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Influence et organisations d'influence : une introduction

Des techniques - certaines fort anciennes - servent à diriger l’opinion par persuasion ou
prestige, en changeant la façon dont l’opinion perçoit la réalité, en procurant des alliés ou de
relais afin de peser sur des décisions. Et à ces techniques correspondent des institutions très
particulières qui ne produisent rien de matériel, qui n'exercent pas d'autorité formelle, ni de
contrainte et moins encore de violence, mais dont le pouvoir peut pourtant être immense.

Notre époque voit proliférer ces organisations spécialisés dans la gestion de l’influence,
s'adressant au public ou aux élites, directement ou par des relais d’opinion. Au service
d’intérêts économiques, politiques ou idéologiques, des agences d’État, des ONG, lobbies,
think tanks et autres, exercent ainsi un pouvoir inédit qui peut être à la fois celui de minorités
actives ou celui d'importants appareils. Que peuvent vraiment ces stratégies et ces acteurs ?
Quelles sont leurs méthodes et leurs résultats ?

Pour répondre à ces questions, il faut commencer par définir ce mot magique d'influence si
débattu notamment en intelligence économique.

Quoi de plus désirable que l'influence ? En nos temps de dialogues et de débat, de


gouvernance et de coaching, d’incitation et de participation, de motivation et de
mobilisation, quand les politiques recherchent le consensus et les acteurs économiques
l'accord des "parties prenantes", tous préfèrent agir sur leurs contemporains par la douceur et
la persuasion.

Mais quoi de pire que l’influence ? Qui reconnaîtrait sans honte qu’il était « sous influence »
et n’a pas agi de son libre-arbitre ? Comment la concilier avec l'égalité des opinions que
suppose la démocratie ?

Encore faudrait-il la cerner. Si nous partons de l’idée que c'est une relation où A, par le seul
usage de signes, modifie le comportement ou la perception de B (A et B pouvant représenter
des individus ou des collectivités), il faut admettre qu’il n’est guère de rapport humain où elle
n’intervienne.

Ainsi, parler, c’est généralement tenter d’influencer. La plupart des mots que nous employons
sont censés décrire la réalité (le monde externe, ou la réalité ce que nous éprouvons) mais, le
plus souvent, ils visent à produire un effet sur autrui, à changer, même de façon marginale ses
dispositions.

Les limites de l’influence

Cette ambiguïté reflète l’emploi successif du concept dans un contexte :

* Astrologique (aussi étonnant que cela puisse paraître) : étymologiquement, influence


renvoie au fluxus, cet influx invisible qui était censé descendre des étoiles et changer le destin
de chacun, du moins c’est ce que l’on croyait au XVII° siècle, quand le mot influence
apparaît dans notre langue. Influencer c’est changer le destin.

* Littéraire : l’influence esthétique suggère l’imitation d’une œuvre ou d’un style par un
admirateur, ou du moins la reprise de thèmes et codes d’un auteur ou d’une école. Influencer,
c’est être admiré ou imité.

* Psychologique : la question de la persuasion (notamment, lorsque la sociologie des médias


anglo-saxonne des années 30 analyse la fameuse influence des médias en termes de force
persuasive ou incitative de leurs contenus).
Influencer c’est convaincre.

* En psychologie sociale : cette approche repose à la fois sur la façon dont l’individu
construit la réalité en fonction d’influences sociales globales comme les stéréotypes et sur la
manière dont il est influencé par son milieu proche.
Influencer c’est déterminer.

* En sociologie tout court où l’idée est liée à des notions de minorité active ou de
changement.
Influencer c’est faire évoluer.

* En science politique qui la lie à la problématique des formes du pouvoir non officialisé.
Influencer, c’est obtenir ce que l’on désire sans utiliser la force, ni donner en échange.
Influencer, c’est peser sur la décision publique.

* En géopolitique avec l’opposition entre puissance et influence ou la catégorie de “zone


d’influence”.
Influencer, c’est accroître sa chance d’obtenir un comportement favorable à sa politique.

* En intelligence économique où l’influence recouvre les questions de lobbying ou de


formatage mental des acteurs économiques, comme de déstabilisation par l’information
(désinformation, attaque contre la réputation...). Influencer, se rendre l’environnement plus
favorable (ou pour le rendre plus défavorable à son rival)

* En médiologie, qui est l’étude des voies et moyens du faire-croire, influencer, c’est
utiliser des vecteurs pour modifier une écologie mentale et transformer une idée en force
sociale.

La question se simplifie si, nous inspirant de la formule de Cocteau (“il n’y a pas d’amour,
mais des preuves d’amour”), nous posons qu’il n’y a pas d’influence, mais des preuves
d’influence. Des preuves, ou plutôt des soupçons car l’influence ne se mesure pas avant
d’avoir agi, elle se déduit de ses résultats.

Par convention, nous ne parlerons ici que de l’influence qui vise à modifier une relation de
pouvoir politique, économique ou culturel.

L’influence est d’abord une relation asymétrique : l’influent n’a pas le même statut que
l’influencé et il n’est pas rare qu’il apparaisse comme plus faible (l’influencé est souvent visé
dans la mesure où il possède une autorité ou une capacité que l’influent cherche à orienter
dans le sens désiré).
En ce sens, l’influence n’est pas un pouvoir en soi, mais un pouvoir sur un pouvoir : elle
permet de peser sur une décision, celle du législateur, par exemple dans le cas du lobbying,
ou plus subtilement sur la façon dont l’école, les médias ou l’entreprise vont fonctionner.

Si l’influencé croit agir spontanément, comme obéissant à une conviction qui vient de
l’intérieur, c’est souvent que l’influent a su jouer d’une prédisposition : il s’est contenté de
peser dans une certaine direction, de réaliser – dans le double sens du terme - ce qui était
encore potentiel. L’influencé coopère au processus dans la mesure où il est enclin à croire
certaines choses, à penser d’un certain côté, à développer certains traits de caractère ou
habitudes mentales. La stratégie chinoise repose selon François Jullien sur la notion de « che
» : le bon général (ou le bon dirigeant) est celui qui saisit très en amont le point où la situation
peut être réorientée avec peu d’efforts vers l’une des directions qu’elle peut suivre. L’influent
est celui qui favorise un potentiel parmi d’autre

De l’aval vers l’amont, il est tentant d’expliquer par “l’influence” que tel acteur ait pensé,
jugé ou agi de telle façon, postulant implicitement qu’il aurait été autrement s’il ne l’avait
“subie”. Dans certains cas, l’influence est une aliénation : elle rend les gens autrement qu’ils
auraient été “normalement” ou “naturellement”. Mais l’influence, celle de l’éducation peut
aussi chercher à augmenter les capacités de l’influencé, donc à le rendre plus libre ou plus
autonome.

Résumons :

Si j’emploie un bâton pour obtenir ce que je veux, je n’influence pas, je contrains ou je


menace. Comme le disait al Capone : “Un mot gentil vous obtient tout. Surtout si vous le
dites avec un gros bâton”. Certains mots gentils dissimulent une pression implicite.

Si j’achète, il y a négociation, pas influence. Mais, dans nombre de cas, l’influence repose sur
la promesse, vraie ou fantasmatique, d’une contrepartie. Par exemple : si vous devenez
comme je le souhaite ou faites ce que je désire, je vous donnerai mon amour ou ma
reconnaissance. Et l’influence (par exemple dans le “trafic d’influence”) passe parfois par la
corruption : un avantage contre une décision.

Si j’use d’autorité, c’est-à-dire, si j’obtiens de l’obéissance sans promesse ni menace, par


exemple parce que je représente une institution, je ne suis théoriquement pas dans un rapport
d’influence. Ainsi, je n’ai pas eu à convaincre, à argumenter, il m’a suffi d’ordonner.
Mais sur quoi repose l’autorité ? On répond classiquement : sur la tradition (nos ancêtres ont
toujours fait ainsi), sur la rationalité (cette décision est bonne et légale, donc je m’y soumets)
ou sur le charisme (c’est le chef, je l’admire, donc je le suis). Mais la frontière n’est pas si
claire, surtout dans le troisième cas, entre :
- Une autorité dont le bénéficiaire est détenteur (elle lui vient d’ailleurs : de Dieu, de la loi,
des résultats positifs attendus de l’obéissance, de la discipline et des croyances du groupe)
d’une part,
-et d’autre part, une influence qui ne donne pas d’ordre, mais met dans de telles
prédispositions que l’on fait spontanément.

Quant à la puissance, la possession de moyens, elle semble plus dure et plus contraignante,
que l’influence qui fonctionne par sympathie et attraction. Mais, quand nous disions, il y a
une vingtaine d’années que la Tchécoslovaquie était dans la zone d’influence de l’Urss, est-ce
que la notion de force ou de menace implicite n’intervenait pas un tout petit peu dans cette
influence ?

Au total, l’influence remplace et déplace. Elle remplace de la force, des contreparties, des
contraintes ou des contrats, lorsqu’il s’agit de faire faire ou de faire croire. Elle déplace le
centre de gravité du pouvoir. Ainsi, celui qui exerce de l’influence sur l’opinion obtient une
part de pouvoir - une probabilité que les gens fassent ce qu’il veut - plus que proportionnelle
à la valeur de son vote en tant que citoyen, à son énergie en tant que combattant, à sa dépense
en tant qu’acteur économique, etc.
Il y a là un mystère à expliquer.

Si, maintenant, nous allons de l’amont vers l’aval, c’est-à-dire allant de la stratégie
d’influence vers ses résultats, il devient clair qu’il existe au moins depuis vingt-cinq siècles
(les débuts de la rhétorique) des méthodes d’influence. Elles se veulent souvent des
techniques scientifiques, mais ne sont en réalité que des pragmatiques agissant sur un “objet”
largement imprévisible. Il existe aussi, et là aussi depuis quelques millénaires, des
organisations d’influence, des groupes humains qui s’efforcent de modifier la façon dont
leurs contemporains perçoivent la réalité, à commencer par les missionnaires et prosélytes
religieux.

Bien entendu, stratégies et organisations d’influence dépendent de conditions historiques.


Nous verrons ainsi combien l’affaiblissement du politique, l’émergence de l’économie de
l’immatériel, la mondialisation ou les technologies de la communication favorisent
objectivement le recours à l’influence dans nos sociétés.

La trilogie de l’influence est donc :

- Stratégies (modes d’action systématiques en vue d’une « victoire » sur le cerveau


d’autrui),
- Organisations (groupes voués « professionnellement » à l’influence, qu’ils soient d’État
ou privés et volontaires)
- Conditions (institutionnelles, culturelles et médiologiques ) qui favorisent tel ou tel type
d’organisation et de stratégie

Stratégies

Les stratégies d’influence sont multiples et souvent mêlées.

* Certaines reposent sur l’image qui émane de l’influent (le prestige qui suscite le désir
mimétique comme dans le cas de la mode ou de la politique d’image),

* D’autres dépendent du message qu’il émet (la persuasion),


* D’autres enfin reposent sur le code d’interprétation.

Nous entendons par là les modes d’action sur autrui non pas à travers les contenus de sa
pensée, mais par la façon dont elle s’élabore.
Ces dernières stratégies sont elles-mêmes divisées en trois, ou plutôt à trois « étages ».
La stratégie d’inspiration consiste à lancer une idée, un thème, une suggestion, voire parfois
une formule à la façon des think tanks)
Celle du formatage à répandre l’usage d’une langue, de méthodes de pensée, de normes
techniques ou autres,... qui font que l’influencé réagira d’une certaine façon
Et celle de l’attention : faire l’agenda comme disent les anglo-saxons, décider de ce qui sera
l’objet de débats, ou quel type d’images ou d’informations seront les plus accessibles, c’est
exercer un pouvoir d’influence.

* Enfin les stratégies d’influence peuvent reposer sur la relation. Elles s’exercent par un jeu
de relais et d’alliances et sont favorisées par les systèmes de réseaux. L’influence consiste
alors souvent à créer des synergies et à faire intervenir une pluralité d’acteurs dans le même
sens voire su la même cible. Cela vaut que l’on organise du lobbying à Bruxelles, le
lancement d’un livre à la mode, ou un forum altermondialiste.

Les techniques d’influence s’enseignent. Des professeurs montrent à leurs élèves sinon
comment manipuler, du moins comment provoquer certaines pensées, certains désirs, certains
assentiments.

Selon les époques, cela peut s’appeler :

- La rhétorique des Grecs


- Les stratagèmes (de la tradition chinoise, mais aussi indienne, arabe..)
- Les méthodes des missionnaires religieux
- Celles de la publicité ou de la propagande
- Celles qu’enseignent certaines écoles de psychologie ou de communication :
programmation neurolinguistique, méthode dite « de l’engagement »,…
- Les méthodes « privées » qu’utilisent l’entreprise et les agences de communication ou de
lobbying : marketing (y compris le marketing politique) advocacy, storytelling,
communication publique Ce n’est pas par hasard que nous rencontrons tant de termes anglo-
saxons.
- Des moyens d’État pour « gagner les cœurs et les esprits » et qui se nomment suivant les
époques : diplomatie publique, action psychologique, soft power…
- Les méthodes d’action sur l’opinion des activistes ou militants : dénonciation,
déstabilisation mobilisation médiatiques…

Les stratégies de l’influence dépendent de deux vecteurs :

* Le premier, ce sont les outils techniques qui lui permettent à l’influence de faire l’objet à la
fois de communication (passer à travers la distance), de transmission (passer à travers le
temps) et de propagation (passer envers des résistances mentales ou influences adverses). Ces
outils, ce sont d’abord des médias. Dans les éléments nécessaires à l’influence messages,
médiations, médias et milieu) le premier élément est un véhicule et amplificateur. Chaque
médium tend à imposer sa propre hiérarchie des contenus (ce qui est dicible, visible,
représentable, mais aussi digne d’être mémorisé, important, séduisant..), son propre rythme
de circulation des idées et des thèmes, sa propre répartition du pouvoir (chaque fois la
capacité d’émettre, de contrôler, d’interpréter se répartit différemment)

* Le second, ce sont des collectivités jouant le rôle de médiation.

Dans le jargon de la médiologie, nous parlons d’organisations matérialisées (O.M. par


référence à la “matière organisée”, M.O. les outils de transmission qui en sont les vecteurs
concrets). Il va de soi que O.M. et M.O. interagissent : d’une part la technologie - qui autorise
mais ne détermine pas - favorise certains modes d’organisation, voire certaines formes du lien
social. En retour, les groupes sociaux changent l’outil à la fois par la logique de l’usage qu’ils
imposent et par l’effet de stimulation que produisent leurs demandes.

Les organisations d’influence

Celles-ci peuvent être étatiques – voir certaines agences US comme l’U.S. Information
Agency ou l’Office of Strategic Influence, sans oublier les moyens militaires dits de psyops,
opérations psychologiques. Ou encore, l’État recourt à des lobbyistes (ceci se pratique depuis
la première guerre mondiale) ou s’offre des moyens d’expression (Al Jazeera pour la Qatar,
TV Sur pour le Venezuela, TV al Hurrrah en arabe ou Radio Free Europe pour les USA et …
France 24 pour notre pays).

Surtout ces organisations peuvent être privées. Nous en distinguerons trois types principaux.

Le modèle lobby
Le modèle ONG (au sens large des organisations dites représentatives de la société civile)
Le modèle think tank (anglicisme que certains rendent par « Centres de recherche et
d’influence »)

Dans la pratique, il n’est pas toujours facile de savoir si un lobby ne se dissimule pas en think
tank pour mieux défendre ses thèses sous couleur de « scientificité », si une ONG n’est pas
un lobby qui protège des intérêts particuliers sous couleur de défendre une cause universelle,
si un think tank n’est pas en réalité un groupe militant pour une idéologie ou une cause, ….

Sous ces réserves, on peut théoriquement distinguer :

- Des lobbies dont le monde est celui des intérêts. Un lobby agit soit en son nom propre, soit
au nom de son client, afin de créer un environnement (notamment législatif ou réglementaire)
plus favorable à son action. La force du lobby dépend d’abord de sa représentativité (le
nombre, l’importance sociale, la richesse) de ses mandants. Mais elle dépend aussi de son
habileté à plaider une cause. Pour cela, il lui faut de l’expertise, la connaissance des réalités
du terrain ou des conséquences de décisions, mais aussi la connaissance des centres de
décision et de leurs règles. Il lui faut savoir faire prédominer sa thèse auprès des décideurs et/
ou auprès des médias et de l’opinion afin d’orienter la décision du législateur ou du dirigeant
dans le sens souhaitable.
- Des ONG dont le monde est celui des valeurs. Une organisation non gouvernementale
cherche à réaliser un idéal (qu’il s’agisse de sauver la planète du réchauffement climatique,
de protéger la baleine bleue ou d’obtenir l’interdiction des mines anti-personnels) et elle
regroupe des militants en vue d’une cause plus ou moins spécialisée. La légitimité de l’ONG
découle de la noblesse de ses idéaux et de la bonne volonté de ses membres qui affirment
rechercher une part du Bien Commun (leur Cause). L’ONG agit dans deux grands registres.
D’une part une action « sur le terrain » qui vise à soigner de blessés, apporter de la nourriture,
soulager une misère ou une injustice. D’autre part l’ONG agit sur les gens : sur l’opinion
pour la mobiliser (et éventuellement la faire cotiser), sur les autorités pour les inciter à
prendre certaines mesures, à adopter certains traités ou certaines normes, mais aussi sur des
adversaires ou partenaires : des gouvernements qu’elles dénoncent, des entreprises qu’elles
peuvent critiquer mais avec qui elles peuvent aussi coopérer.

- Des think tanks dont le monde est celui des idées. Sur la seule légitimité de leur
excellence (ils sont censés réunir les meilleurs cerveaux pour réfléchir en toute
indépendance), ces « boîtes à penser » ou « réservoirs d’idées » font l’interface entre
recherche et influence. Leur but n’est pas de faire de la recherche académique pure, mais de
proposer les meilleures solutions en politique intérieure ou étrangère, en économie, en
technologie… Mais ces solutions, il faut en convaincre les dirigeants et l’opinion et pour cela,
les think tanks doivent aussi assurer la promotion des idées (et accessoirement leur
financement, car penser et peser coûtent cher).

Comme on le voit, les organisations d’influence mêlent à des degrés différents plusieurs
techniques destinées finalement à agir sur le cerveau d’autrui :

- La suggestion : présenter de bonnes idées, leur donner un nom et une forme attractifs...
- La séduction : avoir une bonne image de marque, attirer l’attention
- La spécialisation : développer une forme d’expertise dans un domaine, savoir être
convaincants
- La communication : toutes ont besoin des médias et de l’opinion pour faire prévaloir leur
point de vue
- Mais aussi la sanction : les ONG peuvent mettre au pilori gouvernements autoritaires ou
entreprises irresponsables, les lobbies savent faire comprendre aux fonctionnaires ou aux élus
que leurs mandants pourraient bien manifester ou protester, quant aux think tanks, leur
fonction de critique des politiques n’est pas négligeable.

Conclusion

L’influence est le mode d’action typique de sociétés qui ne sont plus hiérarchisées, mais
décloisonnées, fluctuantes, incertaines. Le pouvoir se fonde moins sur l’autorité de la
tradition ou sur la possession des choses que sur des capacités nouvelles : produire des
images, diriger l’attention publique, anticiper les courants porteurs, maîtriser les nœuds et
commutateurs des réseaux, occuper les positions stratégiques dans les flux d’informations.
Mais tout cela n’est rien sans une véritable capacité stratégique. Nous avions pour notre part
proposé le mot d’infostratégie pour désigner cette nouvelle discipline qui devrait repenser les
rapports de la stratégie, de la technique et de la croyance dans des sociétés de l’information.
Entre ambitions de puissance géopolitiques et imaginaires sociaux, l'économie change de
nature. Comprendre l'influence, c'est apprendre un nouveau mode de pensée qui intègre la
logique du conflit et celle du désir.

François-Bernard Huyghe

Pour développer le sujet voir notre livre "Maîtres du faire croire. De la


propagande à l'influence" éd. Vuibert

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