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La profession comptable à

l’écoute de ses clients:


Etude de cas de
développement du
conseil
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Olivier Voyant

Gestion 2000
Recherches et Publications en
Management A.B.S.L.
Olivier Voyant,
Maître de Conférences, Université Lumière Lyon 2,
Membre de l’ISEOR, France.

La profession comptable à
l’écoute de ses clients
- Etude de cas de développement du
conseil -

L ’évolution de la profession comptable est un thème majeur régulièrement abordé


dans des colloques, des revues, sans parler des nombreux projets actuellement en
cours, qui ont pour objet principal de faire avancer la réflexion sur la voie du chan-
gement.
Mais si cette profession a beaucoup évolué depuis 1945, date de sa création, elle n’en
reste pas moins confrontée au défi du changement imposé, entre autres, par les con-
traintes actuelles et futures du marché. En effet, les entreprises clientes, tout en exerçant
un rapport de force permanent avec les cabinets sur la réduction des coûts, intègrent
progressivement des activités comme la saisie comptable, pour lesquelles la valeur
ajoutée créée par le cabinet n’apparaît plus suffisante pour justifier son intervention et
donc son coût ; d’autres menaces se font jour, ainsi et pour n’en citer qu’une, la déré-
gulation prochaine des activités liée à l’ouverture sur l’Europe apparaît comme un défi
majeur à relever.

A partir de ce constat, cet article porte l’environnement d’un cabinet d’exper-


une attention spécifique sur la nécessi- tise-comptable.
té pour la profession de se mettre à
l’écoute de son environnement, et plus Problématique du
particulièrement de ses clients. Pour
cela, nous avons souhaité présenter
cabinet d’expertise-
certains résultats expérimentaux de comptable
notre recherche doctorale (Voyant,
1997). Ces résultats, opérationnels, C’est au cours de notre deuxième
concernent l’identification et le déve- année de recherche que nos travaux1
loppement des pratiques d’écoute de ont été réalisés au sein d’un cabinet

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d’expertise-comptable. Créé en 1975, – mettre en place deux produits de


ce dernier assure des missions d’ex- conseil permettant, pour le premier,
pertise-comptable et de commissariat d’apporter aux clients-commerçants du
aux comptes. Situé en Rhône-Alpes, il cabinet un tableau de bord de pilota-
emploie 15 personnes pour un chiffre ge de leur activité mensuelle; pour le
d’affaires de 5,2 millions de francs. second, d’élargir la prestation clas-
sique “taxe professionnelle” pour per-
En mai 1996, après plusieurs années mettre aux clients, entre autres, une
d’efforts pour inciter les collaborateurs meilleure gestion de leur trésorerie;
du cabinet à faire évoluer leur com- – créer un manuel commercial pour
portement à l’égard des clients, la stimuler les actes de vente des
Direction nous a proposé de: “Conce-
membres du cabinet;
voir un système afin que toutes les in-
– élaborer un processus de création
formations prélevées au sein des entre-
de nouveaux produits.
prises clientes soient exploitées et per-
mettent, le cas échéant, d’identifier de
Pour répondre à chacun de ces objec-
manière visible des missions de conseil
tifs, six séances de travail ont été orga-
pouvant faire l’objet d’une facturation
nisées de septembre à décembre
en marge des prestations tradition-
1996. La mise en oeuvre des solutions
nelles”. Après plusieurs entretiens avec
retenues s’est faite en 1997. Nous pré-
la Direction, nous avons convenu de la
sentons ci-après, de manière succincte,
nécessité de conduire un diagnostic
permettant d’identifier les pratiques
d’écoute de l’environnement du cabi- 1 Ces travaux constituent une recherche-inter-

net. Cette action a été réalisée entre vention sur une base expérimentale initiale
d’une dizaine d’entreprises, approfondie ensui-
mai et septembre 1996. Elle nous a te sur six cas. Notre première base expérimen-
conduit à rencontrer en entretiens indi- tale, pour laquelle nous avons rencontré plus de
viduels approfondis les trois membres 100 dirigeants et cadres de PME-PMI et réalisé
de la Direction et l’ensemble de leurs plus de 1 500 heures de travaux, nous a permis
d’expérimenter un guide d’entretien permettant
collaborateurs (six personnes). Après d’identifier les pratiques d’écoute de l’environ-
un traitement et une analyse des infor- nement. La seconde base expérimentale, qui
mations recueillies, une présentation correspond à notre deuxième année de
recherche, pour laquelle nous avons rencontré
orale du diagnostic a été réalisée,
un peu plus de 60 personnes et réalisé plus de
d’abord à la Direction, puis à l’en- 1 000 heures de travail, a contribué à l’enri-
semble des personnes interviewées. chissement et à l’évolution de notre guide d’en-
Suite au diagnostic, nous avons mis en tretien, mais également à introduire une dyna-
mique de changement par la mise en place de
place un groupe de projet dont les
groupes de projet. L’ensemble de ces travaux a
objectifs ont été les suivants: eu pour objectif d’esquisser quelques réponses
à l’hypothèse de travail suivante: “L’identifica-
tion et le développement d’un système d’écoute
de l’environnement des PME-PMI peuvent contri-
buer à accroître leurs performances écono-
58 miques, sociales et organisationnelles”.
La profession comptable à l’écoute de ses clients
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la méthodologie de diagnostic mise en 1987). Si nous considérons, au regard


place ainsi que les résultats obtenus au du thème étudié, qu’il est nécessaire
sein du cabinet d’expertise-comptable. de rencontrer les acteurs impliqués
pour identifier le système d’écoute de
L’identification des l’environnement existant, ainsi que ses
pratiques d’écoute de dysfonctionnements et les suggestions
permettant de renforcer ses perfor-
l’environnement mances, nous avons été amené à faire
un choix quant à la sélection des
La méthodologie de “acteurs impliqués”.
diagnostic
Dans le cadre des PME-PMI, nous nous
Les méthodologies de diagnostic pro- sommes rendu compte que le système
posées par la littérature et les prati- d’écoute de l’environnement était
ciens semblent principalement reposer, essentiellement alimenté et piloté par
pour la phase de collecte de l’informa- la Direction, voire parfois par le
tion, sur la méthode d’interview des Directeur uniquement. Cette situation
personnels de l’entreprise. Ainsi, l’ins- semble traduire un paradoxe. En effet,
titut2 dans lequel nous menons notre si la Direction souhaite contrôler la
recherche considère le diagnostic prise de décision et la collecte de l’in-
socio-économique pratiqué comme formation (Julien, 1994), elle semble
une “phase d’écoute de tous les “souffrir” du manque de sensibilisation
acteurs impliqués. En effet, chaque de ses collaborateurs aux enjeux que
individu, quels que soient son emploi représente le système d’écoute de l’en-
et son niveau hiérarchique, est témoin vironnement. A défaut de les impliquer
de dysfonctionnements: il en pro- dans la prise de décision stratégique,
voque, il en subit, mais il est aussi en la Direction semble considérer que
mesure d’émettre des suggestions, par- l’ensemble des acteurs de l’entreprise
fois très concrètes, pour réduire ces doit participer à la surveillance de l’en-
dysfonctionnements” (Savall et Zardet,
vironnement puis à la mise en oeuvre
des actions stratégiques retenues.
2 Notre institut de rattachement est l’ISEOR
(Institut de Socio-économie des Entreprises et Partant des pratiques où les acteurs-
des Organisations). Créé par Henri SAVALL en
1973, ce centre de recherches en sciences de clés du système sont essentiellement
gestion pratique des recherches dites “démar- présents au sein de la Direction et où
che socio-économique” fondées sur une métho- cette Direction souhaite que les colla-
de de recherche-intervention ou recherche-expé-
borateurs s’investissent plus fortement
rimentation. Ces recherches, qui ont une visée
descriptive, explicative et prescriptive, consis- dans la démarche d’écoute de l’envi-
tent à produire des résultats d’intention scientifi- ronnement, nous avons souhaité élar-
que par des méthodes de “terrain”, c’est-à-dire
fortement ancrées au sein des entreprises et des
organisations. 59
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gir le cercle “classique” pour y inté- ses travaux, Jamboué (1995) définit
grer, en plus de la Direction, l’en- plusieurs types d’entretiens utilisables
semble des acteurs y étant rattachés. dans un contexte de recherche en
Après avoir réalisé plus de cent-soixan- Sciences de Gestion. Selon l’auteur,
te entretiens dans seize entreprises dif- les entretiens sont en général classés
férentes, cet élargissement du cercle selon leur degré de directivité et l’on
nous a semblé contribuer à la sensibi- en distingue habituellement trois caté-
lisation des collaborateurs à l’écoute gories.
de l’environnement, mais également
combattre le cloisonnement existant – L’entretien non-directif: le chercheur
entre ces derniers et la Direction. propose un thème que l’interviewé
Schématiquement, la population ren- développe à sa guise.
contrée au sein de nos bases expéri- – L’entretien semi-directif: le cher-
mentales et composant l’espace géo- cheur aborde une série de thèmes à
graphique des acteurs impliqués dans l’aide de questions préparées, mais
le diagnostic peut être représentée de auxquelles l’interviewé peut répondre
la manière reprise dans la Figure 1. librement.
La technique centrale choisie pour – L’entretien directif: il s’agit de pro-
mener notre diagnostic étant l’entre- poser à l’interlocuteur une série de
tien, il paraît nécessaire de définir le questions pré-élaborées en lui soumet-
type d’entretien le plus approprié et le tant des réponses-types (cet outil peut
plus compatible avec le type de donc être rapproché d’un questionnai-
recherche entrepris. Dans le cadre de re réalisé oralement).

Figure 1: Espace géographique des acteurs impliques dans le diagnostic

Acteurs Acteurs
impliqués dans DIRECTION impliqués dans
le système le diagnostic du
d'écoute de CADRES système
l'environnement d'écoute de
MAITRISE l'environnement
TECHNICIENS
OUVRIERS ET EMPLOYES
Source: adapté ISEOR (90)

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- Etude de cas de développement du conseil -

En matière d’écoute de l’environne- Le guide (Figure 2) que nous avons éla-


ment, l’entretien semi-directif semble boré permet d’interroger les acteurs de
correspondre à la catégorie dominan- l’entreprise en entretien semi-directif
te avec, en fonction des auteurs, un sur l’ensemble de huit thèmes retenus
guide d’entretien spécifique. Ainsi, pour nos travaux.
Lesca (1992) propose un logiciel
expert comportant un état des lieux sur Avec les quatre premiers thèmes, il
les thèmes de veilles commerciale, s’agit de faire s’exprimer les acteurs
concurrentielle, technologique et des sur la qualité du positionnement de
pistes de progrès sur le style de la l’entreprise sur les axes produits, mar-
direction, la formalisation de l’écoute chés, technologies et potentiel humain.
prospective de l’environnement, les A chaque intersection entre un acteur
sources d’information, la transmission stratège et un axe de l’objet straté-
d’information, l’utilisation stratégique gique correspond une question. A titre
et la motivation du personnel. Pour d’exemples, “X1” peut correspondre à
l’ARIST (1996), le diagnostic porte sur la question “Que faites-vous pour assu-
trois grandes questions que sont l’in- rer à vos clients des produits de quali-
fluence de l’environnement, le mana- té ?” ; X2 à la question “Que mettez-
gement et les décisions, la pratique de vous en place pour que vos fournis-
l’information sous quatre angles diffé- seurs contribuent à la qualité et/ou
rents: les fournisseurs et les parte- aux coûts de vos produits ?” ; “X3” à
naires, les technologies et savoir-faire, la question “Comment identifiez-vous
les clients et les concurrents. les produits de vos concurrents ?”.

Au travers de ces deux approches, Les thèmes transversaux proposés ser-


nous pouvons observer que les thèmes vent à identifier des actions mises en
cités concernent aussi bien les acteurs place qui ne peuvent être affectées à
stratèges (clients, fournisseurs, concur- l’un des quatre premiers thèmes. Ainsi,
rents, ...), l’objet stratégique (commer- certaines informations obtenues en
cial, technologie, ...) que l’organisa- cours d’entretien ont pu être directe-
tion elle-même (sources d’information, ment rattachées à des axes alors que
transmission de l’information, ...). d’autres décrivent le système de maniè-
re plus générale. A titre d’exemple, la
Suite à ce constat, nous avons propo- phrase suivante “La vigilance sur les
sé aux entreprises le guide présenté ci- produits de nos concurrents s’exerce
après alliant à la fois les acteurs stra- par la lecture de rapports provenant
tèges, l’objet stratégique et les diffé- des entreprises avec lesquelles nous
rents systèmes composant le système sommes en partenariat” a été imputée
de veille stratégique. au thème 1 sur la vigilance sur les pro-

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Figure 2: Guide d’Entretien

ACTEURS STRATÈGES

OBJET STRATÉGIQUE Clients Fournisseurs Concurrents Institutions

c Thème 1 Force X1 X2 X3
Produits Faiblesse X1 X2 X3
c Thème 2 Force
Marchés Faiblesse
c Thème 3 Force
Technologies Faiblesse
c Thème 4 Force
Potentiel Humain Faiblesse
THÈMES TRANSVERSAUX
c Thème 5: Système d’Information
c Thème 6: Système de Planification
c Thème 7: Système de Contrôle de Gestion
c Thème 8: Système de Prise de Décision décentralisé et synchronisé

duits alors que la phrase “La collecte été obtenus par une synthèse des
des informations est principalement forces et des faiblesses soulignées
faite par les vieux limiers de l’entrepri- dans le cadre des entretiens, puis par
se; il faudrait l’élargir à l’ensemble des une analyse du chercheur validée par
personnes qui se déplacent et surtout les membres de la Direction. Au terme
travailler sur une recherche d’informa- de cette présentation, nous présentons
tion sélective, orientée: que doit-on sur- une synthèse des principales forces et
veiller?” a été imputée au thème 5 rela- faiblesses des pratiques du cabinet.
tif au système d’information.
Les produits
La présentation des
résultats expérimentaux Si la Direction semble avoir été l’une
des premières à réagir et à s’interroger
Les résultats expérimentaux présentés face à la nécessaire mutation du
ci-après concernent le traitement des métier, il n’en reste pas moins qu’elle
matériaux relatifs au diagnostic du éprouve des difficultés face à la mon-
cabinet d’expertise comptable. Ils ont tée de l’exigence des clients. Cette der-

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nière conduit à la nécessité d’une révi- riels proposés aux clients: cette vigi-
sion complète des produits offerts et lance sur la rentabilité des produits de
des relations entretenues avec la clien- conseil pourrait, en effet, s’avérer être
tèle. une source de satisfaction des clients,
car elle apporte des arguments démon-
Tout d’abord, la comptabilité est per- trant l’intérêt économique de ce type
çue par les clients (voire souvent par de produits. Enfin, concernant la rela-
les collaborateurs du cabinet) comme tion des membres du cabinet avec
une réponse aux obligations fiscales et leurs clients, il apparaît nécessaire de
non comme un outil de gestion, d’où la développer et de renforcer les contacts
recherche d’un abaissement du coût pour s’assurer de leur satisfaction. Par
de la tenue des comptes, des déclara- là même, ils se mettront dans une posi-
tions fiscales, des états de fin d’année tion favorable pour répondre à leurs
et de la gestion sociale. Face à ce attentes, en traitant notamment l’en-
constat, il apparaît nécessaire de faire semble de leurs réclamations. Or, le
émerger à partir des produits tradi- flou entre demandes de renseigne-
tionnels les prestations de conseil dif- ments et réclamations est souligné.
fuses réalisées puis, conformément aux
“alertes” faites depuis des années par Au sujet de la concurrence, le point
l’Ordre des experts-comptables, de les majeur évoqué concerne la mise sur le
développer afin qu’elles puissent, pro- marché de produits à faible tarification
gressivement, pallier la réduction du répondant à la pression des clients.
chiffre d’affaires liée aux prestations Ces baisses de prix “sauvages” ont été
traditionnelles. Outre un travail de visi- identifiées par la Direction et l’enca-
bilité et de développement de ces pres- drement du cabinet comme étant une
tations, il s’avère nécessaire pour le
réponse possible aux clients au travers
cabinet de mettre en place un cata-
d’une détérioration de la qualité des
logue interne des produits faisant
produits livrés. A priori, cette non-qua-
apparaître les missions traditionnelles,
lité est non-visible. Toutefois, elle peut
les produits de conseil créés et les pro-
avoir d’importants effets pervers si l’en-
duits à développer. Pour les produits
de conseil créés ou en voie de déve- treprise fait l’objet d’un contrôle. Ce
loppement, il semble nécessaire de les faisant, la Direction du cabinet a pré-
accompagner d’une facturation com- cisé que les travaux réalisés ne
plémentaire distincte des facturations devaient en aucun cas souffrir d’un
liées aux missions de “base”. Pour manque de qualité et que cette “com-
cela, un des membres du cabinet a pétition” légitimait d’autant plus la
souligné l’importance de l’étude de nécessité pour le cabinet de renforcer
rentabilité des investissements immaté- ses actions auprès des clients.

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Les actions suivantes ont été identi- stratégique qui consisterait à trop “col-
fiées. Elles concernent tout d’abord la ler” au métier traditionnel sous prétex-
nécessité pour le cabinet d’introduire, te d’une lecture rigide de la réglemen-
au sein de sa structure, un processus tation. Il conviendrait en réalité de
lui permettant à la fois d’identifier les s’appuyer sur le métier traditionnel
futurs produits à développer, mais éga- comme sur un tremplin, pour rebondir
lement de les faire évoluer en fonction loin en avant et innover sur les métiers
des contraintes imposées par la régle- et les produits afin de satisfaire les
mentation et les moyens humains et besoins des clients.
financiers disponibles. De plus, il est
demandé de développer une forte Les technologies
réactivité par rapport aux demandes
des clients sans pour autant oublier les Les évolutions technologiques des
étapes préalables à la réalisation des années 80 avec l’apparition de l’infor-
travaux avec, notamment, la descrip- matique et les difficultés financières
tion du produit attendu (cahier des rencontrées par le cabinet ne semblent
charges), la date de livraison prévi- pas inciter ses membres à mettre en
sionnelle du produit, mais aussi, le place des activités de vigilance tech-
montant de la facturation envisagé. nologique. Cette situation, si elle sem-
Enfin, le choix des produits à dévelop- ble “acceptable” à court terme, devra
per doit, compte tenu des réductions évoluer à moyen et long termes pour
de charges déjà réalisées au sein du anticiper l’arrivée sur le marché de
cabinet et des difficultés rencontrées, nouvelles technologies permettant, par
assurer des prestations à forte valeur exemple, de modifier profondément les
ajoutée. Cet apport de valeur ajoutée modes de transmission d’information
apparaît, en effet, comme une garan- entre le cabinet et ses clients (échange
tie pour le cabinet de dégager, sur les de données informatisées, ...). Par
produits de conseil, des marges supé- conséquent, il conviendrait de mettre
rieures aux produits traditionnels et en place une politique d’investisse-
donc d’obtenir un accroissement signi- ments diversifiée avec, notamment,
ficatif de son chiffre d’affaires. des investissements de renouvellement,
de croissance, de développement et
Les marchés de productivité (Laridan, 1998).

L’introduction des prestations de con- Le potentiel humain


seil pose le problème du positionne-
ment du cabinet par rapport à ses Des efforts ont été entrepris par la
métiers d’origine. On peut, en effet, Direction du cabinet pour introduire le
noter un risque d’erreur d’orientation changement au sein du cabinet. Ces

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efforts n’ont pas été suivis d’effets changement soulignée par les mem-
majeurs et la capacité de mobilisation bres du cabinet (de ne pas être capa-
du potentiel humain du cabinet appa- ble, de se remettre en cause, ...), des
raît nettement insuffisante. La nécessité difficultés dans leur rapport à l’argent
de fixer à chacun des membres des ont été identifiées. Sujet tabou par
objectifs-contraintes faisant l’objet d’un excellence, cette gêne rend difficile le
pilotage régulier pour mesurer les évo- passage à l’acte pour la vente des pro-
lutions s’est donc imposée. Il est appa- duits de conseil du cabinet, car les
ru également nécessaire de préciser membres n’osent pas “réclamer” d’ho-
que ces évolutions ne pouvaient plus noraires complémentaires. Par voie de
ressembler à de simples frémissements. conséquence, la vente de ces produits
Ces dernières doivent s’inscrire dans s’avère à son tour devenir un sujet
une véritable prise de conscience acti- tabou. Pourtant, la démonstration a été
ve de chacun. faite à plusieurs reprises par la profes-
sion que leur mise en place pourrait,
Pour cela, les membres du cabinet évo- non seulement assurer un chiffre d’af-
quent des expressions nouvelles com- faires complémentaire significatif aux
me le fait d’«être son propre entrepre- cabinets, mais également renforcer
neur»: cette notion fait référence à la leur image de conseiller auprès des
nécessité de développer de nouveaux clients par l’apport de produits à forte
produits, de les vendre, de les produi- valeur ajoutée. Si le problème com-
re et enfin de les faire payer. Des mercial du cabinet trouve sa source
doutes apparaissent également avec, dans la difficulté du passage à l’acte
notamment, la Direction qui s’interroge des membres pour des facteurs com-
sur le courage (courage de dire et de portementaux, il n’en demeure pas
faire) et la loyauté (mise en oeuvre de moins que les problèmes organisation-
la stratégie de l’organisation à laquel- nels observés constituent également un
le on appartient) professionnels de ses handicap. Sur ce point, il apparaît
collaborateurs. Si les membres du nécessaire d’identifier les porteurs des
cabinet reconnaissent unanimement actions commerciales et, plus généra-
qu’il est nécessaire de changer, les lement, de définir une politique com-
appels de la Direction restent vains. merciale actuellement déficitaire et
portée principalement par les mem-
Face à ces comportements, et indé- bres de la Direction.
pendamment de la prise de conscien-
ce collective et des volontés affichées Le système d’information
par la Direction, il s’est avéré néces-
saire de rechercher des causes des dif- L’efficacité du système d’information
férents blocages. Outre la “peur” du de l’entreprise apparaît réduite princi-

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Gestion 2000 5 septembre - octobre 1999

palement du fait d’un cloisonnement reprises, explicitée aux collaborateurs.


entre les différents services. La logique Toutefois, la stratégie reste dans les
de groupes (services) relativement “têtes” des membres de la Direction et
indépendants, héritage du passé, n’est pas traduite par écrit sur des
semble en effet se traduire par un plans stratégiques et opérationnels.
manque de communication, de coordi- Cet état de fait renforce la non-sensibi-
nation et de concertation au sein du lisation des acteurs et, donc, la non-
cabinet. Face à ces dysfonctionne- atteinte des objectifs fixés par la
ments, il pourrait s’avérer utile de s’in- Direction.
terroger sur les synergies intergroupes
à développer au sein du cabinet, tout Le système de contrôle de gestion
en respectant le secret professionnel et
le devoir de discrétion propres à cha- Le système de contrôle de gestion n’a
cun des groupes. En l’état, le système été à aucun moment abordé par les
d’information du cabinet est constitué personnes interviewées. Ce résultat
de sous-systèmes d’information décon- provient du tabou évoqué précédem-
nectés entre eux et donnant majoritai- ment sur l’argent, mais également du
rement la priorité à l’information finan- fait que les activités du système n’étant
cière au détriment d’informations qua- pas identifiées et traduites par écrit,
litative et quantitative. De plus, l’utilité l’évaluation de leurs performances
de ces informations dans une optique souffre d’un manque de référentiel.
d’exploitation d’écoute de l’environne-
ment est à remettre en question car Le système de prise de décision
elles apparaissent trop souvent rétros-
pectives et introverties. Partant, elles La prise de décision souffre d’un
paraissent peu pertinentes pour posi- manque de structuration organisée des
tionner un cabinet qui serait à l’avenir contacts au sein du cabinet, avec
davantage tourné vers l’extérieur et le notamment l’absence d’une typologie
futur. des réunions permettant de trouver un
équilibre entre trop et pas assez de
Le système de planification réunions: Quelles sont les réunions
techniques, de management, d’infor-
La non-connaissance de la stratégie mations ? Quelle est leur durée ? Qui
par les membres du cabinet s’explique- sont leurs participants ?, etc.
t-elle par le manque de stratégie du
cabinet ? Nous pensons, au regard De plus, et concernant les décisions
des contacts que nous avons eus avec prises, elles semblent manquer de
la Direction, qu’une stratégie est bien concertation (“La stratégie du cabinet
présente et qu’elle a été, à plusieurs est définie par la Direction, c’est son

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La profession comptable à l’écoute de ses clients
- Etude de cas de développement du conseil -

rôle; cependant, on pourrait nous de- fait ou propose pour se positionner


mander notre avis sur des choix straté- sur son environnement”.
giques comme le fait de lancer des
produits de conseil et ce, même si le Ensuite, l’ensemble des faiblesses cor-
choix final revient à la Direction”) et respond à l’identification de dysfonc-
n’indiquent pas clairement la place tionnements sur lesquels l’entreprise
que doit prendre le développement pourra travailler pour développer son
des produits de conseil dans la straté- système. L’imputation d’un point ma-
gie du cabinet (“La politique du cabi- jeur sur les cases “Faiblesses” répond
net manque de consignes, on aimerait à la question suivante:
parfois facturer certaines prestations “Qu’est-ce que l’entreprise
de conseil mais on n’ose pas”). Pour- ne fait pas pour se positionner sur
tant, des décisions claires sont néces- son environnement”.
saires pour assurer une activation plus
forte des acteurs stratèges du cabinet: Après avoir réalisé au sein de nos
ces derniers doivent prospecter et entreprises-partenaires un diagnostic
exploiter les informations recueillies de permettant d’identifier les forces et fai-
manière à vendre, produire et faire blesses de leur écoute de l’environne-
payer de nouvelles prestations, sans ment, nous avons été amené à mettre
quoi les démarches de prospection et en place, pour chacune d’entre elles,
d’exploitation ne dépasseront pas le un groupe de projet permettant d’en
stade du coût. assurer le développement. Dans ce
cadre, le diagnostic joue un rôle essen-
Synthèse des points majeurs du tiel. Il constitue une véritable plate-
diagnostic forme de travail écrite, stabilisée et
datée permettant de définir des priori-
La fiche synthétique des résultats pré- tés de développement du système à
sentée à la Figure 3 recense les princi- mettre en place, mais également de
pales forces et faiblesses des pratiques “mettre en appétit” les acteurs pour qui
permettant d’être à l’écoute de l’envi- le diagnostic aura été un véritable
ronnement. révélateur des enjeux d’un tel système.
Certes, la perspective d’un projet reste
L’ensemble des forces recensées consti- synonyme d’efforts et de craintes pour
tuent autant de points sur lesquels l’en- les acteurs, il n’en reste pas moins que
treprise pourra s’appuyer pour déve- sa mise en place s’avère préférable à
lopper son système. L’imputation d’un la “mise au placard” du diagnostic.
point majeur sur les cases “Forces” Cette expression, souvent rencontrée
répond à la question suivante: au cours de nos expérimentations,
“Qu’est-ce que l’entreprise semble traduire une pratique courante

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Figure 3: Synthèse des points majeurs du diagnostic

ACTEURS STRATÈGES

OBJET STRATÉGIQUE Clients Fournisseurs Concurrents Institutions

Thème 1 Forces • IDENTIFICATION DES PRODUITS DES CONCURRENTS


• IDENTIFICATION DE LA POLITIQUE DE TARIFICATION DES PRODUITS DES CONCURRENTS
• EVOLUTION DES PRODUITS REALISEE AFIN DE S’ADAPTER A L’EVOLUTION DE LA DEMANDE
• NIVEAU DE QUALITE DES PRODUITS JUGE TRES SATISFAISANT

Produits Faiblesses • MANQUE DE CREATION DE NOUVEAUX PRODUITS


• MANQUE D’ECOUTE DES CLIENTS
• MANQUE DE FORMALISATION DES PRODUITS
• MANQUE D’APPROFONDISSEMENT DES NOUVEAUX PRODUITS CREES
• MANQUE D’IDENTIFICATION DES COÛTS

Thème 2 Forces • EFFORTS REALISES POUR SORTIR DES MARCHES TRADITIONNELS

Marchés Faiblesses

Thème 3 Forces • BONNE INTEGRATION DES EVOLUTIONS INFORMATIQUES


• ABONNEMENT A DES REVUES POUR DETECTER LES EVOLUTIONS DU METIER

Technologies Faiblesses • AUCUN POINT MAJEUR N’A ETE IDENTIFIE

Thème 4 Forces • AUCUN POINT MAJEUR N’A ETE IDENTIFIE

Potentiel Humain Faiblesses • MANQUE DE RESPONSABILISATION DES PERSONNELS


• MANQUE DE COMPETENCES
• MANQUE D’IMPLICATION DU PERSONNEL FACE A LA CRISE
• MANQUE DE CLARTE DANS LA REPARTITION DES ROLES DE CHACUN

THÈMES TRANSVERSAUX
Thème 5 Forces • FORTE VIGILANCE SUR L’EVOLUTION DE LA PROFESSION

Système Faiblesses • UN RENFORCEMENT DES STRUCTURES EST NECESSAIRE


d’information • NON-UTILISATION DES SUPPORTS DE REMONTEE DE L’INFORMATION
• MANQUE D’EXPLOITATION DES INFORMATIONS
• NON-CIRCULATION DE L’INFORMATION STRATEGIQUE
• MANQUE DE RETOUR DE L’INFORMATION REMONTEE

Thème 6 Forces • AUCUN POINT MAJEUR N’A ETE IDENTIFIE

Système de Faiblesses • NON-CONNAISSANCE DE LA STRATEGIE DU CABINET


Planificaiton

Thème 7 Forces • AUCUN POINT MAJEUR N’A ETE IDENTIFIE

Système de Faiblesses • AUCUN POINT MAJEUR N’A ETE IDENTIFIE


Contrôle de
Gestion

Thème 8 Forces • REALISATION D’UNE REUNION HEBDOMADAIRE POUR SE CONCERTER ET SE COORDONNER


SUR LES PROBLEMES RENCONTRES

• REALISATION D’UNE REUNION HEBDOMADAIRE POUR METTRE LES IDEES DE CHACUN EN


COMMUN

Système de Faiblesses • MANQUE DE COORDINATION ENTRE LES GROUPES POUR IDENTIFIER LES NOUVEAUX
Prise de PRODUITS A METTRE EN PLACE
Décision • MANQUE D’ORIENTATIONS STRATEGIQUES
• MANQUE DE CONSULTATION DES CADRES POUR ELABORER LA STRATEGIE

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La profession comptable à l’écoute de ses clients
- Etude de cas de développement du conseil -

au sein des entreprises lorsque le dia- nel de base pour envisager son évolu-
gnostic est une fin en soi, un produit tion, envers la direction qui acceptera
unique et statique chargé de faire des le projet qui lui est proposé. Par consé-
constats. Pour rompre avec ces pra- quent, le projet s’affirme, après le
tiques, nous avons donc souhaité, “déclic” obtenu par le diagnostic,
conformément aux usages de l’Institut comme la phase majeure de transfor-
dans lequel nous menons notre mation du système d’écoute de l’envi-
recherche, élargir le “produit” dia- ronnement.
gnostic en y intégrant une phase de
projet et tenter ainsi de répondre aux Pour ce faire, la phase de projet suit
préoccupations exprimées par les une démarche rigoureuse comprenant
acteurs rencontrés. la définition des acteurs-participants,
la conception des cahiers des charges,
la planification du projet, la conduite
Le développement
des séances de projet et la mise en
de l’écoute de oeuvre des actions d’innovation rete-
l’environnement nues. Avant de présenter les résultats
obtenus, et sans passer sur une des-
cription de l’ensemble des phases qui
La méthodologie de projet composent le projet, nous présentons
ci-après le fonctionnement du projet, à
Un programme ou un projet est un partir de la méthodologie conçue par
ensemble coordonné d’activités tech- l’ISEOR (Savall et Zardet, 1987), mis
niques, administratives et financières en place au sein du cabinet.
qui vise à concevoir, développer et
réaliser un produit, ainsi qu’à préparer Le projet a fait l’objet de six séances
son utilisation et en assurer le soutien de groupe restreint (groupe composé
(IQM, 1995). Ces activités doivent des membres de la Direction) et de
conduire à la mise en place d’actions groupe plénier (groupe composé de
innovantes permettant la transforma- l’ensemble des personnes rencontrées
tion du système et issues d’une co-pro- lors des entretiens de diagnostic) en
duction entre les acteurs de l’entreprise l’espace de cinq mois. Compte tenu de
et le chercheur. Pour Savall et Zardet la taille du cabinet, le responsable du
(1987), cette phase est un moment cru- cabinet a été désigné comme chef de
cial où s’exercent les premières projet.
marques de confiance de l’encadre-
ment dans l’action de changement: Chaque journée de travail sur le ter-
confiance envers soi-même pour trou- rain a été décomposée en quatre
ver des alternatives, envers le person- séquences:

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Gestion 2000 5 septembre - octobre 1999

1. Rendez-vous entre le chef de projet motivation des acteurs tout au long du


et le chercheur pendant 0,5 heure; groupe de projet.
2. Réunion du groupe restreint pen-
dant 2 heures; Enfin, la dernière séance a permis de
3. Réunion du groupe plénier pendant s’assurer de la conformité des solutions
3 à 4 heures; retenues au regard des cahiers des
4. Rendez-vous entre le chef de projet charges préalablement définis. Un
et le chercheur pendant 0,5 heure. plan d’actions a été mis en place pour
la mise en oeuvre des solutions rete-
La première séance du groupe de pro- nues et des indicateurs de pilotage
jet a été consacrée à la reconnaissan- constitués pour qualifier l’efficience en
ce du diagnostic par l’intermédiaire de termes de qualité, de coûts et de délais
la présentation des points majeurs des actions retenues.
identifiés par le chercheur. Entre cette
présentation et le rappel de la problé- La présentation des
matique de l’intervention, trois objec- résultats expérimentaux
tifs, exposés au point 1, ont été pro-
posés et validés par la Direction. Le projet du cabinet a donné lieu à la
mise en place de deux nouveaux pro-
De la deuxième à l’avant-dernière duits de conseil et à la création d’un
séance, le groupe plénier a travaillé manuel commercial. De plus, et confor-
sur la recherche de solutions inno- mément aux cahiers des charges rete-
vantes, et le groupe restreint, sur leur nus, nous avons construit en cours de
faisabilité et leur validation. Outre séance un outil permettant au cabinet
l’étude de faisabilité et la validation d’identifier, de concevoir, de produire,
des solutions proposées, le groupe res- de vendre de nouveaux produits de
treint s’est assuré du pilotage écono- conseil. Nous présentons ci-après cet
mique du projet et de l’équilibrage à outil. Partant de travaux réalisés par
court et moyen termes de la mise en l’IFEC (1996), nous avons tout d’abord
oeuvre des solutions proposées. En élaboré une fiche de recensement (pré-
effet, si certaines des solutions propo- sentée à la Figure 4) des besoins de la
sées doivent attendre la fin du projet clientèle.
pour être mises en oeuvre, il nous a
semblé nécessaire d’identifier des Cette fiche, validée par le groupe res-
actions pouvant être mises en place treint, a été considérée par les
rapidement: l’équilibrage entre mise membres du groupe plénier comme un
en oeuvre immédiate et mise en oeuvre outil simple et d’utilisation rapide. Elle
à moyen terme nous est apparu fonda- permet à chacun des collaborateurs du
mental pour entretenir et développer la cabinet de détecter de nouvelles mis-

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La profession comptable à l’écoute de ses clients
- Etude de cas de développement du conseil -

sions ou encore de proposer des mis- rateur en charge de dossiers, à tout


sions plus adaptées aux nouveaux moment, et plus particulièrement lors
clients. Elle peut être remplie au cabi- de l’élaboration des situations ou des
net ou dans l’entreprise par le collabo- comptes annuels.

Figure 4: Fiche de recensement des besoins de clients: exemple fictif

Client A Collaborateur
Date de l’entretien Type d’entretien ■ Téléphonique
■ Entreprise
CODE FICHE ■ Cabinet

N° Points Questions Besoins Urgence


à O/N
aborder f F T
F
1 Les opérations en espèces sont-elles rares?
2 Réservez-vous le chéquier de l’entreprise pour régler uniquement les N X
dépenses professionnelles?
3 Le livre de caisse est-il tenu quotidiennement? N X
4 Les factures fournisseurs sont-elles enregistrées régulièrement?
5 Les journaux de banque, caisse, CCP sont-ils tenus à jour entièrement?
6 Savez-vous au moins une fois par semaine ce que vous avez en banque? N X
7 Etes-vous sûr chaque mois de ce que vous doivent vos clients?
8 Utilisez-vous votre comptabilité pour prendre des décisions? N X
9 Avez-vous une procédure systématique de relance clients? N X
10 Payez-vous toujours vos fournisseurs à l’échéance?
11 Avez-vous un document permettant de suivre l’évolution de l’entreprise? N X
12 Savez-vous quelle sera la position de votre trésorerie dans quelques mois ? O
13 Calculez-vous périodiquement et systématiquement vos prix de revient?
14 Etablissez-vous au moins une fois par an des prévisions de résultats ?
… …

Nouvelles questions identifiées Réalisations identifiées

Observations

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Gestion 2000 5 septembre - octobre 1999

La colonne “Points à aborder” permet teurs ont estimé que la réponse à


au collaborateur de préparer son apporter au client pouvait attendre la
entretien et d’identifier à l’avance les fin du semestre, date à laquelle la stra-
différentes questions qu’il devra poser tégie de développement et de com-
au client. Par cette préparation, on mercialisation des produits de conseil
estime que les différentes questions est établie. Lorsque le collaborateur
posées, diluées au cours de l’entre- coche la case “Très Forte”, il peut,
tien, resteront suffisamment discrètes dans le cadre des réunions hebdoma-
vis-à-vis du client pour ne pas l’inquié- daires mises en place, proposer à la
ter. En effet, les collaborateurs ont sou- Direction d’anticiper le développe-
ligné que l’introduction d’une ment ou la commercialisation d’un
démarche commerciale trop visible produit de conseil. Concernant, les
pourrait représenter un risque à cases “Nouvelles questions identi-
l’égard d’une clientèle plutôt encline à fiées”, “Réalisations identifiées” et
réduire le montant des honoraires et “Observations”, elles constituent
n’ayant pas été habituée à une rela- autant de renseignements permettant
tion commerciale avec le cabinet. Une de supprimer, de modifier ou encore
fois l’entretien réalisé, voire en cours de compléter les questions identifiées
d’entretien, le collaborateur remplit les et stabilisées au sein de la fiche.
colonnes “Besoins - Oui/Non” et
“Urgence - faible - Forte - Très Forte”. Une fois la fiche renseignée, le colla-
Lorsque la réponse est négative, le col- borateur peut mettre à jour la fiche
laborateur identifie un besoin formulé informatique introduite sous Excel 4.2.
de manière explicite ou implicite par Lors de l’entretien suivant, il procéde-
le client et pouvant faire l’objet d’un ra à une édition de cette fiche et pour-
ou plusieurs produits de conseil. ra ainsi obtenir l’ensemble des infor-
Concernant la case noircie, elle mations recueillies au cours des entre-
indique au collaborateur que le client tiens précédents.
est déjà doté d’un produit de conseil
mis en place par le cabinet; par Le système informatique étant en
conséquent, et selon une pratique de réseau, nous avons mis en place un
maillage3 couramment employée “Code fiche” d’identification des 200
dans le conseil (Fornas, 1993), il por- clients du cabinet permettant à la
tera ses efforts sur les autres éléments Direction d’analyser, en cours de
de la fiche. Le fait de qualifier l’ur- semestre, les informations recueillies
gence consiste ici à mesurer le degré
de réactivité à respecter vis-à-vis du 3 Cette pratique de maillage consiste à mettre

client. Lorsque les cases “faible” ou en adéquation le produit disponible par rapport
à l’expression du besoin de l’entreprise. Il appa-
“Forte” sont cochées, les collabora-
raît nécessaire d’attendre un certain degré
d’adéquation produit/besoins avant d’entamer
72 la négociation avec le client.
La profession comptable à l’écoute de ses clients
- Etude de cas de développement du conseil -

Figure 5: Fiche synoptique de recensement des besoins des clients

Groupe JMG
Date d’édition

CODE FICHE

N° Questions Clients - Besoins O/N

A B C D E F …

1 Les opérations en espèces sont-elles rares? N


2 Réservez-vous le chéquier de l’entreprise pour régler uniquement les N N
dépenses professionnelles?
3 Le livre de caisse est-il tenu quotidiennement? N N
4 Les factures fournisseurs sont-elles enregistrées régulièrement N
par l’entreprise?
5 Les journaux de banque, caisse, CCP sont-ils tenus à jour entièrement
par l’entreprise? O N O
6 Savez-vous au moins une fois par semaine ce que vous avez en banque? N N
7 Etes-vous sûr chaque mois de ce que vous doivent vos clients?
8 Utilisez-vous votre comptabilité pour prendre des décisions? N N N N
9 Avez-vous une procédure systématique de relance clients? N
10 Payez-vous toujours vos fournisseurs à l’échéance? N
11 Avez-vous un document qui vous permette de suivre l’évolution votre N N N
de l’entreprise?
12 Savez-vous quelle sera la position de votre trésorerie dans quelques mois ? O O N
13 Calculez-vous périodiquement et systématiquement vos prix de revient?
14 Etablissez-vous au moins une fois par an des prévisions de résultats ?
… …

sur l’ensemble des clients. Compte feuilles de calcul, donne à la Direction


tenu de la taille des documents obte- une indication quant aux objectifs
nus, la Direction a souhaité qu’une identifiés au sein de chaque entreprise
fiche synoptique (Figure 5) soit réali- cliente.
sée pour chacun des groupes (ser-
vices) du cabinet, soit environ 50 Si les informations recueillies permet-
clients par groupe. tent de piloter l’effort de captage réali-
sé par les collaborateurs du cabinet,
Cette fiche, obtenue automatiquement elle ne donne aucune indication quant
par la mise en place de liaisons entre aux méthodes du cabinet correspon-

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Gestion 2000 5 septembre - octobre 1999

dantes, c’est-à-dire sur la méthodolo- Les articulations faites entre “objectifs”


gie par laquelle les objectifs seront et “méthodes” indiquent que pour cha-
atteints. Pour cela, nous avons dû éta- cune des questions un produit de
blir une fiche permettant, à l’aide de conseil a été identifié. Ainsi, la ques-
tables de correspondances, de faire un tion “13 - Calculez-vous périodique-
lien entre les objectifs et les méthodes ment et systématiquement vos prix de
du cabinet (cette arborescence reliant revient ?” renvoie au produit “C6 -
“objectifs” et “méthodes” a été inspi- Analyse des prix de revient”.
rée de celle mise au point par Savall et Concernant le produit de conseil “C4 -
Zardet, 1986). Mise en place d’un tableau de bord”,
nous pouvons constater qu’il apporte
Cette fiche, représentant nous semble-t- une réponse aux questions “8 -
il le principal apport de l’outil propo- Utilisez-vous votre comptabilité pour
sé, constitue une grille de variables prendre des décisions” et “11 - Avez-
présentée à la Figure 6. vous un document qui vous permette

Figure 6: Fiche d’identification des tables de correspondances: objectifs et méthodes

CODE FICHE Date de révision

Objectifs Méthodes Liste des Méthodes


(Questions n°) C = Produit de Conseil
1 C1 C1 Pilotage de la caisse et des coefficients
2 C2 C2 Conseil de proximité du dirigeant
3 C1, C2 C3 Etablissement d’un cahier des charges
4 C3 C4 Mise en place d’un tableau de bord
5 C3 C5 Budget de trésorerie à court terme
6 C2 C6 Analyse des prix de revient
7 C2 C7 Prévisions d’exploitation
8 C4, C7, C8 ● C8 Résultat mensuel, trimestriel
9 C2 … …
10 C2
11 C4 ●
12 C5
13 C6
14 C8
… …

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La profession comptable à l’écoute de ses clients
- Etude de cas de développement du conseil -

de suivre l’évolution de votre entrepri- tions pour lesquelles un produit de


se ?”. Dans ce cas de figure, où le pro- conseil est affecté, il a été considéré
duit de conseil est rattaché à de mul- que le produit pouvait être proposé au
tiples questions, nous nous sommes client.
interrogé sur le seuil de déclenchement Lorsque les informations recueillies
de la vente du produit. A titre pour un client permettent de répondre
d’exemple, le cabinet doit-il attendre, négativement au moins à une question
pour proposer le produit “C2 - Conseil pour laquelle un produit de conseil est
de proximité du dirigeant”, que le col- affecté, la vente peut être proposée
laborateur ait recensé un besoin du tout en sachant que le client n’est pas
client sur les questions 2, 3, 6, 7, 9 et forcément “mûr” pour acheter le pro-
10 ? La réponse à cette question nous duit.
a conduit à proposer trois types de – Lorsque les informations recueillies
configuration représentés par des sym- pour un client permettent de répondre
boles. positivement à l’ensemble des ques-
tions pour lesquelles un produit de
Lorsque les informations recueillies conseil est affecté, il a été considéré
pour un client permettent de répondre que la vente du produit n’était pas à
négativement à l’ensemble des ques- proposer (ou en attente).

Figure 7: Fiche d’identification des produitsde conseil à développer et/ou commercialiser

Groupe JMG
Date d’édition

CODE FICHE

Clients Produits de Conseil

C1 C2 C3 C4 C5 C6 C7 C8 …

Client A ■ ■ ■ – ■ ■
Client B ■ ■ ■ ■
Client C ■ ■ ■ ■ – ■ ■

■ Vendre Case entièrement noircie = le client est


■ Proposer déjà doté d’un produit de conseil mis
- En attente en place par le cabinet.

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Gestion 2000 5 septembre - octobre 1999

Afin d’obtenir l’ensemble des cotations contrôle liées au commissariat aux


par client et par produit de conseil, comptes. Par conséquent, si la com-
nous avons élaboré une nouvelle fiche mercialisation peut être intégrée sur
synoptique permettant à la Direction les plans opérationnels de l’année,
d’obtenir le degré de maturité de l’en- c’est-à-dire sur les premier et second
semble des clients vis-à-vis de l’en- semestres, le développement et les for-
semble des produits de conseil. Cette mations éventuelles des collaborateurs
fiche, obtenue de nouveau par la mise seront prévus au second semestre.
en place de liaisons entre les “fiches
synoptiques de recensement de Conclusion
besoins des clients” et la “fiche d’iden-
tification des tables de correspon-
Le projet mis en place au sein du cabi-
dances” est présentée à la Figure 7.
net a fait l’objet d’un développement
de l’écoute de l’environnement sur les
Tous les six mois, cette fiche doit être
axes “produits-marchés”. Pour le cabi-
exploitée par la Direction et les res-
ponsables de groupe. Il s’agit alors de net, ce choix fait nettement apparaître
déterminer les produits qui seront à la volonté de trouver un palliatif à la
développer et/ou à commercialiser sur réduction du chiffre d’affaires sur les
le semestre suivant. A titre d’exemple, missions traditionnelles, mais égale-
le produit de conseil “C4 - Mise en ment aux craintes de l’activation de
place d’un tableau de bord”, peut être l’axe technologique. En effet, après de
vendu aux clients A, B et C: d’un côté, lourds investissements matériels et
le produit a été développé dans le immatériels liés à l’introduction de l’in-
cadre du groupe de projet, de l’autre, formatique dans les années 80, le
il correspond à un besoin identifié au cabinet semble hésiter à renouveler ses
sein de la clientèle. Concernant le pro- investissements. Il paraît cependant
duit de conseil “C7 - Prévisions d’ex- nécessaire à moyen et long termes d’y
ploitation”, le produit n’étant pas for- recourir car l’apparition de nouvelles
malisé, il conviendra d’en prévoir le technologies de transmission de l’infor-
développement pour ensuite amorcer mation exigeront de la part du cabinet
une phase de commercialisation. Nous de nouveaux investissements, faute de
noterons cependant que la période quoi, il pourrait se laisser distancer par
propice au développement au sein du ses concurrents. Enfin, si les efforts réa-
cabinet correspond, chaque année, au lisés par les membres du cabinet au
deuxième semestre. Le premier cours de l’expérimentation ont été
semestre est en effet trop chargé comp- jugés comme satisfaisants par la
te tenu de la production des docu- Direction, il apparaît nécessaire de
ments annuels et des missions de souligner qu’un retour aux pratiques

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La profession comptable à l’écoute de ses clients
- Etude de cas de développement du conseil -

précédentes reste possible. La Direc- JAMBOUE C., 1995, “Organisation de la sur-


veillance de l’environnement dans les entreprises
tion admet, en effet, que l’année 1998 françaises - Essai de caractérisation des pra-
doit être placée sous le “signe” de la tiques dans une optique managériale”, Thèse de
vigilance afin de s’assurer de la mise doctorat en Sciences de Gestion, Aix-Marseille III.

en oeuvre effective et prolongée des JULIEN P.-A., 1994, “Compétitivité des PME,
actions de projet par le biais, notam- information scientifique et technologique de l’in-
formation”, Les besoins informationnels et les
ment, d’indicateurs de pilotage per-
technologies de l’information dans les PME
mettant de mesurer l’évolution réelle Québécoises, p. 2.
des pratiques.
LARIDAN C., 1998, “Le rôle de l’expert-comp-
table dans le diagnostic organisationnel de la
PME - Développement d’une méthodologie d’in-
Bibliographie tervention du cabinet auprès de ses clients”,
Projet de mémoire en vue de l’obtention du
ARIST Rhône-Alpes, 1996, Veille industrielle: le diplôme d’expertise-comptable.
guide, ARIST.
LESCA H., 1992, “FENNEC: “Tableau de bord
EL LOUADI M., 1994, “Les besoins information- pour l’évaluation de la veille stratégique de l’en-
nels et les technologies de l’information dans les treprise”, Brises, n° spécial: L’Information et la
PME Québécoises”, GREPME - Université du Communication dans l’Entreprise, n°17, pp.
Québec à Trois-Rivières. 209-216.

FORNAS P., 1993, “La négociation et la vente SAVALL H. & ZARDET V., 1995, Maîtriser les
du processus d’intervention en management coûts et les performances cachés: le contrat d’ac-
socio-économique”, Evolution de l’expert-comp- tivité périodiquement négociable, Prix HARVARD
table: le conseil en management, pp. 273-284. - L’EXPANSION de Management stratégique,
3ème édition (1ère édition: 1987), Economica.
IFEC, 1996, “Comment détecter de nouvelles
SAVALL H. & ZARDET V., 1986, “Vers un déve-
missions chez un client TPE”, IFEC - Les fiches
loppement du professionnalisme du conseil en
pratiques du cabinet, n°53, pp. 1-4.
management - Recherche expérimentale dans un
grand cabinet de conseil”, ISEOR.
IQM, 1995, “Les cahiers Qualité Management
n°2”, IQM. VOYANT O., 1997, “Contribution à l’élabora-
tion d’un système de veille stratégique intégré
ISEOR, 1993, Evolution de l’expert-comptable: pour les PME-PMI”, Thèse de doctorat en
le conseil en management, Economica. Sciences de Gestion, Université Lumière Lyon 2.

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