Antoinette Rouvroy scrute les usages
de la numérisation du monde.
Elle met en garde contre les big data
qui, en nous résumant a un agrégat de
données, peuvent décider de nos vies.
| _ Pours‘en libérer, il faut, assure-t-elle,
commencer par les démysti
WOUS
CSISLEIEY
iP = Nom -
eo. seenQuels types de problémes soulevent
les algorithmes?
Demon point de vue, ce nesont
‘qui posent probléme, mais pl
es algorithmes
notre propre
‘veau type de pouvoir en identifiant ls risques dont,
hos comportements sont porteurs. On crée des
« profils» qui associent notre fagon de vivre 8 un
‘maladies mentales, d'addiction, de pass
sulcidaire,denon-remboursement de rédi
pensions ila procrastination, etc
Ces profils peuvent ensuite «coller a la peau des
individus sur le marché de Femploi, de Vassurance,
du crédit bancaire, ainsi que dans les secteurs dela
santé ou de Féducation. Etre «profilé» de tele ou
telle maniére détermine l'accés que nous avons &
certaines informations, ce ‘opportunités,
certains biens, certaines prestations. Pourtant, un
profil ne correspond a per et personne n'y
correspond totalement.
Les algorithmes pourraient ils un jour
se substituer aux décisions humaines?
Pouvez-vous nous donner des exemples?
Dansledomaine dela
de fournir aux juges de fap
algorithmes de recommand:
sant les risques de récidive, pourro
américains, ces logiciels son
répondra que ces recomma
tat seraen diffculté.En conséquence la plupart des
‘acteurs auront tendance d se conformer aux consi-
‘gnes des algorithmes qui, de ce fait, acquerront une
force normative. 'idée méme de justice sen trou-
‘vera radicalement transformée.
Second exemple, nous sommes, selon ce
Taube d'une société de notation,
‘Ainsi,la maniére dontles bangu
de non-remboursement d'un erédit
a
.
raluentle risque
entrain de
‘changer. Aujourd'hui, grace aux signaux numér-
‘ques que nous émettons & travers nos comporte-
‘ments en ligne, ilest possible 'évaluer cerisque de
‘en fonetion dun
ropre notre emplo}
{qui niont pas de lien de causalité avec le risque de
defaut lui-méme. L’analyse des big data a en effet
fait dhabiter tele
sont impersonnels, construits& partir de données
ies dans des contextes hétérogenes. Ces
appariements ne relevent pas d'une logique causale,
‘e sont de simples corréations.
‘Mais pourquoi faudrait-il sen inquiéter
sion gagne en efficacité?
Nous allons vers un changement épistémologique
‘majeur. S'en remettre ce type de calcul traduit un
renoncement aux ambitions de la raison moderne
quiliait les phénoménes @ leurs causes. Ces ambi-
la raison permettaient denvisager la
jon, dagir sur les causes pour changer les
effets. au lieu de cela, on se irige vers un systéme
depures cortéations.
(On ne cherche plus 8 comprendre Venvironne
‘ment, on cherche a le prédire. Notte rapport au
savoir change, mais aussi notre rapport au monde:
ise davantage qu auparavant sur les ris
donc un changement de paradigme qui transforme
la manire dont nous sommes gouvernés,
Crest ce qui vous améne & parler de
‘gouverementalté lgrithmique»?Pourer
La gouvernement
de gouvernemi
des données:
quantifiable, object est pas de ger ep
ais de se protéger contre I'incertitude de
| gouvernementalité algorithmique s'appuie sur
la ethéorie du nudges, du «coup de pouce»; on fat
en sorte que Fenvironnement conduise Findividu a
, adopter des comportements «optimaux» aux
yeux des acteurs auxquels «profit» le proflage —
sans quiil sen rende compte, en émettant des
signaux qui produisent chez lui des réactions
e de pousser & un acte
consistant & créer une atmosphere numérique, qui
poussea certains comportements.
contre des personnes dont les comporte-
sociés dun risque accru de passage &
iste Ce faisant, on eible 6ventuellement
les comportements & un stade préconscient, avant
‘méme toute formation d'intention. Les personnes
ne sont plus appréhendées en tant que sujets mais
‘seulement en tant quiagrégats de données.
Les géants du Web sont les principaux
d'une trés bonne image, on considérait méme
4uils allaientaider les citoyens & investir
‘eceurs par des pustanoes étrngétes ont prove
udu sursaut dans Topinigh publique et cree une
mnlance vis vide hyperpssance de ces ente
prises. Ces dernieres n'apparaissent plus comme
gens, hélas, ne changent rien a leurs comporte-
‘ments: Tacclimatation progressive aux appareils
s, numériques sest depuis quelques années transfor-
y_mée en une addiction de masse qui engendre en
retour Faccumulation massive de données.
Quelles raisons y auraitil de croire
que les choses vont s'améliorer en 2018?
lly a quand méme de bons'signes. Les autorités de
protection des dont autorités publiques
des algorithmes,
de leur logique de
de «perdi la
ieme sicest surtout la
‘monde social
sophie peut nous
que, bien quielles se présen-
space purement métrique, elles ne
juste mesure des choses, qui ne
sévalue qu’a Faune de principes de justice, et non &
celle €objectfs optimisation,
la maniére occidentale de lier les dimensions biolo-
ue et symbolique constitutives de etre hu:
jue-t i. Or, dans cette dystopie nu:
logique comme la di:
‘mension symbolique de Iexistence humaine sont
appréhendées comme de purs flux de signaux.
uantifiables. Défendre la fonction anthropol
ue du droit fae la «rationaitéalgorith
PROPOS RECUEILLIS
PAR MARC-OLIVIER BHERER