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2.

Le siècle courtois (1150-1250)


Le pouvoir est centralisé par les rois de France Philippe Auguste et Saint Louis IX. Le style
gothique naît (Notre Dame de Paris!).

Dans l’épopée, l’assonance est remplacée par la rime. Les sentiments s’introduisent, et la
femme va avoir un rôle très important dans l’amour courtois. Les héros deviennent plus
humains et des éléments magiques entrent dans les chansons de geste, qui évoluent vers le
roman courtois (« roman » = un texte écrit en langue romane, en non pas en latin.)

Ces romans racontent parfois des histoires de l’Antiquité (Le roman d’Alexandre – Le
roman de Troies. Mais les plus connus sont les romans bretons, racontant les aventures du
roi Arthur et des chevaliers de la Table Ronde (Lancelot, Perceval, …), de Tristan et Iseut,
etc. (Chrétien de Troyes, Perceval ou le roman du Graal, ± 1180; Tristan et Iseut).

Il existe aussi une littérature satirique, où les bourgeois critiquent les nobles. (Le roman de
Renart, 1ière moitié du 13e s.)

Dans ses lais, Marie de France, qui vivait à la cour de Henri II Plantagenêt et d’Aliénor, traite
la matière bretonne.

Les chroniqueurs racontent dans leurs chroniques les événements politiques (les croisades!).
(Geoffroy de Villehardouin, La conquête de Constantinople, ± 1200.

La courtoisie en littérature
Dès le XIe siècle se constituent, surtout dans le Midi et le sud-ouest de la France, en
Provence, en Aquitaine, des centres de vie aristocratique. Là, dans la paix, les mœurs des
nobles s’adoucissent sous l’influence des dames, qui prennent sur les seigneurs un ascendant
de plus en plus marqué.

Par suite de certains faits politiques, ces mœurs du Midi gagnèrent le Nord. Aliénor
d’Aquitaine ayant épousé le roi Louis VII, avec elle et ses gens s’introduisirent à la cour de
France des manières et des usages de leur pays. Ses deux filles épousèrent l’une le comte de
Blois, l’autre celui de Champagne; il est naturel qu’elles aient apporté dans leurs cours
respectives les goûts raffinés qu’elles tenaient de leur mère.

La comtesse Marie de Champagne surtout exerça sur son entourage une influence
prépondérante. Enfin, dans les croisades, les barons du Nord se mêlant à
ceux du Midi connurent et prirent leurs façons de vivre.

A l’isolement où les seigneurs s’étaient longtemps tenus dans leurs châteaux, succède la vie
en société, la vie de cour, qui réunit constamment dames et chevaliers. Des deux côtés on
cherche à se faire valoir: les dames veulent mériter les hommages, les chevaliers veulent
plaire par leur fidélité et leur bravoure.

En littérature, un tel public aimera des œuvres moins rudes en leur fond et moins frustes en
leur forme que ne l’étaient les chansons de geste; il goûtera une poésie qui exalte les dames,

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représente les chevaliers accomplissant pour elles des prouesses, exprime les sentiments de
l’amour.

Enfin ce public, plus instruit, lira les œuvres qui lui seront offertes, et dont la forme sera plus
soignée par les poètes.

Les œuvres destinées à la société courtoise appartiennent soit à la poésie narrative, soit à la
poésie lyrique; on y peut joindre un spécimen de poésie dramatique.

Poésie narrative: les romans

Sujets nouveaux
Précisément à cette époque se répandaient en France des légendes nouvelles venues
d’Angleterre: les rapports établis entre la France et l’île de Bretagne conquise par les
Normands en favorisèrent la diffusion. Certains trouvères à la recherche de nouveautés les
avaient empruntées aux chanteurs de poèmes bretons, les «harpeurs», et elles avaient conquis
la faveur de la société courtoise.

De ces légendes, les unes racontaient les prouesses d’Arthur, un roi d’Ecosse authentique
devenu personnage de fiction, et des douze pairs, ses convives à la « Table Ronde »
égalitaire, sans place d’honneur: tous sont de parfaits chevaliers chrétiens et courtois.

D’autres se rapportaient au Graal, plat ou vase légendaire qui aurait servi à la Cène, où Pilate
se serait lavé les mains, et qui finalement aurait reçu le sang du Christ: ce vase serait perdu, et
ne pourrait être retrouvé que par un chevalier au cœur parfaitement pur.

Certaines sont indépendantes de l’un et l’autre groupe.

Les lais bretons


Sous leur forme la plus simple, les narrations brodées sur des sujets venus de Bretagne sont
de courts poèmes, ou lais. La plupart de ceux que nous connaissons (quinze sur vingt) sont de
Marie de France, une Française qui vécut en Angleterre. La prédominance y est donnée soit
au fabuleux, soit au féerique, soit à la peinture de l’amour.

En voici un exemple, du dernier type.

Un chevalier vient tous les soirs contempler une dame accoudée à sa fenêtre; le mari de la
dame lui demande ce qu’elle fait là; elle répond qu’elle écoute le rossignol; le mari, un brutal,
fait tuer l’oiselet; la dame envoie le corps de la petite victime au chevalier, qui le garde en
une boîte d’or.

Les romans
Les compositions plus longues, en vers elles aussi, portent le nom de romans. Ce mot
désignait jusqu’alors tout écrit en langue vulgaire, en langue romane; désormais il est réservé
aux poèmes narratifs que nous étudions.

La forme en est plus soignée que celle des chansons de geste, avec des rimes, car ils sont
destinés à être lus.

Nous ne parlerons que des plus importants.

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Le roman de Tristan et Yseult
Les funestes amours de Tristan et d’Yseult furent un des sujets de romans les plus en faveur.
Les deux rédactions principales sont de la seconde moitié du XIIe siècle. L’une est de
Béroul, l’autre de Thomas.

Tristan est le neveu du roi de Cornouailles, Marc. En combattant un monstre qui désolait le
pays, il est blessé à l’épaule. Emporté en Irlande sur une barque sans voile ni rames, il y est
guéri par Yseult, la reine. Plus tard il est chargé par son oncle d’aller chercher cette même
Yseult que Marc doit épouser. Mais un philtre (ou breuvage magique) que la mère de la jeune
reine destinait aux époux afin qu’ils s’aimassent toujours est, par mégarde, bu par Tristan et
par Yseult. Ils sont donc aussitôt victimes de l’amour fatal qui les unit l’un à l’autre, et qui les
fait souffrir puisqu’ils ne peuvent s’épouser.
À partir d’ici, les versions varient: ou bien Tristan et Yseult sont tués par Marc; ou bien ils
sont guéris; ou bien Tristan s’exile et se marie; mais blessé à nouveau il fait chercher Yseult
qui seule peut le guérir; si elle vient, le vaisseau qui est parti la chercher arborera une voile
blanche, sinon une voile noire. Yseult vient et le vaisseau porte voile blanche; mais la femme
de Tristan, jalouse, annonce une voile noire. Frappé au cœur par cette fausse nouvelle, Tristan
meurt. Yseult arrive et, de douleur, tombe morte elle aussi.

Chrétien de Troyes
Le plus célèbre des trouvères auteurs de romans est Chrétien de Troyes. Protégé par Marie
de Champagne, fille d’Aliénor d’Aquitaine, il a écrit de 1160 à 1175 six romans: Tristan
(perdu), Cligès, Érec, Le Chevalier à la Charette, Le Chevalier au Lion, Perceval.

Le Chevalier à la charrette (sujet donné à Chrétien par sa protectrice elle-même).

Lancelot, un chevalier de la cour d’Arthur, est parti à la recherche de la reine enlevée par le
roi du pays «d’où l’on ne revient pas». Pour le «service de sa dame», il accepte des
humiliations: ayant perdu son cheval, il se laisse traîner dans une charrette, ce qui est indigne
d’un chevalier, et s’expose à maints outrages. Puis, il franchit le « pont dangereux »
«tranchant comme le fil d’une épée», et délivre la reine. Pour lui plaire, il accepte de se
laisser vaincre au tournoi jusqu’à ce qu’elle lui ait donné l’autorisation de prendre sa
revanche.

Lancelot est le type du chevalier prêt à tout pour prouver son amour à la dame de ses pensées.

Le Chevalier au Lion

Yvain, de la cour d’Arthur, découvre dans une forêt une fontaine. Il en répand de l’eau:
aussitôt s’élève une tempête formidable, car la fontaine est enchantée. Un chevalier ayant
paru, Yvain l’attaque, le blesse et le poursuit jusqu’en son château. Là, il assiste aux
funérailles de son adversaire, grâce à un anneau magique que lui a donné une chambrière, et
qui le rend invisible. Mais il s’éprend, en la voyant, de la veuve de sa victime. La dame elle-
même, ayant consenti à une entrevue, ne peut résister à l’amour et épouse le meurtrier de son
mari. Yvain s’impose, pour l’honorer, une année d’épreuves; mais il oublie le terme fixé et,
lorsqu’il revient, n’est pas reçu. De nouvelles épreuves et prouesses, au cours desquelles il
sauve la vie à un lion qui s’attache à lui, le font rentrer en grâce auprès de sa dame.

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Perceval

La mère de Perceval est une victime des luttes chevaleresques: son mari et ses deux fils aînés
ont péri dans les tournois. Pour sauver son dernier enfant, elle se retire loin de la société.
C’est en vain, car Perceval, ayant rencontré des chevaliers, est irrésistiblement tenté par leurs
récits de prouesses. Il part à la recherche du Graal. Il pénètre dans le château où est gardé le
vase; il voit une épée, un roi blessé et un plat. S’il eût demandé ce que c’était que le plat et
l’épée, il serait arrivé…

à ce que le trouvère ne dit pas, le poème étant inachevé.

La littérature courtoise
La société féodale apporte une nouvelle valeur à l’idéal chevaleresque: le service de l’amour,
qui met les préoccupations amoureuses au centre de la vie. Le chevalier courtois ne combat
plus pour Dieu, la France ou son seigneur (comme dans les chansons de geste), mais pour sa
dame, à qui il doit le “service d’amour”. Les romans courtois sont écrits pour un public de
cour ; ils content des aventures amoureuses assorties d’exploits héroïques et enrichies de
fines analyses de sentiments.

Apparaissent alors les premiers romans “bretons” empruntés aux vieilles légendes celtiques
et dominés par la figure d’Arthur, roi glorieux de “Bretagne” et entouré de vaillants
chevaliers qui siègent autour d’une table Ronde. Les romans ont pour cadre la “Bretagne”
(Cornouailles, Pays de Galles, Irlande ainsi que l’Armorique en France).

Dans les romans de la Table Ronde, la cour imaginaire du roi Arthur devient le modèle idéal
des cours réelles : non seulement le chevalier est brave, mais il a en plus le désir de plaire
(importance de la beauté physique, des toilettes, des parures). Parce que les femmes sont
présentes, le chevalier doit avoir des attitudes élégantes, des propos délicats. A côté des
tournois et des banquets, il prend plaisir aux jeux (échecs), à la musique, à la poésie… Pour
plaire à sa dame, il doit maîtriser ses désirs, mériter à travers une dure discipline, l’amour de
sa Dame, amour qui cultive le désir et qui fait du plaisir charnel la récompense suprême après
une longue attente. Cet idéal est celui des gens de “cour” (d’où le mot “courtoisie”) relaté par
toute une littérature en tant que modèle à imiter.

Si les romans courtois montrent aussi des chevaliers traîtres, c’est pour mieux mettre en
lumière l’image idéale du chevalier courtois, qui peu à peu influencera réellement les moeurs.

L’inspiration de ces oeuvres a été également d’ordre folklorique. Le folklore est en quelque
sorte un fond commun de tous les trouveurs. Le folklore est un des éléments fondateurs de la
matière de Bretagne (=Angleterre). Elle est apparue avec Geoffroy de Monmouth qui a écrit
Historia Regnum Britanniae et Wace qui a écrit le Roman de Brut. Ces deux oeuvres
racontent la fondation légendaire de la Grande-Bretagne ainsi que les aventures du roi Arthur
et de la Table Ronde. Le fait que les trouveurs (troubadours et trouvères) reconnaissent
l’origine de leur inspiration montre qu’ils considèrent leurs oeuvres comme opposées à la
matière antique, et leur littérature devient ainsi une véritable littérature indépendante du latin,
à rôle social.

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Les troubadours (en langue d’Oc) et trouvères (en langue d’Oïl) sont des poètes musiciens
auteurs de chansons d’amour qu’ils chantent en s’accompagnant à la vielle.

Exemples :

Tristan & Iseut, (fin XIIème s.) grand poème racontant la légende de deux amants vivant un
amour interdit et affirmant leur droit à la passion contre les lois sociales et religieuses. Cette
légende est née en France, mais les Anglais (Tristan & Yseut), les Allemands (Tristan &
Isolde), les Italiens et les Danois ont chacun leur version, imitée ou traduite du français.
Initialement de Thomas et Béroul, deux poètes anglo-normands.

Le Lai du Chèvrefeuille, Le Lai du Laostic (1160-1170) : de Marie de France, la 1ère femme


de lettres – XIIème siècle. Elle vécut à la cour du roi d’Angleterre Henri II Plantagenêt et son
épouse Aliénor d’Aquitaine (mère de Richard Coeur de Lion), devenue reine d’Angleterre en
1154 après avoir été reine de France en 1137. Dans de courts récits en vers appelés “lais”,
elle conte des aventures d’amour chevaleresque, inspirées des légendes bretonnes.

Chrétien de Troyes (1135-1190), clerc lettré, fondateur du genre romanesque, né à Troyes,


vivait à la cour de Marie de Champagne, fille d’Aliénor d’Aquitaine :

– Perceval ou le Roman du Graal (1180) : Perceval part à la quête du Graal, vase sacré où
l’on aurait recueilli le sang du Christ sur la Croix. Sa démarche symbolise l’itinéraire spirituel
à la recherche de Dieu.
– Lancelot ou le Chevalier à la Charrette (1177) : Lancelot pour plaire à la reine Guenièvre,
épouse du roi Arthur, ne cesse de mettre sa vie en péril. Il consent même au risque de se
déshonorer à monter sur la charrette infamante des prisonniers.
–Yvain ou le chevalier au Lion (1177) : Yvain, chevalier d’Arthur, tenté par l’aventure
chevaleresque a délaissé son épouse Landrine. Pour regagner son coeur, il doit accomplir une
série d’épreuves. Un lion qui l’a sauvé l’accompagne dans les dangers.
– Erec, Cliges

Le Roman de la Rose : 1ère partie de Guillaume de Lorris écrite de 1225 à 1230, puis 2ème
partie de Jean de Meung, écrite vers 1270.

Le roman courtois
1. L’évolution sociale, l’adoucissement des moeurs et les progrès de la culture, ont favorisé,
au XIIème siècle, l’apparition d’un nouveau genre : le roman courtois.
Un récit fictif, écrit en vers de 8 syllabes et destiné à être lu par un public raffiné et instruit.
On y trouve des aventures, des histoires d’amour, d’amour “courtois, épuré et désintéressé”
pour la femme idéalisée, devenue le symbole de l’honneur et du bonheur.

2. Les premiers romans empruntent leur sujet à des sources classiques. Le plus ancien est un
roman d’Alexandre (début XIIème siècle) qui a connu beaucoup de succès et un
remaniement ultérieur en vers de 12 syllabes (fin XIIème siècle) nous a laissé le nom
d’alexandrins.

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3. Un deuxième groupe est formé par les romans à la manière de Bretagne ou Romans de la
Table Ronde qui développent des sujets empruntés aux vieilles légendes celtiques et les
chevaliers du Roi Arthur.

Tristan et Iseut (XIIème siècle) dont sont conservées deux versions d’auteurs différents,
Béroul et Thomas.

4. La première poétesse française fut Marie de France qui se nomme ainsi parce que,
Française, elle vivait en Grande-Bretagne.

Ses Lais sont des sortes de nouvelles, des aventures d’amour souvent tragiques et baignant
dans le merveilleux. Le Lai du Chèvrefeuille relève de la légende celtique de Tristan et Iseut
et date de la fin du XIIème siècle.

5. Le véritable fondateur du roman moderne et le premier auteur de romans d’amour est


Chrétien de Troyes.

Son activité littéraire se situe entre 1164 et 1190. Il est protégé par Marie de Champagne, puis
par Philippe d’Alsace, comte de Flandre.

Cinq romans nous sont restés.

Erec et Enide : l’histoire d’un mariage d’amour où triomphent l’amour et la prouesse.

Cligès : une histoire d’amour dans laquelle Fénice est obligée d’épouser Alix quoiqu’elle
aime Cligès. On se sert d’un philtre magique pour que l’empereur Alix ne possède pas le
corps de sa femme Fénice.

Le Chevalier de la charrette qui raconte l’histoire de Guenièvre et Lancelot qui dans leur
comportement obéissent aux exigences les plus subtiles de la courtoisie.

Le Chevalier au Lion qui reprend le thème de la prouesse.

Perceval ou le Conte du Graal, son dernier roman qui lui a été commandé par Philippe
d’Alsace, comte de Flandre.
Chrétien de Troyes n’a pas seulement renouvelé le décor du roman, il en a aussi fixé les lois.
Il a organisé ses récits autour d’une crise, bien préparée et démarrée avec aisance.
Il enchaîne les épisodes de manière à réveiller la curiosité du lecteur. Tout a pour but
d’illustrer une vérité psychologique ou de suggérer un enseignement moral.

Marie de France – Les Lais


Marie de France, la première femme poète française, vécut, dans la seconde moitié du XIIe
siècle, à la cour brillante de Henri II d’Angleterre et d’Aliénor d’Aquitaine. Elle était
cultivée, connaissait le latin et l’anglais, et aussi la littérature française contemporaine. Elle a
écrit un Isopet (recueil de fables ésopiques), et surtout des Lais. Nous ignorons du reste
presque tout de sa vie. Son nom lui a été donné en 1581 par l’érudit Fauchet à partir de deux
vers de l’épilogue de son Ysopet: Marie ai nom, Si suis de France.

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Le mot lai, qui signifie chanson, a d’abord désigné une oeuvre musicale, exécutée par les
musiciens bretons sur un thème tiré des vieilles légendes de leur pays. L’oeuvre créatrice de
Marie de France a consisté à raconter ces mêmes légendes en de brefs poèmes narratifs,
comparables à la nouvelle moderne. Il nous en reste une douzaine, de longueur variant entre
100 et 1000 vers. Ces lais présentent deux aspects dominants: le merveilleux, et la peinture de
l’amour.

1. LE MERVEILLEUX.

Les lais restent proches du fantastique primitif, issu de l’âme rêveuse des Celtes et des
Gallois. Marie de France nous transporte dans un monde mystérieux où les hommes se
transforment en animaux, où les bêtes parlent, où les objets s’animent, où règnent les fées et
les magiciens.

2. LA PEINTURE DE L’AMOUR.

Les sentiments tendres, l’émotion voilée et doucement mélancolique, tout cela est peint de
manière très délicate et très féminine. La femme est une créature aimante et fidèle, prête à se
sacrifier pour le bonheur de l’être aimé.

Fables. Marie de France écrit à la cour de Henri III roi d’Angleterre son Ysopet, recueil de
300 fables, la plupart imitées du grec et du latin. Son style est simple et clair.

Marie de France est une poétesse du Moyen Âge qui vécut pendant la seconde moitié du
XIIe siècle, en France et surtout en Angleterre. Marie de France est née en 1154 et est morte
en 1189, elle fut probablement originaire d’Ile-de –France ou de Normandie, de plus tout
porte à croire qu’elle fut liée à la cour d’Henri II Plantagenêt et d’Aliénor d’Aquitaine. Ses
fables adaptées d’Ésope furent lues et imitées du XIIe au XVIIIe siècles. Le romantisme au
XIXe siècle redécouvrit ses lais, contes en vers rédigés en ancien français dans la scripta
anglo-normande. Marie de France appartient à la génération des auteurs qui illustrèrent
l’amour courtois en littérature, entre autres par l’adaptation des légendes orales bretonnes ou
matière de Bretagne. Elle est la première femme à avoir écrit des poèmes en français.

Poétesse, elle adapte en français, ou plus précisément en dialecte anglo-normand, et en vers


des légendes bretonnes, auxquelles elle donne le nom de Lais. L’amour, le plus souvent en
marge de la société (neuf des douze lais racontent des amours adultères), est le sujet principal
du recueil : le plus court mais peut-être le plus beau de ces textes, le Lai du chèvrefeuille, se
rapporte ainsi à l’histoire de Tristan et Iseut. Plusieurs lais font intervenir le merveilleux,
mais tous ont néanmoins le monde réel pour toile de fond, avec une conclusion plutôt
pessimiste où douleur et l’épreuve succèdent à la joie et au bonheur initial.

Bisclavret est le nom breton d’un homme qui devient loup-garou. Le lai breton de Bisclavret
est aussi l’un des rares textes anciens où l’homme atteint de lycanthropie n’est pas considéré
comme maléfique.

Bisclavret était un bon seigneur, ami du roi. Tout allait bien dans son royaume, mais sa
femme craignait qu’il ne fût infidèle car il s’absentait de temps à autre, deux à trois jours.
Fatalement, elle l’interroge et celui-ci finit par céder et lui révéler qu’il enlevait ses vêtements
tous les soirs de pleine lune, les cachait et devenait un loup-garou. Sous l’insistance de son

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épouse, Bisclavret lui révéla aussi la cachette de ses vêtements. À peine était-il parti qu’elle
appela un jeune chevalier dont elle avait toujours repoussé les faveurs et lui révéla tout. Elle
promit de l’épouser à condition qu’il vole les vêtements de son mari. Le méfait accompli,
Bisclavret fut incapable de reprendre forme humaine.

Un an après, le roi chasse avec ses gens sur les terres de Bisclavret et voit le loup-garou, il lui
donne la chasse. Alors que le loup-garou est acculé et sur le point d’être mis à mort, il
aperçoit le roi et s’incline devant lui. Tout le monde s’étonne. C’est une bête intelligente et il
serait cruel de la tuer. Le roi prend alors le loup-garou sous sa protection.

Ce roi magnanime organise donc une réunion avec ses seigneurs. Lorsque le jeune chevalier
arrive, Bisclavret tente de l’attaquer, on le calme mais il continue de se montrer ouvertement
hostile. On se dit qu’assurément le jeune chevalier lui causa quelque tort, et l’affaire s’arrête
là.

Le roi repart chasser sur les terres de Bisclavret. Apprenant qu’il se trouve dans une petite
chaumière, l’épouse de Bisclavret tente de gagner ses faveurs. En la voyant, Bisclavret
l’attaque et lui arrache le nez. Quelqu’un remarque alors qu’il n’a montré d’hostilité que pour
elle et son mari. On les torture et ils avouent tout. On les somme de rendre les vêtements, ce
qu’ils font ; Bisclavret est alors sauvé et redevient humain, sa femme et le chevalier sont
exilés. Ils ne donnèrent naissance qu’à des enfants sans nez.

Perceval ou le roman du Graal


Chrétien de Troyes, Perceval ou le Roman du Graal (± 1181)

Perceval, jeune Gallois, habite avec sa mère un manoir dans la Gaste Forêt. Malgré les
supplications de sa mère, qui ne veut pas le voir devenir chevalier, il part pour la cour du roi
Arthur, après une rencontre avec cinq chevaliers errants. Sa mère tombe morte à son départ,
mais, pensant qu’elle s’est seulement évanouie, Perceval refuse de se retourner. Après sa
première entrevue féminine, il arrive à la cour, d’où il est chassé par le sénéchal Keu. Après
avoir encore vaincu le Chevalier Vermeil, Perceval est instruit et adoubé par Gorneman.

Quand il veut retourner à sa mère, il passe par une ville assiégée, Beaurepaire. Il s’éprend de
la reine, Blanchefleur, chasse l’ennemi et s’en va. Ainsi il arrive dans le château du Roi
Pêcheur et il y contemple le Saint Graal, la lance saignante et un plat d’argent, mais il ne
demande rien à leur propos.

Le lendemain, il se réveille dans un château vide d’où il lui faut partir. Il rencontre sa
cousine, qui l’enseigne sur le Graal; il délivre la première fille qu’il a embrassée en
désarçonnant l’Orgueilleux de la Lande, qui avait puni trop gravement son amie. Perceval
l’envoie à la cour du roi Arthur. Celui-ci part à la recherche de Perceval, le trouve et organise
une fête à l’occasion de ces retrouvailles.

C’est alors qu’on vient défier le chevalier Gauvain pour un meurtre qu’il aurait commis.
Gauvain part, il passe par un tournoi auquel il prend part et d’où il sort vainqueur. Il arrive au
château de son ennemi, qui le rencontre mais ne le reconnaît pas et lui donne hospitalité dans
son château. Gauvain s’y rend mais pendant qu’il s’amuse avec la soeur du seigneur, il est

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reconnu par un vassal. Les bourgeois attaquent la tour où il se trouve mais quand le seigneur
est revenu, on se met d’accord et le duel est retardé d’un an.

Entre-temps Perceval « a perdu la mémoire de Dieu », mais il se convertit chez son oncle
l’ermite qui lui apprend la vérité sur le Graal et le Roi Pêcheur.

Gauvain, lui aussi en quête du Graal, rencontre un chevalier blessé et une pucelle, et malgré
leurs mises en garde, il se rend à Galvoie. Là, il est obligé d’emmener avec lui une fille
monstrueuse, mais pourtant très belle. De retour, il guérit le chevalier qui pour tout
récompense lui vole son cheval.

Gauvain et le chevalier vert

Arrivé à un château ensorcelé, Gauvain vainc un chevalier qui l’attaque, il entre dans le palais
et brise ainsi l’enchantement. Il en reçoit la seigneurie de par les deux reines. L’une est la
mère du roi Arthur, l’autre – fille de la première – mère de Gauvain lui-même.

Gauvain passe le Gué Périlleux, il convertit la fille monstrueuse, mais l’amant de sa soeur le
défie. Gauvain invite le roi à assister au combat. L’âpre duel se termine sur les supplications
de la soeur de Gauvain, qui épouse son amant.

Perceval quitte la fête pour passer quelques journées agréables auprès de son amie. L’ayant
quittée de nouveau, il se rend au Mont Douloureux et il y passe devant la Colonne Magique
de Merlin sans être atteint de folie, ce qui prouve qu’il est le meilleur chevalier au monde.

La fille de Merlin lui montre le chemin pour retourner au Roi Pêcheur. Perceval passe devant
un arbre miraculeux et il entre dans une chapelle habitée par le Diable.

Enfin il arrive chez le Roi Pêcheur, il ressoude l’épée rompue, il apprend qu’il est le neveu du
Roi, et il est initié aux secrets du Graal et de la Lance. Perceval évince le Diable de la
chapelle et enterre le chevalier gisant sur l’autel. Quelque temps après, le Diable lui vole son
cheval, manque de le tuer,essaie de le séduire et de briser sa chasteté, mais il est sauvé par un
envoyé de Dieu.

Perceval sauve son amie, qui est prise dans un nouveau siège, mais il doit repartir. Le Diable
s’en attaque à nouveau à la chasteté de Perceval, mais c’est un nouvel échec. Perceval court
alors à la rescousse de son ancien instructeur Gorneman, qui est assiégé par quarante
cadavres enchantés. Après ces gestes, il épouse Blanchefleur, tout en repartant le lendemain
du mariage. Il combat Hector, et après ce duel c’est Dieu même qui guérit les blessés. Enfin il
tue Pertinaus qui avait mutilé le Roi Pêcheur, rendant ainsi à celui-ci sa santé. Perceval
retourne à la cour où il lève la sorcellerie du Siège Périlleux.

— À partir d’ici, le récit est raconté par les continuateurs de Chrétien de Troyes.–

Dans un monastère, on apprend à Perceval l’origine du Graal et on lui explique la maladie du


roi Mordrain, père du Roi Pêcheur. Perceval, revenu à la cour, apprend que le Roi Pêcheur est
mort. Sur ce il fait un retour immédiat au château du Graal où il guérit Mordrain qui peut
mourir en paix après trois siècles de maladie.

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Perceval est couronné roi du Graal. Après la mort de sa femme, qui a donné naissance à un
fils, Lohengrin, il entre dans un couvent où il meurt et d’où il emporte le Graal et la Lance
vers le ciel.

Villehardouin
Les oeuvres en prose, beaucoup moins nombreuses au moyen âge que celles en vers,
appartiennent au genre historique.
Jusqu’au XIIème siècle les chroniques sont écrites en latin. La chronique en langue vulgaire
commence avec les croisades.

Villehardouin (1152-1212) fait le récit de la IVème croisade dans laquelle il a joué un rôle
important.

VILLEHARDOUIN
Geoffroy de Villehardouin, maréchal de Champagne, naquit en 1155, dans un château situé
près de Troyes. La noblesse de sa maison et ses qualités personnelles l’avaient déjà mis en
grande estime à la cour de son seigneur, lorsque Foulques, curé de Neuilly, vint, au nom du
pape Innocent III, prêcher la croisade en France (1199). Les comtes de Champagne, de Blois,
de Flandre, ayant pris la croix, élurent six députés pour aller en leur nom demander des
vaisseaux aux Vénitiens: Villehardouin fut mis à la tête de l’ambassade.

À Venise, il expose sa requête devant le peuple assemblé en l’église Saint-Marc: Nous


l’octroyons! nous l’octroyons! s’écrie la foule, en entendant cet énergique appel, et en voyant
les députés français tomber à genoux mult plorant aux pieds du doge. Malgré cet
enthousiasme, les difficultés ne manquèrent pas à l’expédition. Le brave maréchal, qui ainc
n’i menti de mot à son escient, nous conduit à travers les péripéties de ce drame vraiment
merveilleux dont le dénouement, imprévu de tous, fut la prise de Constantinople par les
Croisés et la fondation de l’empire latin en Orient.

Lorsque Baudoin, comte de Flandre, eut été mis à la tête de ce nouvel empire, il créa
Villehardouin maréchal de Roumanie et trouva toujours en lui un auxiliaire puissant;
l’intrépide chevalier sauva même un jour l’armée de l’empereur d’une destruction totale. Il
mourut en 1213, dans sa ville de Massinople, qu’il tenait comme fief du marquis de
Montferrat, roi de Thessalonique.

L’HISTOIRE DE LA CONQUÊTE DE CONSTANTINOPLE renferme un espace de neuf


années, de 1198 à 1207: elle s’ouvre par la prédication de la quatrième croisade et se termine
à la mort du marquis de Montferrat, l’un des chefs de l’expédition.

Au point de vue historique, cet ouvrage est précieux. La loyauté chevaleresque de l’auteur ne
permet pas de suspecter sa véracité: il raconte simplement ce qu’il a vu ou ce qu’il a fait, se
mettant lui-même en scène avec une modestie pleine de franchise. Et bien témoigne Joffroi de
Villehardouin, li mareschaus de Champaigne, proteste-t-il souvent au cours du récit. Un
intérêt puissant, que le naïf chroniqueur champenois n’a nullement songé à produire, jaillit du
contraste des moeurs et des caractères. Ces Grecs lâches et astucieux du Bas-Empire, mêlés
à la race franque, jeune encore et fidèle aux nobles vertus guerrières; cette opulence de la cité
de Constantin devant laquelle s’ébahissent nos rudes croisés: quel tableau pour un historien!
Villehardouin n’en saisit que les grandes lignes; il ne voit que des faits isolés, et s’abstient

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d’ailleurs de tout commentaire. Son livre a quelque parenté avec les Chansons de geste: de
grandes et merveilleuses choses y sont rapportées sans que l’auteur, pas plus que nos anciens
poètes, se préoccupe d’en rechercher les causes ou les conséquences. L’héroïsme est loin d’y
faire défaut, témoin la scène vraiment homérique du vieux doge aveugle, Henri Dandolo,
prenant la croix en présence de son peuple; mais cet héroïsme est réduit aux proportions
humaines.

« La philosophie de cette Histoire, si l’on peut ici employer ce mot, est celle d’un chrétien
qui n’hesite pas à voir dans les succès, comme dans les revers, l’action de la Providence, et
qui n’est troublé de rien parce qu’il est sûr de la justice de Dieu. » (Villemain)

Comme écrivain, Villehardouin possède les qualités maîtresses du genre: il est concis et
rapide, jusqu’à rappeler parfois quelques traits de Salluste. On reconnaît chez lui le langage
de l’homme de guerre: peu d’ornements, rien pour l’effet. La pauvreté d’un idiome à peine
ébauché le ramène toujours aux mêmes transitions; certaines tournures uniformes marquent
sont admiration et son étonnement: Or vous pourrez ouïr une étrange prouesse … Or oyez le
grand miracle de Notre-Seigneur … Le bruit d’un combat ou d’une assemblée tumultueuse
ne manque jamais de provoquer cette comparaison: il sembloit que li terre et li mer se fondist.
En dépit de ces difficultés, notre langue, dit Villemain, apparaît mieux dans cette chronique
que dans les rimes alignées de nos trouvères.

Geoffroy de Villehardouin

Geoffroy de Villehardouin (né vers 1150 et mort vers 1212) fut un des héros de ce qu’on
appelle la quatrième croisade, et c’est le récit de cette étrange expédition qu’il raconte dans
ses Mémoires.

Ils sont curieux pour l’histoire des faits et pour l’histoire de la langue. Ce qui y frappe surtout
c’est la simplicité du style et la modestie de l’écrivain. Il ne parle jamais de lui. Il raconte ce
qu’il a vu, et l’on sent dans sa parole sans prétention une parfaite loyauté.

Les phrases sont brèves, nerveuses, et vont droit au but. Il n’y a ni apprêt ni art.

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Sa langue est primitive; l’orthographe en est singulière. Des débris de mots latins s’y
rencontrent fréquemment, et le nombre des monosyllabes est considérable.

C’est une langue de soldat, rude et roide, mais elle suffit à la sobriété de son esprit, et a une
harmonie naturelle qui ne manque pas de charme.

« Villehardouin est bien un homme de son temps, non pas supérieur à son époque, mais y
embrassant tous les horizons; preux, loyal, croyant, crédule même, mais sans petitesse; des
plus capables d’ailleurs de s’entremettre aux grandes affaires; homme de conciliation, de
prudence et même d’expédients; visant avec suite à son but, éloquent à bonne fin, non pas de
ceux qui mènent, mais de première qualité dans le second rang, et sachant au besoin faire
tête dans les intervalles; attaché féalement, avec reconnaissance, mais sans partialité, à ses
princes et seigneurs, et gardant sous son armure de fer, et du haut de ses châteaux de
Macédoine ou de Thrace des mouvements de cœur et des attaches pour son pays de
Champagne.

« Il a des larmes sous sa visière, mais il n’en abuse pas; il sait s’agenouiller à deux genoux,
et se relever aussitôt sans faiblesse: il a l’équité et le bon sens qu’on peut demander aux
situations où il se trouve; jusqu’à la fin sur la brèche, il porte intrépidement l’épée, il tient
simplement la plume; c’est assez pour offrir à jamais, dans la série des historiens hommes
d’action où il est placé, un des types les plus honorables et les plus complets de son temps. »

Sainte-Beuve.

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