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outil mathématique
pour la physique des milieux continus
par Emmanuel Plaut à Mines Nancy
Introduction 5
1 Algèbre tensorielle 9
1.1 Espace - Vecteurs - Bases et repères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.1.1 Remarque sur la notation vecteur : flèche vs barre . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.1.2 Convention de sommation sur les indices répétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
Ex. 1.1 : Sur la convention de sommation sur les indices répétés . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.1.3 Produit scalaire - Première rencontre avec le point de contraction . . . . . . . . . . . . 11
1.1.4 Formule de changement de base - Notion de représentation . . . . . . . . . . . . . . . 11
Ex. 1.2 : Vérification de la cohérence de la définition du produit scalaire . . . . . . . . . . . . 13
1.1.5 Sur le caractère direct des bases i.e. la notion d’orientation . . . . . . . . . . . . . 13
1.1.6 Tenseurs d’ordre 0 et 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
1.2 Définition des tenseurs comme applications linéaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
1.3 Les tenseurs d’ordre 2 comme applications linéaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
1.3.1 Représentation par une matrice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
1.3.2 Formule de changement de base . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
1.3.3 Produit tensoriel de 2 vecteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
1.3.4 Application : écriture intrinsèque d’un tenseur d’ordre 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
Ex. 1.3 : De l’intérêt de la notation produit tensoriel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
1.3.5 Tenseur identité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
1.4 Les tenseurs d’ordre 2 comme applications bilinéaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
1.4.1 Définition et exemple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
1.4.2 Applications : définition de la transposition, tenseurs (anti)symétriques . . . . . . . . 17
Ex. 1.4 : Transposition d’un produit tensoriel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
1.5 Les tenseurs comme applications multilinéaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
1.5.1 Définition des tenseurs comme applications multilinéaires . . . . . . . . . . . . . . . . 18
Ex. 1.5 : Application de la définition multilinéaire récurrente au cas n = 2 . . . . . . . . . . . 18
1.5.2 Définition générale du produit tensoriel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
1.5.3 Écriture intrinsèque et représentation - Base - Changement de base . . . . . . . . . . . 19
2 Table des matières
2 Analyse tensorielle 31
2.1 Gradient d’un champ de tenseur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
2.1.1 Définition intrinsèque en tant que différentielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
2.1.2 Calculs en coordonnées cartésiennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
2.2 Cas du gradient d’un champ de vecteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
2.2.1 Décomposition en parties symétrique et antisymétrique . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
2.2.2 Signification de la partie symétrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
2.2.3 Signification de la partie antisymétrique - rotationnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
2.3 Divergence d’un champ de tenseur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
2.3.1 Définition intrinsèque à partir du gradient . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
2.3.2 Calculs en coordonnées cartésiennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
2.4 Intégration des champs de tenseurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
2.4.1 Définitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
2.4.2 Formule intégrale du rotationnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
2.4.3 Formule intégrale de la divergence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
Ex. 2.1 : Démonstration de la formule de la divergence dans le cas général . . . . . . . . . . . 40
2.4.4 Application : signification physique de l’opérateur divergence . . . . . . . . . . . . . . 40
2.5 Laplacien d’un champ de tenseur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
2.5.1 Définition intrinsèque à partir du second gradient . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
2.5.2 Calculs en coordonnées cartésiennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
2.6 Exercices visant à établir un formulaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
Ex. 2.2 : Divergence et rotationnel d’un produit scalaire-vecteur . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
Ex. 2.3 : Compositions d’opérateurs différentiels nulles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
Ex. 2.4 : Divergence d’un gradient transposé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
Table des matières 3
Bibliographie 65
La physique des milieux continus est une branche de la physique, qui s’est développée au
XIXème siècle puis a connu des sommets au XXème siècle, dans laquelle la matière est considérée
à des échelles suffisamment grandes pour que sa nature discrète, en tant que somme d’électrons,
de protons et neutrons en interactions dans le vide, n’apparaisse pas. Au contraire, la matière est
considérée comme la réunion de milieux continus fluides ou solides, séparés par des interfaces. De
même, le rayonnement est considéré comme consistant en des vibrations continues des champs
électrique et magnétique 1 , et non comme des photons discrets. Les effets quantiques sont donc
oubliés : la physique des milieux continus relève de la physique classique.
En puriste, on distinguerait
• le calcul tensoriel (forcément algébrique mais non différentiel), dans lequel les tenseurs
sont des objets algébriques, cf. le chapitre 1 ;
• du calcul tensoriel (toujours algébrique) différentiel, cf. les chapitres 2 et 3, dans le-
quel ces objets se mettre à dépendre de la position dans l’espace physique - ce sont des
champs - et cette dépendance est analysée ...
Dans les deux cas, des liens forts avec la géométrie existent : cf. par exemple toutes les applications
géométriques de la section 1.6, ou encore l’étude du gradient d’un champ de vecteur de la section 2.2.
Le lecteur averti comprendra vite que la mécanique des milieux déformables dans notre
espace tridimensionnel, domaine d’application qui nous motive le plus, ne peut se passer de calcul
tensoriel...
Historiquement, pour construire tout l’édifice du calcul tensoriel, il y a eu quelques étapes. L’une des
plus importantes correspond à l’article remarquable de Ricci & Levi-Civita (1900). On recommande
aux lecteurs les plus intéressés de parcourir cet article, écrit en bon français par des italiens dans
une revue allemande... Dans son titre, Méthodes de calcul différentiel absolu et leurs applications,
on dirait plutôt maintenant intrinsèque qu’ absolu ; nous verrons bien vite, dès la
section 1.1.4, revenir cet important mot clé...
Depuis quelques décennies, le fait que la physique ait besoin, pour se développer, d’outils
mathématiques, a parfois été minimisé, voire nié, par une certaine partie, assez visible , de la
communauté physicienne française. Cette attitude est une réaction, initialement saine, aux excès
de mathématisation dans l’enseignement des sciences, par exemple celui de la mécanique, dans les
années 1960-1970 et plus tard. Il nous semble cependant que cette réaction a souvent été trop loin,
pour mener dans des cas extrêmes à des affirmations déraisonnables comme on peut tout faire
avec la règle de trois ... Mathématiser et formaliser à outrance sont sans doute, pour la physique,
aussi nuisibles que de cacher tous les calculs sous des raisonnements soi-disant intuitifs , mais
en fait impossible à développer sans connaı̂tre les fameux calculs cachés . Un certain équilibre
doit être trouvé entre mathématiques et physique, la deuxième n’existant pas sans les premiers,
puisque modéliser c’est décrire des phénomènes en langue mathématique, comme l’ont dit ces deux
grands physiciens :
La philosophie est écrite dans ce vaste livre qui constamment se tient ouvert devant nos yeux
(je veux dire l’Univers), et on ne peut le comprendre si d’abord on n’apprend pas à connaı̂tre
la langue et les caractères dans lesquels il est écrit.
Or il est écrit en langue mathématique, (...)
sans laquelle il est humainement impossible d’en comprendre un seul mot,
sans laquelle on erre vraiment dans un labyrinthe obscur.
Galilée
Notre objet est donc une introduction au calcul tensoriel, dans une optique évidemment cal-
culatoire , et avec une approche de mécanicien théoricien assumée, même si elle est
imposée par le cours volume horaire alloué. L’élève intéressé par le calcul différentiel et intégral
mathématiquement rigoureux pourra compléter les bases vues en classes préparatoires en consul-
tant Chatterji (1997) 8 . Tous liront, au moment où ils rencontreront ces symboles, au niveau de
l’exercice 1.11 pour O, de la section 2.1 pour o, les annexes A.1 et A.2. Elles visent à définir ces
notations ainsi que le concept de norme dans notre contexte...
Par souci de simplicité, on se focalise sur les tenseurs euclidiens. L’existence du produit sca-
laire permet d’identifier l’espace vectoriel de travail R3 (ou R2 ) à son dual. On commence dans
les chapitres 1 et 2 par les tenseurs représentés sur des bases orthonormées (directes) et en
coordonnées cartésiennes 9 . Cependant, on introduit les champs de tenseurs représentés en co-
ordonnées curvilignes à la fin du chapitre 2. Le chapitre 3 donne des éléments sur les problèmes
de potentiel . Par réalisme, on le déclare hors programme ; cependant les élèves les plus
intéressés voudront bien le lire... et ceux qui poursuivront plus tard en mécanique verront bien son
importance...
La théorie générale des tenseurs en base quelconque et en distinguant l’espace de son dual 10 est
introduite par exemple dans les annexes I de Salençon (1996) ou A de Forest (2009), et présentée
de façon plus exhaustive dans Pernès (2003). Une présentation plus mathématique de cette théorie,
qui n’oublie pas cependant ses applications, est donnée dans Lichnerowicz (1946); Appel (2005);
Garrigues (2007). Deux autres références intéressantes, mais moins exhaustives, sont les ouvrages
de Germain (1986) et Coirier (2001). Enfin, une référence anglo-saxonne pertinente est le traité de
Aris (1962).
L’essentiel de votre apprentissage du calcul tensoriel se fera par du travail personnel et lors
de 2 séances de cours-TD pendant la passerelle scientifique de rentrée. Vous le complèterez
ensuite, au fil des séances du module de mécanique des milieux continus, en utilisant le calcul
tensoriel à de nombreuses occasions. Dès la réception de ce polycopié, un travail personnel est
indispensable, selon ce qui est indiqué sur la page web dynamique du module sus-nommé,
auquel ce mini-module de passerelle scientifique est asservi,
http://emmanuelplaut.perso.univ-lorraine.fr/mmc .
Je vous invite à visiter cette page régulièrement. Elle contient une version PDF de ce document,
dans laquelle figure, en plus de l’annexe A citée plus haut, l’annexe B contenant des éléments de
correction des exercices et problèmes.
7. Sur cette citation, voir aussi la figure culturelle 2.7 page 45, et sa légende.
8. En notant que Chatterji (1997) emploie le terme dérivée au lieu de différentielle .
Je remercie les collègues qui ont permis l’introduction de ce cours à Mines Nancy, notamment
Michel Jauzein, puis, son maintien, notamment Judith Sausse. Je remercie aussi les collègues
qui m’ont inspiré ou corrigé, plus particulièrement Didier Bernardin, chercheur au laboratoire
d’énergétique et de mécanique théorique et appliquée (Lemta 11 ), Rainier Hreiz et Arthur Pascot.
Je remercie enfin Rachid Rahouadj pour le dessin de la figure 1.3.
Algèbre tensorielle
L’introduction aux tenseurs en tant qu’objets algébriques est faite progressivement, en profi-
tant du fait que l’algèbre tensorielle est en premier lieu une reformulation de notions bien connues
comme celles de vecteur 1 , d’application linéaire ou multi-linéaire 2 .
3
X
x = xi ei . (1.1)
i=1
Un point quelconque M est repéré de la même manière par ses coordonnées cartésiennes qui
sont les composantes x1 , x2 , x3 du vecteur position OM, telles que
3
X
OM = xi ei . (1.2)
i=1
1. D’ailleurs sur le plan étymologique le terme tenseur vient du latin tensum qui veut dire tendu ,
−−→
ce qui pourrait désigner un bipoint AB c’est-à-dire l’archétype d’un vecteur.
2. En deux mots un tenseur peut être vu soit comme l’une, soit comme l’autre, ces deux points de vue différents
ayant chacun leur propre intérêt. Attention aux faits que la reformulation dont il s’agit n’est pas complètement
triviale (ne sous-estimez pas la complexité de l’algèbre tensorielle, il vous faudra fournir un effort pour la maı̂triser),
et que l’analyse tensorielle va largement au delà d’une simple reformulation de l’analyse vectorielle.
3. On reviendra sur le problème de l’orientation de l’espace c’est-à-dire sur la notion de bases directes section 1.1.5.
10 Chapitre 1 Algèbre tensorielle
On dit qu’un indice répété est un indice muet : de fait on peut lui dire de changer de nom
sans dommage (comme il est muet il ne pourra pas protester !), par exemple on peut décréter que
l’indice i dans (1.4) s’appelle en fait k,
xi ei = xk ek . (1.5)
Pour éviter toute ambiguité fâcheuse, il est interdit d’employer plus de deux fois le même indice
dans le même produit. Ainsi dans un produit de facteurs, soit un indice apparait deux fois, auquel
cas il est muet et cache une sommation sur 3 valeurs 5 , soit il apparait une seule fois, auquel cas on
parle d’ indice explicite . De façon exceptionnelle on peut avoir besoin d’écrire une formule
avec deux fois le même indice sans qu’il y ait sommation sur celui-ci ; alors on le souligne une fois
sur deux.
−−−→
4. Dans certains ouvrages une autre convention est adoptée, OM OM.
5. Il peut arriver que l’on étudie des problèmes plans pour lesquels l’espace de travail peut être considéré de
dimension 2 : dans la troisième direction on a invariance donc celle-ci ne joue aucun rôle . Dans ce cas un indice
répété cache une sommation sur 2 valeurs seulement, correspondant aux 2 directions dans le plan de travail. De
manière générale dans la quasi totalité de ce document (à l’exclusion de la section 1.6) on peut remplacer R3 par
R2 sans dommage, à condition bien sûr d’adapter comme on vient de l’expliquer la convention de sommation sur les
indices répétés.
1.1 Espace - Vecteurs - Bases et repères 11
x · y = x i yi . (1.7)
Le point dans cette formule est le point de contraction , qui constitue une opération de
calcul tensoriel que l’on va généraliser. Par définition même du caractère orthonormé de la base
de travail, on a (
1 si i = j
∀i,j, ei · ej = δij = . (1.8)
0 sinon
on obtient
xi = ei · (x0j e0j ) = ei · e0j x0j ⇐⇒ [x] = [P ] · [x0 ] (1.10)
où [x] désigne le vecteur colonne des composantes de x dans la base {ei }, [x0 ] le vecteur colonne
des composantes de x dans la base {e0i }, [P ] la matrice de passage de composantes
On a
e0j = Pij ei , (1.13)
i.e. la matrice [P ] est constituée de colonnes qui sont les composantes des vecteurs e0j dans la base
{ei }. Pour cette raison on dit aussi que c’est la matrice de présentation des vecteurs e0j dans
la base des ei . Cette matrice [P ] est orthogonale, i.e. sa matrice transposée définie par
Ceci se vérifie en partant par exemple de la propriété d’orthonormalité de la base des e0j ,
δij = e0i · e0j = e0i · (Pkj ek ) = (ek · e0i )Pkj = Pki Pkj = [P T ]ik Pkj . (1.16)
De façon géométrique il importe d’anticiper sur la section suivante en remarquant que l’application
linéaire L qui envoie e1 , e2 , e3 sur e01 , e02 , e03 envoie donc
La matrice représentative de cette application sur la base {e1 , e2 , e3 } est donc la matrice de passage
[P ] elle-même 7 . Ainsi le fait que [P ] soit orthogonale provient du fait que la transformation L
est orthogonale.
ce qui présente l’avantage de respecter un ordre des indices très souvent rencontré en calcul
tensoriel : indice(s) explicite(s) à gauche, muets à droite. En revanche on perd l’interprétation
géométrique simple que l’on vient de mentionner.
Il faut insister sur le fait que l’objet essentiel ou intrinsèque est le vecteur lui-même, par
exemple un bipoint x = OM ou AB, et qu’il n’est que représenté par le vecteur colonne de
ses composantes
[x] = Vect(x, {ei }) (1.21)
qui dépend du choix de la base 8 en vertu de (1.10). Il convient alors de s’assurer que des objets
comme
x · y = [x] · [y]
sont bien intrinsèques , c’est-à-dire ne dépendent pas du choix de la base.
7. En effet, toujours en anticipant sur la section 1.2, on a bien
[y] = Vect L(x), {ei } = [P ] · [x] = [Pij xj ] .
La notation avec le point correspond à une opération de contraction sur laquelle on reviendra
plus tard.
Cette définition s’applique bien dès que n = 1. En effet un vecteur a peut être vu 9 comme
l’application linéaire qui à tout vecteur x fait correspondre le tenseur d’ordre 0 ou scalaire a · x :
En effet un tenseur d’ordre 0 (un scalaire) étant noté sans barre supérieure, et un tenseur d’ordre 1
(un vecteur) avec une barre supérieure, un tenseur d’ordre 2 mérite bien deux barres supérieures 10 !
de composantes
Lij = ei · L · ej , (1.27)
de sorte que, si
[x] = Vect(x, {ei }) , (1.28)
on a 11
Vect L · x, {ei } = [L] · [x] = [Lij xj ] . (1.29)
d’où
[L0 ] = Mat L, {e0i } = [P T ] · [L] · [P ] , (1.30)
soit en composantes 12
L0ij = Pki Lkm Pmj . (1.31)
10. Cette notation avec un empilement de barres ne pourra cependant pas, pour des raisons d’encombrement, être
utilisé pour des tenseurs d’ordre élevé, d’où la notation générale Tn si n & 4. Mentionnons aussi qu’en écriture
=⇒ →
manuscrite on écrira parfois L au lieu de L, de la même façon que l’on écrira x au lieu de x.
11. Dans (1.29) le point entre [L] et [x] désigne le produit matrice-vecteur classique.
12. En lien avec ce qui a été dit au niveau de l’équation (1.20) : si on utilise la matrice de changement de base
[Q] = [P T ] au lieu de la matrice de passage [P ], on obtient la formule
a ⊗ b : R3 −→ R3
. (1.32)
x 7−→ (a ⊗ b) · x = a (b · x)
L = Lij ei ⊗ ej . (1.34)
Cette écriture est intrinsèque au sens où elle fait apparaı̂tre les êtres essentiels que sont les vec-
teurs. Elle montre que l’ensemble des tenseurs ei ⊗ej est une base de l’espace vectoriel des tenseurs
d’ordre 2. Elle permet d’éviter tout risque de mélanges entre bases extrêmement dangereux
lors de l’étude de problèmes où plusieurs bases rentrent en jeu, puisque les vecteurs sont écrits
explicitement 14 . Cette écriture intrinsèque peut justement s’utiliser pour faire des changements de
base de façon très efficace, comme l’illustre l’exercice suivant.
1 : x 7−→ x (1.35)
1 = ei ⊗ ei . (1.36)
L : R3 × R3 −→ R . (1.37)
(x,y) 7−→ L(x,y) = x · L · y = x · L · y
Dans cette équation les deux premières écritures sont des notations équivalentes pour le même
objet 16 , tandis que la troisième fournit une définition calculatoire de cet objet : une fois qu’une
base est choisie on a
L(x,y) = x · L · y = x · L · y = xi Lij yj . (1.38)
Une schématisation de cette formule que l’on peut appeler règle du sandwich est présentée
sur la figure 1.1. Un cas particulier remarquable de cette formule s’obtient en utilisant pour x et
y des vecteurs de base ; on en déduit
Réciproquement, si on connait l’application bilinéaire (x,y) 7−→ x·L·y, on peut définir l’application
linéaire y 7−→ L · y en stipulant que ce dernier vecteur est l’unique vecteur v tel que
a ⊗ b : R3 × R3 −→ R
. (1.40)
(x,y) 7−→ (a · x)(b · y)
Ce point de vue sera très utilisé lorsque l’on étudiera les déformations de milieux matériels. On
va maintenant exploiter ce point de vue pour (re)définir la notion de transposition, avant de le
généraliser au cas de tenseurs d’ordre quelconque.
15. Ou forme bilinéaire, puisqu’elle est à valeurs réelles. La forme quadratique associée s’obtient en considérant
le cas y = x.
16. La valeur de la fonction L appliquée au couple de variables (x,y) !
1.4 Les tenseurs d’ordre 2 comme applications bilinéaires 17
Fig. 1.1 – Illustration de la formule (1.37) pour x · L · y, dite règle du sandwich . L’endomorphisme
Le point de vue (1.37) permet de définir, étant donné un tenseur quelconque L, le tenseur
transposé LT par
LT : R3 × R3 −→ R
. (1.41)
(x,y) 7−→ LT (x,y) = L(y,x)
En vertu de (1.37) et (1.38) il vient que, si l’on note (M) la matrice représentant LT sur une base,
∀x,y, LT · y · x = xi Mij yj = yi Lij xj = y · L · x , (1.42)
On en déduit que la matrice [M ] représentant LT n’est autre que la transposée de la matrice [L]
représentant L.
On définit les tenseurs symétriques comme ceux qui sont égaux à leur tenseur transposé,
S symétrique ⇐⇒ S = ST , (1.43)
et les tenseurs antisymétriques comme ceux qui sont opposés à leur tenseur transposé,
Montrez de deux manières différentes, l’une utilisant une représentation en base orthonormée,
l’autre intrinsèque, que
(a ⊗ b)T = b ⊗ a . (1.45)
18 Chapitre 1 Algèbre tensorielle
Tn : R3 × · · · × R3 −→ R
n . (1.46)
(x1 , · · · , xn ) 7−→ T (x1 , · · · , xn )
Par n-linéaire on signifie que Tn est linéaire par rapport à chacun de ses arguments. Comme
elle est à valeurs scalaires, on peut aussi la désigner comme une forme multilinéaire . Pour
ce qui est des tenseurs d’ordre 1 et 2 ce point de vue correspond à celui des sections 1.2 et 1.4.1.
En raisonnant par récurrence, supposons que l’on a été capable de faire le lien entre les définitions
(1.23) et (1.46) pour les tenseurs d’ordre 1 à n − 1 ≥ 1. Considérons maintenant un tenseur Tn
d’ordre n ≥ 2 défini par (1.23). On peut définir Tn (x1 , · · · ,xn ) en remarquant que Tn · xn est un
tenseur d’ordre n − 1, donc que l’on sait définir
qui est bien un nombre réel dépendant linéairement de chaque variable x1 , · · · ,xn .
Montrez que si n = 2 la définition par récurrence (1.47) est équivalente à celle posée en (1.37).
a1 ⊗ · · · ⊗ an : R3 × · · · × R3 −→ R
.
(x1 , · · · , xn ) 7−→ (a1 ⊗ · · · ⊗ an )(x1 , · · · ,xn ) = (a1 · x1 ) · · · (an · xn )
(1.49)
Ceci généralise bien la formule (1.40) dans le cas du produit tensoriel de 2 vecteurs.
1.5 Les tenseurs comme applications multilinéaires 19
Fig. 1.2 – Représentation schématique de nos amis les tenseurs vus comme des applications multi-linéaires.
Les nombres de bras sont les nombres de vecteurs que chaque tenseur peut attraper en vertu de la
définition (1.46), ou encore le nombre d’indices repérant les composantes de chaque tenseur sur une base
donnée en vertu de (1.55). Au dessous de chaque top-modèle figure l’ordre de tensorialité correspondant.
T3 (x, y, z) = T3 (xi ei , yj ej , zk ek )
= xi yj zk T3 (ei , ej , ek )
La notion de produit tensoriel telle qu’elle vient d’être définie permet en conséquence d’écrire que
T3 = Tijk ei ⊗ ej ⊗ ek , (1.51)
ce qui généralise au cas des tenseurs d’ordre 3 la formule (1.34) pour les tenseurs d’ordre 2.
Les nombres Tijk représentent le tenseur T3 dans la base {ei }. Ce sont les composantes de
T3 dans cette base. Ils dépendent du choix de cette base. Les formules de changement de base
s’établissent comme suit : si {e0i } est une autre base, caractérisée comme dans la section 1.1.4 par
sa matrice de présentation [P ] d’éléments (1.11), on a
0
Tijk = T3 (e0i , e0j , e0k ) = T3 (Pli el , Pmj em , Pnk en ) (1.52)
0
Tijk = Pli Pmj Pnk Tlmn . (1.53)
20 Chapitre 1 Algèbre tensorielle
Établissez une formule de changement de base équivalente à (1.53) mais dans le cas où l’on
étudie la représentation d’un tenseur T d’ordre 2, vu comme une application bilinéaire. Vérifiez
que cette formule est équivalente à la formule (1.31).
Revenons une dernière fois sur la remarque faite au niveau de l’équation (1.20) : si on utilise la
matrice de changement de base [Q] = [P T ] au lieu de la matrice de passage [P ], on obtient la
formule
Ti01 i2 ···in = Qi1 j1 Qi2 j2 · · · Qin jn Tj1 j2 ···jn (1.57)
sans doute plus simple en ce qui concerne l’ordonnancement des indices. Pour le cas de tenseurs
d’ordre 2 les formules équivalentes à (1.54), (1.55) et (1.56) sont (1.39), (1.34) et (1.31). Ceci nous
amène enfin à énoncer qu’un tenseur d’ordre n est un être représenté sur une base par un
tableau de nombres - qui sont ses composantes - à n indices vérifiant les règles de
transformation par changement de base (1.56). Ce point de vue est parfois adopté pour
introduire les tenseurs. Il est repris sur les figures 1.2 et 1.3.
Les formules (1.54) et (1.55) prouvent que les tenseurs ei1 ⊗ ei2 ⊗ · · · ⊗ ein forment une base de
l’espace des tenseurs d’ordre n. Cet espace, parfois noté Tn , est ainsi un espace vectoriel
de dimension 3n ... dans le cas de tenseurs agissant sur des vecteurs de R3 considéré ici 18 , cf. la
définition (1.46).
Tp = An · Bm
17. Dans ce qui suit on omet de rappeler l’exposant n, afin d’éviter toute confusion au niveau de la convention de
sommation d’Einstein.
18. Dans le cas de tenseurs agissant sur des vecteurs de R2 , au sens de la note de bas de page numéro 5 sur les
n
problèmes plans , la dimension de Tn est bien sûr 2 .
19. Dans ce qui suit on omet de rappeler les exposants n et m, afin de simplifier les notations et surtout d’éviter
toute confusion au niveau de la convention de sommation d’Einstein.
1.5 Les tenseurs comme applications multilinéaires 21
Fig. 1.3 – Représentation schématique des tenseurs, cette fois-ci par un véritable artiste...
où l’indice i répété cache une sommation. Il importe de vérifier que ce tenseur est bien un objet
intrinsèque qui ne dépend pas du choix de la base {ei } utilisée. Pour cela considérons une deuxième
base {e0i } ; on a, en utilisant les notations de la section 1.1.4,
Vérifiez que la définition (1.58) appliquée au cas où An est le vecteur a et Bm le vecteur b
redonne bien pour a · b le produit scalaire classique de a et b,
a · b = ai bi . (1.59)
Vérifiez que la définition (1.58) appliquée au cas où An est le tenseur d’ordre 2 L et Bm le
vecteur b redonne bien pour L · b l’application de L à b au sens de la définition (1.25), i.e., une
fois une base {ei } choisie pour représenter ces objets,
L · b = Lij bj ei . (1.60)
22 Chapitre 1 Algèbre tensorielle
Vérifiez que la définition (1.58) appliquée au cas où An est le tenseur d’ordre 2 A et Bm le
tenseur d’ordre 2 B donne, une fois une base {ei } choisie,
Vous remarquerez que si l’on adopte le point de vue tenseur comme application linéaire alors
A · B correspond à la composition de l’application linéaire B avec l’application linéaire A, que l’on
pourrait noter aussi A ◦ B, et que, si l’on raisonne en terme de matrices,
Mat A · B,{ei } = Mat A,{ei } · Mat B,{ei } . (1.62)
Ces formules peuvent se résumer avec la règle générale suivante : le produit contracté d’un
tenseur A d’ordre n et d’un tenseur B d’ordre m s’obtient en formant le tenseur d’ordre n + m − 2
dont les composantes sont les produits des composantes de A et B avec une sommation sur le
dernier indice de A pris égal au premier indice de B,
Muni de cette règle, on peut donner un sens à de nouveaux produits de la forme a · L par exemple,
et montrer par ailleurs que le produit contracté est associatif. Ainsi
∀a, b, L, a· L·b = a·L ·b . (1.64)
Démontrez, en explicitant ces produits dans une base orthonormée, l’égalité valable pour deux
vecteurs a et b quelconques, et un tenseur T d’ordre n quelconque,
a · (T · b) = (a · T) · b . (1.65)
Vérifions que cette quantité est inchangée si on travaille dans une base {e0i } différente. Considérons
donc
T0 = A(x1 , · · · , xn−2 , e0i , e0j ) B(e0j , e0i , y3 , · · · , ym ) .
Dans le cas où A et B sont deux tenseurs d’ordre 2, on obtient immédiatement que leur produit
doublement contracté est le scalaire
On a la propriété de commutation
A:B = B:A. (1.68)
Comme ce scalaire ne dépend que de A et pas de la base choisie, on dit que c’est un inva-
riant de A... traditionnellement appelé premier invariant de A...
Remarquez, en lien avec l’exercice 1.9, que, si l’on adopte momentanément le point de vue qu’un
tenseur est une application linéaire,
A : B = tr A · B = tr A ◦ B . (1.70)
somme des carrés des composantes de A, que l’on peut voir comme une norme euclidienne carré
de A.
Dans le cas où A est un tenseur d’ordre 3 et B un tenseur d’ordre 2, on obtient à partir de (1.66)
que leur produit doublement contracté est le vecteur
21. D’autres définitions concurrentes sont possibles, d’où le un ; second évoque pour nous le fait que cet
invariant dépend de façon quadratique de A, alors que le premier invariant dépend de façon linéaire de A.
24 Chapitre 1 Algèbre tensorielle
Enfin dans le cas général le produit doublement contracté d’un tenseur A d’ordre n et d’un
tenseur B d’ordre m s’obtient en formant le tenseur d’ordre n + m − 4 dont les composantes sont
les produits des composantes de A et B avec une sommation sur le dernier indice de A pris égal
au premier indice de B, et une autre sur l’avant dernier indice de A pris égal au deuxième indice
de B,
A : B = Ai1 ···in−2 lk Bklj3 ···jm ei1 ⊗ · · · ⊗ ein−2 ⊗ ej3 ⊗ · · · ⊗ ejm . (1.73)
Rappelons que les permutations paires de (1,2,3), appelées aussi permutations circulaires de
(1,2,3), sont
(1,2,3) 7−→ (1,2,3) , (1,2,3) 7−→ (2,3,1) , (1,2,3) 7−→ (3,1,2) . (1.75)
Certains auteurs désignent les ijk comme les symboles d’antisymétrie
22 , puisqu’effective-
ment les ijk sont antisymétriques par échange d’indices :
Comme la composition d’une permutation paire σ par une permutation donnée a la même signature
que cette permutation donnée, on peut aussi remarquer que les ijk sont invariants par permutation
circulaire,
σ(i)σ(j)σ(k) = ijk . (1.77)
Vérifions que est bien un tenseur d’ordre 3. En vertu de (1.53), on doit vérifier que, dans un
changement de base caractérisé par une matrice de passage [P ],
0ijk = Pli Pmj Pnk lmn = Pmi Plj Pnk mln = −Pmj Pli Pnk lmn
en utilisant ensuite le fait que i = j et l’antisymétrie de . Comme 0ijk est égal à son opposé, il est
nul, c’est-à-dire égal à ijk .
Si i, j et k sont tous différents, on peut remarquer que
n’est autre, d’après la formule de Leibniz vue en classes préparatoires, que le déterminant de
la matrice formée par les ième , j ème et k ème vecteurs colonnes de [P ]. D’après la théorie des
déterminants, c’est le déterminant de la matrice [P ] multiplié par la signature de la permutation
faite sur les colonnes, i.e. la permutation (1,2,3) 7−→ (i,j,k) :
det[P ] = 1 . (1.80)
ce qui est plus compact et maniable que l’écriture en tableau utilisée en classes préparatoires... Ce
scalaire peut être vu comme le troisième invariant de l’endomorphisme A, troisième au
sens où il dépend de façon cubique de A.
Exercice 1.11 Utilisation du tenseur alterné fondamental pour calcul d’un déterminant
Montrez que si
F = 1+L , (1.82)
avec L un tenseur infiniment petit i.e. d’ordre de grandeur L = L 1, alors
Commentaires :
• Voyez sur cet exercice, sur la notion de norme et la notation O, l’annexe A.1.
• Une application physique de la formule (1.83) sera le calcul de la dilatation volumique en
petite transformation, cf. la section 2.1.7 de Plaut (2017).
26 Chapitre 1 Algèbre tensorielle
Cette application n’est autre que le produit mixte déjà rencontré en classes préparatoires, soit le
déterminant des vecteurs colonnes représentant x, y et z. Rappelons son interprétation géométrique :
• ce produit mixte est nul si et seulement si x, y et z sont liés ;
• dans le cas où x, y et z sont indépendants et forment un trièdre direct, (x, y, z) est le
volume du parallélépipède de côtés x, y et z ;
• dans le cas où x, y et z sont indépendants et forment un trièdre indirect, (x, y, z) est
l’opposé du volume du parallélépipède de côtés x, y et z.
z 7−→ (x, y, z) .
∀ x, y, z , (x, y, z) = (x ∧ y) · z , (1.85)
23. Pour la même raison que celle expliquée dans la note 22, on dit parfois que le produit vectoriel est un pseu-
dovecteur.
24. Pour passer à la toute dernière expression dans (1.86) on a renommé tous les indices muets suivant (i,j,k) 7−→
(j,k,i).
1.6 Tenseur alterné fondamental et applications 27
Exercice 1.12 Formules portant sur le tenseur alterné fondamental et le vecteur dual
1 Montrez que
ijk ipq = δjp δkq − δjq δkp . (1.91)
Commentaire : cette question plus difficile peut être considérée comme facultative : on vous re-
commande donc d’admettre la formule (1.91) ; les curieux liront sa démonstration dans le corrigé
des exercices.
2 À l’aide de cette formule montrez que
1 T
vd L · = L −L . (1.92)
2
En conséquence cette notion de vecteur dual n’est intéressante que pour un tenseur A anti-
symétrique au sens de la définition (1.44). On peut se convaincre qu’alors
∀x, A · x = vd A ∧ x . (1.95)
Cette équation permet d’ interpréter le vecteur dual comme un vecteur rotation , puisqu’un
champ A · x de cette forme coı̈ncide avec le champ de vitesse instantané d’un solide indéformable
(une fois l’origine des x choisie sur l’axe instantané de rotation ; cf. à ce sujet la section 2.2.5 du
cours de mécanique Plaut 2017)
v(x) = ω ∧ x .
Explicitez la formule (1.92) dans le cas où L est un tenseur A antisymétrique, et déduisez en
la formule (1.95).
La notion de gradient introduite brutalement ici fait partie des concepts fondamentaux de l’analyse
tensorielle ; il est temps de s’y lancer...
Analyse tensorielle
En physique des milieux continus la notion de gradient d’un champ scalaire mérite d’être
généralisée, puisque, si on s’intéresse par exemple à un fluide, l’analyse 1 de son champ de vecteur
vitesse semble au moins aussi importante que celle de son champ de température 2 . L’objet de ce
chapitre est justement de généraliser, de façon la plus systématique possible, et tant qu’on y est
à des tenseurs d’ordre élevé (voire quelconque), les outils d’analyse des fonctions de plusieurs
variables vus en classes préparatoires. Ces outils d’analyse sont les opérateurs différentiels
gradient, rotationnel, divergence et laplacien, que l’on introduit tout en expliquant leur si-
gnification physique, en lien avec leur définition et propriétés. On s’intéresse donc à des champs
de tenseurs c’est-à-dire des applications régulières 3 d’un ouvert Ω de l’espace physique (typi-
quement le volume d’un milieu matériel) vers l’espace vectoriel des tenseurs d’un certain ordre n.
On utilise la définition des tenseurs comme applications linéaires, donnée par l’équation (1.23).
D’autre part on s’abstient de la notation avec parenthèses pour désigner l’application d’un tenseur
d’ordre n à un vecteur, utilisant exclusivement la notation avec le point de contraction. Ainsi, dans
ce chapitre, un tenseur d’ordre n, noté Tn , est une application linéaire
qui à tout vecteur fait correspondre un tenseur d’ordre n − 1 : . (2.1)
Tn : h 7−→ Tn · h
Une fois choisi un point origine O dans l’espace, en identifiant les points M de Ω à leur vecteur
position x = OM, on peut poser qu’un champ de tenseur d’ordre n est une fonction
L’utilisation du point de contraction pour désigner Tn (x) appliqué à h, proposée en (2.1), conduit
à noter cet objet
Tn (x) · h .
Ceci permet d’éviter des notations très lourdes du type Tn (x)(h), et de mettre en évidence la
différence fondamentale qui existe entre x vecteur position dans le champ Ω où est défini Tn
et h vecteur totalement quelconque de R3 auquel peut s’appliquer Tn (x). Physiquement, h sera
souvent une variation infinitésimale dx de x, mais, compte tenu de la linéarité de Tn (x), qu’on
l’applique à des vecteurs infinitésimaux ou non importera mathématiquement peu...
1. Voir au sujet de l’analyse la note 6 au bas de la page 5.
2. De même en électromagnétisme l’analyse des champs électrique et magnétique est indispensable.
3. Pour simplifier on les considère de classe C 2 .
PSfrag replacements
v(x + dx)
x + dx
dv
dv = ∇v · dx veut dire... dx
x
v(x)
Fig. 2.1 – Figure illustrant la définition intrinsèque (2.5) du gradient d’un champ de vecteur v(x). Ce
gradient ∇v - sous-entendu au point x - est l’application linéaire qui à la différence de position dx fait
correspondre la différence de vecteur dv, c’est donc l’application linéaire représentée par la flèche courbe.
Une représentation du champ ∇v · dx est proposée sur le tracé inférieur gauche de la figure 2.2.
∇T : dx 7−→ dT = ∇T · dx . (2.5)
La figure 2.1 illustre cette définition dans le cas où T est un champ de vecteur v.
Pour comprendre la signification physique de ∇T, il est utile de mentionner le terme utilisé
par de nombreux mathématiciens pour le désigner. Ils appelent le gradient de T l’ application
linéaire tangente à T. En effet, comme la tangente à une courbe est l’approximation linéaire
locale de celle-ci, l’application linéaire tangente à T est l’approximation linéaire locale du champ
T, puisqu’elle permet de calculer les dT en fonction des dx. On illustrera ceci plus précisément
dans le cas d’un champ de vecteurs dans la section 2.2, et sur la figure 2.2.
données , des champs tensoriels étudiés 4 . On peut écrire, grâce à la théorie du calcul différentiel,
que
∂T
dT = dxk (2.6)
∂xk
où les dérivées partielles de T sont définies par
∂T T(x + hek ) − T(x)
= lim . (2.7)
∂xk h→0 h
En identifiant les formules (2.5) et (2.6) sachant que dx = dxk ek , on obtient que 5
∂T
∀k , ∇T · ek = . (2.8)
∂xk
Si T est un champ scalaire T , son gradient est donc le champ de vecteur défini par
∂T
∇T = ek . (2.9)
∂xk
∂vi
∇v = ei ⊗ ej . (2.11)
∂xj
De même le gradient d’un champ de tenseur T d’ordre 2 est le champ de tenseur d’ordre
3 défini par
∂Tij
∇T = ei ⊗ ej ⊗ ek . (2.12)
∂xk
Mentionnons que l’on note parfois les dérivées partielles avec une virgule ou un point virgule 6 . Nous
n’utiliserons pas de telles notations ici, pour ne pas compliquer votre apprentissage. Cependant être
conscient de leur existence pourra s’avérer utile... si jamais vous lisiez un jour les œuvres complètes
d’Einstein (voir à ce sujet la figure culturelle 2.7 page 45), ou moins improbablement des traités
ou articles de mécanique ou électromagnétisme avancés.
4. Cette terminologie calculs en coordonnées cartésiennes et la méthodologie associée seront très utilisées !..
5. Cette identification repose sur le fait que les variations des coordonnées dx1 , dx2 , dx3 sont indépendantes.
Autrement dit l’égalité ∇T · ek dxk = (∂T/∂xk )dxk doit avoir lieu quels que soient dx1 , dx2 , dx3 infiniment petits...
6. I.e.
∂T ∂T
T,xk ou T,k .
∂xk ∂xk
On y gagne une concision extrême, puisque par exemple avec cette deuxième convention la formule (2.12) devient
∇ T = Tij,k ei ⊗ ej ⊗ ek .
Pour des dérivées partielles secondes on utilise parfois des notations avec une seule virgule et en listant les coordonnées
ou indices de coordonnées par rapport auxquels on dérive,
∂2T ∂2T
T,xy ou T,ij .
∂x∂y ∂xi ∂xj
34 Chapitre 2 Analyse tensorielle
∇v = D + ω , (2.13)
DT = D , ω T = −ω . (2.14)
Par addition et soustraction de (2.13) et (2.15), il vient que la décomposition (2.13) est unique et
définie par
1 1
D = ∇v + ∇vT , ω = ∇v − ∇vT . (2.16)
2 2
Dans ce qui suit on raisonne autour d’un point x donné, afin d’interpréter les contributions de D
et ω (sous entendu au point x) à
Les abréviations introduites vont être justifiées. L’interprétation de ∇v en tant qu’ application
linéaire tangente à v peut s’éclairer en méditant les schémas de gauche de la figure 2.2.
D = λ1 n1 ⊗ n1 + λ2 n2 ⊗ n2 + λ3 n3 ⊗ n3 . (2.18)
En deux dimensions (cas X3 = 0) des champs de ce type sont présentés sur le schéma du milieu
de la figure 2.2 (cas λ1 = 1,1 et λ2 = −1), ou encore sur la figure 2.6. On voit apparaı̂tre des
champs déformants , qui montrent que cette première partie de dv décrit la déformation
locale du champ dv. On peut affirmer phénoménologiquement que λi est le taux d’extension ,
s’il est positif, ou taux de contraction , s’il est négatif, du champ dvdéf dans la direction ni .
= +
Fig. 2.2 – Illustration d’un gradient de vecteurs et de la décomposition (2.13) par représentation de champs
dans une partie de R2 centrée sur son origine. En haut à gauche, champ de vecteurs v(x) dépendant non
linéairement de x, mais vérifiant v(0) = 0. Grâce à ces hypothèses de centrage , auxquelles on peut
toujours se ramener par de simples translations, on peut considérer que δv = v et dx = x dans la formule
(2.17). En dessous, le champ tangent dv = ∇v(0) · x. Ce champ dépend linéairement de x, et
constitue au voisinage de l’origine une bonne approximation du champ précédent. Au milieu, la partie de
déformation locale de ce champ, D(0) · x. Ici exceptionnellement les vecteurs de la base canonique sont
vecteurs propres de D(0). À droite, la partie de rotation locale de ce champ, ω(0) · x = 21 rot(v)(0) ∧ x.
en vertu du fait que ω et ∇v différent seulement d’un tenseur symétrique, dont le vecteur dual
est nul d’après (1.94). Ainsi
1
dvrot = ω · dx = rot(v) ∧ dx . (2.21)
2
Un exemple de tel champ est représenté sur le schéma de droite figure 2.2. C’est toujours un champ
tournant : on peut interpréter cette partie de dv comme décrivant la rotation locale du
champ dv. De plus on peut affirmer sur le rotationnel d’un champ que sa direction donne celle
de l’axe de la rotation locale de ce champ, sa norme mesure l’intensité de cette rotation. Dans son
ensemble la figure 2.2 illustre toute la formule (2.17) ; il convient de la bien méditer 9 .
8. Pseudovecteur pour les puristes, puisqu’à nouveau le pseudotenseur pointe le bout de son nez.
9. La figure 2.2 est d’une importance capitale. En effet on verra que les lois de comportement des solides et des
fluides utilisent de façon essentielle les décompositions (2.13) et (2.17).
36 Chapitre 2 Analyse tensorielle
∂vk
rot(v) = ijk ei , (2.22)
∂xj
rot(v) = ∇ ∧ v
div T = ∇T : 1 (2.23)
qui est d’après la définition du produit doublement contracté donné en section 1.5.5 un tenseur
d’ordre n + 1 + 2 − 4 = n − 1. On nomme le champ correspondant divergence du champ T.
La signification physique de div T se révèle à partir de la formule intégrale de la divergence
(2.39), qui implique cet opérateur, mais nécessite aussi des notions de calcul intégral. Nous y
reviendrons donc à la fin de la section 2.4.
∂vi
divv = ∇v : 1 = tr∇v = . (2.24)
∂xi
∂Ti1 ···in−1 j
div T = ei1 ⊗ · · · ⊗ ein−1 . (2.25)
∂xj
2.4 Intégration des champs de tenseurs 37
En particulier si T est un champ de tenseur d’ordre 2, il vient que sa divergence est le champ
de vecteur défini en tout point de Ω par
∂Tij
div T = ei . (2.26)
∂xj
La courbe orientée étant définie par le paramétrage t ∈ [0,1] 7−→ x(t), de classe C 1 , on a
dl = ||x0 (t)|| dt i.e. on définit IC par
Z 1
IC (f ) = f (x(t)) ||x0 (t)|| dt . (2.28)
0
La surface étant paramétrée au moins localement par (u,v) 7−→ x(u,v), on a localement,
d’après la formule (1.88),
∂x ∂x ∂x ∂x
d2 S = ||dxu ∧ dxv || = du ∧ dv = ∧ du dv . (2.30)
∂u ∂v ∂u ∂v
Le volume étant paramétré au moins localement par (u,v,w) 7−→ x(u,v,w), on a localement,
d’après l’interprétation du produit mixte (1.84),
∂x ∂x ∂x ∂x ∂x ∂x
d3 x = (dxu , dxv ,dxw ) = du, dv, dw = , , du dv dw. (2.32)
∂u ∂v ∂w ∂u ∂v ∂w
Considérons par exemple 11 un champ de tenseur d’ordre 2
n
S
PSfrag replacements
n
m ∂S
t
n
Fig. 2.3 – Conventions d’orientation à respecter pour le champ de vecteur normale unitaire n(x) à une
surface S de l’espace R3 , et pour l’orientation de son bord ∂S, afin de pouvoir appliquer la formule du
rotationnel (2.35). On peut traduire cette convention d’orientation avec une règle de la main droite : si
j’oriente mon majeur droit le long du vecteur tangent au bord t, et mon pouce droit du côté de S, c’est-à-dire
du vecteur m, alors le vecteur n doit sortir du dos de ma main vers l’extérieur de celle-ci.
D’où l’interprétation du champ rotv : son flux à travers S (terme de gauche) définit la circulation
de v le long de ∂S (terme de droite). Cette formule peut s’étendre au cas de surfaces et bords
un peu moins réguliers, présentant par exemple des arêtes vives, à condition de veiller à ne pas
modifier brutalement l’orientation de n(x), qui doit toujours pointer dans la même direction.
12. Les vecteurs ei constituent une base globale fixe, les tenseurs ei ⊗ ej sont donc indépendants du point et
peuvent être sortis de l’intégrale.
13. Voir par exemple le chapitre 8 de Pernès (2003), qui utilise cependant des notations différentes ; pour une
approche plus mathématique voir Chatterji (1997) ; enfin l’approche pragmatique d’Aris (1962) est intéressante.
Notez que t dl peut être noté dx = x0 (t) dt en utilisant un paramétrage t 7→ x(t) de ∂S.
2.4 Intégration des champs de tenseurs 39
n
n
n
n
∂Ω n
Ω
n
n
n
n n
Fig. 2.4 – Convention d’orientation à respecter pour le champ de vecteur normale unitaire sortante
n(x) au bord ∂Ω d’un ouvert Ω de l’espace R3 afin de pouvoir appliquer la formule de la divergence (2.38)
ou (2.39).
en faisant usage de la propriété d’associativité (1.64), et en se rappelant que ei est un vecteur fixe
qui peut donc être sorti de l’intégrale. D’autre part on peut montrer facilement que 16
div ei · T = ei · div T . (2.37)
14. De classe C 1 au moins sur un ouvert strictement plus grand que l’adhérence de Ω ; rappelons que l’on a supposé
dans ce document tous les champs de classe C 2 .
15. Une démonstration à la physicienne de cette formule peut être lue dans les chapitres 8 de Pernès (2003)
ou 3 de Aris (1962) ; pour une approche plus mathématique on consultera par exemple Chatterji (1997).
16. Le faire, en passant en composantes dans une base orthonormée. Ou alors traiter l’exercice 2.7...
40 Chapitre 2 Analyse tensorielle
Certains physiciens appelent (2.39) formule du flux-divergence , car elle dit l’égalité entre
le flux (généralisé) de T à travers ∂Ω (le terme de droite) et l’intégrale de div T dans Ω (le terme
de gauche). Ceci donne de premiers éléments d’interprétation physique de l’opérateur divergence.
Supposez la formule (2.39) vraie pour tout champ tensoriel d’ordre n ≥ 2, et montrez sa validité
pour un tenseur T d’ordre n + 1.
Dans un cas plan, au sens de la note de bas de page 5 p. 10, le plan R2 de repère Ox1 x2 est
plongé dans l’espace R3 de repère Ox1 x2 x3 . Un champ de vecteurs v2 régulier sur une partie Ω2
de R2 contenant une surface S est prolongé sur Ω3 = Ω2 × R en posant
Considérons, comme cela est représenté sur la figure 2.5, le volume D = S × [0,1], de forme
cylindrique au sens large. Si n2 est le champ de normale sortante à S, défini dans le plan
Ox1 x2 sur ∂S, on peut l’étendre en un champ n3 défini et régulier sur ∂D en posant
∀(x1 ,x2 ,x3 ) ∈ ∂D , si (x1 ,x2 ) ∈ ∂S , n3 (x1 ,x2 ,x3 ) = n2 (x1 ,x2 ) ,
si x3 = 0 , n3 (x1 ,x2 ,x3 ) = −e3 ,
si x3 = 1 , n3 (x1 ,x2 ,x3 ) = e3 . (2.40)
en posant naturellement
∂(v2 · e1 ) ∂(v2 · e2 )
divv2 = + . (2.42)
∂x1 ∂x2
La formule intégrale de la divergence dans le plan (2.41) peut par exemple être appliquée
à une surface D(x,a) disque centré en x, de rayon a infinitésimal. On obtient, quand a tend vers
0, par continuité des champs considérés,
1
Z
divv2 (x) = lim v2 · n2 dl (2.43)
a→0+ πa2 C(x,a)
2.4 Intégration des champs de tenseurs 41
x3
n2 n2 n3 n3
O x2 n3
n2
n3
S ∂D
∂S n2 n3
D
n2
O x2
n2 n3
n2
x1 n3
x1
Fig. 2.5 – Gauche : surface S du plan R2 avec son champ de normale sortante n2 ; afin de pouvoir
appliquer la formule intégrale de la divergence dans le plan (2.41) le bord ∂S de S doit être orienté dans le
sens trigonométrique, comme l’indique la flèche sous le symbole S. Droite : volume D = S × [0,1] construit
à partir de S par translations verticales, avec son champ de normale sortante n3 sur son bord latéral, utilisé
pour démontrer à partir de la formule tridimensionnelle (2.36) la formule bidimensionnelle (2.41).
Fig. 2.6 – Dans le plan x1 Ox2 , tracés de champs (2.44). Haut : (λ1 ,λ2 ) = (1,1), (1,− 12 ), ( 12 ,−1), (−1,−1)
de gauche à droite. En vertu de (2.45), on a affaire de gauche à droite à un champ divergent (divv = 2),
faiblement divergent (divv = 12 ), faiblement convergent (divv = − 12 ) puis convergent (divv = −2). Bas :
(λ1 ,λ2 ) = (1, − 1), soit un champ de divergence nulle.
v = λ1 x1 e1 + λ2 x2 e2 , (2.44)
pour lesquels on a
divv = λ1 + λ2 . (2.45)
On peut noter que, d’après la discussion de la section 2.2.2, ces champs représentent la forme
générique, en deux dimensions, de champs déformants , une fois que l’on a choisi pour base
celle des vecteurs propres de ∇v = D.
42 Chapitre 2 Analyse tensorielle
Dans le cas d’un champ de vecteurs v3 défini (et régulier) sur une partie de R3 , on peut faire un
raisonnement similaire en considérant une boule B(x,a) centrée en x, de rayon a infinitésimal. On
obtient, à partir de la formule intégrale de la divergence (2.36), quand a tend vers 0, par continuité
des champs considérés,
3
ZZ
divv3 (x) = lim v3 · n d2 S (2.46)
a→0+ 4πa3 S(x,a)
donc avoir une déformation locale nulle équivaut à D = 0 qui entraine bien divv = 0.
La formule (2.47) montre que c’est la partie de déformation locale du champ, définie par D seul,
qui contrôle sa divergence. Comme expliqué au niveau de la section 2.2.2, D peut se diagonaliser
sur une base orthonormée {n1 ,n2 ,n3 }, où
D = λ1 n1 ⊗ n1 + λ2 n2 ⊗ n2 + λ3 n3 ⊗ n3 , (2.48)
avec λi le taux d’extension , s’il est positif, ou taux de contraction , s’il est négatif, du
champ dvdéf dans la direction ni . D’après la formule (2.47), on a que la divergence de v est la
somme des valeurs propres de D,
divv = λ1 + λ2 + λ3 , (2.49)
Ceci montre que la ième composante du vecteur div T est la divergence du champ de vecteurs
T · ei , qui doit donc diverger ou converger pour que cette composante ne soit pas nulle.
17. Le faire, en passant en composantes dans une base orthonormée. Ou alors traiter l’exercice 2.7...
2.5 Laplacien d’un champ de tenseur 43
∆T = div ∇T = ∇ ∇T : 1 . (2.51)
Sa signification physique se déduit de celles du gradient et de la divergence. Dans le cas où T est
un champ scalaire T , on note que ∆T (x) > 0 équivaut à ce que le champ ∇T diverge autour de
x, ce qui est une condition nécessaire pour qu’en x le champ T admette un minimum local. Au
contraire ∆T (x) < 0 équivaut à ce que le champ ∇T converge vers x, ce qui est une condition
nécessaire pour qu’en x le champ T admette un maximum local.
∆T = div v
∂2T
∆T = div ∇T = , (2.52)
∂xi ∂xi
ce qui est là encore la notion vue en classes préparatoires. Rappelons au passage que les dérivées
partielles secondes d’une fonction de l’espace f (x) sont définies par
∂2f ∂ ∂f
= , (2.53)
∂xi ∂xj ∂xi ∂xj
et que si f est suffisamment régulière, i.e. de classe C 2 , le théorème de Schwarz 18 stipule que
l’ordre des indices n’importe pas. Dans ce cours on supposera tous les champs de classe C 2 , donc
le théorème de Schwarz sera vérifié.
Si T est un champ de vecteur v, son gradient est le champ de tenseur d’ordre 2 donné en vertu
de (2.11) par
∂vi
L = ei ⊗ ej .
∂xj
D’après (2.26) on a donc que ∆v est le champ de vecteur donné par
∆v = div L
∂ 2 vi
∆v = div ∇v = ei = ∆vi ei . (2.54)
∂xj ∂xj
Cette dernière notation est un petit peu abusive puisque l’ opérateur ∆ ne doit normalement
agir que sur un champ scalaire, or vi n’est pas un tel champ au sens tensoriel du terme.
18. Mathématicien allemand de la fin XIXème - début XXème .
44 Chapitre 2 Analyse tensorielle
Fig. 2.7 – Manuscrit d’Einstein présentant des calculs en relativité générale, théorie qui utilise beaucoup
le calcul tensoriel. Cette théorie peut, d’une certaine façon, être considérée comme le prolongement de la
mécanique des milieux continus pour des systèmes de très grandes échelles d’espace, de masse et de vitesse.
C’est en établissant cette théorie, très mathématique, qu’Einstein aboutit aux conclusions citées page 7 ; sur
la genèse de cette citation voir la communication de Norton (2008). De nombreux manuscrits d’Einstein, et
en tout cas celui montré ici, sont disponibles en ligne sur le site ‘Einstein Archives Online’.
σ = λ (tr) 1 + 2µ . (2.70)
D’autre part le champ est lié au champ de vecteurs déplacements u(X) par
1
= ∇u + ∇uT . (2.71)
2
Montrez que
divv = 0 . (2.73)
Montrez que !
v2
γ a := ∇v · v = div(v ⊗ v) = ∇ + rotv ∧ v . (2.74)
2
Indications :
L’expression avec la divergence, valable seulement en fluide incompressible, découle de l’équation
(2.63). Pour démontrer l’expression faisant intervenir le vecteur vorticité rotv vous travaillerez en
composantes dans une base orthonormée directe, et ferez usage de la formule (1.91) ; vous noterez
que l’égalité entre γ a et cette dernière expression est valable aussi en fluide compressible.
Complément :
En coordonnées cartésiennes seulement, on peut écrire à l’aide de l’ opérateur nabla , déjà
introduit page 36,
γa = v · ∇ v .
Cette formule ne mérite pas qu’on lui attribue un numéro, car elle n’a pas une signification tenso-
rielle générale qui permettrait son utilisation en coordonnées non cartésiennes. Cependant, cette
écriture est pratique 20 donc souvent utilisée dans la littérature scientifique...
On considère un milieu continu dont le mouvement est décrit de façon eulerienne par un champ
de vitesse v(x,t). On montre en cinématique que les dérivées temporelles pertinentes sont les
dérivées particulaires
df ∂f
= + v · ∇f pour un champ scalaire f (x,t) , (2.75)
dt ∂t
20. On peut cacher le tenseur d’ordre 2, donc s’abstenir de double barre ou double flèche...
2.7 Calculs en coordonnées cylindriques 47
db ∂b
= + ∇b · v pour un champ vectoriel b(x,t) . (2.76)
dt ∂t
Montrez que la dérivée particulaire
dv2 dv
= 2v · . (2.77)
dt dt
les champs produits (dans un contexte mécanique, le champ de déplacement pour un solide,
le champ de vitesse pour un fluide) doivent eux-aussi être à symétrie cylindrique .
Pour de tels systèmes, l’usage de coordonnées cartésiennes est peu pertinent, et il vaut mieux utiliser
des coordonnées cylindriques. Le problème du calcul des opérateurs différentiels en coordonnées
cylindriques se pose alors. L’objet de ce qui suit est d’affronter ce problème, dans le cas général
d’un système peu symétrique, au sens où les champs dépendent des trois coordonnées r, θ et z. Le
cas plus simple de systèmes plus symétriques, au sens où, par exemple, seule une dépendance en r
existe, sera présenté en cours en séance 2, et traité au TD 2 avec le problème 2.1.
On remarque que
x = OM = rer + zez . (2.82)
L’intérêt des définitions tensorielles intrinsèques données plus haut pour tous les opérateurs (for-
mules 2.5, 2.23, 2.51 et 2.20) est qu’elles vont permettre un calcul direct de ceux-ci dans le système
des coordonnées cylindriques. On va d’abord le montrer pour le gradient d’un champ de tenseur.
Pour cela nous aurons besoin d’expliciter le vecteur variation infinitésimale dx de x donné par
(2.82). Quand (r, θ, z) varient de (dr, dθ, dz), d’après (2.79), (2.80) et (2.81), {er , eθ , ez } varient
de
der = eθ dθ , deθ = −er dθ , dez = 0 . (2.83)
En conséquence il vient, d’après la formule de Leibniz sous forme différentielle
que
dx = er dr + r eθ dθ + ez dz . (2.85)
| {z } | {z } | {z }
dxr dxθ dxz
On a introduit les vecteurs infinitésimaux dxr , dxθ , dxz qui correspondent aux variations res-
pectives du vecteur position sous l’effet de variations des coordonnées r, θ, z. Ceci permet par
exemple d’évaluer l’élément de surface sur un cylindre r = constante, en vertu de la remarque faite
au niveau de l’équation (1.88), comme
dS = ||dxθ ∧ dxz || = r dθ dz ,
∂T 1 ∂T ∂T
∇T = er + eθ + ez . (2.90)
∂r r ∂θ ∂z
2.7 Calculs en coordonnées cylindriques
PSfrag replacements 49
z
ez
eθ
M er
O y
r
θ
x
Fig. 2.8 – Définition du système des coordonnées cylindriques (r, θ, z).
v = vr er + vθ eθ + vz ez , (2.91)
on sait que son gradient est un champ de tenseur d’ordre 2, que l’on note provisoirement G = ∇v.
On a, d’après (2.89),
∂v ∂vr ∂vθ ∂vz
G · er = Grr er + Gθr eθ + Gzr ez = = er + eθ + ez ,
∂r ∂r ∂r ∂r
1 ∂v
G · eθ = Grθ er + Gθθ eθ + Gzθ ez =
r ∂θ
1 ∂vr ∂vθ ∂vz
= er + vr eθ + eθ − vθ er + ez ,
r ∂θ ∂θ ∂θ
∂v ∂vr ∂vθ ∂vz
G · ez = Grz er + Gθz eθ + Gzz ez = = er + eθ + ez ,
∂z ∂z ∂z ∂z
en faisant usage de (2.87). En identifiant les coefficients des vecteurs de la base locale dans chacune
de ces équations, on obtient
rot(v) = : G
= (rθz Gzθ + rzθ Gθz ) er + (θrz Gzr + θzr Grz ) eθ + (zθr Grθ + zrθ Gθr ) ez
div T = ∇ T : 1 ,
que pour expliciter div T le calcul (a priori très lourd) de ∇ T est primordial. On peut cependant
éviter ce calcul en injectant dans cette définition l’expression locale analogue à (1.36) du tenseur
identité,
1 = er ⊗ er + eθ ⊗ eθ + ez ⊗ ez , (2.96)
et en utilisant le fait 23 que
A : (b ⊗ c) = A·b ·c . (2.97)
Il vient ainsi
div T = ∇ T · er · er + ∇ T · eθ · eθ + ∇ T · ez · ez
∂T 1 ∂T ∂T
div T = · er + · eθ + · ez (2.98)
∂r r ∂θ ∂z
en utilisant (2.89). Comme les vecteurs de la base locale ne dépendent que de θ, suivant les règles
(2.87), (2.95) donne
Au final, en utilisant la règle (1.32) pour évaluer les produits de la forme (ei ⊗ ej ) · ek , la formule
(2.98) donne
Il peut parfois être utile de récrire la dernière composante de ce vecteur sous la forme
1 ∂ 1 ∂Tθz ∂Tzz
ez · div T = (rTrz ) + + . (2.100)
r ∂r r ∂θ ∂z
Si v est un champ de vecteur, on peut montrer que son laplacien en coordonnées cylindriques
est donné par
2 ∂vθ vr 2 ∂vr vθ
∆v = ∆vr − − er + ∆v θ + − eθ + ∆vz ez , (2.102)
r2 ∂θ r2 r2 ∂θ r2
la notation ∆ étant définie par (2.101). Une démonstration de cette formule est donnée dans Pernès
(2003), cf. sa section 9.19.
∆v = div ∇v
1 Représentez sur des schémas la situation étudiée. En faisant un inventaire des symétries res-
pectées par le champ T, et en appliquant le principe de Curie, montrez que le champ de déplacement
peut être supposé de la forme
u = U (r) er .
2 Dans la réalité le problème posé est thermomécanique, au sens où le champ de température dans
le tuyau, T (r) par symétrie, est non uniforme. En repartant de sa définition intrinsèque, calculez
le champ ∇T . Vous calculerez dans un premier temps la différentielle dx du vecteur position, en
prenant garde au fait que les vecteurs er et eθ de la base locale dépendent de x.
Problème 2.2
Aspects mathématiques de l’étude d’un rhéomètre de Couette cylindrique
Un rhéomètre de Couette cylindrique, tel celui présenté sur la figure 2.9, est une cavité, comprise
entre un cylindre intérieur pouvant tourner autour de son axe et un cylindre extérieur fixe, remplie
du liquide à étudier. En appliquant un couple au cylindre intérieur, on crée un écoulement dans le
liquide. On va développer ici la partie mathématique de la modélisation de cet écoulement, sans
utiliser les formules de cette section, en les redémontrant (partiellement, dans un cas plus simple)
pour la plupart afin de mieux les comprendre. La partie physique de la modélisation et la résolution
du modèle seront l’objet du problème 7.2 du cours de mécanique.
On utilise naturellement un système de coordonnées cylindriques (r, θ, z) avec Oz l’axe vertical
de symétrie du système, axe de révolution des deux cylindres. On suppose que le système est
suffisamment allongé pour permettre de négliger les effets des frottements au niveau du socle, situé
en z = 0, ou ceux de la surface libre, située autour de z = h. Dans ces conditions le seul champ de
forces cause de l’écoulement est défini par la densité de forces surfaciques purement azimutales
d2 f
T = = τ eθ ,
d2 S
forces surfaciques qui sont appliquées par le cylindre intérieur tournant sur le liquide, sur toute la
surface de contact entre ceux-ci. Pour fixer les idées on suppose la constante τ strictement positive.
Le champ effet produit est le champ de vitesse de l’écoulement
v = v(x,t) ,
v = U (r) er + V (r) eθ .
4 En exploitant l’une des propriétés physiques fondamentale d’un liquide incompressible, à savoir
que divv = 0, ainsi que les conditions d’imperméabilité des parois, montrez que la fonction U est
forcément nulle. Vous calculerez d’abord divv en repartant de sa définition intrinsèque.
5 Afin de préparer l’écriture du bilan local de quantité de mouvement dans le liquide, et toujours
en revenant aux définitions intrinsèques, établissez à l’aide du calcul tensoriel l’expression de ∆v
(pour le champ de vitesse non général étudié ici).
25. En pratique ce sera le champ de pression motrice pb.
54 Chapitre 2 Analyse tensorielle
G = ∇v
puis calculez
T = ∇G
en partant de formules du type (2.89) pour identifier les Tijk pour i,j,k ∈ {r,θ}...
Ici encore on introduit une base locale orthonormée directe à partir des directions de variation
de M,
∂OM/∂r
er = = sin θ (cos ϕ ex + sin ϕ ey ) + cos θ ez , (2.104)
||∂OM/∂r||
∂OM/∂θ
eθ = = cos θ (cos ϕ ex + sin ϕ ey ) − sin θ ez , (2.105)
||∂OM/∂θ||
∂OM/∂ϕ
eϕ = = − sin ϕ ex + cos ϕ ey . (2.106)
||∂OM/∂ϕ||
On peut remarquer que
x = rer (2.107)
et calculer les variations des vecteurs de la base locale,
On en déduit que
dx = er dr + r eθ dθ + r eϕ sin θ dϕ , (2.111)
| {z } | {z } | {z }
dxr dxθ dxϕ
2.8 Calculs en coordonnées sphériques 55
Fig. 2.9 – Photographie d’une expérience de Couette cylindrique au Lemta menée dans l’équipe
de Salaheddine Skali-Lami par Ghania Benbelkacem. En haut on distingue le moteur électrique, de l’axe
duquel est solidaire le cylindre intérieur du système (de rayon extérieur = a). Entre celui-ci et le cylindre
extérieur fixe (de rayon intérieur = b) se trouve le liquide à étudier, dont on distingue la surface libre.
Le cylindre extérieur est fixé dans une cuve parallélépipédique. Toutes ces pièces solides sont en plexiglass
afin de permettre des visualisations. La cuve est en général remplie d’eau (pour les besoins de la photo ce
remplissage n’a pas été effectué jusqu’en haut), afin notamment d’assurer une régulation thermique.
PSfrag replacements
z er
M eϕ
θ
r eθ
O y
ϕ
x
avec des notations similaires à celles de l’équation (2.85). Ceci permet par exemple d’évaluer
l’élément de volume naturel en coordonnées sphériques,
(dxr , dxθ , dxϕ ) = (er dr, r eθ dθ, r eϕ sin θ dϕ) = r2 sin θ dr dθ dϕ . (2.112)
∂T 1 ∂T 1 ∂T
∇T = er + eθ + eϕ . (2.113)
∂r r ∂θ r sin θ ∂ϕ
v = vr er + vθ eθ + vϕ eϕ , (2.114)
On peut montrer que le rotationnel d’un champ de vecteur v est donné par
on montre que
∂Trr 1 ∂Trθ 1 ∂Trϕ 1
div T = + + + (2Trr − Tθθ − Tϕϕ + Trθ cotanθ) er
∂r r ∂θ r sin θ ∂ϕ r
∂Tθr 1 ∂Tθθ 1 ∂Tθϕ 1
+ + + + (Tθθ − Tϕϕ )cotanθ + 3Trθ eθ .
∂r r ∂θ r sin θ ∂ϕ r
∂Tϕr 1 ∂Tϕθ 1 ∂Tϕϕ 1
+ + + + (3Trϕ + 2Tθϕ cotanθ) eϕ
∂r r ∂θ r sin θ ∂ϕ r
(2.119)
1 ∂2T 1 ∂T 1 ∂2T
∆T = ∆r T + + (cotanθ) +
r2 ∂θ2 r2 ∂θ r2 sin2 θ ∂ϕ2
. (2.120)
1 ∂ 2 ∂T 1 ∂ 2 (rT ) 2 ∂T ∂2T
avec ∆r T = r = = +
r2 ∂r ∂r r ∂r2 r ∂r ∂r2
1. étant donné un champ de vecteurs v(x) sur Ω ouvert de R3 , à quelle condition existe t’il
un champ scalaire φ tel que
∀x ∈ Ω, v(x) = ∇x φ ?
2. étant donné un champ de tenseurs A(x) sur Ω ouvert de R3 , à quelle condition existe t’il
un champ de vecteurs v tel que
∀x ∈ Ω, A(x) = ∇x v ?
Dans le premier cas on dit que φ est un potentiel scalaire pour v, et dans le second cas que v
est un potentiel vecteur pour A. La solution de la première question est sans doute connue
du lecteur, qui se souvient que le rotationnel du champ de vecteurs v est un outil utile pour
cette solution ; on va le rappeler dans la section 3.1. Pour pouvoir répondre à la deuxième question,
et à une question analogue posée par la mécanique des milieux continus, on va devoir introduire
le rotationnel d’un champ de tenseurs d’ordre 2 A. Cela sera fait dans la section 3.2.
La section 3.2 s’inspire grandement de l’une des annexes de Bernardin (2008). Je le remercie encore
pour m’avoir permis de la reproduire ici, en la reformatant à ma manière.
Enfin, dans la section 3.3, on donnera des éléments de réponse à une troisième question :
3. étant donné un champ de vecteurs v(x) sur Ω ouvert de R3 , à quelle condition existe t’il
un champ potentiel vecteur a(x) tel que
∀x ∈ Ω, v(x) = rota(x) ?
tandis que Appel (2005); Chatterji (1997) sont des références d’autorité pour le cas général, par
exemple, tridimensionnel. On peut retenir qu’un ouvert simplement connexe est un ouvert sans
trou , dans lequel, si γ est un circuit quelconque de Ω, on peut définir une surface intérieure de
γ (dont γ est le bord) qui soit entièrement contenue dans Ω. Un ouvert non simplement connexe
est dit multiplement connexe .
On a, si v est un champ régulier, de classe C 1 , sur Ω simplement connexe,
Ce théorème est par exemple démontré, avec des méthodes assez élémentaires , dans la section
8.16 de Pernès (2003). Une démonstration beaucoup plus sophistiquée, faisant appel à la théorie
des formes différentielles , est donnée dans Appel (2005).
En se gardant d’utiliser ces notions, donnons les grandes lignes d’une démonstration élémen-
taire . Le sens =⇒ a été traité dans l’exercice 2.3 ; on peut noter que dans ce sens la simple
connexité de Ω n’est pas nécessaire 1 . Dans le sens ⇐= on construit le potentiel φ en intégrant v
le long d’un chemin connectant un point particulier origine à un point courant M, en posant donc,
si α est un tel chemin, que 2 Z
φ(M ) = v · dx .
α
On a alors bien, localement, ∇φ = v, mais il faut vérifier que φ(M ) ne dépend pas du choix du
chemin α. Considérant deux chemins α et β, on doit montrer que le circuit γ composé de α dans
son sens mis bout à bout avec β dans le sens opposé vérifie
Z
v · dx = 0 .
γ
Ceci s’obtient avec la formule intégrale du rotationnel (2.35), que l’on a le droit d’appliquer puisque,
du fait de la simple connexité de Ω, l’intérieur de γ est une surface entièrement contenue dans Ω,
domaine de régularité de v.
donc
∂Ajk
Rij = ilk . (3.3)
∂xl
Ainsi le j ème vecteur colonne de [R] a pour composantes celles du rotationnel du j ème vecteur ligne
de [A].
3.2.3 Lemmes
On laisse au lecteur courageux le soin de montrer les lemmes suivants.
Soit E(x) un champ de tenseurs d’ordre 2 sur Ω, de classe C 2 sur Ω. Si Ω est simplement
connexe, on a
∃v ∈ C 3 (Ω → R3 ) tel que E = D(v) ⇐⇒ rot rot E = 0 . (3.9)
Dans le sens ⇒le résultat découle immédiatement du lemme (3.8). Réciproquement soit E tel
que rot rot E = 0. D’après le premier théorème de Cauchy généralisé (3.4), il existe u dans
C 2 (Ω → R3 ) tel que
rot E = ∇u .
En revenant à la définition de rot E , il vient, puisque E est symétrique,
∀y ∈ R3 , rot E · y = ∇u · y = rot(u ∧ y) + y divu .
∀y ∈ R3 , 0 = div(ydivu) = y · ∇(divu) .
Il en résulte que ∇(divu) est nul donc que divu est une certaine constante C. On a alors
∀y ∈ R3 , rot E · y − (u − 12 Cx) ∧ y = 0 .
En prenant successivement pour y chaque vecteur ei d’une base orthonormée, on obtient par le
théorème de Cauchy (3.1) l’existence de champs vi tels que
Posant v = vi ei , il vient
∀y ∈ R3 , E · y − (u − 12 Cx) ∧ y = ∇vT · y .
Ω : y 7−→ (u − 12 Cx) ∧ y ,
on a
E − Ω = ∇vT .
2E = 2D(v) .
nous semble conceptuellement intéressant, puisqu’il permet en principe d’écrire ces conditions dans
n’importe quel système de coordonnées.
La condition d’ouvert étoilé stipule l’existence d’un point particulier de Ω, que l’on peut
appeler O et choisir comme origine d’un repère cartésien Ox1 x2 x3 , tel que
Pour démontrer l’implication dans le sens ⇐=, on construit le potentiel vecteur a à partir de la
formule intégrale Z 1
a(x) = v(tx) ∧ tx dt ,
0
64 Chapitre 3 Compléments : potentiels et rotationnels
soit, en composantes, Z 1
ak (x) = kpq vp (tx) txq dt .
0
On en déduit que
1 1
∂ak ∂vp (tx) 2
Z Z
= kpq t xq dt + kpq vp (tx) tδqj dt
∂xj 0 ∂xj 0
1 1
∂ak ∂vp (tx) 2
Z Z
= kpq t xq dt + kpj vp (tx) t dt .
∂xj 0 ∂xj 0
En conséquence
∂ak
wi = rota i = ijk
∂xj
1 1
∂vp (tx) 2
Z Z
= ijk kpq t xq dt + ijk kpj vp (tx) t dt
0 ∂xj 0
1 Z 1
∂vp (tx) 2
Z
= kij kpq t xq dt + kij kpj vp (tx) t dt
0 ∂xj 0
Z 1 Z 1
∂vp (tx) 2
wi = rota i = (δip δjq − δiq δjp ) t xq dt + (δip δjj − δij δjp ) vp (tx) t dt
0 ∂xj 0
en faisant usage de la formule (1.91). Ainsi
Z 1 Z 1 Z 1 Z 1
∂vi (tx) 2 ∂vj (tx) 2
wi = t xj dt − t xi dt + 3 vi (tx) t dt − vi (tx) t dt
0 ∂xj 0 ∂xj 0 0
Z 1" #
∂vi (tx) 2
= t xj + 2vi (tx) t dt
0 ∂xj
Z 1
d 2
= [t vi (tx)] dt
0 dt
= [t2 vi (tx)]1t=0
wi = vi (x) , CQFD.
On admet ici que l’équivalence (3.12) s’étend au cas d’un ouvert contractile, qui peut se déformer
continûment en un point. Une esquisse de la démonstration de ce théorème sophistiqué, dû essen-
tiellement à Poincaré, est donnée dans Appel (2005).
Un contre-exemple instructif est donné dans la section 6.6.4 de Chatterji (1997), qui considère, dans
l’ouvert non contractile R3 privé de son origine O, Ω = R3 − {O}, le champ défini en coordonnées
sphériques (r,θ,ϕ) par
er
v = 2 .
r
On recommande en exercice de vérifier que
divv = 0
mais que, pour autant, il n’existe pas de champ a régulier sur Ω qui vérifierait
v = rota .
Pour cela, on considérera une sphère S centrée sur l’origine, qui peut être vue comme reposant sur
un bord ∂S réduit à un point, et on évaluera de deux manières
ZZ
v · n d2 S ,
S
avec, bien entendu, n la normale unitaire sortant de S, i.e., n = er ...
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Salençon, J. 1996 Mécanique des milieux continus. Cours de l’école polytechnique. Ellipses.
Annexe A
Il s’agit de montrer que, quand L → 0, ce que sous-entend le physicien quand il écrit que L 1,
on a
det 1 + L = 1 + trL + O(L2 ) . (A.2)
On doit donc montrer l’existence de constantes réelles strictement positives ` définissant un voisi-
nage de l’origine dans T2 et C définissant le rapport de domination telles que le reste
R L = det 1 + L − 1 − trL (A.3)
i.e.,
∀ > 0 , ∃ ` > 0 tel que ∀dx , ||dx|| < ` =⇒ ||F(dx)|| ≤ . (A.8)
La norme utilisée pour mesurer les vecteurs dx peut être la norme euclidienne, ou, éventuellement,
pour des commodités de calcul, une autre norme qui lui est équivalente, par exemple, la norme in-
fini. Pour mesurer F(dx), pas de souci non plus : l’espace des tenseurs d’ordre n étant de dimension
finie 3n , comme nous l’avons remarqué après avoir écrit la formule en composantes (1.55),
On considère le champ de vecteurs défini dans le plan R2 muni d’un repère x1 Ox2 correspondant
aux vecteurs de base orthonormée e1 , e2 par
1 Montrez de deux manières différentes, à partir de (2.11), ou directement à partir de (A.5), que
le gradient de v à l’origine est l’application linéaire
Ces éléments de correction sont plus ou moins précis, selon le niveau de difficulté des exercices
et problèmes, et aussi le fait qu’ils seront abordés ou non en TD. Lire un énoncé puis son corrigé
est totalement inutile voire contre-productif. La seule bonne façon de profiter de ces corrigés
est de chercher d’abord à résoudre l’exercice ou problème par soi-même, puis ensuite seulement
de consulter les corrigés... pour vous débloquer ou mieux vérifier que votre solution est correcte...
Pour éviter d’être tenté, je vous recommande de ne pas imprimer ces corrigés, mais de les consulter
seulement sous leur forme électronique. Je vous souhaite bon courage !..
xi yi = Pij x0j Pik yk0 = Pij Pik x0j yk0 = δjk x0j yk0
en vertu de (1.16).
70 Annexe B Éléments de correction des exercices et problèmes
on a
3 Évidemment on trouve les mêmes résultats avec ces deux méthodes. La deuxième (nouvelle par
rapport aux acquis des classes préparatoires) est clairement plus efficace et moins coûteuse.
Intrinsèquement
où T2 · x2 est un vecteur. D’après la définition (1.24) d’un vecteur comme tenseur d’ordre 1, on a
donc
T2 (x1 ,x2 ) = (T2 · x2 ) · x1
qui est identique à la définition directe (1.37) d’un tenseur d’ordre 2 comme application bilinéaire.
B.1 Corrigés du chapitre 1 - Algèbre tensorielle 71
Exercice 1.11 Utilisation du tenseur alterné fondamental pour calcul d’un déterminant
Exercice 1.12 Formules portant sur le tenseur alterné fondamental et le vecteur dual
1 Soient quatre indices j, k, p et q, pris dans {1,2,3} ; on veut montrer que la somme
Si p = q, alors ipq = 0 donc f (j,k,p,q) = 0 ; comme il en est de même de δjp δkq − δjq δkp =
δjp δkp − δjp δkp , l’égalité (B.1) est acquise dans ce cas.
Si p 6= q, considérons le premier sous-cas où (p,q) 6= (j,k) et (p,q) 6= (k,j). Alors, comme il n’y
a que trois valeurs d’indices possibles, forcément j est égal à k. Donc ijk = 0 et f (j,k,p,q) = 0 ;
comme il en est de même de δjp δkq − δjq δkp = δjp δjq − δjq δjp , l’égalité (B.1) est acquise dans ce
sous-cas.
Deux autres sous-cas sont possibles.
Le premier est celui où (p,q) = (j,k). Alors f (j,k,p,q) = ipq ipq qui se réduit à la contribution
correspondant à i 6= p et q. Comme ipq vaut alors ±1, on a dans ce sous-cas f (j,k,p,q) = 1 ce qui
est bien la valeur de δjp δkq − δjq δkp .
Le second sous-cas est celui où (p,q) = (k,j). Alors f (j,k,p,q) = iqp ipq qui se réduit à la contribu-
tion correspondant à i 6= p et q. Comme ipq vaut alors ±1, et iqp = −ipq , on a dans ce sous-cas
f (j,k,p,q) = −1 ce qui est bien la valeur de δjp δkq − δjq δkp .
2 Soit L un tenseur quelconque. Notons v son vecteur dual vd L , et formons le tenseur
M = v· .
∂(T vi ) ∂vi ∂T
div(T v) = = T + vi = ...
∂xi ∂xi ∂xi
∂(T vk ) ∂vk ∂T
rot(T v) = ijk ei = T ijk ei + ijk vk ei = ...
∂xj ∂xj ∂xj
+
1
0
0
1
O
−
∂(rotv)i ∂ 2 vk
div(rotv) = = ijk = −div(rotv) = 0 .
∂xi ∂xi ∂xj
B.2 Corrigés du chapitre 2 - Analyse tensorielle 75
∂(kpq up vq ) ∂u
p ∂vq
rot(u ∧ v) = ijk ei = kij kpq vq + up ei ;
∂xj ∂xj ∂xj
utilisez ensuite la formule (1.91)...
∂(ui vj ) ∂u
i ∂vj
div(u ⊗ v) = ei = vj + ui ei = ...
∂xj ∂xj ∂xj
∂ ∂vq ∂ 2 vq
rot(rot(v)) = ijk kpq ei = kij kpq ei = ...
∂xj ∂xp ∂xj ∂xp
Donc
∆v = ∇(div(v)) − rot(rot(v)) .
En conséquence
∆(rot(v)) = − rot(rot(rot(v)))
et
rot(∆v) = − rot(rot(rot(v))) .
76 Annexe B Éléments de correction des exercices et problèmes
donc
∂ 2 uk ∂ 2 ui ∂ 2 uj
(div σ)i = λ + µ + µ
∂xi ∂xk ∂xj ∂xj ∂xj ∂xi
2
∂ uj 2 ∂ 2 uj
∂ ui
= λ + µ + µ = ...
∂xi ∂xj ∂xj ∂xj ∂xi ∂xj
dv2 ∂(vi vi ) ∂
= + vj (vi vi )
dt ∂t ∂xj
∂vi ∂vi
= 2vi + 2vj vi
∂t ∂xj
∂v h i
= 2v · + 2v · ∇v · v = ...
∂t
2 Posez G = ∇T et identifiez
dT = T 0 (r)dr = G · dx
3 Posez G = ∇u et identifiez
du = G · dx...
4 Symétrie.
5 Trace.
montrez que
U0 U
Trrr = U 00 ; Tθθr = − 2 ; Tθrr = Trθr = 0 .
r r
Au bilan
!
00 1 U
T = U er ⊗ er ⊗ er + U0 − (er ⊗ eθ ⊗ eθ + eθ ⊗ er ⊗ eθ + eθ ⊗ eθ ⊗ er ) .
r r
En conséquence
!
00U0 U
∆u = Tijj ei = (Trrr + Trθθ )er + (Tθrr + Tθθθ )eθ = U + − 2 er .
r r
Problème 2.2
Aspects mathématiques de l’étude d’un rhéomètre de Couette cylindrique
1 Exploitez successivement les symétries suivantes :
• invariance de T par translations temporelles t 7→ t + δt ;
• invariance de T par translations dans la direction axiale z 7→ z + δz ;
• invariance de T par le miroir ez 7→ −ez , à position fixée ;
• invariance de T par les rotations d’axe Oz et d’angle δθ, agissant sur la position et les
champs de vecteur.
2 Posez G = ∇p et identifiez
dp = p0 (r)dr = G · dx
3 Posez G = ∇v et identifiez
dv = G · dx...
4 Aboutissez à une équation différentielle ordinaire d’ordre 1 sur U (r), à résoudre avec la bonne
condition initiale ou limite selon le point de vue.
78 Annexe B Éléments de correction des exercices et problèmes
montrez que
V V0
Trrr = Tθθr = 0 ; Tθrr = V 00 ; Trθr = 2
− .
r r
Au bilan
!
1 V
T = − V (er ⊗ er ⊗ eθ + er ⊗ eθ ⊗ er − eθ ⊗ eθ ⊗ eθ ) + V 00 eθ ⊗ er ⊗ er .
0
r r
En conséquence
!
00V0 V
∆v = Tijj ei = (Trrr + Trθθ )er + (Tθrr + Tθθθ )eθ = V + − 2 eθ .
r r