La géophysique devrait être de mieux en mieux voulu présenter en quelques pages dans ce numéro une
connue du lecteur assidu de la revue “Géologues”. Il en classification typologique des gîtes métallifères, pour
a été question en particulier dans le numéro spécial sur les permettre que soit mieux défini le problème posé au géo-
hydrocarbures (n° 127 décembre 2000), dans les premières physicien d’exploration. Elle est de lecture relativement
fiches métiers (n° 141 - Juin 2004) et dans le numéro ardue pour le non spécialiste, mais elle a le mérite d’être
spécial « 40 ans » (n° 146 - septembre 2005). quasi-encyclopédique, donc de constituer une base
Oui, la géophysique est un outil incontournable de connaissances utile, sinon indispensable, tout en
pour quiconque s’intéresse à la géologie aux moyennes et permettant de dégager quelques notions clés pour
grandes profondeurs. Elle l’est donc aujourd’hui pour le l’exploration.
géologue minier, puisque les gisements les plus faciles à Douze types de gisements et quelques sous-types :
découvrir l’ont déjà été et parce que l’on s’adresse à des comment le géophysicien peut-il simplifier cette
profondeurs de plus en plus grandes. classification pour sélectionner la technique et/ou la
combinaison de techniques les mieux adaptées ?
Détection directe des cibles minéra- À partir de trois critères principaux :
lisées ou recherche indirecte ? l’environnement géologique : intrusions plutoniques,
L’exploration minière est l’un des domaines où la volcanisme acido-basique, basique, ultrabasique, série
géophysique est très souvent appliquée comme outil de volcano-sédimentaire en milieu marin, environnement
détection directe. On sait que ce n’est en général le cas, ni sédimentaire, gîtes d’altération, placers et paléopla-
dans l’exploration des hydrocarbures, ni dans la recherche cers…, autant de contextes géologiques différents carac-
d’eau, ni dans les études environnementales. Très sou- térisés par des propriétés physiques spécifiques,
vent dans la recherche minière, au contraire, le contraste un style structural particulier et des gammes de pro-
entre les propriétés physiques spécifiques des gisements fondeurs allant de quelques mètres pour les placers
métallifères et l’encaissant crée des « anomalies » qui récents et les gîtes d’altération à plusieurs centaines
peuvent être détectées à la surface du sol, en hélicoptère de mètres pour certains gîtes sédimentaires ; c’est un
ou en avion. C’est le cas pour les contrastes de susceptibilité premier critère ;
magnétique, pour la densité, la conductivité électrique la morphologie du gisement : on distingue en général
et, beaucoup plus rarement, pour la radioactivité natu- trois familles (1) les gisements stratiformes, qui feront
relle. Inutile d’ajouter que les concentrations naturelles appel aux techniques spécialisées dans l’étude des
d’or… ne permettent jamais leur détection directe ! structures dites tabulaires, (2) les amas et lentilles de
La recherche indirecte cependant est tout aussi taille suffisante pour être détectés et (3) les filons et
pratiquée dans le domaine minier que dans les autres. autres structures subverticales telles que les chemi-
Elle consiste, pour le géophysicien, à fournir au géologue nées. Cette distinction était importante il y a plus
les éléments qualitatifs et quantitatifs du modèle géolo- de dix ans, car l’étude des structures tabulaires et celle
gique régional ou local susceptible de « porter » telle ou des cibles confinées faisait appel à des techniques
telle minéralisation utile, avec des concentrations écono- géophysiques spécifiques. Elle l’est moins aujourd’hui
miquement exploitables. On comprend que l’approche car la plupart des méthodes se sont adaptées à l’étude
pluridisciplinaire et le travail d’équipe soient les clés de la des structures 2D voire 3D : grande densité spatiale des
réussite dans cette activité d’exploration. stations de mesure et programmes de modélisation
et d’inversion 2D et 3D ;
Les problèmes posés à la géophy- la nature de la cible : elle est déterminante lorsqu’il
s’agit de détection directe : minéralisation de forte
sique – Relations avec la typologie susceptibilité magnétique, dense, conductrice, massive
des gîtes métallifères ou disséminée. Il existe une seule méthode par exemple,
30 Michel Rabinovitch, l’expert minier de l’UFG, a bien permettant de détecter directement des minéralisa-
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tions disséminées, c’est la Polarisation Induite (PI), dite deniers publics, la couverture aéromagnétique de presque
également Polarisation Provoquée (PP). La version spec- tout son territoire à une échelle compatible avec l’explo-
trale de cette même technique semble offrir aujour- ration minière. Plus récemment, quelques gouvernements
d’hui la seule chance de séparer le graphite, stérile, mar- provinciaux ont lancé la couverture électromagnétique
queur électromagnétique puissant, des minéralisations d’une partie de leur territoire. La Finlande termine aujour-
utiles. d’hui un levé exhaustif en électromagnétisme aéroporté.
Ce dernier exemple démontre que quels que soient, Dans le cadre d’inventaires miniers, la Communauté
l’environnement, la morphologie et la nature de la cible, européenne a financé tout ou partie de plusieurs levés
c’est souvent la combinaison de deux, voire trois méthodes géophysiques aéroportés en Afrique. Ce sont là des
géophysiques différentes, qui constitue la solution la plus données géophysiques de base qui constituent une aide
efficace. La figure 1 montre l’exemple de la détection des précieuse à la cartographie géologique, comme il est mon-
cheminées de kimberlite au Canada, où les deux tech- tré sur la figure 2, et à la prise de permis par les opérateurs
niques aéroportées, magnétisme et électromagnétisme, miniers internationaux.
étaient indispensables. Il existe également des travaux de cartographie
géophysique régionale et locale au sol. La Tunisie, par
À quel stade de l’exploration la exemple, réalise depuis une dizaine d’années, une cou-
verture gravimétrique de la zone des diapirs, à raison d’une
géophysique intervient-elle ? station par km2.
Elle intervient dans le cadre d’une méthodologie Vient ensuite la phase de reconnaissance ou pre-
mise au point et bien rodée depuis des décades, sur tous mière phase d’exploration tactique. En combinaison avec
les continents, à chacun des stades de l’exploration. la géochimie, la réflectivité spectrale infrarouge éven-
D’abord, la cartographie géophysique d’un terri- tuellement lorsqu’il s’agit d’analyser les phases argileuses
toire ou d’une région : Il s’agit le plus souvent de géophy- des altérations des grés et des roches du socle et, bien
sique aéroportée : magnétisme toujours ou presque, radio-
métrie, électromagnétisme lorsque les conditions de
surface sont favorables et, potentiellement, gravimétrie.
Le Canada a été l’un des premiers pays à réaliser, avec les
Figure 1. Signatures électromagnétique (1a) et magnétique (1b) de chemi- Figure 2. Bathurst, NSW, Australie – Cartes magnétique et radiométrique
nées de kimberlite au Canada. superposées (2a) – Comparaison avec la carte géologique (2b). 31
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entendu, en étroite synergie avec les travaux de biblio- cartes transformées et à des inversions 2D ou 3D, (2)
graphie, de terrain, de laboratoire et de réflexion du électromagnétisme fréquentiel ou temporel à émetteur
géologue, les détenteurs de permis réalisent de nouveaux mobile ou à émetteur fixe selon la profondeur, qui don-
levés géophysiques de reconnaissance. Bien souvent, neront lieu également à modélisation et/ou inversion 2D
ils mettent en oeuvre les mêmes méthodes que celles et 3D, (3) polarisation provoquée alliée à la résistivité, (4)
mentionnées ci-dessus, avec une maille de mesure enco- sismique réflexion à haute résolution dans des contextes
re large, mais plus serrée que celle des travaux réalisés bien particuliers. À partir des modèles 2D et 3D ainsi obte-
par les Services géologiques. Rappelons quelles sont ces nus, des forages de contrôle seront implantés, forages
méthodes : carottés toujours, obliques la plupart du temps.
en petit avion ou en hélicoptère : magnétisme presque Ces forages seront toujours valorisés par des dia-
toujours, radiométrie et électromagnétisme si les condi- graphies spécialisées et quelquefois par la géophysique
tions de surface sont favorables, gravimétrie aéroportée entre forages et entre forages et surface. On fait classi-
de manière tout à fait exceptionnelle encore aujour- quement appel aux techniques électromagnétiques et
d’hui ; magnétiques de forage; la PP de forage est moins clas-
au sol, gravimétrie si le contexte géologique le justifie. sique. L’un des objectifs de ces mesures est de tenter de
De nouvelles méthodes au sol,à grand rendement voient détecter des cibles manquées par le forage et situées à sa
le jour actuellement, qui peuvent s’ajouter aux proximité.
précédentes à ce stade de la reconnaissance (voir § 4 Une réinterprétation quantitative des données de
ci-dessous) : audio magnétotellurique à source natu- géophysique de surface pourra alors être tentée à la sui-
relle ou contrôlée, éventuellement polarisation provo- te des résultats des forages et des diagraphies, qui condui-
quée à larges mailles. Rappelons également l’objectif de ront à autant de contraintes nouvelles à intégrer dans les
ces travaux : détecter sur le permis, le maximum processus d’inversion.
de cibles d’intérêt potentiel, liées soit à des structures Pour l’exploitation et le développement des gise-
géologiques intéressantes, soit à des indices directs. ments, les mêmes techniques que précédemment, en sur-
Les levés aéroportés de reconnaissance sont géné- face et dans les forages, voire de nouvelles techniques
ralement complétés par des travaux de suivi géophysique développées depuis la phase d’exploration et qui ne
au sol avec des méthodes de la même famille, destinés à demandent qu’à être validées, seront mises en œuvre.
confirmer l’existence et la nature des anomalies et à L’objectif est double : (1) augmenter notablement le taux
sélectionner parmi toutes celles qui ont été détectées, de succès des nouveaux forages et (2) découvrir des exten-
les cibles prioritaires pour la phase suivante. sions du gisement, donc augmenter les réserves, à proxi-
La phase suivante correspond à la seconde phase mité de la mine en exploitation.
d’exploration tactique et à la phase d’évaluation, y compris
la réalisation des sondages carottés systématiques. Il Quelques développements récents
s’agit, à ce stade, de mobiliser toutes les ressources de la
géophysique au sol, alliées de nouveau à la géologie de En électromagnétisme aéroporté, deux améliora-
détail, la géochimie tactique et autres techniques d’in- tions étaient souhaitées :
vestigation spécialisées, pour tenter de confirmer l’inté- 1. augmenter la profondeur maximale d’investigation :
rêt des « anomalies » retenues, puis implanter les forages cela passait nécessairement par l’augmentation de la
de contrôle… et aboutir in fine à une première évaluation puissance de l’émetteur des méthodes temporelles mises
des réserves. La grille de mesure cette fois-ci est particu- en œuvre en avion ; la réponse est le Mégatem développé
lièrement fine : 2 ou 5 m entre stations sur des profils par Geoterrex - Ottawa, qui appartient désormais au
parallèles espacés de 10 à 20 m pour des cibles peu pro- groupe Fugro1 ;
fondes ; 10 à 20 m entre stations sur des profils espacés de 2. adapter les méthodes temporelles à leur mise en œuvre
20 à 50 m pour des objectifs profonds. en hélicoptère : c’est le SKYTEM développé par SkyTEM
Selon le type de gisement, comme il a été dit ci- Aps. de Aarhus au Danemark et proposé par Novatem2,
dessus, et les profondeurs d’investigation nécessaires, on installée à Montréal ; l’exemple d’une carte obtenue
choisit parmi les grandes familles de méthodes géophy- récemment au Québec est présenté sur la figure 3.
siques, les techniques les plus adaptées. Faisons de La gravimétrie aéroportée devrait prochainement
nouveau un rapide tour d’horizon de ces techniques (1) devenir un outil de reconnaissance rapide des permis
32 gravimétrie et magnétisme au sol qui donneront lieu à des miniers de grandes dimensions et d’accès au sol difficile,
Je remercie tout particulièrement les collègues géophysiciens qui m’ont permis de présenter ces résultats :
1. Mike Carson – Président - Fugro Airborne Surveys Corp. – Canada - www.fugroairborne.com
2. Pascal Mouge – Président - Novatem – Canada - www.novatem.com
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Figure 4. Gravimétrie aéroportée : modèle géologique : comparaison des Figure 6. Mine de Copper Hill, Australie : tomographie de polarisation pro-
réponses expérimentales et synthétiques. voquée. Bloc 3D de « chargeabilité ».
lorsque les conditions géologiques sont favorables. La mise La tomographie de résistivité et de polarisation pro-
en œuvre des premiers tests systématiques par Anglo- voquée (PP) permet de réaliser une tomographie 2D ou
American3,en Afrique,et les premiers résultats quantitatifs 3D de résistivités et éventuellement de PP, jusqu’à des
ont été présentés dans l’un des articles du numéro Spécial profondeurs maximales de l’ordre de 100 m, moyennant
« 40 ans » de “Géologues” (n° 146, septembre 2005, une logistique quelque peu lourde. La figure 6 montre
pp14 – 17). Ils sont présentés de nouveau sur la figure 4. l’exemple d’une cartographie 3D de la «chargeabilité»
L’audio magnétotellurique à source contrôlée obtenue sur le site de la mine de Copper Hill en Australie.
(CSAMT) est la méthode électromagnétique fréquentiel- Cet exemple est extrait du Manuel du logiciel Res3DINV
le au sol, qui permet de réaliser une tomographie de résis- réalisé par M.H.LOKE. Une présentation détaillée de l’ar-
tivités 2D ou 3D jusqu’à des profondeurs maximales de ticle correspondant (Denne et al., 2001) existe sur le site :
l’ordre de 1000 m si nécessaire, avec une résolution laté- www. arctan.com.au.
rale et verticale inégalée, sans prétendre rivaliser avec la La polarisation induite spectrale a été réintroduite
sismique réflexion bien entendu ! C’est à la fois une tech- récemment par Anglo-American3, comme outil de discri-
nique de détection directe comme le montre la figure 5, mination entre le graphite et les minéralisations utiles,avec
aimablement mise à notre disposition par la société un certain succès. Les premiers résultats ont été
Zonge4 et un outil de cartographie géologique. Les présentés dans l’article déjà cité du numéro spécial
développements récents concernent l’étude multicom- « 40 ans » de “Géologues”.
posantes et l’inversion des données. 33
3. Lassina Zerbo – Directeur – CID – CTBTO – Vienne – Autriche (ex Anglo-American) - Lassina.Zerbo@ctbtp.org
4. Scott Ucquhart – Directeur - Zonge Engineering & Research Organization – Tucson – Arizona – USA – www.zonge.com.
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Pendant plus d’un siècle, la classification des gîtes2 loppement des analyses isotopiques, il est devenu néces-
métallifères a préoccupé les géologues, et tout particu- saire de tenir compte de l’âge et de l’origine des minéra-
lièrement ceux que l’on nomme en France « géologues lisations ainsi déterminés. Encore eût-il fallu que cet âge
miniers » et outre-Atlantique, de façon classique mais et cette origine fussent certains, ce qui n’est pas toujours
abusive, « Economic Geologists ». Cette classification a le cas,comme cela a été récemment démontré. Le géologue
d’abord été basée sur la morphologie des gisements (filons, d’exploration a toujours pratiqué l’exercice consistant à
couches, amas, etc.), puis sur leur origine supposée (condi- imaginer des hypothèses génétiques qui ne survivaient
tions de température et de pression lors de leur genèse, que le temps d’enregistrer de nouvelles données, les-
etc.). Depuis le travail de Pierre Routhier3, la typologie des quelles venaient modifier les hypothèses antérieures. Cet-
gîtes métallifères est basée sur des critères prenant en te souplesse mentale est nécessaire au bon déroulement
compte à la fois leur morphologie, leur environnement d’une campagne d’exploration, et les analyses isotopiques
géologique et, autant que faire se peut, leur histoire et ne sont qu’une nouvelle donnée parmi les autres. Une
leur genèse. La typologie originale de P. Routhier est très classification où la genèse présumée du gîte aurait une
complexe et détaillée, car il s’était efforcé de tenir comp- part prépondérante, comme par exemple chez Lindgren,
te de tous les cas possibles pour chaque métal. Depuis, on serait donc difficile à utiliser dans la pratique.
a généralement adopté une classification simplifiée basée Les types de gisements suivants sont énumérés
sur les mêmes principes, et c’est celle qui sera très rapi- avec la très courte explication que nous autorise le cadre
dement exposée ci-dessous. Mais nous ne nous faisons pas de cet article. En notes bibliographiques seront signalés
d’illusions : aucune typologie n’a jamais fait l’unanimité les plus didactiques des ouvrages de typologie des gîtes
dans la communauté des géologues miniers ! métallifères.
34 Ajoutons que ces dernières années, avec le déve-
1. L’auteur remercie les professeurs Éric Marcoux (Université d’Orléans) et Michel Jébrak (Université du Québec à Montréal) d’avoir bien voulu relire le
texte de cet article et proposer de très utiles modifications.
2. Gîtes et gisements : en principe, la différence entre « gîtes et « gisements » est purement économique : l’un n’est pas exploitable à un instant t, l’autre
l’est. Bien entendu, le gîte peut devenir gisement si les circonstances économiques s’y prêtent. C’est ce qui est en train de se passer.
3. Pierre Routhier, les gisements métallifères, Masson, 1963.
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