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POUR UNE LINGUISTIQUE DE L’ENONCIATION 5, parfois introuvables ou épuisés, certains des ra ‘rouvent enfin sans nul doute, £01 ‘qui permettra de mieux cerner une pensée théorique se for ‘observa pebeant fe ‘une’ demarche qui allie rigueur Saonthique of imagination erestice ‘Spécialsé a Vorigine en philologie germanique, Antoine Culiol s'est ensuite orienté vers des recherches d'ordre: théorique et forme! portant sur le langage et les langues. Mest professaur 4 l'Universite de Paris 7 dont il @ 616 ‘co-fondatour et obi! 2 créé d'sbord Vinstiut d Anglals ‘Shale V pul le Dépertement de Recherches Linguiet- Bepuis les années 60, 1 anime « le Séminaire de le eve 'Ulm », 6 'Ecole Normele Supérieure dont il est ancien iéve. Ce séminaire qui regroupe des chercheurs appar- tenant de multiples dsepines — lingustes specialises dans des langues diverses, psychologues, logiciens — a fond le ator dane to ‘developement de la Noguisique ye. actuelle, Antoine Culioli est directeur du Laboretore de inguiatique Formol, Fore 7- GNRS. ot il partage son enseignement entre I'Université Paris 7 et Ecole Normale Supérieure. ISBN 2-7080.0630-4 Prix: 110F 9 6: Antoine CULIOLI POUR UNE LINGUISTIQUE DE L'ENONCIATION Operations et représentations Tome 1 HD OPHRYS Collection L’Homme dans la langue animée par Janine Bouscaren Déja parus : Enonciaton ot rélérence L DanonrBolleau ‘Le sujat de énonciation : Psychanalyse et linguistique Danon-Bolloau (6puisé) Le discours, actour du monde (Langage et actilé cogntive) @ Vignaux Logie ot langage (Ce que pourat re une «ogkue naturelle») Los figures du sujet : A propos des verbes de » sentiment ot figures du sujet : A propos pporoopton, su. Franckel ot D. Lobaud Pour une linuistique de fénonciation. Tome 1 ‘Opérations et représentations A Call! La théorie Antoine Cull: ouvertures et incidences: CNRS 6c, ‘Subjocthood and Subjectivity: the status of the subject 'M. Yaguello 64. La Notion : Actes du Coloque Charles V, mars 1996 ‘McL. Groussior of C. Riviére da. ves dos langue ot roprésniatons copies C. Fuchs et S. Robert éds. a neers oomue tremuasess Sefetecnaed en) seems vaaiiaoes perme reste Sas enna ws es nen — ISBN 2-7080-0-630-4 © OPHRYS, 1990, 2000 Edlions OPHAYS, 8, av. Jean-Jaurés, 05000 GAP jons OPHAYS, 10, rue de Nesle, 75008 PARIS Table des matiéres ‘Avant-propos. La Linguistique : de Mempirique au formel Sur le Concept de notion ‘The Concept of Notional Domain. La frontiére. La Négation : marqueurs et opérations Formes schématiques et domaine, | Stabilité et Déformabilité en Linguistique.. Valeurs modales et opérations énonciatives ‘Autres commentaires sur Bien. Representation, referential processes and regulation AVANT-PROPOS Antoine Culioli occupe une place centrale dans ta recherche linguistique en France. Cela se traduit par la circulation trés active des. principaux concepts de sa théorie tant chez les linguistes (quis se réclament ou non de son enscignement) que chez les chercheurs d'autres disciplines y compris hors du domaine strict des sciences humaines. Paradoxalement ses ceuvres sont dispersées, parfois introu- ‘ables ou épuisées : il y a li le risque important de glissements, “approximations, «appropriations incontrélées, de citations de seconde main. Notre objectif n'est pas de défendre une quelconque ortho- ddoxie mais nous pensons que le débat doit se faire en toute clarté, textes en mains. ‘Crest pourquoi il nous est apparu nécessaire de regrouper un certain nombre d'articles qui témoignent de la permanence d'une cexigence théorique & son plus haut niveau nourrie par une approche systématique des phénoménes langagiers dans toute leur ‘complexité. Lordre de présentation de ces articles n'est pas chronolo- ttique. Le recueil est organist autour de quatre articles qui ‘marquent des moments théoriques essentils : I. Sur le concept de notion. 2. La négation : marqueurs et opérations. 3. Valeurs modales et opérations énonciatives. 4. (en anglais) Representation, ‘eferential processes and regulation. Les autres textes reformulent certains points ou abordent des problémes plus particuliets La présence de deux articles donnés en anglais dans leur version originale permettra aux lecteurs qui le souhaitent de i Pour ne lngustiqne de Uénoncaton trouver l'expression en anglais des concepts linguistiques de la théorie de A. Culioli. Dans cette édition 2000, les quelques erreurs qui ‘vaient, ont t6 rectifiées. Un deuxitme et un troisitme volumes ont suivi celui-ci, Un 4quatridme volume esten préparation. La directrice de collection, Janine Bouscaren. LA LINGUISTIQUE : DE L’EMPIRIQUE AU FORMEL* ‘exposé préliminaire sera, autant que faire technique. En d'autres termes, je ferai appel & un cer de concepts établis, a des considérations d'ordre épistémologique ordre général, & partir de quoi, je pense, nous arriverons & nous retrouver, que nous soyons en accord ou en désaccord. J'essaierai ‘a fois de détimiter (plus que de définir) ce qu’est la linguistique 4 Vheure actuelle, mais en méme temps, parce que je crois que est a la fois inévitable et indispensable, je m'efforcerai de dégager Vobjet) qui fonde Ia linguistique, ceriains problémes de méthode, miais aussi j'essaicrai de voir comment des problémes qui sont du ressort de la sociologie de la recherche influent, a Nheure actuelle, sur le développement de la linguistique et dans quel sens seffectue l'infléchissement. Nous aurons ensuite une discussion pendant laquelle je souhaite, selon les questions qui me sont posées, étre davantage technique. Commengons par un cadrage grossier concernant 1a lin- suistique. Pendant longtemps (je parle ici de la période qui a suivi la seconde guerre mondiale), la linguistique s'est organisée a partir| (feinslnbn(omearemne es Tape, se fixait pour (déalise heritage, & partir compléter par des adjonctions hétérogénes par rapport au noyau initial. Un certain nombre de disciplines (ou faut-il dire de © Sens et place des connaissances dans la sociét, Centre de Meudon Bellevue, CNRS, 1987, 10 Pour une tingsstique de 'énonciaton secteurs de recherche 2) sont nées de cela, disciplines au statut parfois incertain et que Ton a versées dans le grand sac des sciences du langage. Ainsi est née dans les années soixante la psycholinguistique, quia relié la linguistique et Ia psychologic (pour l'essentiel, la psychologie cognitive, en particulier la psycho- logie cognitive génétique); signalons aussi la sociolinguistique qui désigne un secteur complexe, peu structuré, od s'entremélent des recherches trés variées, qui vont des problémes de langues en contact, crtolisation, pidginisation, « loyauté linguistique », etc. jusqu'a' la planification linguistique, Valphabétisation, pour ne Citer que quelques rubriques. On voit déja que psycholinguistique et sociolinguistique vont se recouper. D’un ordre différent est analyse de discours, elle-méme participant de croisements avec la philosophie du langage, 1a pragmatique, l'argumentation et anthropologie culturelle, On pourrait aussi, & propos d’anthropo- logie, parler de I'ethno-linguistique qui est, elle, beaucoup plus ancien Crest aussi a 1a méme époque que se développe la linguis- tique appliquée, secteur qui comprenait, je te rappelle, tel qu'il s'est historiquement constitué, d'un cété la linguistique appliquée "un autre cété, le traitement auto- 4 la didactique des langues, Imatique des langues (et, en particulier, la traduction automatique), enfin la linguistique appliquée a la pathotogie du langage. On voit, sur-le-champ, que cette Evolution foisonnante posait, & chaque fois, le probléme de l'articulation entre, d'un dté, une recherche aqui les langues dans leur spécificité et avec leur ‘propre, d'un autre e6té une recherche qui portait sur activité de langage (qu'l sagisse d'activité de représentation, de référenciation, de régulation, appréhendée dans sa genése, son fonctionnement normal ou perturbé, dans un milieu donné (une classe par exemple), avec un objectif finalisé (ainsi, dans. le traitement automatique), grice & des systémes de représentation futres que la langue premiére (métalangue, langue étrangére, langage machine), pour brosser 4 grands traits ce domaine composite. Ainsi, Von avait d'une part un objet qui pouvait pparaitre (@ tort ou & raison, ceci est une autre histoire) comme Gelimitable, & savoir la langue (apres tout, nous avons tous le Sentiment que nous savons ce qu'est une langue) et done (tout est ‘dans le done) ce que sont des phénoménes linguistiques et, d'autre part, le langage, sorte de mauvais objet que Yon avait cherché Evacuer. Apres tout, n'estice pas ce qu’a fait Saussure, de fagon La Lingistiqu + de Vompirique a formet u légitime & une certaine époque, lorsqu'il a écarté le langage comme ‘tant composite et irréductible a un objet de recherche, privilégiant le concept de langue ? Or, depuis la période grossiérement définie, plus haut, le probléme de la relation entre le langage et les langues (insiste ‘sur le pluriel qui marque la diversité) n'a cessé de {ravailler la linguistique et 'on peut dire qu'une bonne partie des fragmentations constatées dans la communauté provient de 1a. Prendre en compte T'activité de langage, c'est nécessairement se ‘question du spécifique et du généralisable, du contingent et de invariant. On voit tout de suite comment cette double prise en ‘compte va, selon les individus ou les groupes, modeler la re- ccherche dans tel ou tel sens. C’est ainsi qu’a l'heure actuelle la wuistique apparatt ta fois comme un lieu disciplinaire qui ccherche a se constituer en tant que lieu de recherche, si possible, wutre part, comme un lieu impossible, o& chacun donner ses régles d’homogenéité, qui varient selon les hetérogénéités acceptées ou récusées, d’od un domaine soumis a des pressions telles qu'il n’arrive pas & se constituer comme tel. jr que si 'on définit la linguistique comme la science du Langage (on I'a souvent écrit), la proposition n'a pas de sens, dans la mesure od il existe différentes sortes de recherches possibles sur le langage en tant qu’activité. Un médecin travaillant sur le langage perturbé, un historien qui s'occupe de sémantique historique (comment des concepts se sont constitués, ont été vehiculés, transformés, etc.) un sociologue ont affaire au langage, et 'on pourrait multiplier ces remarques. En bref, le langage n’est ‘pas un théme propre de la linguistique. Si l'on pluralise (sciences ‘du langage), on ne fait que repousser le probleme. Nous savons bien que, pour des raisons de prudence institutionnelle, on a parié de sciences de Néducation au lieu du terme honni de pedagogic. Mais la linguistique n’a souffert d'aucun diserédit historique, & moins qu’on rit trouvé la désignation recroquevillée et frileuse {cote des vastes espaces que dessinait le pluriel.. En tout cas, je continue & m’interroger sur la signification de ce terme, non pour le rejeter mais pour lui assigner un réle régulateur. Est-il un point ide Tuite, annonciateur d'une unification ou d'une théorie globale ? Estil une maniére de signaler que l'on a affaire 4 un domaine complexe ? Mais cette complexité est-lle traitable ? Réductible ? 2 ‘Pour ane lngsstque de énonciaton Ou a-ton affaire & un domaine ot Yon a des secteurs strictement hétérogénes et disjoints ? Ou peut-on articuler ces secteurs hétéro- _génes, construire une théorie globale & partir de théories locales ? Ou alors peut-on soutenir et & quel coat que Von a affaire aun domaine homogéne ? On ne peut échapper a ces questions, mauvais; 2: bon, (ou, Cest-i-dire si mauvais) + mauvais; 4 : bon + bon; tandis que 3 4 la forme : mauvais (ou, Cest-i-dire si bon) -+ bon. Sont bien formés, pour une méme valeur sémantique, les énoncés 1 et 4 qui sont homogénes (mauvais + mauvais; bon ~+ bon), ainsi que Vénoncé 2 qui s‘organise autour d’un premier terme a teneur favorable. Est mal formé celui qui a comme terme initial un terme 4 teneur détrimentaire. Pour avoir force explicative, il faudrait alors s'engager dans une discussion théorique sur lorganisation des énoncés, la téléonomie, etc. Mais il s'agissait ici d'esquisser des schemes De toute fagon, 1a question mériterait_une réponse plus précise, dans la mesure ol I'on peut avoir bi-univocité locale, mais, comme les marqueurs, les catégorisations, vont varier de langue 4 langue, iva falloir une theone generale de I'application d'une bi-univocité locale dans une bi-univocité qui porte sur d'autres phénoménes, équivalents mais morphologiquement différents. La Linguisique : de Fempirique ax forme 31 Int. : Cette complexité du formatisme est celle d'une langue pratiquée par des adultes. Y ail des études effectuées chez enfant — oi, naturellement les représentations sont beaucoup plus simples et qui, par consequent, simplifieraient le formalisme ? A.C.: Les études qui ont été faites n’ont jamais été menées de tagon vraiment systématique et cumulable, ni qui permette de s'accorder sur ce qu’est "appropriation d'une langue par un enfant centre tel et tel Age. Le domaine n'est pas exactement de ma compétence, mais je crois, hélas, ne pas trop me tromper. Cependant, il existe des Studes fines, et je ne pense pas que l'on puisse dire que Ia complexité soit moindre. Elle lest concernant éventail des possibilités d'utilisation d'une langue, ou V'inventaire des agencements, mais pas pour un certain nombre d’opérations Fondamentales qui vont se mettre en place. En outre, de quel ge let-on? Dans des domaines tels que Maspectualité, ow la determination, ou Ia modalité, les observations ne semblent pas \diquer que T'on passe d'un systéme moins complexe & un systéme plus complexe. Je crois que l'on a un systéme plus pauvre en surface, c'est-i-dire qui comporte des virtualites et va s’enrichir en marqueurs. Peut-dire s‘agit-l d’une complexification lorsqu’on passe d'un sous-systéme a un successeur : concernant les phéno- ménes, certainement, concemant activité de représentation, réf- renciation et régulation, je ne suis pas sr que la notion de complexité (passage du simple au complexe) soit pertinente. Quant au formalisme, il est clair qu'il ne saurait varier de fagon congruente, du simple au complexe, car, a ce raisonnement, on aboutirait a la conclusion que le non-langage présente la sim maximale... De toute fagon, le langage est de la pensée par des ‘mots, mais on peut penser (avoir une activité de représentation) par des conduites, par des gestes, etc. II n'est pas possible d’étudier ‘certaines époques dacquisition en séparant la verbalisation du pointage, de Ia mimique, etc. Prenons la modalité : la négativation va apparaitre par des conduites de rejet, par le jeu sur l'absence-présence, avant que la négation de jugement n’entre en jeu. Mais rien ne permet de dire que le détachement progressif de la verbalisation par rapport aux conduites corporelles correspond & un passage du simple au complexe. De meme, si I'on considére un concept tel que « ea pacité », « possibilité de faire », qui nous parait évident, il est intéressant de constater que de nombreuses langues ne I’expriment se comprend Puisque «je peux» situe Menonciateur par rapport A un proces envisage; ce dernier cas implique que l'on puisse verbaliser 1a représentation d'un événement envisageable, c‘est-d-dire ne réfé- rant pas 4 du réalisé; on le voit, cest le point ultime de cette capacité de construire des substituts détachables de la réalité qui fonde activité de représentation dans 'activité de langage. Avec « peux pas » (par exemple, si enfant ne réussit pas a faire passer une bille dans un trou trop petit), on est dans le domaine du certain, c'est un constat portant sur état de choses actuel. On peut continuer en prenant une autre catégorie celle de la détermina- tion; on note que I'enfant passe par une période (faut-il dire un stade ?) oi il pergoit la permanence qualitative derriére la dis- Continuité, d’ou un terme tel que « encore /». C'est un peu comme dans un jew Wapparition-disparition : encore cignale ta coupurs, {out en renvoyant au méme. Plus tard, on passera aussi ou meme ou tout équivalent, qui marque la mise en relation (Videntification ualitative) de deux ou plusieurs occurrences distinctes, dont on @ appris & prédiquer I'existence (ef. encore). Puis, on aura autre gui fera accéder a la maitrise de la notion de « étre successeur de». Ce qui fait que, dans un cas de ce genre, on travaille a la fois en extension et en intension (ou, plutot, dans ordre ’ap- parition, en intension et en extension), sur le qualitatif et le Quantitatif, & travers des discontinuités, des couples, des séries. Est-ce moins complexe ? Int: Je voulais tinterroger sur la traduction, Je com i we deren ind pee roduites, mais je constate que d'une langue a l'autre, trés souvent, (on ne peut pas reconnaitre, dans la seconde langue, es formes qui; ‘ont && produites dans la premiére. Dans beaucoup de langues afticaines du type du peul, quand on appelle « pére» ‘non seulement son pére, mais le frére de son pére, et que ceci peut se feproduire de génération en génération et que, finalement, deux individus qui descendent d'un méme ancétre par les hommes sont toujours considérés comme fréres tandis que ceux qui descendent de et ancétre au quatrigme degré mais par un homme et une femme sont des cousins. Comment traduite en frangais ? Si Ton it « fréres», cela ne correspond pas a la réalité. Si Ton dit “« cousins issus,issus, issus de germains », cela ne correspond pas Le Linguistique + de Vempirique at formet 33 4a réalité non plus. Les concepts, li, sont intraduisibles. Ou bien encore, ce phénoméne auguel je me heurte toujours dans mon domaine qui est celui du Droit, quand il s'agit de pays dont la langue n’est pas indo-européenne : le fait qu'il n'y ait pas de verbe «étre » au sens cartésien du mot — je pense done je suis, d'une fagon absolue — mais simplement le verbe «étre » au sens de «etre ici ou la, étre &telle époque, avoir telle qualité ». Je constate «que les pays dont la langue a le verbe « étre », par exemple chez nous, ont un droit dans lequel il faut étre d’abord une personne, tun étre abstrait avant de pouvoir remplir des fonctions qui sont attachées au fait d'etre des personnes. Tandis que dans d'autres pays, on remplit des fonctions, et c'est la fonction qui détermine iste. Et on a une existence d’autant plus « nourrie » que Von remplit des fonctions importantes. Tout cela fait que, d'une langue & autre, on ne peut absolument pas traduire, dans ce domaine du Droit: on ne peut absolument pas traduire Ia situation juridique telle qu’elle se présente. J'ai finalement im- pression que chaque langue constitue son univers, mais qu’en meme temps chaque langue se réfere & l'univers qu'elle a constitue. ‘Crest pourquoi je suis tout a fait hostile & Vidée des universaux. A.C. : Quelque part, je me suis mal fait comprendre. Sur un point, fen tout cas, je me Suis bien fait comprendre et nous sommes en accord total la-dessus : les universaux. Je ne crois pas a une ‘grammaire universelle (qui ne doit pas étre confondue avec une théorie des invariants) ni, de ce point de vue, a une sémantique générale (a ne pas confondre avec les propriétés et les relations primitives liées a notre cognition). De plus — je vais paraitre (ire, mais je vais m’en expliquer — je ne crois pas la , en dehors d’univers normalisés, de traduire au sens ot tu lentends, Sur ce point, je suis absolument d'accord. On ne peut pas rendre le jeu des temps ou des aspects ou le jeu sur on, tt vous, ete. en passant d'une langue a ['autre, mais on peut donner tune approximation, donner un commentaire, qui conservent la majeure partie de ce que I’on voulait traduire. Sur le verbe étre, sur les termes de parenté, et d'autres cas de ce type, comment ne pas tre accord ? Il se trouve qu'il y a fort longtemps, j'ai Fabriqué un petit texte d'une vingtaine de lignes qui commence ans: « cela falt plusteurs jours que les bacherons travailient dans la forét ». C'est un texte neutre, au sens oi il est bien écrit et nest pas une suite d’exemples pour le linguiste. Jy ai mis un maximum ———— 34 Pour une lingsstigue de Uénoncaton diintraduisibles ou de quasi intraduisibles, d'ordre lexical, gram- matical ou discursif. Un chercheur, aidé par des informateurs, a «traduit » ce texte dans une centaine de langues ct a évalué (Grossiérement) la perte & chaque traduction. C'est impressionnant. _ Ilya quelques années, j'ai participé a un colloque de Jinguistique & Kuala-Lumpur, od la discussion a, & un moment donné, porté sur la terminologie scientifique en malais. Les spécialistes butaient sur la notion d’élasticité, en tant que propriété Physique. Nous sommes habitués a un tel terme, mais le phéno- ‘méne auquel il renvoie est plus complexe qu'il n’en a I'air. Ce que remarquait un des participants, éminent lexicographe britannique, qui combinait sa compétence linguistique & une formation scien. ‘ifique, c'était qu'évidemment, en Occident, nous pouvions em- Prunter, faire appel aux langues classiques, utiliser des termes composts. On avait donc a innover sur le plan coneeptuel et sur le plan terminologique. Ce qui pose un probleme extrémement grave. Ainsi, sil s'agit de tels problémes, en particulier en anthropologie cognitive ou culturelle, je ne peux que redire mon accord. Reste que, avec des approximations, des detours para- phrastiques, des pertes, on arrive a une certaine adéquation. De toute fagon, ce que je voulais dire dans mon exposé introductif, c'est que Ion peui toujours apprendre d'autres lan- gues, que l'on peut toujours passer d'une langue a l'autre, que Ton Peut toujours interpréter un texte dans une langue de sorte qu'il ¥ ait référenciation et régulation équivalentes, Je dirai volontiers ‘qu'on ne peut pas traduire, mais qu'on peut toujours traduire a travers Jes communautés linguistiques de l'espéce humaine. Et le seul fait de maitriser deux langues et de constater I'impossible inadéquation de l'une a l'autre, est déja comparer et utiliser un mode de représentation qui relie les langues entre elles. Tandis qu'un corbeau n’apprendra pas les cris d'une autre espéc Int. : IL a les travaux de Laurence Lentin qui, en équipe avec de enseignants, a beaucoup étudié le langage du jeune enfant a partir de lage de deux ans — lage de I’école maternelle. L'étude de cette sgenése du langage chez l'enfant peut-elle aider pour la compré- hension générale du langage? Probablement, oui. Mais c'est ceffectivement trés complexe parce que, si les phrases du jeune ‘enfant sont structurellement tres simples (plus simples que les ndtres), elles sont fonctionnellement aussi complexes. C'est-i-dire que l'enfant exprime les mémes nuances et les mémes modalités La Lingestique : de Vempiique a formel 35 de pensée que nous, mais il dispose d'un matériau beaucoup plus elémentaire. Comment se situent les différentes théories grammat cales, genérative, distributionnelle, « psychologique », dans les rapports avec les trois plans de représentation que Vous avez mentionnés ? II me semble qu’elles ne se situent pas au méme niveau? A.C. : Sdrement pas. Mais tout d'abord, j'espére que je n'ai pas donné fe sentiment d'oublier des travaux importants comme ceux ‘que vous avez mentionnés. Je n'ai pas donné de noms et de détails par manque de temps. Ce que j'ai voulu souligner, c'est le manque ‘d'études systématiques sur des points choisis,& travers les langues ct les cultures. Jaurais pur aussi insister sur la difficulté qu'il y a 4 rassembler des observations, car on a des variations trés grandes enfant a enfant; en outre, on travaille sur des corpus contraints, vesti-dire gue l'on ne peut pas manipuler et faire porter des jugements d’acceptabilité comme chez un adulte. En fait, ce qu'on observe c'est la verbalisation par rapport & des taches, des jeux, des situations, et l'on travaille autant sur l'activité cognitive que sur la production textuelle (ow la reconnaissance). Ce que nous savons, c'est que l'activité métalinguistique de l'enfant commence tres jeune et est like au décentrage du sujet par rapport 4 son ite langagiére. Par exemple, enfant va se construire un référentiel par rapport a son corps (des études sur le langage de signe montrent importance de parcilles constructions). Une fille de six ans m’a demandé : « Pourquoi est-ce que vous avez tous un dos ?». Je Iui ai répondu : « Mais tout le monde a un dos!» Sur quoi, elle a dit: «Moi, je n’en ai pas. Crest intéressant, puisque cela pose le probléme de la symétie et de absence de symétrie dans l'organisation de notre espace par rapport & notre corps. On ne voit pas son dos, et l'image dans le miroir privilégie la face. Cette méme enfant, trés jeune, voulait dire des choses compliquées, elle s'embrouillait et elle disait « Je peux pas, ma bouche veut pas ». Tout cect pour dire que lorsque l'on tudie Ienfant, il faut une patience et une subtilité exceptionnelles pour débusquer les phénoménes révélateurs. Ceci est une maniére de vous répondre sans vous répondre. En premier lieu, il n'y @ pas, au sens que l'on doit donner au terme, de théorie distributionnelle; iW existe des techniques distnibutionnelles, et je ne vois pas en quoi analyse distributionnelle permettrait de fonder une théorie de acquisition du langage. Pour ce qui est de la grammaire géné- 36 Pour une lnguistique de Véxoncaton tative, malgré diverses recherches, il me semble que l'on peut dire que le cadre théorique ne s'est [pas révélé pertinent. Avec une prudente modestie, j'avancerai que la théorie des opérations prédicatives et tnonciatives s'est revélée fructueuse et a permis de Telier les recherches sur I'ontogenése des représentations en psychologie cognitive avec l'étude des phénomenes linguistiques. ‘On connait aussi des études comme celles de Fayol sur temps et aspects dans le récit chez des enfants francophones. Il existe aussi de nombreuses recherches sur le trés jeune enfant. Mais malgré toutes les trés belles études travers le monde, javoue qu'il ne parait pas y avoir de théorie unifiée satisfaisante. Int. : Vous parlez d'une langue dans laquelle chacun des mots, cchacun des termes joue un rdle, a une place et une fonction. Dans le langage courant ce n'est pas ce qu'on observe. On observe que trois, quatre mots importants — quand on prend un texte, on les souligne au crayon — portent sens réellement, et le reste est un habillage extrémement surabondant qui fait que ces mots per- mettent un échange de compréhension, alors que ces mots sculs, sills sont extraits, ne sont pas pergus par la boite noire qui est en face. Cela peut indiquer un mode de compréhension qui dépasse le mot lui-méme. A.C. : Ce qui m’embarrasse un peu, c'est le terme d’« habillage ». Cela risque de renvoyer a une théorie ornementale o8 l'on aurait des mots-concepts (des mots qui renverraient & de Ia pensée ‘essentielle) qui seraient habillés. Commengons par une considé- ration banale : il existe des mots-clés, on peut envoyer des ‘telegrammes, éerire des condensés, et une unité lexicale déclenche tun réseau de représentation (pour ne prendre qu'un exemple ou deux trés simples : solution est lié & probléme, difficulté, rechercher, trouver, réussite, issue, et.; rencontre entraine la représentation de partenaires (humains ou non) entrant en contact (intentionnel ou non, violent ou non), c'est-a-dire se déplagant de sorte que événement de contact (avec les modalités de contact) ait lieu en ‘un lieu et un moment donnés). Reste ce que vous appelez « habillage » et la surabondance. Crest un probléme classique, qui a té étudié dans les années 50, propos, en particulier, de théorie de T'information : les agence: ments textuels sont construits selon des schémas canoniques, de telle manire quils puissent étre appréhendés, reconnus et inter- La Linguistque + de Vemplrigue au formel 37 prétés. On a done des systémes pré-correcteurs d’erreurs: Cest-d-dire quill y a optimisation entre d'une part la redondance et d'autre part l'économie, entre la stabilité et la plasticité, entre insertion de marqueurs ‘renvoyant & des opérations multiples (relations primitives, relations prédicatives, thématisation; modali- sation; modulation affective, etc.) et la linéarisation. D'oi ce que vous appelez I'habillage, parce que yous pensez en terme de sémantisme informatif simple. L'habillage, ce sont les relais prosodiques, les anaphores, la construction d'un terme distingué qui sert de repére au reste de la relation, ce sont aussi les régularités qui scandent la chaine, permettant a la mémoire de fonctionner et a lattention de ne pas fonctionner constituant par constituant, mais en construisant des bonnes formes par des cheminements plus complexes que la succession totalement ordonnée (sur ce point, voir plus haut). Lite & cette notion de systéme pré-correcteur, on trouve une propriété fondamentale de Factivité des énonciateurs, qui est, dun été, de reprendre en paraphrasant, d'un autre c6té, de reprendre en désassertant (je simplifie), enfin de reprendre avec un étage- ment (I** cas : « Il viendra vendredi ». — « Tu veux dire qu'il arrive dans dewx jours !; 2* cas : « Il viendra vendredi». — « Pourquoi dis-tu qui viendra vendredi ?» ow encore « II viendra vendredi — a ma pas de sens!» ou encore « i! viendra vendredi — Ah, qu'il vienne vendredi ne me surprend pas»: 3* cas : « Il viendra ven- dredi» — « I te Va dit ?» — « Non, mais il 'a dit a Marie qui me Ya dit»). Vous voyex. que je suis passé d'une assertion directe & autre chose (représentation désassertée avec mise en question; prédication sur du prédiqué). Cette propriété d’étager et de relayer (@oi le style rapporté, Vanaphore) est la caractéristique extréme de lactivité de langage comme construction de substituts entiére- ment détachés de la réalité extéricure. On sait que dans une premiére étape, on a ostension avec, puis, sans toucher l'objet; on peut ensuite renvoyer a l'objet absent, & la classe d’objets envi- sageables, c’est-A-dire qu'on a une construction qui nous permet, par la représentation, de nous détacher de la référence pointée. Puis on aura une construction sur la construction et, li, on ne sait plus trés bien of! sont les mots importants et ceux qui ne le sont pas. Si je dis « c'est mon frére, pas ma secur, qui m'a promis de te ‘faire savoir, au plus tard demain, si nous irions en fin de compte a 1a mer ou d la montagne », je vous mets au défi de ramener cela & quelques mots habillés. Vous ne pouvez pas. Tout le jeu 38 Pour une lnguistique de Fémoncation ‘énonciatif vous contraint avoir cet agencement complexe, avec reprise anaphorique, niveaux étagés, représentation de chemins ossibles, ete. Fajouterai que Vhabillage est en soi important, méme pris comme une métaphore. Il renvoie a l'esthétique du discours, & la stylistique, @ la rhétorique. De méme que la cuisine n’est pas un imple moyen de nous nourrir pour maintenir notre intégrité biologique, mais a une dimension symbolique (godits et dégoui Pur et impur; altération intentionnelle de produits dits bruts, etc. de méme activité de langage va bien au-deld de T'échange Uutilitaire d'informations, Inutile d’insister sur ce point bien conn, Crest-a-dire, quill n'y a pas un énoncé auquel on n’associe une famille d’énoncés Equivalents & une modulation prés. Je sais bien que vous avez employé le terme «important » dans une certaine acception, en parlant « d'importance sémantique ». Mais je dit Yolonticrs que, finalement, la modulation est fondamentale. Ce que vous avez appelé I'habillage est alors aussi important que le feste, Nous modulons toujours, et nous percevons l'existence de modulation chez autrui. L'absence de modulation est pergue comme bizarre ou intentionnelle. Quand je travaillais sur des entretiens avec des psychotiques, j'ai &€ trés frappé par le fait que les gens pergoivent trés subtilement les differences. Ainsi, telle patiente qui l'on disait « Vous étes divorcée et qui reprenait « Non, j'ai divorcé». Aun moment donné, elle a dit « Je suis une femme comme les autres», elle s'est reprise « Je suis une femme ‘comme une autre». Pour un déterminant, les gens s'étriperaient.. Int: Je ne connais rien & la linguistique. Je me suis d'abord beaucoup intéressé & la definition de lobjet de la linguistique que vous avez donnée. Je crois que vous avez dit approximativement «C'est toute activité signifiante qui ne se raméne pas A la transmis- sion de signaux graphiques ou sonores entre deux observateurs Pourvus du méme code». J'ai essayé d'appliquer mentalement cette définition : elle ne me satisfait pas. Je caresse un chat : voila une activité signifiante, pour le chat comme pour moi, qui ne se raméne pas a la transmission de signaux graphiques ou sonores et, surtout pas, entre deux interprétes pourvus du méme code. Je réve, Cest une activité signifiante mais oi il n'y a absolument pas de tansmission de signaux graphiques ou sonores et of il n'y a pas deux interprétes. A inverse, deux personnes parlent du temps quill fait, dans un lieu public. En écoutant leur conversation, je La Lingsstique : de Vempirigue au formet 39 m'apergois qu'elles ne s'intéressent pas au temps qu'il fait, qu’elles veulent simplement émettre des signaux d’appartenance 4 un groupe sociologique donné — par exemple, qu’elles sont toutes les deux des dames de la bonne société. Il s‘agit bien de trans- mission de signaux sonores, décodés par deux opérateurs pourvus du méme code et pourtant’on est dans la linguistique. A.C. : Nous sommes en plein dans la situation qui reléve de mon aphorisme favori « La compréhension est un cas particulier du malentendu ». Tout ce que j'ai voulu dire c'est que l'on ne pouvait pas simplifier l'activité de langage en ramenant le langage a un util, "énonciation a T’échange «informations univoques, stabil sées et calibrées entre deux sujets qui seraient pré-ajustés pour que échange soit une réussite sans a-coups et sans faille. Mais je n'ai jamais dit que ta linguistique s’occupait de ce qui n'était pas cela, ‘au sens of yous l'aves infére. Reprenons vos exemples : dire que ‘ous avez une activité signifiante quand vous caressez un chat me semble un véritable jeu de mots concernant le mot « signifiant ». EL quand yous dites que c'est signifiant pour le chat, vous vous avancez beaucoup. Sans nous engager dans une théorie de la ignification, je dirai simplement que je refuse de confondre activité signifiante entre des énonciateurs avec toute interaction régie par un principe qui échappe a la relation agencement de marqueuts = opérations de représentation. L’activité de langage est signifiante dans la mesure od un énonciateur produit des formes pour qu’elles soient reconnues par un co-énonciateur comme étant produites pour étre reconnues comme interprétables. ‘Quant & ces formes, elles sont fonciérement sonores (ou graph ques). Aussi bien, en tant que linguist je m'intéresserai plutot au récit des réves plutdt qu’aux réves eux-mémes, qui ne sont pas de ‘ma compétence. De méme, quand je travaillais sur le délire des psychotiques, je travaillais sur la forme du texte délirant. Vous avez done totalement déformé ma position. Int.: Au fond, ma preoccupation, a travers la recherche de cette definition, était de savoir si Templo: que font les informaticiens ‘du mot «langage » est un emploi pertinent ou abusif. AC. : Pour le linguiste, c'est un emploi car on a tendance a tout confondre. Mais, inversement, je feral remarquer que est un informaticien qui, il y a fort longtemps, avait attiré mon attention sur l'emploi abusif que les linguistes i peut étre dangereux, 40 Pour une lngustique de Pénoncation faisaient du mot « code »... Mais si l'on prend des précautions, il n'y a pas de risque 4 parler de langage forme! ou de langage de programmation. Simplement, il ne faut pas s'imaginer que l'on parle des mémes objets (mises 4 part quelques propriétés commu- nes), et il ne faut pas confondre les contraintes provenant des machines du moment avec des propriétés théoriquement pertinen- tes des langues naturelles. Ceite précaution est d'autant plus importante que la relation entre la linguistique et informatique mériterait a elle seule un long débat. Prenons le mot formaliser. Pour un notaire, c'est authentifier par un acte : « nous allons formaliser votre partage ». Pour l'informaticien, formaliser, c'est blir, grace a une codification, un texte correspondant ré-éerit ‘qui puisse étre traité par un ordinateur. Quand le linguiste parle de formaliser, il a autre chose en tte : le formel est un formel cconstruit, qui a un statut théorique et qui n’existe pas simplement pour pouvoir étre implémenté dans le respect des contraintes de telle machine. Qu'l y ait a un moment donné une discussion parce que Vinformaticien dira: vos régles sont contradictoires, votre formalisation est insuffisante, ceci est intraitable, voild qui ést intéressant. Mais le linguiste n'a pas & étre Magriculteur qui ccueillerait les produits et les dégrossi ils se transforment, dans la chaine industrielle, en produits stabilisés. La lation entre informaticiens et linguistes doit étre du type ajustement et non du type chaine de montage, La spécificité du linguistique apparait non seulement dans la diversité des langues, mais aussi dans la diversité des phénomé- nes dans une langue donnée. Prenez par exemple les clivées en frangais avec subordonnée, du type « c'est parce qu'il fasait beau que je suis sorti». A la place de la causale, on peut mettre une temporelle (quand, etc.), une finale (pour que)... etc. Mais on ne peut avoir « C'est puisque(..) que», « c'est bien que(..) que», ow « cest comme(..) que» (au sens de «éant donné que»). Le linguiste s'intéresse a effectuer de telles observations, en particu- lier a rechercher les impossibilités dans une classe paradigmatique de termes substituables; il considére aussi qu'une fois établis les faits, il sagit d'en rendre compte et pas seulement de les stocker dans un inventaire (ce qui, du point de vue de la commodité, pourrait parfaitement étre la solution Ia plus facile). D’od la nécessité de raisonner dans un cadre dont le statut théorique est fondé. Allez donc traiter des probleémes de transfert ’une langue sans articles a une langue & articles, et vous verrez la différence at {a Linguistiqne: de Vempirigue ou formet entre le langage et un langage. En fait, il faut des équipes composées de gens qui ont une double formation ou qui, en tout eas, comprennent la problématique et les exigences de l'autre partie. Alors, votre question disparaitra, mais on en est bien loin, Int.: Est-il possible de parler tout uniment de métalangage ? Nrest-il pas souhaitable de distinguer plusieurs couches dans le métalangage et, éventuellement, de les distinguer terminologique- ment ? A.C. : On peut se placer du point de yue du sujet énonciateur- locuteur qui a une activité métalinguistique non-consciente (je parle alors d'activité épilinguistique) ou qui, par les jeux de langage de tous ordres, s‘adonne & la jouissance du métalingui que. A son propos, on pourrait soutenir qu'il y a du métalingui ‘que, mais pas de métalangage, au sens d'un langage extéricur la tangue-objet. Dans mon exposé, je me suis placé explicitement du point de vue du linguiste qui, un moment donne, construit un systéme de représentation métalinguistique afin de pouvoir (1) représenter les phénoménes grace a des représentants ayant des ropriétés formelles construits a partir de termes primitifs et selon des procédures réguligres, décrochés des empigiements intuitifs, Q)calculer. Ml va sans dire que le systéme de représentation métalinguistique ne sera jamais strictement extérieur, jamais totalement adéquat, jamais univoque, jamais partout homogéne, et cela fait aussi partie du travail théorique. Rien ne dit d'ailleurs ‘que notre activité cognitive et notre activité épilinguistique soient orrectement représentées par notre systéme de représentation ‘métalinguistique, au sens réaliste de « correctement », mais nous sommes amenés'a poser que nos calculs renvoient a des opéra- tions, les simulent, sans plus, Y a-til plusieurs sortes de mét linguistique ? Je serais tenté de répondre « oui », entre la glose Gugement d°équivalence), les reprises, les ré-analyses (« quand je pose la question « Est-ce que tu viendras ? », ¢a veut dire que je veux savoir si tu viendras ou non »), les jugements d'acceptabilité, les représentations a base métaphorique (par exemple dans les phénoménes portant sur la temporalité), les représentations de ordre du topologique, ete, il va, je me répete, y avoir du inguistique et non une imétalangue, En tant que linguistes, nous sommes dans une situation assez ccurieuse par rapport au langage : d'un c6té, nous sommes comme 2 le physicien qui, par l'abstraction, ti Qu est Te maniputable dans Texpérence-quotidienne (ab Te iatus entre ce que l'on sait calculer et les jugements souvent erronés que l'on porte sur des situations quotidiennes. Comme le dit Lévy-Leblond, nous faisons tous de la physique aristotélicienne dans la vie de tous les jours). D'un autre cdté, nous sommes des locuteurs ordinaires, soumis aux mémes illusions et aux mémes points aveugles, mais qui, par notre pratique, nous mettons en Position métalinguistique par rapport aux textes que nous produi- sons et reconnaissons. . : J'ai Iu un livre de l'Université de Copenhague sur lintona- tion. L’auteur prenait quelque chose du genre « Le gaveau est dans la cuisine», et il trouvait A peu prés six combinaisons. Que pensez-vous de ce probleme de l'intonation ? A.C.: Tl y a en fait deux problémes, qu'il faut soigneusement distinguer pour ensuite les relier éventuellement. D'un cdté, le probléme de intonation en tant que renvoyant a des régles de bonne formation (savoir que certains schémas sont impossibles et donneraient des résultats bizarres, non naturels), D'un autre cote, vous avez le probléme des modulations subjectives (attitudes affectives: mise en relief, etc.), le renvoi a des préconstruits, & de Vimplicite. Alors, pourquoi six ? Certes, on ne peut pas faire n'importe quoi et l'on peut ramener & un nombre fini de poss bilités, mais il faudrait que yous nous expliquiez ce que sont les dites combinaisons. Ce qui frappe, par exemple au théétre ou au cinéma, est que parfois les dialogues sonnent faux, sont peu naturels (je parle ici de la mélodie et non du contenu) et, malgré de grands progrés, la parole de synthése continue a étre déficiente dans ce domaine. Int. : Vous nous avez bien précisé que vous aviez entendu le mot «cognition » au niveau 1, dans un sens trés large, & savoir cognition instinctivo-affective et aussi rationnelle, Vous avez précisé naturellement qu'il y a non-univocité entre le niveau 1 et le niveau 2. Mais lorsque la cognition est purement rationnelle, comme par exemple, dans l"énoncé d'un théoréme mathématique, nly actil pas univocité ? AC. : Sai effectivement insist sur la non-biunivocité entre les niveaux 1 et 2. Maintenant, nous parlons « d'univocité » et de Le Lingustique: de Vempirigae ou formet 4a «cognition purement rationnelle », termes que jaimerais voir préciser, concernant 1a cognition purement rationnelle... Deux {questions se posent : s'agissant d'étres de raison, dont la représen- tation de niveau | est telle qu'elle n'est pas soumise & la nécessité d'un ajustement inter-subjectif, qu’elle échappe aux vicissitudes des référenticls construits a partir d'une origine énonciative ou Jouent les représentations du sujet et son insertion spatio-tempo- relle, on peut avoir des désignateurs et des assertions univoques, récisément parce qu'il s‘agit d'idéalités. Mais votre question renvoie, par ce biais, & toute 'histoire des mathématiques et au statut de l'axiomatique. Tout revient a se demander si ce que j'ai dit de la relation 1 a 2 vaut dans tous les cas : quand on traite de représentations de Vordre du physico-culturel, on n'a pas la méme situation qu'avec des étres mathématiques, bien que ces demniers soient sans doute une étape ultime dans la catégorisation des phénoménes empiriques; quand on traite des opérations (toujours de niveau 1), 1a production de théorémes distingue, parmi les opérations langagieres, certains schémes qui joueront un rdle privilégié. Mais il reste une seconde question, de taille : existe ‘ne transition entre la logique mathématique et la logique natu- relle ? Existe-til, dans notre activité de langage (ordinaire, di- rais-je) une cognition sans affect, des représentations idéales sans franges métaphoriques, des catégories tranchées sans effets de bord, ete. ? Univocité’ done, mais conquise. L’univocité n'est jamais immédiate, elle n'est pas de fondation. Cette discussion sur les théorémes mériterait que nous abordions la question de la vérité ou plutst du prédicat modal « est-vrai ». Quand nous produisons un énoncé, nous construisons une relation prédicative qui désigne une représentation. Cette relation prédicative n’est ni vraie ni fausse; pour devenir un énoncé dont on pourra dire qu'il est vrai ou faux (assertion), il faudra que cette relation prédicative soit siruée dans un espace énonciatif muni d'un systeme de coordonnées paramétré (je m'excuse de ces allusions techniques). La relation prédicative est située par rapport & un repére subjectif: (un sujet énonciateur, qui prendra en charge — s'engagera en se portant garant — assertion). Dans une assertion, au sens strict du terme, on a une prise de position que l'on peut caractériser comme suit : « je tiens a dire que je sais (je crois) que p ect vrai ». Je ne discuterai pas ici de la relation entre « savoir » et « croite », ‘mais ce que montre cette caractérisation, c'est qu'il y a engage. ‘ment, déclaration, construction d'un mode de validation, adé- 4 Pour une lngustigne de Pénoncation quation entre un désignateur et 1a représentation d'un état de choses. Si nous représentons I'adéquation comme un gradient, du centre (adéquation stricte) & la frontiére (pas vraiment adéquat, pas vraiment inadéquat), on voit que « étre vrai » peut se represen. ter comme une boucle, alors que le « pas tout a fait » introduit une distance entre la valeur vraie et Ia valeur approximative. De méme, on peut représenter la certitude comme une distance par rapport a la valeur centrée, Quand les lois de la rationalité logique, hors des circonstances contingentes, ou toute autre cause de connaissance validée, entrainent le certain, assertion ne donne pas de place lhésitation, L’asserteur valide donc, par son acte ‘assertion, la valeur centrée, et exclut toute autre valeur possible. La distance du validé au validable est nulle: il n'y a qu'un validable validé. C'est la l'univocité, Si l'on n'est pas sir, si Yon croit (au sens de «je crois bien »), on envisage qu’a coté de la valeur propasée camme Ia bonne valeur, il existe une autre valeur Gui pourrait bien étre la bonne. On 2 done une bifurcation avec plus d'un chemin, méme si l'un d'entre eux est distingué. Ainsi, il n'y @ pas cotncidence entre validables et validé. Si les chemins possibles sont équipondérés, on aura équivocité. Si maintenant on reprend ce que j'ai dit sur Munivocité, on verra que dans le cas d'un théoréme, on a effectivement univocité pour des raisons qui s'expliquent par la démarche méme de la construction mathématique, sans qu'il y ait contradiction avec la théorie générale de activité de langage que j'ai dessinée plus haut, Int. : La démarche que tu décris, en constituant ta discipline Jinguistique me fait penser a ce qui s'est passé a la fin du xix+ et au début du xx- sidcle, lorsque a propos des mathématiques — science pourtant extrémement élaborée et en parfait développe- ment — se sont posés des problémes lits a la théorie des ensembles. On n'a pu en « sortir » qu'en construisant une logique, autrement dit en sortant du langage spécifiquement mathématique en vue de pouvoir parler de ce langage mathématique. Ce qui rejoint la remarque que tu faisais & propos de la fagon dont une Physique intuitive, prégaliléenne, s'avére contre-intuitive, pour exactitude quand il s’agit de la comprende et de Vappliquer & étude des effets concreis. Dans la démarche que tu décris, il me semble qu'il y a le dégagement d'une vertaine logique speécifique, ui ne serait pas la logique des prédicats et qui ferait que l'abord des langues deviendrait non intuitif ou tout au moins beaucoup 1a Linguistique : de Pempirigue au formel 45 plus formel devenant aussi par la beaucoup plus disponible au calcul, a l'analyse et éventuellement 4 une application, notamment dans le domaine dont tu parlais de intelligence artificielle. Qu'en penses-tu ? A.C. : Crest bien Ia le propos, et il assez difficile de lutter contre plusieurs dangers : le premier, c'est de se eroire linguiste parce Quion est locuteur, d’ott un recours mal réglé & intuition, qu'elle soit d'origine herméneutique ou phénoménologique; un ‘autre danger, c'est de se concentrer sur un ensemble tres restreint de phénoménes, dont on considere, de fagon arbitraire, qu'ls recélent tune force explicative universelie, dou 1" théorique a Mégard de masses de phénoménes (ainsi, du syntacticien structural gui ignore superbement la détermination, laspect ou lit modalité); ‘ou encore, le péril qu’il ya, j'en ai déja parlé, a prendre des outils {out fats, sans se preoccuper de la spécificite du linguistique, Quand je dis « de Vempirique au formel », cela ne veut pas dire que Je forme! est supérieur a Vempirique (qu’est-ce que cela Youdrait bien dire 2, mais cela signifie qu'il faut Yempirique, dang sa complexité, afin que le travail théorique transforme 'empirique naif en observations. Au risque de me répéter, je redi Peut pas formaliser du naif. L "empirique, donc; mais il faut aussi le formel, et 1a aussi, c'est le travail théorique qui va fonder et construire le formel, sans lequel on ne peut traiter du langage ef des langues, des langues dans leur diversité les unes par rapport aux autres, dans leur diversité propre. I est clair que cette démarche force la linguistique a se situer Mérieur de tout le mouvement scientifique et, si lon ne veut pas chercher idiot, de Ia réflexion philosophique. Quil s'agisse de Philosophie du langage, de philosophie du concept, d'épistemo, logic, d'histoire des sciences, il est indispensable que le linguiste se donne la culture nécessaire 4 Ventreprise, surtout sil veut. dang son entreprise, ne pas confondre théor codification et formatage. Trop longtemps, Ia linguistique, apres avoir proclamé son autonomie, a erré entre une position’ dem ‘ante dans les sciences humaines, Fancillarté, et la dilution pure <{ simple dans le grand continent de In communication, Posktion dominante ? Dans les années 50, par les vertue du structural &t parce que ta phonologie apparaissait comme une science, Ia linguistique a servi de modéle, particuligrement en France, On S‘inspirait de la linguistique jusqu’en économie, on sollicitat l'aide 46, Pour une Uingsistiqne de énoncaton des linguistes, enfongant en nous la conviction que nous devions avoir les réponses, puisqu’on attendait de nous la réponse & des questions. La chute a été brutale. Le difficile pour la linguistique, c'est qu'elle est une science fondée sur observation, mais qu'elle est aussi une science des régularités et du généralisable, sans que l'on puisse se passer de la théorisation et d'un systéme de représentation qui ne peut étre Ie simple décalque de nos intuitions. D’od des tensions : lorsqu'on ‘est spécialiste de linguistique théorique et formelle, on essuie parfois le reproche de ne pas sintéresser aux langues du cOté descriptif, et de ne pas ere informatisable (ou d'étre trop épris de solutions intéressantes, mais peu rentables) du edt automatique, En fait, la démarche esquissée ici ne saurait exister sans des observations fines, et il est souvent arrivé que la linguistique ‘théorique, par sa force heuristique, fasse apparaitre des phénomé. nes dont personne n’avait jamais traité auparavant. Elle ne saurait rnon plus exister sans des procédures de validation (expérimenta- tion; programmes finalisés; raisonnement; calcul) qui sont I'indis- pensable sanction du travail théorique. Quant aux applications, elles sont (cest un apparent paradoxe bien connu) le produit de ce travail fondamental, qui va de T'empirique au formel, sans complaisance pour le bricolage technique et l'indifférence théori- que. SUR LE CONCEPT DE NOTION * 1. Historique du probleme Crest en me plagant d'un point de vue strictement linguist que, en dehors de toute considération logique, philosophique, etc., Gue j'ai été amené & aborder les problémes que je vais aborder. Les points de repére que je vais donner ici, tenident & montrer comment, & partir des objectifS spécifiques 4 une démarche, on construit des outils techniques pour répondre & ce que lon veut atteindre. 1. A Porigine, il y a une insatisfaction face a ce qu’offraient les logiciens dont le travail, correct bien sr d’un point de vue logique, pose au linguiste un certain nombre d'interrogations. L'une d'entre elles est qu'il n'était pas évident qu'il faille, comme en logique ou ‘en mathématique, établir une distinction entre appartenance et inelusion car on s‘apergoit, en observant les langues, que certaines ine possédent pas de marqueurs explicites de ces opérations et que, lorsqu'il y en a, cela fonctionne d'une maniére plus simple ou plus ‘complexe. C’est 18 l’origine d’epsilon (€) : ayant affaire a des valeurs indistinguables, en composant I appartenance €, I'inclu- sion C, et identification = (qui joue un tres grand role dans les langues) on obtient le symbole epsilon € 2. Ensuite, j'ai rencontré le probléme de la négation auquel j'ai consacré le deuxiéme des stminaires de Linguistique Formelle que Bulag 8, Université de Besancon, 1981. 48 Pour ne lingustqne de Vénoncaton Je donne a I'Ecole Normale Supérieure (le premier était consacré 4 la passivation, parce que la encore on ne peut pas se satisfaire d'une opération de « double converse » qui donne pour équiv: lents actif et le passif) et il est vite apparu que lorsqu'on a une opération de négativation, ou bien l'on pose qu'on a deux opérations primitives, 'une positive, l'autre négative, ou bien l'on pose que l'on a, de toute fagon, une relation de dérivation quelle qu'elle soit, entre les deux. En particulier, on s'apergoit que dans de trés nombreuses langues, outre le fait que V'opération peut porter sur un terme ou sur la relation (ce qui est déji complexe) ‘on est obligé de travailler sur quelque chose que j'appelle ‘maintenant notion, c'est-a-dire qu'on ne prend pas simplement la forme positive a laquelle on adjoint une négation, mais que c'est uune opération beaucoup plus complexe comme le fait remarquer B. Russell, dans « Meaning and Truth » : dire « Il n'y a pas de _fromage dans le placard» est une opération plus complexe que ‘elle qu'on a dans « Tiens, ily a du fromage dans le placard », dans ce cas on peut accompagner I"énoncé de fagon ostensive, dans autre c'est une construction qui suppose la maitrise de la représentation notionnelle (v. les exemples du type : « Je porte la eravate que tu ne portes pas»). 43, Puis il y a eu le probléme de linterrogation, qui parait séparé des autres, mais on peut quand méme se demander comment il se fait que I'on ait, quelles que soient les langues (et les données sont claires), des questions strictement ouvertes oi l'on répond par « oui» ow « non» sans que l'on soit sollicité; des cas de demande de confirmation; des cas of I'on marque 1a surprise, etc. Com- ‘ment, du point de vue technique d'une représentation linguistique, cela fonctionne-t-il ? De méme pour les interro-négatives — dont on sait qu’elles ont un statut & part — qui se présentent tradi- tionnellement comme des demandes de confirmation. On voit trés vite apparaitre, par une manipulation sur le frangais, des phéno- ménes de non symétrie : Estce quill est venu ? "IL est venu est-ce ? Nresice pas quit est venu ? Nrestce pas, il est venu ? * Estee il est venu ? West venu, n'estce pas ? * Test venu, Vrai ? Pas vrai, il est venu ? Pas vrai qu'il est venu ? Il est venu, pas vrai ? On dégage ainsi un certain nombre de problémes, dont celui de 4 vrai et du positif qui semblent avoir un statut & part. 4, C'est a partir de ces considérations que j'ai dai poser la notion de lexis. On trouve chez les Stoiciens une partie de cet objet forme! dans le « lekion» qui est, avec le vide, le temps, le lieu, etc., un des incorporels par opposition aux corporels ou somata comme la voix. Le lekton correspond 4 quelque chose qui doit étre transmissible (le composant « -fon » doit ére traduit par « cela a && traduit par « dictum » « dit», alors que est le Mais dans la mesure oi l'on trouve dans les langues des formes structurées et analysables que I'on repére et des contenus propo- sitionnels, il faut pouvoir disposer d'un objet qui soit origine la lexis s'écrivait (p, p), formulation Qui n'est plus utilisée pour des raisons d'ambiguité: J.-P. Desclés 1m’a fait remarquer que le trait sur le p pouvait étre doublement confondu, avec Ia négation logique d'une part en masquant Popération complexe qu'elle recouyre, et avecda fermeture topolo- gigue d'autre part. On notera done maintenant (p, p'). 5. C'est la qu’apparait le probléme de la notion, Au départ (p, p’) Gtait appelé « prédicat», puis on a di, avec les problémes fon- damentaux et complexes émergeant des marqueurs des langues, généraliser et parler de « notion de prédicat», puis le terme de notion est devenu général. Ce terme de « notion» provenait, ‘encore, d'insatisfactions concernant, cette fois, le traitement le} cologique. Les études lexicologiques sont faites avec des objectifs précis et le travail fait de facan cohérente dane une discipline n'apporte pas toujours de réponse a l'attente des autres disciplines. La lexicologie est trés souvent a relier a la lexicographie et elle présente, pour simplifier, deux inconvénients pour ce qui se fait 50 ‘Pour une lnguistique de énoncation Le premier est qu'elle répond a des considérations d'ordre means that xis the locatum in a relationship which is being established. From < xe () > we can construct a locator, say y, and thus have the relationship or: ‘x is located relative to y' It is obvious that when we speak of location, we are referring both to the establishing of a relationship and to the relationship which has been established, There is no danger in this everyday confusion of terms (cf. the word ‘construction’, which refers to a process as ‘well as to a product, that is, a building), as long as one is aware of the fact and as long as one is able to distinguish whenever necessary the relationship from the operation which has constructed it. to the observation of linguistic phenomena, We see that the relationship we are dealing with includes two primi properties which will enable us 10 make clearer the notion of location, Everything revolves around the properties of reflexi- vity/non-reflexivity and symmetry/non-symmetry. When we have a reflexive, symmetrical location, we have ‘identification’ (t0 be more exact, the constituent operation (identified term-identifier) 6 Pour ane linguisique de V'énonciation is non-symmetrical, but it produces a relationship which is symmetrical). When the location has the property of non-sym- ‘metry, we have ‘differentiation’. Without going into the theoretical details, it can be shown, working from linguistic data, that differentiation is compatible both with reflexivity and non-reflexi- vity, though this may appear to be a paradox. Thus, as we shall see below, passivization entails reflexivity, without necessarily climinating non-symmetry from the predicative relationship. On the contrary, in spatial location (‘there is a book on the table’ : iy a un livre sur la table) there is no reflexivity. We can see then that from the primitive operation of location, we have constructed two fundamental values which may often be combined in given linguistic productions. A third funda- mental value exists, as well as a fourth one which can be constructed from the combination of the first three, but | won't g0 into that now. Again, working from direct observation, I have been led to derive a dual operator, 2, from the operator of location ¢ (called ‘epsilon mirror’) such that + (For example : “x belongs to y"(x est possédé par y) 'y owns Qs posséde x) : ‘xis on 3” (x est sur Y) + ‘the surface of y contains x’ (le dessus de y contient x), etc.). These are of course familiar linguistic problems which have already received a good deal of attention. What is important is to construct a representation endowed with formal properties so that it becomes possible to carry out calculations. To complete these working notes, I will point out an portant characteristic of the operation of location related to the category of determination. Given a term x, which is located : < x € ().>1 if I introduce the locator y, I have established a rela- tionship, x € y wherein, unless I, the speaker (énonciateur) make this explicit, y will be established as the locator for x without any information other than that ‘there is a locator, and that locator is, ‘y" This means neither that there are other possible values nor that there are no other possible values for ‘locator for x. It simply means that, within a given frame of reference, for a given determination, the operation has established a single path between the locatum and the locator. We shall say that there simply is a single value for y, or perhaps a ‘weakly unique’ value (‘strictly unique’ would be said of ‘y and only y). 1 won't give the theoretical basis for this property as that would lead us too far afield. As for the dual operator, 3, its properties vary according The Cancept of Notional Domain n to the derivational history of the relationship. By simplifying somewhat, we can distinguish two cases : 1) On the one hand, I can derive < y 3 x > by duality from . In that case I have two equivalent formulations (but We must be careful no to confuse linguistic equivalence and mathematical identity). If ‘Paul has the book’ (Paul a fe livre), then ‘the book is at Paul's (le livre est chez Paul) and so on. 2) Aside from this case, and unless, as is always possible, it has been made explicit, the operator 3 will not establish a necessary relationship between y and only x, but between the locator y and the domain of objects located relative to y, to which it is clear that x belongs. Therefore, in < y 3 x>, xis not necessarily unique. Let us compare ¢ and 2 on this point. The former is recons- tructed in a relationship like ‘whose hat is this” (d qui ext ce ‘chapeau ?) (I'm looking for the owner of the hat). In the same way, if Tsay ‘the house belongs to Paul’ (la maison est d Paul) | exclude all other owners. Or further, in ‘the book is on the table’ (le livre est sur la table), “table’ is the locator for *book’, But I could not conclude from ‘Paul has a hat’ (Paul a un chapeau) that that is all he has (common sense has nothing to do with this). Likewise, from “there is a book on the table’ (i! y a un live sur a table) 1 would not infer that ‘there is nothing but a book on the table’ (sur la table il n'y a rien d’autre qu'un livre) (but 1 won't belabor these well-known points). Therefore, < y 3 x > can be read, depending ‘on which case we are dealing with, either ‘y is a locator for x, at any rate’ (en fout cas) or ‘y is a locator for x, among other terms’ (entre autres). These interpretations show that 2 is non-determi- histic in these cases. 2) Constituent operations of an utterance 4) Ordered or primitive relationship = We will use the term ‘notion’ to refer to a complex repre- al system which structures physico-cultural properties of 4 cognitive nature (so-called lexical notions, grammatical notions (ouch as aspectuality ete) and, generally, relationship between notions). Notions precede classification into nouns, verbs and so B Pour une lngsstque de Pénoncation ‘on. They are defined intensionally and are not quantifiable. From a notion we may construct a notional domain, which is endowed with formal properties (construction of a class, construction of its linguistic complement). ‘Any constituent term of @ predicative relationship belongs to 2 notional domain. Therefore, any predicative relationship presupposes a relationship between more than one domain. That is, in the last resort, between the bundles of constituent properties which make up notions. We will use the term ‘primitive rela- tionship’ to refer to such a relationship (part of a whole, interior/ exterior, etc., to mention only a few such properties). A primitive relationship is always ordered and we will speak of a source and a target (though with no case grammar connotations) for each relationship. As we are not dealing with general semantics here, but rather with cognitive bases which are filtered though given cultures and utterance conditions, it would be meaningless to draw Up a list of sources’. Nonetheless stable relationships do exist, one ‘of which is ‘agentivity’ (where the agent is source and the thing ‘acted upon is the target). To tell the truth, the relationship of wzentivity’ is a complex one and is organized in terms of several independent notional domains (I. the notion of /animate/: human; animate; chil animal; inanimate; forces of conscious ‘or unconscious; accidental; mistaken; done under force; force; instrument; etc. 4, /evaluative/: beneficial (for oneself of for others); detrimental (for oneself or for others); neither beneficial nor detrimental). In addition to the ordered relationship between source and target, we will say that we have a two-place predicate (for a discussion of so-called intransitive relationships see below). ) Predicative relationships (oriented relationships) : Given, on the one hand, a primitive relationship specified by ‘predicate and, on the other hand, a schema, called a lexis schema and noted <4, &, m,>, where & and & are variables for arguments and 7 is a variable for operators of predication, From the primitive relationship and the schema, we can construct the predicate and the arguments, distinguishing a first argument (order The Concept of Notional Domain ©) and a second argument (order 1). In this way, a le result of the instantiation of a schema by terms which have themselves been constructed from notions. This operation produ- ces a complex pattern which is not the product of a simple operation of assignment, by which categorized terms would be substituted for the variables of the schema (in terms of a predicate and arguments, of a verb and nouns). Therefore, the construction ‘ofa lexis entails (as we shall see below) the formation of a bundle of relationships among the constituent clements of the predicative relationship. A lexis in not an utterance (énoneé). It is neither asserted nor unasserted, for it has not yet been situated (or located) within an enunciative space defined by a referential network (a system of utterance (enunciative) coordinates). If we use the symbol 2 to refer to lexis and Sit (for enunciative situation) to refer to the locational structure of a speech situation, then an énoncé can be said to be the product of an operation : <2 ¢ Sit >. A lexis is therefore both what is often called propositional content (in this sense it is close to the lekton of the Stoics) and a form which generates other, derived forms (a family of predicative relations- hips, from which it will be possible to construct a paraphrastic family of énoncés). Any relationship which has this property is @ lexis, whether it becomes a syntagm or a sentence. Thus, le livre de Pierre: Pierre, son livre; Piere, lui, son livre; etc. as well as Pierre 2 un livre; Pierre, ui, a un livre; etc. belong to the same family, De (or din Pierre, son livre, a lui), the possessive, or the finite form 4, are traces of the derivational operation. We might add that a lexis can be combined with another lexis and that we can construct 4 relationship of location between several lexes. When we deal with more than two arguments, the third argument must necessarily be introduced starting from a two-place schema. Several relationships will therefore be constructed into which the third argument will be interlocked. The notion of interlocking seemed to me to be indispensable fo handle certain linguistic problems where tree diagrams were obviously inade- quate (because two parallel relationships were set up and a given term belonged to both relationships. This sit example, in the study of causative relationships or in problems of topicalization, such as : Moi, mon frére, sa maison, le toit, c'est lui qui Va répare). 80 Pour ane lnguistiqne de Pénonciation ©) Location relative to the system of enunciative coordinates : lexis is located relative to a complex system which includes an origin-situation locator Sit,, a locator for the locutionary event, Sit,, and a locator for the event referred to, Sit;. Each locator includes two parameters ($ for enunciator, of locutor, T for the (spatio)- temporal locators of the utterance origin, of the act of locution and of the event referred to). This is a minimal system; it can be further developed in a controlled fashion by constructing other locators. The formula for situational location is therefore : 2. & < Sits Ss, T) ¢ Sit, (S,, T) © Sito (ST) > Moreover, there exists a structured set of operations which ‘enables us to construct category of determination and, in parti- ‘cular, to deal with the quantificat ‘enables us to reduce the categories, through their markers, to certain basic operations. It therefore becomes possible to examine specific phenomena within a unified framework and thereby have 4 greater chance of success in the search for language invariants. Tt becomes possible to work in a modular fashion and to construct, and solve problems. Finally, many so-called pragmatic phenomena hhave been included and this often provides a starting point for the solution of syntactic problems. ‘The appendix has been reduced to one long quotation from the English version of a paper presented at the XIlIth Interna- tional Congress of Linguists. Bibliography CABREJO PARRA, F. ef ai. 1981, “Emergence of the First Verbal Devices Relating Actions and Objects in Speech Acts”, In : Inter national Workshop on “Principles and Strategies of Language Acquisi- tion’, (Max-Planck Institut fur Psycholinguistik). Nijmegen August 15 — September 1981. Group 0: E. Cabrejo Parra: M. Kail: J. Weissenborn. (on Encore, Aussi, Autre). FAHLMANN, SCOTT, E., NETL. 1979. 4 System for Representing and Using Real-World Knowledge. Cambridge, Mass. : MIT Press. The Concept of Notional Domain 81 FROIDEVAUX, Chr. 1983, Etude maihématique d’opérations utilisées en Tinguistique. Contribution & la construction d'une famille de langages ‘quasi-naturels. 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(ed) Studies in Cross-Cultural Psychology-London : Academic Press SCHWARZE, C. 1982, “Stereotyp und lexikalische Bedeutung”. Son- derforschungsbereich 99 Linguistik. Universitit Konstanz, Nr. 56. WALLON, H. 1947. Les origines de la pensée chez l'enfant. . Les moyens inteliecuels. 11. Les tiches inielectuelles. Paris : P.U.F. LA FRONTIERE * Saurais voulu parler tout d'abord de Villusion que nous centretenons les uns ef les autres, méme lorsque par expérience et par pratique nous nous en débarrassons (ou pensons nous en débarrasser), illusion que les mots désignent un sens, c'est-d-dire au'l y a une sorte de relation bijective telle que des mots pointent tun sens, sont des pointeurs sémantiques. On a done des mots, qui sont des unités lexicales, et qui nous permettent de renvoyer & un sens... Ce n’est naturellement pas tout a fait une illusion, dans la mesure oi nous pouvons traduire, ol nous pouvons discuter sur Ie lexique, od nous pouvons appréhender les variations; mais c'est tout de méme une illusion dans la mesure od Ia relation n'est pas une relation de pointage. En fait on s‘apergoit que l'on entretient une autre illusion, ‘qui porte sur la fagon dont les mots s‘organisent les uns par rapport aux autres : d'un cété, nous avons, fondamentalement, Tidée que ce sont, plus ou moins, des étiquettes, et, d'un autre cdté, que ces sens ou ces mots s’organisent en arbres, Cest-A-dire qu’ forment une hiérarchie avec une ramification, ce que 'on a pu appeler, & partir du philosophe grec Porphyre, arbre de Porphyre, Cest-a-dire une repartition en espéces, genres, ete. C'est une illusion, 1d encore d’autant plus difficile a écarter que ce n'est pas totalement une illusion : nous avons effectivement des organisa- tions qui sont ramifiges, ce qui fait que nous pouvons éventuelle- Liza de partage. Cahiers Chaves Vn Univer Pais VL 186 ‘at conserva toetae pest version ere et eraser par des ues devoues, sagit dune. presentation nomtechngue qui vetforce Fever Timi pour une eerie problematiqu, sts Sencombrer des précat tions ie ese exigent 84 Pour ane lingsstique de "énoncation ‘ment avoir des classifications, et aprés tout, des études lexicales ot Ion donne d'abord des grands termes, puis des termes associés, du genre thésaurus Une troisitme illusion, c'est que tout terme comporte plus ‘ou moins, dans certaines citconstances, un antonyme, et que les complémentaires sont dans une relation dantinomie et finalement tuts proches de ce que l'on appelle les complémentaires logiques, Cest-d-dire que si on @ un terme qui signifie « blanc », on aura un terme qui sera « non-blane », ce qui évidemment n'est pas trés Clair puisque nous savons bien que « non-blane » c'est tout ce qui ‘est pas « blane ». Mais la plupart du temps, nous avons tendance tavailler dans des univers restreints de valeurs, c'est-i-dire avoir bon/mauvais, grand/petit et ld encore, il est évident que tout {e travail sur les antonymes, les antagonismes, les contraires, les contradictoires, nous améne presque toujours & priviléyics en fait un certain type de couple qui est fondé pour Hessentiel sur une certaine idée naive de la complementation logique, c'est-a-dire AYR (A/non A). Autre illusion, c'est que 1a négation (par exemple, puisque Je viens den parler par le biais du complémentaire) se raméne Pour T'essentiel a la négation de type logique, c'est-a-dire se caractérise par le contraire, alors qu'en fait, un des problemes ditficiles c'est que la négation c'est a la fois le rejet, labsence, térité, le vide, labsurde, "impossible... Alors, naturellement on se tire d'affaire, d'abord en introduisant des approximations, et en outre, presque toujours en se disant que on va travailler par exemple sur Tallusif, sur de limplicite, c'est-d-dire qu'on va réintroduire d'une maniére implicite des catégories telles “que Vimplicite. C'est une contradiction dans laquelle nous nous {rouvons tous. Nous savons que nous essayons de parler d'une fagon objective de la subjectivité, et aprés tout pourquoi ne pas parler de fagon implicite de rimplicite ? L'ennui c'est que, lorsque on parle de fagon implicite de Iimplicite, ga n’est pas la méme chose que lorsqu’on essaie de parler des problémes de subjectivité ‘grdce un systéme de représentation. On @ aussi essayé de raisonner en introduisant des concepts tels que le concept d’ensemble flou. Vous savez peut-étre qu'il y @ quelques annees, se rendant compte que l'on ne pouvait pas travailler avec la théorie des ensembles sur les problémes de sémantique, et ne se rendant pas compte que ce qui viciait la théorie des ensembles, c'était qu'on travaillait en extension et non La fromtiére 85 pas en « intension », on a voulu introduire l'idée d'ensemble flow, ‘fuzzy set », ce qui fait que s'est développé dans tout un ensemble de recherches, utilisation des ensembles flous. Ces ensembles flous, il faut ‘ajouter, sont assez déplorables du point de vue formel, et finalement n'ont pas été trés fructueux, selon de trés nombreux chercheurs dont je s Done nous avons un certain nombre d'illusions; ces illusions correspondent en fait a des situations complexes et souvent contradictoires; de plus nous ne pouvons pas nous tirer d'affaire en utilisant des concepts qui réintroduiraient les propriétés que nous cherchons justement & élucider. Or ce probléme (illusions; modes de représentation) est absolument central pour toute activité symbolique, en tant que lige & la cognition (ct je ne sépare jamais cognitif et affectif). 1 n'y a pas de cognition sans repré- ‘sentation et pas d'activite symbolique sans opérations. Ainsi, nous sommes amenés a rechercher quelles sont les opérations sur lesquelles nous allons pouvoir construire, de maniére telle que nous puissions traiter d'un certain nombre de problémes : ceux concernant la lexicologie sont des problémes trés mal traités & Vheure actuelle; je n'ai pas T'intention de vous apporter des résultats, mais plutét de proposer une sorte de programme de travail qui pourrait étre utile. En gros, nous avons nécessairement dans activité symboli- ue une activité de représentation, nous avons done affaire a des représentants, et cette activité de’ représentation (cest-a-dire de construction de représentants d'une réalité , réalité imaginaire ou cextérieur physique), cette activité donc est régie par des contraintes qui semblent étre des contraintes formelles que l'on retrouve dans divers domaines. La notion Nous n’avons pas, comme je I'ai dit tout a Theure, une relation d’étiquetage entre des mots et des concepts, mais nous avons ce que j'ai appelé « notion », ce qu’on peut appeler aussi éventuellement « représentation structurée ». La notion sera tinguée du concept, Gui a une histoire, par exemple épistémolo- jue (les concepts sont structurés les uns par rapport aux autres 86 Pour une lngustique de énonciation dans un univers technique). Lorsqu’il s'agit de notion, nous sommes dans un domaine qui nous renvoie, d'un cété’ a des ramifications (les notions s’organisent les unes par rapport aux autres : tel animal par rapport a tel autre animal et nous créons forcement des relations entre eux (relation de prédation, d'accom- pagnement, d'idemtification). Vous prenez un chien et un mouton, ce n'est pas le méme genre de relation que vous construisez entre uun chien et un mouton et un lion et un mouton). Done d'un edté, ily a ces ramifications. D'un autre c6té, il y a foisonnement, c'est-a-dire que yous avez tout un ensemble de propriétés qui s‘organisent les unes par rapport aux autres, qui sont physiques, culturelles, anthropologiques, et qui font qu’en fin de compte un terme ne renvoie pas & un sens, mais renvoie a — je ne dirais pas uun champ, car un champ est déja une organisation d'un certain type entre des termes — mais renvoie a un domaine notionnel, cest-A-dire & tout un ensemble de virualités. Tout le avail métaphorique porte en grande partie sur cette propriété fondamen- tale de l'activité symbolique a travers Mactivite de langage, et est plasticité (on a stabilité, est pour cela que les mots sont aussi des étiquettes, mais d'un autre e6té on a déformabilité) ‘On s'apergoit que l'on procéde en gros de la fagon suivante : ‘on construit un domaine notionnel, au sens o on va 4 un moment donné associer une notion un mot. Comment ? Vous avez eu affaire a des occurrences phénoménales, c'est-a-dire qu'a un ‘moment donné, en tant qu'enfant, vous avez construit des propri ts d'objets; ces demniers ont été associés dans votre entourage, par altération, & des désignations. Nous en sommes a un stade qui est effectivement un stade désignatif, mais les propriétés d'objets que vous avez construites et qui ne correspondent pas a des propriétés d'objets canoniques, typiques, désormais stabilisées, ces propriétés vont étre associées a une désignation, et puis, peu a peu, par interaction, vous avez des stabilités qui Sinstaurent et un moment donné, vous allez avoir des occurrences énonciatives, disons plus ou moins imaginaires, c'est-d-dire que vous allez avoir tout un travail interne qui va se faire. En plus vous allez (vous) poser des questions : « Et si un yeau avait 5 pattes, est-ce que cela serait toujours un veau ? » Ce n'est pas une fausse question. C'est ‘une question importante dans la mesure of nous attribuons toujours des propriétés typiques; nous travaillons sur des objets typés et la notion de type est fondamentale (elle a été redécouverte récemment en psychologie cognitive avec la notion de prototype). La fromtére 87 Nous allons travailler sur 1a construction de prototypes; ces prototypes sont en partie génétiquement réglés, et en partie construits. Done nous avons construction dobjets plus ou moins typiques, et comme je disais tout a l'heure, on va se poser le probléme du typique. Un des problémes de la logique chinoise, parmi les sophismes que l'on s’était poses, était : peut-on dire qu'un cheval blanc est un cheval dans la'mesure of il a une propriété accidentelle qui est étre-blanc, et qu’on la prédique explicitement ? A-ton le droit alors de dire que cest un cheval, comme on dit «c'est un cheval », cest-d-dire un cheval par excellence, un cheval strictement quelconque, un cheval corres- au type cheval ? D'un c6té, vous pouvez penser qu'un cheval blane n’est pas un cheval, dans la mesure ob vous avez des cchevaux qui ne sont pas blancs. D'un autre c6té, naturellement, un cheval blanc a aussi la propriété d'un cheval, done de ce point Ue Yue la, il est bien un cheval De méme récemment, au cours de manipulations génétiques, le probleme s'est post de savoir ce qui se passerait si on avait des ‘animaux qui étaient beaucoup plus gros. Est-ce que, véritablement, si vous aviex une vache de la taille d'un éléphant vous la considéreriez encore comme une vache ? Ce n’est pas sir Et done, on s'apergoit que nous avons d’abord intériorisé tout un ensemble de propriétés. Alors que fait-on ? Nous prenons Pouverture, c'est-i-dire que nous n’introduisons pas de propriété i ie, comme si nous homogéntisions, de telle maniére que nous disons : Ia notion renvoie & des objets qui ont telle propriété, et nous ne nous occupons pas des objets qui auraient en plus une autre propriété, Naturellement pour dire qu'ils ont la méme propriété, il faut que vous les ayez soumis & la comparaison avec tres objets, et que Yous ayez. dit : nous faison abstraction des differences. Done en prenant l'ouverture du domaine, on n'a pas introduit de coupure qui ferait que vous auriez une zone od on dit : «cela a telle propriété » et d'un autre cOté « cela n’a plus telle propriété ». L’ouvert ainsi considéré est, nécessairement, un ouvert Yous avez. toujours un attracteur, un centre organisateur, qui fait que justement, tout s‘organise par rapport a un type. Ce qui fait que selon le cas, vous allez dire : « oui, cela appartient encore au domaine des objets qui ont cette proprieté », ov vous allez pouvoir ajouter en construisant un gradient : « plus ou moins ». En fait, vous avez toujours un centre qui représente un objet réel 88 ‘oer une lingustigne de "éxoncaton ‘ou un objet typique qui joue le role d'organisateur, méme si cet ‘objet typique n'existe pas autrement que comme régulateur. On va doc avoir un cemire qui va nous donner un organi- sateur («c'est vraiment telle chose»), un attracteur (le « haut degré»), un gradient, et ce qui est intéressant, c'est que l'on peut montrer que l'on va avoir de lautre cOté un exiérieur. On va construire une frontiére : c'est-a-dire ce qui a la propriété « p > et fen méme temps la propriété altérée, qui fait que ce n'est plus totalement « p », que cela n’a pas la propriété « p », mais que cela n'est pas totalement extérieur. Je ne donne pas ici le détail technique des constructions. Je prendrai maintenant un exemple non linguistique, tiré dun article de P. Bourdiew sur la maison kabyle Ti ti meget tain ‘et Communications. Mélanges offerts & Claude Lévi-Strauss 4 occasion de son Se ta ae grr apna sa ay (p. 147-48) An oo an ee hn ai area oe etn esr ee os Sheree S aioe renee dence sage me spe meee ne Pee Selene cst cut waset po Sar ae travian pe fecenedmen rian amramy epee ESS acer tome feet eee ested ing gee estas ie ieee wana ni ical Cre tacit begat tear soc wg ae Nite et Be eedos Siete ace he eae tpi te aerate tye Sabi i ee oop tae merc maint Sa hp po in ipa mc oe Scene ie srt te tte neat ase ree sen St ot Sey EEE a Cem aia ae aes dat ac we tr oa de in ‘rituel : ainsi, la journée se divise en nuit et jour, mais le jour luieméme te die Soe deamegeae ema necea eae Hage Sherratt os We ate putea ho sean se Fer aoe chan eT Sa Sn CRT S oe acca eee La fromiére 89 La description faite est celle de lorganisation de Vespace, lige & une représentation mythique de la maison par rapport & activité des hommes, des femmes, aux activités économiques, ete. On a dans 1a maison une partie privée, T'intérieur, pour essentiel réservé aux femmes, pour la vie privée, le secret de la nuit. Puis on a, en dehors de la maison, un extérieur : 'assemblée des hommes, la vie publique, la pleine lumiére du jour. La maison clle-méme a deux étages, ou plutdt, un haut et un bas; une partie basse, obscure et nocturne; une partie haute, noble et lumineuse. On a done en apparence une opposition des doubles : noble et masculin/obscure et féminin; jour et feu/nuit et eau. Mais en fait, et c'est 14 que l'on retrouve la topologie a laquelle j'ai fait allusion, vous avez derriére cette opposition, une autre opposition qui est que par rapport 4 masculin/féminin, vous aver 4 Vintérieur, une opposition fémi féminin : ce qui fait que vous aver, d'un cOté, un extérieur réservé aux hommes et qui est un extérieur strict. D'un autre c6té, vous avez un intérieur strict, qui se présente exactement comme je disais, par ‘vraiment », eomme lorsqu’on dit : « un chien vraiment chien ». On a done « vraiment feminin » (FF). On peut montrer que dans un cas comme celui renvoyez 'oceurrence a organisateur qui est représenté par le prédicat, C'est-t-dire que c'est une bouele, ici un féminin-féminin, On a done, non pas une bipartition, comme on le dit trés souvent, mais une tripartition ; féminin-féminin; feminin-masculin; De plus, si vous prenez le jour, vous avez exactement Ia rméme chose : le diurne-diurne (le matin : partie pour "homme part au travail), le diurne-nocturne (le soit), et la nuit. On a done |e jour et la nuit, mais le jour se sépare en jour-jour et en jour-nui De méme pour la saison séche; on a : Ia saison séche et la saison humide, mais la saison séche se sépare en saison séche- séche et en saison séche-humide. On a cn fait, un organisateur-attracteur qui nous donne an hhaut degré et qui va nous permeitre, éventuellement de construire tune valeur par excellence, et par rapport & cela, on va construire un extérieur et une frontiére, que cette frontiére soit un seuil, ou 90, ‘Pour une linguisigue de Uénoncaton au'elle soit une zone d’altération, de transformation. On s‘apergoit que quand on. prend le complémentaire, dans le cas present, te complémentaire de jour, on obtient nuit. On construit en fut, le fermé, c'est-a-dire ouvert + la frontiére, et cela donne’ le Jour-jour + te jour-muit; on construt alors le complémentaire qui est 4a nuit. Mais tien ne nous empécherait d'avoir le jour-jour d'un -dire tout ce qui est strictement « jour » et puis d'un autre c6té, le jour-nuit et la nuit. Et méme, @avoir le jour-jour d'un c6té et 1a nuit-nuit de autre, et quelque chose qui serait intermédiaire : le erépuscule qui va étre entre les deux. Rien ne ‘nous empécherait, mais ici on a une forme prégnante, une bonne forme. Ce probléme de la bonne forme va trés loin, car dans certains cas on a symétrie et dans d'autres, comme on le voit ici, on n'a pas de symétrie : un « c6té » emporte sur l'autre, Ce que je viens de dire sur intérieur, frontigre, extérieur va se composer d'une maniére trés complexe avec le prubléme de ce gu’on appelle un marqueur, c'est-a-dire Homme ‘en tant qui 4quette renvoyant & homme/femme et Femme ne renvoyant qu‘ femme. Ou avec le probléme de la came, qui est qu'une. dési- gnation va renvoyer a ensemble du domaine (y compris le vilégiée étre le représentant de vous dites : le probléme de lire, -ne-pasclire, avec possibilité de privi- Aégier la valeur positive (lire par rapport & ne-pas-lite). Si_on prend toutes ces constructions (qui sont des constructions théoriques, et qui doivent toujours étre appréhen- dées avec beaucoup de précautions), on s‘apergoit que notre activité symbolique est, de ce point de vue la, reglée: et on pourrait méme dire jusqu’a un certain point, régulée par un certain nombre de contraintes qui imposent une certaine forme. Je pense qu'un objectif intéressant pour une vraie sémiologie, pour une vraie sémiotique, c'est de s'occuper de ce type de problémes. Cela peut tre un beau moyen de pratiquer une certaines forme 'interdis- ciplinarité. LA NEGATION MARQUEURS ET OPERATIONS* And finds, with keen, diseriminating sight, Black's not so black; — nor white a0 ery white ‘George Canning Parler de la négation, c'est s'exposer aux malentendus. D'abord, parce que Ion est amené, sans trop s'en rendre compte, 4 poser une négation idéale, en gros celle de la logique, et 4 raisonner a partir de cette position privilégiée ot régne la transpa- rence, la rigidité, la stabilité univoque d'une disjonction parfaite, ‘Quitte a s'accommoder par la suite du foisonnement brouillon des Phénoménes. Autre source de malentendu, qui recoupe partielle- ‘ment la premiére : peut-on parler de /a négation sans dire mot de article défini fa? Renvoyons-nous, par cette expression, & une, et une seule, négation, ou existe-til plusieurs négations dont la nnégation est le désignateur générique ? S'agit-il d'une catégorie et, dans ce cas, peut-on confondre la négation et le négatif? De méme, peut-on confondre la négation et le fait de nier, ou encore «nier » et « négativer », etc. ? Autant de considérations banales, certes, mais dont la banalité ne diminue pas la pertinence. ‘On comprendra done que le modeste objectif de cet exposé sera de distinguer entre les termes employés, en particulier de distinguer entre les opérations et les marqueurs. A partir des traces matérielles du texte (agencement de marqueurs), nous allons econstruire les opérations constitutives des représentations a * ‘Travaus de Centre de Recherches Sémiologigqes, Université de Newfchate, 1988, repris dans Travaux de TERA 642, Universite de Perit VI, 1990. 92 Pour une lingsltique de éxoncaton Veuvre dans activité signifiante des sujets, représentations dont les marqueurs sont les représentants complexes, munis de valeurs de référence interprétables et de force de régulation inter-sujets. 1. Nécessité de distinguer entre opération(s) de négation et marqueurs i suffit de rechercher s'il existe une langue naturelle o@ Yon observe un pur opérateur négatif, qui se caractériserait par la simplicité réguliére de Yopération, du domaine d'application et du résultat, pour constater qu'une telle situation n’existe pas. Ce que Yon trouve, c'est tout Wabord un éventail de formes aux proprietes distributionnelles contraintes. Pour ne prendre que le francais, on trouve une négation (ne) pas qui tantOt encadre le premier terme du groupe verbal (il ne vient pas; il n’est pas venu; ne venant pas; n’étant pas ven), tant6t le précéde (ne pas venir: ne pas étre venu, a 6té de n’éire pas venu), alors qu’avec le participe passé on ne Peut avoir ni *ne pas venu ni *ne venu pas (mais l'on peut avoir ‘non ou pas + part. passé). On trouve non ou pas dans une repri anaphorique (quill vienne ou non/pas), on a des affixes spécialisés ddans incrédule, malhabile, des lextmes & teneur négative (refuser: craindre; empécher: dépourru de; @ peine; rarement), des indéfinis A statut complexe Gamais; rien), et Yon pourrait enrichir le tableau, Stajoutent a cela les marqueurs transcatégoriels : dans cer- taines langues, on aura des marqueurs modaux de interdiction ou de la négation généralisante (grec classique) s'opposant & une ne nest pas le cas »); que l'on pense aussi 8 Ia négation de possibilité en géorgien (ver): dans de nombreux cas, le marqueur de la négation variera selon la valeur aspectuelle associée (chinois); trés souvent, aspect ct modalité seront liés {arabe classique : lam et ma). ° De tels exemples pourraient étre multiplis. Us méritent, chacun d’entre eux, une étude approfondie qui rende compte des configurations spécifiques de phénoménes. Contentons-nous ici de Femarquer, de fagon générale, que la catégorie linguistique de la nnégation traverse les catégories de la détermination, de laspect- temps et de la modalité, En un mot, il n’existe pas, dans quelque ‘La Niégation : margucirs et opérations 93 langue que ce soit, de marqueur unique d'une opération de négation. TT ne peut étre question, devant une telle masse de données, de s'en tirer avec un hochement de téte désabusé devant ces langues naturelles qui, décidément, ne savent pas se tenir ou de s'en remettre aux aléas de la créativité et de T'histoire, qui produisent, c'est bien connu, des conerétions chaotiques. Pour qui prend au sérieux les observations, cet enchevétrement des fats est en soi un probleme, a la fois par sa diversité et par sa complexité, La tdche du théoricien est de chercher a rendre compte et de la diversité et de la complexité. En d'autres termes, existe-t-il un dispositif invariant et des enchainements non quelconques n'est pas le cas », On trouvera un phénomene similaire en japonais). Liidemtfication peut étre congue de deux facons : soit comme Videntification de telle occurrence d'une notion a une ésentation typique, ce qui nous donne l'indiscernabilité qua- litative, soit comme Tabolition de la distance qui sépare des ‘occurrences, chacune deja i ‘ce qui produit une identifica- tion qualitative & travers V'alterité situationnelle. Dans ce dernier cas, Videntification a pour base Mélimination de differences dont fon décide qu’elles ne sont pas pertinentes ou qu’elles sont provisoirement suspendues, On a alors non plus construction par voisinage, mais prise en compte de différences qu'on annule. On construit ainsi la représentation d’objets complexes, puisqu'ils sont identifiés par le renvoi un centre et par la prise en compte dalterités que Von élimine; on peut désormais construire des occurrences abstraites dont on contréle la latitude de variation entre ce qui est et qui pourrait étre autre et ce qui n'est pas mais pourrait re le cas. On en arrive de la sorte a la construction des possibles, c'est-a-dire des occurrences qui, en quelque mesure et ‘en quelque maniére, peuvent étre identifiées a un centre (organisa- eur ou attracteur). On en tire le complémentaire, c'est-i-dire celles des occurrences qui ne peuvent etre identifiées 4 un centre, en quelque mesure et en quelque maniére que ce soit. Bref, 'identifi- cation est ici Valterité prise en compte, puis éliminée; ta diffé- renciation, c'est l'alterite maintenue. Ainsi, V'altérité est de fon dation. cnsuite jouer sur ce sytéme et produire aussi bien Les chats, ga griffe que, chez Giraudoux : « Aujourd'hu, cela'a tue. Je parle de inotfensit.(Cela va em pson our meurir. Cela saccagé sa vie. Cela Yous a vue. Cela a été heureux > (pour ‘Lucrice), cela renvoie dun homme ‘Le terme ms & suggéré par F. Bresson I fugit d'un terme général pour renvoyer a une catigorie. Cahiers pour "Analyse, n° 9, Le Soul, 1968. Pour une linguitigue de Vénoncation Je ne discuterai pas de Yorigine de cette aptitude a diffé- rencier. Je me contenterai de constater que l'on a, la, la source de Ja négation construite, a travers une série d'étapes que nous allons rapidement considérer. Avec le passage aux occurrences possibles, ‘on instaure un principe d’organisation catégorielle oi les concepts directeurs sont astracteur et gradient; les occurrences possibles et imaginables d'une notion sont catégorisées et ordonnées par Fapport aux deux critéres de décision suivants: (1) si l'on se donne deux occurrences px et py d'une notion P, ces deux occurrences sont-elles en quelque mesure et en quelque maniére, méme infime, 4qualitativement différenciables ? (2) Comment ces occurrences s¢ situent-elles par rapport a V'attracteur, extréme imaginaire qui caractérise la notion portée & son point d’excellence ou d'achéve- ‘ment absolu ? On est ainsi amené a produire le domaine des occurrences, abstraites d'une notion, c'est-d-dire des occurrences envisageables et ordonnées par rapport au gradient d’attraction. Ce domaine est structuré en zones : tout d'abord l'Intérieur des occurrences yoisines, done 1a zone d'identification, munie d'un centre; on construira alors le Fermé qui contient toutes les occurrences, jusqu'a la derniére (imaginaire), qui, quelles que soient les altérations, sont identifiables par la conservation de la propriété Constitutive du domaine. Si P désigne cette derniére, on voit qu'on a obtenu, par construction, le Fermé de la zone didentification Construisons maintenant le Fermé qui contient toutes les occur- ences, dés la premiére (imaginaire), dont on peut dire qu’elles manifestent une altération, méme infime, de la propriété consti- tutive du domaine : nous obtenons le Fermé de la zone de différenciation. On en tire la Frontiére, d'un c6té, et, de autre, MExtérieur, qui est vide de la propriété constitutive, soit pa radicale, soit par inexistence. Nous venons de constituer le domaine de validation : occurrence d'une notion sera done obligatoirement située dans une des zones par le sujet énonciateur. Situer dans une zone, c'est ‘envisager et, le cas échéant, éliminer les autres possibles. Mais est aussi construire le chemin qui, partant d'une position ddécrochée hors-domaine, aboutit @ une zone du domaine, parmi les zones possibles. Le graphe prototypique est celui de la bifur- cation 4 la pointe, on nest ni en I ni en E, mais de la pointe, Tou E est accessible, Si l'on note IE (E renforcé) (la notation IE ‘marque que l'on est en-dega du choix entre E et I, c"est-d-dire dans ‘La Négotion + margacurs et opérations 99, tune situation compatible avec, éventuellement soit 1, soit E), la position décrochée, on voit que l'on peut tracer deux chemins, un vers I, autre vers E, oit tracer un chemin signifi représenter (1) qu'il y a un hiatus entre la position de départ et la zone d'arrivée 2) que ce hiatus peut étre comblé (3) que l'on peut effectuer sur la bifurcation diverses opérations : conserver les deux chemins, en 4liminer un, pondérer un chemin par rapport a lautre, ete. Si l'on établit un cycle ordonné avec passage de TE a I puis 4 E (d’od la possibilité d'une transition de I a E), enfin retour & TE, on obtient une structure en came (je rappelle qu'il ne s'agit pas d'une involution). Le schéma n'est pas a deux dimensions : IE est décroché du plan de validation 1, E, puis se projette en I, d'od T'on construit te passage en E, et le cycle recommence (par ‘exemple, dans les interrogations équipondérées). Je rappelle qu'on a une troisiéme représentation avec le domaine, tel que je viens de le décrire plus haut. Je ne traiterai pas des régles de transformation métalinguistique qui relient ces trois représentations. 4. Parcours; entrée, sortie Pour qu'il y ait négation, il faut qu'il y ait construction préalable du domaine notionnel. Quant a l'opération de négation, elle consiste & parcourir la classe d'occurrences de Ia notion considérée, sans pouvoir ou vouloir valider telle occurrence distinguée parmi les occurrences possibles du domaine. Deux cas principaux peuvent se présenter : (I) d'un cété, on parcourt la classe en inversant lorientation du gradient (on va donc du centre vers Vextérieur); de chaque occurrence, quelle qu'elle soit, on marque qu'elle n'est pas située dans la zone d'identification, frontiére comprise. On sort donc en E (altérité : « ce n'est pas cela ui est le cas »: vide : « cela (ou quoi que ce soit d'approchant) rest pas le cas »); 2) d'un autre c6té, la négation peut fonctionner comme un marqueur de différenciation (c'est un autre mode d'inversion, qui fait passer d'une zone & une autre : 18 08 T'on avait tune boucle d'identification, on induit une distance de différen- ciation). C'est ce qu'on a dans : il ne mange pas, il dévore (pas simplement-manger, d’ou dévorer, mais aussi, le cas échéant gri- gnoter (pas vraiment-manger) dans : il me mange pas, il grignote). Si la négation est un inverscur, elle produit des résultats variables selon ce sur quoi elle porte. Considérons, par exemple, Faccepte et appliquons une négation : nous obtenons je n'accepte pas, dont l'équivalent lexical est je refuse; dans le cas positif, si Von part de j'accepte d'aider Z, il s'ensuit que, si tout va bien, Z sera aidé par moi; dans le cas négatif, je n'accepte pas/je refuse daider Z, la relation ne sera pas validée. Accepter, c'est ne pas barrer le chemin IE ~ 1; refuser, c'est barrer ‘ce chemin ce qui ou bien maintient en E (on ne fait rien) ou bien conduit en E (on fait ce qu'il faut pour ne pas aider). Mais je ne refuse pas en rétablissant l'aceés 4 I ne barre pas le chemin & Ei en bref, on est dans la Frontiére, d’ou ambivalence (soit « je ne dis pas non, mais je ne dis pas oui », soit une acceptation détournée). Diun autre c6té, ce n'est pas rien fait entrer dans I'Intérieur Ga Frontiére ne peut tre, ici, que vide, pour des raisons séman- {iques claires : on travaille en tout ou rien, puisqu’on travaille sur la sortie — ce n'est rien — et entrée — ce n'est pas rien —, en ‘La Negation : marques et opéretions exemple qu’est-ce que c'est ?), quelque chose peut étre identifie Yon n'a pas d'identificur contextuel, quelgue chose est référé a f Vattracteur (jl s'agit de Mattracteur, car il n'y a pas de type du | quelque chose). D'ou ta valeur emphatique de l'énoncé, Considérons enfin un énoncé tel que X est aussi grand que | lentfication sur un gradient orienté vers Tattracteus), La négation (X n'est pas aussi grand que Y) defat la | ¥ (on a une boucle 4 bouele (d'oi différenciation) et inverse orientation du gradient (X west pas aussi grand que Y équivaut 4 X est moins grand que } ¥). Si nous avions X n'est pas aussi grand, mais plus grand que Y. Nous aurions construction d'une altérité : aussi n'est pas le cas, ‘mais marque un passage de zone a zone, plus est le cas. Pour mieux comprendre ce qui est le moteur méme de Topération de négation, il nous faut introduire ici, ne serait-ce qu’en quelques lignes allusives, ce que jappellerai, par commo- dité, la mise en perspective de toute représentation, I n'y a pas de représentation qui ne soit prise dans un ensemble de relations. La premiére relation élémentaire fonda- mentale est celle qui situe une représentation par rapport a ce que Jai appelé le centre organisateur (type définitoire) ou le centre attracteur (parangon; degré d’excellence ou d'exemplarité) : c'est la relation d’identification. La deuxiéme relation élémentaire fondamentale est celle qui place la représentation dans le domaine structuré en zones (intérieur; frontiére; extérieur) : on introduit ici altérité et le gradient, ainsi que les passages de zone 4 zone. La troisiéme relation élémentaire fondamentale situe la représentation (identifige, et placée dans le domaine) par rapport a un dispositif de repérage énonciati. Ce dispositif a un double rdle : il permet d'effectuer le calcul des valeurs de référence et de régulation par rapport 4 ’énonciateur origine qui, ce faisant, construit sa position 4 partir de laquelle la représentation est envisagée, en méme temps 101 d'autres termes, sur /nul/ - /aon mul/). Or, dire ce n'est pas rien, | Crest produire un c'est quelque chose, oi quelque chose est nécessai. i rement situé. Si Yon a un contexte qui fraye le chemin (par 5. Négation et couple pondéré de représentations i

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