Présentation de l’entrée
« Vivre en société, participer à la société »
Questionnement
Il est impossible d’être durablement isolé et de ne pas lier son sort à celui des autres. La
construction individuelle ne se sépare pas de la sociabilité. Des devisants de L’Heptaméron
aux uchronies contemporaines, en passant par les salons et l’éthique d’honnêteté, les
Lettres ne cessent de réfléchir une manière d’être ensemble et de «faire société». Il s’agit
de faire prendre conscience aux élèves de cet enjeu et de l’exigence axiologique avec lequel
la littérature s’en empare, entre le constat parfois implacable des travers humains et la
réinvention du meilleur des mondes possibles. On partira de ce qui est le plus proche de
l’élève : la famille, l’école, le club, les amis. Au quotidien, ne pas céder à l’illusion de
l’isolement suppose de réguler les relations interindividuelles, sous la forme de l’acceptation
de règles ou de lois et d’une éducation à l’empathie, mais ce n’est pas toujours aisé comme
le rappellent fréquemment les textes littéraires qui explorent les relations entre individus et
sociétés, souvent sur le mode antagoniste. Le théâtre, qui permet de représenter ces conflits,
occupe donc une place importante dans ce thème et l’oral sera particulièrement travaillé.
Ainsi, les Lettres aussi participent de cette construction de valeurs au cœur même, et non à
part, de la société.
Problématiques possibles
Comment les valeurs d’une société se reflètent-elles dans les œuvres littéraires ?
Comment les œuvres littéraires mettent-elles en scène la socialisation des personnages ?
Comment et pourquoi la littérature prend-elle en charge la représentation des conflits entre
individus et société ?
Comment certaines œuvres montrent-elles la conciliation entre l’affirmation de soi et
l’intégration sociale ?
Dans quelle mesure la lecture et la littérature influent-elles sur la relation à autrui ?
Familles heureuses
Jean-Philippe Arrou-Vignod, L’omelette au sucre, Le camembert volant…
Marcel Pagnol, La gloire de mon père, Le château de ma mère
Roald Dahl, Danny champion du monde
Yvon Mauffret, Pépé la boulange
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Amitiés dangereuses
Gudule, J’irai dormir au fond du puits
Dickens, Oliver Twist
Arthur Ténor, L’enfer au collège
Philippe Gauthier, Bouboule et Quatzieux
Campagne de sensibilisation “Non au harcèlement”
Exister sans avoir d’identité; article du Tigre Marc L.
Les dilemmes moraux et la pression des pairs (EMC)
Un « autre » nécessaire
Robinson (Daniel Defoe, Michel Tournier, Michael Morpurgo Le royaume de Kensuké), à croiser
avec l’entrée “Le voyage et l’aventure”
Rousseau, Rêveries du promeneur solitaire, “Première promenade”
Maryline Desbiolles, Aïzan
Corpus
• Pierre Loti, Le Roman d’un enfant, 1890
• Colette, Sido, 1929
• Albert Cohen, Le Livre de ma mère, 1954
• Nathalie Sarraute, Enfance, 1983
• Albert Camus, Le Premier homme, 1994 (1960)
Le corpus de textes présente des récits d’enfance d’auteurs des XIXe et XXe siècles ; ils évo-
quent un monde disparu pour les collégiens d’aujourd’hui, mais l’entrée dans la lecture s’appuie
sur des éléments familiers et concrets qui facilitent l’identification du jeune lecteur comme la
chambre, les animaux, la nourriture. Ce groupement vise à comprendre la complexité des rela-
tions familiales qui entourent l’enfant et lui donnent une place dans le groupe, à travers l’atta-
chement pour un grand frère ou les tensions à la naissance d’une petite sœur. La construction
de l’identité se fonde sur le contact avec les adultes, parents ou grand-mère, qui suscitent des
sentiments variés d’admiration ou de gêne.
Texte 1
Pierre Loti passe son enfance à Rochefort (Charente-Maritime), qu’il quitte chaque année l’été
pour deux mois de vacances heureuses dans le Midi. La perspective du retour et de la rentrée des
classes s’annoncent pénibles mais l’arrivée du frère aîné après quatre ans d’absence à bord d’un
navire en tant que médecin de la marine bouleverse l’enfant.
Aux premiers jours d’octobre, une joyeuse dépêche de mon père nous rappela en
toute hâte ; mon frère, qui rentrait en Europe par le paquebot de Panama, venait de débarquer
à Southampton ; nous n’avions donc que le temps de nous rendre, si nous voulions être à la
maison pour le recevoir.
Et, en effet, le soir du surlendemain, nous arrivâmes tout juste à point, car on
l’attendait lui-même quelques heures après par un train de minuit. Rien que le temps de
remettre dans sa chambre, à leurs places d’autrefois, les différents petits bibelots qu’il m’avait
confiés quatre années auparavant, et il fut l’heure de partir à la gare à sa rencontre. Moi, cela
ne me semblait pas une chose réelle, ce retour, surtout annoncé si brusquement, - et je n’en
avais pas dormi depuis deux nuits.
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Aussi tombais-je de sommeil à cette gare, malgré mon impatience extrême, et ce fut
comme dans un rêve que je le vis reparaître, que je l’embrassai, intimidé de le retrouver si
différent de l’image qui m’était restée de lui : noirci, la barbe épaissie, la parole plus brève, et
m’examinant avec une expression moitié souriante, moitié anxieuse, comme pour constater
ce que les années avaient commencé à faire de moi et démêler ce qu’elles en pourraient tirer
plus tard…
En rentrant à la maison, je dormais debout, d’un de ces sommeils d’enfant fatigué par
un long voyage contre lesquels il n’y a pas de résistance, et on m’envoya coucher.
Texte 2
Sido est un volume de souvenirs d’enfance consacré à la famille de Colette, en particulier à sa
mère Sidonie. Femme exubérante et hors du commun, elle est en contact étroit avec les éléments
naturels dont elle révèle la poésie universelle à sa fille. Le père, surnommé « le capitaine », est
invalide à la suite d’une blessure de guerre. Il n’aime pas les parties de campagne, pourtant il fait
tout son possible pour plaire à sa femme et à ses enfants qui reprennent vie au contact de la terre.
C’est ma mère qui caressait la jument noire, qui offrait à ses dents jaunies des pousses
tendres, et qui essuyait les pattes du chien pataugeur. Je n’ai jamais vu mon père toucher un
cheval. Nulle curiosité ne l’a attiré vers un chat, penché sur un chien. Jamais un chien ne lui a
obéi …
--Allons monte ! ordonnait à Moffino la belle voix du capitaine.
Mais le chien, contre le marchepied de la voiture, battait la queue froidement, et regardait ma
mère…
--Monte, animal ! Qu’est-ce que tu attends ? répétait mon père.
« J’attends l’ordre », semblait répondre le chien.
--Eh ! saute ! lui criais-je.
Il ne se le faisait pas dire deux fois.
--C’est très curieux, constatait ma mère.
--Ça prouve seulement la bêtise de ce chien, répliquait mon père.
Mais nous n’en croyions rien, « nous autres », et mon père, au fond, se sentait secrètement
humilié.
(…) Mon père, en approchant du village, reprenait son fredon défensif, et nous avions sans
doute l’air très heureux, car l’air heureux était notre suprême et mutuelle politesse … Soir
commençant, fumées courantes sur le ciel, fiévreuse première étoile, est-ce que tout, autour
de nous, n’était pas aussi grave et aussi tremblant que nous-mêmes ? Un homme, banni des
éléments qui l’avaient jadis porté, rêvait amèrement…
Amèrement, - maintenant j’en suis sûre. Il faut du temps à l’absent, pour prendre
sa vraie forme en nous. Il meurt, - il mûrit, il se fixe. « C’est donc toi ? Enfin…Je ne t’avais
pas compris. » Il n’est jamais trop tard, puisque j’ai pénétré ce que ma jeunesse me cachait
autrefois : mon brillant, mon allègre père nourrissait la tristesse profonde des amputés. Nous
n’avions presque pas conscience qu’il lui manquât, coupée en haut de la cuisse, une jambe.
Qu’eussions-nous dit à le voir soudain marcher comme tout le monde ?
Texte 3
Le livre de ma mère est un hommage du fils à sa mère disparue. Albert Cohen se souvient
des moments partagés avec elle, des signes de son dévouement et de sa bonté qu’il n’a pas su
apprécier étant enfant. Le chapitre VI décrit les occupations solitaires le dimanche à Marseille de
la mère et du fils, qui n’ont pas de relations sociales car ils sont étrangers.
Arrivés à l’arrêt de La Plage, en face d’un casino rongé d’humidité, on prenait place
solennellement, émotifs et peu dégourdis, sur des chaises de fer et devant une table verte. Au
garçon de la petite baraque, qui s’appelait « Au Kass’Kroutt’s », on demandait timidement une
bouteille de bière, des assiettes, des fourchettes et, pour se le concilier, des olives vertes. Le
garçon parti, c’est-à-dire, le danger passé, on se souriait avec satisfaction, ma mère et moi,
un peu empotés. Elle sortait alors les provisions emballées et elle me servait, avec quelque
gêne si d’autres consommateurs nous regardaient, toutes sortes de splendeurs orientales,
boulettes aux épinards, feuilletés au fromage, boutargue, rissoles aux raisins de Corinthe et
autres merveilles. Elle me tendait une serviette un peu raide, amoureusement repassée la
veille par ma mère si heureuse de penser, tandis qu’elle repassait en fredonnant un air de
Lucie de Lammermoor, qu’elle irait demain avec son fils au bord de la mer. Elle est morte.
Texte 4
Enfance relate les premières années de la vie de Natacha Tcherniak qui deviendra plus tard
Nathalie Sarraute. Peu de temps après sa naissance, ses parents se séparent. La famille, russe,
appartient à un milieu bourgeois et cultivé, mais le père est contraint de s’exiler en raison de ses
opinions politiques à la suite de la révolution de 1905. Dans l’extrait, la petite fille qui a neuf ans vit
à Paris avec son père et sa nouvelle épouse Véra. Sa mère réside à Saint-Pétersbourg et ne vient
que rarement voir l’enfant.
Quelques jours avant que Véra revienne avec le bébé, je suis surprise en voyant que les objets
qui m’appartiennent ne sont plus dans ma chambre, une assez vaste chambre donnant sur la
rue. La grande et grosse femme qui s’occupe de tout dans la maison m’apprend que j’habiterai
dorénavant dans la petite chambre qui donne sur la cour, tout près de la cuisine … « Qui va
habiter dans ma chambre ? – Ta petite sœur avec sa bonne … - Quelle bonne ? – Elle va arriver
…»
Si quelqu’un avait pensé à m’expliquer qu’il n’était pas possible de loger un bébé et une
grande personne dans ma nouvelle chambre, qu’il n’y avait pas moyen de faire autrement,
je crois que je l’aurais compris. Mais enlevée ainsi, brutalement, de ce qui petit à petit était
devenu pour moi « ma chambre » et jetée dans ce qui m’apparaissait comme un sinistre réduit,
jusqu’ici inhabité, j’ai eu un sentiment qu’il est facile d’imaginer de passe-droit, de préférence
injuste. C’est alors que la brave femme qui achevait mon déménagement s’est arrêtée devant
moi, j’étais assise sur mon lit dans ma nouvelle chambre, elle m’a regardée d’un air de grande
pitié et elle a dit : « Quel malheur quand même de ne pas avoir de mère. »
Texte 5
Le Premier homme est un récit autobiographie d’Albert Camus, qui se représente sous les traits
de Jacques. L’ouvrage commence par « la recherche du père » mort au combat en 1914 et qu’il
n’a pas connu. Dans le chapitre 6, Albert Camus évoque sa mère, sa famille pauvre et illettrée
gouvernée par la grand-mère autoritaire dont l’enfant redoute les sévères punitions.
Lecture d’images
Albert Besnard, Une famille dit aussi La famille de l’artiste à Talloires (Haute-Savoie), 1890,
Musée d’Orsay : étude commentée
Pierre Bonnard, L’après-midi bourgeoise ou La famille Terrasse, 1900, Musée d’Orsay : étude
commentée
Lecture cursive :
Jirô Taniguchi, Quartier lointain, 1998, tome I, Casterman
Genre : manga
Résumé : Hiroshi rentre d’un voyage d’affaires et s’aperçoit qu’il a pris place involontairement
dans un train qui le conduit vers sa ville natale. A son arrivée il se rend sur la tombe de
sa mère puis se dirige vers la maison familiale. Il se transforme en garçon de quatorze et
retrouve tous les siens comme si le temps n’était pas passé. Rêve-t-il ? Ce retour en arrière
fantastique trouble Hiroshi qui revit l’adolescence, mais cette fois avec ses souvenirs et son
expérience d’adulte arrivé à l’âge mûr.
Mots clé : famille, amis, premier amour, collège, adolescence, transgression, conflit, secret de
famille, mémoire, vie quotidienne et tradition japonaises.
Problématiques possibles
Comment Molière par la mise en scène des conflits entre les personnages dénonce-t-il
l’avarice du personnage principal ?
En quoi, dans L’Avare, le mensonge participe-t-il de la vérité des personnages et de l’intrigue ?
L’Avare, une comédie de l’amour ou de l’argent ?
Objectifs d’apprentissage
La pièce de Molière permet d’étudier :
• le genre théâtral et la comédie classique ;
• les relations entre individus, entre amour, conflit et émancipation ;
• la critique de l’avarice, à travers la représentation sur scène du personnage d’Harpagon.
Accompagnement à la lecture
Pour permettre aux élèves d’entrer plus facilement dans la lecture de la pièce, on peut
proposer des moments de lecture à voix haute inspiré du travail à la table des comédiens pour
les scènes majeures ou les plus complexes. On réfléchit ainsi en classe, avec les élèves, aux
enjeux dramatiques d’une scène et de ses personnages, afin d’adapter la lecture au propos.
Il est possible enfin de recourir à des captations de mises en scène (extraits vidéo) ou encore
de privilégier une approche directe au théâtre, lorsque l’offre culturelle du territoire le permet.
Entrées en séquence
Iconographie de l’avarice : les élèves peuvent entrer dans la séquence en comparant les
différentes représentations graphiques de l’avarice. Il s’agit ainsi de faire émerger les
éléments visuels qui définissent l’avare comme type. On s’intéresse aux approches picturales
mais aussi aux illustrations et aux photos de mises en scène de L’Avare.
Liste possible de documents visuels : Jérôme Bosch, La Mort de l’avare, 1500 (National Gallery
of Art, Washington, Etats-Unis) ; Quentin Metsys, Le Prêteur et sa femme, 1514 (Musée du
Louvre, Paris) ; les illustrations de Gustave Doré des Fables de La Fontaine consacrées à
l’avarice, 1867 ; les illustrations de Albert Dubout de L’Avare de Molière, 1953 ; des photos du
personnage d’Harpagon dans diverses adaptations ou mises en scène : Louis de Funès (film,
1979), Roger Planchon (1999), Denis Podalydès (2009).
Étude lexicale : à partir d’un choix de proverbes français et étrangers sur l’avarice, étudier
le champ sémantique de l’avarice (synonymes, parasynonymes, antonymes) et faire ainsi
apparaître la dimension axiologique, nourrie de culture chrétienne, du thème. On peut
accompagner cette recherche lexicale de la lecture de la parabole de l’homme riche (Luc, 12,
15-21).
Extraits étudiés
Extraitn°1
Extrait n°1- Acte I, scène 4 : « De l’exposition à une opposition »
Tandis que les trois premières scènes servent à présenter tour à tour les intrigues amoureuses
des deux enfants, puis toute la méchanceté et la mauvaise foi d’Harpagon dans le face à face
qui l’oppose à La Flèche, la scène 4 offre au regard du spectateur la première rencontre entre
Elise, Cléante et Harpagon.
Le passage, outre les procédés comiques qu’il contient, dresse le portrait d’Harpagon en
donnant à entendre son raisonnement sur le mariage. Il met au jour également la relation
père-enfants et instaure l’opposition entre les personnages sur laquelle va se développer
l’intrigue.
Extraitn°2
Extrait n°2- Acte III, scène 7 : « Une double déclaration »
La scène est construite sur le principe de la double énonciation et propose au spectateur de
s’amuser au détriment d’Harpagon grâce au renversement de situation qu’opèrent Mariane
et Cléante. Après des reproches, comprenant que Mariane l’aime toujours, Cléante lui déclare
sa flamme en présence d’Harpagon et va même lui offrir au nom de son père un diamant que
ce dernier porte au doigt. Comédie du langage, cet extrait marque la puissance des mots et la
malice des enfants face au vieux barbon.
Extraitn°3
Extrait n°3- Acte IV, scène 7 : « La folie d’Harpagon »
Scène d’anthologie, le monologue d’Harpagon allie avec brio les codes du registre tragique
aux effets comiques les plus puissants. Molière donne à voir toute la folie du personnage, dans
un développement très structuré où les ruptures implicites dans le jeu du personnage sont
nombreuses et assumées. En abolissant temporairement la frontière entre la scène et la salle
(théorisée ultérieurement par Diderot), Harpagon montre l’étendue de sa folie à un spectateur
qui hésite entre rire et inquiétude.
Extraitn°4
Extrait n°4- Acte V, scène 5: « Un dénouement romanesque »
Scène de retrouvailles qui vient clore l’intrigue sans pour autant mettre fin à la pièce, cet
extrait se caractérise par l’irruption paradoxale du récit au théâtre : le naufrage du navire qui
sépara la famille de Don Thomas d’Alburcy, les épreuves endurées respectivement par Valère
et Mariane, sont autant d’éléments narratifs qui ouvrent une nouvelle forme de représentation
dans la pièce. Les retrouvailles, traitées de façon poignante, sont également à considérer à
l’aune du personnage d’Harpagon et de ses interruptions nécessairement comiques.
Études transversales
Étude
Étude 1 -1 « La Famille : des relations à géométrie variable »
Un portrait à charge de la famille ? Avec le personnage d’Harpagon, Molière ne fait pas de
l’amour la valeur centrale de la famille et du mariage. Si des contre-modèles positifs existent
dans la pièce, la représentation que donne Harpagon des liens familiaux est négative.
La famille devient ainsi le lieu du conflit et de l’émancipation : Cléante et Elise doivent réussir
à conquérir leur liberté en s’opposant à leur père et à son avarice. Pour ce faire, des adjuvants
existent qu’il s’agisse d’amis ou d’amants.
Molière souligne enfin combien le langage conditionne les relations familiales : le mensonge
et la dissimulation sont vecteurs de plusieurs conflits tout au long de la pièce, dont le
dénouement est marqué par un récit de vérité.
Étude
Étude 2 -2 « L’Argent »
L’argent est au centre de la pièce, directement associé au personnage d’Harpagon : il est
présent dans toutes les scènes et tous les discours.
Paradoxalement, l’argent n’est pas représenté sur scène : il est absent (pauvreté de la
demeure), soigneusement économisé (la querelle avec Maître Jacques) et jalousement caché
(la cassette).
L’argent constitue surtout un enjeu dramatique dans la pièce, puisqu’il peut générer des
conflits (l’usurier et Cléante), conditionne les mariages (Mariane, Don Anselme, etc.) et oppose
les personnages entre eux.
L’argent représente enfin aux yeux d’Harpagon un objet de désir et d’amour, ce qui interroge
nécessairement sur la dimension morale de la pièce quant à son dénouement.
Étude
Étude 3 -3 Comédie et théâtralité
La pièce développe tous les procédés de la comédie classique : elle joue sur des ressorts tant
langagiers que scéniques pour susciter le rire chez le spectateur.
La pièce développe enfin une forte dimension méta-théâtrale. Les personnages passent ainsi
leur temps à jouer eux-mêmes la comédie et à se mettre en scène : Harpagon prend une
fausse identité (usurier) et se déguise pour séduire Mariane ; il parvient à briser le quatrième
mur en interpellant directement le public ; les personnages s’appuient fréquemment sur la
double énonciation.
Activités possibles
Autour du geste théâtral, « Corps en scène » : à la façon du cinéma muet, il s’agit de faire
travailler les élèves sur le comique de geste et de caractère, en leur demandant d’imaginer
au plateau le corps et la démarche des différents personnages. Les élèves réfléchissent par
groupes aux postures et aux effets de rythme possibles pour chaque personnage ; ils tentent
ensuite de faire interagir les personnages qui se rencontrent dans des scènes muettes.
En lien avec l’écriture, « L’éloge (paradoxal) d’Harpagon » : pour être certain que la rencontre
avec sa promise se déroule au mieux, Harpagon demande à ses enfants de composer un
discours faisant les louanges de sa personne. Les élèves doivent ainsi entrer dans la peau
d’Élise ou de Cléante et vanter les mérites de leur père, faisant de son avarice un bienfait et de
sa personne un trésor.
Prolongements et croisements
En français
Vers un groupement de textes sur la vision morale de l’avarice en littérature : poèmes, extraits
de roman ou de pièces de théâtre. Titre : « Quel vice, l’avarice ! ». Corpus (environ quatre
textes ou documents au choix parmi les suivants) : Boileau, Satire VIII, 1667 (consacré à une
allégorie de l’avarice) ; Jean de La Fontaine, Fables, « L’Avare qui a perdu son trésor » (IV, 20)
et « Le Loup et le chasseur » (VIII, 27) ; La Bruyère, Les Caractères, 1688, avec notamment
« De l’effronterie causée par l’avarice », « De l’avarice » et « De l’épargne sordide » ; Balzac,
Eugénie Grandet, 1833, avec notamment la mort du père Grandet de « Enfin arrivèrent les
jours d’agonie […] religion des avares ».
La pièce peut également être étudiée en 4ème (Harpagon, le bourgeois qui cherche à gagner
de l’argent, entre en opposition avec les valeurs aristocratiques de désintéressement qui ont
poussé nombre de nobles à se ruiner), ou en 3ème (satire de l’avarice), intégralement ou par
extraits.
En interdisciplinarité
Prolongements possibles avec les Langues et cultures de l’Antiquité en s’appuyant sur
L’Aulularia de Plaute. Travail autour de la comédie antique et de la notion de texte source.
Domaines du Socle : 1, 2, 3.
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Problématique
Dans son avant-propos de Lire le théâtre III, A. Ubersfeld montre que toute une série de
facteurs interfèrent dans la mise en œuvre de la parole théâtrale car le théâtre est « par
définition dialogique ». Il s’élabore en effet à partir d’une « parole dangereuse, toujours
porteuse de sa propre contradiction ou, à tout le moins, de sa propre question ; jamais assise
sur sa seule logique intérieure, mais toujours en projection sur l’autre, dont elle reçoit le
message qu’elle renvoie à son tour »1. Riche de cette parole et de cette pensée qui joue avec
l’autre, Les Fourberies de Scapin recèle de nombreux passages dont les élèves s’approprieront
plus facilement le sens si l’on accompagne leur lecture d’activités orales invitant à se poser la
question de la mauvaise foi, à découvrir l’art de tromper par le dialogue ou par le récit, à vivre
les déclinaisons du théâtre dans le théâtre et à déceler les subtilités de la langue orale.
Objectifs d’apprentissage
La pratique de l’oral est la dominante de ces activités qui sont par ailleurs en lien avec le
travail des compétences de lecture, d’écriture, d’interprétation du texte littéraire et avec le
travail de la langue.
Il s’agit de conduire les élèves à entrer dans le genre codifié du dialogue théâtral en le
pratiquant systématiquement, en identifiant ses caractéristiques et en mesurant ses enjeux.
Les élèves apprennent à tirer profit de l’écoute de dialogues théâtraux ; ils apprennent à
en produire eux-mêmes, à s’appuyer efficacement sur une préparation, à maîtriser leur
expression, à s’engager dans un jeu théâtral.
Ils peuvent également être amenés à produire une intervention orale continue exposant
les résultats d’une recherche au sein de la pièce et défendant un point de vue de façon
argumentée.
1. Anne Ubersfeld, Lire le théâtre III, Le dialogue de théâtre, page 10, Éditions BELIN, 1996.
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Apartés (après avoir étudié la grande diversité des apartés dans la pièce)
Consigne : Deux amis se retrouvent au collège après l’absence prolongée de l’un d’entre eux
et font le point sur le travail à rattraper. Celui qui a été absent cherche, dans le dialogue, le
moyen d’échapper au retard accumulé et doit, dans deux apartés, se laisser emporter par son
émotion puis tenter de gagner la complicité du public. Celui qui a continué à fréquenter le
collège doit (successivement et dans l’ordre qu’il juge opportun) évaluer en aparté la situation
de son camarade, dire le contraire de ce qu’il vient de dire à voix haute.
Invention d’une histoire pour convaincre à la manière de Scapin, acte III, scène 2
Scapin invente une histoire vraisemblable et effrayante en faisant semblant d’avoir peur :
si le spadassin, frère de Hyacinte, est imaginaire, sa colère contre Géronte est parfaitement
vraisemblable.
Consigne : Faire revivre le personnage de Scapin inventant une histoire pour convaincre les
parents d’un enfant qui a besoin d’argent de lui confier la somme nécessaire.
Acte I, scène 1
Consigne : inverser la situation. Sylvestre se fait confirmer auprès d’Octave le retour de son
père et les projets de ce dernier. Octave répond aux fausses questions de Sylvestre en répétant
toutes les fins de ses répliques.
Acte I, scène 4
Argante : Ah ! Pourquoi faut-il qu’il (Octave) soit fils unique ! et que n’ai-je à cette heure la fille
que le Ciel m’a ôtée pour en faire mon héritière !
Acte III, scène 6
Argante : je me réjouissais aujourd’hui de l’espérance d’avoir ma fille, dont je faisais toute ma
consolation ; et je viens d’apprendre de mon homme qu’elle est partie, il y a longtemps de
Tarente, et qu’on croit qu’elle a péri dans le vaisseau où elle s’embarqua.
Acte III, scène 11
Léandre : Mon père, ne vous plaignez point que j’aime une inconnue, sans naissance et
sans bien. Ceux de qui je l’ai rachetée, viennent de me découvrir qu’elle est de cette ville, et
d’honnête famille; que ce sont eux qui l’y ont dérobée à l’âge de quatre ans; et voici un bracelet
qu’ils m’ont donné, qui pourra nous aider à trouver ses parents.
Argante : Hélas! à voir ce bracelet, c’est ma fille que je perdis à l’âge que vous dites.
Présentation de scènes
Plusieurs jours avant la prestation des élèves, on leur demande de choisir l’une des situations
présentes dans la pièce, de trouver deux scènes qui leur correspondent et de les présenter.
La nécessité d’appeler Scapin au secours : Octave et Hyacinte acte I, scène 3 ; Léandre acte II,
scène 4.
Les Fourberies de Scapin : envers Argante acte II, scène 5 et scène 6 ; envers Géronte acte II,
scène 7.
Étude d’illustrations
Des activités peuvent également être menées à partir d’illustrations (gravures et peintures
disponibles sur le net ou bien premières de couverture) ; demander aux élèves de repérer
les scènes les plus fréquemment illustrées, de se demander pourquoi, de comparer ces
illustrations, d’en élire certaines et de les présenter à la classe en justifiant leurs choix.
Étude d’adaptations
La collection Commedia des éditions Vents d’Ouest propose une adaptation de la pièce de
Molière en bande dessinée.
Une série d’activités en atelier peut être organisée autour de certains passages, dont
on pourra faire commenter les choix de mise en scène, l’attitude et les mimiques des
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On pourra enfin être particulièrement attentif à monter des activités permettant de découvrir,
de comprendre et de s’interroger sur la répartition du dialogue théâtral en phylactères, comme
sur la typographie ou sur la présence d’onomatopées dans ces derniers.
Problématiques possibles
Comprendre comment la jeune adolescente apprivoise son nouvel environnement en se
coupant du monde et se créant des lieux, des présences et des images refuges.
Voir comment s’opère l’éclosion du personnage : du repli à son ouverture aux autres.
Étudier le traitement de la voix, des voix dans ce texte : comprendre dans quelle mesure
l’auteur s’est inspiré de voix réelles, celles de personnes interviewées, pour créer ce roman et
se demander comment le mélange des voix fonde le style du récit.
Objectifs d’apprentissage
La pratique de l’oral est la dominante de la séquence. Celle-ci est liée à une pratique
d’écriture, à un travail de lecture collective et à l’analyse de faits de langue concernant
notamment les discours rapportés.
Afin d’attiser l’intérêt des élèves pour cette légende, il peut compléter son récit par des
anecdotes extraites de la documentation présente dans Thésée contre le Minotaure d’Hélène
Montardre (Éditions Nathan, Collection « Petites histoires de la mythologie », 2010). On y
apprend par exemple que le palais du roi Minos avait, avec ses « 5 étages et plus de 1300
pièces, [une] architecture […] si compliquée et [des] couloirs si nombreux, qu’on a longtemps
cru qu’il s’agissait du labyrinthe où avait été enfermé le Minotaure ».
Puis le professeur projette trois œuvres de son choix (peintures, sculptures, poteries) illustrant
cette légende. Il demande aux élèves de commenter les images en expliquant quel moment de
l’histoire est représenté et ce qu’ils pensent de cette représentation.
Pourra figurer, dans cet échantillonnage, l’image du lécythe décrit à la p.41 du roman.
Accompagnement à la lecture
L’œuvre est exigeante en raison du style proche d’une prose poétique, mais la brièveté des
chapitres permet de fixer des objectifs atteignables.
L’œuvre étant courte, la lecture intégrale peut être faite en classe avec et par le professeur.
Ainsi, après la lecture de chaque chapitre, peut-on en résumer collectivement, à l’oral, l’idée
principale. Puis chaque élève puise dans le texte la « phrase coup de cœur » de son choix.
Extraits étudiés
Extrait n°1
Extraits n°1 La recherche d’un nid
• L’incipit (de « Tant qu’elle ne bouge pas » à « leur chagrin », p.7)
• Extrait des chapitres 2 et 3 (de « De la chambre d’hôtel très étroite elle se souvient » à « dont le
parfum donne envie de danser au printemps » puis de « Aïzan avait été contente de savoir qu’elles
allaient partir. » à « elle entre dans son jeu sans le savoir. », p.9 à 13)
L’étude de ces deux extraits permet d’analyser la construction narrative qui opère un retour en
arrière par le biais du souvenir.
Lorsqu’Aïzan se replie dans ses draps, à l’incipit, elle cherche à s’extraire du monde, à
s’éloigner des « habitants de la cité », ceux que le lecteur comprendra être, a posteriori, les
habitants de l’Ariane, la banlieue niçoise qu’elle est venue habiter avec sa mère. Elle souhaite
ainsi oublier la réalité et s’inscrit dans une temporalité qui est celle du conte, s’imaginant dans
une forêt, dormant dans un lieu protecteur, sur de la mousse.
Extrait
Extraitn° 2 : L’envol de la dame blanche
n°2
(de « Aïzan chuchote à l’oreille de sa sœur » à « ce qui est très beau est aussi ce qui fait peur. »
p.30-31).
Après avoir tenté le repli et la création d’une sœur imaginaire pour s’extraire du monde, Aïzan
trouve refuge dans un lieu réel mais désaffecté : les rives du Paillon. C’est là qu’elle assiste à
l’envol d’une dame blanche, image désormais emblématique, pour elle, de la beauté.
Le jeu de contraste peur/émerveillement et noir/blanc est ce qui mène Aïzan à s’interroger sur
la beauté. Les sensations les plus fortes viennent du contraste : après la recherche d’un nid, il
faut accepter l’idée de l’envol.
Extrait n°3
Extraits n° 3 Les voix complices
(de « Il se souvient encore de la dictée d’entrée en sixième » à « Elle lui demande de répéter »
(p.21-22), puis de « En cours de français justement » jusqu’à « leurs deux paires d’yeux plus que
noirs se reconnaissent », p.37).
L’ouverture au monde se poursuit à travers les voix complices qu’Aïzan va rencontrer.
Extrait A : La première voix croisée est celle de Monsieur M’Boup, un immigré sénégalais
amoureux de la langue française.
Dans ce premier extrait, on peut analyser le tressage des voix en se demandant quelles sont
les trois voix qui s’entremêlent (celles du narrateur, de Monsieur M’Boup et d’Aïzan) puis en
repérant les extraits à rattacher à chacune de ces voix.
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Extrait B : La deuxième voix complice croisée par Aïzan est celle de Kevin, un camarade de
classe. Le lapsus de Kevin souligne la liberté d’Aïzan. Et une complicité naît de cette simple
parole, au discours direct, et d’un regard croisé. Une rencontre comme un envol.
L’emploi du passé composé marque les répercussions des événements sur le présent.
La réconciliation avec la mère passe par le partage de gestes et de mots du quotidien.
L’expression « pour la première fois depuis longtemps » scande le texte, se faisant l’écho du
lien, de la complicité renaissante entre mère et fille. Du dialogue renoué par Aïzan au chant
tchétchène offert par sa mère, les origines d’un bonheur perdu sont retrouvées.
Le dernier chapitre marquera l’épanouissement définitif d’Aïzan espérant que sa mère trouve
un nouvel amour, et s’ouvre à la possibilité d’être à nouveau trois – ou quatre – si est conçue
une vraie sœur de chair et de sang.
Documents complémentaires
Textes complémentaires
On peut travailler à partir d’extraits de C’est pourtant pas la guerre : 10 voix + 1 de Maryline
Desbiolles (éditions du Seuil, 2007).
Dans ce texte, Maryline Desbiolles a recueilli les voix et les histoires de dix habitants de
l’Ariane, quartier populaire niçois. Ces personnes se sont portées volontaires pour lui confier
leurs vies. Si le texte fait œuvre de témoignage, il est avant tout récit, texte littéraire où la
onzième voix, celle de l’auteur, recoud ces destinées.
Lorsqu’elle écrit Aïzan, Maryline Desbiolles reprend plusieurs de ces voix. Même si les noms
ont changé, on arrive à repérer, derrière certains personnages d’Aïzan, la voix de tel ou tel
habitant.
Monsieur M’Boup est le seul à avoir conservé son nom. Mais on constate facilement que le
père de Kevin est proche du mari de Jahida ; que Mme Santos emprunte beaucoup à Rosette,
et que Doursafe rappelle la danseuse Gh’zala.
Activités
Une activité d’écriture
(pour se familiariser avec le style de l’auteur)
Les onze propositions d’écriture sont photocopiées 5 fois. Elles sont pliées et mises dans une
trousse pour tirage au sort. Chaque élève pioche deux propositions. Il choisit celle qu’il veut
explorer pour construire un texte.
1. Écris sans t’arrêter pendant 6 minutes un rêve d’Aïzan qui commencerait par :
« Cette nuit, elle a rêvé que… ».
Quand tu « bloques », mets un petit mot de liaison : « parce que, puisque, comme, donc, en effet,
c’est ainsi que… » et continue.
Relis ton texte et choisis trois images, expressions, ou morceaux de phrase qui te plaisent.
Écris un rêve d’Aïzan qui comporte ces 3 expressions.
2. Imagine une courte histoire écrite par Aïzan.
Tu emploieras au moins l’une des expressions suivantes dans cette histoire : « dame blanche »,
« des serpents colorés », « des poissons au ventre d’argent ».
Tu choisiras l’une de ces phrases que tu répéteras au moins 2 fois dans l’histoire :
--« La chambre est à jamais un nid suspendu dans les arbres de Paris »
--« Les arbres continuent de se pencher sur elle, de lui verser dessus la lumière retenue entre
leurs branches »
--« Les poèmes qu’il sait par cœur lui nettoient le cœur »
3. Fais la description du Paillon comme si tu étais dans les yeux d’Aïzan.
Tu commenceras ton texte par : « Elle préfère aller seule dans le lit du Paillon ».
Et tu utiliseras au moins deux fois dans ton texte : « Elle sonde le filet d’eau qui se recouvre
d’algues jaunes »
4. Imagine une danse d’Aïzan (elle a déjà dansé avec Mme Santos, sous la pluie, puis avec
Doursafe).
Imagine un autre moment de sa vie, plus tard, quand elle danse.
Tu utiliseras au moins une fois dans ton texte les phrases « Aïzan danse seule » et « elle danse
comme on s’envole ».
5. Écris un poème d’Aïzan (qui répète la phrase : « Le loup est beau dans la forêt parce qu’il s’y
tient caché » ou une de tes phrases coups de cœur).
6. Écris une courte lettre / un court poème qu’Aïzan aurait envoyée/é, des années plus tard, à
sa mère.
Tu décriras, d’abord la carte ou l’enveloppe qu’elle a choisie.
Puis tu imagineras un court texte qu’Aïzan adresse à sa mère (pour lui parler de sa vie, elle qui
écrit, danse et lit…).
Tu pourras commencer ta lettre par : « Dans les rues de Paris », « À Argoun » ou, « Ici »…
7. Écris un souvenir d’Aïzan adulte (se rappelant l’Ariane, le Paillon, la dame blanche, sa
première rencontre avec la mer).
Ce souvenir lui revient en mémoire en voyant / en écoutant / en sentant / en goûtant / en
touchant quelque chose.
Tu écriras ce souvenir en disant « Elle ».
Ex. : « Elle entendit un gitan chanter, et cela lui rappela… »
Ex. : « Quand elle but le verre de limonade, elle se rappela … »
Ex. : « Quand elle vit le livre de l’Odyssée, elle se souvint de… »
8. Fais la description de la dame blanche dans les yeux d’Aïzan (sa silhouette, son regard, son
envol).
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Tu utiliseras au moins une fois dans ton texte les phrases « Le vol déploie lentement le bleu de la
nuit » et « C’est un éclat si grand que la nuit est trouée ».
9. Écris un silence d’Aïzan, un moment où elle rêve les yeux ouverts, immobile.
Tu peux imaginer qu’elle est assise dans la mer pour la première fois, ou dans la cabane au
bord du Paillon.
Tu répèteras : « Tant qu’elle ne bouge pas » au moins trois fois dans ton texte.
10. Compose un poème avec tes phrases coups de cœurs (que tu peux mettre dans l’ordre que
tu veux et dont tu peux prélever les morceaux que tu veux).
Attention : tu n’as droit qu’à utiliser les mots de Maryline Desbiolles.
Tu peux mettre les phrases dans l’ordre que tu veux.
11. Invente les paroles de la chanson du Gitan en utilisant dans ce chant au moins 3 des
phrases suivantes :
« Toi, femme au bandeau »,
« Tes yeux bleus, bleu sombre, comme ce doit être au milieu de l’océan »
« Tes cheveux noirs corbeau que tu domptes d’un bandeau »
« Ta peau couleur de neige sous le soleil d’Ariane »
« Berçant mon infini sur les courbes de tes yeux »
« Femme libre, toujours tu chériras la mer »
Remarque : Tu imagineras que ce chant s’adresse à la mère d’Aïzan (référence à son accent,
à son origine tchétchène, à sa tenue de gondolière, à ses gestes simples, à sa solitude, à ses
cheveux noirs, sa peau blanche, ses yeux clairs, etc.)
Ton texte n’a pas besoin de « rimer ».
Prolongements
Vers l’étude d’une œuvre intégrale : Le roman de Mélusine, roman de chevalerie dont le héros,
Raymondin, acquiert son territoire grâce à Mélusine, la fée qu’il a promis d’épouser. De
même qu’Ariane aide Thésée à tuer le Minotaure, Mélusine aide Raymondin à surmonter son
infortune et à acquérir un vaste territoire ; de même que Thésée trompe la confiance d’Ariane,
Raymondin rompra le serment fait à Mélusine lors de son mariage (rongé par la jalousie, il
Retrouvez Éduscol sur espionnera sa femme un samedi, jour où elle se transforme).
Activité orale :
Lecture à voix haute et
enregistrement numérique
L’activité proposée cible le travail de l’oral, à travers la lecture à voix haute d’une part et la capa-
cité des élèves à s’exprimer et argumenter d’autre part. Elle utilise les outils numériques pour
faire travailler l’oral aux élèves, dans la classe ou à l’extérieur.
Niveau
• Activité possible dès la classe de cinquième.
• Possibilité d’exploiter la même activité dans les niveaux supérieurs, en augmentant le degré
d’exigence et la complexité des consignes.
Elle est par ailleurs étroitement liée aux compétences de lecture et vise à acquérir une
certaine culture littéraire, en établissant des liens entre les œuvres et les époques :
• s’exprimer de façon maîtrisée en s’adressant à un auditoire ;
• exploiter les ressources expressives et créatives de la parole ;
• lire des œuvres littéraires ;
• élaborer une interprétation des textes littéraires ;
• établir des liens entre des productions littéraires issues de diverses cultures et époques.
Domaines 1, 2 et 5 du socle.
L’activité peut être réalisée en classe (séances par groupes, travail par îlots, etc.) ou en
autonomie (travail à la maison, CDI, etc.). Les élèves, seuls ou en binômes, s’enregistrent
sur un dictaphone numérique ou plus simplement sur un téléphone portable : le professeur
s’assure de la compatibilité du fichier final avec d’autres supports de lecture.
L’enregistrement sonore du travail des élèves revêt une importance didactique. Contrairement
à une lecture à voix haute réalisée directement face au groupe classe, l’élève découvre un
mode de communication différé qui lui permet de mieux prendre en compte son destinataire.
L’enregistreur numérique offre à l’élève la possibilité de s’écouter. Ce faisant, il change de
posture et devient son propre auditeur, dans une démarche de qualité. En cas de doutes ou
d’erreurs, l’élève peut aisément recommencer, favorisant une mise à distance de soi et le
développement d’un esprit critique sur le travail réalisé.
Les premiers essais font rapidement percevoir aux élèves que la situation du passage et les
justifications, si elles sont pré-écrites et lues, doivent porter une intention spécifique qui les
rapprochent d’un oral improvisé pour l’auditeur. Contrairement à l’extrait littéraire, ce sont
des moments de discours qui nécessitent une éloquence spécifique et un dynamisme pour
convaincre. De même, les élèves découvrent rapidement l’importance de projeter la lecture et
le discours qui l’accompagne vers un destinataire imaginaire pour convaincre. Enfin, les élèves
font l’expérience de deux formes de langage, l’une discursive avec une parole personnelle
cherchant à convaincre, l’autre poétique à travers la lecture à voix haute d’un texte littéraire.
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L’activité permet à l’élève de travailler progressivement une prise de parole continue, à la fois
structurée et exigeante.
Évaluation et prolongements
Inspirée des propositions didactiques en langue vivante où l’enregistrement sonore est
fréquent et de celles de l’éducation physique et sportive où l’usage de la vidéo permet aux
élèves de développer un esprit critique et de corriger leurs propositions, cette activité offre
dans le cadre du cours de français la possibilité de travailler efficacement, régulièrement et
facilement l’oral avec ses élèves.
Dans le cadre d’une évaluation, l’enregistrement permet également de proposer des critères
objectifs et de les expliciter plus aisément en classe. Il offre en outre l’avantage de constituer
des « copies d’oral », plus faciles à évaluer qu’une situation d’oral présentée en cours. Il
renforce une démarche active de la part des élèves, seuls à décider quand l’enregistrement
semble conforme aux critères énoncés. Certains élèves peuvent par exemple vouloir utiliser
à la maison un logiciel gratuit de montage sonore afin de mettre en scène leur lecture à voix
haute en l’agrémentant d’effets spécifiques.
À l’issue de cette activité, les fichiers produits peuvent devenir une version sonore d’un carnet
de lecture que l’élève intègrera dans son espace sur FOLIOS. Il pourra ainsi au fil des années,
garder la trace de ses lectures et de son parcours de lecteur.
Un travail d’oralisation de lettres de poilus a par exemple été mené par deux professeurs de
l’académie de Nancy-Metz, en français et éducation musicale, présenté lors du Rendez-vous
des lettres en 2014 (Présentation d’une action pédagogique : oralisation et accompagnement
musical d’une lettre de poilu.
Dramatisation du conflit
Corneille, Le Cid, Acte III scène 6
Molière, L’Avare, Acte 1 scène 4000, Les Femmes savantes, I, 1
Musset, Il ne faut jurer de rien, Acte I scène 1
H. De Montherlant, La reine morte, Acte I, tableau 1, scène 3
Anouilh, Antigone (scène entre Antigone et Créon)
Victor Hugo, Ruy Blas, I, 2
Albert Camus, Les Justes, II
Parias
Médée
Hugo, L’homme qui rit
Mary Shelley, Frankenstein
R. L. Stevenson, Docteur Jekyll et mister Hyde
Bram Stoker, Dracula
Jeff Nicols, Mud
Quelles conciliations ?
Gurinder Chadha, Joue-la comme Beckham (la figure paternelle)
Marivaux, Le jeu de l’amour et du hasard (II L’esquive), L’île des esclaves
Groupement de textes :
Dramatisation du conflit.
Un contre tous et tous contre un !
On considère souvent qu’au théâtre la parole est une action dont le moteur est le conflit. Il
peut porter sur des sentiments ou sur des idées, relever des domaines privé ou public. Les six
extraits proposés sont donc des scènes dramatiques où les conflits reposent sur des oppositions
de valeurs, qu’elles soient liées à des conflits générationnels ou philosophiques. La modernité
de ces confrontations pourra faire écho aux préoccupations des élèves, tout en leur apportant le
recul de l’histoire littéraire.
Problématiques
Peut-on considérer que le conflit est l’essence de l’action théâtrale ?
Objectifs d’apprentissage
Participer de façon constructive à des échanges oraux :
• interagir avec autrui dans un échange, une conversation, une situation de recherche ;
• connaissance des codes de la conversation en situation publique, des usages de la politesse ;
• participer à un débat, exprimer une opinion argumentée et prendre en compte son interlocuteur ;
• connaissance de techniques argumentatives ;
• animer et arbitrer un débat.
« Concours d’éloquence ». La classe est divisée en groupes (un nombre pair de groupes est
impératif). Chaque groupe d’élèves tire au sort un sujet et le point de vue qu’il devra défendre.
La classe dispose de 10 minutes pour préparer ses arguments. Ensuite, chaque groupe
désigne son représentant et le concours commence. Penser à attribuer un rôle d’arbitre lors
de chaque débat.
Sujet 1 : Il y a des métiers pour les hommes et d’autres pour les femmes.
Sujet 2 : L’argent ne fait pas le bonheur.
Sujet 3 : Le travail est essentiel au bonheur.
Sujet 4 : L’amitié entre un garçon et une fille n’existe pas.
Sujet 5 : Pour ou contre le retour de l’uniforme dans les collèges.
Extraits étudiés
Texte 1 : Le Cid, Pierre Corneille, Acte III scène 6, vers 1-55
Rodrigue et Chimène s’aiment, mais parce que Rodrigue a obéi à son père et vengé son honneur
bafoué par le père de Chimène, leurs amours sont compris. Chimène crie vengeance, ne veut pas
pardonner à Rodrigue fusse en lui arrachant la vie. Rodrigue est malheureux et appelle la mort de
tous ses vœux, ce qui n’est pas du goût de son père. Scène de conflit père-fils mais surtout scène
où deux système de valeurs se confrontent : mourir d’amour ou mourir l’épée à la main, amour ou
honneur, qu’est-ce qui est le plus important ?
Le passage se termine sur les mots de Stepan « Rien n’est défendu de ce qui peut servir notre
cause. »
Activités
Le débat sur les forums Internet : observer, analyser, réguler pour participer
Choisir un forum de discussion en ligne et observer les échanges.
Quel intérêt peut-on trouver à ces échanges virtuels ? À quels risques s’expose-t-on ?
Si l’établissement dispose d’un Espace Numérique de Travail ayant un forum, proposer des
sujets de discussion en lien avec le cours pour mettre en pratique la charte de bon usage.
Ressources en ligne
Michèle Sillam, « D’où vient la certitude que les enfants adhèrent et s’intéressent vraiment à la
réflexion que vous leur proposez ? », Lire au collège, n°90, printemps 2012. Lire l’article.
Dominique Sénore, « Un atelier philo en collège », Diotime, n°24, janvier 2005. Lire l’article.
La discussion à visée philosophique (DVP), ressource Eduscl produite dans le cadre de l’EMC :
accéder à la ressource.
Prolongements et croisements
En français
Lire Le Visiteur d’Éric-Emmanuel Schmitt : cette pièce met en scène Freud et un élégant
visiteur ; elle ménage suspense et rebondissements dans une intrigue policière. Elle permet
surtout des scènes de confrontation abordant des questions telles le conflit entre raison et
intuition, la place de l’homme dans le monde, etc.
Proposer une recherche sur le site.tv via Eduthèque ; mot clé : « théâtre » ; parmi les
propositions, on pourra au choix demander aux élèves de s’intéresser à « La Danse des
brutes » (réflexion sur la cour de récréation comme scène de conflits et sur les moyens de
lutter) ; ou « Pleins feux sur la critique » qui permet de suivre le travail de mise en scène de
S. Eine sur la pièce de Molière Les Femmes savantes.
En interdisciplinarité
À partir d’une vidéo, faire écrire les élèves sur « La liberté d’expression » : travail à mener en
collaboration avec le professeur d’histoire-géographie, dans le cadre de l’EMC.
Demander aux élèves d’écrire ce qu’évoquent les mots « liberté d’expression » pour eux.
Problématiques possibles
Quelles différentes conceptions de l’héroïsme Corneille développe-t-il dans cette pièce à
travers les protagonistes principaux ?
Quelles différentes images des femmes sont-elles données à travers les personnages
tourmentés de Sabine et de Camille ?
Objectifs d’apprentissage
La pièce de Corneille permet d’étudier :
• le genre théâtral : la tragédie (en particulier dilemme et structure de la pièce) ;
• l’opposition d’un système de valeurs considérées comme intangibles (la prééminence ab-
solue de l’État, avec Horace) à la sensibilité tourmentée de certains personnages (Camille,
Sabine) ; mais aussi la confrontation d’au moins deux formes de patriotisme (le patriotisme
d’Horace, le fanatisme du Vieil Horace) ;
• la mise en valeur de formes antagonistes d’héroïsme par l’alexandrin.
Pour les élèves, le cours met en place une réflexion sur les valeurs morales qui accompagne la
découverte du texte littéraire.
Mais l’oral ne peut se construire sans s’appuyer sur des compétences de lecture,
d’interprétation du texte littéraire, d’écriture et de langue :
• recourir à des stratégies de lecture diverses (éléments de cohérence interne, références
culturelles, inférences lexicales) ;
• situer les œuvres dans leur contexte historique et culturel ;
• formuler des impressions de lecture, percevoir un effet esthétique ;
• utiliser l’écrit pour penser et pour apprendre (rédaction d’un carnet de mise en scène, traces
écrites, commentaires de certaines scènes sous la forme de gloses) ;
• prendre en compte la prosodie dans le passage de l’écrit à l’oralisation du texte théâtral
(travail de lecture, de diction) ;
• analyse du sens des mots et mise en réseau (préparation à la lecture) ;
• principaux emplois des différents modes (particulièrement le subjonctif) ;
• repérage et interprétation des marques de modalisation.
Accompagnement de la lecture
Précéder la lecture d’éléments de connaissance et de contextualisation
Lecture du texte de Tite-Live, Histoire romaine, I 22-25 : accéder au texte en français ; au texte
latin ; au texte en version bilingue.
Entrée en séquence
Entrée par l’image : lecture du tableau de Jacques-Louis David, Le serment des Horaces.
Analyse du tableau
Entrée par l’oral : échange autour de la notion d’honneur : quelles définitions des élèves,
quelles représentations ? On peut partir différentes citations extraites du Dictionnaire des idées
reçues de Flaubert, des Maximes et pensées de Chamfort (131).
Extraits à étudier
Les figures de l’héroïsme :
• La tirade initiale de Sabine (I, 25- 60)
• II, 3 : v 423-513 (dialogue entre Horace et Curiace : le cœur ou le devoir)
• III, 6 v 1021-1034 (le Vieil Horace en colère contre son fils qu’il préfère mort plutôt que
vaincu) + IV, 2 : v 1101–1148 (le récit de Valère : Horace victorieux, le fiancé de Camille mort, le
vieil Horace dans l’allégresse)
• IV, 5 : v 1277-1322 (la douleur de Camille, la rage d’Horace, Horace tue Camille)
Études transversales
I. Le théâtre
Les personnages
• Les personnages féminins :
Sabine l’épouse ou la sœur qui ne parvient pas à choisir entre les liens du cœur et ceux de l’État.
Camille, le choix du cœur, une liberté chèrement payée.
• Les personnages masculins :
Horace : le héros respectueux des valeurs morales et religieuses, le devoir avant tout et à tout prix.
Curiace : le devoir malgré soi et l’indignation devant la cruauté morale.
Le Vieil Horace : une morale inhumaine.
La structure de la pièce
• Actes I à III : montée dramatique (de la guerre entre cités à la lutte fratricide).
• Acte IV : résolution violente du conflit entre l’honneur et la passion (le meurtre de Camille).
• Acte V : une forme d’apaisement grâce à un dénouement politique (le procès).
La tragédie et le tragique
• Bref rappel des sources grecques de la tragédie
Analyser pour comprendre la définition d’Aristote (IVe siècle avant J.C.), Poétique : « C’est
une imitation faite par des personnages en action et non par le moyen de la narration et qui,
par l’entremise de la pitié et de la crainte accomplit la purgation des émotions de ce genre ».
Introduire la notion de catharsis.
Et comparer avec la définition que donnera Racine dans la préface de Bérénice (1670) : « Il
suffit que l’action en soit grande, que les acteurs en soient héroïques, que les passions y soient
excitées, et que tout s’y ressente de cette tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la
tragédie. »
• Distinguer la tragédie comme genre littéraire codifié à l’âge classique et une situation
tragique.
Faire réfléchir à cette opposition intéressante : « Le patriotisme, c’est aimer son pays. Le
nationalisme, c’est détester celui des autres. » (Général De Gaulle)
La contextualisation de ces notions (XVIIe siècle avec la guerre de Trente ans, questionnement
sur l’époque contemporaine) bénéficierait de l’éclairage du professeur d’histoire.
• L’autorité paternelle absolue : un patriarcat encore très vivace (héritage du pater familias)
dont on retrouve de nombreux exemples dans les comédies de Molière à la même époque.
• L’autorité du roi : le roi Tulle sauve Horace, pourtant isolé par les drames qu’il a suscités
sans le moindre remords.
Un jugement tel que « Ta vertu met ta gloire au-dessus de ton crime » (v 1760) montre que le
roi Tulle réunit à la fois le pouvoir politique, le pouvoir judiciaire et un magistère moral.
Au choix : un texte enregistré éclaire les choix de mise en scène, ou la « voix intérieure » des
personnages éclaire leurs paroles, leurs actions, leurs gestes.
• Constitution d’un florilège de vers par les élèves, amenés à justifier leur choix.
• Une sélection de vers par le professeur est mise en débat : quelles valeurs morales sont
exprimées ? comment les élèves les perçoivent-ils ? à qui s’identifient-ils ?
Prolongements et croisements
En français :
Vers un groupement de textes sur l’expression du dilemme
Titre : « Prise de tête ! »
Corpus (environ 4 textes ou documents à choisir parmi les suivants) : Corneille, (Le Cid, I,6,
« Les stances de Rodrigue »), Madame de Lafayette (La Princesse de Clèves, II, « Madame la
Dauphine était assise sur le lit… n’attendit point sa réponse »), Victor Hugo (Les Misérables, I,
VII, 3, « Tempête sous un crâne »), Stendhal (Le Rouge et le Noir, XIX, « Penser fait souffrir »),
Guy de Maupassant (Pierre et Jean, VIII, « Et longtemps il médita… que plus tard il restituerait
aux indigents »).
Préparer et jouer le procès de Camille (ou rejouer le procès d’Horace) selon le principe de la
simulation globale.
Chaque élève doit avoir un rôle : avocat, procureur, juré, témoin, journaliste, président,
assesseurs, etc. Les élèves identifient le rôle de chaque acteur, préparent leur rôle (ni lecture,
ni par cœur), et tiennent le procès.
Problématiques
En quoi le conflit qui oppose le maître et le valet est-il le bon moyen pour transformer le cœur
des personnages ?
Objectifs d’apprentissage :
La pièce de Marivaux permet d’étudier :
• le genre théâtral, la comédie ;
• les valeurs morales individuelles qui construisent la vie en société ;
• la critique, sur le mode utopique, de la société du XVIIIe siècle.
Pour les élèves, le cours met en place une pédagogie en action des valeurs morales qui
accompagne la découverte du texte littéraire.
Accompagnement à la lecture
Un livre audio pour accompagner la lecture
Les didascalies sont lues, la diction est lente et articulée, ce qui permet à l’élève de lire en
même temps qu’il écoute la lecture.
Extraits étudiés
• Scène I, intégrale (L’exposition).
• Scène III, extrait : Trivelin, à part, à Euphrosine : « Il faut que ceci ait cours… » jusqu’à Trive-
lin, à Euphrosine : « En vérité, elle a raison.» (La comédie pour corriger les ridicules).
• Scène IX, extrait : du début de la scène à Iphicrate : « … je ne méritais pas d’être ton maître. »
(La résolution du conflit).
Études transversales
Le théâtre
Les personnages
• Iphicrate et les esclaves : la Grèce antique « Vous parlez la langue d’Athènes » (scène I).
• Les personnages de la comédie italienne du XVIIe et XVIIIe siècles : Arlequin, Marivaux, l’hé-
ritage de la Commedia dell’arte.
• Maître et valet : un duo conflictuel (et peut-être complémentaire aussi ?).
• Le valet traditionnel : insolent, buveur, moqueur, persifleur, contestataire.
• Les personnages féminins : du stéréotype à l’humanisation.
Le renversement de situation
L’inversion des rôles, la prise de pouvoir contre la domination, le changement de nom et de
costume.
La comédie et le comique
• La mise en abyme : plaire et instruire en instruisant les maîtres dans la pièce (scènes I et II),
dénoncer le jeu des masques et des apparences par l’illusion théâtrale.
• Peindre le portrait de la coquette (scène IV).
• Parodier le discours amoureux (scène VI).
L’utopie
• L’île, espace de la représentation de la société (variation sur les îles Fortunées), espace de la
scène.
• L’inversion des rapports entre le maître et le valet : un miroir « expérimental » de la société.
• Les limites de l’utopie : le miroir tendu aux maîtres est une épreuve qui vise à corriger leurs
défauts et non à repenser l’organisation sociale.
Activités d’oral
• Dossier sonore de mise en scène : réaliser quelques photos pour illustrer différentes scènes
et enregistrer la justification des choix effectués (costumes, attitudes…).
• Débat : la conciliation, qui repose sur l’amélioration de chacun, est-elle possible ?
• Jeux de rôles : jouer différentes scènes de conciliation à partir de sujets quotidiens ; conflits
ordinaires, médiations par les pairs (protocole et outils de médiation)
Prolongements et croisements
En français
• La pièce peut également être étudiée en 3ème, en développant la visée satirique et morale.
• Vers un groupement de textes sur les portraits-charge et les caricatures féminines :
Titre : « Ces clichés qui ont la vie dure »
Corpus (environ 4 textes ou documents à choisir parmi les suivants) :
La Bruyère (Les Caractères, « Des femmes »), Molière (Les Précieuses ridicules), Montesquieu
(Les Lettres persanes, lettre LII sur le refus de vieillir et lettre XCIX « Les caprices de la
mode »), Marivaux (L’île des esclaves,3), Balzac (La Cousine Bette, chapitre 9 « Un caractère
de vieille fille »), Grandville (femmes-fleurs, femmes-animaux), Daumier (« La femme en
crinoline », « Les femmes socialistes »), caricatures de suffragettes, caricatures d’Edith
Cresson, Claire Bretécher (Agrippine), Gaby et Dzack (Les blondes), caricatures parues lors de
la Journée de la femme 2015, etc.
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Activité orale :
Théâtre & Roman photo
Niveau
Activité possible dès la classe de quatrième.
Les élèves lisent attentivement le texte. Ils déterminent collectivement l’enjeu dramatique de
leur passage, en indiquant par exemple ce qu’apporte la scène à l’intrigue, les motivations des
personnages, leurs objectifs, etc. Les élèves relèvent également quatre très courtes répliques
(ou extraits) qu’ils jugent essentielles à la scène.
Toutes les prises de vue doivent être prises à l’intérieur de l’établissement scolaire. On impose
par ailleurs un format en noir et blanc afin de faciliter les raccords entre les images dans le
diaporama et de mieux mettre à distance les lieux. Les élèves réfléchissent ainsi aux endroits
possibles pour implanter leur scène, à la structuration du diaporama (répartition entre images
et textes), aux effets à donner à l’image pour renforcer un enjeu dramatique, etc.
À l’issue de cette phase, les élèves ont réalisé un story-board, décrivant précisément leurs huit
clichés et les quatre encarts de texte.
Les groupes passent ensuite à la réalisation définitive des clichés photographiques, dans un
temps contraint et dans un souci d’exigence.
Si plusieurs groupes ont travaillé sur la même scène, on présente en classe les différentes
façons d’aborder le texte et l’on compare les manières d’en faire ressortir les enjeux. À
l’inverse, si tous les groupes ont travaillé sur une scène différente d’une même pièce, la
diffusion cumulée donnera l’illusion d’une transposition en image de l’œuvre étudiée. Dans
tous les cas, le professeur demande à chaque groupe d’expliciter oralement ses choix au reste
de la classe.
L’activité inscrit l’élève dans une démarche collective de projet à court terme. Il permet
de travailler de façon active sur la lecture d’une scène de théâtre par l’intermédiaire de
compétences orales.
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Farces et comédies
Farces médiévales : La farce du cuvier...
Molière : Le Bourgeois gentilhomme, Les Précieuses ridicules, etc.
Georges Feydeau : Feu la mère de madame, Mais n’te promène donc pas toute nue, On purge bébé
Georges Courteline : La peur des coups, Les Boulingrin
Jules Romains, Knock
Eugène Ionesco : La Cantatrice chauve, La leçon
Faire évoluer la société par le rire : des comédies pour toucher la société
Marivaux, L’île des esclaves
Mark Herman, Les Virtuoses
Peter Cattaneo, The Full Monty
Eric Toledano, Intouchables
Le regard de l’étranger
Amélie Nothomb, Stupeur et tremblements
Montesquieu, Les Lettres persanes
Voltaire : Micromégas, L’Ingénu
Groupement de textes :
faire rire à ses dépens.
Quand la satire est servie par la parole
des personnages
Corpus
• Molière, Le Misanthrope, 1666.
• Montesquieu, Lettres Persanes, 1721.
• Alfred de Musset, On ne badine pas avec l’amour, 1834.
• Albert Cohen, Belle du Seigneur, 1968.
Ce corpus présente des extraits de pièces de théâtre et de romans d’auteurs du XVIIe, XVIIIe,
XIXe et XXe siècles. Ces textes, axés sur le comique de caractère, montrent comment les person-
nages se discréditent par leurs propres paroles, qu’il s’agisse d’une conversation mondaine où la
véritable cible de la satire est le personnage médisant, d’échanges secrets de « beaux esprits »
incapables de spontanéité, d’un monologue ridiculisant un glouton par le décalage entre la situa-
tion triviale et le langage employé, ou de paroles rapportées aux styles direct et indirect libre
faisant émerger tout le cocasse d’une situation romanesque.
Texte 1
Alors qu’Alceste dénonce l’hypocrisie qui règne à la cour, il s’est épris de Célimène, une coquette
à « l’esprit médisant » (v.219), la préférant à sa cousine, « la sincère Éliante » (v. 215). Philinte,
son ami, s’étonne de ce choix.
Dans la scène 4 de l’Acte II, deux marquis, Acaste et Clitandre, accompagnés d’Éliante et
Philinte, rendent visite à Célimène, interrompant son tête-à-tête avec Alceste. La conversation
de salon prend le ton de la satire. La langue de Célimène se délie, encouragée par les
marquis, pour brosser le portrait cinglant de quelques personnages de cour. Mais à travers
ces portraits-épigrammes, c’est davantage le caractère médisant de la jeune veuve qui est
dénoncé que les travers de ses contemporains.
CÉLIMÈNE
Dans le monde, à vrai dire, il se barbouille fort,
Partout il porte un air qui saute aux yeux d’abord ;
Et lorsqu’on le revoit après. un peu d’absence,
On le retrouve encor plus plein d’extravagance.
ACASTE
Parbleu ! s’il faut parler de gens extravagants,
Je viens d’en essuyer un des plus fatigants :
Damon, le raisonneur, qui m’a, ne vous déplaise,
Une heure, au grand soleil, tenu hors de ma chaise.
CÉLIMÈNE
C’est un parleur étrange, et qui trouve toujours
L’art de ne vous rien dire avec de grands discours ;
Dans les propos qu’il tient, on ne voit jamais goutte,
Et ce n’est que du bruit que tout ce qu’on écoute.
ÉLIANTE, à Philinte.
Ce début n’est pas mal ; et contre le prochain
La conversation prend un assez bon train.
CLITANDRE
Timante encor, Madame, est un bon caractère.
CÉLIMÈNE
C’est de la tête aux pieds un homme tout mystère,
Qui vous jette en passant un coup d’œil égaré,
Et, sans aucune affaire, est toujours affairé.
Tout ce qu’il vous débite en grimaces abonde ;
À force de façons, il assomme de monde ;
Sans cesse, il a, tout bas, pour rompre l’entretien
Un secret à vous dire, et ce secret n’est rien ;
De la moindre vétille il fait une merveille,
Et jusques au bonjour, il dit tout à l’oreille ;
ACASTE
Et Géralde, Madame ?
CÉLIMÈNE
Ô l’ennuyeux conteur !
Jamais on ne le voit sortir du grand seigneur ;
Dans le brillant commerce il se mêle sans cesse,
Et ne cite jamais que duc, prince ou princesse :
La qualité l’entête ; et tous ses entretiens
Ne sont que de chevaux, d’équipage et de chiens ;
Il tutaye en parlant ceux du plus haut étage,
Et le nom de Monsieur est chez lui hors d’usage.
CLITANDRE
On dit qu’avec Bélise il est du dernier bien.
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CÉLIMÈNE
Le pauvre esprit de femme, et le sec entretien !
Lorsqu’elle vient me voir, je souffre le martyre :
Il faut suer sans cesse à chercher que lui dire,
Et la stérilité de son expression
Fait mourir à tous coups la conversation.
En vain, pour attaquer son stupide silence,
De tous les lieux communs vous prenez l’assistance :
Le beau temps et la pluie, et le froid et le chaud
Sont des fonds qu’avec elle on épuise bientôt.
Cependant sa visite, assez insupportable,
Traîne en une longueur encore épouvantable ;
Et l’on demande l’heure, et l’on bâille vingt fois,
Qu’elle grouille aussi peu qu’une pièce de bois.
ACASTE
Que vous semble d’Adraste ?
CÉLIMÈNE
Ah ! quel orgueil extrême !
C’est un homme gonflé de l’amour de soi-même.
Son mérite jamais n’est content de la cour :
Contre elle il fait métier de pester chaque jour,
Et l’on ne donne emploi, charge ni bénéfice,
Qu’à tout ce qu’il se croit on ne fasse injustice.
CLITANDRE
Mais le jeune Cléon, chez qui vont aujourd’hui
Nos plus honnêtes gens, que dites-vous de lui ?
CÉLIMÈNE
Que de son cuisinier il s’est fait un mérite,
Et que c’est à sa table à qui l’on rend visite.
ÉLIANTE
Il prend soin d’y servir des mets fort délicats.
CÉLIMÈNE
Oui ; mais je voudrois bien qu’il ne s’y servît pas :
C’est un fort méchant plat que sa sotte personne,
Et qui gâte, à mon goût, tous les repas qu’il donne.
PHILINTE
On fait assez de cas de son oncle Damis :
Qu’en dites-vous, Madame ?
CÉLIMÈNE
Il est de mes amis.
PHILINTE
Je le trouve honnête homme, et d’un air assez sage.
CÉLIMÈNE
Oui ; mais il veut avoir trop d’esprit, dont j’enrage ;
Il est guindé sans cesse ; et dans tous ses propos,
On voit qu’il se travaille à dire de bons mots.
Depuis que dans la tête il s’est mis d’être habile,
Rien ne touche son goût, tant il est difficile ;
Il veut voir des défauts à tout ce qu’on écrit,
Et pense que louer n’est pas d’un bel esprit,
Que c’est être savant que trouver à redire,
Qu’il n’appartient qu’aux sots d’admirer et de rire,
Et qu’en n’approuvant rien des ouvrages du temps,
Il se met au-dessus de tous les autres gens ;
Aux conversations même il trouve à reprendre :
Ce sont propos trop bas pour y daigner descendre ;
Et les deux bras croisés, du haut de son esprit
Il regarde en pitié tout ce que chacun dit.
Texte 2
Dans Les Lettres Persanes, roman épistolaire livrant le regard étonné de deux persans sur le
monde occidental, Rica et Ubsek correspondent avec leurs amis restés en Perse. Après un an
passé ensemble - ils sont arrivés en France en juin 1712 -, leurs chemins se séparent.
Rica, régulièrement témoin d’étranges scènes, se plaît à prendre la plume pour conter ses
mésaventures à Usbek. Dans cette missive, il rapporte une conversation, surprise sur le vif,
entre deux « beaux esprits ».
1. Confondu : mêlé.
2. Pêle-mêle : dans un désordre complet.
3. Saillies : traits d’esprit.
4. Parques : trois déesses qui filent et tranchent les fils de la vie humaine (Clotho, Lachésis, Atropos).
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Veux-tu que je te dise ? La réputation de bel esprit coûte bien à soutenir. Je ne sais comment
tu as fait pour y parvenir. - Il me vient dans l’idée une chose, reprit l’autre : travaillons de
concert à nous donner de l’esprit ; associons-nous pour cela. Chaque jour, nous nous dirons
de quoi nous devons parler, et nous nous secourrons si bien que, si quelqu’un vient nous
interrompre au milieu de nos idées, nous l’attirerons nous-mêmes, et s’il ne veut pas venir de
bon gré, nous lui ferons violence. Nous conviendrons des endroits où il faudra approuver, de
ceux où il faudra sourire, des autres où il faudra rire tout à fait et à gorge déployée. Tu verras
que nous donnerons le ton à5 toutes les conversations, et qu’on admirera la vivacité de notre
esprit et le bonheur de nos reparties. Nous nous protégerons par des signes de tête mutuels.
Tu brilleras aujourd’hui ; demain tu seras mon second. J’entrerai avec toi dans une maison,
et je m’écrierai en te montrant : « Il faut que je vous dise une réponse bien plaisante que
Monsieur vient de faire à un homme que nous avons trouvé dans la rue. » Et je me tournerai
vers toi : « Il ne s’y attendait pas ; il a été bien étonné. » Je réciterai quelques-uns de mes vers,
et tu diras : « J’y étais quand il les fit ; c’était dans un souper, et il ne rêva6 pas un moment. »
Souvent même nous nous raillerons7, toi et moi, et l’on dira : « Voyez comme ils s’attaquent,
comme ils se défendent ! Ils ne s’épargnent pas. Voyons comment il sortira de là.
À merveille ! Quelle présence d’esprit ! Voilà une véritable bataille. » Mais on ne dira pas que
nous nous étions escarmouchés8 dès la veille. Il faudra acheter de certains livres qui sont des
recueils de bons mots composés à l’usage de ceux qui n’ont point d’esprit et qui en veulent
contrefaire9 : tout dépend d’avoir des modèles. Je veux qu’avant six mois nous soyons en état
de tenir une conversation d’une heure toute remplie de bons mots. Mais il faudra avoir une
attention : c’est de soutenir leur fortune10. Ce n’est pas assez de dire un bon mot, il faut le
répandre et le semer partout. Sans cela, autant de perdu ; et je t’avoue qu’il n’y a rien de si
désolant que de voir une jolie chose qu’on a dite mourir dans l’oreille d’un sot qui l’entend.
Il est vrai que souvent il y a une compensation, et que nous disons aussi bien des sottises
qui passent incognito ; et c’est la seule chose qui peut nous consoler dans cette occasion.
Voilà, mon cher, le parti qu’il nous faut prendre. Fais ce que je te dirai, et je te promets avant
six mois une place à l’Académie. C’est pour te dire que le travail ne sera pas long, car pour
lors tu pourras renoncer à ton art11 ; tu seras homme d’esprit, malgré que tu en aies12. On
remarque en France que, dès qu’un homme entre dans une compagnie, il prend d’abord ce
qu’on appelle l’esprit du corps13. Tu seras de même, et je ne crains pour toi que l’embarras des
applaudissements ».
Texte 3
Lorsque Perdican, le fils du baron, revient chez lui après des années d’étude, il est accompagné de
Maître Blazius, son gouverneur. Le Baron présente ce dernier à Maître Bridaine, le curé du village.
Mais Bridaine ne digère pas le repas donné en l’honneur du retour de Perdican : lors de celui-ci
Blazius, qu’il considère désormais comme son rival, s’est vu attribuer « la place d’honneur », à la
droite du baron.
Cela est certain, on lui donnera encore aujourd’hui la place d’honneur. Cette chaise
que j’ai occupée si longtemps à la droite du baron sera la proie du gouverneur. ô malheureux
que je suis ! Un âne bâté, un ivrogne sans pudeur, me relègue au bas bout de la table ! Le
majordome lui versera le premier verre de Malaga, et lorsque les plats arriveront à moi, ils
seront à moitié froids, et les meilleurs morceaux déjà avalés ; il ne restera plus autour des
perdreaux ni choux ni carottes. ô sainte Église catholique ! Qu’on lui ait donné cette place
hier, cela se concevait ; il venait d’arriver ; c’était la première fois, depuis nombre d’années,
qu’il s’asseyait à cette table. Dieu ! comme il dévorait ! Non, rien ne me restera que des os et
des pattes de poulet. Je ne souffrirai pas cet affront. Adieu, vénérable fauteuil où je me suis
renversé tant de fois gorgé de mets succulents ! Adieu, bouteilles cachetées, fumet sans pareil
de venaisons cuites à point ! Adieu, table splendide, noble salle à manger, je ne dirai plus le
bénédicité ! Je retourne à ma cure ; on ne me verra pas confondu parmi la foule des convives,
et j’aime mieux, comme César, être le premier au village que le second dans Rome.
Il sort.
Alfred de Musset, On ne badine pas avec l’amour (Acte II scène 2), 1834.
Texte 4
Solal travaille à Genève. Il occupe un poste prestigieux, celui de sous-secrétaire général de la
Société des Nations. Pour faire plaisir à Mangeclous, un excentrique cousin venu lui rendre visite,
il le charge de remettre une lettre à la femme d’Adrien Deume, un jeune fonctionnaire de la SDN.
Ravi de se voir confier cette mission de représentation, Mangeclous s’en va dans la demeure
des Deume. Sa tenue de cérémonie et le cordon honorifique dont il a orné sa poitrine font grand
effet sur Hyppolite Deume, le père d’Adrien, auquel il se présente comme un aristocrate anglais.
Mangeclous lui remet la lettre et prétexte un « goûter par procuration », pour se mettre en quête
de nourriture dans les placards.
Coiffé de son haut-de-forme14, il entra dans la cuisine, suivi de M. Deume auquel il ordonna
de s’asseoir pendant qu’il étudierait les possibilités. Son frac15 ôté pour plus de liberté dans
les mouvements, mais la poitrine toujours barrée du grand cordon de la Légion d’honneur,
il se dirigea vers le frigidaire, essaya de l’ouvrir. M. Deume expliqua aussitôt, non sans gêne,
que son épouse avait fait mettre une serrure et que c’était elle qui gardait la clef. Vraiment, il
regrettait beaucoup. Devinant bien des choses, Mangeclous le réconforta par une tape sur la
joue, dit qu’on se débrouillerait tout de même.
14. Haut-de-forme : Chapeau d’homme en soie, haut et cylindrique, à bord plus ou moins larges.
15. Frac : Habit noir à basques en queue de morue.
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— Ne vous inquiétez pas, mon cher, je vais perquisitionner et j’arriverai à mes fins. J’ai
l’habitude.
Assis, le tourneboulé petit phoque suivit du regard les allées et venues du sifflotant
grand-croix dans ses recherches méthodiques, ouvrant les tiroirs, inspectant les armoires et
annonçant, l’une après l’autre, ses trouvailles. Trois boîtes de sardines ! Une de thon ! Assez
ordinaire comme hors-d’œuvre, mais tant pis ! Un pain entier ! Des biscuits à la noix de coco !
Un pot de confiture ! Une boîte de tripes à la milanaise ! Une de cassoulet !
Quelle aventure, pensait M. Deume. Evidemment, les Anglais nobles et riches étaient
tous des excentriques , il l’avait toujours entendu dire. Excentrique, ce monsieur, d’accord,
mais en tous cas important, ça se voyait, son genre, sa manière de parler, et puis la même
décoration que le président de la République. Donc, le laisser faire, ne pas le fâcher, d’autant
que ça pourrait faire tort à Didi. Oh là là, c’était l’émotion sûrement.
— Ze m’excuse, milord , ze reviens dans quelques minutes.
— Allez, mon cher, prenez tout votre temps. En attendant, je mettrai à chauffer les tripes et le
cassoulet.
En ce qu’il appelait le petit endroit, M. Deume méditait. Vraiment, quelle aventure. Original,
bien sûr, mais gentil aussi tout de même, prenant les choses du bon côté, voulant aider. Et
pourtant, un monsieur de la haute, fier et en même temps pas fier, vous mettant à l’aise. Il
n’aurait quand même pas pensé qu’un lord anglais saurait s’occuper de tripes et de cassoulet,
et puis de chercher partout dans les armoires, et de bonne humeur encore. Ces Anglais tout
de même. Un goûter avec des conserves, c’était quand même drôle. Enfin, c’était vrai que
les Anglais aimaient bien les petits déjeuners copieux, c’était peut-être la même chose pour
les goûters. Un goûter par procuration , drôle aussi, mais évidemment c’était vrai que c’était
connu que les grands personnages se faisaient représenter aux enterrements, aux mariages,
aux banquets, il l’avait souvent lu dans le journal. N’empêche, ce monsieur aurait mieux fait
de venir hier soir pour la chose de la procuration, il aurait trouvé tout prêt, pas à l’improviste
comme aujourd’hui. (…) Si au moins Antoinette avait laissé la clef du frigidaire, il aurait
proposé à ce monsieur de manger le reste de caviar. Enfin, le laisser faire à son idée, surtout à
cause de Didi .
Albert Cohen, Belle du Seigneur (XXV), 1968
Éditions Gallimard nrf, p.228-229, Saint-Armand, 11 janvier 2003.
Lecture cursive :
Molière, Les précieuses ridicules, 1657.
Genre : comédie en un acte.
Mots clés : satire, préciosité, galanterie, carte de Tendre, romans précieux, mariage, comique
de caractère, naïveté, vanité, duperie.
Groupement de textes :
le pouvoir politique.
Rire de ceux qui nous gouvernent
Corpus
• La Bruyère, Les Caractères, « De la cour », 19, 1688
• Montesquieu, Les Lettres persanes, lettre 37, 1721
• Jonathan Swift, Voyages de Gulliver, quatrième partie, « Voyage chez les Houyhnhnms »,
chapitre 6, 1721
• Victor Hugo, Les Châtiments, Livre III, « Fable ou histoire », 1852
• Alfred Jarry, Ubu roi, III,2, 1896
Le corpus présente des œuvres des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles de différents genres : étude des
caractères et des mœurs, roman, poésie, théâtre. Tous ont une visée satirique et dénoncent les
dysfonctionnements du pouvoir politique en jetant le discrédit sur ceux qui gouvernent. L’am-
plitude des registres, du comique au burlesque, et les effets de grossissement de la caricature
retiennent l’attention du lecteur, qui se divertit en prenant une revanche sur la réalité. On peut
ainsi s’interroger sur les limites de la satire comme littérature de l’engagement. Aujourd’hui la
parole satirique occupe essentiellement la presse qui donne une large place au dessin, langage
universel de communication pour commenter une actualité mondialisée.
Texte 1
Auteur classique et moraliste du XVIIe siècle, La Bruyère dépeint dans Les Caractères les
mœurs de ses contemporains. Ainsi l’auteur déplore l’absence de mérite personnel des politiques,
mauvais conseillers du roi. Le chapitre « De la cour » consacré aux courtisans de Louis XIV offre
une galerie des ridicules à travers des portraits satiriques comme ceux de Cimon et Clitandre,
ministres toujours en mouvement, ambitieux et incapables.
Ne croirait-on pas de Cimon et de Clitandre qu’ils sont seuls chargés des détails de tout
l’État, et que seuls aussi ils en doivent répondre ? L’un a du moins les affaires de terre, et
l’autre les maritimes. Qui pourrait les représenter exprimerait l’empressement, l’inquiétude,
la curiosité, l’activité, saurait peindre le mouvement. On ne les a jamais vus assis, jamais
fixes et arrêtés : qui même les a vus marcher ? on les voit courir, parler en courant, et
vous interroger sans attendre de réponse. Ils ne viennent d’aucun endroit, ils ne vont nulle
part : ils passent et ils repassent. Ne les retardez pas dans leur course précipitée, vous
démonteriez leur machine ; ne leur faites pas de questions, ou donnez-leur du moins le
temps de respirer et de se ressouvenir qu’ils n’ont nulle affaire, qu’ils peuvent demeurer
avec vous et longtemps, vous suivre même où il vous plaira de les emmener. Ils ne sont pas
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les Satellites de Jupiter, je veux dire ceux qui pressent et qui entourent le prince, mais ils
l’annoncent et le précèdent ; ils se lancent impétueusement dans la foule des courtisans ;
tout ce qui se trouve sur leur passage est en péril. Leur profession est d’être vus et revus,
et ils ne se couchent jamais sans s’être acquittés d’un emploi si sérieux et si utile à la
république. Ils sont au reste instruits à fond de toutes les nouvelles indifférentes, et ils savent
à la cour tout ce que l’on peut y ignorer ; il ne leur manque aucun des talents nécessaires
pour s’avancer médiocrement. Gens néanmoins éveillés et alertes sur tout ce qu’ils croient
leur convenir, un peu entreprenants, légers et précipités. Le dirai-je ? ils portent au vent,
attelés tous deux au char de la Fortune, et tous deux fort éloignés de s’y voir assis.
La Bruyère, Les Caractères, « De la cour », 19, 1688
Texte 2
Usbek est un voyageur persan, il séjourne à Paris et correspond avec son ami Ibben resté à
Smyrne (aujourd’hui Izmir en Turquie). La fiction du roman par lettres permet à Montesquieu
de tenir des propos critiques grâce au regard étranger qui se veut naïf. Dans la lettre 37, Usbek
compare le gouvernement de Louis XIV avec celui du sultan qui lui est familier, faisant ressortir
toutes les incohérences de la monarchie française. Sa liberté de ton compose une satire mordante
du roi.
Usbek à Ibben
À Smyrne.
Le roi de France est vieux. Nous n’avons point d’exemple dans nos histoires d’un
monarque qui ait si longtemps régné. On dit qu’il possède à un très haut degré le talent de
se faire obéir : il gouverne avec le même génie sa famille, sa cour, son état : on lui a souvent
entendu dire que, de tous les gouvernements du monde, celui des Turcs, ou celui de notre
auguste sultan, lui plairait le mieux ; tant il fait cas de la politique orientale !
J’ai étudié son caractère, et j’y ai trouvé des contradictions qu’il m’est impossible de
résoudre : par exemple, il a un ministre qui n’a que dix-huit ans, et une maîtresse qui en a
quatre-vingts : il aime sa religion, et il ne peut souffrir ceux qui disent qu’il la faut observer à la
rigueur : quoiqu’il fuie le tumulte des villes, et qu’il se communique peu, il n’est occupé depuis
le matin jusqu’au soir, qu’à faire parler de lui : il aime les trophées et les victoires ; mais il
craint autant de voir un bon général à la tête de ses troupes, qu’il aurait sujet de le craindre à
la tête d’une armée ennemie. Il n’est, je crois, jamais arrivé qu’à lui, d’être, en même temps,
comblé de plus de richesses qu’un prince n’en saurait espérer, et accablé d’une pauvreté qu’un
particulier ne pourrait soutenir.
Il aime à gratifier ceux qui le servent ; mais il paie aussi libéralement les assiduités, ou
plutôt l’oisiveté de ses courtisans, que les campagnes laborieuses de ses capitaines : souvent
il préfère un homme qui le déshabille, ou qui lui donne la serviette lorsqu’il se met à table,
à un autre qui lui prend des villes ou lui gagne des batailles : il ne croit pas que la grandeur
souveraine doive être gênée dans la distribution des grâces ; et, sans examiner si celui qu’il
comble de biens est homme de mérite, il croit que son choix va le rendre tel : aussi lui a-t-on
vu donner une petite pension à un homme qui avait fui deux lieues, et un beau gouvernement à
un autre qui en avait fui quatre.
Il est magnifique, surtout dans ses bâtiments : il y a plus de statues dans les jardins de
son palais que de citoyens dans une grande ville. Sa garde est aussi forte que celle du prince
devant qui tous les trônes se renversent ; ses armées sont aussi nombreuses, ses ressources
aussi grandes, et ses finances aussi inépuisables.
De Paris, le 7 de la lune de Maharran, 1713.
Montesquieu, Les Lettres persanes, lettre 37, 1721
Texte 3
Les voyages de Gulliver est un roman satirique : Gulliver, sujet de la couronne d’Angleterre,
découvre des pays imaginaires dont il décrit les habitants et leurs coutumes. Pour son dernier
voyage, Gulliver arrive chez les Houyhnhnms, chevaux intelligents et sages qui ont asservi les
Yahoos, êtres humains sauvages à l’apparence répugnante. Notre héros, semblable à un Yahoo,
est recueilli par un Houyhnhnm qui devient son maître. Celui-ci s’étonne de son raffinement et
l’interroge sur l’organisation politique de son pays afin d’en comprendre le degré de civilisation.
(Le texte ci-dessous qui vise le ministre Walpole a été censuré en 1726, l’édition de référence est
celle de 1735.)
J’avais déjà eu l’occasion de m’entretenir avec mon maître sur l’art du gouvernement
en général et, en particulier, sur notre excellente Constitution, qui nous vaut l’envie et
l’admiration du monde entier. Mais comme j’avais cette fois parlé accidentellement de
ministres d’Etat, il me demanda un peu plus tard de bien définir les Yahoos que je désignais
sous cette appellation.
Essayons d’en dépeindre un : il s’agit d’un homme complètement insensible à la
joie comme à la peine, à l’amour comme à la haine, à la pitié comme à la colère, bref, qui ne
possède aucune autre passion qu’un violent désir de richesse, de pouvoir, de titres. Il se sert
donc de sa parole de toutes les manières possibles, sauf pour révéler sa pensée. Il ne dit
jamais une vérité sans vouloir vous la faire prendre pour un mensonge, ni un mensonge sans
vouloir vous le faire prendre pour une vérité. Ceux dont il parle le plus mal derrière leur dos
sont sûrement les mieux placés pour obtenir de l’avancement, et chaque fois qu’il se met à
faire votre éloge, soit devant les autres, soit à vous-même, vous êtes, dès ce jour, perdu. Mais
ce qui est particulièrement mauvais signe, c’est de recevoir une promesse, surtout quand elle
est appuyée par un serment. Dans ce cas, un homme raisonnable n’a plus qu’à se retirer, et à
renoncer à toute espérance.
Il y a trois moyens pour un homme d’arriver à être principal ministre. Le premier
est de mettre habilement en jeu une femme, une fille ou une sœur ; le second est de trahir
son prédécesseur ou de saper sa position ; le troisième est de montrer, dans les grandes
assemblées, un zèle furieux contre les corruptions de la Cour. Mais un prince avisé choisira
plutôt son premier ministre parmi ceux qui usent de ce troisième moyen, car c’est cette sorte
de zélateurs qui se montrent toujours les plus obséquieux, les plus servilement dévoués aux
volontés et aux passions de leur maître. Comme ces ministres disposent de tous les postes à
pourvoir, ils se maintiennent au gouvernement en achetant la majorité d’un Sénat, ou Grand
Conseil, ou aussi grâce à un expédient appelé Acte d’Indemnité (j’expliquai à mon maître en
quoi il consistait) ; ils se dispensent ainsi d’avoir à rendre des comptes, et se retirent de la vie
publique, chargés des dépouilles de la nation.
Le palais d’un principal ministre est une pépinière de politiciens comme lui : les
pages, les laquais, les portiers, suivant l’exemple de leur maître, deviennent des ministres
d’État, chacun dans son département, et s’efforcent d’exceller en ces trois matières
principales : insolence, mensonge, corruption. Ainsi chacun d’eux vit-il au milieu d’une cour
subalterne, et leurs courtisans sont des personnes d’un rang très élevé ; parfois même,
à force de dextérité et d’impudence, ils arrivent d’étape en étape à succéder à leur propre
seigneur.
Celui-ci est généralement dominé par une ancienne catin déchue ou un valet favori, qui sont le
canal par où passent toutes les faveurs, et peuvent être, au sens propre, appelés gouvernants
en dernier ressort du Royaume.
Jonathan Swift, Voyages de Gulliver, quatrième partie,
« Voyage chez les Houyhnhnms », chapitre 6, 1721
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Texte 4
Les poèmes du recueil Les Châtiments sont écrits par Victor Hugo à la suite du coup d’État de
1851 par Louis-Napoléon qui deviendra Napoléon III. La colère et l’indignation du poète disent
le scandale de la prise de pouvoir par Napoléon-Le-Petit réduit à la figure grotesque du singe
dans le poème, vil imitateur du modèle mythique que représente Napoléon Ier. La dénonciation
véhémente du « brigand » fait de la parole poétique une parole politique destinée à éveiller les
consciences.
Fable ou histoire
Un jour, maigre et sentant un royal appétit,
Un singe d’une peau de tigre se vêtit.
Le tigre avait été méchant, lui, fut atroce.
Il avait endossé le droit d’être féroce.
Il se mit à grincer des dents, criant : Je suis
Le vainqueur des halliers, le roi sombre des nuits !
Il s’embusqua, brigand des bois, dans les épines
Il entassa l’horreur, le meurtre, les rapines,
Egorgea les passants, dévasta la forêt,
Fit tout ce qu’avait fait la peau qui le couvrait.
Il vivait dans un antre, entouré de carnage.
Chacun, voyant la peau, croyait au personnage.
Il s’écriait, poussant d’affreux rugissements :
Regardez, ma caverne est pleine d’ossements ;
Devant moi tout recule et frémit, tout émigre,
Tout tremble ; admirez-moi, voyez, je suis un tigre !
Les bêtes l’admiraient, et fuyaient à grands pas.
Un belluaire vint, le saisit dans ses bras,
Déchira cette peau comme on déchire un linge,
Mit à nu ce vainqueur, et dit : Tu n’es qu’un singe !
Jersey, le 6 novembre 1852.
Victor Hugo, Les Châtiments, Livre III, 1852
Texte 5
Ubu Roi est une farce bouffonne, proche du théâtre de marionnettes, qui met en scène la prise
du pouvoir par Ubu, personnage caractérisé par la bêtise, la cruauté et l’avarice. Après avoir
assassiné le roi de Pologne et ses deux fils, Ubu installé sur le trône décide de grandes réformes.
La pièce peut se lire comme une satire féroce du pouvoir ou encore une parodie du théâtre à
travers la mise en cause du langage.
LE NOBLE
Cela me suffisait.
PÈRE UBU
Eh bien ! mieux vaut peu que rien. Dans la trappe. Qu’as-tu à pigner, Mère Ubu ?
MÈRE UBU
Tu es trop féroce, Père Ubu.
PÈRE UBU
Eh ! je m’enrichis. Je vais faire lire MA liste de MES biens. Greffier, lisez MA liste de
MES biens.
LE GREFFIER
Comté de Sandomir.
PÈRE UBU
Commence par les principautés, stupide bougre !
LE GREFFIER
Principauté de Podolie, grand-duché de Posen, duché de Courlande, comté de
Sandomir, comté de Vitepsk, palatinat de Polock, margraviat de Thorn.
PÈRE UBU
Et puis après ?
LE GREFFIER
C’est tout.
PÈRE UBU
Comment, c’est tout ! Oh bien alors, en avant les Nobles, et comme je ne finirai pas de
m’enrichir, je vais faire exécuter tous les Nobles, et ainsi j’aurai tous les biens vacants.
Allez, passez les Nobles dans la trappe.
On empile les Nobles dans la trappe.
Dépêchez-vous plus vite, je veux faire des lois maintenant.
PLUSIEURS
On va voir ça.
PÈRE UBU
Je vais d’abord réformer la justice, après quoi nous procéderons aux finances.
PLUSIEURS MAGISTRATS
Nous nous opposons à tout changement.
PÈRE UBU
Merdre. D’abord les magistrats ne seront plus payés.
MAGISTRATS
Et de quoi vivrons-nous ? Nous sommes pauvres.
PÈRE UBU
Vous aurez les amendes que vous prononcerez et les biens des condamnés à mort.
UN MAGISTRAT
Horreur.
DEUXIEME
Infamie.
TROISIEME
Scandale.
QUATRIEME
Indignité.
TOUS
Nous nous refusons à juger dans des conditions pareilles.
PÈRE UBU
A la trappe les magistrats !
Ils se débattent en vain.
MÈRE UBU
Eh ! que fais-tu, Père Ubu ? Qui rendra maintenant la justice ?
PÈRE UBU
Tiens ! moi. Tu verras comme ça marchera bien.
MÈRE UBU
Oui, ce sera du propre.
PÈRE UBU
Allons, tais-toi, bouffresque. Nous allons maintenant, messieurs, procéder aux
finances.
FINANCIERS
Il n’y a rien à changer.
PÈRE UBU
Comment, je veux tout changer, moi. D’abord je veux garder pour moi la moitié des
impôts.
FINANCIERS
Pas gêné.
PÈRE UBU
Messieurs, nous établirons un impôt de dix pour cent sur la propriété, un autre sur le
commerce et l’industrie, et un troisième sur les mariages et un quatrième sur les
décès, de quinze francs chacun.
PREMIER FINANCIER
Mais c’est idiot, Père Ubu.
DEUXIEME FINANCIER
C’est absurde.
TROISIEME FINANCIER
Ca n’a ni queue ni tête.
PÈRE UBU
Vous vous fichez de moi ! Dans la trappe, les financiers !
On enfourne les financiers.
MÈRE UBU
Mais enfin, Père Ubu, quel roi tu fais, tu massacres tout le monde.
PÈRE UBU
Eh merdre !
MÈRE UBU
Plus de justice, plus de finances.
PÈRE UBU
Ne crains rien, ma douce enfant, j’irai moi-même de village en village recueillir les
impôts.
Le dessin de presse
Cartooning for peace est une fondation suisse créée en 2009 avec le soutien des Nations-Unies
à Genève pour sensibiliser aux grands problèmes de société par le dessin de presse. Co-
fondée par des dessinateurs de presse dont Plantu, elle propose des dossiers pédagogiques
téléchargeables. Ils sont classés par thème, par exemple « la guerre », « dessins de presse en
Méditerranée », et par niveau en fonction de l’âge.
Elle est très populaire dans les médias audiovisuels. Créés en 1988, les Guignols ou Guignols
de l’info, sont une parodie du journal télévisé avec des marionnettes qui caricaturent le monde
politique et les célébrités. Les imitateurs et les humoristes (Nicolas Canteloup, Laurent Gerra)
qui se sont emparés de la satire assurent le succès des émissions de grande écoute à la radio
et à la télévision.
Enfin la dérision et le second degré se trouvent abondamment sur le web, voici quelques titres
de journaux satiriques :
• Le Gorafi (satire du Figaro)
• Bakchich
• Urtikan
• Tomimag
• Desinformations.com
Texte support
Jean de la Fontaine, Fables, livre septième, Le Rat qui s’est retiré du monde, 1678.
De source inconnue, cette fable daterait de mai 1675 selon le recueil du manuscrit de l’Arsenal
et viserait des événements contemporains comme la protestation du clergé régulier vis à
vis de sa participation aux dépenses ordinaires et extraordinaires (la guerre de Hollande)
votée par l’assemblée générale du clergé de France. Jean-Pierre Collinet, dans les notes de
son édition en Pléiade, (Gallimard, 1991), suggère également qu’elle viserait, « plutôt que
le clergé français, le peu d’empressement témoigné (…) par les populations des Provinces-
Unies pour contribuer aux dépenses de guerre consécutives à l’invasion de leur pays par la
France en 1672. » Au printemps 1675, s’était également répandue la nouvelle que le Cardinal
de Retz renonçait à sa pourpre cardinalice pour se faire moine, et tous ses ennemis (dont
La Rochefoucauld) voyaient beaucoup de tartufferie dans ces velléités de retraite. Quoi qu’il
en soit, cette fable, héritière de la tradition anticléricale et parée du masque de la fiction
orientale, invite à réfléchir sur l’idéologie qui sous-tend les discours produits et trouve
l’universalité de son propos dans la satire qu’elle fait de l’égoïsme criminel de tous ceux qui se
désintéressent du destin collectif.
• Comprendre les raisons, les visées et les modalités de la satire, les effets d’ironie, de gros-
sissement, de rabaissement ou de déplacement dont elle joue, savoir en apprécier le sel et en
saisir la portée et les limites.
• S’interroger sur la dimension morale et sociale du comique satirique.
Problématique
Les intentions satiriques de Jean de la Fontaine, ici multiples, passent par une critique des
discours qui convie à distinguer le dire du faire. Dans cette fable, où les lisières du texte
invitent à lever le voile du conte oriental, il est question de l’attitude d’un dervis selon une
légende levantine ; mais les derniers vers appellent à réexaminer l’ouverture faussement
référentielle de la fable et le jeu infini des discours rapportés.
Objectifs d’apprentissage
La pratique de l’oral est la dominante de ces activités qui sont par ailleurs en lien avec le
travail des compétences de lecture, d’écriture, d’interprétation du texte littéraire et avec le
travail de la langue.
Il s’agit de conduire les élèves à entrer dans le genre codifié de la fable et de la satire en
identifiant la polyphonie des discours et en mesurant les enjeux d’une ironie qui ne cesse de
mettre en relief ce qu’elle feint de minimiser.
Les élèves peuvent être amenés à produire une intervention orale continue exposant les
résultats d’une recherche sur le sens de la fable et défendant un point de vue de façon
argumentée.
Ils apprennent également à tirer profit de l’analyse des différentes voix, des rythmes et des
sonorités qui s’y font entendre; ils apprennent à s’appuyer efficacement sur une préparation, à
s’engager dans une lecture à haute voix de manière claire et intelligible, à dire de mémoire un
texte littéraire.
La satire des députés est celle du discours-type de diplomates qui s’expriment de façon
sinueuse. Enjambements et variations de mètre l’attestent, tout comme le vocabulaire
utilisé : ce discours est à la fois vague ou minimisant (« quelque aumône légère », « en terre
étrangère », « quelque secours ») et insistant, puisqu’il s’allie à l’emphase (« sans argent »,
« l’état indigent de la République ») et au sublime (« Ratopolis »).
Partout présent, le fabuliste reste cependant également en retrait. Il l’est d’abord grâce au
masque de la fiction orientale rendue possible par l’invention des Levantins et du dervis,
d’ailleurs redoublé par celui d’une nouvelle religion : « ermite nouveau », le rat devient un
« nouveau Saint ». Il persiste ensuite dans ce retrait grâce au jeu des discours indirects libres
faisant entendre le rat et les députés. Il le demeure enfin à travers trois litotes présentes au
sein la fable. Elles révèlent l’habileté des détours diplomatiques venus réclamer « quelque
aumône légère, quelque secours », celle du discours religieux espérant « quelque souci »,
et de celle du fabuliste qui prend la posture de l’honnête homme « je suppose ». Si le rat,
vainqueur sur le plan de l’énoncé, reste maître de fermer sa porte, le fabuliste, maître de
l’humour, ferme sa fable en laissant au lecteur le soin de déduire ce qui peut l’être.
Étude d’illustrations
Des activités peuvent également être menées à partir d’illustrations (gravures et peintures
disponibles sur le net ou bien dans les manuels) ; demander aux élèves, de comparer ces
illustrations, d’en élire certaines et de les présenter à la classe en justifiant leurs choix.
Travail du volume
Diction, projection de la parole, timbre et portée de la voix. Identification et mise en voix des
sonorités expressives. Lecture à haute voix de manière claire et intelligible.
On peut notamment se concentrer sur les vers 1 à 12 et étudier la virtuosité significative des
allitérations en d, l, r et des assonances en a, i, in, en.
Travail du débit
Articulation, correction de la prononciation, liaisons, - e muets, accentuation, respect du
rythme des alexandrins et des octosyllabes, enjambements.
On peut notamment se concentrer sur les vers 13 à 31 qui retracent l’arrivée des mendiants et
leur confrontation avec le rat en étudiant comment l’organisation des rimes, les variations du
mètre et le jeu des enjambements rendent le discours significatif.
Travail de l’intonation
Analyse des différentes voix, écoute attentive, identification des discours directs, indirects,
indirects libres.
Productions orales permettant d’entrer dans l’intelligence de l’implicite. Réflexion sur les
possibles mises en voix plurielles de la fable permettant de faire entendre, ou non, qui parle,
soit l’ensemble des protagonistes dont elle rapporte les propos : le fabuliste, les Levantins, le
rat, les députés.
Reformulation des différents discours rapportés en tentant de transformer discours indirect ou
indirect libre en discours direct, direct en indirect ou indirect libre.
Lecture sélective des dénominations du rat et analyse de la progression de termes vénérables
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Lecture orale rendant expressive toute l’ironie de cette ascension qui ne vient que du langage.