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Paul Ricoeur Le Juste philosopbie torrions Avant-propos ‘equitable, ot en ant juste, st ps este sl ei tis an coc del ote ae Tan em et gue It Uae tajur quelque chine degre ql y wes con ‘espe pur lenges i ert pas pnible de poser un anece ‘trl gut applique eee een Yt sat cae set ce quest Feit, qe Pega nt jee get ‘Spesou ne ee tae dt,» Ate, Btigue a Nzomanur, V, 15 (ea J. Ta 1 Les textes réunis dans ce volume ne constituent pas & pro- ‘prement parler les chapitres d'un livre. Il sagit de conferences prononeées dans le cadre d'institutions diverses (dont on trou ‘vera la liste dans la bibliographie de Touvrage), et surtout sous la conteainte ~ benéfique ~ de programmes dont je n'avais pas choisi la problématique. Et pourtant ces textes sont loin dese réduire a des éerts de circonstance. Is m'ant permis dexprimer une de mes plus anciennes préoccupations d'enseignant en phi- losophie, concernant le peu de cas qu'il ait fait dans notre discipline des questions relevant dy plan juridique, comparé au soin dont faisaient l'objet les questions touchant & Ta morale ov 2 a politique. Cette négligence est d'autant plus étonnante quelle est relativement récente. La République de Platon est si 7 lige a la question de Ia justice que la tradition a fait de cet idee le sous-ttre du célébre dialogue. Quant & Aristote, il consa- tre dans sex Bthiques une analyse déaillée& la vert de justice A Taube des temps modeenes, c'est par rapport aux théories du droit naturel que se déterminent Tes théories contractualistes, ‘lien social. Les philosophies de Hobbes, de Machiavel, ‘dam Smith ne sont des théories politiques que dans la mesure ‘oi elles proposent une explication de Vorigine et de la finalité «du droit. Leibniz et Kant composeat des tratés expressément fconsacrés au droit. EX comment ne pas évoquer les Principes de la philosophie du droit de Hegel, qui ont bien souvent sup- porté 8 eux seuls les réflexions des philosophes professionnels {de ma. génération portant sur la séquence morale-droit-politi- que? Mais, méme alors, e'était le lien entre léhique et la po- Tiique qui était Vobjet principal de notre souci, et impasse Guat fate sur le statut spécifique du juridique. Comment expliquer cette négligence quasi générale ? Le cchoe produit par le déchainement de la violence durant Phor- rible XX° sivele explique en grande partie cette oecultation de. la problématique juridique par celle qu'on peut qualifier en termes générax d'thico-politique. Es pourtant cette occultation fait autant tort A Tune qu'a Vautee des disciplines concernées,, dans la mesute od la seconde culmine dans la question de la Lgitimité de Vordre par lequel "Etat fait pidce & In violence, fate au prix de cette autre violence dont le pouvoir politique ‘et Iuisméme issu et dont il ne cesse de porter les stigmates : Véchee de la Terreur n'auraitil rien & voir avec T'incapacité de la Revolution frangaise & se stabiliser dans une constitution qui fen aurait assuré In pérennité 7 El toute la philosophie politique de Hegel ne vientelle pas se nouer dans la question de la Constitution ? Si, néanmoins, nous n'avons pas accordé A ce pro Dleme de a lgitimité de Vordte constitutionnel qui définit MEtat comme Etat de droit ~ comme je Vi fait néanmoins dans quel- ‘ques-uns des textes rassemblés dans Lectures 1: autour du poli- fugue ~, nest-ce pas parce que, au leu de séjourner longuement 8 Avant propos ups d topos de pilophiehéglienne du dri, nous i siom plus velonten ler mote regard ete dele lose de Tistoie quis dane le tate de Hegel. fat ite Su tore te PEt, des Tore gui existe pls de regime constaonel Dour fire échec au raps vilents ene des Ets pant Sur a scbne du monde comme de randy inves lems? Pasa ce seul ot la philonopie de Piste repent en charge Is problematique drt, etait la damage de le au capa a nawenu ate note emerge de peta Trt Sun ave reps de Fincompucheniilteprnepele dal politique Je suis hin de deplore, encore moins de épraer Se rebar abating a probleme Cminemment historique dal politique, dans a mesure ofa ot aes conte! Cat Ss ore avec le sentiment de resister dom entnement ca tage par espn du temps que je me tur poat dats ea ques année de fae trot ati de rene june la Fuse. Ma rencoige avec Tatts hates fates pour a Funie (Ita) et ect éparddeteminane TY af reneonee Ia question de Tint et juste sur le plan la vlesion sure juriiquessqut mins cere premaurement ends ar tne philosophic da pltqe, ellen happée par une Tasphie de Phistor son tour hate pat Teton en tayablement foment et enteten par Tape da mal ple, A'TEcole nationale deta magisisture je enconta en eft, Ie jurtique soa la figure precise judas ance esos cites, ses tuna nex Joges sa German du proce concluat Te tou, le prononot ea sentence a edt td dans lx ciconstances ane cause, ne aa, Eminence "Cet aii que Fah conduit 8 penser que Te c pprchendé su ee traits dja, aft ap Tose Poeason ee eechir sur lapel son i propre, cen du droit, en de la morale (ou de T'éthique’s la 1.6f =e pate pliga =. ot Pai a dS 190, nuance séparant les deux expressions n'important pas a ce stade préliminaite de notre réflexion) et de la politique. Pour donner lun tour dramatique & Vopposition que je fais ii entre une phi- Tosophie politique o& la question du droit est occultée par la Ihantise de la présence incoercible du mal a histoire, et une philosophic oi le droit serait reconnu dans sa spéeifieité non Violent, je propose de dire que la guerre est le theme laneinant de la philosophie politique, et fa paix celui de la philosophie du droit. Si, en effet, Ie conflit, done en une eertaine fagon la Miolence, reste Poceasion de Fintervention judieiaire, celle-ci se laisse definir par Pensemble des dispositifs par lesquels le confit est levé au rang de procés, celui-ei étant & son tour fentré sur un débat de paroles, dont lincertitude initiale ost finalement tranchée par une parole qui dit Te doit. Il existe done un liu de la société ~ aussi violente que celle-ei demeure par origine et par coutume ~ of la parole Temporte sur la vio- lence. Cortes, les parties du proc?s ne sortent pas pacifiées de Venceinte du tribunal. Il faudrait pour cela qu’elles soient ré- conciliges, qu'elles aient parcourw jusqu'a son terme le chemin dd la reconnaissance, Comme il est dit dans la conférence don- la Gour de eassation t intitulée de la fagon La plus simple ‘acte de juger® », la finalité courte de cet acte est de trancher tun confit ~ c'est-d-die de mettre fin & Pincertiude - sa finalité Tongue est de conteibuer & la paix sociale, eest-idire finale iment a la consolidation de la société comme entreprise de co- ‘opération, 2 la faveur d'épreuves d'acceptabilité qui excbdent TTenceinte du tribunal et mettent en jeu Vauditoire universel si souvent évoqué par Ch. Perelman. Certes, je ne souhaite pas étre dupe de la dramatisation thétorique qui oppose la problématique politique de la guerre Ala problématique juridique de la paix: je supgérerai, de fagon plus subtile,I'idée d'une priorté croisée entre les deux problé 2. capes, 18a 192 Avant propos matiques : la paix n'estelle pas aussi Vhorizon ultime du poli tique pensé comme cosmo-politique ? Bt Vinjustie, done fina- lement Ia violence, n'estelle pas aussi In situation initiale que Te droit cherche a teanseender, sans y réussir, comme il sera dit dans Vessai consacré aux lendemains de la « sanction » et faux déboires de la « réhabilitation? » W Que la destination pacifique du juridique, & laguelle le juudiciaire donne une visibilité partieulire, soit en quelque ma- nidre aussi originaire que le penchant a la violence exhibé par le mal politique, il me semble en trouver, & défaut d'une preuve sans doute hors dateinte, du moins un symptime éloquent dans Te témoignage de notre mémoire, quand celle-ci sefforce de re- donner vigueur A nos toutes premitres rencontres avee la ques tion de Minjuste et du juste. Crest a dessein qu’évoquant des souvenirs d'enfance je nomme linjuste avant le juste ~ comme Te font dalleurs bien souvent, de fagon visiblement intention= nelle, Platon et Aristote. Notre premiere entrée dans la région du droit n'a-telle pas été marquée par le ett: C'est injuste ! Ge exiest celui de Findignation, dont Ia perspicacité est pafois, confondante, mesurée & Taune de nos hésitations adultes som- més de se prononcer sur le juste en termes posiifs. Lindigna- tion, face a Minjuste, devance de loin ce que Joha Rawls appelle = convictions bien pesées », dont aucune théorie de la justice re peut récuser le concours. Or, rappelons-nous ce que furent les situations typiques oi notre indignation s'est enflammeée. Ce rent, d'une pat, des partages inégaux que nous trouvions inac- ceptables (ah ! ce modéle du partage du gateau en parts égales, modele qui n'a peut-etre jamais eessé de hanter nos réves de distribution juste, quitte & conduire dans Timpasse la théorie 8. Gf bape, 198 4 8. de la justice 1). Ce farent, d’autte par, des promesses non tenues ‘qui ébranlaient pour la premiere fois a confiance innacente que nous avions dans la parole sur laquelle, nous devions V'appren- dre plus tard, reposent tous les échanges, tous les eontrats, tous les pactes. Ce furent encore des punitions qui nous paraiseaient sans proportion avec nis lareins supposés, ou des éloges que nous voyions arbitraizement échoir a d'autres que nous, beef des rétributions non méritées. Récapitulons ces motifs «indign: tion : rézibutions disproportionnées, promesses teahies, partages ségaur. N'y déchiffrons-nous pas apres coup quelques-uns des linéaments de ordre juridique : droit pénal, droit des contrats ct des échanges, justice distributive ? Bien plas, ne discernons- ‘ous pas dans Tindignation ane attente précis, celle d'une pa- role qui instaurerait entee les antagonistes une juste distance qui metrait fin leur corps & corps ? En cette attente confuse. ‘Tune vietoire de la parole sur la violence consiste l'intention morale de indignation, Mais alors pourquoi ne pas sen tenir 2 indignation ? Quiest-ce qui lui manque pour qu'elle ségale a un authentique: tens de la justice ? Il ne suflit pas de dire que font encore Aéfaut Tes eritéres positifs du juste, Ul faut encore ident obstacle qui empéche la conquéte de ce que nous venons da peler juste distance entre Tes antagonistes des partages, des changes et des eétributions que notze indignation «lénonce ‘comme injustes. Cet obstacle est le désir de vengeance, eest- Acite la prétention de se faire justice & soi-méme,q ter la violence 2 la violence, la souffrance 2 la Souffrance. La grande conquéte, a cet égand, consiste dans le départage entre Vengeance et justice. Au court-cireut de la vengeance, la justice substitue la mise a distance des protagonistes, dont [établisse~ ment dun éeart entre le crime et le chitiment est le symbole fen droit pénal. Or, comment un tel écart peut-il étre institué sinon par entrée en sedne d'un tiers qui ne serait pas Pun des protagonistes ? Une équation majeure, od le juste commence & se distinguer du non injuste, se propose : celle entre justice et 2 Avant propos impartalité. Juste distance, médiation dun tiers, impartialité S'énoncent comme les grande synonymes du sens de I justice sur la voie duquel indignation nous a conduits ds notre plas jeune ge Dans les pages qui précédlent, ai Wabord évoqué les mo- tif de mon souci telativement eécent de soustraire Fanalyse du juridique a la tutelle de Méthieo-politique. Sans quitter encore le plan des motivations, fai ensuite cherché dans nos souvenirs ‘Fenfance un témoignage Corde en quelque sorte ontogenéti que, rendu a Pancienneté de notre demande de justice. Le mo- ment est venu de tenter de passer de ces motivations présentes et passées aux raisons capables de légitimer Te discours raison- ble sur Finjuste et le juste que presuppose Fentreprise ju ciire. Si j'ai pu, ces demnires années, déplayer les reflexions ‘q’on va lite, au prix parfois d'une certaine technieité qui fers appel a attention que requiert un discours argumenté, cest paree que le liew philosophique du juste xe trouvait dj pointé fet delimité dans la « petite thique » de Soi-méme comme un ‘autre. Ce sont les liens de dépendance entee les études qu'on valire et les structures concepttelles des tois études composant celle éthique que je me propose de porter au jour dans la suite de cet avant-propes u Le lecteur peu familier avee Vouvrage ot se wouve réeapi tulé Fessentiel de mon tava philosophique me saura sans doute Br€ de reconstituer a son intention les linéaments des trois sec= tions de Soi-méme comme un auire (études Vil, VI et IX) quis ensemble, constituent ma contsibution 2 la philosophic morale, Larehitecture de ces chapitres repose sur Ventrecroisement de deux axes, done de deux parcours différents de lecture. Le premier, disons Paxe = horizontal», est celui de la constitution dialogique du Soi (ou, comme je Fai propost, de Mipseité que ‘Toppose & la simple mémeté, pour caractétiser la sorte ident 8 ‘qui convient au soi). Le second, » vertical», est celui de la constitution higrarchique des prédicats qui qualifient Paction hhamaine en termes de moralité. Le Liew philosophique du juste se trouve ainsi situé, dans Soi-méme comme un autre, au point ‘intersection de eet deux axes onthogonavx et des parcours de lecture qu'ils jalonnent. Reprenons les choses de fagon moins abrupte, Adoptons pour eommencer Ia lecture « horizontale » dont la thématique, nous venons de le dite, est la constitution dia- logique du soi. Une théorie philosophique du juste trouve ainsi sa premitre assise dans Tassertion selon laquelle le soi ne constitue son identité que dans une structure relationnelle qui fait prévaloie la dimension dialogique sue la dimension mono- logique qu'une pensée heritive de la grande tradition dela phi- losophie réflexive serait tentée de privilégier. Mais cette évocation de autre, dds le seuil dune réflexion sur la consti- lution du so, resterait d'une grande banalité et, surtout, ne su Firat pas & marquer la place od la question de la justice peut atte rencontrée, si, entrée de jeu, on ne distinguait pas deux acceptions distinetes de la notion de T'autre ou d'auteui. Le pre= rmier autre, si Ton peat ainsi parler, soffre dans son visage, ddans sa voix, par quoi il sadresse 2 moi, me désignant la ddeuxitme personne du singulier. Cet autre est celui des relations merpersonnelles, Et lamitié, opposée dans ce contexte ala jus- tice, eat la verty emblématique de cette relation immédiate qui accomplit le miracle d'un échange de réles entre des étres in- Substituables. Ta es le toi qui me dit toi et & qui je réponds,, ‘comme aime & le répéter Emmanuel Lévinas : « Me voici » —moi ‘au cas aecusail, Et pourtant, aussi merveilleuse que soit la ver- tu damitié, elle ne saurait templir les tiches de Ia justice, méme engendeer celle-ei en tant que vertu distinete. La vertu de justice stablit sur un rapport de distance & autre aussi ‘originaire que le rapport de proximité a Pautruioffest dans son visage et sa voix. Ce rapport a Fautre est si Fon ose dire, im- imédiatement médiatisé par Vinsttution. Lautee, selon Vamitié, “ Avant propos est le toi, aut clon Ia justice, c'est le chacun, comme il est see par Vag latin: sum euqu ebuer,& ehacun (On explorera plus loin, au le second ane de ce parcours de lecture, les connotations de ce pronom dibuil present dans toute conception dela sociié comme enteprise de di tribution de eles detaches, de bénéices et de charges. A va dive, nous stone déja encontré ee chacun dans Te stations ‘icmp dt legs nate inition ne Sa tmait conte Finjstce:partage inggauny manquement la pa tole donnée, tributions iniques ~ autant-de_circonstances insitationnelles, a sens Te plus large da terme, oi la justice ‘tnnance comme distribution juste. I nen ia pas surement dans les situations infiniment completes ot les interactions hae Ines sont encadis paris so-aytomes que leaneMare Fer 1 dann Les pustoncr de Tesperence, none «odres de la reconnaissance». A tous con degte de complex a justice Samnance, selon Vexpression de Rass, sur laquelle Souvre a Theorie d justice, comme « In premiere vera des insutions sociales». Le can des institutions judciaies est A et Gerd pantetier, mais paicalerement favorable & ane déteminaion plus serrée du chacun elon instiution* avec Vnaitation témologique de Pacte de juger, et eelle de suivre le déroulement de cet acte jusqu'd sa conclusion dans le temps. [Ainsi, dans T'essai intitulé « Interprétation et/ou argumen- tation », on ratache & la phase du debat, dans le cadre du procés judicisire, Ia problématique que Ton vient de placer sous Pégide fu jugement réfléchissant, Crest en effet au stade du debat que Tron voit le mieux waffronter et s'enchevétrer argumentation, ti prédomine la logique du probable, et Vinterprétation, od p ‘aul la puissance innovante de imagination dans la production iméme des arguments De Ia on passe, dans l'étude suivante, au moment oi est prononeée la parole qui dit Ie droit: cest le moment de acte ddejuger au sens ponctuel du terme. Le jugement n'a pas seu Tement une teneur logique en tant qu’acte de discours mais une teneur morale, dans lx mesure od la finalitéultime de Vacte de juger, consistant dans sa contribution a la paix eivique, exctde Tarfinalite courte de Vacte qui met fin & Tincertitude. Aussi fort que soit Venjeu de cette réflexion qui, nous ra mene anos considérations initiales sur la confrontation entre paix et guerre qui se joue & la jointure du juridique et du po- Titique, on n'a pas voulu néanmoins s'arréter & ce réve de paix qui constitue en quelque sorte Tutopie du droit. Dans Tétude inttulée « Sanction, rhabilitation, panton », on Sest propose de suivre le destin ultérieur de Tacte de juger, au-dela méme dda prononcé de Ia sentence, 2 savoir dans Vexécution de la peine. On a voulu ainsi attester que le souhait de vivre dans les institutions justes, et en particulier dane des institutions judiciaives équitables, ne serait satiafait que si Papplication ne 26 Avant propos se borat pas & subsumer un eas sous une norme, mais achevait ‘course dans Tapplication méme de la peine. Il nous a paru que c'est finalement dans les mesures de rehabilitation, per- mettant au coupable d'etce rétabli dans Ia plénitude de ses ex pacités juridiques et de exercice de sa eitoyenneté, que T'acte the juger rend hommage a a finalité ultime renforcer la paix civique On a placé in fine Vessai intitulé « La loi et la cons- cence », pour Ia raison simple que les deus notions rapprochées sous ce titre désignent respectivement les deux grandes problé- ‘matiques entre lesquelles se partage Ia théorie de la justice problématique du soi, a la recherche de son idemtité morale, problématique des prédicats présidant a la qualification morale de Taction humaine, On a donné pour tite Ace reeueil daticles le simple ad- jectf substantive Le Juste. Le terme applique a des pertonnes, des actions, des institutions. D'lles toutes nous pouvons dite aqvelles sont injustes ou justes. Mais a un autre point de vue, (celui du niveau od se forme Facte de juger, le méme prédical se laisse distribuer entre plusieurs acceptions. Au plan téléolo- que du souhait de vivre bien, le juste est cet aspect du bon Felatif & Pautre, Au plan déontologique de obligation, le juste Sidentifie au légal. Reste A donner un nom au juste au plan de la sagesse pratique, celui od s'exerce le jugement en situ tion ; je propose la reponse : le juste, ee n'est plus alors ni le bon ni le legal, c'est P'équizable, équitable est la figure que revét Tidée du juste dans les situations d'incertitude et de conilit ou, pour tout dire, sous le régime ordinaire ou extrao dinaire du tragique de Vaction Qui est le sujet du droit ? aqui est Le sujet du droit? ne se distingue pus, en demniére analyse, de la question de forme morale : qui est le sujet ie destime et de respect ? Ge distinguerai plus loin les devs termes). Et la question de forme morale renvoie & son tour a une question de nature anthropologique : quels sont les traits fondamentaux qui rendent le soi (self Selbst, ipre) capable des- time et de respect ? Cette démarche régressive, conduisant du droit & la moral et de la morale a Vanthropologie, invite & se concentrer pon ccommencer sur la spécifieté de la question qui ? par rapport aux questions quoi ? et pourquoi ? La question quoi ? appelle tune description: la question pourquoi ? une explication ; quant la question qui 2, elle appelle une identification. C'est sur Ia nature de cette derniére opération, présupposée dans toutes les discussions sur Videntité, soit des personnes, soit des comm nutés historiques, que je narréterai dans la premire partie dde'ma contribution. Crest en effet en examinant les formes les plus fondamentales de la question qui ? et des réponses & cette ‘question, que on est conduit & donner son sens plein la notion de sujet capable. Il reviendra alors a Ia seconde partie de par- ‘courir dans Tordre ascendant les médiations 'otdre interpet- J: YOUDRAIS MONTKER que Ta question de forme juridique 29 sonnel et institutionnel qui assurent la transition du sujet ca pable aun sujet de plein droit s'exprimant au plan moral, ju- Fidique et politique. Le sujet capable La notion de capacité sera centrale dans ma communication. le constitue & mes yeux le référent ultime du respect moral ct de le reconnaissance de Thomme comme sujet de droit. Si tne telle fonction peut lui étre assignée, c'est en raison de son Tien intime avec la notion d'identité personnelle ou collective. La maniére Ia plus directe de faire apparaitre ce lien est de traiter les différentes assertions concernant l'identité person- nelle callecve comme aunt de onan une ate de questions impliquant le pronom relatif qui ? Qui est celui qui parle ? Qui a accompli telle ou telle action ? De qui ce récit fest il Vhistoire ? Qui est responsable de ce dommage ou de ce ral fait & autrui ? La question gu parle ? ext assurment I pls primitive dans ln mesure o toutes ley aulterimpliquent Pusage du lane fare. Seal quelqun capable dee designer hi-méme comme Fateur de ses énonciations peut dant une réponse 8 ete Chston. Loxamen de ce pnt eeve dune pragmatigue da di- la thors bien connie dea speec-acs. Ene i donner 8 eetepragmaique un prolongement rfc, de remonter dea multpliche des aces énoncaion 3 Tracie par lequel Ménoncatur a désgne comme le pe iden tique tu, pour uller une autre métaphore huseinne, To foyer de ayonnement dun nombre indefni dates de dncous Crest de 1a méme fagon que se pose la seconde question cen qui ?: Qui est Uauteur de telle action ? La question quoi 2, ‘on I'asuggéeé plus haut, est satisfaite par une description impli ‘quant des verbes d'action et la question pourquoi ? par une 30 ui st lo sujet du droit ? ‘explication par des causes ou des motifs. La question de bution de action a quelqu'un est dun autre ordre et répond 3 la question qui? Sirawson et Hart parlent & cet égard d'ascrip tion, je dirai Wassignation. Videntifieation d'un agent, done ' signation a quelqu'un dune action ow d'un segment d'action, ‘est une opération souvent difficile, par exemple lorsque I'on se propose d'apprécier le degré d'implicaton de telle ou telle per= sonne dans une entreprise complexe réunissant plusieurs agents Ce probldme se pose constamment sur le plan de la connais- sance historique, ow au cours de procédures juridiques visant 2 identifier singuligrement l'individy responsable qui sera éven- tellement contraint de réparer an dommage ou de subir la peine pour un acte délictueux ou eriminel, Comme dans le cas pré= cédent du discours, la capacité d'un agent humain a se désigner lujsméme comme lauteur de ses actes 8 une signification consi- érable pour Vassignation ultrieure de droits et de devoirs Nous touchons ici au ewur de T'idée de eapacité, & savoir le powvoir-faire, ce qu'en anglais on désigne da terme agency. Malheureusement, le vocabulaite philosophique est ici fort pat vre sou bien nous nous contentons de métaphores (Vagent, selon tune suggestion d’Aristote, est le « pere » de ses actions, comme il Test de ses enfants: il'en est encore le « maltre »); ou bien, nous revenons a usage le plus primiti de Vidée de cause eff ciente; celle-ci, chassée de la physique depuis Galilée et New= ton, revient en quelque sorte a son liew de naissanee, qui ext Vexpérience du pouvoir exereé sur nos membres et, 8 travers ceuxcei, sur le cours des choses. Ce pouvoir d'intervention est présupposé par le concept éthico-juridique d'imputation, essen Tiel a Tassignation de droits et de devoirs. Nous faisons un pas de plus dans exploration de la notion de sujet capable en introduisant, avec Ta dimension temporelle de Faction et du langage lui-méme, la composante narrative de Tidentité personnelle ou collective. examen de la notion identité narrative donne Toceasion de distinguer Videntité du soi de celle des choses ; cette demnitre se raméne en demitre st instance a la stabilité, voite Vimmutabilité une structure, illus: trée par la formule génétique d'un organisme vivant; Tidentte farraive, par contraste, admet le changement: cette mutabilité fst celle des personnages des histoizes que nous racontons ‘ceux-ci sont mis en intrigue en méme temps que histoire ell tnéme. Cette notion d'identité narrative est de la plus haute im- portance pour une enquéte sur Videntité des peuples et des rations: ear elle porte le méme earactére dramatique et narra, ‘que Ton risque trop souvent de confondre avec Fidentité d'une Substance ot d'une structure. Au niveau de Thistoire des pews ples, comme & celui des individu, la contingence des péripéties Contribue a la signification globale de Thistoie racontée et celle de ses protagonistes. Le recon st se déprendre ‘Tan préjugé concernant Fidemtité revendiquée par les peuples ‘ous Pemprise de Tarrogance, de la peur ou de la haine Un demice stade est atteint dans la reconstitution de lt notion de sujet eapable avec Pintroduction de prédicas éthiques, fou morau, se raltachant soit & Midée de bien, soit a celle dobli- ization {je réserverai volontiers la qualification d'éthique & la Dremitre sorte de prédicats, et celle de morale & la seconde Sorte; mais la discussion de ee point n'importe pas ici). Ces prédicats sappliquent dabord a des actions que nous jugeons ft que nous estimons bonnes ou mauvaises, permises ou defen ‘dues ils Sappliquent, en outee, réflexivement aux agents eux imémes auxquels nous imputons ces actions. C'est iei que la rotion de sujet capable atteint sa plus haute signification. Nous sommes nows-mémes dignes destime ou de respect en tant que Capables Westimer bonnes ot! mauvaises, de déclarer permises ‘ou défendues les actions des autres ou de nous-mémes. Un sujet imputation sésulte de Tapplication rélexive des prédicats ‘hom » et « obligatoire » aus agents eux-mémes Fjouterai deux remarques & ces considérations. Je vou- Arais d'abord suggérer qu'il y a un lien dimplication mutuelle entre Destime de soi et Mévaluation éthique de nos actions qui isent a la = vie bonne » (au tens d'Aristote), comme il y a un 2 Qui est le sujet du droit ? lien entre le respect de soi et Pévaluation morale de ces mémes actions soumises a V'épreuve de Funivertalisation des maximes de action (au sens de Kant). Ensemble, estime de soi et respect ‘le soi définissent Ia dimension éthique et morale du soi, dans lu mesure ot ils caractérisent homme comme sujet dimputation thico juridique Je voudais dite ensuite que Iestime et le respect de soi ne ajoutent pas simplement sux formes d'autodésignation consid rées auparavant. Ils les inelaent ct en quelque sorte les réeapi tulent. En tant que qu en elfet demander, pouvons- routs nous estimer ou nous respecter ? En tant d'abord que capa bles de nous désigner comme les loeuteuts de nos énonciations,, les agents de nos actions, les héros et les narrateurs des his toires que nous racontons sur nous-mémes. Aces eapacités Sajoutent celles qui consistent a évaluer nos actions en termes de'« bon » et d obligatoire ». Nous nous estimons nous-mémes ‘comme eapables d'estimer nos propees actions, nous nous res- ppectons en ce que nous sommes capables de juger impartiale- nos propres actions. Estime de soi et respect de soi iessent ainsi réflexivement & un sujet capable, Siructure dialogique et insttutionnelte ddu sujet du droit Que manque-til au sujet capable dont nous venons de par= ccourit les niveaux de constitution pour étse un séritable sujet de droit? Ml lui manque les conditions dactualisation de ses aptitudes. Celles-ei ont en effet besoin de la méstation conti= ruelle de formes interpersonnelles d'altérté et de formes insti- tutionnelles association pour devenir des pouvoirsréels & quoi correspondesient des droits réels. Précisons. Il importe en eet, fvant de tier les conséquences de cette affirmation pour a phi losophie politique et Ia philosophie du deoit, de s'entendee sur ce quion vient Wappeler les formes interpersonnelles daltérité x” et les formes institutionnelles association. examen doit porter non seulement sur la nécessité dune médiation, qu'on peut peler médiation de l'autre en général, mais sur celle d'gn dédow- blement de Paltérité elle-méme, en altérité interpersonnelle et altérité institutionnelle, Il est tentant en effet, pour une philo- sophie dialogale, de se homer aux relations avec autruiy qu'il est d'usage de placer sous I'embléme du dialogue entre je » et «tua. Seules ces relations méritent d'étre qualifies din- lerpersonnelles. Mais il manque & ce face & face la relation at tiers qui para aussi primitive que la relation au toi. Ce point fest de la plus grande importance, si l'on veut rendre compte ‘du passage de la notion "homme capable a celle de sujet réel de droit. Seule en effet a relation au tier, située a Varriére-plan de Ia relation au toi, donne une hase ala médiation institation- nelle requise par la constitution d'un sujet réel de droit, aut rent dit d'un citoyen. Or cette double nécessité ~ celle de la médiation par Valtérité en général, et celle de la distinction entre autre comme toi et Vautre comme tiers ~ peut aire établie au plan de Panthropologie fondamentale sur lequel nous nous sommes tenus pour élaborer la notion de sujet eapable. Crest, en effet, & chacun des quatre niveaux oi nous nous sommes placés suceessivement qu'on peut montrer la nécessité ‘Tune constitution triadique régissant le passage de la eapacité A Teffectuation, Revenons aus premier niveau de notre analyse anthropologique de Thomme eapsble, au niveau du sujet parant. Nous avons mis Paccent principal sur la capacité du locuteur se désigner lui-méme comme énonciateur unique de ses ‘énonciations multiples. Mais nous avons feintd'ignorer que cst dans le contexte d'une interlocution qu'un sujet de discours peut ‘Sidentifier et se désigner Iuisméme, A Tintérieur de ce content, un locuteur en premiere personne correspond un destinat fen deuxitme personne. ['énonciation, en conséquence, est au ‘moins un phénoméne bipolaire, reliant un je et umn ty dont Tes places peuvent ére échangées, sans que les personnes cessent ‘Potre insubstituables, La maltese des pronoms personnels nest ws (Qui est to sujer du droit ? pas complote, tant que les regles de cet échange ne sont pas pleinement comprises. Cette pleine maftrise contribue de la far {gon suivante a l'émergence d'un sujet de droit : comme moi V'au- Ire peut se désigner lui-méme en tant que je quand il parle. expression comme mo‘ annonce déja la reconnaissance de T'au- ‘re comme mon égal en termes de droits et de devoirs. Cela dit, nous voyons tout de suite que cette analyse ob Pautre figure seulement comme un tu reste tronguée. Non seulement il man- que le ifelle de la tiade des pronoms (celui ou celle dont on parle), mais i manque la référence & Vinstitution méme du lan- ‘sage, dans laquelle s'encaile la relation interpersonnelle du die logue. En ce. sens, Ie ilelle représente V'nstitution, dans la mesure oii celle-ci englobe tous les loeuteurs d'une méme lan- ‘gue naturelle qui ne se connaissent pas et ne sont reliés entre ‘eux que parla reconnuissence des régles communes qui dist uent une langue d'une autre. Or cette reconnaissance ne se réduit pas & la seule adoption par tous des mémes rgles, mais, comporte la confiance que chacumn met dans la régle de sincrite sans laquelle ’éehange linguistique serait impossible. attends ‘que chaque autre signifie ce qu'il dit, means what he/she says, cette confiance étublit le discours public sur une hase fiduciaire ta Vautre apparait comme tiers et non plus simplement comme toi. A vrai dize, cette base fiduciaire est plus qu'une relation interpersonnelle, elle est la condition institutionnelle de toute relation interpersonnelle La méme relation triadique moi/toiftiers se retrouve au plan que nous avons distingué par la question qui agit? qui est Pa teur de action ? La capacité de se désigner soi-méme comme auteur de ses propres actions tinsert en effet dans un contexte Gineraction oi Vautre figure comme mon antagoniste ow mon ‘adjuvant, dans des relations oseillant entre le conflt et Minter- faction. Mais d'ianombrables autees sont impliqués dans toute eentreprise. Chaque agent est relié a ces autres par l'entremise de systémes sociaur de divers ordres. On peut, avee Jean-Mare Ferry, désigner du terme d' ordres de Ia reconnaissance » les % grandes organisations qui structurent interaction : systemes techniques, systomes monétaires et fiscaux, systemes juridiques, systémes bureaucratiques, systémes pédagogiques, systemes scientifiques, systemes médiatiques, ete. C'est d'ahord comme Tun de ces aystemes que le systéme démocratique vient sins= ‘rire dans la suite des « ordres de la reconnaissance » (on te- viendra plus loin sur ce point qui peut donner liew & paradoxe}. Que la reconnaissance soit Venjeu de cette organisation, cela dlojt etre ruppelé a Tencontre «une abstraction systématique «od serait bannie la considération des initiatives et dex ventions par lesquelles les personnes se posent en visri-vis des systémes. Inversement, que Torganisation des systemes tociaun soit la médiation obligée de la reconnaissance, cela doit ere affine a Vencontre d'un communautarisme personnaliste qui r= verait de reconstruize le lien politique sur Ie modele di lien interpersonnel illustré par Tamitié et Pamour. On pourrait douter que Tidentité narrative présente la iméme sinicture temaire que le diseours et que action. Il nen, est rien, Les histoires de vie sont a ce point enchevétrées les tines dans les autres que le réeit que ehacun fait ou regoit de sa propre vie devient le segment de ces autres récits que sont les récits des autres. On peut alors considérer les nations, Tes peuples, les classes, les communautés de toutes sores, comme des iaissent, chacune pout soi et les tunes les autres, enlité narrative, Cest dans oe sens que Thistoire, au sens dhistoriographie, peut elle-méme éce {enue pour une institution destinge A manifester et & préserver | dimension temporelle des ordres de ln reconnaissance que on sient de considerer, Nous rejoignons maintenant le niveau proprement éthique de Festime de soi. Nous avons souligné sa contribution & la constitution d'un sujet capable, capable essentiellement dim- pulation éthico-juridique. Or le caractére intersubjectif dela responsabilité prise en ce sens est évident, Lexemple de la pro- esse le fi ie. Lautre y est impliqué de multiples 36 (Qui ent le sujet du droit ? fagons: comme bénéficisiee, comme témoin, comme juge, et plus fondamentalement comme celui qui. en comptant sur moi, Sur ma capacité a tenie parole, mappelle 2 la responsabilité, ime rend responsable. Crest dans cette structure de confiance que sintereale le lien social institué par les contrat, les pacts de toutes sortes, qui donnent une structure juridique a P'échange des paroles données. Que les pactes doivent étre observés, ce Principe constitue une regle de reconnaissance qui dépasse Te face a face de la promesse de personne & personne. Cette rele tenglobe quiconque vit sous les mémes lois, et, sgissant du ‘droit international ou humanitaire, Fhumanité entidee. Le vis- Avvis rest plus toi, mais le tiers que désigne de fagon remar quable le pronom chacun, pronom impertonnel "mais non Nous sommes arrivés au point od le politique apparait comme le miliew par excellence daccomplissement des poten tialtés humaines. Les moyens par lesquels il exerce cette fone tion sont dabord la mise en place de ce que Hannah Arendt appelait « espace public «apparition», Lexpression profonge tun theme venu des Lumiéres, celui de » publicté » au sens de mise a jour, sans contrainte ni dissimulation, de tout Te réseat \Tallégeances au sein duquel chaque vie humaine déploie sa breve histoire. Cette notion d'espace public exprime Pabord la condition de pluralité résultant de Uestension des rapport: i lerhumains & tous ceux que Te face a face entre le je et le tu laisse en dehors a titre de tiers. A son tour eette condition de pluralité caractérise le vouloir vivee ensemble dune commu rauté historique ~ peuple, nation, région, classe, ete. — ui iméme ireéductible aux relations interpersonnelles, Clest & ce vouloir vivee ensemble que Tinstitution politique confere une strueture distinete de tous les systémies caractérisés plus haut comme les «ores de la reconnaissance ». Avec’ Hannah Arendt, encore, on appellera pouroir la force commune qui ré= sulte de ce vouloir vivre ensemble et qui n'existe qu'aussi Tonge lemps que ce demier est effectif, comme les experiences terifiantes de la défaite, od le lien est défait, en donnent en négatif la preuve. Comme le mot Vindique, le pouvoir politique fest, a travers tous les niveau de pouvoir considérés plus hauls fen continuité avee le pouvoir par lequel nous avons caractérisé Thomme eapable. En retour, il confere a eet édifice de pouvoirs tune perspective de durée et de siabilité, et, plus fondamenta- Tement, projette Thorizon de la paix publique comprise comme tranquillité de Tord, Il est maintenant possible de poser la question de savoir ‘quelles valeurs éthiques spécifiques relevent de ce niveau pro- prement politique de institution. On peut dite, sans hésiter, la justice, « La justice, Gerit Rawls, au début de Théorie de la Justice, es la premi¢re vertu des institutions sociales comme la ‘érité est celle des systemes de pensée. » Or, quel est le vis- lvvis de la justice ? Non pas toi identifiable par ton visage, ‘mais chacun en tant que tiers. « Rendre & chacun le sien », telle est sa devise. Lapplication de la régle de justice aux in- teractions humaines suppose qu'on puisse tenir la société pour tun vaste systome de distribution cest-t-dire de partage de rles, de charges, de tiches, bien au-deli de la simple distribution ‘ay plan économique de valeurs marchandes. La justice, 2 eet ‘gard, a méme extension que les « ordres de la reconns dont nous avons parlé plus hast. Je nventrerai pas iei dans la discussion du principe ou des principes de la justice, qui m'éloignerait de mon propos! Je mattachorai plutot 2 la question qui a mis en route cette investigation + qui est Te sujet du droit ? Nous avons élaboré deux réponses. Nous avons dit dabord que le sujet du droit est, le méme que le sujet digne de respect et que ce sujet trouve sa definition au plan anthropologique dans 'énumération des Ta ee ee ee eee (Qi et le aut du droit ? capacités atestées dans les réponses que nous fasons & une série de questions en qui ? culminant dans la question: & qui Faetion humaine peutelle eee imputée ? Pais nous avans donne une seconde réponse, selon laquelle ces capaités restraient ‘intelles, vote avortées ou refoulées. em Pabsence de média~ tions interpersonnelles et institutionneites, MEtat figurant parmi ces demitres une plice devenuc problématiqu. a premitre réponse donne raison & une certaine tradition lierale, selon laquelle individu precede Ett: Tes deitsalto- chés aut eapaciés et aux potentialités que Fon a dies const went en effet des droite de Thomme, at sens précis da terme, este des droits attachés & Fhomme en tant qurhomme, et fon en tant que membre une communauté politique congue comme source de droits positfs. Bn revanche, Ta version ulta- individaliste da Hibéralisme est fausse, dans la mesure ob elle iméconnalt Tétape antropologique du pouvoir die, du pouvoir faire, da pouvotrraconter, du pouvoir imputer, bref du je peu fondamental et multiple de Thome agissant et sofTant et pré- tend se porter directement aux accomplissementseffectifs des individus, dont on peut admette quils son cantemporsias da dit posiif des Fists. En conclusion, on voit Mimportance de la distinction entre capaeité et accomplissement. Elle com mmande la distinction entee deux versions du ibéralisme. Selon Tune, qui trouve dans la tradition di Contrat socal om expres= us remarquable, Pindividu est deja un sujet de droit complet, avant dentrer dans la relation contractclle il céde des droits réels qu'on sppelle alors naturels, en échange sit dela sécurité, comme ches Hobbes, soit de la civiité ou de la ‘stoyenneté, comme chez Rousseau et Kant. Du méme coup, som ‘association ates indvicis dans un corps politique est aléa- toire et révocable. Ce n'est pas le cas dans Fautre version da Tieralisme. politique & laquelle va. ma. preference. Same la mediation inaituionnelle, individu vest quune caquisse CThomme, son appartenance A un corps politique est nécessaire 2sson épanouissement humain et, ence sens, elle nest pas digne ”

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