Introduction :
L’approchs desphénomn
eociologique è es
politiques
Les techniques d’enquêtes ne sont pas neutres, elles ne fournissent pas que des données (1). Ces
données doivent être articulées autour de théories (2).
La situation d’enquête n’est pas une situation vide : un enquêteur ne se contente pas de récolter
des éléments dans un but neutre. C’est une situation dans laquelle une multiplicité d’agents peut agir.
De plus, l’enquêteur n’est pas seul : il travaille avec d’autres personnes.
Par exemple, lors d’un entretien, le sociologue est face à un enquêté. Ce n’est pas une situation
neutre et toutes les questions ne peuvent pas être posées.
Cette situation peut être le reflet d’une situation de pouvoir. C’est une situation complexe. Le
sociologue doit être conscient de cette complexité pour contrôler le mieux possible ce qu’il fait.
Ex : Derrière les classes d’âge il y a une réalité biologique. Chacun poursuit son cycle de vie sans
discontinuer. Des classes d’ages sont mises en place et sont entrées dans les mœurs. Derrière
ces découpages, un certain nombre de questions peuvent naître.
Au XIIe siècle, il y a un bouleversement majeur dans l’aristocratie. Entre l’adoubement et le
mariage, le noble se situe dans la jeunesse. A cette époque, la jeunesse n’a rien de
biologique. Cette période est élastique car la jeunesse dure jusqu’à ce que le fils succède au
père. Ce laps de temps est mis en place pour que le père garde le plus longtemps possible le
pouvoir sur son fils.
Récolter des données n’est pas une fin en soi : il s’agit de les analyser. Il s’agit d’être capable de
réfléchir à ce que l’on fait : c’est le réflexe du sociologue pour éviter les pièges tendus par le sens
commun.
2) LES ÉCUEILS DE L’EMPIRISME ET DE LA SUPRÊME THÉORIE
Les problèmes traités par le sociologue ne sont déterminés ni par une technique d’enquête, ni par
un méthode de travail.
Pour Mills, il ne suffit pas d’accumuler des données et des enquêtes pour aboutir à une science
de la société. Les méthodes ne construisent pas un problème sociologique.
Selon Durkheim, pour faire de la sociologie, il faut au préalable identifier un problème et le
traiter “comme les choses”. En fait, pour faire de la sociologie, il faut d’abord élaborer des hypothèses
destinées à fournir une enquête. Enfin, il s’agit d’élaborer des théories.
Cependant, selon Mills, il y a un risque de suprême théorie : les hypothèses ne sont pas
élaborées indépendamment de la prise en compte des faits étudiés. Pour Mills, il s’agit “d’un montage
et d’un démontage de concepts”.
On aboutit alors à l’inverse de l’empirisme, qui consiste à se cantonner dans des discussions
arides, des généralisations sans jamais renouer avec les faits.
Il existe donc deux écueils composés de sociologues pensant sans observer (= suprême théorie)
et de sociologues observant sans penser (= empirisme)
Erwin Goffman entend étudier les hôpitaux psychiatriques. Au départ, il a un certain nombre
d’idées en tête.
Pour le sens commun, l’hôpital psychiatrique est un lieu de guérison. Des discours vont
accréditer ou non le caractère thérapeutique de ces institutions.
Ce qui sert d’entrée en matière est la maladie mentale, qui est un phénomène individuel plutôt
qu’un phénomène social. Cette entrée en matière relève peut-être d’autres discours.
Goffman est un sociologue et non un psychologue. Pourtant, ceux qui ont écrit le plus sur le
sujet sont des psychologues.
Goffman opère une rupture avec la vision de l’hôpital psychiatrique. Selon lui, pour en faire
l’analyse sociologique, il ne faut pas commencer par la maladie, mais opérer un détachement du
regard et un changement de perspective : l’aliénation mentale existe, mais l’intérêt est porté sur
l’interné et non sur le fou. En fait, quand on change de perspective, on s’intéresse plutôt à l’aliénation
mentale.
Goffman s’intéresse à un établissement social qui institutionnalise les malades. Il laisse de coté
les raisons de l’internement, c’est-à-dire la maladie. Il opte pour une réflexion sur l’asile comme un
lieu d’enferment des individus.
Ce qui se passe dans l’hôpital est à relier à la théorie des fonctions sociales remplies par un
ensemble d’institutions que Goffman qualifie de totalitaires.
Le concept d’institutions totalitaires regroupe des traits communs à beaucoup d’institutions de
gardiennage et de contrôle totalitaire sur le mode de vie des individus. “Toute institution accapare une
part du temps et des intérêts de ceux qui en font partis et leur procure une sorte d’univers spécifique
qui tend à les envelopper. Mais, parmi les différentes institutions de nos sociétés occidentales,
certaines poussent cette tendance à un degré incomparablement plus contraignant que les autres.
Signe de leur caractère enveloppant ou totalitaire, les barrières qu’elles dressent aux échanges
sociaux vers l’extérieur, ainsi qu’aux entrées et aux sorties et qui sont souvent concrétisés par des
obstacles matériels” (Goffman). Des institutions sont extrêmement enveloppantes et dressent des
barrières aux mouvements des individus.
L’institution totalitaire est “un lieu de résidence et de travail où un grand nombre d’individus,
placés dans la même situation, coupés du monde pour une période relativement longue, mènent
ensemble une vie recluse dont les modalités sont explicitement et minutieusement réglées” (Goffman).
Une institution totalitaire peut être l’asile, la prison, la caserne, le couvent, … C’est un concept qui
peut se décliner.
Il y a une coupure avec l’extérieur, une vie en espace clos, une réglementation de tous les actes
des individus et une séparation entre les gardiens et ceux qui sont gardés.
Ce modèle rend compte d’une multitude de situations. Des invariants structuraux sont mis en
place, permettant la création de ce système. Ce modèle met à jour des systèmes de relation, permet de
décrire des situations, d’expliquer des comportements et d’anticiper des conduites.
L’institution totalitaire est un modèle théorique construit. L’hôpital psychiatrique est
l’incarnation idéale de ce modèle.
Les invariants structuraux conditionnent toutes les facettes de la vie hospitalière. L’organisation
de ces hôpitaux et le comportement des internés sont conditionnés par une double coupure : une
coupure vis-à-vis de l’extérieur et une coupure interne entre les individus et le personnel.
Le malade apparaît alors sous un autre visage : “il est aliéné au second degré par la maladie
parce que la maladie est institutionnalisée dans un espace social dont toutes les caractéristiques lui
imposent les déterminations de la servitude”.
Goffman ne pensent pas que ces hôpitaux soient inutiles. Il est conscient que c’est un lieu de
guérison. Pour lui, les malades y sont enfermés et vont y connaître des servitudes et des souffrances.
Pour certains internés, le problème quotidien consiste en une riposte à cette situation d’enfermement
qui peut être insupportable à vivre.
Pour vérifier ses hypothèses, Goffman s’est engagé dans une enquête de terrain. Il étudie les
relations qui se nouent entre les malades et les surveillants, leurs échanges et les mécanismes de
l’internement.
Son enquête est orientée par des problèmes, par un modèle théorique. C’est la dernière étape de
son raisonnement. Il ne fait pas de descriptions empiriques, mais cherche des informations pour
vérifier ses hypothèses.
Sa démarche illustre les bases méthodologiques de la sociologie : construire un appareil
théorique. Pour parvenir à cet objectif, Goffman n’a pas besoin de décrire des hôpitaux : il construit un
modèle général, qui constitue le bien fondé de sa démonstration.
II) PENSER EN TERMES RELATIONNELS
Penser les liens entre individus est une des taches majeures de la sociologie. Pour s’engager dans
cette voie, il existe l’image du jeu (A), qui permet d’analyser les concepts de configuration et de
champs (B).
C’est un cadre théorique qui peut être utile pour guider l’imagination sociologique. Cela permet
de penser des relations sociales.
Pour penser la structure d’un Etat, il est difficile de partir de l’atome individuel. Il faut penser
comment les individus forment une sorte d’ordre social, ordre formé par l’interconnexion de leurs
actes et de leurs expériences. L’interconnexion est réalisée par les relations d’interdépendance qui
rattachent les individus les uns aux autres.
La solution est de s’appuyer sur des modèles isolant certaines interdépendances en les
simplifiant. C’est une sorte d’expérience mentale.
N’importe quel jeu réel peut fournir un modèle pour mener cette expérience. Ces modèles de jeu
se fondent sur un principe de base : deux personnes ou plus mesurent leurs forces pour voir quelles
sont les chances qu’un joueur puisse l’emporter. On retrouve ces données presque partout.
Ces épreuves évoluent dans le temps. En effet, les individus peuvent s’habituer à un certain
équilibre dans leurs relations de force. Cet équilibre est variable : c’est un élément inhérent à beaucoup
de relations humaines.
De nombreux jeux sont des modèles de relations se basant sur des règles fondamentales.
Un jeu à deux personnes peut constituer un exemple de relations d’interdépendance humaines
simples. Pour ce genre de jeu, un joueur A peut être très fort et un joueur B très faible. A peut avoir
une grande emprise sur B dans le sens où il peut influencer les coups de B. Même si B est faible, il
peut avoir un pouvoir sur A : si B doit s’adapter à A, ce dernier (avant de jouer) doit prendre en
compte ce que vient de faire B. Les deux personnes jouent ensemble et, même s’il y a une différence
de force, elles s’influencent réciproquement. A n’est pas simplement plus fort que B. sa force lui
garantit la maîtrise du jeu pour contrôler le déroulement de la partie.
A et B peuvent aussi être de force moins inégale. Ainsi, A a une influence moins importante sur
B, de même que B a une capacité plus forte. Dans ce cas, aucune des joueurs ne contrôle le jeu.
Le jeu prend la forme d’un processus social. Lorsqu’il n’y a que deux personnes, le jeu est la
réalisation d’une stratégie individuelle. Lorsqu’il y a plusieurs personnes, les interdépendances font
naître un processus que personne n’avait prévu.
Les modèles de jeu peuvent être utiles pour penser les relations sociales. Si on veut comprendre
des relations plus complexes, les modèles de jeux doivent aussi être plus complexes.
Il existe aussi un autre modèle : le jeu à plusieurs personnes s’exerçant sur plusieurs niveaux. A
joue contre B, C, D et E. Le joueur A peut être plus fort que sers adversaires, avec qui il joue
séparément. Dans ce cas chaque partie a sa propre dynamique. Le joueur A exerce sa puissance de
manière séparée sur ses adversaires.
Il y a un autre cas possible : a affronte en même temps tous ses adversaires. Il y a donc qu’une
seule partie. Dans ce cas, si tous les adversaires sont unis, ils vont pouvoir rééquilibrer leurs capacités
d’influence par rapport à celle de A. Il est alors difficile de connaître l’issue de la partie.
Le regroupement est un facteur de puissance. Il provoque l’accroissement du nombre d’acteurs
interdépendants. Cela a deux conséquences importantes :
L’évolution et l’orientation du jeu, moins transparentes que pour un joueur individuel.
Quelque soit la force du joueur, il a plus de mal à maîtriser ce qu’il fait
Dans leur jeu, les joueurs prennent conscience de leur impuissance à dominer et à maîtriser le
jeu
Le jeu à deux étages peut être un processus de démocratisation.
2) LE CARACTÈRE DIDACTIQUE DES MODÈLES DE JEU
Ces modèles fournissent un élément conceptuel. Ils nous permettent d’appréhender les
problèmes sociologiques qui occupent une place centrale dans les relations sociales.
Ex 1 : Le modèle de jeu est au premier plan de la question du pouvoir et occupe une place centrale de
la sociologie. Cette question touche tout le monde car on est plus ou moins pris dans des
relations de pouvoir.
Le pouvoir d’autrui est perçu comme redoutable ou comme suspect. Quelqu’un qui détient le
pouvoir peut obliger les autres à faire ce qu’il ne souhaite pas. Quand on en parle
spontanément, le pouvoir est presque un objet, une substance que certains ont et d’autres pas.
Le pouvoir est une sorte de donnée structurelle des relations humaines. Dans la mesure où nous
dépendons plus des autres, ces derniers ont le pouvoir sur nous. Il faut réaliser une recherche
d’équilibre dans les relations. Ces équilibres peuvent être variés. Les modèles de jeu nous
poussent à regarder les relations de dépendance entre les individus.
Le pouvoir, qui est une force dans le jeu, résulte d’une somme de contraintes, né de toutes les
formes d’interdépendance reliant les hommes entre eux. Le pouvoir devient rationnel et n’est
plus une substance.
Ex 2 : La question de la liberté individuelle. La liberté de chaque individu est inscrite dans la chaîne
d’interdépendance au sein de laquelle les hommes entrent en relation les uns avec les autres.
Ces chaînes délimitent ce qui et à faire ou à ne pas faire.
Les modèles de jeu permettent de conférer un autre visage au pouvoir.
Le jeu est basé sur les intentions d’un joueur fort. Ces intentions permettent de comprendre le
déroulement d’un jeu. Les modèles de jeu permettent de dépasser le modèle de l’acteur rationnel dans
deux directions :
Les interactions intentionnelles peuvent engendrer des conséquences imprévues
Les processus de jeu peuvent suivre leur cours de manière autonome par rapport aux
intentions des joueurs
Ces processus peuvent exercer un véritable pouvoir sur le comportement de chaque joueur. Il ne
faut pas s’en tenir aux intentions et aux stratégies des acteurs.
Les jeux sociologiques sont souvent complexes et peu transparents. Ces modèles de jeu libèrent
notre imagination. Ce sont des cadres théoriques qui présentent des formations sociales et structurées
avec des individus liés par des relations d’interdépendance.
C’est un concept mis en place par Bourdieu : il s’agit d’un espace structuré de positions ou de
postes dont les propriétaires peuvent être analysées indépendamment des caractéristiques de leurs
occupants car ces caractéristiques sont gouvernées par les logiques sociales du champs.
Quelque soit le domaine d’activité considéré, il existe des rapports de force entre les agents qui
font partis de ce domaine. Ces rapports de force sont à l’origine de la formation des différents champs
sociaux.
Chaque champ peut être analysé comme un espace de lutte où s’affrontent des unités en
compétition. Ces luttes confrontent deux grandes catégories d’acteurs :
Les acteurs qui monopolisent plus ou moins complètement le capital spécifique qui fonde
l’autorité (ou le pouvoir) sur un champ
Sur un champ donné, des acteurs détiennent certaines ressources permettant de faire leur
force. Ils sont souvent inclinés à mettre en œuvre des stratégies de conservation
Des acteurs sont moins pourvus de ce capital
Ces acteurs sont des nouveaux venus sur le champ. Par exemple, ils sont plus jeunes que les
précédents et ils sont plutôt inclinés vers des stratégies de subversion
Le champ est une image intellectuelle : le champ social est un espace de relation. Sur ce champ,
les relations sont conflictuelles : une lutte pour la domination de la reproduction de la domination se
joue sur le champ. Les unités en présence, en relation les unes avec les autres, s’affrontent pour asseoir
et accroître leur pouvoir. Les rapports de domination structurent le champ.
Ces luttes ont un effet non intentionnel : sans qu’ils en soient conscients, la plupart des acteurs
sociaux pris dans ces luttes va contribuer à faire exister et à reproduire ce champ à travers leurs
affrontements. Ce phénomène n’est pas forcément perceptible.
Les affrontements contribuent à créer une sorte de croyance dans la valeur de certains enjeux
propres à ce champ. Ces croyances font exister l’espace de relations.
Pour s’engager dans ces luttes, il faut des capitaux spécifiques. Ces capitaux ont un impact sur le
champ. La valeur de certains capitaux est relative : elle est valable uniquement sur certains champs.
L’exercice de conversion des ressources n’est pas nécessairement possible partout.
Les différents champs se constituent à travers le temps : il faut du temps pour qu’un champs
nouveau puisse émerger. La naissance d’un champ renvoie à des luttes historiques. Se pose la question
de l’autonomisation du champ, c’est-à-dire la question des processus. Le champ doit peu à peu se
spécialiser.
Ex : Au Moyen-Age, il n’y a pas de sphère politique : le seigneur rend la justice et de la politique.
Aujourd’hui, il existe des professionnels de la politique, le champ politique étant différent
d’autres champs.
Une fois qu’il est relativement autonome, le champ finit par s’imposer aux individus. Dans ce
cas, on n’a plus conscience d’être pris dans les mailles du champ. Cela implique l’évolution des agents
au sein de ce champ.
Les agents sont socialement disposés à agir dans un champ. Pour Bourdieu, les agents
acquièrent des aptitudes sociales puisqu’ils sont socialisés par leur histoire. Les individus sont
fabriqués par différentes institutions. Cela va aider les individus à s’orienter, à agir, à se conduire dans
le cadre d’interactions futures qui sont constitutives de certains camps.
Cela est lié à la mise en place du concept d’habitus. Selon Bourdieu, chacun est définit par une
position sociale. On appartient à “une classe particulière de condition d’existence”. Des attributs
sociaux sont engagés et façonnent nos façons de penser, d’agir et de voir. Pour Bourdieu, cet héritage
nous prédispose inconsciemment à agir dans tel ou tel champ comme ce champ l’exige. Il y a une sorte
d’ajustement. Les habitus sont des “systèmes de disposition durables et transposables, structure
structurée prédisposée à fonctionner comme structure structurante, c’est-à-dire en tant que principe
générateur et organisateur de pratiques et de représentations qui peuvent être objectivement adaptés à
leurs buts sans supposer la visée consciente des fins et la maîtrise expresse des opérateurs nécessaires
pour les atteindre”.
Pour comprendre ce que sont les acteurs sociaux, il ne faut pas penser ces derniers en termes
rationnels. Pour Bourdieu, toute une série d’expériences sont incorporées, expériences qui nous
orientent.
Pour savoir ce que pensent les gens, il faut savoir ce qu’ils sont. Le concept de champ permet de
penser les tensions, de s’intéresser à des groupes et de rendre intelligible des visions du monde. Cette
manière de penser est rationnelle et cela permet de faire des analyses relationnelles.
2) «FIGURATIONS» ET «CONFIGURATIONS»
Mis en place par Norbert Elias, ce concept permet de penser des relations d’interdépendance.
Elias part d’un constat. Deux options se dégagent quand la sociologie étudie les hommes : la
sociologie se focalise sur les individus et sur des formations sociales. En fait, dans les travaux
sociologiques, deux réalités semblent exister séparément : les hommes d’un coté et la société de
l’autre. Pour Elias, même si ces deux éléments sont différents, ils sont inséparables. Cela a permis à
Elias de forger des concepts incluant à la fois les hommes et la société. La sociologie doit mieux
intégrer ces deux notions.
Dans cette optique, Elias introduit le concept de configuration. Cette notion a plusieurs avantages aux
yeux d’Elias :
Il apparaît possible de ne plus séparer l’image des hommes en tant qu’individus de celle des
hommes en tant que société. Les deux images sont constamment liées
On peut alors éviter de percevoir l’individu et la société comme deux éléments antagonistes
On entend par configuration “une figure globale toujours changeante que forment des joueurs ;
elle inclut non seulement leur intellect, mais toute leur personne, les actions et les relations
réciproques (…). Cette configuration forme un ensemble de tensions. L’interdépendance des joueurs,
condition nécessaire à l’existence d’une configuration spécifique, est une interdépendance en tant
qu’alliés, mais aussi en tant qu’adversaires” (Elias). Cette analyse découle du concept de jeu. Une
configuration est un ensemble dynamique, évolutif. Un équilibre variable de tensions est un point
important de la configuration : c’est une donnée structurelle des configurations.
Les préoccupations de Bourdieu et d’Elias sont très proches, même si les concepts sont
différents.
Le concept de configuration peut être utilisé pour analyser des petits groupes, des configurations
transparentes. Le concept de configuration peut être aussi utilisé pour analyser des ensembles opaques
où les chaînes d’interdépendances sont plus ou moins étendues, plus ou moins complexes, plus ou
moins contraignantes. Cela définit la spécificité de chaque configuration sociale.
Les configurations permettent de voir les interdépendances humaines. Ce concept invite à
chercher les raisons qui relient les individus et qui les entraînent à former des configurations.
L’intérêt pour l’aspect historique des sociétés en liaison avec leur changement est très ancien. On le
trouve dès les premiers travaux des pères fondateurs de la sociologie.
Auguste Comte pense qu’il faut diviser la sociologie selon deux volets :
La sociologie statique permet d’étudier l’ordre
La sociologie dynamique doit tenir une place centrale dans la sociologie afin d’étudier le
progrès, entendu comme la transformation des sociétés à travers l’histoire de l’humanité
Marx et Engels se sont (entre autre) préoccupés de l’origine et de l’évolution de la société
capitaliste. Ils ont cherché à montrer la naissance du capitalisme : il est né d’un affrontement entre des
classes antagonistes. Cette recherche est l’exemple de l’effort pour penser le changement de la société
à la lumière de l’histoire.
Durkheim analyse la transformation de certaines formes de solidarité entre individus. Il observe
que des sociétés plus primitives sont caractérisées par une faible division du travail. Dans ce genre de
sociétés, on est en présence d’une multitude de groupes semblables (famille, clan, tribu). Au sein de
groupes constitutifs de ces sociétés, il y a un type de solidarité qui fonctionne : la solidarité par
ressemblance (ou solidarité mécanique). Ces sociétés sont amenées à se transformer. La division du
travail y est accentuée, accrue, approfondie. Pour fonctionner, les sociétés vont acquérir une diversité
humaine accrue. Cette transformation va avoir un impact sur les anciennes formes de solidarité. Les
groupes ne se ressemblent plus forcément avec ces transformations. De nouvelles formes de solidarité
se mettent en place. La solidarité s’appuie sur le coté complémentaire des groupes (solidarité
organique). Il y a alors une nécessité d’intégrer l’histoire dans le champ de la sociologie.
Weber s’est lui aussi intéressé au capitalisme, mais également au métier d’homme politique. Ses
étudies vont du XVI e siècle au début des années 20. Cela permet de passer en revue différentes formes
en partant de la figure du fonctionnaire princier pour arriver à l’analyse du chef plébiscitaire des
démocraties modernes.
Les sociologues ont travaillé dans une optique dynamique. Ils ont forgé des concepts en se
basant sur l’histoire. Derrière ces réflexions, il y a un effort pour penser la transformation des sociétés
archaïques rurales en sociétés modernes industrialisées. La sociologie s’est retrouvée fortifiée à la
suite de ces analyses en faisant notamment des comparaisons lui permettant des ruptures avec le sens
commun.
L’aspect volontariste de la sociologie doit être nuancé : si les sociologues peuvent se convertir à
l’histoire, cette conversion doit être maîtrisée et contrôlée. La sociologie peut se définir par rapport à
certains acquis. Il ne s’agit pas de renoncer à ces acquis pour l’attrait à l’histoire et il ne s’agit pas de
transformer les sociologues en historiens.
Les méthodes historiques font appel à un certain nombre de modes de raisonnement qui séparent
l’histoire et la sociologie (1).Des caractéristiques peuvent informer la sociologie historique (2).
L’ambition d’Elias est d’analyser une société de l’Ancien Régime. Son entrée en matière est une
formation exemplaire : la cour. Il va jusqu’à parler de « société de cour ». Dans ce cas, on est dans un
système où la cour va structurer la société toute entière, ainsi que les rapports sociaux. Elias se focalise
sur Louis XIV : son règne se confond avec la forme la plus parfaite de cour de l’Ancien Régime.
Lepouvoir
Le pouvoir est un objet classique de la sociologie. La réflexion sur les phénomènes de pouvoir
est très riche. Les grandes civilisations impériales ont donné le jour à des penseurs soucieux de
conseiller les puissants : des penseurs ont très tôt réfléchi à la conquête et à la conservation du pouvoir,
ces penseurs étant proches du pouvoir. Des gens comme Aristote ont développé des critiques
contestataires. Les réflexions développées par ces penseurs continuent d’alimenter les débats (plutôt
philosophiques) sur le pouvoir. Ces réflexions existent toujours, mais se renouvellent. Pourquoi le
pouvoir continue de susciter autant de travaux, d’analyses ? Peut-être parce que cet objet n’engage pas
seulement des arguments d’ordre scientifique. Le pouvoir suscite bien des passions et attise peut-être
certains préjugés. Ce n’est pas une simple question à élucider. Pour cela, le pouvoir mobilise une
tradition d’analyses sociologiques.
I) LE DÉVELOPPEMENT DES RELATIONS DE POUVOIR
L’analyse proposée est un peu particulière car elle prétend ne pas concevoir le pouvoir comme
une chose. L’enjeux est de saisir l’omniprésence du pouvoir dans le cadre d’interactions humaines.
A) LE POUVOIR DANS L’INTERACTION
1) LE REFUS D’UNE APPROCHE SUBSTANTIALISTE DU POUVOIR
Le pouvoir n’est pas une chose, mais le problème est que quand on parle spontanément du
pouvoir, c’est l’image de substance qui s’impose à nous.
On a tendance à confondre les ressources du pouvoir avec la notion même de pouvoir. Il n’existe
pas de pouvoir sans ressource. Le pouvoir est lié à l’exercice de la force, à la richesse, etc…
Pour que le pouvoir se manifeste, il importe que des ressources soient mises en œuvre. Cette
évidence pose problème car si les ressources fondent le pouvoir, elles ne le constituent pas.
Quand nous assimilons le pouvoir d’un acteur aux ressources dont il dispose, cette assimilation
est une erreur substantialiste. Cela revient à réduire le pouvoir à son instrument. Un changement de
perspective est donc nécessaire : c’est en quelque sorte le sens commun qui s’exprime ici.
Une précaution peut être utile : il s’agit d’avoir à l’esprit que le pouvoir n’existe réellement que
quand il s’exerce. Pour se développer, il est nécessaire que des relations se nouent.
Au lieu d’une approche substantialiste, le réflexe est d’opter pour une approche
interactionniste. Cette approche privilégie les relations de pouvoir, les relations d’échange entre les
acteurs. Il y a là un changement de perspective pour dépasser la réduction du pouvoir à une ressource.
Dans cette perspective, on peut faire appel à une tradition sociologique.
Le premier signe de changement apparaît avec Weber (Economie et société). Selon lui, les
pouvoir est “toute chance de faire triompher, au sein d’une relation sociale, sa propre volonté, même
contre des résistances ; peut importe sur quoi repose cette chance”. Weber insiste sur le fait qu’il
s’agit d’une chance au sens de probabilité. Ici, le pouvoir est lié à la domination de la puissance, qui
n’apparaît pas comme une contrainte car elle repose sur la légitimité qui la fonde. Weber nous suggère
que le pouvoir se manifeste souvent dans des situations conflictuelles. Le pouvoir peut s’appuyer sur
des fondements très variés.
La plupart des débats qui s’organisent autour de l’Etat font appel à la définition de Weber. Cette
définition nous alerte aussi sur une chose : la question du consentement à l’exercice du pouvoir.
L’exercice du pouvoir est une force contraignante à un double niveau : le pouvoir peut servir de
moteur de comportement (1) et peut constituer une entrave à la liberté d’autrui (2).
2) LA DOMINATION CHARISMATIQUE
Elle apparaît comme moins rationnelle.
Les deux premières dominations sont des formes rationnelles de domination pour des situations
courantes ; la domination charismatique permet d’atteindre l’extraordinaire. Cet idéal de domination
met l’accent sur les personnes qui exerce la domination.
L’approche de Weber conduit à examiner des situations exceptionnelles de séduction. Le
charisme est “la qualité extraordinaire d’un personnage qui est pour ainsi dire doué de force ou de
caractère surnaturel, surhumain ou, tout au moins, en dehors de la vie quotidienne, inaccessible au
commun des mortels, ou encore qui est considéré soit comme envoyé par dieu, soit comme un exemple
et qui est en conséquence considéré comme un chef”. Weber ajoute qu’une personne dotée de charisme
est en mesure de créer autour d’elle une véritable communauté émotionnelle. Le chef charismatique
exerce une très forte emprise sur ceux qui se soumettent à lui. Weber évoque différents cas de figure :
la domination du prophète sur les disciples, celle du chef d’Etat plébiscitaire sur le peuple, …
Ce qui apparaît clairement est que cette domination s’accorde mal avec l’existence de structures
d’organisations stables : ce qui compte est le rapport direct du leader à la foule. Il n’y a pas besoin de
relais bureaucratiques, ni de normes, ni de traditions pour faciliter l’union chef/peuple. En même
temps, il arrive que des combinaisons soient observées.
Ex : De Gaulle est souvent analysé comme un personnage charismatique. C’est un cas de figure un peu
inédit car il y a un entourage, une administration, … Il peut alors y avoir une réunion de différents
modes de domination.
La domination charismatique peut se développer dans le cadre de règles. L’existence d’un leader
peut s’accommoder avec des institutions. Le fonctionnement quotidien des institutions tend à être
bouleversée par des chefs charismatiques.
2) L’EXEMPLE DU SPORT
De nombreux travaux ont mis en évidence que la pratique et le spectacle du sport permettent la
quête d’émotions, de tensions.
Des travaux concernant le lien entre la violence et le sport sont inspirés par ceux d’Elias.
Nos sports modernes se distinguent radicalement des formes d’affrontements antérieurs : il y a
un abaissement du niveau de la violence autorisée dans les sports modernes.
Au Ve siècle, l’ancêtre de la lutte est le pancras, sport très populaire notamment lors des jeux
olympiques antiques. C’est une lutte au sol qui dure jusqu’à l’abandon d’un des adversaires. Le niveau
de violence autorisée est ici considérable. Certains l’emportent en brisant les doigts de leurs
adversaires ; d’autres se font étrangler. En cas de décès de l’un des adversaires, le survivant est déclaré
vainqueur : il est admis que l’on puisse mourir de son loisir.
Ces jeux olympiques durent plus de 1 000 ans sans que les normes de violence changent. Il en
est de même pour la boxe : dans l’antiquité, il n’y a ni gants, ni catégories.
Le seuil de sensibilité à la violence s’est transformé. Le niveau de violence permise est très
encadré, y compris par l’Etat. Cette évolution est liée à une transformation en profondeur qui conduit à
la pacification des luttes politiques. Le terrain de bataille est alors les élections.
Il y a aussi une évolution sociale, plus ample : la société a un niveau de civilisation plus
développée. La sensibilité à la violence s’est aussi développée : nous sommes moins disposés à
admettre certaines formes de violence.
Le niveau de sécurité physique est lié à l’évolution de l’Etat. Son empreinte s’est aussi faite
sentir dans le sport. En France, le champ du sport est longtemps resté un espace autonome. Ses
activités étaient très cantonnées dans le domaine privé. Il semble que l’Etat ait commencé à
développer ces espaces entre 1918 et 1921 avec la création d’un ministère des sports. Il en est de
même en 1940 avec la création d’un commissariat spécial pour l’éducation sportive. Il y a donc une
étatisation du sport.