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Xavier Papaiis PUISSANCES DE L’ARTIFICE Empirisme Questce que Pemrirsme? On le trouvere dan cet di sion : Je parti pris de Pexpérience, au sens of lexpérience doit toujours se conduire. Cete formule, on voudrat en tracer ls conséquences. Une expérience ne saurait étre simplement recue, comme des objets un suet; elle suppose pour se déples tut ‘parcours aventureax, cement pratique. Gs Got chagus fs un monde ql ve poone ‘Dans ce parcours, la ne se sépare es der puissances auflle met en ure, ‘elle-méme une puissance qui re intensit, tars darhipd pra ease Cte dont elle ala charge : vis naive de Teaprit, qui cherche a dégager d'autres modes d’existence. Force et ceuvre, la pensée ne peut se montrer gua nanan, au polos confondent ence rise et naiveté. De la un. aspect de I'empirisme, une ambiguité eet seas Fema a erent La ruse, c'est la capacité d'artifice, d’outrepassement, la naiveté, c’est Paffirma- tion de limmanence, P'unité de la pensée et ‘et du réel dans l'exp1 Sion dela punsnce. len de formal ni de rex” dane cere attitude : simplement, lle suit cet idee que ln pense et un Berson une force qui s’exerce a méme les étres, une transformation, qui crée & son tour de existence possible. Toujours, elle ne vaut que par ce qu'elle produit. Avec une force gbrupte, Fempirsme se teat dans cee ie, pandoxle, que regton Dele Texpesence de Partifice, e’ iy arCOUTS: Parti ‘est un « cement », un continuum d’intensités. Pour les de I’ ¢, c’était I'« association » '. Par la, ils n’ent t pas jent une association d’idées, mais une création d’uni- vers, une totalité qui se tisse par transition, od les événements ‘communiquent. L’association, c'est 'immanence en tant qu’elle “Voir Hnme, Trité dele nature bumaine, trad. Le Roy, p. 75-80, et Condil- Inc : Essa, 6d. Galle, p, 129-132. 8 ‘XAVIER PAPAIS se construit, expression comme d de poisance. Un tel propos nous méne la naissance du monde, sous les repré- sentations et les codes : la ot le sujet ne se dit pas encore, et ob le sens déborde les objets, forcément, puisqu'll est en attente, et trace lui-méme un devenir. Dans cet espace, on est bien loin de Pintésorté, tout comme des fats matériels : Texpérience, le monde dépend de nous?, ccetimentes, cet done re gux gues, pie tle teak Yest en lui que la pensée produit ses pi svagit Sade mele en Bre ds Cements, bu coulis de ne oon, gue oe prolenger un som co que Fevenement dene ‘Aut en de plus dole que Fettenti A ce qul arrive: de pas ‘aif et de plus rusé. En effet, construire une expérience forme toujours le premier des problémes : il faut du tact, de la finesse, toute une ascése. A travers cette décision, on reconnaft le style guiew de Penpirte, son godt pour le risque et esserage ‘par connexions, associations, son ouvrage peel come dr pei ‘expérience est & construe, & jamais i justifier. Connexions et replis Ainsi, la pensée ne réside pas dans la réflexion, ou la formule, sais dans les pratiques, d'od sortiont, pour autant quelles soient ens des repisoains de fortes, Dsoma,conacence et formulation passent en position dérivée : par rapport a lexpé- Sener i immanence del pratique valent conte dex tt, ds conerétions dane fe champ de Fmmanene. Del suit une profonde méfiance, Scns Sige pore a Yempitame, Si Varifice est toujous pratique, sd construction d'un monde, la pensée ne vaut. que forces ae cpap, do edvenees ce nse pase ou fe atne jc intime, inté- encore moins |’événement : l’ennemi est rieur. Il se trouve dans la pensée elle-méme ‘évent ila es formes opens spre del ou sles, bétise et bassesse? Ea elles, la pensée forme un repli, qui 2. Sos cette datinction de évinament et de Pant des chow, voir les chapi- wes 20, 2 et 24 dela 5. Sara bee lace Difrence pon, 198198 et Net che et le philosophic, p. 8689. 86 PUISSANCES DE L’ARTIFICE marque toujours une perte de puissance. Dans la bassesse et la bétise, elle perd Pévénement, elle finit par ne plus se connecter a rien’ Ces formes triste se reconnaissent ice caractére :leretrait, involution du sens, leur puissance réduite & une réaction *. En elles, Pexpérience n'est Leone, ni construite, elle n'est que ressentic. Aussi, I rde avec méfiance tout ce ui dane le soe, préwnte aspect dune chee gardee, un repl Ou dune rézerve ‘les formules et les codes autonomes, ls repré sentations, les fantémes de Pintériorité. elles sont les puissances mauvaises, ou faibles le ‘monde ne se constfut plus, lorsque ses connexionsimy qu'il laisse derritre lui, comme des scories, des éléments isos, Si Vimmanence ex 2 conse, lors on dot demander comment s'écroule une pensée, comment peut s'effondrer le sens ? L'empiriste répond : lorsque Vartifice échoue, se repic, et nous raméne dans univers des sujets et des objets, univers misé- zl eine pat en, Mal ei eet we acne lus intimidante : qu'est-ce qui permet ’échee d’un ice wb psance on admet quit daze sanemi Tutméme ? & Fertice, ov Pexpésence, peut #affubli, ou ¢autodétruite, ily aurait alors une puissance du Mal, et donc une bréche dans limmanence, Punivocité, dé formules. Acdles, cest tout Vempirisme rat, au profit des duslis- ‘mes de la réflexion, de tous les formalismes ~ sujet et objet, empi- rique et transcendantal, idéal et rée. {ia reponse est pourtant tenace. Avec les grandeurs négetives, cl sete cette quetion source. Lar, le pense De pay "a leur naissance, ‘ils sont transit jets Sone pment Ean ipl (ou moins intenses, comme les rencontres qui les affectent. Hien ql ne peat cuter de pusance du Mal par denon, tune telle puissance serait nulle. La négation ne recouvre rien guiune absence, ce retrait que l'on retrouve, justement, dans la bétise et la bassesse, scories d'une expérience qui n’a pu commen- Seri ee fen tac Nt epopbi 5. I n'y a donc pas de sujet, ou de prt oe aos na ly ds ‘ Berabene Ls mae tone catia, ‘i aed per fy eae ee, eta contre Fito ul procte du mara, des affections Aides, CE Spica. Polaspbie pate, . 982, t Niche el pls, P.O8S4, 1273, 197-200, 87 XAVIER PAPAIS cer. II n'y a jamais que des affiblissements, des rapportsineffec- tifs, a savoir des puissances qui ne trouvent pas leur exercice. ‘Aussi, 'empiriste précise son paradoxe : dans l'expérience, on ug moe jae a ep igs at, cous ho je nous, et pourtant, chacune dépend de nous, comme d'un combar® ion crit en une puissance du Mac juste tment per déhillance, par ddiaut d'unayse, e de délictese. Au principe de tous ls duaismes,formalitmes et ugements mora, $e trouvent toujours deux confusions : le rabertement des diffé- rences sur la négation, et des relations sur les termes séparés, ‘Dans un cas, les prennent un aspect numérique, sou- mis a une logique de classement, en termes de présence et d'absence : on replie les variations continues, les intensités, sur tun ensemble inerte de choses, d'individus, et Punité d'un sujet cgi kes mer et eo es ee. De eat fepec, on confond léxénement et accent; on rele le ens ‘expérience, sur le hasard des rencontres, alors ‘toute expé- ‘eooe consist Juntement a transformer lebwsard © Dans les deux cca, on perd de vue tout le sens du devenir, autrement dit, Fexpé- rience Timmanence est a construire, c'est précisément quelle n’existe pas sur le mode d'un état de choses, discrétes et simultanées ; si Passocation est une puissance, et crée de l'exis- tence, alors les connexions qui emportent les étres les placent dns un eatin qua eat separ, is ne posédaient pas. Critique du jugement ie auigonite Fvinocide Fempliiee Eidie sistemas ca Mel du négatif, dont argument pour cliver lex seo compe un pour dans nce ede Pexpérience de se produite. Cette pensée exprime toujours Ia ~G. Sarle ses du combat, ets distinction par rapport la guerre, voire Cri- ia ni HAG. "7 A cette question, Gilles Deleuze consacre tout lechaptre II de Diférence pki tT pens one de Thins cn, cone de Exel Rec tie sem,chapires 5,20 et 21, 24. er aon le Lope dss, de nement comme « ea ue yt dans Le Bertone ct Cinéma vel 8 Tsure dan x mi cits inteasives, Cf. anal Empirsme et subject p, 2-14, sur eseocatonnisme Yair PUISSANCES DE L'ARTIFICE. faiblesse, elle ne dégege rien. C'est justement derrire elle que se- cache !'Ennemi, et avec lui, les puissances faibles, le miroir de Mineo le regard da jgement. Si Yon s' l'expérience, 'Ennemi, c'est le jus mont, parce el ne produit ren, Comment le dainis? A maniére courante; cest un acte de classement, de sélection, qui. 4 were une fonne bins, parle et coup, ieoduit une force, pour trier et classe les objets. Autrement dit, le ju ne sien d'autre qu'un découpage, une coupe ple, et & travers elle, une image arrétée. Dans ce moment de scission, se dressent Je sujet et Pobjet, comme les produits dun triage. Action fondatrice pour Tunité nominale des corps, des objets et des ensembles, le jugement, pourtant, fds Teac dele freee in penitence de eecopage garantit Vintensité de et Is pertinence du Er elie, un jugement peut ec inderemment inedéquat ou Bese ae ciengte Co a be teptacae je Yacte en soit qui a jugements, est justement lanslyse, déicate ou grossire, l'intensité, faible ‘ou forte, qui les traversent : elles ne lui as, Aussi, 2 dehors de fn coupure’qu'll im ne produit Seu ine consutuc den. Ea intpostat so fone toupee ‘méme, il n'énonce rien, a travers elle, que sa propre reproduc- Hon. Crest Je plus bas degré de Vexpésence. En, derer liew une pensée qui se contente de juger n’exprime rien du tout : dans le miro plat de a réBeions elle ne fait que ignaler soa ora pour Temples le ugement et Eanem, plus bes degre pour l’empiriste, le jugement est I'Ennemi, le plus de Vertis, est file 3¢ tout nouveau mode dexistence jugement et EG Faure. llr celeriac del comaconce Jes platitudes du sens commun et de Ia loi, les hiérarchies orga niques et finalistes, les ordres transcendints : toutes formes de empantig sorpmabnara: Wgitienescaecrpstes ne secetie TO CE Cie ini Pour en ieee eugene), s.Conepeurelt este xt, 20 ero eae deotrn ingen ost ps gue ous amu cote pre actu gu vat pete fit te daningce quien dente apne = i cated spans ‘XAVIER PAPAIS, Antifices et mondes Pourtant, dira-t-on, il faut bien juger, car toute expérience sup- pose une sélection, D’ol cette question : dans le devenir, Comment opérer le tri, sans avoir a juger! Ici, se creuse un plus le paradoxe empirste:'expérience par elle-méme, est Eve, pourva qu'elle soit conduite. Elle ne requiert, pour s'expri- mer, et saffiner, aucun critdre extérieur. Au contraire, le seul critére ne peut étre quiimmanent : est e parcours de Vintensité ‘méme, la ison ou la connexion la plus puissante ". Par ce terme, Temple ne déigne ps une force matric quantiiable mais it d’une expression : tout comme en monie,un ton donne la mesure dun tne tensité dominante désigne une « notion commune » ” par sa disposition & entrer en. résonance avec d'autres. ‘Les événements communiquent & la fagon des intensités musi- gas: pour exten ue eatin, tacent un an qu ne leur . Ceat dire qu’on ne peut, du dehors, impo- ser son unite & Pexpérince, par jugement’ ou synthese. Au contraire, 'unité est toujours transitive: elle n'existe qu’au de l'association, dans la ligne qu’elle dessine entre intensités. II faut dabord trcer la ligne la sele fnalité consste alors dans ajustement, analytique et musical, d'un accord. La puissance secréte de Vantifice, c'est Pidée d'une sélection inteme : la pro- duction, par la seule pratique, d'un accord immanent. Comment se construt un monde ? Prenoas exemple des aven- gles, chers a Diderot, Dans leur cas, c'est tout leppareil du sens commun qui s'est effondré : aucune centrale, aucune finalité ne vient combler I'absence de liison entre leur répertoire ‘Li Ge ine continue, cher 3 Dele, event dan toute es paces seater: re ed [cane Retour amur ne aint pr ecenon oon oy bee hc Nimeel cr plibpBic pa Legit o chap 934 Va bt Lagos de oe a3 ‘Mille Plerevux (a De chournlle») act tout ensemble de mts depen st leroe» 37 90 PUISSANCES DE L’ARTIFICE fern fe tat, et vision qul ert de mode & ceux qui von. probléme qu’ils se posent concerne l’unité Ce a er eee cncerne unite Eu expe Tout leur propos, cest de se faire un territoire, un monde propre, tout en resuant connects au reste des hommes, tout en persistant ie leu langage. Pulsque entre vison et tet, aucune linson cte ne peut s'établir, on pourrait penser que les aveugles res- feront ‘dans ub monde inctrain, fantomatique, des idées inadéquates et tron tentatives ratées. Pour- tant, rien de plus délicat, de plus incisif que leur pratig tact est assez fin pour suppléer a tout. Sans doute, il est sr que des connexions restent impossibles, mais il sagit de auiexitent pas pour eux. Pr exemple éleion d'un miroir quand on éprouve toute chose par In polpe de oes dota. ?Pourtant, en cherchant & percer le mur, Taveugle aura cette formule éblouissante : c'est « une m qui met les choses en relief loin d'elles-mémes...». Méme si un miroir est plat, méme si ’intuition, Ia donation, n'est pas possible, la traduction s'avére rigoureusement exacte. Et de fait, en dehors des purs phénoméncs optique qui échappent a st puissance Yaveugle parvient & retracer les connexions des autres dans sa propre langue. Par su , il recrée pour son propre monde l'univers du visible. Ainsi, Nicholas Saunderson, et géomitre, se construsit une machine i calculer palpable : pour remplacer notations et tracés, il imagine une arithmétique et une séométrie pour les doigts. Dans ce parcours artificieux, naif et rusé, le monde se reconstruit par extension, transposition, recou- pases, Cent de dence : bor, gure champ de ‘expérience ne préexiste pas au parcours Ini-méme, Y'unité ne se montre qu’au détour de Pinvention, quand la puissance s'exerce. Le second aspect, c'est qu'un ordre final n’est pas nécessaie, pourva qui y ait du tact : une puissance danalyse, qui suit les variations d'intensité ¥. Pour V'aveugle, le tact, c'est le notion commune, le film de trame, Pintensité dominante qui entre en résonnance avec tous les ordres sensibles, c'est la rirournelle qui vient tracer le terrtoire. Il suffi de cette dominant, il suffit du DAS etre ue 8 Fae de cee ie, 6, Vi, in: Buors phlorpbiqus, Carne, ibs «Seahdeon wpe dene pe psa; cee eneloppe Et done en i

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