tâcherai de suivre et de poursuivre fidèlement et autant présente d’un Cœur ouvert et sincère.
qu’il me sera possible les pas de ces Sages, et diviserai
pour cette fin ce Traité en Quatre Livres, qui livreront à
peu près les Dix Degrés de l’ancienne sapience, et
ADIEU.
DIALOGUE
ENTRE FRANÇOIS ET VREDERYK.
FRANÇOIS
COMMENÇANT À MONTER
LE PREMIER DEGRÉ.
raisonnables cherchent à connaître le Créateur par Ces paroles sont les suivantes : Ô hommes étourdis qui
la connaissance des créatures. Que toutes les avez bu le vin de l’ignorance lequel vous ne pouvez
créatures proviennent d’un seul Dieu, comme tous souffrir ! Mais le vomissez ! Vers ou vous emportez-vous ?
les nombres de l’Unité. Description de Hermès Soyez sobres et voyez avec les yeux du cœur : si vous ne le
Trimégiste de la création du Monde. Moïse de la pouvez pas faire tous, voyez seulement vous qui le
création du Monde. Que Dieu est dit souvent d’être pouvez, car la perversité de l’ignorance surnage toute la
un feu. terre et fait abîmer l’âme déplorable dans son corps, ne
souffrant pas qu’elle aborde les ports du salut. Ne vous
FRANÇOIS. mettez donc pas en péril au grand flux, mais approchez le
e vous ai entendu volontiers et vous port de sauveté au travers des ondes contraires autant que
vous le pouvez aborder. Cherchez le guide qui vous
remercie de tout mon cœur de la peine qu’il
apprenne le chemin qui mène à la porte de l’intelligence
vous a plu de prendre ; ce ne sont pas
ou est la lumière brillante sans aucunes ténèbres : où
seulement des lignes et des lettres
personne n’est ivre, mais où que tout le monde vit
Jdesquelles vous avez discouru, et lesquelles sobrement, et regarde avec le cœur celui qui veut être
doivent être considérées simplement comme des lignes et
regardé, car il ne peut être ouï, prononcé, ni vu avec les
des lettres, puisque vous en avez commencé à faire une
yeux, mais avec le cœur et l’esprit ; Il faut que vous
écriture laquelle démontre le grand Tout, non seulement
tachiez de déchirer l’habit d’ignorance que vous portez, le
avec la plume, mais même avec le compas et avec la règle :
firmament de la malice, le nœud de lacorruption, le
Vous ne sauriez non plus arrêter mieux vos pensées, ni
circuit ténébreux, la mort vive, la charogne sensible, le
aiguiser votre esprit qu’à des choses qui tendent à la
sépulcre que nous portons avec nous, le larron locatif,
gloire de Dieu, et qui sont utiles pour la procuration de
celui qui hait par les choses qu’il aime, mais qui est
notre salut éternel ; C’est aussi à ces choses là qu’on doit
envieux par les choses qu’il hait. Tel est l’habillement
employer très particulièrement beaucoup de peine et de
ennemi lequel vous êtes couvert, qui te suffoque toi-
labeur, puisqu’on acquière par-là des trésors qui ne
même, que ne puisse recevoir la vue, et qu’ayant arrêté tes
périssent pas, mais qui sont divins et éternels ; C’est aussi
spéculations à la beauté de la vérité et le Bien qui repose
la volonté du créateur, que les hommes, à qui il a eu la
en elle tu ne haïsses la méchanceté d’icelle après avoir
bénignité de donner une âme raisonnable, outre toutes ses
pénétré ses embûches avec lesquelles elle l’épiée, faisant
autres créatures, apprennent à le connaître par la
les choses qui semblent être visibles et sensibles,
connaissance des créatures, afin que les hommes
insensibles, et les étoupant de quantité de matière, et les
connaissant bien leur Créateur par la connaissance
emplissant d’une volupté abominable pour ne pouvoir
d’icelles, se rendent de plus en plus capable de l’adorer,
ouïr les choses que tu devrais ouïr, et pour empêcher de
de le servir et de le louer : Car il est impossible d’estimer voir les choses que tu devrais voir.
grandement une chose qu’on ne connaît pas, et qu’on ne
sait pas ce que c’est, comme la plus part des hommes FRANÇOIS.
(hélas !) ne savent pas ce que c’est Dieu : C’est une chose Mon très cher, ne faisons pas de la sorte, et ne soyons
honteuse de le dire, et il le faut pourtant dire, puisque
trouvé parmi une troupe de pourceauxqui aiment la
c’est la vérité ; ils sont provenus de Dieu, ils sont en Dieu,
saleté, mais acceptons avec ardeur cette belle admonition
ils subsistent par Dieu, ils ne sont rien sans Dieu, et il faut
de Hermès, ruminons la bien, imitons la pieusement, et
qu’ils retournent à Dieu à la fin, puisqu’il est leur
montrons que nous aimons la pureté et que nous
commencement et leur fin, étant pourtant sans
l’estimons outre tous les trésors du monde, puisqu’elle
commencement et sans fin, et encore ne connaissent-ils
forte de la pureté même, vu que Dieu n’est que Pureté lui-
pas Dieu : n’est-il pas grandement à plaindre, que
même, et qu’aucune impureté n’est en lui : le soleil est pur
l’ignorance est si grande dans le monde qu’entre des
et clair, et les ténèbres ne peuvent avoir aucun lieu en lui,
milliers de personnes ils ne s’en trouvent pas quelquefois
puisqu’il est habité de la lumière de Dieu : et la Pierre des
une qui connaisse bien son Dieu, son Créateur, ou son
Philosophes est pure puisqu’elle est composée des rayons
Premier Être, et qui sait ce qu’il doit répondre, quand on
concentrés du soleil, et c’est pourquoi qu’elle ne souffre
lui demande ce que c’est que Dieu ? Comment telles gens
aucune impureté près d’elle, mais qu’elle transforme tout
trouveront-ils Dieu puisqu’ils ne le connaissent pas ?
en pureté ; cherchons ceux-là particulièrement, et tachons
Comment estimeront, honoreront et loueront-ils Dieu vu
d’apprendre à les connaître, car le soleil est le Lieutenant
qu’ils ne savent ce que c’est que Dieu ? Comment peut un
du Grand Dieu au ciel, et la Pierre des Philosophes est le
lourdeau ou un paysan faire état de la pierre des
Lieutenant de Dieu sur la Terre, et c’est par connaissance
Philosophes quand il ne sait pas ce que c’est ? Ne la
de ceux-ci que nous pourrons apprendre à monter
dédaignera pas comme si elle était de nulle valeur ?
l’Escalier des Sages, et par icelui jusqu’à la connaissance
encore qu’elle serait purifiée mille fois par le feu de
de Dieu.
purification des Philosophes, et qu’elle serait d’une valeur
de cent mille millions d’Or ? VREDERYK.
VREDERYK. Vous parlez fort bien : sed hic labor hoc opus. C’est-à-dire :
c’est là où gît la difficulté.
Il en est ainsi comme vous dites, et il en a été de même il y
a quelques milles ans, car il me souvient des paroles du FRANÇOIS.
plus ancien des Philosophes, savoir Hermès Trimégiste
Il est bien vrai : mais vous savez aussi le proverbe, qui
V
Il est bien vrai : mais vous savez aussi ce que David dit
sur le même sujet, en parlant de Dieu : Qui tabernaculum
ous le savez : j’en suis d’accord ; faisons en donc un
suum posuit in Sole. C’est à dire : Qui a posé son tabernacle
commencement pour autant que le petit talent de
dans le Soleil. notre connaissance le permet, et descendant de la
Lumière inaccessible de Dieu le Créateur,
Et que le tout puissant est appelé plus souvent dans la St. tournons-nous vers les
Ecriture une Lumière et un Feu, qu’aucun autre être, et créatures, et demeurant pourtant arrêté à l’Unité,
qu’il est aussi bien souvent comparé à iceux, et ce, sans entretenons-nous quelque temps de la Pierre des
doute, à cause que la nature de la lumière et du feu est de Philosophes, de laquelle on a fait tant de bruit dans le
soi-même mouvante, générante et reconsummante ; Monde, et laquelle a été de tout temps, et est encore
comme Moïse en fait mention au Deutéronome Chapitre aujourd’hui tant recherchée des plus grands et des plus
4ème : Le Seigneur ton Dieu est un feu consumant. savant de toute la Terre, et voyons si nous avons juste
Et Exode chapitre 3. v. 2. et 3 : Et l’ange du Seigneur raison d’oser dire que c’est par la science d’icelle que les
s’apparut à lui en une flamme de feu au milieu d’un Anciens Sages ont monté, et que les vrais savants
buisson, et il regarda, et voici le buisson ardait au feu et le modernes ont apparence d’approcher l’Escalier des Sages.
buisson ne se consumait point. Lors Moïse dit : je me Voyons donc premièrement s’il est conforme à la vérité
détournerai maintenant et verrai cette grande vision, que la Pierre des sages a été au Monde, et si elle y est
pourquoi le buisson ne brûle point. Adonc le Seigneur vit encore : et puis en découvrons à l’un l’autre avec probité et
qu’il se détournait pour regarder, et Dieu l’appela du avec sincérité nos sentiments et nos expériences.
milieu du buisson : etc.
Exode chapitre 14. v. 24 : Et advint en la veille du matin VREDERYK.
que le Seigneur étant en la Colonne de feu et nuée, Je suis prêt de philosopher avec vous de cette matière tant
regarda sur le camp des Égyptiens, et étonna le dit camp pure et tant illustre ; de vous produire ce que j’en ai lu et
des Égyptiens. entendu, et puisqu’il y a plusieurs années que j’ai aussi
Exode chapitre 19. v. 18 : Et le mont Sinaï était tout en tenu infatigablement la main à la charrue, je vous promets
fumé, pourtant que le Seigneur descendit de dessus en de vous rendre participant avec candeur de mes
feu, et la fumée d’icelui montait comme la fumée d’une expériences, et de vous montrer que je pourrais toujours
fournaise, et toute la montagne tremblait fort. vérifier mes paroles par des effets : si vous en faites de
même, il y aura espérance que notre Dialogue ne sera pas
Lévitique chapitre 10. v. 1. et 2 : Les enfants de Aaron
inutile.
Nadab et Abihu offrirent du feu étrange devant le
Seigneur, lequel il ne leur avait point commandé : A donc FRANÇOIS.
le feu issit de devant le seigneur, et les dévora.
Hé bien, je ne ferai pas moins le devoir d’un homme
Nombre chapitre 6. v. 22, 23, 24 : Le Seigneur parla à d’honneur, et désire déjà de savoir, si vous êtes sur le vrai
Moïse, disant. Parle à Aaron et ses fils et leur dit vous chemin ou point, et si vous avez consumé et perdu votre
F
nisi duas materias spermaticas unius, et ejusdem radicis,
substantiæ et essentiæ, scilicet Mercurialis, solius substanciæ
ort bien : j’entends bien autant, que vous n’avez pas été
viscosæ et siccæ, quæ nulli rei jungitur in hoc Mundo nisi
endormi en votre temps non plus, et que vous
n’avez pas épargné vos mains moins que moi à corporibus. C’est-à-dire : Il paraît assez à découvert par
les noircir en maniant les charbons ; que vous Calib, qu’il n’y a dans cet art que deux matières
avez aussi
spermatiques d’une même racine, à savoir d’une
pris de la peine assez ; et que nous demeurons jusqu’à substance et d’une essence Mercurielle, qui est seule
présent tout doucement d’accord touchant la matière de
substance visqueuse et sèche, laquelle ne se joint à aucune
laquelle la Pierre des Anciens Sages doit être préparée :
chose dans ce monde qu’aux corps.
Tachons à cette heure de vérifier avec une grande quantité
d’auteurs irréprochables, ce que nous avons soutenu, et Le même : Opus nostrum ex unica radice, et ex duabus
éprouvons tout premier que ce ne doit être qu’Un Seul sustantiis Mercurialibus, crudi, assumptis et ex minera tractis,
Être lequel contienne-le tout depuis le commencement puris et mundis, igne conjunctis amicitiæ, ut exigit ipsa
jusqu’à la fin. materia, assidue coctis, usque dum ex duobus fiat unum, in quo
quidem uno corpus spiritus, et iste corpus facta sunt a
Voyons ce qu’en dit :
commixtione. C’est-à-dire : Notre œuvre se fait d’une seule
Hermès Trimégiste, in Tabula Smaragdina : Quod est racine, et de deux substances Mercurielles, crues, prises et
superius est sicut id quod est inferius, et quod inferius tirées de la mine, jointes par le feu d’amitié comme la
sicut id quod superius, ad considerandum miracula rei matière le requière, qui sont continuellement cuites,
Unius : et sicut omnes res fuerunt ex uno meditatione jusqu’à tant que de deux ils deviennent un, pourtant que
unius, sic omnes hæ res creataæ sunt ex una jac re dans cette un le corps soit fait esprit, et l’esprit corps, par
adaptatione. etc. la commixition.
C’est à dire : Ce qui est en haut est comme ce qui est en Sendivogius, in Dialogo : Scito quod miji unus talis tantum
bas, et ce qui est en bas comme ce qui est en haut, pour est filius, unus ex septem est, et primus est ; ipse quoque omnia
considérer les merveilles d’une chose, et comme toutes est qui unus tantum crat ; nihil est, et numerus ejus enteger
choses ont été d’un par la médiation d’un, ainsi toutes ces est ; in illo sunt quatuor Elementa, qui tamen non est
choses sont créées de cette une chose par approbation. etc. elementumm ; Spiritus est qyi tamen corpus habet. etc. C’est-à-
Zenior Zadith, in Digressione autoris ad alia : Sophismata dire : Sachez, que je n’ai qu’un tel fils, il est un des sept, et
sapientum dicunt : Res nostra est ex una re : non opinetur est le premier, il est aussi tout, qui était seulement Un ; il
aliquis quod sit ex una re, sed ex diversis quæ præparatæ factæ est rien, et son nombre est entier ; les quatre Éléments sont
sunt unum. C’est à dire : Les devises provoyants des Sages en lui qui n’est pourtant pas un Élément ; il est esprit qui a
disent : Notre affaire est d’ une chose : Qu’on ne pense pas pourtant un Corps. etc.
qu’elle soit d’une chose, mais des choses différentes, Le même : Scito etiam pro certo, quod hæc scientia non in
lesquelles préparées sont faites une chose. fortuna, neque casuali inventione, sed in reali scientia locata est,
Le même : Est unum quod non moritur quamdiu suerit et non nisi hæc unica materia est in Mundo, per quam et ex qua
Mundus, et vivificat quodlibet mortuum, et manifestat colores præparatur lapis Philosophorum. C’est-à-dire : Sachez aussi
occultos, et celat manifestos. C’est à dire : De l’opération de pour certain que cette science ne consiste pas à la fortune,
la Teinture : Il y a une chose qui ne meure pas tant que le ni à une invention casuelle, mais qu’elle a son lieu dans
Monde dure, et qui vivifie toute chose morte, qui rend les une science réelle, et il n’y à que cette matière Unique dans
couleurs cachées manifestes, et les manifestes cachées. le Monde par laquelle et de laquelle la Pierre des
Philosophes est préparée.
Bernhardus : In re non variant autores, cum illa semper sit
unica, sola, et eadem materia et ejusdem semper naturæ, in qua Joannes de Padoua : Notre Eau, quand on la prépare, est
nihil ingreditur quod non sit extractum ab ea, et hoc quod ipsi appelée Une Eau éternelle toujours durable et persistante,
Ainsi-soit-il.
DU NOMBRE DEUX,
DES DEUX QUALITÉS CONTRAIRES
EN GÉNÉRAL
V
c’est ainsi qu’il s’en produit des effets si effroyables : Mais
ceci en passant.
otre discours ne m’ennuierait pas, quand il durerait bien
Je vous supplie de poursuivre à cette heure votre discours
plus longtemps, à cause que les choses que vous
récitez sont toutes des expériences qui vous sont de la génération des Animaux qui se fait par le couvement
passées par les mains, et je vous assure qu’aucune des Œufs, laquelle prend son commencement d’une
histoire
manière douce, amiable, et agréable à la nature, afin que je
de tout le monde ne me pourra être plus agréable à
puisse tacher de rapporter une même façon de procéder
entendre que celle que vous nous promettez de l’œuf des
qui se fait dans l’œuvre des Philosophes, et que nous en
Philosophes qui fait tant de bruit dans le monde, et de
puissions confirmer la vérité de ce qu’en disent les anciens
laquelle j’ai entendu et lu une grande quantité d’auteurs,
Philosophes, autant qu’il nous est possible.
et particulièrement (vu que nous traitons ici des qualité
contraires et de l’amour) quelle concordance elle puisse FRANÇOIS.
avoir avec le couvement des Œufs des oiseaux.
Je suis prêt à vous obéir : Touchant la génération des
VREDERIC. Animaux, vous savez que les illustres Harvéjus,
Malpigius, Swammerdan, Kerchring, Parisanus, Fabricius
Fort bien : Je vous ferai naïvement participant de ce qu’il et d’autres savants en ont écrit merveilleusement bien, et
m’est passé par les mains touchant cette affaire, de quelle que les savants sont la plupart d’accord, que toutes sortes
façon l’amour y a opéré jusqu’à présent, et combien de d’Animaux ne sont pas seulement conçus au
malheurs me sont survenus, lorsque les qualités contraires commencement dans les œufs, et qu’ils sont couvés en
ont commencé à dominer par ma négligence ; mais devant iceux jusqu’à leur maturité parfaite, mais que même la
que de nous avançons jusqu’à là, vous me ferez plaisir de semence féminine, depuis son commencement matériel,
me raconter ce que savez du couvement des Œufs des est formée en rondeur ou d’une figure ovale dedans leurs
animaux, afin que nous puissions considérer de quelle testicules, devant qu’elle soit projetée par l’action
façon l’une manière accorde l’autre. vénérienne ; et qu’il se trouve aux testicules susdites des
Œufs de différentes grandeurs, desquels il y en a, qui sont
FRANÇOIS.
prêt et propres à recevoir et concevoir la semence
Très volontiers : mais puisqu’il me souvient d’une histoire, masculine, et d’autres qui ne sont pas encore propres à
sur le propos des Qualités contraires in gradu intenso, cette conception. Que les Œufs les plus parfaits sont attirés
laquelle est admirable, et rapportée de J. Struis dans son de la matrice, durant l’action vénérienne, par les conduits
voyage des Indes Orientale, vous ne prendrez pas de à cette fin destinés du Grand Architecte de l’Univers et
mauvaise par, si vous plaît, que je la raconte auparavant que ces œufs étants là touché de la semence masculine, en
que d’entamer la matière de la génération des Animaux. deviennent fertiles.
Pour ce qu’il me regarde, je puis dire que je suis bien
Il dit que le 13ème de juillet de l’an de grâce 1671, il s’éleva d’accord avec eux jusqu’à là, et pour en dire mon
à Scamachi en Perse un Orage si terrible d’éclair et de sentiment au delà : je ne puis m’empêcher de dire, qu’il
tonnerre, que l’air était rempli de tous les côtés d’un feu me semble, (je parle ici de la génération des hommes) que
bleuâtre, duquel il tombait quelquefois des masses bien la semence de l’homme étant jetée assez loin dedans la
grandes dégouttantes comme du soufre fondu. Je voyais matrice de la femme, qu’elle y puisse ou toucher les Œufs
entre autres (dit-il) tomber en bas une masse de feu, de la femme, ou bien que l’esprit de cette semence puisse
laquelle descendant jusqu’à sur la terre, se creva d’une si pénétrer jusqu’à ces dits Œufs : que ces Œufs en
grande violence, qu’il sembla que le ciel et la terre en deviennent imprégnés, et quasi entés pour provenir à la
tremblèrent. J’ai (dit-il) quelquefois entendu décharger les motion de la production du fruit humain ; car cependant
canons des Turcs sur les châteaux près des Dardanelles que la motion ou action vénérienne se fait du sexe
étant chargés de boulets, lesquels donnaient des très Masculin et Féminin, il me semble que la matrice de la
grands coups, à cause de leurs grandeurs dont ces canons femme se doit ouvrir par le doux et agréable attouchement
sont réputés ; mais ces coups n’étaient non plus à ce coup de l’homme, et que l’homme devient à projeter son sperme
sus mentionné qu’un coup de clef, dont les enfants se (vulgairement dit la semence) ému par le chatouillement
servent en jouant, est à raison d’un coup de canon. J’en ai de la femme, de sorte que tous deux étants d’un
vu descendre (dit-il) en dégoûtant jusqu’à six, de la grandissime contentement d’accord, l’un pour donner sa
grosseur d’une futaille, qui me causait une frayeur semence et l’autre pour la recevoir, la conception se fait du
inexprimable. genre humain, et que la matrice de la femme étant
J’ai lu plusieurs histoires semblables à celle-là, et qui satisfaite qu’elle se ferme, et après avoir retenu le sperme
arrivent bien souvent dans l’Arabie stérile, lesquelles viril son temps, pour donner son esprit aux œufs de la
rendraient notre discours trop long pour les raconter ici : femme, qu’elle requière la corporalité dudit sperme, qui
Je veux seulement dire par cette histoire qu’il semble qu’il n’a servi que pour véhicule de son esprit, et que dès lors
elle se referme si bien et si
J
rouges de ce centre rouge à la circonférence et que la dite
circonférence devient rouge aussi, cela arrive de la même
e ne manquerai pas à vous les raconter. Les vrais
manière en notre matière quand on la traite suaviter, c’est- Philosophes (aussi bien Hermès Trimégiste que
à-dire fort doucement, car toute la noirceur devient alors tous les autres) disent unanimement, qu’il faut
rouge. nécessairement donner au commencement une
petite
Et comme le Sang de l’animal s’augmente de plus en plus, chaleur à l’œuvre des Philosophes, car le dit Hermès
jusqu’à que son corps vienne à couvrir ombrer et commande bien exprès dans sa Table d’Emeraude ou
environner son centre et ses rayons rouges, en façon d’une Smaragdine, qu’il faut séparer la terre arrière du feu, le
substance blanchâtre, tellement que la rougeur ne peut subtil du gros, doucement et avec grand esprit par ces
être plus vue, mais qu’il ne paraisse plue rien qu’un corps paroles : Separabis Terram ab Igne, Subtile a spisso, suaviter et
blanc et diaphane à l’entour : ainsi veoid ou de même à la magno cum ingenio. C’est à dire : Vous séparerez la Terre
génération de l’enfant des Philosophes, car la première du Feu, le subtil arrière du grossier, et ce doucement et
couleur rouge devient à s’évanouir tout doucement, et à avec grand esprit.
être environnée d’un corps diaphane et blanc comme du D’autres disent : qu’il faut donner au commencement à la
lait, qui est si semblable au lait des animaux, qu’il est
matière un feu de poule couvante.
quasi impossible de l’en distinguer, laquelle contient
cachée en elle tout aussi bien la couleur rouge, que le D’autres l’appellent un ouvrage de Patience.
corps diaphane blanc de l’animal : selon le dire des D’autres disent : Omnis sestinatio a Diabolo est. Et ainsi des
Philosophes : Sub Albedine latet Rubedo. autres.
Touchant la nourriture de laquelle les animaux jouissent Pour ce qui me regarde. J’ai expérimenté la même chose,
ensuite, lorsqu’ils sont émancipés des œufs ou du ventre par une grandissime perte de peine et de labeur, car
de leur mère, comme font le lait et les autres nutriments, lorsque j’avais exposé mon sperme Philosophique quelque
qui se changent, par la circulation et par la séparation, en temps à la putréfaction, croyant de procéder, (selon le dire
chyle, et delà en sang, pour faire croître et agrandir le de tous les Philosophes, ) et de produire la matière,
corps de l’animal en qualité et en quantité ; il s’en fait de jusqu’à la couleur Noire, qui est la Première, le temps d’un
même en l’œuvre des Philosophes, qui est aussi nourri de ouvrage, qu’il fallait manier avec une si grandissime
son propre lait, qui s’augmente toujours par la circulation patience, commença à m’ennuyer ; croyant donc, selon
et par la séparation des ses propres Éléments sans mon jugement, de faire avancer la putréfaction, en
addition d’aucune chose étrangère ; et ce même lait augmentant un peu la chaleur du feu extérieur et intérieur,
change bientôt après en chyle et le chyle en sang, qui est j’ai expérimenté, à mon grand regret, que mon vase est
une couleur ou teinture rouge par laquelle l’enfant des crevé, et toute ma matière perdue, de sorte qu’il m’a fallu
Philosophes se peut augmenter aussi en qualité et en recommencer tout de nouveau, et prendre mieux garde
quantité. aux leçons des maîtres, dont l’observation exacte m’a fait
heureusement passer par la couleur Noire, (laquelle
FRANÇOIS. paraissait comme un limon, ou comme un savon noir)
Est-il possible ? mais il faut que je le croie puisque votre jusqu’à la couleur blanche comme lait : laquelle ayant
narration est fondée sur vos propres expériences. Mais obtenu par la grâce de Dieu, j’ai repris l’assurance
mon très cher ami, je vous supplie de ne pas oublier de d’exciter trop le moteur intérieur de la matière par
N
ignorant, que j’ai osé lui demander qu’elle m’eut fait venir
en maturité et en perfection non seulement les fleurs, mais
aussi tout d’un coup les fruits et les graines, ce que lui ous avons assez parlé des tromperies, des méchancetés
étant impossible, ne me l’a pas seulement refusée, mais des ignorants et des trompeurs, celui qui en
voudra savoir davantage il n’a qu’en lire le Comte
m’a rencontrée d’un regard si furieux et si âpre que Trévisan, Sendivogius et d’autres ; Nous
l’aspect de Méduse même n’aurait presque pu être plus retournerons, si vous plaît, à notre nombre Deux, et puis
dangereux ni plus malheureux, puisqu’elle commençait à nous quitterons ces Degrés pour tacher de monter les
vomir contre moi un feu tellement étouffant, qu’il était suivant, vu que notre intention n’est pas de faire propos si
capable de me tuer en un moment, si je n’avais eu la ample ; il est vrai pourtant que je ne puis rien m’empêcher
prudence de retenir mon haleine en m’enfuyant hors de la d’en apporter ici ce que j’en ai lu chez quelques auteurs.
chambre tant que je pouvais.
H. Cornélius Agrippa dit en sa Philosophie Occulte entre
C’est dès ce temps là que j’ai appris, d’être mieux sur mes autre du Nombre de Deux ce qui s’en suit : Binarius primus
gardes, de suivre pertinemment la Nature à sa sage numerus est, qui prima multitudo est, a nullo potest numero
conduite, d’obéir précisément à ses ordres, et de l’assister metiri, praeterquam a sola unitate omnium numerorum
et de l’aider en tout avec dévotion, et c’est par cette façon mensura communi : non compositus ex numeris, sed ex sola
d’agir que je me suis trouvé bien, et que je me trouve bien unitate una et una coordinatus. Dicitur numerus charitatis et
encore. mutui amoris, nuptiarum et societatis, sicut dictum est a
Voilà, selon votre désir, les raisons et les causes de mes Domino : Erunt dua in carne una. C’est-à-dire : Le nombre
malheurs, qui me sont arrivé que par le mauvais régime de Deux est le premier nombre parce que c’est la première
des Éléments contenus de notre matière, et d’une trop multitude ; il ne peut être mesuré d’aucun nombre que de
grande impatience d’avoir voulu faire avancer la Nature l’unité seule, qui est la mesure commune de tous les
DU NOMBRE QUATRE,
DES QUATRE ÉLÉMENTS,
ET DES QUATRE ÉLÉMENTS QUI SONT DANS LA MATIÈRE
DE LA PIERRE DES PHILOSOPHES.
N
Sécheresse, et l’Humidité.
Desquelles proviennent les Quatre Humeurs : comme sont
ous avons traité amiablement de l’Unité et du nombre
l’Humeur Sanguine, la Colère ; le Phlegme et la Mélancolie
Deux, lesquels étant assemblés font le nombre de
Trois : si nous ajoutons le nombre de Quatre à : desquels nous tacherons de parler plus particulièrement
celui-là par la règle d’addition nous trouverons le ensuite, et ferons notre commencement de quatre
nombre de
Éléments.
sept tout de même comme d’un centre et de Six demi-
diamètres, d’une même étendue du pied du compas, il se VREDERIC.
forme une figure Géométrique Hexagonale, composée de
sept points, comme nous en avons fait autrefois mention Mais devant que d’entamer la matière des Éléments ; il me
plus amplement et avec plus de circonstances, ce qui serait semble, sous votre meilleur avis, que vous feriez pas mal
ennuyeux de répéter, vu que notre intention est de traiter d’apporter ici auparavant les raisons pourquoi vous venez
ici particulièrement du nombre Quatre, duquel à préférer le Nombre de Quatre au Nombre de Trois, vu
j’entamerai, si vous plaît notre discours lequel je tacherai que celui-ci suit immédiatement dans l’Arithmétique au
de fonder comme les autres sur la Théorie, vous pourrez Nombre de Deux.
aussi continuer votre entretien, que vous vous étiez donné
FRANÇOIS.
la peine de commencer sur les fondements démonstratifs
et les vérifier par des expériences comme vous avez fait Je vous réponds : Qu’il a plu à Dieu tout puissant de tenir
auparavant. lui-même cet ordre à la création du monde : car après le
Nombre de Deux, à savoir après le lumière et les Ténèbres,
VREDERIC. il a fait provenir le Ciel et la Terre, le Ciel comprenant
Je le veux bien : vous n’avez qu’à commencer. Deux Éléments opérants, et la Terre deux souffrants. Le
ciel ayant compris en lui la lumière ou Élément Feu, et
FRANÇOIS. l’Air ; et la Terre l’Élément de l’Eau et de la Terre ; et de
ces Quatre là il fait produire le Nombre de Trois à savoir
Ceux qui suivent la doctrine de Pythagore préfèrent le
les végétaux, Animaux et Minéraux, qui en sont crû et
Nombre de quatre à toutes les vertus de tous les nombres,
provenu, et qui en ont leur nourriture et leur entretien par
puisqu’il est un fondement et une racine de tous les autres
le moyen des Trois Principes, qui sont comme des seconds
Nombres.
Éléments, comme sont le soufre, le Mercure et le sel, lequel
Ce Nombre signifie ou la fermeté selon la démonstration entretien pour les dits trois Royaumes ce Grand Dieu fera,
de la figure Carrée. sans doute, durer si longtemps que la circulation des
Le Nombre de Quatre emplit par quatre termes tout Éléments durera, car les trois Principes ont leur naissance
simple progrès des Nombres : à savoir avec une unité 1. et leur croissance de la conjonction des Quatre Éléments
avec un 2. comme aussi d’un 3. et avec un 4. lesquels tellement que paraissant
VREDERIC. VREDERIC.
Il en est de même dedans notre œuvre des Philosophes, C’est ainsi qu’il en va aussi avec notre œuvre des
comme je vous le démontrerai ensuite. Philosophes : mais il faut que je vous dis en passant, que
les Éléments, desquels la Nature se sert pour la génération
FRANÇOIS. des Animaux, sont plus subtils, invisibles et insensibles,
Nous sommes donc certains que les Trois Principes, le comme nous en avons fait mention autrefois en discourant
Soufre, le Mercure et le Sel ont leur origine et sont de la génération des animaux.
provenu de la conjonction des Quatre Éléments, comme
les Quatre Éléments de la conjonction de la Première FRANÇOIS.
Matière et de la Forme universelle, qui sont les Principes J’en suis d’accord avec vous, et, ce qui est digne
simples de la Nature ; que les Éléments aussi bien que les d’admiration, c’est que tous les composés se laissent
Principes, ou seconds Éléments, ne sont rien autre chose pourtant réduire en des Éléments sensibles, c’est que
que la Première Matière, laquelle a reçu la Forme de Lucretius exprime fort bien quand il dit : Ex insensiblibus
différentes manières ; et que la Matière seconde provient omnia consitunt Principiis. C’est-à-dire : Toutes choses sont
de la commixtion des Éléments, laquelle est le plus sujet faites des Principes insensibles.
aux accidents et qui vient à souffrir les tours et Tous les mixtes ou composés semblent bien
vicissitudes de la génération et de la corruption. extérieurement d’être composés seulement de deux
Trimégiste dit bien en peu de paroles, mais qui sont de Éléments à savoir de l’Élément de l’Eau et de la Terre,
grand efficace, et qui méritent d’être bien considérées : mais les deux autres Éléments sont cachés sous ceux-ci en
Quod est superius simile est ei quod est inferius. C’est-à-dire : vertu et en puissance, vu que l’Air étant invisible à notre
Ce qui est en haut est semblable à ce qui est en bas. regard, est en quelque façon compté entre les être
spirituels ; et le Feu de la Nature ne peut être touché ni
Car les choses en haut et en bas sont bien faites et séparé par aucun artifice, puisqu’il est le Principe Formel,
créées d’une même Forme et d’une même Matière, car la Nature des Formes ne peut être soumise au
mais au regard de leur lieu, de leurs commixtion et jugement des sens parce qu’elle est spirituelle.
V
la mer ont une vigueur ignée ou de feu. Et les semences
ont une origine céleste.
ous avez, à ce me semble, assez solidement et assez bien
Sendivogius parlant de l’Élément de Feu : Ignis, inquit, est discouru de l’Élément du Feu, et particulièrement
Elementum purissimum, et omnium dignissimum, plenum de son origine ; de la lumière ; du Soleil, et de ses
influences dedans les composés, et de ses
adhaerentis unctuosae corrosivitatis, penetrans, digerens, opérations en
corrodens, maxime adhaerns, extra visible, intus vero invisible, iceux : vous étiez même monté avec votre esprit jusqu’au
fixissimum : Est clidum et siccum et temperatur Terra. Ejus feu glorieux qui environne le Trône du Créateur ; mais
omnium purissima substancia et essentia cum Throno Divinae vous avez parlé fort peu des feux matériels, terrestres,
Majestatis in creatione primum elevata est : ex minus centrales, Soufreux, Minérales et Mercuriels.
purissima ejus substantia Angeli creati sunt. Impura et
unctuosa in centro Terrae ad continuandum motus FRANÇOIS.
operationem, a summo creatore sapientissimo relicta et inclusa Il est vrai, mais je les ai réservé pour vous, afin que vous
est, quam nos gehennam vocamus. les résolviez par la clef de vos expériences.
C’est-à-dire : Le Feu est l’Élément le plus pur et le plus
digne de tous, il est plein d’un corrosif gras, il est VREDERIC.
pénétrant, extérieurement visible, mais intérieurement Fort bien : je m’en vais donc l’entreprendre selon la petite
invisible, très fixe ; il est chaud et sec, et se laisse tempérer capacité de mon esprit, et tacherai d’en faire mon
par la Terre. Toute sa plus pure substance et essence s’est commencement de la circonférence de la Terre, pour le
élevée à la création avec le Trône de la Majesté Divine. Les finir au centre d’icelle, puisque notre œuvre des
Anges sont créés de sa substance moins pure. L’impure et Philosophes doit être principalement produite en
l’onctueuse ou grasse est laissée et enfermée du très haut perfection par le Feu central de la Terre, nonobstant que
et très sage créateur dedans le centre de la Terre, pour toutes sortes de Feux, aussi bien ceux d’en haut que ceux
continuer l’opération de la motion, laquelle nous appelons d’en bas aient une grandissime sympathie ensemble, et
la géhenne ou l’Enfer. que les feux d’en bas aient leur origine de ceux d’en haut.
C’est dans le Feu que les raisons vitales, et l’intellect sont Vous avez bien touché quelque chose du Feu qui est caché
comprises, lesquelles l’homme reçoit de son créateur avec dedans les Animaux pour autant qu’il est descendu du
la première infusion de la vie étant dans l’état végétant, et Feu ou de la Lumière du Soleil ; qu’il les rend participants
c’est alors que l’homme est doué de Dieu d’une âme de la Lumière et de la vie, et même d’une telle manière
raisonnable, et c’est pour mors qu’il est appelé l’image de qu’ils ont en leur pouvoir de le multiplier en infini par le
Dieu. moyen de la transplantation et de la génération. Mais
Ce n’est pas aussi sans grandissimes raisons, que notre quelles sortes de feux il y a encore dedans les Animaux
Dieu tout puissant à mis le siège de sa Divine Majesté outre celui-là, vous n’en avez encore fait aucune mention ;
dedans le Feu ; car c’est pour cela qu’il ne peut souffrir et puisqu’il s’y en trouve plus d’une sorte, par la voie de
aucune chose impure, composée, ni tachée ; Aucun notre Anatomie chymique, qui sont utiles et nécessaires à
homme ne peut même regarder ni approcher ce grand savoir aux amateurs de sciences naturelles, il ne sera pas
Dieu vu que le feu le très subtil et le très pur, qui mal à propos de vous les communiquer ici par mes
environne sa très Sainte Majesté Divine, doit être expériences.
présumée et crue tellement concentré, qu’il est impossible Il faut que vous sachiez : Premièrement, qu’on, appelle
et tout à fait contraire à sa nature de souffrir aucune chose toutes sortes de matière brûlantes, du Feu, lorsqu’elles
composée auprès de lui, sans le résoudre dans un moment sont allumées par quelque feu brûlant, comme du feu
en ses principes. commun qui sert à la cuisson des viandes, ou d’un feu
causé par une émotion subite, ou par une contrition des
bois durs, ou par la conjonction des deux matériaux
contraires et concentrés en vertu. Car les superfluités de
Nature qui se trouvent aux hommes et autres animaux,
comme sont les cheveux, les ongles, la peau insensible, et
(sans vous perdre le respect) les excréments étant séchés,
aussi bien que les sept parties capitales d’iceux, comme
sont, le Cœur, le Cerveau, le Foie, le Poumon, les Nerfs et
les Veines, les ossements durs et mous les muscles et les
ligaments, avec toutes les matières que les corps des
animaux peuvent livrer davantage, étant (dis- je) bien
séchés, se changent tout aussi bien en feu et en cendres
que les bois secs ou autres matières brûlantes : Et les
raisons, pourquoi cela se fait ainsi, ne sont autres ; sinon,
L
font fondre fort volontiers avec eux, et en leur propre
nature, à cause que la plus grande partie des corps des
métaux est un sel fixe coagulé, et qu’ils possèdent aussi e Feu Central de la Terre n’est autre chose qu’un feu
fort différemment peu ou beaucoup de sel fixe ou volatil, à humide de la nature du soufre et du Mercure tout
deux, et aimant pour cela aussi bien les mixtes
proportion de leurs qualités différentes. soufreux que les Mercuriels au Royaumes
végétable
Il est à remarquer ici, que ce feu humide qui se trouve au
qu’Animal et Minéral ; et nous pouvons dire, que notre
Royaume Minéral, est de deux sortes. L’une sorte étant de
feu humide, duquel nos nous servons dans notre œuvre
la nature du Soufre, l’autre de celle du Mercure.
des Philosophes est un feu de la même nature, car comme
Les métaux que nous jugeons être plus de la Nature du le feu Central de la Terre vient à partager et à donner
Mercure que du soufre sont : le Plomb, l’Etain, le Fer, le indifféremment par l’aide du soleil, à tous les végétaux
Cuivre, l’Argent, et le vif argent, ce qu’il me semble de soufreux et Mercuriels, et de même à tous les Animaux et
paraître par-là, que lesdits métaux se laissent fort Minéraux, leur commencement, leur accroissement leur
facilement attaquer, fondre et dissoudre par les feux perfection leur déclinaison, leur changement et leur
humides soufreux, parce que le soufre comme le mâle agit séparation en leurs Principes ; ainsi fait notre feu des
fort volontiers dans la femelle, qui est le Mercure, Philosophes tout de la même manière, puisqu’il opère
puisqu’il l’embrasse et qu’il l’accepte avec grand amour. indifféremment dans le Royaume Métallique, y dissolvant,
Et que l’Or contient plus de soufre que de Mercure, cela coagulant, séparant et rejoignant tous les métaux Soufreux
est évident par-là, qu’il ne se laisse aucunement unir par et Mercuriels, les produisant, par la putréfaction à une
des dissolvants, soufreux, mais qu’au contraire il se laisse autre matière qui n’est plus fusible, laquelle ne peut être
fort volontiers absorber, fondre et dissoudre par des feux réduite en aucun corps métallique non plus, (selon le dire
humides mercuriels ; car vous cuirez bien longtemps l’or des Philosophes) qu’à la seule perfection des corps
avec un esprit de Salpêtre, avec un esprit de vinaigre, ou métalliques de l’Or.
de vitriol : ou le rôtirez une infinité de temps avec du Notre feu n’est pas de la Nature du Feu commun, qui est
Salpêtre ou avec du vitriol corporel devant que l’or soit contraire à toute sorte de génération, car il détruit et
diminué par iceux de la pesanteur d’un seul grain, ou anéantit toutes sortes de soufres combustibles qui sont
qu’au contraire ces esprits attaquent et dissolvent la dedans les végétaux, dedans les Animaux, et dedans les
plupart fort volontiers, les susdits Plomb, l’Etain, le Fer, le Minéraux, et même les vies d’iceux, et peut être appelé à
Cuivre, l’Argent et le vif argent. bon droit un ennemi héréditaire de toute la nature des
Vous bouillirez aussi bien longtemps les susdits métaux, mixtes, car il n’a pas un corps propre de lui-même, mais il
et particulièrement le Saturne, le Mercure et la Lune avec possède seulement un corps étranger, auquel la flamme
de l’eau royale, ou avec quelque autre feu humide, ou il y allumée et le soufre gras venant à faillir, il s’éteint et
a du sel de mer ajouté, sans qu’il s’en laisse dissoudre fort s’évanouit. Notre feu, dis- je, dont nous nous servons pour
peu de chose, au lieu que l’Or se joint fort volontiers avec l’œuvre des Philosophes, n’est pas un tel feu, parce qu’il
eux. faut qu’il amende toujours notre matière, et qu’il l’exalte
Ce qui est dit ici des métaux et de leurs dissolvants peut en qualité ; ce que les vrais Philosophes nous confirment
être entendu aussi des minéraux ; vu que les minéraux ne unanimement ; voyons ce qu’il en dit le Père des
sont autre chose que des métaux imparfaits comme les Philosophes.
métaux imparfaits sont aussi sur le chemin de parvenir à Hermès Trimégiste, in Libro de Compositione : De cavernis,
la perfection de l’Or. inquit, metallorum qui est Lapis venerabilis, calore splendidus,
Je ne trouve pas à propos de discourir davantage de cette mens sublimis et mare patens, ponite eum in igne humido, et
matière ici, ni de toucher tous les minéraux en particulier coquere facite qui calorem humoris augmentat, et
en ce lieu, la matière en étant trop ample pour l’entretien incombustionis siccitatem necat, donec appareat radix, deinde
que nous avons entamé de l’Élément du Feu : il nous reste rubedinem et partem levem ab eo extrahite. etc. C’est-à-dire :
seulement de faire encore un peu mention d’une sorte de La Pierre vénérable qui est tirée des Cavernes des métaux,
Feu, qui est le Feu Central, duquel nous nous servons à qui est splendide de chaleur, qui a l’âme sublime et qui est
notre œuvre des Philosophes, et puis nous tacherons de une mer ouverte, mettez-la dans le feu humide, et faites la
finir notre discours de cet Élément. cuire, que la chaleur de son humeur s’augmente, et que la
sécheresse de l’incombustibilité se tue, jusqu’à que la
racine paraisse, puis après tirez la Rougeur et la partie
légère, etc.
Anonymus, in De Massa Solis et Lunae : Tota hujus artis
efficacia consistit in igne suo, qui est humidus. C’est-à-dire :
Toute l’efficacité de cet art consiste en son feu, qui est
humide.
Q
FRANÇOIS.
ue le feu humide central de la Terre peut allumer le Je puis fort bien comprendre de quelle façon le feu doit
soufre commun et tous les composés brûlables, être conçu des montagnes et des pays souterrains
cela doit être entendu et accepté avec un grain de soufreux, mais j’entendrai volontiers votre opinion de la
sel (comme on dit) parce qu’il peut être, que les
matériaux, continuation et de la longue durée de ces embrasements.
qui sont faciles a être allumé, n’acceptent jamais le feu
central ; et qu’il peut arriver aussi, que le feu central les VREDERIC.
allume fort facilement, comme nous avons dit ci-devant Fort bien : je vous le ferai comprendre. Je m’étonne que
assez amplement ; mais il est temps d’observer et de vous me faites une demande si simple, car je veux croire,
démontrer ici, comment, d’où et de quelle manière les que vous avez quelque fois allumé du soufre, de la poix,
embrasements susdits se font dedans les conduits des du Sarrasin, de l’arcanson, de la cire, de l’huile ou d’autre
montagnes et de la Terre, ce qu’il me semble qu’il arrive matière susceptible du feu ; et que vous avez vu que la
ordinairement de cette manière. matière ne donne de la flamme que pour autant que l’air
La matière dedans les conduits de la Terre qui reçoit puisse toucher la superficie d’icelle, et que cette matière ne
facilement le feu, comme le soufre commun, est très se consomme tout d’un coup, comme fait la poudre à
aisément allumé par l’éclair et par l’attouchement des canon mais ainsi peu à peu, et si longtemps que le
pierres qui viennent à tomber les unes sur les autres et vaisseau fournit de la matière : Comme par exemple :
causer de la flamme comme il est à voir aux pierres de Prenez un creuset empli de soufre : une écuelle pleine
fusil, et autres pierres dures quand on les frappe les unes d’esprit de vin ou de quelque autre matière qui conçoit
contre les autres, n’y ayant pas aucune matière dans le facilement la flamme : allumer la matière par une
monde qui embrasse plus volontiers la flamme que le allumette ou par quelque autre feu par en haut, et vous
soufre commun, comme il est connu à tout le monde ; verrez que votre matière ne brûlera pas tout d’un coup,
mais de quelle façon que l’éclair se forme dans l’air par le mais peu à peu et si longtemps que la matière durera, et
moteur général de toute chose, nous en avons donné ci- qu’il n’y aura que le dessus de la matière qui donnera de
devant de l’éclaircissement assez. la flamme jusqu’à que tout soit consumé, et qu’il ne reste
Il me semble qu’il n’est pas besoin de Philosopher plus rien dedans le creuset ou dedans l’écuelle, ce qui faut
beaucoup en ce lieu, de quelle façon que l’éclair allume le qu’il continue à brûler et à donner de la flamme à
soufre avec beaucoup de facilité, vu qu’il est même assez proportion de la quantité de la matière que vous aurez
connu aux Soldats, qui se voulant assurer de la décharge fourni, jusqu’à que votre outil soit tout à fait déchargé de
de leurs fusils, ajoutent un tant soit peu de soufre à la la nourriture de la flamme, laquelle cessera quand son
poudre. entretien viendra à manquer.
Il ne paraît aussi (hélas) que trop dans le monde, combien C’est tout de même, des concavités de la Terre, qui sont
que les magasins à poudre sont poursuivis d’éclair, et remplies et bouchées par le soufre commun, et par
combien de dommages et de malheurs que le soufre vient d’autres matières bitumineuses, qui sont sublimées ou
à cause partout à cause de sa grandissime susceptibilité crues en ces conduits ou creux souterrain : Car comme un
du feu, comme les expériences annuelles nous en pot ou un creuset de la hauteur de plusieurs pouces, étant
pourraient suppéditer une très grande quantité empli de soufre, est capable d’entretenir la flamme le
d’histoires. Je vous prie quelle merveille serait ce, qu’aux temps de quelques heures ; tout ainsi quelque conduit ou
pays chauds, comme dans l’Italie et dans d’autres pays creux dans la Terre rempli de soufre étant allumé, ne peut
innombrables, où le soufre possède non seulement des seulement continuer à brûler le temps d’un jour, d’une
montagnes, mais des pays, des Provinces et des Royaumes semaine, d’un mois, d’un an, mais plusieurs années et
tout entier, et où les animaux ne se peuvent presque pas même plusieurs siècles.
tenir un moment de jour au soleil ; que le soufre, dis-je, L’avez-vous compris ?
soit allumé là par l’éclair, et que l’éclair soit en ces lieux là
cause des embrasements et des feux souterrains, vu qu’en FRANÇOIS.
Allemagne, en Angleterre, aux Pays Bas et aux autres pays Je l’ai fort bien compris. Vous avez assez bien parlé et fait
humides l’éclair n’allume pas seulement la poudre à comprendre, comment que la matière brûlante peut
canon, mais aussi le foin, la paille et le bois comme on en concevoir le feu et combien longtemps elle peut continuer
entend des exemples tous les jours. à brûler aux montagnes et aux lieus souterrains qui sont
Je soutiens que le feu est d’ordinaire allumé aux lieux rempli de soufres ou de matière soufreuse, et ce en grand
mentionnés de la manière que je viens de dire, encore qu’il aussi bien qu’en petit, à moins que les cendres, pierres ou
y ait plusieurs voie par lesquelles le soufre peut être quelque autre obstacle vienne à priver le feu de l’âme de
enflammé ; et ce qui confirme encore ma soutenue, c’est l’air, et ainsi l’étouffer ; mais puisque vous avez entendu
que le moteur est ordinairement fort grand en ces pays par les histoires que je me suis donné l’honneur de vous
soufreux, et que le soufre y est fort sec et susceptible, vu réciter ci-devant, qu’il arrive des altérations épouvantables
que l’humidité n’y est pas abondante mais rare ; L’Eau par le feu souterrain, aussi bien sur la Terre que dedans les
même nous servira d’exemple ; car vous savez qu’une eaux, et que même les animaux, qui
I
Prenez un morceau du cœur, une partie du cerveau, du
foie, du poumon, de la chair, des ossements, ou de
l est connu à peu de personnes, qui font recherches des quelque partie du corps animal qu’il vous plaira, mettez-la
secrets de la Nature, que la Terre ne contribue en dans une cornue, faites-en évaporer l’humidité par les
rien autre chose pour l’accroissement de la plupart
des végétaux, (qui proviennent des semences, ou degrés du feu, donnez à la fin du feu tant que la cornue
par les rougisse, et que la matière rémanente devienne en charbon
opération des Éléments supérieurs, ) qu’une proportion noir, ôtez-en le charbon, pilez-le, et traitez-le de la même
du d’un sel nitreux et de l’humidité, et qu’il se trouve manière, comme nous avons dit ci-devant amplement des
pourtant une grande quantité de soufre fixe ou de terre, végétaux, et vous produirez de cet animal un tel soufre
(vulgairement appelée des cendres) lorsqu’on les a brûlé. vulgaire volatil aussi bien, que fixe et irréductible, comme
Cette terre (mon très cher) ne peut avoir été autre chose, nous en avons tiré des végétaux.
comme vous savez, qu’un soufre commun, qui s’est fixé, C’est de la même manière que vous pouvez procéder avec
durant son brûlement, en une terre ou soufre fixe, ou les minéraux, et particulièrement avec l’Antimoine qui
cendre ; et ce par le moyen du sel ou de l’acidité qui a été
vous donnera aussi deux sortes de soufre, l’un volatil, et
auprès : Et pour vous montrer, qu’il ne peut être aucune
l’autre fixe, mais il sera nécessaire, que les flèches et les
terre dedans les végétaux, vous n’avez qu’à prendre
lances, pour tirer et pour tuer ce griffon, soient fortifiée et
quelque végétable, le laver, le piler ou haché bien fin, le
aiguisées un peu d’avantage.
mettre dans de l’eau forte, ou dedans quelqu’autre
corrosif, et le digérer quelque temps avec elle, et vous Touchant les métaux, mon très cher, ils veulent être traités
expérimenterez que le dit végétable tout entier se encore d’une autre manière, vu que leur soufre est
dissoudra d’une telle manière qu’il n’en demeurera non beaucoup plus fixe, qu’il n’est dedans les mixtes des deux
plus que vous pourrez mettre dans l’œil, mais que le tout Royaumes précédants, et qu’il y est lié si fortement, que
sera changé en une eau ou humidité transparente, ce qui ceux qui se voudront mêler de le délivrer de la prison des
fait voir qu’il n’y a eu aucune terre ou cendre dedans le métaux, qu’il faudra qu’ils implorent le secours du plus
végétable, vu qu’il est assez connu que l’eau forte et les grand Dieu, de Jupiter et de son fils Mercure, parce que
autre corrosif n’ont aucune prise à la terre, soufre fixe, ou sans l’aide d’iceux et sans leur assistance ils n’auront
cendres et qu’ils les laissent sans les attaquer aucunement. jamais la moindre espérance du monde de jouir de l’aspect
de la toison d’or, ni de la Salamandre résistant au feu à
Voilà une seconde séparation de la terre qui se fait des
jamais.
quatre Éléments généralement combinés ensemble.
Je vous en donnerai une troisième d’une autre manière. FRANÇOIS.
Prenez du sel commun, dont on se sert pour saler les Vous avez bien assez clairement démontré par vos propos
viandes et à la cuisine, parties 3, et de l’huile de soufre ou précédant de quelle façon qu’on peut produire du soufre
de vitriol 2 parties, faites dissoudre votre sel avec de l’eau commun et un soufre fixe ou terre, du soufre des végétaux
commune, ajoutez y l’huile susdite, distillez en l’humidité, et des Animaux, mais il me semble (sous votre correction)
prenez le sel qui est demeuré au fond du vase, pulvérisez- que vous avez encore dit trop peu, de quelle façon que le
le, mêlez-y environs la quatrième partie de charbon de soufre peut être tiré des métaux, et qu’il sera nécessaire
bois en forme de poudre fine, selon l’aspect et non pas
selon le poids) faites bien fondre cette matière ensemble
DU NOMBRE TROIS,
DES TROIS PRINCIPES :
DU SOUFRE, DU MERCURE ET DU SEL.
ET DU SOUFRE, DU MERCURE ET DU SEL DE LA MATIÈRE DE LA PIERRE DES PHILOSOPHES.
CHAPITRE I.
Du nombre de Trois.
Que les opérations de la Nature dépendent de la volonté de Dieu.
De la naissance du soufre, du Mercure, et du sel.
FRANÇOIS.
M on très cher ami, nous avons dit ci-devant, que toutes les opérations des
choses, desquelles il se faut admirer, descendent de l’unité par le
nombre de Deux au nombre de Trois, mais non pas plutôt, qu’elles
ne viennent à se relever ensemble en simplicité par le nombre de
quatre.
Nous avons traité assez amplement, à ce qu’il me semble, des trois
nombres, savoir de l’unité, du nombre de Deux, et du nombre de quatre,
et nous avons aussi déduit les raisons, pourquoi nous jugeons que le
nombre de quatre doit être préféré à celui de trois, et ce à cause que le
grand Dieu a tenu cet ordre lui-même à la création et à la production du
grand Monde, comme j’ai appris de mon coté ; et comme vous avez
démontré pareillement, qu’il faut que cet ordre soit observé au cours de
l’œuvre des Philosophes : nous irons voir à cette heure comment le
nombre de trois, savoir comment que les Trois principes viennent à sortir
du monde de quatre à savoir les quatre Éléments en la suite de la création,
et de quelle façon que les être créés et à créer reçoivent d’iceux leur
commencement, leur croissance, leur perfection, leur multiplication et
leur déclin, et comment ils se réduisent à leur premier être, et qu’ainsi le
nombre de dix devient à être parfait et entier.
Vous savez que la volonté opérante dépend de la volonté de notre grand
Dieu et que ça été dès le commencement, et que c’est encore la volonté du
très haut, que les Éléments d’en haut ont du, et doivent encore opérer
incessamment dedans les Éléments qui sont en bas, et que le Soufre est
produit par l’opération que le Feu ou le Soleil fait dans l’Air.
Que le Mercure s’engendre par l’opération que le Feu et l’Air font dans
l’Eau ; et que le Sel provient par l’opération que le Feu, l’Air et l’Eau font
dans la Terre : tellement que ces Trois Principes, le Soufre, le Mercure, et
le Sel sont des être moyens entre les Quatre Éléments et les mixtes,
comme des seconds Éléments, qui sont progénérés de la Nature par les
opérations des Éléments supérieurs dedans les Éléments inférieurs, pour
d’étendre par iceux et avec eux en trois Royaumes ou Provinces si
puissantes que tout ce qu’il est compréhensible pour l’Esprit de l’homme
sur la terre, et tout ce qui est composé de ces dits Principes, est compris et
compté sous la juridiction d’iceux.
Ces Trois Royaumes sont appelés : Le Règne des Végétaux, Le règne des
Animaux et le Règne des Minéraux. Mais devant que nous tachions
d’entreprendre notre pèlerinage, jusque là, pour les visiter en particulier,
il sera besoin que nous traitions auparavant un peu plus particulièrement
des Trois Principes chacun à part, faisant notre commencement du Soufre.
L
commune, et qu’on digère les parties susdites des
Animaux avec un tel menstrue, comme nous venons de
dire de l’eau commune, vous verrez que cette séparation es Sels dissous peuvent faire quelque peu davantage
auprès des minéraux, mais fort peu de chose
et fixation du Soufre se fera beaucoup plutôt, à cause que auprès des métaux. Les esprits des Sels ont bien
le menstrue est rendu plus fort et plus puissant pour plus de pouvoir, mais ne peuvent à beaucoup
près effectuer auprès
exécuter ce qu’on lui demande.
les minéraux ce qu’ils peuvent auprès des végétaux et les
Et quand on se sert des esprits acides et corrosifs au lieu
Animaux.
desdits menstrues, vous trouverez que vous ferez autant
d’effet avec eux et que vous fixerez plus de Soufre soluble Il faut ici la clef de toute la Nature pour ouvrir les cabinets
fermés des minéraux et des métaux, et même de l’argent et
et volatile des animaux en peu de jours que ne pourriez
de l’or, et pour les refermer, et manier les trésors de ce
faire par les susdits en plusieurs mois.
royaume, selon son bon plaisir, et pour en disposer d’une
Si vous désirez pourtant de rendre tout le Soufre, qui est telle manière, que le soufre volatile qui est dedans les
dedans les corps des animaux, corporel, palpable et minéraux et dedans les métaux imparfaits vienne à être
incombustible ; il faudra dissoudre l’animal tout entier rendu fixe et incombustible, et qu’au contraire le soufre
dans un menstrue qui est capable de cet effet, le digérer fixe des métaux parfaits soit fait volatile, et puis après que
son temps avec lui, en tirer alors peu à peu l’humidité, et ce soufre fixe volatilisé soit refixé : selon la maxime de
cimenter le rémanent tout doucement, jusqu’à que tout le Sendivogius et de plusieurs autres qui disent : Fac fixum
Soufre de l’animal soit devenu irréductible, et qu’après volatile et volatile fixum.
que vous en aurez dissout le Sel, qu’il puisse résister au
plus grand feu que vous lui puissiez donner ; et que même Vous savez, mon très cher, que notre menstrue ou
Mercure des Philosophes ouvre et referme indifféremment
vous ne puissiez faire du verre par l’addition des sels fixes
tous les minéraux et tous les métaux, non pas avec
; voilà la meilleur méthode de fixer le Soufre volatil, et de
violence, ni avec bruit, comme il arrive quand on dissout
le rendre incombustible par la voie sèche.
les minéraux ou les métaux par les eaux forte, royales ou
Après avoir tenu propos du Soufre des végétaux et des autres corrosives ; mais qu’il les dissout suavement, peu à
Animaux, nous parlerons à cette heure du Soufre des peu étant gouverné et conduit avec grand esprit, et qu’ils
Minéraux. viennent à s’y fondre comme fait la glace ou le sel dedans
Les Minéraux et les métaux ont aussi bien du Soufre l’eau commune ; le sel et la glace étant d’une telle
volatile et fixe que les végétaux et les Animaux ; quelques- convénience avec l’eau, qu’il s’entre-acceptent et
uns ont moins de Soufre volatile et plus de fixe, et d’autres s’unissent ensemble sans aucune contrariété : que notre
plus de volatile et moins de fixe. eau des philosophes est aussi d’une même nature avec les
Les minéraux, qui sont sur le chemin de parvenir jusqu’à minéraux et les métaux, s’unissant radicalement et fort
la perfection des métaux, (non seulement à celle des amiablement avec eux, sans qu’il se voie la moindre
moindres, mais même des plus parfaits, comme à celle de marque de contrariété, sans qu’on puisse entendre le
l’argent et de l’or) contiennent plus de soufre volatile que moindre bruit, les fondant et les dissolvant sans aucune
de soufre fixe, mais les métaux ont plus de soufre fixe que résistance ; mais il faut que tout ceci se fasse avec grand
de volatil. esprit, aussi bien au regard de la composition de l’aimant
T
produit à sa plus haute perfection, il est alors du feu, de
l’air, de l’eau et de la terre tout ensemble, et joint selon le
ouchant le Mercure des Minéraux et des Métaux. Le juste poids de la Nature, fixe, fusible, et pénétrable dans
Mercure qui est dedans les Minéraux et dedans tous les composés des trois Royaumes, des Végétaux, des
les Métaux se trouve la plupart corporel, mais Animaux, des Minéraux, et les amendant, comme telles et
d’une fixité fort différente. quantité d’autres qualités extraordinaires sont données
La présence du Mercure est la principale cause de la par les Philosophes au Mercure des Philosophes, comme
fusibilité des Minéraux et des Métaux : et son absence nous avons dit assez amplement autrefois, et entre autres
cause la dureté d’iceux, comme il est à voir, entre les quand nous avons tenu propos de Menstrue des
minéraux, à l’antimoine, aux marcassites, au zinc et Philosophes.
autres : et entre les métaux, au Saturne, au Jupiter et au Je finirai ici ce discours du Mercure en disant avec le
Mercure vulgaire ; es quels le Mercure est abondamment,
Philosophe : est in Mercurio quicquid quaerunt sapientes.
y causant une fusibilité fort grande, ou on trouve au
contraire par son absence une très grande dureté à C’est-à- dire : Tout ce que les Sages cherchent est à trouver
l’arsenic, à l’orpiment, à la pierre calaminaire, à l’aimant et dans le Mercure.
autres ; et entre les métaux principalement le fer. Et qu’aucun composé ne peut être parfait au Royaume des
Le Mercure des Minéraux et des Métaux est de fort végétaux, ni es Animaux, ni des Minéraux, sans le
différente nature, car il est aux uns et aux autres moins Mercure.
volatil ou fixe.
L
l’eau, et c’est de ce sel que tous les autres sels ont leur
origine et leurs sources comme le Salpêtre, le sucre, le
e Sel est la clef laquelle représente la troisième personne
vitriol, le tartre, et les autres sels composés, comme le sel
entre les seconds Éléments, ou bien entre les trois
Principes : et il est celui qui donne une entrée armoniac, le borax, l’alun, le sel d’urine, le sel alcali ou le
libre au Palais Royal qui est pourvu de toutes sel fixe, et les sels qui se trouvent dedans les végétaux,
sortes
dedans les animaux et dedans les minéraux ; et comme un
de choses précieuses.
Carré se laisse former premier entre les figures
Le Sel, encore qu’il a sa première origine de la teinture Géométriques Régulières que l’Hexagone, et que
universelle de la Lumière ou du soleil, aussi bien que les l’Hexagone suit successivement le Carré et puis après les
deux autres principes, il provient pourtant en être par la autres : tout de même est ce que tous les autres sels
compression de l’Air et de l’Eau : il vient descendre dans suivent la signature du sel commun, qui est cubique, et
l’Air en forme spirituelle, et se rendre corporel dedans qu’ils ont leur commencement et leur source du sel
l’Eau, laquelle transporte et imbibe le sel dans la terre commun, et premièrement le Salpêtre.
spongieuse comme un conducteur ou porteur fidèle, afin
Le Salpêtre se fait du sel de mer naturellement de cette
que les trois chefs d’œuvre de la nature de Dieu, les
Végétaux, les Animaux et les Minéraux puissent parvenir manière.
par son moyen jusqu’à leur perfection prédestinée. Dissolvez du sel de mer avec de l’eau commune, imbibez
en des briques ou des tuiles nouvellement tirées du
Nous entendons par le mot Sel, (étant généralement pris)
toutes sortes de sels qui sont solubles, et qui donnent fourneau, formez-en un monceau, ou bien maçonnez-en
une muraille, qui soit à couvert, et vous verrez qu’avec le
quelque goût sur la langue, duquel l’intellect donne par
après son jugement, savoir, s’il est salé, ou sur, ou doux, temps il en sortira un sel, en façon d’un frima, qui sera un
sel tout à fait pareil à celui du Salpêtre à toute épreuve ;
ou amère, ou de quel goût il est, salé, sure, doux, amère,
ou composé d’iceux. par où il est à juger que l’humidité en étant exhalée, le sel
est resté dedans les briques s’est changé en Salpêtre par les
Sous le mot de sel salé est compris le sel que l’on tire de influences et par les opérations des Éléments supérieurs.
l’eau de mer, soit par le moyen de la chaleur du soleil, soit
qu’il se coagule par l’évaporation de l’humidité superflue,
qui se fait dessus le feu, et qu’il soit purifié par des Le sel de mer se change d’une autre manière en salpêtre
solutions et des coagulations itératives d’une telle manière de la manière suivante.
qu’il devienne propre et utile pour en saler les viandes, les Prenez de la chaux vive faite de pierres ou d’écailles,
poissons et d’autres animaux qui servent de nourriture faites-la éteindre dedans de l’eau de mer ou dedans de
pour les hommes, dont l’usage est presque connu à tous l’eau où vous avez dissout du sel commun dedans, servez-
les hommes de la terre. vous de cette chaux pour maçonner des murailles ; ou de
Ce sel ici se trouve peu ou beaucoup dans l’eau de mer à quelle façon qu’il vous plaira, et vous trouverez qu’avec le
proportion que le soleil darde les rayons de sa lumière fort temps il en sortira comme un frima de sel, qui ne sera rien
ou faiblement dedans la mer comme nous avons dit autre chose que du Salpêtre : ce qui est assez connu à ceux
autrefois. qui sont assez malheureux qui se sont servi de la chaux
qui a été éteinte par de l’eau salée ou qui se servent du
Le Sel de montagne est aussi compté entre les sels salés,
sable de mer, qui n’a pas été dulcifié par la pluie ou par
puisqu’il est du même naturel d’icelui ; ce sel se tire par
l’eau commune, comme l’expérience l’apprend aux Pays
des gros morceaux comme des pierres hors des
Bas et ailleurs, qui ne sont pas éloigné de la mer.
montagnes, lequel on fait piler menu, et purifier par l’eau
commune de sa matière graveleuse et terrestre pour la
laisser coaguler en sel clair et blanc.
D
commun de mer, vu que le sel commun étant dissout avec
de l’eau commune, dissout peu à peu le cuivre, le fer ou
u tartre il se tire aussi un esprit acide très subtil, mais son
autre métal ou minéral calciné ou mis en poudre, quand
sel se change par cette opération en un sel tout à
on les digère quelque temps avec cette solution ; et lorsque fait contraire à son esprit à cause que d’un sel
la solution est faite, et l’humidité évaporée, il se coagule acide il devient un sel alcali ou fixe, vu que le
Soufre
un sel, qui n’est rien autre chose qu’un vitriol d’une telle
végétable, qui est dedans le tartre, vient à tuer son
nature qu’à été le minéral ou le minéral que le sel aura
dissout. acrimonie, et que le soufre devient à être fixé.
Il est à remarquer ici en passant, que tous les acides ou
Le vitriol se fait encore plus aisément par le moyen des
corrosifs peuvent être changés en alcali, et que tous les
esprits acides et corrosifs, que par la solution des sels
alcalis peuvent être changés en acides au moyen du Soufre
comme nous dirons à son lieu.
; et que tous les alcalis peuvent être changés en acides par
L’alun peut aussi être dit, à bon droit, avoir son origine du le moyen des acides, comme nous montrerons ici ensuite.
sel commun, et pourra être compté aussi entre les espèces
de vitriol, vu qu’il est aussi doué d’une qualité astringente
minérale. VREDERIC.
Le tartre à de même sa source du sel commun, à cause Je soutien bien la même chose avec vous, mais vous savez
qu’il est provenu d’une eau minérale qui a séparé le tartre pourtant que le sentiment des naturalistes vulgaires à été
du suc de la vigne, premièrement par la circulation qu’il se ordinairement tel, que les alcalis ou les sels fixes ne se
fait dedans le vin, vu que le Salpêtre a été premier du sel trouvaient nulle part que dedans les cendres des végétaux
commun, qui a été changé par la rotation des Éléments brûlés, lesquels s’en tirent par de l’eau commune pour en
supérieurs en la nature du Salpêtre, qui est un sel qui est obtenir les sels fixes après l’évaporation de l’humidité :
agréable aux végétaux et qui les fait augmenter en qualité Mais l’expérience nous à apprise au-delà de cette
et en quantité. soutenue, que les sels fixes se font par les acides et des
Le sucre, le miel et tous les autres sels doux ont aussi leur acides même, et que les acides peuvent être préparés,
commencement généralement du sel de mer, vu que qu’ils sont capables de dissoudre le soufre plus facilement,
l’acrimonie d’icelui se change premièrement, par la et en bien plus grande quantité que ne peuvent faire les
circulation de l’eau de pluie, et de la rosée (qui sont sels alcalis, et que les alcalis ne sont préparés par d’autres
imprégnées de la teinture universelle du soleil) en voies que par le moyen des acides et du soufre, comme je
Salpêtre, et que cette humidité nitreuse se transforme puis vous ferai comprendre très parfaitement par l’expérience
après, par la circulation qu’elle fait avec le suc des cannes suivante.
de sucre et d’autres végétaux, par des degrés, jusqu’à une Prenez du soufre vulgaire en poudre fine, ou des fleurs de
telle matière douce laquelle se laisse purifier par l’art, et soufre tt. 1. mêlez ce soufre avec un sel, qui est fait et
coaguler en sucre parfait. composé d’un esprit de vitriol très subtil et du sel
Pareillement faut-il entendre que tous les sels, qui se commun dissout avec de l’eau de pluie, dont vous aurez
tiré l’humidité par la cornue, pilez le sel qui demeure au
V ous avez donc entendu, mon très cher, de quelle façon que
notre grand Dieu a donné des bornes à la Nature,
(comme l’Or in Ponto) afin que le genre humain puisse
voir et connaître, qu’il faut que les hommes souffrent
semblablement, et qu’il faut qu’ils tachent à suivre son
comment il n’est pas permis à la Nature de exemple en tout, car il faut que le royaume des cieux ou la
surpasser ces limites, comme aussi, comment et béatitude éternelle souffre violence, et que se soient les
quand ceux, qui
sont doués de Dieu de la connaître de Dieu et de sa violents qui l’occupent ; à savoir les violents en pénitence ;
Nature, doivent venir secourir au cours de la Nature, et en en humilité, en bénignité, et en prières ; et il est si éloigné
un quel degré de perfection, au Royaume minéral, que l’or que l’homme peut approcher de Dieu sans souffrances et
peut être produit par l’art servante à la Nature, et quelles sans bonnes œuvres, comme il est impossible, qu’un
soufre volatil et flambant puisse être transformé en une
opérations merveilleuses peuvent être procurées par cet
terre fixe et incombustible sans les sels, ou sans les esprits
être tellement exalté et glorieux.
corporels d’iceux : car si quelqu’un pouvait avoir espoir de
Touchant votre seconde demande : si le Sauveur du genre parvenir à la béatitude éternelle sans souffrances et sans
humain n’avait pu être produit aussi bien de la semence bonnes œuvres, il serait de nécessité nécessitante qu’il fut
humaine que de la semence de Dieu même. sans péchés, mais puisqu’il n’y a né homme au monde
Je vous réponds que cela ne se peut nullement. A cause sans péché, il ne peut arriver auprès de la Divine Majesté,
que Dieu le tout puissant a donné à l’homme aussi bien qu’il ne se purifie par ses pâtissements, par des
qu’a l’or des limites lesquelles il ne peut pas passer non mortifications de ses péchés, par des pénitences, par des
plus : car la nature humaine a bien été douée, dès le prières ardentes et par des bonnes œuvres, et qu’il ne se
commencement, de la connaissance du bien et du mal, prépare pour devenir participant de la teinture de Jésus
mais il s’est tellement éloigné du bien par sa Christ par l’aide de sa grâce et de sa miséricorde ; et ce à
désobéissance, qu’il est chassé par un glaive ardent du proportion qu’il vienne à obéir à la doctrine, et à suivre
Paradis, où il n’y avait que de l’éternité et de la béatitude, l’exemple de la vie et de la passion de notre sauveur et
et est si pénétrament châtié par ce glaive de son créateur, seigneur.
qu’au lieu d’avoir pu posséder la béatitude éternelle, il a
T out est fort bien, mon ami, et il me semble que vous seriez
bien capable de fournir une assez bonne matière
VREDERIC.
Il semble, à vous entendre, que vous êtes d’intention de
finir déjà ce Traité et de fermer la porte à notre discours
pour la confirmation du bâtiment de notre
religion et de notre foi Chrétienne : mais il me avec la clef du sel qui représente le dixième degré de notre
semble aussi (sous Escalier : il nous commencera seulement à paraître l’aspect
votre correction) que le discours, que vous avez fait de la de la terre de promesse des Trois Royaumes, selon
teinture du Sauveur et notre Seigneur Jésus Christ, est un l’intention de notre pèlerinage, et que nous ne ferions que
peu trop matériel, vu que vous le comparez à la teinture commencer à éveiller et à aiguiser nos esprits et nos autres
corporelle des Philosophes, laquelle il faut, à mon avis sens en les faisant occuper à l’aspect et à, l’examen des
qu’elle cesse avec sa vertu transmuante, encore qu’elle soit composés, vu que les trois Royaumes de la Nature ne
exaltée ou rehaussée en sa qualité et quantité d’autant comprennent pas seulement le centre et la superficie, mais
qu’elle le puisse être, et que les grâces et les vertus aussi le corps de la Terre toute entière : mais devant que
transformantes de Jésus Christ sont à cette heure et seront d’entreprendre ce voyage tant spacieux, je ne puis
au Jour du Jugement infinie et sans cesse. m’empêcher à vous dire, que la très Sainte Trinité ne