Vous êtes sur la page 1sur 84

N° 581 Avril 2018

L 19853 - 581 - F: 7,30 € - RD 7,30 € mensuel DOM/S : 8,30 €- BEL/LUX : 8,00 €-


CH : 12,70 FS AND : 7,30 € CAN : 12,60 $ CAD- ILE MAURICE : 8,30 €-
MAR : 83 MAD - ESP/ITA/GR/PORT. Cont. : 8,30 € -
NCAL/S 1120 CFP-NCAL/A 1960 CFP- POL/A : 2150 CFP
SOMMAIRE N° 581/AVRIL 2018

La réputation…
S
i je vous parle du “Baron
rouge”, nul doute que vous
allez me répondre de suite
triplan de chasse Fokker de la
même couleur. Une silhouette
inimitable et une réputation de
chasseur implacable. Seulement
voilà, nous vous invitons à dépas-
ser cette fameuse réputation pour
Attaque d’un site de missiles SAM aborder les faits. Surprise ! Certes,
par un “Skyhawk”. le Fokker Dr.1 n’était pas un fer
Composition de Daniel Bechennec. à repasser volant. Mais ce ne fut
pas, et de loin, le plus redoutable
chasseur du conflit. Il était effectivement maniable, mais incapable de rattraper un Spad
ou un SE.5. La plupart des victoires des pilotes allemands, et celles de Richthofen en
premier lieu, furent remportées contre une aviation britannique qui lança dans la bataille
des pilotes mal entraînés. De là à constater que cette réputation de bon chasseur fut
Espace Clichy, immeuble SIRIUS
9, allée Jean-Prouvé. 92587 CLICHY CEDEX
bien mal acquise, le pas n’est pas loin à franchir avec le Dr.1…
E-mail : FanaAviation@editions-lariviere.fr Je vous souhaite une bonne lecture ! Le Fana
PRÉSIDENT DU CONSEIL DE SURVEILLANCE
Patrick Casasnovas
PRÉSIDENTE DU DIRECTOIRE
Stéphanie Casasnovas
DIRECTEUR GÉNÉRAL
Frédéric de Watrigant

4 Actualités 43 Grande enquête lecteurs


DIRECTEUR DE LA PUBLICATION
ET RESPONSABLE DE LA RÉDACTION :
Patrick Casasnovas
ÉDITEUR : Karim Khaldi
RÉDACTION
Tél. : 01 41 40 34 22 11 Courrier 46
Mai 1978-décembre 1979 -
vers les limites…
Rédacteur en chef : Alexis Rocher
Rédacteur en chef adjoint : Xavier Méal
Rédacteur graphiste : François Herbet 12 Livres Pilotes et ingénieurs
Secrétaire de rédaction : Antoine Finck
Secrétariat : Nadine Gayraud
Des pilotes racontent
racontent
SERVICE DES VENTES
(réservé aux diffuseurs et dépositaires) 14
Les “Skyhawk” le “Mirage” 2000
Camille Savolle Les essais se poursuivent tout
israéliens
Tél. : 01 41 40 56 95
au long de 1978, non sans des
IMPRESSION : Imprimerie Compiègne
Avenue Berthelot 60200 Compiègne. Fin des années 1960, les Israéliens rebondissements.
Papier issu de forêts
gérées durablement. cherchent un avion d’attaque rustique.
Origine du papier :
Ils optent pour le A-4 “Skyhawk”. Groupes Guyenne et Tunisie
Italie. Taux de fibres 56
recyclées : 0 %.
Certification : PEFC/ Les Français Rejoignez
Le Fana
sur Facebook
EU ECO LABEL.
Eutrophisation :
0,018 kg/tonne.
23 Abonnements au combat avec le et sur Twitter

L’aviation en 1918 - Épisode 3 Bomber Command


24 Troisième partie. André Hautot raconte
Le Fokker Dr.I ses missions au sein des groupes
Un triplan allemand part en chasse sur lourds en 1945.
le front occidental en 1917. Comment
DIFFUSION : MLP
Printed in France/Imprimé en France se comporta-t-il au combat ? Golfe persique, 1985-1988
66
SERVICE PUBLICITÉ
Directeur de publicité : Christophe Martin Ce jour-là… 16 avril 1938 Les “Mirage” traquent
Assistante de publicité : Nadine Gayraud
Tél. : 01 41 40 34 22 38 Premier vol du Bell XP-39
les pétroliers
E-mail : PubFana@editions-lariviere.fr
PETITES ANNONCES CLASSÉES
Tél. : 01 41 40 34 22 Le “Airacobra” Quatrième partie. Au cœur d’un
ABONNEMENTS n’est plus raid contre les pétroliers avec les
“Mirage” F1 irakiens en 1988.
ET VENTE PAR CORRESPONDANCE
(ANCIENS NOS/DOCAVIA/MINIDOCAVIA) un chasseur !
80 Maquettes
Tél. : 03 44 62 43 79 Bell innove en avril 1938
E-mail : abo.lariviere@ediis.fr
CHEF DE PRODUIT ABONNEMENT : avec le chasseur XP-39. Un mois d’avril riche en maquettes
Carole Ridereau Tél. : 01 41 40 33 48
TARIFS ABONNEMENT : amène un été serein.
France : 1 an soit 12 nos + 2 HS : 91,50 €
Autres pays et par avion : nous consulter
Correspondance : Fana de l’Aviation,
Où trouver Le Fana de l’Aviation
Service abonnement près de chez vous ?
45, avenue du Général Leclerc
60643 Chantilly Cedex Téléchargez l’application Flashcode
et découvrez tous les points de vente du Fana de l’Aviation.
Le Fana de l’Aviation est une publication
des ÉDITIONS LARIVIERE ; S.A.S. au capital de
3 200 000 € ; dépôt légal, 2e trimestre 2018.
Commission paritaire : n° 0722 K 82003. Au sommaire
ISSN : 0757-4169 du prochain numéro
N° de TVA intracommunautaire :
FR 96 572 071 884 Q Le “Vautour”
CCP 11 5915A Paris Q Kolwezi 1978
RCS Nanterre B572 071 884. Q OV-10 “Bronco” en vol
12, rue Mozart, 92587 CLICHY CEDEX
Tél. : 01 41 40 32 32 – Fax : 01 41 40 32 50. Q Skyhawk israéliens (2)
Toute reproduction, même partielle, Q “Mirage” 2000 (3)
des textes et illustrations publiés dans Le Fana
de l’Aviation, est interdite sans accord préalable
de l’éditeur. La rédaction n’est pas responsable
des textes et illustrations qui lui sont envoyés
sous la seule initiative de leurs expéditeurs.
ACTUALITES

Le Hawker “Sea Fury” T.20


de The Fighter Collection vole à nouveau

DR
Le 22 février
Le 22 février dernier, à Duxford, Luftfahrt Beratungsdienst jusqu’en The Fighter Collection l’acheta à Chuck dernier à
près de Cambridge en Grande- 1975. L’année suivante, il fut offert par le Greenhill en 2008, et le WG655 arriva en mai Duxford, le
Bretagne, le Hawker “Sea Fury” gouvernement allemand à la Royal Navy, 2009 à Duxford. Il fut présenté en vol lors “Sea Fury”
T. Mk 20 matricule WG655 de The Fighter qui l’intégra à son Royal Navy Historic de Flying Legends 2009 par Steve Hinton, WG655 a fait
Collection a volé à nouveau après avoir été Flight (RNHF, unité commémorative) le puis fut ensuite rapidement arrêté de vol son premier
cloué au sol de trop nombreuses années. 29 juin 1976. Le 14 juillet 1990, le WG655 du fait de problèmes avec le moteur Bristol vol de contrôle
Il est désormais propulsé par un Pratt avait décollé de la base de Yeovilton pour “Centaurus”. Après avoir tenté pendant avec son
& Whitney R-2800 américain en lieu et aller effectuer une présentation en vol des années de résoudre le problème de la nouveau
place du Bristol “Centaurus” britannique au-dessus du Grand Prix de Formule 1 fiabilité de ce moteur, The Fighter Collection moteur
d’origine. The Fighter Collection avait de Silverstone, quand son moteur cassa. s’est finalement résolue à le remplacer américain, dont
acquis le biplace auprès du collectionneur Le pilote, le lt-cdr John Beattie, le posa par un moteur Pratt & Whitney R-2800 la présence
américain Chuck Greenhill en 2008, mais en catastrophe dans un pré ; le chasseur américain – comme l’a fait le collectionneur est trahie
ne l’avait fait que très peu voler, à cause heurta deux arbres dans la manœuvre et français Christophe Jaquard avec son par l’hélice
de problèmes de mise au point du moteur son fuselage fut brisé en trois morceaux. “Sea Fury” F-AZXJ il y a deux ans après quadripale en
Bristol “Centaurus”. John Beattie ne souffrit que de blessures que son moteur R-3350 (qui était alors le lieu et place de
Le WG655 est le 59e “Sea Fury” d’un légères mais son chef mécanicien, Eric “remplaçant” le plus usité du “Centaurus” l’hélice à cinq
lot de 60 construits pour la Royal Navy. Young, en place arrière, eut plusieurs côtes sur les “Sea Fury” de collection) a cassé lors pales accouplée
Entreposé dès sa livraison en octobre 1951, cassées et une épaule luxée. du vol en formation final de Flying Legends au Bristol
il fut affecté en mars 1954 sur la base de L’épave fut d’abord vendue au Néo- 2015. La remotorisation avec le Pratt & “Centaurus”
d’origine.
la Fleet Air Arm d’Eglinton. En décembre Zélandais Grant Beal, avant d’être rachetée Whitney R-2800, initiée par la société
1955, après seulement 18 mois de service, en 1993 par l’Américain Chuck Greenhill Sanders Aeronautics, a aujourd’hui les
il fut retiré du service et radié en décembre qui le restaura avec son chef mécanicien faveurs des collectionneurs.
1956. Racheté par Hawker l’année dans son hangar de Kenosha, dans le Le 13 mars, le WG65 – désormais
suivante, il fut remis à neuf et transformé Wisconsin. Après des milliers d’heures immatriculé G-CHFP – a effectué
en remorqueur de cible, puis vendu à de travail, le chasseur fut terminé et mis quatre nouveaux vols. On peut donc
l’Allemagne où il fut immatriculé D-CACU en vol par la société spécialisée Sanders raisonnablement espérer qu’il sera l’une
et recouvert d’une livrée entièrement rouge Aeronautics et, le 24 mai 2005, Brian des vedettes du prochain spectacle aérien
en août 1963. Il servit essentiellement Sanders fit à nouveau voler le WG655 à Flying Legends, qui se tiendra les 14 et
dans ce rôle pour le compte de la Deutsche Ione, en Californie. 15 juillet prochains à Duxford.
4
En bref
Un Américain fait restaurer six Le “Spitfire” Mk XVI SL721
OV-10 “Bronco” en état de vol volera désormais en Belgique
La collection canadienne Vintage Wings of Canada a vendu
L’Américain Mike Manclark et sa fondation Mangic ont annoncé son Supermarine “Spitfire” Mk XVIe matricule SL721 à un
au début de cette année avoir acheté six OV-10 “Bronco” au discret collectionneur belge. Le chasseur sera mis en œuvre
National Vietnam War Museum de Mineral Wells, au Texas, pour les par Frédéric Vormezeel et sa société Flying Aces Services
faire remettre en état de vol et ainsi honorer la mémoire des pilotes & Training (FAST) à Brasschaat.
américains qui risquèrent leur vie au Viêtnam, mais aussi lors de
Desert Storm en Irak ou plus récemment contre Daesh. Les avions ont
été transportés par convoi routier exceptionnel sur 2 000 km jusqu’à
Chino, près de Los Angeles, où ils seront restaurés.
Mike Manclark, entrepreneur à succès, est lui-même pilote. Il
a créé en 2012 la fondation Mangic pour soutenir des dizaines
d’organismes à but non lucratif qui portent assistance aux enfants,
aux vétérans des forces armées et aux pompiers et personnels de
premiers secours, ainsi qu’aux familles dans le besoin.

Ci-contre et
ci-dessous :
durant le mois de DR

février,
les six cellules Le Hawker “Hurricane” R4118
d’OV-10 “Bronco” a quitté Old Warden pour Duxford
acquises par
la fondation Le 7 mars, le Hawker “Hurricane” matricule R4118 propriété
Mangic ont du Britannique James Brown est arrivé par la route à Duxford
rejoint Chino, depuis Old Warden. À la fin du mois d’août dernier, nombre
près de de problèmes avaient été découverts sur le moteur, sur le
Los Angeles, sur moyeu d’hélice Rotol et sur le système de refroidissement
huit camions. du circuit d’huile. Le chasseur, basé à Old Warden depuis
DR
son acquisition en octobre 2015 auprès de Peter Vacher (qui
l’avait fait restaurer), sera réparé par l’Aircraft Restoration
Company (ARCo), à Duxford, qui en devient aussi l’exploitant.

DR

La force aérienne du Guatemala


fait don de son dernier “Invader”
à un nouveau musée américain
Durant le mois de février, la force aérienne du Guatemala
a fait don à une entité baptisée Brigada 2506 Museum,
DR
sise à Hialeah, en Floride, et semble-t-il constituée par des
expatriés cubains, du seul Douglas A-26/B-26 “Invader” qui
était exposé au Guatemala, sur la base de La Aurora, depuis
les années 1960. Pourtant, cet avion n’a pas participé au
débarquement de la baie de Cochons, à Cuba, en avril 1961.

DR

DR

5
ACTUALITES

Paul Allen a retrouvé le Lexington


et ses avions, coulés le 8 mai 1942,
par 3 000 m de fond

PAUL G. ALLEN
Une des
Le 4 mars dernier, l’Américain Lexington ramenées par le sous-marin d’identifier le F4F-3 comme celui que pilota épaves de
Paul G. Allen, le milliardaire du Petrel ont causé quelque émoi au le lt Noel A. M. Gayler qui termina sa carrière “Devastator”,
cofondateur de Microsoft avec sein de communauté des historiens de dans l’US Navy avec le grade d’amiral, seul remarquable-
Bill Gates, a annoncé via sa page Facebook l’aéronautique naval : on y voit un insigne pilote de la VF-3 pouvant se prévaloir du ment préser-
avoir découvert l’épave de l’USS Lexington, du “Felix le Chat combattant” à côté de palmarès affiché sous le rail de verrière du vée, qui gît non
le porte-avions de l’US Navy coulé le 8 mai quatre marques de victoires sur des avions F4F-3. Durant son service au sein de cette loin de l’épave
1942 durant la bataille de la mer de Corail. japonais, sous la glissière de la verrière unité, Gayler avait pris part à deux combats du Lexington.
Et il a aussi découvert, non loin d’elle, d’un F4F-3 “Wildcat”. À côté, sous les aériens. Il avait revendiqué un bombardier
celles de plusieurs avions : sept TBD-1 concrétions, apparaissent deux lettres abattu et deux victoires partagées le
“Devastator”, trois SBD-3 “Dauntless” et un du nom du pilote : GA et plus loin R. Ce 20 février 1942. Il avait également abattu un
F4F-3 “Wildcat”. qui a causé ce trouble est le fait que le avion le 10 mars 1942 lors d’une mission
Fort de plusieurs succès avec son navire Squadron (VF) 3 – dont l’insigne était le durant laquelle il avait également largué des
M/Y Octopus, Paul Allen a acquis et Felix le Chat – avait quitté le Lexington bien bombes. Bien souvent alors, un signe de
modernisé le R/V Petrel de 76 m avec un avant la bataille de la mer de Corail ; les 7 victoire “plein” était apposé quand il y avait
équipement sous-marin à la pointe de la et 8 mai 1942, la VF-3 était basée à terre, victoire partagée.
technologie, capable de plonger jusqu’à à Hawaii… Les historiens de l’US NAvy ont
6 000 m. Depuis son déploiement début apporté la réponse à ce petit mystère en
2017, le navire a participé à plusieurs se replongeant dans leurs archives. Avant
missions dans la mer des Philippines avant d’embarquer sur le Lexington le 15 avril
de gagner la mer de Corail au large des 1942, la VF-2 avait pris possession de
côtes australiennes. Les expéditions dirigées 19 des “Wildcat” de VF-3 qu’elle relevait
par Paul Allen ont permis la découverte et avait accueilli 12 pilotes transférés de
des épaves des USS Indianapolis (août la VF-3. Prise par le temps, la VF-2 avait
2017), USS Ward (novembre 2017), USS juste fait peindre sur les flancs des avions
Astoria (février 2015), du cuirassé japonais de nouveaux codes de fuselage, sans
Musashi (mars 2015) et du destroyer italien se préoccuper d’effacer les marquages
de la Deuxième Guerre mondiale Artigliere personnels. L’un des anciens avions de la
(mars 2017). Ses équipes ont également VF-3 reçut le code de fuselage F-5 et fut
récupéré la cloche du HMS Hood pour la affecté au lieutenant Albert O. Vorse Jr,
remettre à la Royal Navy en l’honneur de qui avait combattu avec la VF-3. C’est
son service héroïque. l’avion photographié par le submersible du
Quelques-unes des images des avions du Petrel. Partant de là, il ne fut pas compliqué
US NAVY

6
En bref
Le “Spitfire” Mk XVI TE392 volera
bientôt à nouveau, en Australie
La société australienne Fighter Pilot Adventure Flights a
annoncé début février qu’elle attendait la livraison imminente
depuis les États-Unis du Supermarine “Spitfire” Mk XVIe
matricule TE392 sur sa base d’Archerfield, près de Brisbane.
Le chasseur a été acquis auprès du Lone Star Flight Museum,
basé à Ellington Field près de Houston, au Texas, où il avait
été endommagé par l’inondation engendrée par l’ouragan Ike
le 13 septembre 2008. La société australienne Performance
Aero mettra la dernière main à la restauration qui dure depuis

PAUL G. ALLEN DR
Ci-dessus, deux
“Devastator” dix ans, et le chasseur devrait s’envoler à nouveau au mois
empilés l’un d’août. Fighter Pilot Adventure Flights exploite déjà pour
sur l’autre, non des vols à sensations un Yak-52, un Aero Vodochody L-39
loin de l’épave “Albatros”, un North American SNJ-5, un P-51D “Mustang”,
du Lexington. le Yak-3U SteadFast et un biplan Waco Classic YMF-5. Fighter
Pilot Adventure Flights annonce par ailleurs vouloir acquérir
un second “Spitfire”, cette fois un Tr.9 biplace, pour 2019.

Le Lincolnshire Aviation Heritage


Center déniche un “Merlin” 25
en Suisse
PAUL G. ALLEN

Ci-contre
et au-dessus :
les marquages
visibles sur le
flanc de ce F4F-3
“Wildcat” ont
suscité quelques
interrogations
au sein de la
communauté des
historiens de l’US
Navy.

PAUL G. ALLEN

DR

Le Lincolnshire Aviation Heritage Center, basé à East Kirkby


en Grande-Bretagne, a annoncé avoir acquis le 19 février
Le 8 mai 1942, dernier en Suisse un moteur Rolls-Royce “Merlin” 25 en
dans la mer parfait état. Et pour cause, ce moteur n’a jamais été avionné ;
de Corail, il avait été cédé à la force aérienne helvétique comme moteur
le Lexington de rechange pour le “Mosquito” matricule NS993 mais ne fut
(CV-2) est jamais utilisé. L’acquisition de ce moteur porte à 10 le nombre
abandonné par de “Merlin” dont dispose désormais le Lincolnshire Aviation
son équipage. Il Heritage Center qui s’est lancé dans la restauration en état de
porte alors vol de son Avro “Lancaster” matricule NX611.
35 avions.

7
ACTUALITES

Les meetings 2018 en France


AVRIL
Meeting des 120 ans de l’Aéro-Club de France 15 avril Fin du Mirage 2000N 21juin
Aéroport Paris-Le Bourget BA 125 - Istres-Le Tubé
Red Bull Air Races 21-22 avril Journée Portes ouvertes 23 juin
Cannes Gap-Tallard
Aerotorshow Gamstat Alat 24 juin
MAI Valence-Chabeuil
20 000 Lieues dans les Airs 5 mai Fête aérienne du Centenaire Marne 14-18 24 juin
Amiens Glisy Meaux-Esbly
Journée Portes Ouvertes 12-13 mai Hermes Air Show Festival 24 juin
Le Havre - Octeville Fréjus
Les Ailes d’un rêve (Association) 12-13 mai Journée Portes ouvertes 30 juin
Cambrai- Niergnies Paray-le-Monial
Meeting Aérien 14-18 13 mai
Dole-Tavaux
JUILLET
Le Temps des Hélices 19-20 mai
La Ferté-Alais Meeting de l’Air (FOSA) 30 juin-1er juillet BA
133 Nancy-Ochey
Meeting plage 19 mai
Saint-Jean-de-Luz Rendez-vous avec le ciel 1er juillet
Limoges-Bellegarde
Journée Portes Ouvertes 20 mai
Nevers-Fourchambault Meeting Plage 1er juillet
Agde
Villeneuv’ Air Show 21 mai
Villeneuve-sur-Lot Hommage au général Delachenal 7 juillet
Albertville
Journée Portes ouvertes 1er RCP 26 mai
Pamiers Grenoble Air Show 7-8 juillet
Grenoble-Le Versoud
Journée Portes ouvertes 26 mai
Montluçon-Domérat Meeting Aérien
des championnats de France voltige 8 juillet
Meeting Aérien 26-27 mai Chambley
Blois
Festival Electrobeach 12-15 juillet
Port Barcares
JUIN Epern’Air Show 13-15 juillet
Festival Hélicoptères 1er-6 juin Epernay-Pivot
Cholet Fête nationale 14 juillet
Air Expo 2018 2 juin Saint-Quentin
Muret-Lherm Fête nationale 14 juillet
Un avion, un enfant, un rêve (caritatif) 2 juin Metz
Chalon-Champforgeuil Meeting aérien Valenciennes 14 juillet
Sport et Collection 2 juin Valenciennes-Prouvy
Poitiers-Le Vigeant Commémoration du centenaire
Fly’in Air France 2-3 juin de l’armistice 14-18 20-22 juillet
Saint-Yan Anglet
France Air Expo - Salon Aviation générale 7-9 juin Meeting aérien 21 juillet
Aéroport Paris-Le Bourget Pornichet
Compiègne Aéro Classic 9-10 juin Meeting aérien 22 juillet
Compiègne-Margny Couhé Vérac
Meeting Aérien 9-10 juin Meeting plage 22 juillet
Saint Médard-en-Jalles Pornic
Rassemblement international d’hydravions 8-10 juin Meeting aérien international de la Somme 28-29 juillet
Biscarosse Albert-Picardie
Journée Portes ouvertes Aéronavale 10 juin Journée Portes ouvertes arrivée Hop Tour 29 juillet
BAN Lann-Bihoué Aurillac
Le Rêve d’Icare 13-17 juin Meeting aérien 29 juillet
Royan Figeac
Commémoration des deux guerres 15-17 juin Meeting Plage 15-30 juillet
Brionne Agde
Meeting de l’Air 16-17 juin Championnat du monde de Montgolfières 30 juillet
Base aérienne Évreux Lunéville
XAVIER MÉAL
L’un des grands
moments du
AOÛT Temps des
Meeting aérien AC Sarladais 5 août hélices 2017, à Aerodream 2018 22-23 sept
Sarlat-Domme La Ferté-Alais : Poitiers
la patrouille de
Fly Courchevel 11-12 août Aéro Defense Support Show 26-27 sept
France encadre
Courchevel BA 106 Bordeaux-Mérignac
un Boeing 777
100e anniversaire du premier vol postal 10-11 août d’Air France. Meeting aérien 50 ans aérodrome 29 sept
La Baule Besançon
Meeting plage 15 août Meeting aérien 29-30 sept
Toulon Colmar-Housen
Meeting aérien 15 août Des Étoiles et des Ailes 29-30 sept
Belves-Saint-Pardoux Toulouse-Francazal
Meeting aérien 18-19 août Les Ailes du Petit Prince
Ruynes-en-Margeride (Baptêmes enfants handicapés) 30 sept
Meeting plage 18-19 août Challes-les-Eaux
Pornichet
Meeting aérien 19 ou 26 août OCTOBRE
Pons-Avy Meeting aérien 6-7 octobre
Meeting aérien 25-26 août Gimont
Perros-Guirec Meeting aérien 7 octobre
Fête aérienne internationale du Centenaire 26 août Lille
Saint-Quentin Meeting clôture Salon aviation légère 7 octobre
Meeting aérien 26 août Bordeaux-Saucats
Le Touquet Meeting aérien 13-14 octobre
Graulhet
SEPTEMBRE Free Flight World Masters 13-14 octobre
Le Temps des as 2 sept Sainte-Maxime
Cambrai-Niergnies Féria de l’Air 21 octobre
Fête de l’Air 8 sept Nîmes
Les Mureaux
Meeting aérien 8-9 sept
Melun-Villaroche France Spectacle Aérien
Légend’air en Limousin 8-9 sept
Saint-Junien Sous l’impulsion et avec le soutien de la Direction générale de l’Aviation civile,
l’association loi de 1901 France Spectacle Aérien a vu le jour fin octobre 2013 à
Meting aérien du centenaire 1re Guerre 9 sept l’initiative de Jean-Noël Bouillaguet et Philippe Chetail qui ont regroupé toutes les
Maubeuge bonnes volontés du groupe de travail “manifestations aériennes” de la DGAC et
Fous d’Ailes 15-16 sept les acteurs principaux du spectacle aérien français. Son but est de réunir tous les
Cholet acteurs, au sens le plus large, et les passionnés du spectacle aérien, d’informer
70e Anniversaire aéro-club Bellegarde 16 sept et de promouvoir l’excellence et la sécurité de cette activité,
Bellegarde et d’être un moyen et un lieu d’échange sur le sujet des spectacles aériens.
FSA veut être un interlocuteur spécialisé pour les administrations responsables
Flandres Lys Airshow 16 sept
du secteur et participer aux groupes de travail institutionnels sur les sujets
Merville-Calonne
réglementaires. Depuis sa création, FSA a pour président Jean-Noël Bouillaguet,
Meting aérien 22 sept organisateur et directeur des vols de plusieurs manifestations aériennes. FSA
Enghien organise une convention annuelle, en décembre, sur un thème particulier.
Meeting aérien international ICAR (45e anniv.) 22-23 sept http://france-spectacle-aerien.com
Roanne
9
HOMMAGE

Au revoir René !
ous avons l’immense Au milieu des années 1960, il S’ensuivait une courte réflexion à

N tristesse de vous an-


noncer la disparition
de René Francillon
ce 8 mars. Un grand
auteur s’en est allé, emporté par
la maladie. Il laisse une œuvre co-
lossale sur l’histoire de l’aviation.
entama ses publications sur l’histoire
de l’aviation. Rigueur et soucis d’ex-
haustivité caractérisaient chacune
d’entre elle. L’ouvrage sur les avions
japonais de la guerre du Pacifique
publié en 1970 marqua durablement
ses lecteurs par son ampleur. Citons
bâtons rompus où il nous faisait part
de ses envies, de ses trouvailles à par-
tager avec les lecteurs. Nous l’écou-
tions narrer la naissance du DC-10,
programme auquel il avait active-
ment contribué à la fin des années
1960, ou encore l’histoire du F-104
Plus de 60 livres, des centaines dans la liste de ses publications “Starfighter”, chasseur qu’il soute-
d’articles. L’ami René baignait deux gros volumes de la collection nait contre vents et marées. Il s’en
dans l’aviation depuis son enfance. Putnam sur les avions McDonnell allait ensuite cogiter dans son bureau.
Né en Italie en 1937, René Jacquet Douglas qui font toujours autorité. Quelque temps après arrivait au Fana
Francillon grandit sous le ciel de En août 1982, René commença un grand article qu’il avait auparavant
Provence. Il rappelait que sa jeu- une longue et féconde collaboration tourné et retourné tel un ébéniste
nesse fut bercée par les P-38, P-47 avec Le Fana de l’aviation. Premier achevant un beau meuble. Son grand
et autres B-24 qui J G
ACQUES UILLEM ssujet traité : le Lockheed plaisir consistait à apprécier l’article
opéraient sur le Sud ““Constitution”. Suivi- une fois publié, à répondre scrupu-
de la France en 1944. rrent monographies sur leusement aux lecteurs qui lui adres-
R ené publia son lles chasseurs, les bom- saient des questions. Puis revenait
premier article en bbardiers, les avions inlassablement la même question :
Belgique en 1958. dde transport civils et “Vous voulez quel sujet ?”
Diplômé de l’uni- mmilitaires, l’histoire de René avait bien des projets de
versité de Lausanne cconstructeurs. Il vous publications en tête. Le hors-série
en économie des ddressa au fil des numé- consacré au F-105 actuellement en
transports aériens, rros une prodigieuse kiosque entamait une grande série
il partit aux États- ffresque de l’aviation sur les avions de combat américains
Unis en 1961 où il œuvra au cœur é i i La rédaction se souvient
américaine. des années 1950 et 1960. Vous trouve-
de l’industrie aéronautique améri- de ses passages dans les bureaux de rez dans un prochain Fana de l’Avia-
caine, notamment chez le construc- votre magazine. Arrivait de la loin- tion les débuts du F-4 “Phantom” II.
René Francillon
teur McDonnell Douglas – voir son taine Californie un drôle de petit Sûrs de vos appréciations quant à
dans
article sur le programme d’avion- bonhomme, espiègle et bienveillant. son bureau
son œuvre, nous lui adressons un
cargo géant CX-HLS pour l’US Air Invariablement il commençait par : en Californie,
immense merci. Blue skies René.
Force (Le Fana de l’Aviation n° 568). “Vous voulez que je fasse quel sujet ?” en 2014. Alexis Rocher

FRÉDÉRIC MARSALY

10
LE COURRIER

Dewoitine 338 Ville de Toulouse


Pour compléter l’article la correspondance écrite le 20 mars Les courriers
concernant le Dewoitine 338 1938 à Dakar, sans doute postée le récupérés
Ville de Toulouse (Le Fana jour même. Correspondance qui porte à bord du Ville
de l’Aviation n° 580), et également des traces de brûlures dans sa partie de Toulouse.
faire œuvre de mémoire à l’égard des inférieure gauche. L’enveloppe
ppe d’origine
disparus de cette catastrophe aérienne, n’était plus en suffisamment nt
je tiens à vous présenter deux témoins bon état pour jouer
qui étaient à bord au moment de son rôle mais l’adresse
l’accident. du destinataire était
L’auteur stipule que l’appareil encore lisible. Elle a donc
transportait dix sacs de courriers. été remplacée par une
Sept sont restés intacts et les trois enveloppe administrative
autres ont été détériorés. Les courriers de réexpédition de type
se trouvant dans ces derniers ont n° 819 qui a reçu une
forcément subi le même sort, en voici marque spéciale identique
deux. Il y a d’abord une enveloppe à celle de l’enveloppe
en provenance d’Abidjan, postée le précédente. Elle est arrivéee à
19 mars 1938, à destination de Paris destination le 8 avril 1938.
où elle est arrivée le 10 avril 1938 avec Quelques courriers, épargnésnés
du retard. Elle porte surtout les traces par l’accident, subsistent encore et
des dégâts dus à l’humidité de la neige sont les derniers témoins directs de
fondue. Une marque spéciale a été ce drame pyrénéen. L’histoire postale
apposée sous les timbres, permet souvent la présentation d’objets
“CORRESPONDANCE AVION anciens chargés d’émotion qui sont
retardée et détériorée encore bien présents alors que ce sont
par suite de l’accident aérien les plus fragiles.
survenu le 23 MARS 1938.” Bernard Fox, membre du Cercle
Du second courrier il ne reste plus que aérophilatélique français

T-6 aux pieds palmés


Dans le n° 125 du Fana de Sujet oh ! combien quand fut évoqué avec moult
l’Aviation de 1980, rubrique aquatique ! Alex Trados évoquait détails un T-6 modifié lui aussi en
“maquettes”, vous présentez celle dans l’article que vous citez sept hydravion en 1951 par la marine
d’un des T-6 à flotteurs utilisés “Texan” transformés avec de sud-coréenne, cette fois-ci avec
par les Néo-Zélandais pendant généreuses prothèses en sauveteurs un seul flotteur central. Nous
la Deuxième Guerre mondiale. en mer, faute d’hydravions Curtiss sommes partis à la pêche aux T-6
Auriez-vous de nouveaux “Seagull” en nombre suffisant. maritimes à pieds palmés et nous
renseignements ? L’affaire rebondissait dans Le Fana vous livrerons les fruits de nos
Pierre Stone de l’Aviation n° 161 en 1983, recherches sur un plateau.

Une exclusivité du Fana :


le profil de l’hydravion “Texan”.

11
A LIRE, A VOIR
Le “Spit” ! Le principe ici est bien Shakespeare un état très publication bien agréable à campagne de Russie en
de faire une synthèse, précis. Caractéristiques parcourir. Rôle de chacun, août 1942. Témoignages
de vulgariser auprès du des navires, appareils explication des figures des pilotes, tableaux des
grand public. Mission embarqués et organisation réalisées se croisent avec victoires et des pertes
réussie. Moustachus et des flottes sont présentés. clarté. Un bon compagnon forment un ensemble très
oisillons sauront trouver Un très bon guide pour à emmener dans les complet sur le sujet.
leur bonheur. Gageons mieux comprendre meetings ou s’illustre le
qu’en fermant ce livre le l’actualité et le jeu des Rafale “Solo Display” ! La jagdgeschwader 54
néophyte, séduit par cette grandes puissances. Les aigles au “cœur
histoire, voudra aller plus Rafale Solo Display vert” de la Luftwaffe
loin… Carrier Aviation in Alpha Experience T.1
the 21st Century. Par Laurent Casaert Par Philippe Saintes
Spitfire, la légende Aircraft Carriers and et Étienne Daumas Lela Presse
Tout a déjà été dit à Par Alain Pelletier their units in detail. EPA Éditions 303 pages, 49 €
propos du “Spitfire” Éditions ETAI Sous la direction 168 pages, 35 € ISBN 978-2-37468-004-0
serait-on tenté de 190 pages, 49 € de Thomas Newdick ISBN 9782851209719
dire. Les superlatifs se ISBN 979-10-283-0241-2 Harpia Éditions
bousculent dans une 252 pages, 36 € Hélico
sorte de surenchère qui ISBN 978-0-9973092-2-5 Cœur vert
finit par rendre confuse Porte-avions
l’histoire de ce chasseur
si particulier. Il était Rafale
temps de reprendre
calmement le dossier,
tête reposée. So, what’s
news “Spitfire” ? (quoi
de neuf docteur ?, dans
la langue de Molière).
Alain Pelletier se livre
ici à l’exercice. Vous
pensez tout savoir sur
le “Spit” ? Sans aucun Si vous fréquentez les
doute voila une bonne salons et les meetings Le photographe Benjamin
occasion de revenir sur depuis 2007, vous avez Les spécialistes Guindre propose une
petits détails et grandes C’est une question forcément gardé les yeux connaissent l’insigne plongée au sein du
histoires tant dans les récurrente que pose vers le ciel en assistant du cœur vert sur les 3e Régiment d’hélicoptère
domaines techniques chaque nouveau président à la démonstration du chasseurs de la Luftwaffe. de combat. Pilotes, mécanos
qu’opérationnels. des États-Unis quand il Rafale “Solo Display”, La jagdgeschwader 54 et tout le personnel qui
Les puristes auraient arrive au pouvoir : “Où magistrale présentation du fut une de ces unités qui permet de faire voler les
probablement demandé sont mes porte-avions ?”. chasseur. Derrière cette traversèrent tout le conflit, “Gazelles” sont à l’honneur.
ici et là des précisions, En ce début de XXIe siècle, appellation se cache une combattirent sur tous les
mais tout cela aurait il n’est plus le seul à équipe au service d’un fronts ou presque. Philippe La Nuit du loup
très certainement poser la question tant pilote chargé de tirer la Saintes suit jour après jour Par Benjamin Guindre,
produit un catalogue par ce type de bâtiment quintessence de l’avion. son histoire, ses combats, Chez Lumen & Verbum,
trop indigeste à force de prolifère sur les mers. En Tout ce petit monde est depuis la campagne de 237 pages, 48 €
vouloir tout dire. voici dans la langue de ici présenté dans une France en 1940 jusqu’à la ISBN 978-2-9551069-1-4
USAF

P-51D sur tôle


Une bonne idée de décoration pour un bureau ou
un atelier : le P-51D “Mustang” “Davy Don Chariot”
du 352nd Fighter Squadron piloté par Gordon S.
Burlingame, qui escortait les B-17 sur l’Allemagne.
Le profil de Thierry Dekker est imprimé sur tôle.
Effet garanti !
30 x 40 cm, 39 €
À commander chez Studio Hugo éditions,
www.studio-hugo.com

12
HISTOIRE
Des pilotes racontent
Les “Skyhawk”
israéliens
Première partie.
En 1964, Israël décida d’acquérir
de nouveaux avions de combat :
le gros de la commande se porta
sur les A-4 “Skyhawk” (“Ahit”).
Par Shlomo Aloni. Traduit de l’anglais par Xavier Méal.

u début des années 1960, rer sous protection d’avions de haute

A les avions de chasse fran-


çais constituaient le plus
gros de la flotte de pre-
mière ligne de la force
aérienne israélienne. Cette der-
nière, au 1er avril 1963, comptait 36
intercepteurs Dassault “Mirage” III,
qualité. Si nous avons une opportu-
nité, alors le cœur de notre flotte sera
constitué d’un avion de qualité infé-
rieure mais en grand nombre.”
Le lendemain, le bureau Arme-
ment AIR2 de la force aérienne is-
raélienne publia une étude intitulée
31 chasseurs Dassault “Super Les avions d’attaque dans l’ordre de
Mystère”, 22 bombardiers SNCASO bataille de 1968 à 1970. Les présup-
“Vautour” II, 39 avions d’attaque posés étaient :
Dassault “Mystère” IV, 26 Dassault – la force aérienne israélienne
“Ouragan” pour la transforma- devrait se procurer plus d’avions
tion opérationnelle et 14 Gloster d’attaque en raison de l’augmenta-
“Meteor” dans une unité de chasse tion prévue du nombre de cibles :
de réserve. Tous les avions d’attaque bases aériennes, pistes, batteries de
de la force aérienne israélienne, à missiles sol-air et batteries de mis-
l’exception du “Vautour”, étaient siles sol-sol ;
d’anciens chasseurs réaffectés au – la force aérienne israélienne
combat air-sol au fur et à mesure devrait gagner la guerre par une
que de nouveaux types étaient mis frappe décisive et rapide au début
en service. De fait, tous les avions du conflit ;
d’attaque israéliens, y compris les – la force aérienne israélienne
“Vautour”, avaient bien besoin continuerait d’exploiter des avions
d’être remplacés. d’attaque tactique et n’aurait pas be-
soin d’avions d’attaque stratégiques ;
Des avions – la force aérienne israélienne fe-
rait face à de l’artillerie antiaérienne
“bêtes de somme” moderne et à des missiles sol-air qui
Le 6 janvier 1964, quelques jours imposeraient des opérations à basse
après qu’il eut pris ses fonctions de altitude et la forcerait à aligner plus
chef d’état-major de la force aérienne d’avions d’attaque afin de compen-
israélienne, Isaac Rabin présenta ser un nombre attendu de pertes au
son point de vue à ses officiers supé- combat plus élevé face aux défenses
rieurs : “La priorité absolue pour d’artillerie antiaérienne ennemies et
la force aérienne israélienne est le aux missiles sol-air.
renforcement de la force d’attaque. Cette étude définissait deux
À mon avis, il n’y a aucune raison types d’avions d’attaque à acquérir :
d’augmenter le nombre d’avions de – un avion d’attaque lourd pour
haute qualité “Shahak” [nom israé- remplacer le “Vautour” ;
lien du “Mirage” III. NDLR]. D’un – u n avion d’attaque moyen
autre côté, je suis convaincu que notre pour succéder aux “Mystère” et
force aérienne manque d’avions “Ouragan”.
que je définis comme des “bêtes de Les deux types d’avions d’at-
somme”, des avions qui doivent opé- taque devaient pouvoir être mis
V

VIA AISO

14
Le premier McDonnell Douglas
A-4H pour Israël vola le
27 octobre 1967, quelques jours
après que les États-Unis eurent
mis fin à l’embargo sur
les livraisons d’armes qui suivait
la guerre des Six-Jours.

15
“SKYHAWK” ISRAÉLIENS

en œuvre depuis des pistes courtes


ou depuis des segments intacts de
pistes endommagées, de sorte que
l’étude de l’AIR2 suggérait de pré- Le A-4
férer les avions navals – robustes – “Skyhawk”
dans les deux cas. Indépendamment fut présenté
de la préférence suggérée pour les aux Israéliens
avions navals, AIR2 classait le en juin1963. Il
Northrop F-5 “Freedom Fighter” fallut d’intenses
en tête de la catégorie des avions discussions
d’attaque moyens, et le Douglas A-4 diplomatiques
“Skyhawk” en deuxième place. avant la livraison
Le besoin en avions d’attaque des premiers
modernes fut redéfini le 25 juin appareils à Israël.
1964 pour inclure huit à 12 avions
VIA AISO

“Mirage” IV, 50 à 60 appareils d’at- Israël l’opportunité d’acquérir un partie considérable de son ordre de
taque lourds et 100 à 120 d’attaque certain nombre d’avions de combat, bataille et surtout des bombardiers
moyens. Le futur avion d’attaque si cela ne lui est pas possible auprès et des missiles sol-sol ;
moyen de la force aérienne israé- de sources occidentales, alors auprès – l’amélioration des défenses
lienne devait être capable de me- des États-Unis.” antiaériennes, y compris l’introduc-
ner une mission offensive à basse Israël réévalua alors l’opportu- tion du missile SA-2, nous contraint
altitude contre une cible à environ nité d’acheter des “Super Mystère” à pénétrer et attaquer à basse alti-
450 km de sa base, en emportant une afin de prouver aux États-Unis tude afin de préserver l’effet de sur-
charge offensive de 1 000 kg, pour un qu’aucun avion de combat français prise et d’opérer sous le domaine de
prix affiché d’environ un million de ne satisfaisait aux exigences de sa vol des missiles.
dollars américains l’unité. force aérienne en tant qu’avion La solution à ces deux défis est
d’attaque moyen. Ainsi, aux termes d’augmenter l’inventaire et la charge
Faute de sources du mémorandum d’accord de car une longue portée nécessite
mars 1965, les États-Unis seraient plus de carburant au détriment des
occidentales contraints de vendre des avions bombes, et la basse altitude aug-
Ayant déjà opté pour des “Super d’attaque moyens à Israël. mente encore la consommation de
Mystère” issus des surplus comme carburant au détriment des bombes.
solution intérimaire pour répondre De moyen Par conséquent, nous avons
au besoin d’avions d’attaque conclu qu’à la lumière des réalités
moyens, la force aérienne israé-
à léger actuelles, il n’est plus viable de mettre
lienne rêvait du F-4 “Phantom” II La préférence profonde d’Israël l’accent sur la polyvalence, et il faut
comme futur avion d’attaque pour un avion d’attaque américain adapter à la mission l’avion le plus
lourd. Israël considérait les avions fut soulignée dans une note de com- approprié… La force aérienne israé-
américains comme supérieurs aux mandement de la force aérienne pu- lienne a donc besoin de deux types
français, principalement dans les bliée le 18 juillet 1965 : “Les forces d’avion d’attaque :
domaines de la propulsion et des Les pilotes aériennes et les défenses ennemies se – un avion d’attaque à longue
systèmes d’armes, avec une supé- israéliens à sont renforcées ces dernières années. portée (lourd) ;
riorité correspondante en portée, la Naval Air Ce développement présente deux dé- – un avion d’attaque à courte por-
charge et puissance de frappe. Station de Cecil fis pour la force aérienne israélienne : tée (léger).”
Field le 5 juillet
Les États-Unis étaient néan- – plus de cibles en général et plus Les trois types préférés d’avions
1967. Ils y
moins réticents à fournir des avions d’objectifs à plus long terme en parti- légers, par ordre de préférence,
furent formés
de combat à Israël et le fait que culier. La force aérienne égyptienne étaient le A-4 “Skyhawk” de 11 t,
au pilotage du
de tels avions soient achetés à la “Skyhawk”.
tend à baser sur ses arrières une le F-110 “Super Sabre” de 16 t et le
France convenait parfaitement à
la politique étrangère américaine.
Cependant, les États-Unis avaient
négocié la vente à la Jordanie de
F-104 “Starfighter” et, afin d’apai-
ser les objections israéliennes à
cette vente, le président américain
Lyndon Johnson envoya en Israël le
sous-secrétaire d’État américain aux
Affaires politiques, William Averell
Harriman, du 24 février au 2 mars
1965. Israël demanda à cette occa-
sion aux États-Unis de lui fournir
un avion d’attaque lourd, de pré-
férence le F-4 “Phantom” II, pour
contrebalancer la vente de F-104
“Starfighter” à la Jordanie. Il résulta
de cette série de discussions un mé-
morandum d’accord signé le 10 mars
1965 et stipulant : “Les États-Unis
sont en outre disposés à donner à
VIA AISO

16
F-5 “Freedom Fighter” de 9 t. Cette
note indiquait également qu’il n’exis- “ Les États-Unis sont tion de “Mirage” 5 “Raam” auprès
de la France était toujours de mise.
tait pas d’avion d’attaque européen
satisfaisant les exigences de la force prêts à vendre 24 A-4E L a volonté des États-Unis
d’approvisionner Israël en A-6
aérienne israélienne, ignorant de
fait le “Mirage” IIIE français de
13 à 14 t en service avec l’armée de
et à donner l’option d’en “Intruder” était en effet – selon
les propres mots d’Isaac Rabin le
24 janvier 1965 – “trop belle pour
l’Air depuis 1964, optimisé pour les
opérations à basse altitude, dispo-
acheter 24 autres ” être vraie”. En conséquence, le
secrétaire américain à la Défense
nible pour Israël et satisfaisant aux Robert McNamara transmit l’offre
exigences de sa force aérienne pour du rejet américain du plan Samuel A finale des États-Unis lors d’une réu-
un avion d’attaque léger/moyen. le 1er novembre 1965. Ezer Weizman nion avec le ministre israélien des
exposa sa vision du futur inventaire Affaires étrangères, Abba Eban,
Le plan Samuel A idéal de la force aérienne : 150 A-4 le 12 février 1966 : “Le secrétaire a
“Skyhawk”, 50 A-6 “Intruder” et 100 déclaré que, si Israël peut remplir
présenté à Washington “Mirage”. Le chef d’état-major des cette condition de base et d’autres,
L’étape suivante de cette saga fut forces armées, Isaac Rabin, considé- les États-Unis sont prêts à vendre
la présentation par le commandant rait également que le nombre de 100 à Israël 24 A-4E et à lui donner
de la force aérienne israélienne, Ezer “Skyhawk” était optimal, mais dou- l’option d’en acheter 24 supplémen-
Weizman, à Washington, le 12 oc- tait que ce plan soit réalisable ; il fut taires, maintenant ou plus tard…”
tobre 1965, du plan Samuel A. convenu de se laisser trois mois pour Israël fut à la fois profondément
Ce plan prévoyait l’acquisition voir si l’acquisition de “Skyhawk” déçu et très satisfait. La volonté des
discrète de 210 avions en deux prenait une tournure positive, faute États-Unis de fournir des avions de
phases. La phase A portait sur de quoi la force aérienne israélienne combat était une avancée majeure
120 appareils d’attaque légers et achèterait des “Mirage” 5 “Raam” et un accomplissement remarquable
30 d’attaque lourds. La phase B de 18 t – version plus lourde et sim- pour la diplomatie israélienne. Le
ajoutait 45 avions d’attaque légers plifiée du “Mirage” IIIE de 14 t A-4 “Skyhawk” proposé était l’appa-
et 15 d’attaque lourds. La force aé- – spécifiquement adaptés aux exi- reil d’attaque léger préféré de sa force
rienne israélienne voulait avant tout gences opérationnelles de la force aérienne, mais un avion d’attaque
– sans équivoque aucune – des A-4 aérienne israélienne. léger français comparable était faci-
“Skyhawk” et des F-4 “Phantom” II, Les États-Unis rejetèrent l’inten- lement disponible pour Israël, alors
l’A-6 “Intruder” constituant une tion d’Israël de baser la totalité de qu’il n’y avait aucun équivalent fran-
alternative acceptable. son de plan de modernisation de çais de l’A-6 “Intruder”. Comme
Israël demanda aux États-Unis sa force aérienne sur l’acquisition les États-Unis insistaient sur le fait
de remplacer la France comme prin- Les pilotes d’avions d’attaque américains, mais qu’Israël devait continuer à acheter
cipal fournisseur d’avions de combat israéliens à firent savoir qu’ils étaient prêts à des avions en Europe et que les be-
et reçut une réponse négative durant l’entraînement fournir 45 A-6 “Intruder” mais pas soins en avions de combat israéliens
les discussions du 13 octobre 1965. sur la Marine les 165 A-4 “Skyhawk” demandés étaient bien supérieurs en nombre
Les représentants américains réaf- Corps Air – conformément aux termes du mé- aux 48 “Skyhawk” proposés, Israël
firmèrent le point de vue américain Station de morandum d’accord du 10 mars 1965. décida d’acquérir deux types d’avions
exprimé le 10 mars 1965 : jusqu’à 24 Yuma le Le 24 janvier 1966, le comman- de combat : des A-4 “Skyhawk” et
avions seraient à fournir seulement 4 septembre dant en chef des forces armées israé- des “Mirage” 5 “Raam”. Et ne per-
après qu’Israël eut honnêtement re- 1967 ; Ohad liennes, Isaac Rabin, déclara qu’il dit pas de temps pour s’exécuter. Un
jeté les avions d’attaque européens Shadmi est à se satisferait de l’acquisition d’A-6 contrat préliminaire portant sur 30
droite, Yossi
alternatifs tels que “Super Vautour”, “Intruder” – acquisition qui, selon lui, “Mirage” 5 “Raam” – plus une option
Sarig à gauche
“Mirage” IIIE et “Mirage” IIIF2. dépassait les attentes les plus réalistes portant sur 18 exemplaires supplé-
avec, à ses
L’état-major des forces armées qu’il avait pu avoir. En ce qui concer- mentaires – fut signé le 14 mars 1966.
côtés, Haggai
israéliennes évalua les implications Ronen.
nait l’avion d’attaque léger, l’acquisi- Un contrat préliminaire pour 48 A-4
VIA AISO “Skyhawk” fut signé le 18 mars. Le
nom de code israélien pour ce contrat
encore classé et non encore publié
était “programme Rugby”.

Le contrat “Ahit” après


une dure négociation
La conclusion du contrat des
“Ahit” — nom israélien donné au
“Skyhawk” – fut compliquée, car
les États-Unis proposaient à Israël
un A-4E dégradé, désigné A-4H.
Il manquait à l’A-4H le détec-
teur d’émissions radar (système
d’auto-protection), l’ordinateur de
bombardement et son viseur gyros-
copique, ainsi que le câblage pour
pouvoir tirer le missile antiradar
AGM-45 “Shrike”. Les États-Unis
rejetèrent une requête israélienne
V

17
“SKYHAWK” ISRAÉLIENS

VINCENT
DHORNE

Les quatre
premiers “Ahit”
arrivèrent à Haïfa
la nuit
du 29 décembre
1967.
VIA AISO

de fourniture de munitions dernier standard spécifié par les États-Unis mandant de l’Escadron 110 sur
cri, compatibles avec l’A-4H, y com- et sans les munitions demandées – “Vautour”, prendrait le commande-
pris de missiles AGM-12 “Bullpup” pour livraison à Israël à partir de ment de l’Escadron 102 avec Nissim
(air-sol) et AIM-9 “Sidewinder” septembre 1967. La valeur du contrat Ashkenazi, pilote de SMB 2 (“Super
(air-air), de bombes à fragmenta- était de 70 millions de dollars amé- Mystère”), en second. Les quatre
tion “Rockeye” et de bombes au ricains, dont 20 millions pour l’équi- pilotes étaient seniors et expérimen-
napalm. Les États-Unis acceptèrent pement et les munitions. tés. Ohad Shadmi était diplômé de la
néanmoins de modifier l’A-4H avec promotion 17 de mai 1955 de l’École
un parachute de freinage, d’aider au Transformation sur de pilotage de la force aérienne is-
remplacement des canons standard raélienne et avait volé sur “Mystère”
de 20 mm américains par les canons
“Ahit” aux États-Unis Les premiers pendant le conflit de Suez en 1956 ;
de 30 millimètres standard de la La force aérienne israélienne “Ahit” furent il était commandant de l’Esca-
force aérienne israélienne, et d’in- avait prévu de convertir sur “Ahit” livrés à Ramat dron 109 depuis avril 1964 et avait été
clure dans le contrat deux nacelles à partir de décembre 1967 son David. Ohad nommé pour diriger l’escadron basé
de ravitaillement air-air. Escadron 109 alors sur “Mystère” Shadmi, à Ramat David pour la transition
Alors que les négociations étaient et basé à Ramat David, et de former commandant de “Mystère” à “Skyhawk”. Yossi
encore en cours, les États-Unis an- une nouvelle unité sur “Ahit”, qui se- de Sarig était diplômé de la promotion
noncèrent la vente à Israël d’avions rait son Escadron 102, basé à Hatsor, l’Escadron 109, 19 de janvier 1956 de l’école de pilo-
tactiques le 20 mai 1966. La dure né- à partir d’avril 1968. Ohad Shadmi en pilota un tage et avait été pilote de “Meteor”
en compagnie
gociation se termina par la signature devait prendre le commandement de pendant la guerre de Suez. Il com-
de deux
du contrat “Ahit” le 2 juin 1966, qui l’Escadron 109 avec Haggai Ronen manda un escadron de “Vautour”
“Mystère” IV le
portait sur 48 A-4H “Skyhawk” – au en second. Yossi Sarig, ancien com- de juillet 1964 à juillet 1965 et était
1er janvier 1968.
VIA AISO chef de la Section de planification des
attaques de la branche Opérations
depuis 1965, date à laquelle il avait
été affecté pour mener la création
du nouvel escadron de “Skyhawk” à
Hatzor. Yossi Sarig se souvient : “Le
commandant de la force aérienne
israélienne, Ezer Weizman, m’a
invité à le rejoindre lors du Salon
du Bourget de 1965. Nous sommes
allés au chalet Breguet pour que nous
soit présenté le “Jaguar” (1). Notre
besoin opérationnel portait sur un
avion d’attaque capable d’un profil de
mission “bas-bas” de Ramat David
jusqu’à la zone du canal de Suez,
en emportant un certain nombre
de bombes. En examinant les gra-

(1) Le nouvel avion d’attaque et


d’entraînement franco-britannique
fut baptisé “Jaguar” le jour de
l’ouverture du Salon.

18
A-4H “03” de l’Escadron 109. Le 12 mai 1970, le commandant de l’unité, Ezra “Babban” Dotan,
abattit deux MiG-17 syriens. Il fut le seul “Skyhawk” israélien ayant obtenu des victoires aériennes.

phiques qui nous ont été fournis, j’ai Artzi a été blessé dans un accident Shadmi et moi avions prévu de
conclu que le “Jaguar” ne remplissait de vol [le 26 janvier 1967] et Zur partir aux États-Unis le lendemain du
pas nos conditions. J’en ai fait part à Ben-Barak, également de Ramat Jour de l’Indépendance. Mon chef,
Ezer, qui m’a demandé si j’étais sûr David, a été désigné pour le rempla- Rafi Harlev, directeur des opérations
de moi. Oui, j’étais sûr. Il s’est levé, cer en tant qu’adjoint. Ben-Barak a du département Air, a organisé pour
interrompant brusquement la présen- participé à une formation de respon- moi un pot de départ et, pendant la
tation, et m’a ordonné de le suivre. sables de formation et a été tué dans fête, nous avons entendu que l’armée
Nous sommes sortis dans un un accident [le 31 janvier 1967]. On égyptienne marchait dans le Sinaï.
certain remue-ménage du chalet m’a alors dit qu’il n’y avait plus de Je me suis dit que dans ces circons-
Breguet et sommes allés au chalet personnel de Ramat David dispo- tances nous ne partirions pas aux
Douglas. Ezer a demandé que lui nible pour devenir mon adjoint et États-Unis, mais Rafi m’a rassuré, en
soit présenté le “Skyhawk”. La ré- Nissim Ashkenazi de Hatzor a été me disant qu’il ne se passerait rien.
ponse de Douglas a été : “Nous ne nommé. Mais Nissim a été victime Mais juste au cas où, je lui ai fait pro-
sommes pas prêts maintenant, mais d’un problème aux reins et a dû subir mettre que nous serions rappelés si
nous allons organiser une présen- une intervention chirurgicale. Arik quelque chose devait arriver.
tation ce soir à l’hôtel George V.” Ezuz a été alors désigné comme ad- Le Premier Nous avons quitté Israël pour
Le soir même, nous avons assisté joint et nous avons suivi ensemble ministre la Floride et avons voyagé jusqu’en
israélien Levi
à la présentation de Douglas. Nous tous les cours préparatoires avant de Californie pour visiter l’usine de
Eshkol accueille
étions trois : Ezer, le chef du dépar- partir pour les États-Unis. Mais fina- Douglas, voir la chaîne de produc-
les premiers
tement des matériels, Arie Hillel lement Nissim a récupéré à temps, tion et discuter des modifications.
“Skyhawk”
[responsable du service du matériel. et a pu faire la transformation sur livrés aux
La situation au Moyen-Orient était
NDLR] et moi. Je me suis plongé “Skyhawk” aux États-Unis. Israéliens.
tendue et nous appelions chaque V
dans les graphiques et j’ai vite réa- VIA AISO

lisé que cet avion était absolument


parfait pour nous.
Un an plus tard, le “Skyhawk” est
devenu une réalité pour nous et je me
suis proposé comme candidat pour
une future affectation à l’équipe de
lancement du “Skyhawk”. Shadmi
et moi-même avons été sélectionnés :
nous étions tous deux des “natifs”
de Ramat David. À l’époque, la
force aérienne israélienne était divi-
sée entre la Force aérienne Nord à
Ramat David et la Force aérienne
Sud à Hatzor. Je n’ai jamais servi
à Hatzor, sauf pour les transfor-
mations sur “Ouragan” et “Super
Mystère”. Par conséquent, il a été
suggéré que mon adjoint devrait
être issu de la Force aérienne Sud,
mais j’ai fait objection, et Aki Artzi
a été désigné. Il était aussi de Ramat
David et pilote de “Vautour”. Mais
19
“SKYHAWK” ISRAÉLIENS

VIA AISO

jour deux fois Israël pour savoir


si nous étions rappelés. Ce qui est
“ (…) exposés à des vu deux “Skyhawk” décoller en for-
mation. Un pneu de l’avion de tête a
arrivé rapidement. L’attaché de crevé durant l’accélération, le faisant
la force aérienne israélienne aux
États-Unis, Aaron Yoeli, nous a
savoir-faire différents, dériver latéralement vers l’ailier. Ce
dernier s’est éjecté, mais le pilote de
organisé un vol jusqu’à New York
où nous avons embarqué dans un
en particulier le l’avion de tête a été tué. Ce fut notre
premier souvenir de Cecil Field.
Boeing 707 d’El Al. Nous étions
les seuls passagers et l’avion était ravitaillement en vol ” L’entraînement aux armes se
faisait à Yuma, un long vol depuis
si léger qu’il a établi un record de Cecil Field, donc une nuit d’arrêt en
New York à Tel Aviv, en 8 heures formation, navigation à haute et cours de route était prévue et on nous
et 40 minutes. Shadmi a réintégré basse altitude. L’entraînement tac- a proposé de choisir où faire étape.
son escadron et moi la direction des tique suivit avec 15 sorties qui com- Nous avons choisi San Francisco.
opérations. Immédiatement après la prenaient plusieurs nouveautés pour La réponse a été que ce n’était pas
fin de la guerre des Six-Jours, nous les pilotes israéliens : ravitaillement sur le chemin ; nous avons insisté car
sommes retournés aux États-Unis en vol, manipulation du radar, atter- quand on nous avait posé la question,
pour y faire notre transformation rissage sur câble d’arrêt et décollage rien n’avait été dit sur la route qui
sur “Skyhawk”.” catapulté depuis la base des Marines devait être suivie. Et c’est ainsi que
de Cherry Point. La phase finale de nous nous sommes posés sur la base
Qualification vol la conversion sur “Skyhawk” fut une aéronavale Moffet Field, avons passé
formation à l’utilisation des armes une bonne soirée à San Francisco et
aux instruments sur la base des Marines de Yuma, avons continué vers Yuma le len-
Les pilotes qui allèrent aux en 28 vols. Yossi Sarig se souvient : demain. Yuma était au milieu du
États-Unis y arrivèrent donc encore “Notre équipe de mécaniciens rési- désert, très chaud, mais le jour où
plus expérimentés. Ohad Shadmi dait dans des appartements loués à nous sommes arrivés il pleuvait
avait effectué 17 missions pendant Jacksonville ; nous, nous étions ins- vraiment fort – une vraie inondation.
la guerre des Six-Jours en juin 1967, tallés dans le quartier des officiers cé- La pluie mise à part, voler à Yuma
Haggai Ronen 19 missions et Nissim libataires de Cecil Field. Le jour où était une expérience incroyable. Les
Ashkenazi huit. En juillet 1967, les nous y sommes arrivés, nous avons escadrons de l’US Navy et du Marine
pilotes suivirent un cours de vol
aux instruments avec la VA-45 sur Livraison
la base aéronavale de Cecil Field. d’un second
Ayant obtenu leur qualification lot d’A-4H
“Skyhawk” en
vol aux instruments standard le
avril 1968.
1er août 1967, ils furent transférés à
La plupart des
la VA-44 voisine pour la conversion
“Skyhawk”
sur “Skyhawk”. Leur première im- israéliens furent
pression du A-4 fut celle d’un avion livrés par bateau.
très simple à mettre en œuvre. La
conversion se déroula sur huit vols :
maniement général, voltige, vol en
VIA AISO

20
L’Escadron 102
perçut ses
premiers “Ahit”
en juin 1968.
Ici “Ahit” 22
ravitaille en vol
“Ahit” 51.
Le “Skyhawk”
fut le premier
chasseur israélien
capable d’être
ravitaillé par un
autre.

Corps effectuaient régulièrement des déjà tous de l’expérience en matière dant au compte-gouttes. Faute
rotations vers Yuma pour s’entraîner de chasseur à réaction avec postcom- de supports triples et multiples
aux armes. La communauté locale et bustion, alors nous avons pu “secrè- externes, les quatre premiers
la presse accueillaient chaque unité tement” essayer l’appareil. Comme “Skyhawk” furent autorisés à
et tous les pilotes, mais notre mission déjà dit, rien ne pouvait être gardé emporter trois bombes de 500 kg
était très secrète. Chut… chut… Et secret à Yuma et quelques jours plus et deux bombes de 250 kg directe-
lors de notre première soirée en tard, la presse locale a rapporté notre ment fixés sur les cinq points d’em-
ville, tous les panneaux lumineux vol ; nous avons donc été les premiers port. Cela représentait déjà une
affichaient “Bienvenue à la VA-44, pilotes israéliens à piloter le F-4. grosse amélioration par rapport
bienvenue au pilote Yossi Sarig” et Dans l’ensemble, le stage de au “Mystère” qui n’emportait que
ainsi de suite… ! transformation sur “Skyhawk” a été deux bombes de 250 kg, mais on
Nous commencions à voler tôt le une expérience enrichissante. Nous était encore loin des configurations
matin, à cause de la chaleur. Toucher étions des pilotes chevronnés, avec d’emport qui permettaient jusqu’à
l’avion à mains nues après 11 h 00 de nombreuses heures de vol et de 20 bombes sous un seul avion.
était impossible, tellement la tôle était nombreuses missions à notre actif, Le deuxième lot d’“Ahit” arriva
brûlante. Très vite nous avons acquis mais voler aux États-Unis nous a le 11 avril 1968. À ce moment-là,
une très bonne réputation. Chaque exposés à des savoir-faire différents, l’Escadron 109 comptait sept pilotes
mission avait son créneau horaire en particulier le ravitaillement en vol issus du stage de transformation sur
sur la zone de tir qu’il fallait quitter et les opérations à longue distance.” “Ahit” n° 1 tandis que neuf autres
à l’heure. Un jour, nous avons traîné L’A-4H fit son premier vol le suivaient le stage n° 2.
un peu et le contrôle au sol nous a 27 octobre 1967 et les quatre pre-
exhortés à dégager la zone car une miers “Ahit” arrivèrent dans le port Un second escadron
autre formation était en route. Le d’Haïfa dans la nuit du 29 au 30 dé-
leader de cette formation a immédia- cembre 1967. Le Premier ministre
sur “Ahit”
tement dit : “Pas de problème, il se dit israélien, Levy Eshkol, les inspecta L e débarquement d’une car-
que ces gars-là sont des champions ; à Haïfa le samedi 30 décembre 1967, gaison de trois “Skyhawk” dans
nous voulons les voir en action.” puis ils furent transportés jusqu’à le port d’Ashdod en juin 1968 per-
Ainsi nous avons attaqué et ils nous Ramat David dans la nuit du 30 au mit la création de l’Escadron 102
ont regardés à plus haute altitude. 31 décembre 1967. sur la base voisine d’Hatzor. Yossi
Pendant notre séjour à Yuma, L e premier vol d’un “Ahit” Sarig reçut une lettre de nomina-
nous sommes devenus amis avec les de l’Escadron 109 fut accompli le tion à la fonction de commandant
aviateurs d’un escadron de F-4 des 1er janvier 1968 par Ohad Shadmi, de cet escadron en date du 28 dé-
Marines. Un soir, nous avons de- aux commandes de l“Ahit” 03, flan- cembre 1967 ; il se souvient : “Nous
mandé à leur commandant de faire qué d’Haggai Ronen et Zvika Hess sommes rentrés des États-Unis et
un tour dans leurs avions. Ils ont dans des “Mystère” ; le trio survola Shadmi savait où aller, lui : dans
été un peu surpris mais ont accepté les bases aériennes israéliennes. son escadron de “Mystère” à Ramat
le défi. Tôt le lendemain matin, à La première mission eut lieu le David. Je me suis présenté au com-
3 heures, nous nous sommes retrou- 15 février 1968 : les quatre premiers mandant de l’Escadre d’Hatzor,
vés pour un briefing, et avons décollé pilotes et les quatre premiers “Ahit” Beni Peled. Nous nous connais-
à l’aube, pour rester discrets, en attaquèrent une cible en Jordanie. sions. Nous nous sommes installés
places arrières des F-4. Nous avions Les équipements arrivaient cepen- dans son bureau, et Beni m’a dit :
V

21
“SKYHAWK” ISRAÉLIENS

VIA AISO
Ohad Shadmi,
“Yossi, bienvenue à l’Escadre 4. Tu commandant jour-là, nous avons enlevé la pro- Fin 1968, 42 “Skyhawk” avaient
es une personne expérimentée, je ne de tection dont il était couvert, avons été livrés à Israël. Les supports
serais donc pas d’une grande aide l’Escadron 109, chargé des bombes et signalé dans triples et multiples externes arri-
et de toute façon je suis sur le point aux la foulée au quartier général de la vèrent enfin et l’Escadron 109 ef-
de partir. Sur le parking, dehors, tu commandes force aérienne que nous étions opé- fectua la première mission avec ces
trouveras ton pick-up. Ta secrétaire du “Ahit” 09, rationnels. Ils ne pouvaient pas le équipements le 2 décembre 1968
t’attend sur le siège passager. Elle l’un des quatre croire. Ils ont dit : “Comment est-ce – des frappes contre des cibles pales-
a déjà sa machine à écrire sur ses premiers A-4H possible ? L’avion vient juste d’arri- tiniennes en Jordanie.
genoux. Va voir Furman [Giora livrés. ver !” Nous les avons donc invités à Les livraisons de “Skyhawk”
Furman, commandant d’escadron venir voir par eux-mêmes, ce qu’ils se poursuivirent avec l’arrivée de
de l’Escadre d’Hatsor. NDLR], il ont fait et ils ont conclu : “OK, vous 46 exemplaires en Israël en 1969.
t’assignera un bureau et commen- êtes opérationnels.” Un troisième escadron d’“Ahit”
cera à activer l’escadron.” C’est fut créé à Tel Nof. Les trois pre-
ainsi que nous avons créé l’esca- Quatre types miers “Skyhawk” de l’Escadron 115
dron. Nous sommes partis de rien, furent débarqués à Ashdod en mars
littéralement de zéro.
de missions principales 1969. La première frappe de l’Esca-
Il n’y avait que moi, Nissim Les opérations antiterroristes dron 115 fut effectuée le 23 avril
[Ashkenazi], l’officier technique étaient les plus courantes durant 1969 ; la cible était une station radar
et son équipe de base. Nissim était cette période, car les terroristes en Jordanie et les pilotes étaient le
responsable de l’aménagement du palestiniens prenaient fermement commandant du 115 Eliezer Prigat
bâtiment. J’ai rejoint le responsable pied en Jordanie, d’où des attaques et son adjoint Ehud Shelach.
technique et son équipe, et ensemble contre Israël avaient été lancées. Entre-temps, le face-à-face avec
nous avons organisé les préparatifs Les “Ahit” participèrent aux quatre l’Égypte tourna à la guerre de posi-
pour l’arrivée des avions. Nous types de missions principales de la tion à grande échelle : la guerre d’At-
devions réceptionner les deux pre- campagne de “police aérienne” : trition. La participation initiale de la
mières “hangarettes blindées amé- – bombardement des infrastruc- force aérienne israélienne à la guerre
ricaines”, un nouveau type de han- tures terroristes palestiniennes en d’Attrition fut limitée car les deux
garette conçu selon les besoins de la Jordanie ; camps utilisaient surtout l’artillerie,
force aérienne israélienne. – missions Cricket : attaque des les tireurs d’élite et les opérations
J’étais impatient et nous avons groupes terroristes palestiniens sur spéciales. Israël dénombra 127 bles-
dû arrondir bien des angles. Chaque alerte rapide, quand ils tentaient de sés et 50 morts de mars à juin 1969 et
fois qu’un lot d’équipements pour franchir la frontière jordanienne ; craignait que l’Égypte ne considère
nos “Skyhawk” arrivait au dépôt - missions Crab : reconnaissance ce qu’elle pouvait considérer comme
logistique de la force aérienne, visuelle le long de la frontière jorda- un succès comme le tremplin pour
notre équipe technique y allait et nienne israélienne ; une offensive à plus grande échelle
ramenait le tout jusqu’à Hatzor. - missions Grove : reconnais- dans le but d’envahir la rive Est du
Là, nous vérifiions ce que contenait sance aérienne en force au-dessus canal de Suez. Les attaques égyp-
l’envoi, gardions la moitié et resti- de la Jordanie. tiennes se poursuivirent en juillet
tuions l’autre moitié au dépôt pour Les débuts opérationnels de 1969. Israël estima qu’une escalade
l’Escadron 109. De cette façon, nous l’Escadron 102 eurent lieu le 4 août massive était inévitable pour contre-
avions tout l’équipement de manu- 1968 lorsque des camps de ter- carrer les présupposés plans égyp-
tention au sol nécessaire le jour où roristes palestiniens en Jordanie tiens d’offensive sur le canal. Q
notre premier avion est arrivé. Ce furent bombardés. À suivre
22
HISTOIRE

Manfred von Richthofen


(à droite), l’as des as allemand
(80 victoires), pose devant un
des Fokker Dr.I de série de son
unité en compagnie de son
frère Lothar (40 victoires).

DR/COLL. GREG VANWYNGARDEN


L’aviation en 1918 - Épisode 3*
Le Fokker Dr.I
Le petit triplan de la société Fokker
évoque à lui seul l’aviation de la Première
Guerre mondiale pour le grand public,
de par sa silhouette inimitable et du fait
d’avoir été la monture emblématique
du célèbre Manfred von Richthofen.
Comment se comporta-t-il face aux
chasseurs alliés ? Par David Méchin
* Lire Le Fana de l’Aviation nos 579 et 580

n ne peut comprendre Schneider qui gagnera un procès

O l’histoire du Fokker tri-


plan sans rappeler celle
de la guerre aérienne
au printemps 1917 et
celle de son constructeur, Anthony
Fokker. Né en Indonésie en 1890
d’une famille de colons néerlandais,
contre Fokker en 1917.
Le Fokker “Eindecker”, un des
premiers avions de chasse, révolu-
tionne la guerre aérienne en 1915
mais son règne prend fin au début
de 1916 lors de la bataille de Verdun
puis celle de la Somme, où son infé-
il grandit aux Pays-Bas et devient riorité en maniabilité devient fla-
en Allemagne un des pionniers de grante face aux biplans Nieuport
l’aviation d’avant-guerre, fondant en qui équipent la chasse française et
1912 une société aéronautique qui même face à l’Airco DH 2 de confi-
vend quelques modèles à l’armée guration propulsive qui équipe la
allemande. Il devient vite un homme chasse britannique. Fokker a tenté
d’affaires aussi avisé que dénué de de réagir en produisant des biplans
scrupules : l’avion qui fait son suc- entrés en service à la fin de l’été 1916,
cès, le chasseur Fokker “Eindecker”, mais ni le Fokker D.I à moteur en
est un monoplan fortement inspiré ligne, ni les D.II et D.III à moteur
du Morane H qu’il a su améliorer rotatif ne remportent l’adhésion des
en le dotant d’une structure à tubes pilotes, souffrant de plus de graves
métalliques. Un accessoire fait tout défauts de fabrication. C’est la so-
son intérêt : sa mitrailleuse syn- ciété Albatros qui rafle le marché des
chronisée, reprenant un système chasseurs avec son Albatros D.II, un
breveté par l’ingénieur suisse Franz biplan puissamment motorisé avec
V

Vue du
prototype Fokker
V4 à la fin du
mois de juin
1917 à Schwerin.
L’appareil ne
porte pas de
mâts d’aile et
la forme de ses
ailerons sur
l’aile supérieure,
non compensés,
imposent
d’importants
efforts au pilote.

DR/COLL C. CONY

25
LE FOKKER DR.I

un moteur en ligne Mercedes D.III


de 160 ch qui sort à l’automne 1916,
suivi de l’Albatros D.III à aile infé-
rieure réduite qui en accroît les per-
formances, puis du D.V au moteur
plus puissant de 170 ch.

Une mauvaise passe


pour Fokker
Au printemps 1917, la société
Fokker voit ses chasseurs relégués
à l’entraînement et traverse une
mauvaise passe. Anthony Fokker Werner Voss
cherche à tout prix à revenir sur le (à gauche) et
marché des chasseurs à une époque Anthony Fokker
où l’Allemagne perd pied dans la (au centre) lors
production aéronautique. Tout des essais en vol
d’abord du point de vue numérique, du V.4.
DR/COLL. GREG VANWYNGARDEN
avec un écart qui se creuse face à la
production des Alliés français, bri- de la chasse (rééquipement com- équipent un chasseur de leur inven-
tanniques et italiens qui totalisent Premier plet effectif au mois d’août 1917). tion, le SE 5 – apparu en avril 1917
près de 35 000 appareils, le double véritable Ils en prennent une seconde avec avec le HS 8A – et le SE 5a avec
de la production allemande, ce qui Fokker triplan, l’Hispano 8B de 200 ch équipant les le HS 8B venu quelques mois plus
se ressent au niveau des effectifs sur le Fokker V.5, nouveaux Spad XIII en août 1917 tard. Les Spad et SE 5, avec leurs
le champ de bataille. Du point de vue vu ici essayé à mais qui connaissent des problèmes puissants moteurs, volent plus vite et
technique, les Français ont pris une la fin du mois de mise au point, lesquels seront ré- plus haut que n’importe lesquels des
de juillet 1917 à
première longueur d’avance avec solus avec la version surcomprimée chasseurs allemands qui n’ont aucun
Schwerin, porte
le moteur Hispano-Suiza 8Ab dit (HS 8Bb de 220 ch) apparue à la fin moteur équivalent à leur disposition.
des mâts d’aile
“surcomprimé” développant 180 ch de l’année 1917. Ces deux moteurs H eureusement pour l’Alle-
et des ailerons
qui équipe l’ensemble des Spad VII compensés.
sont livrés aux Britanniques qui en magne, l’industrie britannique,
DR/COLL. C.CONY
souffrant d’une pénurie de moteurs,
peine à livrer à ses unités les excellent
SE 5a qui ne représentent donc
qu’une petite minorité des appareils
en ligne ; or c’est précisément sur le
front britannique que se déroulent la
majorité des combats après l’offen-
sive du Chemin des Dames en avril
1917, suite à l’ambition du général DAVID M
ÉCHIN

Haig de mener par la seule action


de ses troupes une offensive ambi-
tionnant de déloger les Allemands
de la côte belge. Une offensive qui se
solde par un sanglant échec pour les Fokker F.I 102/17 de présérie piloté par le rittermeister Manfred
Britanniques tant au sol qu’en l’air : von Richthofen qui obtint deux victoires à son bord au début
le Royal Flying Corps, très éprouvé du mois de septembre 1917. L’oberleutnant Kurt Wolff fut tué
par la bataille de la Somme l’année au combat aérien à ses commandes le 15 du même mois.
précédente, a comblé les rangs en
entrant dans la spirale infernale de
la réduction du temps de formation
de ses nouveaux pilotes qui arrivent les meilleures conditions, sur leurs De son hôpital ou il est traité
au front en n’ayant pratiquement pas lignes, face à des adversaires peu for- suite à une balle dans la tête reçue
volé sur leur avion d’armes. més et volant sur un matériel infé- en combat aérien au mois de juil-
rieur. Les pertes britanniques sont let 1917, Manfred von Richthofen,
Le Sopwith “Triplan” une fois de plus énormes avec plus commandant de la Jagdgeswader I
de 50 % de leur effectif en pilotes (1re Escadre de chasse allemande
inspire les Allemands perdu en 5 mois de bataille. Mais rassemblant les Jasta 4, 6, 10 et 11),
Avec une politique britannique la situation évolue avec l’arrivée laisse éclater son pessimisme dans
d’attaque à outrance, les pilotes de de renforts français et la livraison une lettre qu’il écrit le 18 juillet à un
chasse allemands, très expérimen- croissante d’appareils performants ami officier travaillant à l’état-major
tés, se retrouvent à combattre dans par l’industrie britannique. de l’aviation allemande (Kogenluft),

V
Anthony
Fokker est aux
commandes du
premier appareil
de présérie livré
au front, à la JG I
de Markebeke
(Belgique). Il
en explique le
fonctionnement au
gen. Von Lossberg,
appuyé sur le
cockpit. Derrière
lui, le chef de la
JG I, Manfred von
Richthofen.
DR/COLL. GREG VANWYNGARDEN

DR/COLL. GREG VANWYNGARDEN

27
LE FOKKER DR.I

le leutnant Fritz Von Falkenhayn, fils


de l’ancien général en chef de l’armée
allemande : “Je peux t’assurer qu’il
n’y a plus aucun plaisir à être le chef
d’une unité de chasse dans cette armée
(…). Nos appareils sont inférieurs
à ceux des Anglais d’une manière
complètement ridicule. Le “Triplan”
[Sopwith] et le Spad 200 HP [piloté
par les Français. NdA.], tout comme
le Sopwith monoplace [vraisembla-
blement SE5a. NdA.] jouent avec nos
Albatros D.V. En plus de la qualité
de leurs appareils, ils ont pour eux
la quantité. Nos pilotes de chasse,
bien que très bons, sont par consé-
quent perdus ! Le D.V est si vieux
et si pitoyablement inférieur qu’on
ne peut rien faire avec. Nos gens en
Allemagne n’ont toujours pas mis en Le Fokker Dr.I
production de meilleure machine que s’illustra en
ce pouilleux d’Albatros [D.V] qui est particulier lors
en ligne depuis un an, collé à l’Alba- de l’opération
tros D.III avec lequel je me battais Michael.
DAVID MÉCHIN
déjà à l’automne de l’année dernière.
Nous devons sans condition soutenir service en petit nombre par le seul un moteur rotatif Clerget 9B de
toute société qui produit un nouvel Royal Navy Air Service (RNAS) à 130 ch moins puissant que celui de
appareil un tant soit peu meilleur que Vue du Fokker partir du mois de décembre 1916, l’Albatros D.V, il est bien plus léger
ce maudit Albatros…” F.I 103/17 de équipant durant l’année 1917 un (500 kg contre 687 kg) et bénéficie
Werner Voss
Manfred von Richthofen men- total de quatre escadrons de chasse de meilleures performances tant en
au roulage, son
tionne bien avec le Spad VII ou (n° 1, 8, 9 et 10 RNAS) ainsi que vitesse de pointe qu’en vitesse ascen-
moteur rotatif
XIII un chasseur britannique qui ne l’escadrille de chasse du Centre sionnelle. Les Allemands ignorent
tournant en
laisse pas les pilotes allemands indif- même temps
d’aviation maritime français de sans doute que les résultats opéra-
férents : le Sopwith “Triplan”, mis en que l’hélice. Dunkerque. Bien que motorisé par tionnels du Sopwith “Triplan” sont
DR/COLL. GREG VANWYNGARDEN
très mitigés, avec 64 appareils perdus doté d’une voilure entièrement can- 1917 à Schwerin dont il devient un
du fait de l’ennemi en 7 mois d’opéra- tilever (sans le moindre câble de fixa- des ardents avocats devant les offi-
tions, soit pratiquement tout l’effectif tion). Le prototype V.4 (n° d’usine ciels de l’Idflieg.
des quatre escadrons. Il est en outre 1661), propulsé par un moteur Anthony Fokker réalise alors un
très fragile et difficile d’entretien ; Oberursel en étoile de 110 ch, vole second prototype (n° 1697) compor-
les accidents sont nombreux comme au mois de juin 1917 depuis l’usine de tant des mâts au bout des ailes et des
le montrent les statistiques opéra- Schwerin et atteint d’excellentes per- ailerons modifiés. L’appareil désigné
tionnelles du CAM de Dunkerque. formances en maniabilité, vitesses V.5 voit ses performances diminuer
Cependant, les rapports des pilotes ascensionnelle et de pointe où il frôle quelque peu, tout en restant excel-
de chasse allemands impressionnent les 200 km/h, et ce malgré quelques lentes avec une vitesse de pointe de
suffisamment le kommandieren- défauts dont l’apparition de vibra- 180 km/h à 2000 m, supérieure à
der general der Luftstreitkräfte tions au bout des ailes. celles des Albatros et des Sopwith
(Kogenluft) pour que celui-ci de- Anthony Fokker a toujours veillé “Camel”. La vitesse ascensionnelle,
mande aux constructeurs de réaliser à entretenir d’excellentes relations avec l’altitude de 5 000 m atteinte en
un chasseur triplan. avec les plus grands as de la chasse 22 minutes est la meilleure de tous
allemande : ils sont ses meilleurs les appareils allemands en service.
Les prototypes agents commerciaux car leur avis Elle est même un peu supérieure à
compte beaucoup dans les décisions celle du SE5a aux basses altitudes
de Fokker de commandes de l’Idflieg (l’inspec- mais reste inférieure à celle des
Plus d’une dizaine de prototypes tion de l’aviation allemande). À ce Spad VII et XIII qui sont aussi avec
sont présentés. La société Albatros titre, il n’hésite pas à pourvoir à leur le SE5a plus rapides à toutes les alti-
ne fait pas montre d’une grande ima- confort en leur offrant des cadeaux, tudes. Le triplan est plus performant
gination en se limitant à adapter un de bons repas et toutes sortes de que l’Albatros D.V malgré un mo-
plan supplémentaire entre les deux distractions lors de leurs permis- teur moins puissant (110 contre 160
ailes de son Albatros D.V. Anthony sions à l’arrière, ou les invite dans ch), mais il est nettement plus léger
Fokker, en revanche, se montre ses usines pour voir ses réalisations. (406 kg contre 687 kg à vide). Qui
beaucoup plus créatif avec son C’est le cas du lt Werner Voss, pilote plus est, toutes les masses de l’appa-
chef ingénieur Reinholt Platz. Les de 20 ans et titulaire de 34 victoires reil étant concentrées près du centre
deux hommes, qui ne veulent pas se (toutes contre les Britanniques), pré- de gravité (moteur, carburant, arme-
faire ravir ce marché par un autre sentement commandant par intérim ment, pilote), l’appareil est structu-
constructeur, vont en toute hâte de la Jasta 14 et ami proche de l’as rellement instable et s’avère d’une
modifier un prototype de chasseur des as Manfred von Richthofen. À maniabilité exceptionnelle.
prévu pour l’aviation austro-hon- l’invitation de Fokker, il a l’occasion L’Idflieg se montre très inté-
groise en le transformant en triplan, d’essayer le prototype V.4 le 5 juillet ressée et, le 14 juillet 1917, passe

V
Vue du Fokker
F.I 102/17 de
présérie, à
bord duquel
von Richthofen
remporte
la première
victoire aérienne
du triplan le
1er septembre
1917.

DR/COLL. GREG VANWYNGARDEN

Premier Fokker
Dr.I de série
utilisé au combat
par Manfred
von Richthofen,
le n° 152/17 est
partiellement
peint en rouge
sur la queue, le
capot-moteur, les
mâts, les roues et
l’aile supérieure.
Il obtient ses 64e
et 65e victoires à
son bord les 12
et 13 mars 1918.

DR/COLL. GREG VANWYNGARDEN

29
LE FOKKER DR.I

commande d’un premier lot de 20


appareils, dont les trois premiers
vont porter le préfixe de F.I avant
que celui-ci ne change rapidement
en Dr.I (Dreidecker - triplan en alle-
mand). Le prototype V.5, devenu le
F.I 101/17, va être envoyé au terrain
d’Adlershof près de Berlin pour y
finir sa courte carrière en y réali-
sant du 7 au 11 août 1917 des tests ÉCHIN
DAVID M
de résistance de la structure. Le
prototype V.4, modifié avec l’ajout
de mâts d’aile, va être envoyé pour
évaluation dans l’Empire austro-
hongrois à l’usine Magyarische Fokker Dr.I n° 454/17 du leutnant Lothar von Richthofen
Allgemeine Maschinenfabrik (40 victoires). Comme tous les appareils de la Jasta 11, son capot,
(MAG) de Budapest qui réalise ses mâts et ses roues sont peints en rouge. La couleur jaune
deux autres prototypes modifiés est personnelle à Lothar, le frère cadet de l’as des as.
mais qui ne débouchent sur aucune
production de série. À Schwerin,
la société Fokker sort deux autres occupée, commandée par Manfred Le lendemain matin, 1er sep-
prototypes de triplan : le V.6 testant von Richthofen, lequel, sans doute tembre, Richthofen part au com-
le montage d’un moteur Mercedes averti par Voss, les attendait avec bat sur le triplan, escorté de quatre
D.II en ligne de 120 ch, qui s’avère impatience. Le 25 juillet, il a déclaré Albatros D.V, et s’attaque sur
trop lourd et bien moins maniable, à ses pilotes : “Vous recevrez les nou- Zonnebeke dans les lignes alle-
puis le V.7 dont quatre exemplaires Fokker Dr.I veaux Fokker triplans qui grimpent mandes à un biplace britannique
sont produits et qui servent à tester n° 213/17 de la comme des singes et manœuvrent RE 8 en mission de réglage d’artille-
jusqu’en 1918 de nouveaux modèles Jasta 2 Boelcke comme le diable !” rie. L’équipage britannique, prenant
de moteurs sans non plus déboucher (JG III), piloté Richthofen va immédiatement sans doute le nouveau chasseur alle-
sur une production de série. par le lt Fritz s’approprier le F 102/17, en lais- mand pour un Sopwith “Triplan”,
Kempf, plus sant le F 103/17 à son ami Werner ne se défend pas et tombe sous les
Évaluation connu par la Voss devenu entre-temps chef de balles de l’as des as, constituant sa
décoration de la Jasta 10. Les deux hommes réa- 60 e victoire aérienne officielle. Le
opérationnelle son Fokker lisent leurs premiers vols d’essais surlendemain 3 septembre, il s’en
Durant le mois d’août 1917, Dr.I (Tu me le 28 août. Deux jours plus tard prend à un Sopwith “Pup”, un chas-
l’usine Fokker de Schwerin produit reconnais ?) Anthony Fokker présente lui-même seur britannique complètement dé-
les premiers appareils de série ; les que par sa création devant tout un parterre passé dont le pilote a assez d’adresse
deux premiers à venir après le proto- l’épaisseur d’officiels venus visiter le terrain pour survivre au combat en se po-
de son tableau
type V.5 sont immatriculés F 102/17 de Marckebeeke, dont le chance- sant dans les lignes allemandes où il
de chasse fait
et F 103/17 et envoyés à la fin du mois lier allemand Georg Michelis et le est capturé, étant filmé par Anthony
de quatre
à l’Armeeflugpark 4 qui les livre à la chef de la 4e Armée allemande, le Fokker resté sur place, qui immorta-
victoires
Jadgeschwader I (JG I), en Belgique homologuées.
gén. Sixt von Arnim. lisera également avec sa caméra l’as
DR/COLL. GREG VANWYNGARDEN

30
Décollage du
Dr.I 208/17 de
la Jasta 14,
une escadrille
indépendante
non amalgamée
dans une des
trois escadres
de chasse, et qui
reçoit quelques
triplans au mois
de janvier 1918.
Elle est basée
à Phalempin
près de Lille,
sur le front
britannique,
durant toute
l’année 1918.
DR/COLL. GREG VANWYNGARDEN

des as allemands partant en mission Richthofen comme “son seul compé- prend à une patrouille de biplaces
sur son appareil. titeur”. C’est un pilote virtuose pour FE2b dont un est immédiatement
Manfred von Richthofen re- un caractère impétueux, pour ne pas transformé en torche par son tir.
çoit ce jour l’honneur de la visite dire une vraie teigne : dans le passé, Puis le 10 septembre, il obtient un
de l’Empereur d’Allemagne en il n’a pas hésité à dénoncer son an- “triplé” : deux “Camel” à quelques
personne à son escadre. Il bénéfi- cien chef d’escadrille à l’état-major minutes d’intervalle, et un Spad
cie ensuite le 6 septembre d’une car il le jugeait trop mou ! Le triplan français à 18 h 15 lors d’une seconde
longue permission qu’il passe dans est un appareil qui correspond à son mission. Il s’agissait du Spad VII
sa famille pour y finir la rédaction style agressif et il multiplie les sorties (n° 1746) de la SPA 31 piloté par le
de ses mémoires qu’il a reçu l’ordre à son bord, décorant son capot-mo- sergent Jules Tiberghien, qui tombe
de rédiger pour soutenir le moral teur d’un visage de théâtre Nô japo- au nord-est de Drie-Grachten en
de l’arrière. Il profite de ce séjour nais, probable souvenir d’un cerf-vo- Belgique. Les circonstances du
pour visiter Berlin où il demande lant de son enfance dans la ville de combat n’étant pas connues, on ne
l’accélération de la production des Krefeld où les manufactures textiles peut expliquer comment ce pilote
Fokker Dr.I, revenant au front le avaient des relations commerciales expérimenté (breveté en novembre
23 octobre 1917. avec le Japon. Dès le 3 septembre, 1916, affecté à la SPA 31 en avril
Durant son absence, son Fokker il abat un Sopwith “Camel”, puis le 1917 où il avait remporté une vic-
F.I 102/17 est testé par plusieurs 5 un Sopwith “Pup” et un Caudron toire probable) pilotant un appareil
autres pilotes. Le F.I 103/17 est de G.4 français tombent sous ses coups aux performances supérieures s’est
son côté utilisé avec succès par le à moins de deux heures d’intervalle. fait abattre par le Fokker triplan,
lt Werner Voss. Le jeune pilote Le 6 septembre, à la tête de cinq sinon supposer qu’il a tenté de
âgé d’à peine 20 ans est décrit par Albatros de son escadrille, il s’en l’affronter en combat tournoyant.

V
DR/COLL. GREG VANWYNGARDEN
Touché par la
DCA, le Dr.I
n° 144/17 du
lt Stapenhorst
(Jasta 11, JG I)
est contraint de
se poser dans
les lignes alliées
le 13 janvier
1918, où il est
capturé intact et
sera envoyé en
Angleterre pour
évaluations.
LE FOKKER DR.I

Vue de face du Fokker Dr.I n° 466/17 de la Jasta 14,


unité indépendante équipée du “Triplan”.
DR/COLL. GREG VANWYNGARDEN
Les Sopwith “Camel” sont pour
leur part inférieurs au Fokker tri-
plan et Voss en abat encore deux
autres le 11 septembre 1917, avant
de partir en permission se reposer
Fokker Dr.I quelques jours.
n° 157/17 C’est le jour même où tombe au
de la Jasta 2, dite combat l’as des as français Georges
Jasta Boelcke, Guynemer, et c’est aussi le début des
unité intégrée déboires des Fokker. Le chef de la
à la JG III. Jasta 11, l’oberleutnant Kurt Wolff,
DR/COLL. GREG VANWYNGARDEN
revient à son unité après une per-
Deux as de la
mission où il se remettait d’une bles-
Jasta 11 (JG I),
sure au poignet. Avec 33 victoires
les lt Werner
homologuées contre l’aviation
Steinhauser
(10 victoires,
britannique, il est le quatrième as
à gauche) et allemand en titre, et jalouse les suc-
lt Richard Wernzl cès de Voss qui est de deux ans son
(12 victoires) cadet. Proche ami de Richthofen,
devant le Fokker il s’empare du Fokker F.I 102/17 de
Dr.I de ce son chef d’escadre et commence à
dernier en mai mener des patrouilles mais, comme
1918. Le 26 juin, il l’écrit à sa fiancée, traverse une
Steinhauser est période de guigne et manque toutes
tué au combat ses opportunités. Le 15 septembre
par des chasseurs 1917, accompagné d’un équipier sur
de la Division Albatros D.V, il s’attaque soleil dans
aérienne (GC 18) le dos à une formation de quatre
à Neuilly-Saint- Sopwith “Camel” du Squadron 10
Front dans RNAS. Malheureusement, ceux-ci
l’Aisne. entrent vite dans le combat. Wolff
DR/COLL. GREG VANWYNGARDEN
DR/COLL. GREG VANWYNGARDEN prend pour cible un “Camel” mais
un second piloté par le flight lieu-
tenant Norman McGregor se place
dans son dos et le tire de très près,
l’abattant immédiatement tandis
que son équipier n’a pu le couvrir,
étant pris à partie par un autre
Britannique.

Au combat seul
contre six
C’est une dure nouvelle pour tout
le JG I mais le pire est à venir. Le
23 septembre 1917, Voss revient de
permission, assez fatigué et nerveux
selon les dires de plusieurs témoins.
S’envolant sur son F.I 102/17 le matin,
il abat un Airco DH.4 britannique (sa
40e victoire) mais revient avec plu-
sieurs impacts de balles du mitrail-
leur arrière de sa proie dans les plans.
Profitant de l’absence de Richthofen,
il signe sa victoire en effectuant un
looping au-dessus de son terrain…
Il repart l’après-midi pour son der-
nier vol. Escorté de deux équipiers
volant sur Pfalz D.III, il commet
Alignement des l’imprudence de les distancer avec
Fokker Dr.I de la sa vitesse supérieure et va avoir la
Jasta 26 (JG III) malchance durant sa patrouille de
sur le terrain se retrouver coiffé par une patrouille
de Halluin-Est de six appareils du Sqn 56 équipé de
au mois de SE5a. Le chef de patrouille, le cap-
mai 1918. tain James Mc Cudden, est de plus
La JG III fait alors loin d’être un manchot, puisqu’il va
face à l’aviation devenir le deuxième as britannique
britannique. de la guerre avec 49 victoires homo-
V

33
LE FOKKER DR.I

loguées “détruites”, récipiendaire de disent tous les triplans de vol et éta- Steinhauser, pilote débutant de la
la Victoria Cross avant sa mort acci- blissent une commission d’enquête, Jasta 11, descend un ballon britan-
dentelle le 9 juillet 1918. Voss est seul laquelle découvre que la cause des nique près d’Heudicourt. Mais lors
contre six et fait face courageuse- accidents est une faiblesse des points de la même mission, un de ses équi-
ment ; touchant pratiquement tous d’attache des ailerons, mais aussi une piers, le lt Eberhart Stapenhörst,
ses assaillants de plusieurs balles très mauvaise qualité des matériaux est touché par la DCA et doit poser
grâce à l’excellente maniabilité de utilisés et de graves défauts de fabri- son triplan dans les lignes britan-
son chasseur. Mais, contrairement à cation – d’ailleurs propres à l’usine niques où il est capturé intact ; il est
ce qu’ont pu écrire certains auteurs Fokker, ce qui valut à cette société examiné sous toutes les coutures
britanniques, s’il reste dans le com- d’avoir été expulsée du marché des par les autorités britanniques. Le
bat, c’est qu’il ne peut s’en échapper chasseurs en 1916. 2e Bureau français avait noté dès le
car les SE5a montent aussi bien que Les triplans sont tous rappelés en mois de décembre qu’“un nouveau
le triplan et sont plus rapides que lui usine où ils reçoivent une aile supé- triplan serait actuellement mis en
en vol horizontal comme en piqué. rieure renforcée. Les pilotes appré- essais et qu’il aurait des qualités de
Après une dizaine de minutes de cient malgré tout cette nouvelle montée remarquables”. Apprenant
lutte, l’as allemand est abattu d’une monture et ne font aucune difficulté peu après que “le triplan Fokker de
rafale tirée à bout portant par le à abandonner leurs Albatros D.V ou chasse présenterait des grands dan-
lieutenant Arthur Rhys-Davids, qui Pfalz D.III. L’hiver est mis à profit gers de pilotage et qu’il serait interdit
n’a pas encore fêté son 20e anniver- pour rééquiper les unités ; le nou- de voler sur cet avion”. L’épreuve du
saire, et qui remporte la sixième de veau chasseur est alors clairement feu avec la chasse française n’inter-
ses huit victoires homologuées avant livré aux unités d’élite, celles amal- viendra qu’au mois de mars.
de tomber lui-même au combat le gamées dans une escadre de chasse :
mois suivant. la JG I de Richthofen composée des Les aviateurs allemands
Jasta 4, 6, 10 et 11 (la Jasta 10 n’en
Les triplans renforcés recevra pas) ; la JG II (Jasta 12,13,15
face à la chasse française
et 19) et la JG III (Jasta 2 Boelcke, La fin de l’hiver est mise à profit
puis livrés à l’élite 26, 27 et 36). Sur les quelque 69 par l’armée allemande pour prépa-
Richthofen revient à son escadre autres Jasta indépendantes, seules rer au printemps une série d’offen-
le 23 octobre 1917 et retrouve ses les 5, 14 et 18 en recevront quelques- sives, profitant de la sortie du conflit
pilotes au moral sérieusement at- uns – la plupart des unités précitées de la Russie pour ramener du front
teint par la perte de Voss et Wolff, disposant toujours d’Albatros D.V de l’Est des troupes permettant d’at-
les deuxième et quatrième meilleurs ou de Pfalz D.III en complément de taquer en supériorité numérique. Il
pilotes de chasse allemands du mo- dotation, généralement confiés aux convient de prendre de vitesse les
ment. Mais le n° 3 ne va pas tarder à pilotes débutants. Alliés qui ne tarderont pas à dis-
les rejoindre… Les premiers Fokker Le premier succès des Fokker poser du renfort des troupes amé-
Dr.I de série sont livrés au front et le Dr.I “de série” ne survient que le ricaines, encore à l’instruction au
chef de la Jasta 15 (JG II), le lt Erich 13 janvier 1918 quand le lt Werner début de l’année 1918.
Gontermann (39 victoires dont 17
ballons et neuf avions français), re- Autre unité de la
çoit le Dr.I 115/17 dont il écrit qu’il y JG III, la Jasta 27
place de grands espoirs mais dit vou- est dirigée par
le lt Hermann
loir tester avec une certaine circons-
Göring que
pection. Le 30 octobre 1917, il essaie
l’on voit aux
sa machine en faisant des acrobaties
commandes
au-dessus du terrain de La Neuville : de son Dr.I
les témoins voient l’aile supérieure se n° 206/17.
tordre, l’aileron droit se détacher et la
toile s’arracher de l’aile, conduisant à
l’accident et à la mort du pilote.
Le même jour, Manfred von
Richthofen, volant sur le Dr.I
n° 114/17, voit son moteur le lâcher
en vol et doit se poser d’urgence tan-
dis que son propre frère Lothar est
victime de la même mésaventure :
DR/COLL. GREG VANWYNGARDEN
un défaut supplémentaire à mettre DR/COLL. GREG VANWYNGARDEN

au passif des Fokker Dr.I équipés Fokker Dr.I


d’un moteur rotatif, dont l’huile né- n° 43/17 du
cessaire à leur entretien fait défaut lt Arthur Rahn
(six victoires), de
dans une Allemagne victime du blo-
la Jasta 19 (JG II).
cus allié, et dont l’“ersatz” utilisé en
remplacement est loin d’avoir les
mêmes qualités.
P uis, le 31 octobre 1917, le
lt Günther Pastor, simple pilote de
la Jasta 11, se tue sur son Fokker Dr.I
121/17 dans les mêmes conditions
que Gontermann. C’en est trop pour
les officiels de l’Idflieg qui inter-
34
Royal Air Force le 1er avril 1918, sont
bousculées par l’offensive et nombre
d’escadrons doivent par ailleurs éva-
cuer précipitamment leurs terrains
devant les troupes allemandes qui
progressent d’environ 60 km dans
les lignes alliées. Les pertes sont
lourdes pour les Britanniques, mais
moindres que dans les pires mois
ÉCHIN
DAVID M
de l’année précédente : 154 pilotes
britanniques sont tués ou portés dis-
parus au mois de mars 1918 pour 79
pilotes allemands sur cette portion
du front, un rapport de 2 contre 1
alors qu’il était de 6 contre 1 en avril
1917 et 3 contre 1 durant la bataille
Le Fokker Dr.I n° 404/17 du hauptmann Adolf Ritter von Tutschek, des Flandres à l’automne 1917. Le
chef de la Jadgeschwader II et titulaire de 27 victoires aériennes. rapport de forces a bien changé car
désormais, pratiquement la moitié
des chasseurs britanniques en ligne
L’offensive se prépare sur la peu moins de la moitié de toute la sont des appareils à hautes perfor-
Somme où se masse la chasse alle- chasse allemande, dont celles des mances comme le SE 5a et le nou-
mande, dont l’escadre de Richthofen trois Jadgeschwader d’élite dotées Le Fokker Dr.I veau Sopwith “Dolphin” équipé du
qui est employée à abattre les appa- des Fokker Dr.I – soit un effectif n° 425/17 de moteur Hispano-Suiza. Pire encore,
reils de reconnaissance britannique théorique de 420 chasseurs, dont Manfred von les aviateurs allemands font main-
pour masquer les préparatifs d’of- 144 Fokker Dr.I qui en constituent Richthofen, tenant face à la chasse française qui
fensive. Manfred von Richthofen, le fer de lance, le reste étant composé entièrement intervient en masse dans la bataille
qui a été contraint de voler sur son d’Albatros D.V et Pfalz D.III. peint en rouge. avec au premier plan les appareils de
vieil Albatros au mois de novembre L’offensive est un succès et la L’appareil porte la Division aérienne (lire Le Fana de
1917, reprend le combat sur Fokker 5e Armée britannique est pratique- encore les l’Aviation n° 580), représentant des
Dr.I et abat trois nouveaux avions ment anéantie par l’action des troupes croix de type effectifs supérieurs à ceux de l’avia-
britanniques (ses victoires nos 64 à d’élite de l’armée allemande. Le front Balkenkreutz tion allemande, et qui plus est en
au mois de
66) avant le début de l’offensive dite est à deux doigts d’être rompu mais quasi-totalité équipée de Spad VII
mars 1918,
Michael le 21 mars 1918. l’arrivée en renfort de l’armée fran- et XIII. Richthofen et ses hommes se
alors qu’il est
Trois armées allemandes (18e, çaise va permettre de colmater la battent avec courage mais ploient dé-
photographié
2e et 17e) s’élancent en bénéficiant brèche in extremis. En l’air, les unités sur le terrain
sormais clairement sous le nombre,
du soutien de 35 Jasta de chasse, un du Royal Flying Corps, qui devient la l’as des as remportant neuf nouvelles

V
de Léchelle.

DR/COLL. GREG VANWYNGARDEN

35
LE FOKKER DR.I

victoires durant la bataille, dont deux


SE5a et un “Dolphin”, témoignant de
tout son talent de pilote.
La lettre qu’il écrit le 2 avril 1918
à son ami Fritz von Falkenhayn,
un pilote affecté à l’état-major du
Kogenluft, est révélatrice de son
état d’esprit sur la tournure des évé-
nements : “Après un long silence je
t’écris de nouveau pour une ques- ÉCHIN
DAVID M
tion : quand pourrais-je compter
sur l’arrivée des biplans Fokker
avec leurs moteurs surcompressés ?
La supériorité des monoplaces et
avions de reconnaissances britan-
niques est de plus en plus évidente Le Fokker Dr.I n° 425/17 du rittermeister Manfred von Richthofen
et déplaisante. Les combats de chas- à bord duquel il tombe au combat le 21 avril 1918.
seurs ont lieu à haute altitude et y
restent. On ne peut même pas les
tirer. Mais la vitesse est le point le
plus important. Nous pourrions en à l’affronter, comme en témoigne le XIII mais n’avait pas leur vitesse. On
abattre cinq à dix fois plus si nous sgt Pierre Cardon, un as aux cinq pouvait le surprendre. Il ne pouvait
étions plus rapides. Durant l’offen- victoires affecté à la SPA 81 dans nous échapper en piqué.”
sive nous avons apprécié le bas pla- la Division aérienne : “Un triplan Les archives françaises per-
fond nuageux, car à basse altitude le manœuvre comme une bicyclette mettent de recenser 22 victoires
triplan conserve ses avantages. S’il te face à une motocyclette. Il ne faut homologuées contre des triplans,
plaît donne-moi des nouvelles aussi jamais engager le combat contre cet plus 14 probables, entre les mois
vite que possible sur l’arrivée de ces appareil, juste le prendre par surprise de février et juin. En juillet 1918,
nouvelles machines.” car il manœuvre trop facilement. (…) un rapport de la Division aérienne
Durant une longue permission Le matériel allemand n’avait pas la s’inquiète bien plus du Fokker D.VII
à Berlin au début de l’année, l’as même puissance que le nôtre. À part et ne consacre que quelques lignes au
des as allemand a pu participer aux le triplan Fokker qui manœuvrait triplan, notant que le type est désor-
essais de nouveaux prototypes de beaucoup mieux que les Spad VII et mais “en voie de disparition” et ne
chasseurs et a apporté son appui au
nouveau Fokker D.VII, un appareil
biplan aux excellentes qualités de
vol mais qui doit recevoir un moteur
BMW surcompressé de 185 ch lui
permettant d’approcher celles des
Hispano des Spad, SE5a et Sopwith
“Dolphin”. Il met clairement tous
ses espoirs dans ce nouvel appareil
qu’il attend toujours après la fin de
l’offensive le 5 avril, alors que s’en
réalise une autre dans les Flandres
(dite Georgette) contre les troupes
britanniques. Alors que la JG I reste
sur le front de la Somme, il remporte
ses cinq dernières victoires contre
des Sopwith “Camel”, le seul avion
de chasse ennemi qui lui est infé-
rieur en performances, portant son
score à 80. Il n’aura jamais l’occa-
sion de toucher un Fokker D.VII,
puisqu’il est tué le 21 avril 1918,
atteint par le tir de troupes au sol
lors d’un combat aérien contre un
groupe de Sopwith “Camel”.

“Une bicyclette face


à une motocyclette”
C’est au mois de mai que les
premiers Fokker D.VII font leur
apparition tandis que les dernières
offensives de printemps se dirigent
contre les troupes françaises. Le
Fokker triplan n’impressionne guère
les pilotes de Spad qui apprennent
36
lui faisant même pas l’honneur de Le Fokker Dr.I
décrire ses caractéristiques de com- n° 425/17 de
bat : la guerre aérienne se déroule à Manfred von
plus de 5 000 m où volent les Breguet Richthofen, au
de bombardement et leur escorte, mois d’avril
hors d’atteinte du petit triplan de 1918, avec ses
Fokker dont la production s’arrête nouvelles croix.
effectivement au mois de mai après C’est à un son
320 exemplaires construits. Les der- bord que l’as
niers exemplaires quittent les Jasta des as trouve
durant le mois de juillet – à l’excep- la mort sur la
tion de quelques pilotes le menant commune de
encore sporadiquement au combat, Vaux-sur-Somme,
comme l’as Joseph Jacobs (48 vic- le 21 avril 1918,
toires, Jasta 7) qui vole sur son Dr.I touché par une
balle tirée du sol.
entièrement peint en noir jusqu’au
DR/COLL. GREG VANWYNGARDEN
mois d’octobre. DR/COLL. GREG VANWYNGARDEN

Le Fokker Dr.I aura peut-être Fokker Dr.I


marqué les esprits de par sa sil- n° 403/17
houette et les grands as allemands du leutnant
Johannes Janzen
à l’avoir piloté, à commencer par
(13 victoires),
le plus talentueux d’entre eux,
abattu et capturé
Manfred von Richthofen. Mais il
au cours d’un
est loin d’avoir été l’appareil consti- combat aérien
tuant un progrès dans la guerre aé- contre la chasse
rienne, l’Allemagne abandonnant française
avec lui la course à la puissance des le 9 juin 1918.
moteurs. Comme s’y perdra l’armée
de l’Air à la fin des années 1930,
le concept du “chasseur Jockey”,
consistant à mettre un moteur
moins puissant à un appareil plus
léger, aura montré ses limites. Q

Deux Fokker Dr.I au mois de mai 1918 avec à l’arrière-plan


un Fokker D.VII biplan, l’appareil qui va les supplanter.

DR/COLL. GREG VANWYNGARDEN

37
CE JOUR-LÀ… 6 avril 1938
Premier vol du Bell XP-39
L’“Airacobra”
n’est plus
un chasseur !
Les profondes modifications nécessaires
et l’embonpoint qui en résulta firent oublier
à l’avion ses ambitions de chasseur. Par Alain Pelletier
l y a 80 ans presque jour pour d’un passage à Wright Field. L’ayant

I jour, le mercredi 6 avril 1938 ne


devait pas être un jour comme les
autres pour quelques hommes
qui, trois années auparavant,
avaient créé une nouvelle entreprise
aéronautique, la Bell Aeronautical
Corporation. L’avenir de la jeune
examiné, il s’était contenté de faire
un commentaire sur la rigidité des
ailerons, petit défaut qui, d’ailleurs,
avait été immédiatement rectifié.
À la fi n du mois de février, il était
revenu à Wright Field pour assister
à des essais d’escamotage du train,
entreprise dépendait en grande par- puis il était revenu une fois encore
tie de ce qui allait se passer ce jour- afi n d’effectuer les premiers rou-
là. En effet, le nouvel avion qu’avait lages au sol. À ce stade, le premier
créé l’un d’eux, Robert J. Woods, vol aurait pu sembler imminent.
s’apprêtait à prendre son envol. Il C’était sans compter avec le moto-
faut bien dire que l’entreprise fondée riste Allison qui demanda que les
par Bell, Woods et un financier du réducteurs du ventilateur soient
nom de Ray Whitman ne roulait pas démontés afi n de les soumettre à
sur l’or et comptait ses dollars. Elle un essai d’endurance de 35 heures.
n’avait même pas de pilote attitré. Et ce ne fut qu’au début du mois
Pour le vol qui allait avoir lieu, ainsi d’avril que l’avion fut à nouveau prêt
que pour ceux qui allaient suivre, à voler. Le 6 avril, Taylor effectua
il avait fallu en embaucher un en la à nouveau quelques roulages après
personne de James Taylor, un pilote que l’instrumentation d’essai eut été
réserviste expérimenté de l’US installée, puis, il décolla l’avion ar-
Navy. Autant dire que ce 6 avril, genté pour un premier vol qui dura
Larry Bell n’en menait pas large, et en tout et pour tout 20 minutes, au
ses compagnons de même… Le P-39 fut cours desquelles le pilote constata
T aylor, lui, était confiant. le premier une élévation inhabituelle de la tem-
D’ailleurs ce n’était pas la première chasseur pérature d’huile.
monoplace
fois qu’il voyait l’avion de Bell. Il Le jour suivant, Taylor effectua
monomoteur
avait eu l’occasion de s’en approcher une présentation en vol devant le gé-
de Bell Aircraft
quelques semaines auparavant lors néral “Hap” Arnold, commandant
V

Corp.

BELL USAF

38
Du 13 juillet au 2 août 1939,
le XP-39 fut installé dans la
veine de la grande soufflerie
du Langley Memorial
Laboratory pour y subir une
série d’essais avec différentes
géométries d’entrée d’air pour
le turbocompresseur.

39
BELL XP-39 “AIRACOBRA”

BELL
James Taylor
de l’USAAC (United States Army pilota le XP-39 nombre de modifications telles que vola à nouveau à partir du le 25 no-
Air Corps). À nouveau, l’indica- pour son l’installation d’un moteur V1710-39 vembre 1939. Sa manœuvrabilité à
teur de température d’huile fit des premier vol le de 1 090 ch, l’implantation d’une basse altitude s’était sensiblement
siennes et obligea Taylor à écourter 6 avril 1938. entrée d’air pour le carburateur sur améliorée, mais cela s’était fait au
le vol. Il fallut alors aux techniciens le dos du fuselage. L’envergure fut détriment d’autres critères de per-
une bonne quinzaine de jours pour réduite à 10,37 m tandis que la lon- formance. Désormais, le XP-39B ne
identifier et régler définitivement ce gueur passait à 9,07 m, et une ver- volait plus qu’à 603 km/h à 4 500 m
fâcheux problème, si bien que l’avion rière sensiblement moins haute fut d’altitude et montait péniblement à
ne put revoler que le 14 avril, ajou- installée. À l’issue de ces remanie- 6 100 m en 7 minutes et 30 secondes.
tant quelque 47 minutes à son car- ments, le beau chasseur de Woods Son avenir était scellé. Quand bien
net de vol. Il était évident que le sys- prit de l’embonpoint et afficha dé- même il brillerait dans les opéra-
tème d’huile était défectueux, et les sormais une masse à vide de quelque tions à basse altitude, il ne serait
différentes entrées d’air qui furent 2 289 kg. Les modifications furent plus un chasseur.
essayées ne firent rien à l’affaire. De si profondes qu’elles justifièrent Le prototype allait poursuivre
plus longs travaux s’avéraient néces- un changement de désignation. Ce discrètement ses essais. Il allait être
saires. Il allait falloir notamment fut sous l’appellation XP-39B qu’il victime de deux accidents à l’atter-
faire migrer le radiateur d’huile et rissage ; le second, à Wright Field
l’échangeur du fuselage vers l’aile le 6 août 1940, marqua la fi n de la
droite. En dépit de ces irritants (1) Avec 12 897 exemplaires, carrière du tout premier des 12 897
l”“Airacobra” se place au 16e rang des
problèmes, le XP-39 se comportait avions les plus construits, entre le C-47 Airacobra qui furent construits par
admirablement et laissait entrevoir (13 140 ex.) et le B-17 (12 731 ex.) la suite. (1) Q
un avenir prometteur. Au cours
de cette première série d’essais, Le P-39
dépourvu d’armement, il parvint “Airacobra”
à monter à 6 100 m en 5 minutes et nécessita de
nombreuses
atteignit la vitesse de 628 km/h. Bien
modifications
qu’intéressante, cette performance
avant d’être
était inférieure à celle que Bell avait
versé aux unités
annoncée, à savoir 644 km/h. de première
À l’issue d’une soixantaine de ligne.
vols, l’avion fut installé, du 13 juil-
let au 2 août 1939, dans la veine de
la grande soufflerie du Langley
Memorial Laboratory pour y subir
une série d’essais avec différentes
géométries d’entrée d’air pour le
turbocompresseur… qui fut finale-
ment supprimé.
Le prototype fut alors renvoyé à
Buffalo pour bénéficier d’un certain
BELL

40
ABONNEZ-VOUS !

C rédit photo : Adobe Stock - Philip


recevez cette maquette
du Triplan Fokker DR.1
1 an soit 12 numéros..................................87.60 €
+ 2 hors-série.............................................20,00 €
Tripl Fokker DR.1.........14,00
+ la maquette du Triplan DR.1 €

1
121.60 €
Pour vous
Po
L’avion mythique de la 1ère Guerre Mondiale construit par Anthony Fokker.
Le plus connu fut celui du Baron Rouge, Manfred von Richthofen.
Echelle 1/72e. A partir de 15 ans.
95 €
 OUI, je m’abonne au FANA DE L’AVIATION pour 1 AN À renvoyer avec votre règlement à : FANA DE L’AVIATION - Service AAbonnements
45 avenue Général Leclerc 60643 Chantilly cedex
cedex. Tel : 03 44 62 43 779 - abo.lariviere@ediis.fr

OPTION 1 12 numéros + 2 hors-série + la maquette du Fokker DR.1 Triplane pour 95€ seulement au lieu de 121,60€
soit 22 % de réduction.
OPTION 2 12 numéros + 2 hors-série pour 83€ au lieu de 107,60€ soit 23% de réduction. FANP184A

Email : ........................................................................................ Nom : ....................................................................................... Prénom: .........................................................................................

Adresse : ...................................................................................................................................................................................................................................... Code Postal

Ville : ........................................................................................... Pays ...................................................Tel.: ...................................................... PAIEMENT PAR CB


DATE ET SIGNATURE OBLIGATOIRES :

RÈGLEMENT (à l’ordre des Editions Larivière) : ❏ Chèque bancaire ❏ CCP Paris 115 915 A 020
❏ CB : N° Expirant le 20 Cryptogramme

Tarif France métropolitaine 2018. International et envoi par avion, nous consulter au +33 3 44 62 43 79 ou par mail : abo.lariviere@ediis.fr. L’abonnement prendra effet dans un délai maximum de quatre semaines après validation de votre commande par
nos services. Vous pouvez acquérir séparément chacun des numéros du Fana de l’Aviation au prix de 7,30 €, les hors-série au prix de 10 € chacun et la maquette pour 14,00 € frais de port compris. Offre valable jusqu’au 31/05/18. Conformément à la loi informatique
et libertés du 6 janvier 1978, vous disposez d’un droit d’accès et de rectification aux données vous concernant. Ces données sont susceptibles d’être communiquées à des organismes tiers sauf si vous cochez la case ci-après ❒
ENQUÊTE LECTEUR
DONNEZ VOTRE AVIS
Contribuez à améliorer la qualité du Fana de l’aviation et devenez un lecteur conseiller.
Partagez vos idées, vos opinions et faites part de vos commentaires à la rédaction
Pour participer répondez à ce questionnaire ou sur internet : www.fana-aviation.com/enquetelecteur

1) Comment vous procurez-vous Le Fana de l’Aviation :


R chez votre marchand de journaux R En grande surface
R Vous êtes abonné(e) R Version papier R Version digitale
Utilisez-vous l’application digitale R oui R non
R Autre (précisez) : _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ ________________________________________________

2) Vous achetez Le Fana de l’Aviation :


R A chaque parution R 6 numéros par an R parfois
a) Rencontrez-vous des difficultés à vous le procurer R oui R non
Si oui, merci de nous indiquer votre code postal :
ou votre pays : _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _
3) Depuis combien de temps lisez-vous Le Fana de l’Aviation ?
R Moins d’un an R De 1 à 5 ans
R De 5 à 10 ans R Plus de 10 ans
R Depuis toujours.

4) Comment jugez-vous la qualité du magazine


a) Pour le contenu : b) Pour la mise en page :
R Plutôt très bien R Plutôt très bien
R Plutôt bien R Plutôt bien
R À améliorer R À améliorer
5) Quelle période de l’histoire de l’aviation vous intéresse particulièrement ?
Classez les par ordre d’intérêt de 1 à 6, le 6 indiquant votre période préférée.
Les débuts de l’aviation L’entre deux guerres
1ère guerre mondiale Années 1950 à 1970
2ème guerre mondiale Période moderne de 1980 à nos jours
6) Quels types d’articles voudriez-vous lire plus souvent ?
Classez- les par ordre d’intérêt de 1 à 5, le 5 indiquant votre intérêt maximal.
Monographie (avion) Album photos
Grandes batailles Grands aviateurs
Reportages avions de collection
Votre suggestion : _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _

7) Quelle rubrique préférez-vous? Classez-les par ordre d’intérêt de 1 à 5, le 5 indiquant


votre niveau de satisfaction maximum.

Actus Maquettes Courrier des lecteurs Ce jour-là. A lire à voir


Votre suggestion : _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _

8) Notez de 1 à 6 votre magazine, le 6 étant la note la plus élevée.


Mise en page Intérêt des photos
Sujet des articles Qualité des illustrations
Longueur des articles Qualité de la couverture et du papier

> Pertinence du visuel de la couverture par rapport au sujet 1 à 5


9) Comment jugez vous la qualité des articles
Faciles à comprendre R oui R non Destiné à des initiés R oui R non
Bien documentés R oui R non Incomplets R oui R non
10) La taille des caractères des textes des articles vous convient-elle ?
R Oui, la lisibilité des textes est agréable.
R Non, le confort de lecture doit être amélioré par des caractères plus grands.
11) À propos des hors-séries «Classique» du Fana de l’Aviation ? Quels types de sujets voudriez-vous lire plus souvent...
Classez-les de 1 à 3, le 3 étant la note la plus élevée.
Avions de légende Grandes batailles Grands aviateurs
Votre suggestion : _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ ___________________________

... et pour quelles périodes de l’aviation ? Classez-les de 1 à 3, le 3 étant la note la plus élevée.
1ère guerre mondiale 2ème guerre mondiale Années 1950 à 1970
Votre suggestion : _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _
12) Lisez-vous d’autres magazines d’aviation ?
1) Air Fan R oui R non 2) Avions R oui R non 3) Aérojournal R oui R non
> Autres, précisez lesquels : _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _

13) Lisez-vous des magazines d’Histoire ? R oui R non


> Autres, précisez lesquels : _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _
14) Quel âge avez-vous ?
R Moins de 30 ans R 31-55 ans R 56-70 ans R 71 ans et plus
15) Quel est votre équipement informatique ?
Un téléphone mobile R oui R non Un smartphone R oui R non
Un ordinateur de bureau R oui R non
Un ordinateur portable R oui R non
Une tablette numérique R oui R non
Une connection internet haut débit R oui R non
16) Utilisez-vous les réseaux sociaux R oui R non
> Précisez lesquels : _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _
17) Connaissez-vous la page Facebook Le Fana de l’Aviation R oui R non
18) Assistez-vous à des meetings aériens ? R oui R non - Combien par an :

Vos commentaires et suggestions :

EN CADEAU : Le hors-séries - F-105


pour les 50 premières réponses
TOUTE L’ÉQUIPE VOUS REMERCIE DE VOTRE PARTICIPATION.

Bulletin réponse à renvoyer à l’adresse ci-dessous : Le Fana de L’Aviation - Enquête lecteurs


rédaction - 9, allée Jean Prouvé - 92587 Clichy cedex ou par mail : fanaaviation@editions-lariviere.fr

Prénom : Nom :
Adresse :

CP : Ville :
Pays :
Email : @
10€
132 pages

EN KIOSQUE
ACTUELLEMENT
TÉMOIGNAGES

Mai 1978-décembre 1979, vers les limites…


Pilotes et ingénieurs
racontent le “Mirage” 2000

CEV
Deuxième partie.
Deux prototypes rejoignent
le premier aux essais en vol.
Voici venu le moment de les
présenter lors des salons.
Témoignages d’André Cornué, Bernard Dubreuil,
Guy Mitaux-Maurouard et Alain Rabion,
recueillis par Alexis Rocher.

Alain Rabion à bord


du “Mirage” 2000 01 lors
du premier vol pour le
Centre d’essais en vol, le
29 mai 1978, en patrouille
serrée avec le “Mirage” IIIB
d’accompagnement,
au-dessus des Salines.

47
“MIRAGE” 2000 - VERS LES LIMITES…

in mai 1978, Bernard Dubreuil

F souligne : “Nous avons bien


progressé depuis le premier
vol le 10 mars avec les perfor-
mances suivantes : grandes
vitesses 600 nœuds [1 111 km/h] ou
Mach 2 [2 469 km/h] ; basses vitesses
115 nœuds [212 km/h] ou 25° d’inci-
dence ; vitesse en approche 145 nœuds
[268 km/h] ; facteur de charge 5 g.”
L’avancement de l’ouverture du
domaine de vol permit de présenter
l’avion au Centre d’essais en vol dès
le vol 14 le 29 mai. Le pilote d’essais Alain Rabion,
était le commandant Alain Rabion ; enthousiaste,
l’équipe d’essais du CEV était ani- au retour de
mée par François Courtot et Claude son premier vol.
Lelaie (futur directeur des essais en “L’avion était
vol d’Airbus et pilote d’essais du très agréable à
premier vol de l’Airbus A380, avec piloter”, dit-il.
Jacques Rosay).
CEV

Alain Rabion : “Promotion 1963


de l’École de l’air, j’ai été breveté pi-
“ Le pilote peut “Mirage” 2000, la charge du pi-
lote est grandement diminuée, le
lote de chasse en février 1966. Après contrôle de l’avion est assuré par
mon affectation à la 13e Escadre de
chasse sur “Mirage” IIIE à Colmar,
désormais se consacrer les CDVE. Le contrôle de la trajec-
toire dans les modes basiques reste
j’ai eu envie de faire des essais en
vol. Je suis passé par l’Epner [École
pleinement à sa bien entendu à la charge du pilote
qui peut alors se consacrer pleine-
du personnel navigant d’essais et de
réception] en 1974, puis j’ai rejoint le mission ” ment à sa mission. La technique
était désormais au service de l’opé-
Centre d’essais en vol en juin 1975. rationnel. Avec le “Mirage” 2000
Assez rapidement, j’ai été nommé Le 29 mai, j’ai pris les com- vous tenez la vitesse au nœud près.
pilote de marque sur le programme mandes du prototype 01. Un moment Ce fut une révolution par rapport à
“Mirage” 2000. Le pilote de marque émouvant, un grand moment… et la précédente génération.
suit pour l’État le programme de- aucune surprise ! Tout s’est déroulé Jean-François Cazaubiel m’at-
puis son lancement. Il participe conformément à l’ordre d’essais, tendait au bas de l’échelle et m’a
aux réunions préparatoires avec le “comme dans le livre”. L’avion était posé la question rituelle : “Qu’est-ce
constructeur, étudie la disposition très agréable à piloter. que le pilote de l’État pense de mon
des commandes sur les maquettes, L es commandes électriques avion” ? M. Cazaubiel était en fait
fait du simulateur. Il fait partie de constituaient une révolution. Elles très subtil. Dans un premier temps,
l’équipe qui autorise le premier vol Le “Mirage” lissent et uniformisent la perfor- il ne disait rien, laissant au pilote
et suit les essais, avant de prendre à 2000 02 mance des pilotes. Il n’est doréna- l’initiative, ne l’influençant pas, tout
son tour les commandes pour son à Istres. vant plus nécessaire d’être un fi n au plus laissant échapper un propos
Il effectua son
évaluation officielle. Il procède aux “branleur de manche” pour être apparemment anodin. Il attendait
premier vol le
vols d’évaluation à chaque étape du performant. C’était compliqué avec un brin d’impatience mal dissi-
18 septembre
développement. Nous avions des dis- sur le “Mirage” IIIE. À partir du mulée que le pilote livre sa première
1978.
cussions très ouvertes avec l’équipe
de Dassault. Ça s’est très bien passé.
Avant de piloter le “Mi rage”
2000, j’ai pendant un temps été
responsable de la mise au point de
CDVE [commandes de vol élec-
triques] sur le “Mirage” IIIB n° 225
modifié à cet effet. Dans le cadre de
cette mise au point, j’ai été amené
à faire évaluer différentes configu-
rations de CDVE par des pilotes
CEV, Airbus et Dassault. C’était
une bonne “mise en jambe” pour la
suite. Également pilote de marque
du moteur M53 et plus générale-
ment en charge des essais moteurs
sur avions d’arme (“Atar” 9C, 8K50
et 9K50, M53, “Adour”, “Larzac”),
j’ai volé sur la Caravelle M53 et sur le
FIEM53 lors des campagnes d’éva-
luation de l’état de mise au point du
moteur présenté par la Snecma. Je
connaissais donc assez bien le M53.
SAFRAN

48
Patrouille des
deux premiers
“Mirage” 2000.
DASSAULT

impression. Elle était à ses yeux la Le domaine est alors ouvert Les limitations imposées par
plus importante. Les commentaires jusqu’à Mach 2 [750 nœuds, notre jeunesse (moins de 50 vols)
techniques, c’était pour après.” 1 389 km/ h, la vitesse du son dépend n’étaient pas trop contraignantes
de l’altitude], en excitant la structure sauf l’interdiction de la boucle
Des élevons métalliques par les élevons (vol 31). complète. Néanmoins Guy Mitaux-
Une deuxième évaluation est Maurouard parvient à organiser un
65 kg plus lourds conduite par le CEV au cours de extraordinaire enchaînement dans
Bernard Dubreuil : “Après les laquelle le cdt Maurice Rougevin- lequel la manœuvrabilité et les quali-
quatre vols effectués par le cdt Alain Baville du CEAM [centre d’expé- tés de vol sont démontrées magistra-
Rabion, le CEV fit un rapport “élo- riences aériennes militaires] prend lement, en particulier par une demi-
gieux”. en main l’avion au titre de l’armée boucle au décollage et un passage en
À partir du vol 18 (21 juin), des de l’Air (vol 34, le 11 juillet) ; ses basse vitesse à 100 nœuds [185 km/h] Le “Mirage”
élevons métalliques ont remplacé commentaires sont à la hauteur de très impressionnant ! 2000 exposé
les élevons du “Mirage” 2000 02 – nos attentes ! Le convoyage à Farnborough est entre deux
celui-ci en avait bien besoin car son Au vol 38 (23 août) le “Mirage” réalisé par Guy Mitaux-Maurouard séances de
premier vol approchait ! 2000 01 reçoit un jeu d’élevons neufs le 31 août (vol 47).” voltige au
Cette configuration provisoire en fibre de carbone dont les gammes Salon de
entraîna des essais au sol supplé- de fabrication et de contrôle sont Le clou du spectacle Farnborough,
mentaires car ce jeu d’élevons pesait peaufinées ; ceci efface les gros soucis en Grande
65 kg de plus ! Il fallut donc ajuster du premier vol !
à Farnborough Bretagne.
l’ensemble des filtres de structure qui Les cornemuses du Salon de F in août 1978, le Salon de C’était la
première fois
protègent les CDVE et, accessoire- Farnborough qui s’approche peuvent Farnborough s’ouvrit en Grande-
que le chasseur
ment, retoucher le lest de la pointe sonner, nous sommes prêts et Guy Bretagne. C’était alors, avec
français était
avant afi n de retrouver le centrage Mitaux-Maurouard attaque l’entraî- Le Bourget les années impaires,
présenté au
de 52,5 %. nement avec cinq vols (42 à 46) !
V

le grand rendez-vous de l’aéronau- grand public.

ROBIN A WALKER

49
“MIRAGE” 2000 - VERS LES LIMITES…

DASSAULT AVIATION
Le “Mirage”
tique mondiale. Pour la première moteur. Cela s’est fait à basse vitesse 2000 02 lors de l’avion… Nous avons fait un vol
fois le “Mirage” 2000 fut exposé au [120 nœuds - 222 km/h] ; nous avons des essais par jour pendant toute la durée du
grand public. pu ainsi démontrer que le “Mirage” d’intégration Salon, ça s’est très bien passé.”
Guy Mitaux-Maurouard : “Jean 2000, très cabré, restait parfaitement du missile air- Bernard Dubreuil : “Un vol de
Coureau m’avait demandé de présen- pilotable dans ces conditions. air “Super” 530. démonstration par jour soit six vols
ter l’avion. Il m’a dit très gentiment : Nous étions un peu inquiets car Il porte au total sans véritable problème !
“Maintenant il vaut mieux que ce un seul moteur tournait alors très l’insigne de Que du bonheur ! Le retour à Istres
soit un plus jeune que moi qui fasse bien, les autres avaient des petits la SPA 93 s’est fait le 6 septembre au cours du
ça.”. Donc je suis arrivé au Salon le soucis. Les débuts du M53 ont été sous le poste vol 56, le jour même de la dernière
31 août, aux commandes du 2000 01, assez laborieux, il a eu pas mal de de pilotage, présentation. D’autres tâches nous
après une semaine d’entraînement à diffi cultés techniques au début de unité dans attendaient”.
Istres. La revue Flight m’a demandé sa carrière. Jusque-là il avait volé laquelle volait
de faire une photo en vol au-dessus sur une Caravelle et le “Mirage” F1, Guy Mitaux- Le grand chantier
du Salon car pour le journaliste mais la Snecma n’avait pas encore Maurouard
le “Mirage” 2000 était “The star tout bien maîtrisé et, avec le 2000, avant du prototype 01
of the show” [le clou du spectacle. nous avons eu des ennuis. Parfois le d’intégrer Le 18 septembre, le prototype
NDLR]. Il faut dire qu’il n’y avait moteur “toussait” à la suite d’un dé- Dassault. 02 rejoignit le 01 aux essais en vol
pas de grande nouveauté (1). Dans crochage momentané du compres- Les prototypes et fit son premier vol piloté par Guy
une météo typiquement anglaise, seur. Heureusement cela ne s’est pas arboraient ainsi Mitaux-Maurouard.
les insignes de
c’est-à-dire plafond bas et crachin, il produit pendant le Salon. J’ai été Bernard Dubreuil : “La défini-
leur pilote.
a pris une photo à partir d’un petit bi- présenté à René Ravaud, le PDg de tion du 2000 02 est très proche de
la Snecma. Il m’a dit : “Ah c’est vous celle du 01 ; sa vocation initiale est la
(1) Le président Américain Carter ayant
le pilote du “Mirage” 2000 ? Je vous mise au point des CDVE, alors que
limité drastiquement la présentation de trouve bien téméraire !” Personne le premier est chargé d’évaluer les
matériels militaires, le F-16 était absent. n’a su s’il parlait de son moteur ou performances.
50
– la poussée du moteur restituée 22 novembre, lors du vol n° 19, j’ai
par les paramètres mesurés en vol est réarmé un peu trop vite, sans avoir
normale ; parfaitement trimé l’avion, et comme
– la traînée est donc excessive… cela s’est produit après un passage
Les analyses menées, dès les pre- du système en configuration très
mières accélérations supersoniques, dégradée (dite “ultime secours”), le
par la DGT (Direction générale tech- système n’a pas aimé du tout et dix
nique, Jean-Jacques Samin directeur fois de suite les élevons se sont mis
technique et Pierre Bohn directeur à battre sur les deux butées, plein
des études avancées) permirent de piqué à plein cabré, à la cadence
mettre en lumière la cause de ce d’un hertz ; l’avion a subi -9 g et +6 g,
déchet : les entrées d’air avaient un j’étais évidemment très secoué, inca-
bon rendement mais, trop écartées pable d’agir. Bernard Dubreuil m’a
de l’axe de l’avion, leur traînée était dit tout de suite de lâcher le manche,
excessive ! Un gros chantier de mo- ce que j’avais déjà fait, pensant à un
dification fut défini ; il consistait “à pompage piloté [PIO : pilot induced
amincir” le fuselage entre le cadre 8 oscillations]. Cela se produit quand
et le cadre 20 ! Il fut réalisé à Cazaux un pilote s’excite sur le manche en
par l’équipe de Jacques Lemaçon voulant contrer des oscillations
après un complément d’évaluation qu’il ne fait qu’amplifier. J’ai eu de
des performances par le CEV au la chance que l’essai ait démarré à
cours duquel le colonel Guillou du 10 000 pieds [3 048 m] parce que la
Bureau des programmes militaires trajectoire de l’avion était descen-
(BPM) prit l’avion en mains (vol 67, dante et nous nous sommes retrouvés
26 septembre). Ce chantier du fuse- à 5 000 pieds [1 524 m]. Ça s’est arrêté
lage se déroula entre octobre 1978 car l’avion a beaucoup ralenti, pas-
et avril 1979, avant le vol 74. Les sant environ de 400 à 250 nœuds [740
modifications conduisant à de gros à 463 km/h]. J’étais bien content que
travaux de structure et de réaména- ça s’arrête car je ne pouvais rien faire.
gement, on en profita pour modifier Mon casque tapait sur la verrière,
la flèche de la dérive et les Karman de ce qui s’entendait en salle d’écoute.
voilure (3) qui furent prolongés pour Ce jour-là j’ai compris l’origine de
permettre l’installation d’éléments l’expression “en voir 36 chandelles” :
du système de contre-mesure prévu les yeux pleins de points lumineux
en série. La flèche initiale de la dérive pendant plusieurs minutes.
ne plaisait pas à Monsieur Marcel J’ai le souvenir de M. Cabrière
Dassault qui la redessina lui-même ; me disant le lendemain dans son
cette modification “esthétique” ferait bureau à Saint-Cloud : “Tu sais
partie de la définition de série. chez nous les ordinateurs c’est bien,
Ce chantier, réalisé sous la houlette mais on en rajoute toujours un peu,
de Christian Decaix de la Direction et c’est grâce à ça que ton avion n’a
générale technique, nécessita un pas cassé.”
travail colossal 24 heures sur 24 !” En fait il n’était même pas dé-
Le prototype 01 étant en chantier de formé, les vols ont pu reprendre cinq

“ Ce jour-là j’ai modification, les essais se poursui-


virent sur le 02.
jours après.”
Bernard Dubreuil : “Cet incident
très impressionnant a eu une consé-
compris l’origine de Un incident très quence positive : l’ultime secours
mécanique avait augmenté le “hors
impressionnant
l’expression “en voir Guy Mitaux-Maurouard : “Sur
trim” entraînant la saturation des
CDVE lors du réarmement hâtif…
36 chandelles” ”
V

le 2000 02, nous faisions des pannes La suppression de celui-ci a été déci-
volontaires des commandes de vol.
Ça consistait à injecter des tas de (2) Une virole, ressemblant à une
Le 02 fait, bien sûr, son premier pannes avec un boîtier spécifique. roue de vélo, était fixée dans le canal
décollage avec des CDVE en mode On injectait une panne et on voyait le d’entrée d’air juste devant le plan
normal. comportement de l’avion. Après on d’entrée du moteur. Chaque rayon
comportait de nombreux petits tubes
Très vite l’identification des per- réarmait en configuration normale. Pitot transmettant autant de mesures
formances sur le 01 confirme un as- Il y avait des dizaines et des dizaines locales de la pression totale dans le plan
sez gros déchet en supersonique : le de points à faire. Beaucoup de d’entrée du moteur. Toutes ces mesures
temps d’accélération à Mach 2 n’est pannes ne se traduisaient par aucun nommées “peignage” étaient pondérées
puis une moyenne était établie pour
pas celui attendu. L’exploitation effet, d’autres allumaient un voyant. obtenir la pression totale avec laquelle
fine des multiples mesures a été Certaines avaient des effets plus le compresseur du moteur commençait
conduite par les ingénieurs du bu- significatifs. Les ingénieurs, et no- son travail.
reau de calculs : tamment P. L. Mathé, le concepteur (3) Carénage aérodynamique
sur la zone de jonction aile-fuselage
– le rendement des entrées d’air, principal des CDVE, m’avaient bien qui se prolonge vers l’arrière.
obtenu grâce à un “peignage” (2) dit : “Surtout avant de réarmer le sys- (4) Annule l’effort sur le manche
du plan d’entrée du compresseur tème pour le passer en configuration en vol stabilisé grâce à un petit bouton
moteur, est conforme aux prévisions ; normale, il faut trimer l’avion (4). Le sur celui-ci.

51
“MIRAGE” 2000 - VERS LES LIMITES…

dée par Jean Cabrière ; il sera rem- est le fameux M53-5 n° 514 ! [le seul
placé par un ultime secours électrique de cette version alors disponible.
à partir du vol 25 du 02 et, à partir NDLR], la météo parfaite, l’espace
du vol 74 du 01, cette évolution rend aérien d’essais désert (c’est l’avantage
les commandes de vol des “Mirage” des vols du samedi !). L’ambiance est
2000 entièrement électriques !” bonne, chacun est sûr de travailler
L’année 1979 était une année sur le meilleur avion du monde. Jean
avec Salon du Bourget. Le “Mirage” Coureau (Delta 1) annonce 0,6 g
2000 02 poursuivit la mise au point d’accélération au lâcher des freins et
des commandes de vol et entreprit dit : “Les gars, ça ne va pas traîner !”.
l’emport des charges extérieures. Le L’accélération à Mach 2, 750 nœuds
01 sortit de chantier en avril ; il allait [1 389 km/h], est assez brillante car
bien sûr être consacré aux mesures de la température du jour à 33 000 pieds
performances ; le 03 serait consacré [10 058 m] est très froide (-64,5 °C).
à l’intégration du système d’armes. En arrivant vers 50 000 pieds
[15 240 m] à Mach 1,4, Delta 1
Le malaise signale d’une voix angoissée :
“Putain d’oxygène !” La télémesure
de Jean Coureau me permet de contrôler rapidement
Le vol n° 68 du “Mirage” 2000 02 la pression cabine et le fonctionne-
fut très particulier. ment du blinker [indicateur] qui suit
B ernard Dubreuil : “Ce vol le rythme respiratoire du pilote : ils
effectué le matin du samedi 7 avril sont normaux. Je décide néanmoins
1979 est un vol de contrôle préparant de traiter la situation comme une
l’arrivée de la première évaluation véritable panne d’oxygène, il faut
étrangère, une mission australienne, dans ce cas descendre le plus vite
attendue le lundi 9 avril… possible en dessous de 20 000 pieds
L’avion est au meilleur de sa [6 096 m] et maintenir le pilote
forme, les réglages des commandes conscient en lui parlant en perma-
de vol ont été peaufinés, le moteur nence. Je suis largement aidé dans
V

DASSAULT AVIATION

Le M53 et les essais en vol du “Mirage” 2000


André Cornué fut ingénieur d’essais Snecma – détermination du domaine de rallumage en vol ;
chargé des essais moteur M53 sur “Mirage” F1 de – mise au point de la postcombustion, stabilité dans
1975 à mars 1978, puis en assistance technique tout le domaine de l’avion, y compris aux basses
auprès des essais “Mirage” 2000 chez l’avionneur. vitesses en altitude (50 000 pieds, 100 nœuds
Il fut ingénieur d’essais du “Mirage” 2000 01 en - 15 240 m et 185 km/h), stabilité allumage et
essais moteur à la Snecma. Il se souvient : transitoires, y compris “allumage dans la foulée”
“Dans son récit, Bernard Dubreuil dit n’avoir pas (ADF), c’est-à-dire passage de la manette du
été inquiet sur le comportement du moteur au secteur sec au secteur PC ;
départ du premier vol et pourtant le M53 était – mise au point et définition des consignes d’emploi
à l’époque très loin de sa définition finale ! En des secours calculateur, secours carburant.
mars 1978, les essais moteurs sur F1E étaient Ces essais comprennent un nombre
commencés depuis à peine 18 mois. La définition impressionnant de mouvements manettes, y
du moteur passera par la version -2, puis -5, compris coupures et rallumages dans tous les
pour terminer en P2. À côté de ces évolutions des coins du domaine de vol de l’avion et à toutes
compresseurs, la régulation évoluera beaucoup les incidences. Je ne sais pas dire si le pilote
avec l’adjonction de systèmes indispensables pour A. Rabion les a comptabilisées mais le nombre de
la sécurité. La conception de la régulation étudiée rallumage doit largement dépasser les 1 000 !
pour un bimoteur datait d’une époque de transition Ces essais, “dégrossis” sur F1E avec un M53-2,
technologique entre le tout hydraulique et le tout ont dû être revus sur “Mirage” 2000-01, dont
numérique. Il s’agissait d’une régulation hybride : le domaine de vol est plus étendu. Ils ont été
régulation hydraulique de base, contrôlée par un nécessaires pour chacune des versions moteur
calculateur électronique (technologie analogique), -2, -5 et P2. Pour ce dernier le fonctionnement
ce qui en matière d’essais conduisait à cumuler du distributeur à section variable (DSV) est venu
les difficultés de mise au point de chacun des deux enrichir le programme d’essais.
systèmes. Le nombre d’heures d’essais moteur Les premières années sur “Mirage” 2000 ont
sur avion F1 puis “Mirage” 2000 01 peut paraître été réalisées avec un parc moteur réduit. Il n’y
considérable, mais la tâche a été lourde. La liste ci- avait qu’un seul moteur -5 de disponible pour
après des mises au point nécessaires en témoigne : les évaluations (le fameux n° 514). La marge
– autoriser n’importe quel mouvement de manette au pompage de ce moteur était du bon côté de
dans les secteurs secs et postcombustion (PC) ; la dispersion. M. Cazaubiel, expliquant cette
– démystifier et absorber une singularité M53 à contrainte à M. Dassault lors de sa visite aux
savoir : diminution de la marge au décrochage en essais en vol, s’était vu répondre avec sa voix
retour de supersonique élevé ; inimitable : “Mais demandez à la Snecma d’en

52
Le “Mirage”
2000 03 rejoignit
les deux
précédents
prototypes aux
essais le 29 avril
1979. Le canard
de la SPA 93 est
désormais sur la
dérive.

faire une copie chinoise !” Ce moteur unique, qui ont été nécessaires dont 236 vols Caravelle
a valu au metteur au point Snecma (M. Izera) (soit 600 heures), 438 vols F1E (soit 480 heures)
de passer, à la veille d’une évaluation, une nuit de 1976 à 1981, et enfin 850 vols pour le 2000-01
blanche, couché sous l’avion, pour étancher un de mars 1981 à juin 1988, pour satisfaire avec le
début de fuite d’huile sur la bride du régulateur. M53 l’objectif qui était : aucune restriction moteur
C’est près de 12 années d’essais en vol moteur dans tout le domaine de vol de l’avion.”

Le Snecma M53
dans son atelier
d’assemblage
à Istres.
Plusieurs versions
du réacteur
se succédèrent
sur les
“Mirage” 2000.
SAFRAN

53
“MIRAGE” 2000 - VERS LES LIMITES…

“a Marcel Dassault nous


cette tâche difficile par la richesse
de la télémesure qui me permet de
jouer le rôle d’un véritable copilote
en contrôlant l’exécution des actions
que je ne cesse de demander, et par
dit avec son accent :
la fonction “trim automatique” des
CDVE qui suit les changements de
“Bon, et bien, je suis
conditions de vol sans nécessiter
d’action sur le manche… Après complètement ébahi” ”
avoir passé 20 000 pieds la situation
ne s’améliore pas ! Je poursuis mon au poste de directeur adjoint des es-
“copilotage” en descente jusqu’à sais en vol.
5 000 pieds (1 524 m) et demande au Le vol 68 du 2000 02 reste pour
pilote de tirer sur le manche pour moi l’un des plus denses de ma car-
stopper la descente, ce qu’il fait en rière d’ingénieur d’essais.”
tirant 4 g ! À partir de là (est-ce l’effet Le “Mirage” 2000 03 vola pour
du facteur de charge ?), la situation la première fois le 29 avril aux mains
s’améliore lentement et l’atterrissage de Guy Mitaux-Maurouard. Il était
normal, après 12 minutes de tension dédié aux essais système et, notam-
extrême, remplit de bonheur toute ment, d’intégration des missiles air-
l’équipe d’essais ! air “Super” 530 et “Magic”.
Le débriefing complet n’a pas
permis de comprendre la nature de La visite
l’anomalie ; j’ai pensé à une pollution
du circuit d’oxygène ; des recherches
de Marcel Dassault
ont rapidement été lancées sur Bernard Dubreuil : “Monsieur
DASSAULT
l’avion ; elles n’ont montré aucune Marcel Dassault est venu nous
anomalie sur le circuit d’oxygène et voir à Istres après le premier vol du lées très vite conformes aux prévi-
ont toutes validé ce circuit vital ! “Mirage” 2000 03. Nous lui avons sions ; la structure de l’avion de série
Ce n’est que le lendemain ma- fait faire le tour des hangars avec était donc acquise ; le 04, préfigurant
tin que Jean Coureau m’a dit au Jean-François Cazaubiel. Marcel la série, l’a confirmé un peu plus tard.
téléphone : “Ne cherche plus car la Salon du Dassault avait choisi les couleurs Le 2000 02 a entrepris l’ouverture
panne c’est moi !” Bourget 1979 : bleu blanc rouge des deux premiers des domaines d’emport des réservoirs
Les examens médicaux mon- le “Mirage” prototypes du 2000. “Pourquoi le 03 externes de voilure (1 700 l). Ce n’était
traient que Jean Coureau avait été 2000 03 y fut n’est pas comme les autres ?” Ça le pas une mince affaire car il fallait
victime d’un spasme passager de la présenté au chagrinait. Nous lui avons expliqué s’assurer progressivement que :
carotide qui a affecté sa vue et en- statique avec que c’était un camouflage prè-opéra- – les marges par rapport aux
traîné une paralysie partielle du côté des missiles tionnel. Après avoir visité les instal- risques de flutter étaient suffi santes
gauche. Cet AVC lui a fait perdre son “Magic” et
lations et vu les avions, il nous a dit (vibrations de la structure non di-
“Super” 530
aptitude PN [personnel navigant]… avec son accent coutumier : “Bon, vergentes) ;
sous les ailes,
Jean-Marie Saget lui a succédé au et bien je suis complètement ébahi !” – les capteurs des CDVE n’ac-
ainsi qu’un
poste de chef pilote des essais en vol. Les performances du 01, après sa crochaient pas sur ces vibrations
réservoir
Jean Coureau a poursuivi sa carrière central.
cure d’amaigrissement, se sont révé- et protégeaient aussi bien l’avion

DR/COLL. JACQUES GUILLEM DR/COLL. JACQUES GUILLEM

54
Essais de tir
canon au sol
avec le “Mirage”
2000 01 à Cazaux
à la fin de 1979.
L’avion était
décoré avec le
Diable rouge de
la SPA 160, unité
de Jean Coureau.

chargé que l’avion lisse. Ceci quel “Mirage” 2000. Une belle perfor- de 30 mm. Les rafales génèrent des
que soit le niveau de carburant res- mance que de réussir à présenter ces vibrations importantes qui ne doivent
tant et dans tout le domaine envi- trois “protos” seulement 15 mois pas troubler le fonctionnement de
sagé : 600 nœuds [1 111 km/h] soit après le premier vol du 01… tous les équipements, en particulier
Mach 0,95 à 30 000 pieds [9 140 m] ! les CDVE. Après les traditionnels tirs
Ensuite l’ouverture du domaine Le baptême du feu à la butte (tirs au sol avec l’avion sur
d’emport des quatre missiles air-air vérins ou sur ses roues) au cours du
(deux “Super” 530 et deux “Magic”)
du 2000 01 vol 142 le 12 décembre 79, cinq passes
a été entreprise. L’année 1979 s’est terminée avec de tir à la cadence de 1 200 coups/mi-
Les trois “protos” ont participé le “baptême du feu” du 2000 01. Il est nute ont été réalisées sans véritable
au Salon du Bourget 1979 : retourné en vol à Cazaux. Cette fois problème, sauf une panne d’accélé- Guy Mitaux-
– le 01 présenté en vol avec quatre c’était pour la bonne cause : il devait romètre des CDVE sans lien direct Maurouard
pilota le
missiles air-air par Michel Porta ; faire, sur cette base spécialisée dans avec le tir des canons… Le domaine
2000 02 lors
– le 02 lisse, présenté par Guy les essais d’armement, les premiers complet de tir aux canons a été ouvert
du Salon
Mitaux-Maurouard ; tirs canons. Le 2000 emporte en in- en janvier 1980.” Q
du Bourget
– le 03 en exposition statique du terne deux canons 554 tirant 250 obus À suivre
de 1979.

55
HISTOIRE

DR/COLL. ANDRÉ HAUTOT

56
Groupes Guyenne et Tunisie
Les Français
sur “Halifax”
Troisième partie.
André Hautot, à l’époque
sergent-mitrailleur au Squadron 346,
a bien voulu nous confier ses souvenirs
de ses missions sur “Halifax”. Par David Méchin
ourriez-vous nous par- il y avait un réseau de résistance

P ler de vos origines fami-


liales et des circonstances
qui vont ont fait intégrer
l’aviation ?
Je suis issu d’une famille de
déportés politiques à l’époque de
Napoléon III, installée en Tunisie. Je
monté par certains profs. Ils se ser-
vaient de nous pour faire passer des
messages sur le déplacement des
troupes allemandes. Ils passaient ces
messages dans des boîtes de beurre
allemandes, qu’ils dessertissaient
dans les ateliers du lycée technique
suis né à Tunis le 1er mai 1926. Mon voisin. Ils ont été dénoncés.
père était souvent absent car il était Un jour, un pilote italien de
le chauffeur du Résident général à Savoia Marchetti, qui habitait près
Tunis (1). Ma mère a donc élevé mes de chez ma mère, est allé la voir et
frères et sœurs dans des conditions lui a dit : “Dès que votre fils rentre
difficiles, je me suis retrouvé dans du lycée, vous me l’envoyez tout de
une école dont les enfants étaient suite.” Quand je suis arrivé, ma mère
issues des très nombreuses nationa- m’a demandé : “Qu’est-ce que tu as
lités composant la Tunisie cosmo- encore fait ?” J’étais un garçon assez
polite des années 1930. Je suis allé dynamique, je traînais dans les rues.
plusieurs fois en France pendant les Je suis allé voir cet officier italien
vacances pour visiter de la famille. qui m’a dit que j’étais recherché par
En 1937, j’ai eu l’honneur de faire la Gestapo. Il m’a dit : “Écoute, ce
un vol sur un LeO 242… D’où ma soir je t’habille en bersaglier (2) et
passion de l’aviation ! je te fais passer la ligne de front”
De 1940 à 1942, sous Vichy, j’étais – qui se trouvait à 80 km de Tunis.
dans une classe qui comptait beau- Il m’a habillé et m’a amené sur la
coup d’enfants juifs. Subitement, ils ligne de front dans sa Jeep italienne.
ne sont plus venus à l’école, expulsés Il m’a souhaité bonne chance, et je
par les lois antijuives. Nos profes- me suis planqué dans un trou avec
seurs, qui étaient tous des retraités, une frousse pas possible parce
car les titulaires étaient mobilisés, que j’avais les obus qui passaient
ont essayé de nous protéger en nous au-dessus de ma tête. Je n’avais pas
disant qu’ils avaient été affectés dans encore fêté mes 17 ans ! C’était vers
d’autres écoles. le 20 avril 1943.
Avec la retraite de l’Afrikacorps Le matin, j’ai senti quelque chose
en 1943, la Tunisie a vécu une courte sur ma tête. C’était le fusil d’un sol-
mais dure occupation allemande. dat hindou. Compte tenu de ma te-
Nous habitions près du port de nue de bersaglier, il m’a dit que j’étais
André Hautot Tunis, et les bombardements fré- prisonnier de guerre. Quand j’ai été
devant son quents nous faisaient dormir dans présenté à l’officier britannique de
“Halifax” les tranchées. Pendant l’occupation, l’Intelligence Service, qui a été très
en mars 1945. étonné de voir un gamin, je lui ai ex-
La bicyclette était pliqué. Il a fait venir un interprète. Il
(1) Représentant officiel du gouvernement a compris et m’a promis de faire une
indispensable français à Tunis durant le protectorat
pour se déplacer français de Tunisie (1881-1956). enquête dès la libération de Tunis.
sur la grande (2) Soldat italien de l’infanterie légère, Celle-ci a eu lieu le 7 mai 1943 ; je
base d’Elvington. suis resté prisonnier avec d’autres
V

qui porte un feutre à plume.

57
LES FRANÇAIS AU COMBAT AVEC LE BOMBER COMMAND

“duVu“Halifax”,
la taille et le poids
Italiens, dont beaucoup étaient ori- et au petit baiser du coin… et ça n’a
ginaires de Tunisie. pas été plus loin ! C’est plus tard,
Après la libération, les Anglais après avoir passé les diplômes, que
ont vérifié mes dires et m’ont libéré.
Ils m’ont demandé ce que je voulais
on s’est ça s’est amélioré.
À Filey, les équipages se sont for-
faire, et j’ai dit que je voulais m’enga-
ger dans l’armée de l’Air. Ils m’ont
demandé si on allait més avec une grande rapidité. J’étais
le plus jeune, tous les autres avaient
alors envoyé à Alger. J’ai signé un
engagement mais, compte tenu de pouvoir le faire décoller ” entre 20 et 30 ans, le plus vieux devait
en avoir 37. J’étais avec des aviateurs
mon âge, 17 ans, il me fallait une qui avaient 10 ans de métier, et même
autorisation de mon père. Ils m’ont moi. Au bout d’une semaine, on m’a ceux-là ont dû suivre toute la forma-
mis en quarantaine, j’ai obtenu l’au- fait passer une épreuve très difficile tion anglaise en reprenant de zéro.
torisation de mon père qui était bien sur la capacité à rentrer dans un équi- Les Anglais avaient une technique
content d’avoir de mes nouvelles ! J’ai page, en m’interrogeant de jour et de de vol différente.
été affecté à Blida en Algérie, dans nuit. Compte tenu de mon âge, ils ont Je suis ensuite parti en école
l’armée de l’Air, et tout est parti de là. été durs, mais très fair-play. Ils ont dit de mitrailleurs. J’ai volé sur Avro
qu’ils avaient apprécié ma façon de “Anson” ; de jour et de nuit, j’ai été
Quelle a été votre formation de répondre, car ils avaient des doutes formé au tir et à la déflexion. Puis,
navigant ? sur ma nationalité. Après avoir réuni avec l’équipage, nous nous
J’ai été envoyé au CFPNA de été accepté, j’ai rejoint le premier sommes entraînés sur “Wellington”.
Casablanca (Centre de formation du stage qui nous apprenait l’écriture C’était un avion solide, mais ses
personnel navigant en Amérique ), anglaise. Je me suis retrouvé à Filey, moteurs étaient très fragiles. Il n’y
[tous les élèves n’étaient pas envoyés une école de formation d’instruc- avait pas de tourelle supérieure, je
aux États-Unis. NDLR]. J’ai réussi tion sur la technicité de la RAF, sur servais alors de deuxième mécani-
l’examen, suivi la formation, et de la côte Est de l’Angleterre, dans le cien chargé de pomper l’huile.
là, avec le grade de caporal, j’ai été Yorkshire du Nord : le n° 4 Air Crew J’étais bien intégré avec mon
envoyé à Alger pour me retrouver Receiving Center. C’est là qu’étaient équipage, surtout avec le navigateur
le 15 janvier 1944 à Greenock, en formés les équipages. qui était un Martiniquais, Mathurin,
Écosse, après 15 jours de mer, en À Filey, qui était un petit village, le chef de bord. Mon pilote était
ayant subi les attaques de Focke- j’ai commencé à fréquenter une assez jeune (27 ans), formé dans les
Wulf “Condor” allemands. Anglaise. On était très bien vus. Les écoles de pilotage de l’armée de l’Air
Arrivé en Angleterre, j’ai été très Anglaises sont très libres, mentale- en France. Il s’appelait Jos.
surpris par l’accueil extrêmement ment et physiquement. Et de plus, La formation a traîné en lon-
froid. Par rapport à ce que j’avais vécu nous avions en tant que Français une gueur et on se demandait si on allait
– l’épisode de l’uniforme italien –, réputation ! On a donc rapidement finir notre stage… Puis finalement,
les Anglais ont été méfiants. On rencontré les Anglaises de Filey. en décembre 1944, on a été envoyés
m’a envoyé en stage d’insertion, j’ai L’inconvénient, c’est qu’on était 200 à Elvington se transformer sur
passé une semaine près de Liverpool à 300 Français dans un petit village ! “Halifax”.
à West Kerby. C’est la réception Étant donné que j’étais très jeune,
André Hautot
pour l’intégration. J’ai dû répondre et “fil de fer”, j’ai toujours été à la Quelles ont été vos impressions sur
(cercle rouge)
à toute une série de questions. Les marge… On fréquentait les majeurs cet appareil ?
en formation à
Britanniques m’ont un peu séparé du l’école de Filey
plutôt que les mômes de mon espèce. On a vu le “Halifax” pour la
groupe qui avait fait le voyage avec avril 1944. Je me suis limité à la communication première fois à Rufforth, au sud de
DR/COLL. ANDRÉ HAUTOT
questions… Le bourdonnement
disparaissait quatre ou cinq heures
après, mais il en restait toujours un
fond. Mes proches m’ont dit que
j’élevais la voix… Mais tout cela a
disparu avec le temps.
Dans cette tourelle dorsale, on
est confi nés, mais on s’y habitue,
on reste en contact avec l’équipage.
L’air passe à travers la mitrailleuse ;
on est dans un caisson à courant
d’air. Cette place, je l’ai toujours
considérée comme une place à
La tourelle tremblement. On tremble sans ar-
dorsale du rêt : l’avion, et moi, l’un persécutant
“Halifax”, là où l’autre ! On ne peut pas s’imaginer
s’installait André les effets de bruits.
Hautot lors de
ses missions. Comment s’est passée votre arrivée
DR/COLL. ANDRÉ HAUTOT
sur la base d’Elvington ? Quelles
York, où se trouvaient les “Halifax” vol d’essais, nous sommes mon- étaient les conditions de vie ?
d’entraînement. C’est là qu’on a eu tés à 30 000 pieds (9 150 m). Il fai- Il y avait de sérieuses inimitiés
la surprise de voir ce quadrimoteur : sait -40 C°. Manque de chance, je entre les pilotes issus de la France
compte tenu de sa taille et de son n’avais pas pris mes précautions… libre et ceux issus de l’aviation de
poids, on était un peu écrasés. On et je me suis pissé dessus. Cela s’est Vichy. Il faut vous préciser que j’étais
s’est demandé si on allait pouvoir transformé en glace. Quand on officiellement un Français libre, car
faire décoller ce truc… Le double s’est posés, j’ai dit au pilote que je je me suis engagé le 25 juin 1943,
du “Wellington”, c’était un avion de ne pouvais pas bouger ! Le pilote avant que de Gaulle ne ferme les
36 t. C’est là qu’on a fait le premier m’a dit : “Qu’est ce qui t’arrive ?” bureaux de recrutement le 1er août
vol avec l’équipage. J’ai répondu : “Je suis gelé…” Il est 1943. Un mitrailleur de la base,
Le “Halifax” en vol fait un bruit venu voir, car il n’y croyait pas. Il s’est Jean Billaut, FFL comme moi, m’a
terrible. Il ne faut pas oublier que les exclamé : “Merde, comment on va confié les difficultés qu’il a eues pour
moteurs étaient les mêmes que sur le faire ?” Ils ont trouvé des bouillottes Le “Halifax” s’intégrer. Il n’y a pas eu d’équipages
“Noratlas”, un avion très bruyant. Et qu’avaient les mécanos au sol et j’ai exposé au entièrement FFL. On ne parlait pas
il y en avait quatre, cela faisait des dégelé tout doucement. Yorkshire Air politique, mais il faut dire que nous
effets de résonance terribles, les voix Le bruit était difficilement sup- Museum porte vivions coupés du monde : pas d’in-
ne portaient plus. On avait heureuse- portable. Il fallait résister assis pen- sur le côté droit formation, alors pas de discussion !
les décorations
ment des interphones pour commu- dant 6 à 8 heures de vol ; notre casque Q uand on nous a présentés
de la BR 129
niquer. On avait un chauffage : une en cuir n’était pas du tout “imper- au col. Bailly, le chef de la base
du Groupe
partie du souffle chaud du moteur méable” au bruit. Quand on descen- d’Elvington, il m’a dit “Qu’est-ce
Guyenne,
partait dans le fuselage. dait, on était pratiquement sourds. auquel était
qu’il fout ici, ce gamin ?” Le chef
Le froid a été pour moi quelque On allait au débriefing tout de suite, affecté André
d’équipage, le s-lt Mathurin, a dit
chose de terrible. En revenant d’un et il fallait qu’on fasse répéter les Hautot. que M. Hautot était un engagé
volontaire dans la France libre. Il
m’a arraché ma croix de Lorraine,
en disant que je n’avais pas le droit
de la porter sur la base. J’ai vu plus
tard le gén. Valin venir sur la base
et forcer le col. Bailly à “hisser” la
croix de Lorraine sur le drapeau…
Sur la base, il y avait deux
groupes, le GB II/23 Guyenne et
GB I/25 Tunisie. Notre équipage a été
affecté au Guyenne. Avec le Tunisie,
nous faisions toujours les missions
ensemble. C’était la vie commune,
mais nous étions bien séparés sur le
dispersal (parking d’alerte).
Sur la base, il y avait deux mess :
un pour les officiers, un autre pour
les sous-officiers et hommes de
troupe. Les loisirs : rien ! Durant le
temps libre, soit on récupérait les
fatigues de vol, soit on descendait à
York voir les filles. Pas de bus : on y
allait à vélo. La nourriture était une
catastrophe, d’une part c’était de la
cuisine anglaise, d’autre part elle
était de très mauvaise qualité ! On
V

DAVID MÉCHIN

59
LES FRANÇAIS AU COMBAT AVEC LE BOMBER COMMAND

crevait de faim. Mais il y avait des


exceptions : deux œufs sur le plat et
une orange avant de partir en mis-
sion, et un bon verre de rhum quand
on revenait. Comme on était coupés
du monde, je n’ai pas pu écrire à mes
parents. Ils n’ont su que j’étais en
Angleterre que quand je suis rentré
après la guerre. Ils étaient persuadés
que j’étais mort ; Tunis et Alger n’ont
pu leur donner aucune information.

Comment se déroulaient les mis-


sions ?
O n était appelés par les
haut-parleurs Tannoy sur la base, qui
convoquaient les équipages. Tout le
monde allait à la salle de briefi ng.
C’est là qu’étaient sélectionnés les
équipages.
On allait ensuite aux avions, et
on démarrait les moteurs. Mais les
équipages sélectionnés restaient en
salle de briefing en cas de problème : André Hautot en
c’est arrivé une fois, un mitrailleur a 2016 partageant
été pris de vomissements. Dans ce ses souvenirs.
DAVID MÉCHIN
cas, tout l’équipage était remplacé. Il
y avait une exceptionnelle cohésion de bord. Le pilote, en entendant ne pas rencontrer d’autres avions
dans un équipage, une cohésion qu’il cet ordre, change de direction, de dessous car quand nous étions en
était difficile d’avoir avec un rempla- vitesse et d’altitude pour gêner la stream (groupe), les avions étaient
çant. Le cdt Font-Reaux gérait les visée du chasseur. Il faut faire vite, serrés – il ne faut pas oublier que
informations sur les sites de bom- car quand on se prend une giclée de nous étions parfois 1 500 appareils
bardement. Les pilotes, navigateurs 20 mm d’un Focke-Fulf, cela ne fait en pleine nuit.
et bombardiers étaient briefés avant pas du bien ! Pour l’oxygène, on a eu des cou-
tout le reste de l’équipage. La réaction que l’on a dans ces pures, mais jamais grave. Il pou-
Au début de la mission, on avait moments-là, c’est une réaction vait arriver que le tube d’arrivée se
une interrogation : quels types de inconsciente de survie : c’est lui ou coince : on n’arrivait pas à le trou-
bombes on transporte ? On pouvait c’est moi. On n’a pas d’autres réac- ver. De toute façon l’adrénaline vous
en emporter de 4 à 6 t. Quand on tions tellement ça va vite. Lui arrive tient éveillé ! Je sais ce que c’est que
quittait le dispersal pour prendre la à 450 à l’heure, nous on est à 350. trembler. On a l’impression d’être à
piste, seul le navigateur et le pilote On est déjà vite rattrapés ; la giclée bonne température, alors qu’il faisait
connaissaient le type de bombes. part sur les ailes car c’est là où on -40 C° et qu’on voyait du givre (on
Les autres membres de l’équipage ne est les plus vulnérables, c’est là où avait un petit chauffage central, mais
savaient pas. Chaque type de bombes se trouvent les réservoirs d’essence. insuffisant : la glace venait à se coller
était adapté à une cible différente et La giclée, c’est une bande de tra- sur les carreaux).
une DCA différente ! Dans la Ruhr, çantes, jaune-orange, qui arrivent à Dans cette tourelle, on était opé-
il y avait 5 000 canons de 88 mm… vitesse grand V. Il faut absolument rationnel dès qu’on était en vol. On la
Dans l’avion, on n’attendait pas que le “Halifax” parte en corks- tournait avec un stick (une poignée).
trop avant de décoller ; si on décol- crew et se redresse, en espérant Le temps de tir maximal devait durer
lait en premier, on devait attendre
les autres en tournant autour de La tour
la piste. Puis prendre rendez-vous de contrôle
avec les autres formations en bord de la base
d’Elvington.
de mer. De ma tourelle, tous feux
éteints, on ne voyait rien la nuit. Les
avions volaient très près… Il y a eu
de nombreuses collisions.

Quelles étaient vos sensations dans


votre tourelle ? Avez-vous rencontré
la chasse ennemie ?
Outre le froid et le bruit, il y avait
un autre problème, c’est la peur ! J’ai
été attaqué par deux chasseurs qui
tiraient à 1 500 m, et moi je n’avais
qu’une portée de 500 m. Attaqués,
on est partis en corkscrew (tire-bou-
chon) que j’ai déclenché, devenant
temporairement commandant
DAVID MÉCHIN

60
De gauche
à droite : Pradier
(mécanicien
volant),
Jos (pilote),
Mathurin
(navigateur et
chef de bord),
Bouquet
des Chaux
(bombardier),
Deutsch
(mitrailleur
arrière), Dugast
(radio) et Hautot
(mitrailleur
supérieur).
DR/COLL. ANDRÉ HAUTOT

de une à deux minutes de feu, selon


le style de tir. Nos traceuses faisaient
tiré sous les appareils, dont deux ont
été touchés je crois, il a basculé et est
“ J’ai vu des bombes
une ligne orange. Le temps de vol parti de poser. Sur Nuremberg nous
était très long avant d’arriver sur la
zone de combat. On n’avait pas de
avions une escorte de “Mustang”. Ils
passaient autour de nous, sans entrer
passer autour de nous,
montre, rien, seuls le navigateur et
le pilote en avaient. Le mitrailleur
dans le stream.
Je n’ai tiré sur des chasseurs
proches à les attraper
ne faisait que rester à surveiller le
ciel et la configuration du site quand
que lors de la mission d’Héligoland.
Mais j’ai complètement loupé. On en tendant le bras ”
les premiers bombardiers arrivaient envoyait de courtes giclées. On es-
sur l’objectif. On était alors prévenus sayait de conserver une courbe pour
par le pilote. toucher l’appareil, selon la distance.
La nuit, les chasseurs allemands Si le danger était trop proche, on blait, on ne l’entendait pas. Un obus
se plaçaient dès que le bombar- déclenchait le corkscrew. qui explosait, on ne l’entendait pas.
dement commençait à opérer. Ils Q uand je suis revenu de
étaient alertés par les fusées éclai- Comme se déroulaient les bombar- Nuremberg, le pilote m’a dit : “Tu
rantes de la Pathfinder Force com- dements et quelle était la puissance n’as pas eu froid ?” Je lui ai ré-
posée de “Mosquito” qu’on ne voyait de la DCA ? pondu : “Tu te fous de ma gueule ?
jamais, volant au ras du sol. On les Pour le bombardement, on ren- Avec -40, j’ai eu très froid.” Il in-
voyait quelquefois sur l’objectif. Le trait dans l’objectif les uns derrière siste : “Tu as dû avoir un peu plus
marquage, ce sont comme des fusées les autres, comme dans un grand froid.” J’ai demandé : “Pourquoi ?”.
du 14 juillet qui donnent une orienta- entonnoir. Les bombes étaient Il m’a répondu : “Regarde ta tou-
tion du tir des bombes. Il y avait des lâchées par des grappes d’appa- relle.” Un morceau de l’arrière de
fusées lumineuses parachutées mais reils les uns au-dessus des autres… la tourelle avait été emporté par un
également des marquages au sol. Dangereusement près ! J’ai vu des éclat d’obus ! Je n’avais rien senti.
Les couleurs variaient : du bleu, du bombes passer autour de nous, Dans cette tourelle, vous étiez dans
jaune, du vert, selon le type de bom- proches à les attraper en tendant une espèce de sphère bruyante dans
bardement. La nuit, je n’ai vu aucun le bras. Un copain mitrailleur qui laquelle on vous secouait sans arrêt.
chasseur. Je n’ai vu que des balles a fait 38 missions m’a raconté avoir On ne percevait pas les impacts
traçantes fuser. Sauf par pleine lune, vu passer une bombe tout près du dans l’avion…
lorsqu’on distinguait les silhouettes. fuselage. La DCA de jour était plus an-
Mais il y a eu des missions de De nuit, la DCA, c’était de goissante, car on voyait un paquet
jour. J’ai participé à trois de ces mis- l’éclairage. On voyait une boule de de flocons noirs arriver. Et il y avait
sions sur Héligoland, Nuremberg et feu en l’air. Ça ne disparaissait pas le problème du vol en groupe : on
Wangerooge. Lors du bombarde- tout de suite : si jamais un avion était rentrait dedans ! Et très souvent, on
ment sur Nuremberg, on a été atta- touché, il explosait en même temps, découvrait un avion qui était de-
qués par un truc avec une fusée qui ça faisait un grand nuage noir. On vant, parce qu’on avait changé d’al-
devait être un Messerschmitt 163. n’entendait pas l’explosion, couverte titude par les effets de l’éclatement
C’était une fusée montant très rapi- par le bruit de nos quatre moteurs, de l’obus de DCA. Quand il voyait
dement. Il était assez loin dans le on n’avait pas d’autre communica- le nuage noir, le pilote essayait de
stream, j’ai vu le chasseur monter à la tion de l’atmosphère dans laquelle l’éviter. Il fallait faire attention
verticale. On était surpris. Quand il a on évoluait. Un avion qui vous dou- dans l’environnement qu’il n’y ait
V

61
LES FRANÇAIS AU COMBAT AVEC LE BOMBER COMMAND

pas un avion qui passe et qu’on n’ait Comme se déroule le retour ? Y’a- mission, jusqu’à notre base où les
pas vu. Lors de la dernière mission t-il un relâchement nerveux une fois servants de DCA étaient eux aussi
sur Wangerooge, le “Halifax” du le danger passé ? en état d’alerte. Au retour de la mis-
cne de Hautecoeur a reçu un obus Jamais ! On était toujours très sion d’Héligoland, nous avions été
en plein fouet, derrière les ailes. tendus. Il restait le risque des col- touchés par un éclat d’obus dans le
L’avion s’est cassé en deux et ils sont lisions et celui des “Intruder”. Les réservoir, et on a dû se poser d’ur-
tombés. S’il y avait eu un avion sous Anglais nous avaient avertis qu’on gence sur la première base, à Oxford.
eux, ils se le prenaient… C’est déjà pouvait être pris pour cible par des Faute de communication on s’est fait
arrivé, par ailleurs. chasseurs ennemis au retour de tirer dessus par les Anglais qui nous

CROWN

62
ont pris pour un Allemand… Notre Britanniques nous ont appris à nous on voit la tôle complètement ouverte
groupe a été effectivement attaqué tenir. À chaque fois que je descen- avec les rivets qui ont sauté.
par des “Intruder”, et nous avons eu dais de l’appareil, on en faisait le tour
des équipages qui ont été tués. Les avec le pilote pour voir les dégâts Après la mission, est-ce qu’on fêtait
“Intruder” ont fortement marqué. Je éventuels et l’état du fuselage. Tous la victoire ?
ne les ai pas connus directement, ce les avions rentraient plus ou moins Fêter une victoire dépend de
sont des copains qui me l’ont raconté. troués. Très souvent, on regardait si sa nature. Du fait de ma nature
Quand on se posait, nous étions les rivets étaient toujours en place. nord-africaine, j’ai toujours appris
complètement vidés. Mais les Je peux vous montrer des photos où qu’il fallait être détendu, ne jamais

V
Ci-contre l’île de
Wangerooge, au
sud d’Héliogoland,
et à gauche un
zoom sur la partie
centrale. Elle fut
visée le 25 avril par
700 avions entre
17 h 00 et 19 h 08.
Les “Halifax”
français étaient
engagés pour la
dernière fois dans
une opération de
bombardement.
18 appareils du
Guyenne étaient
accompagnés
par 12 autres du
Tunisie. L’équipage
du cne Hautecoeur
du Tunisie fut
abattu. Ce fut la
dernière mission
d’André Hautot.

CROWN

Les quatre missions d’André Hautot


Le 23 mars 1945, l’équipage du s-lt R. Mathurin (navigateur et chef de bord),
fut déclaré opérationnel. Il était composé des sgt R. Jos (pilote), sgt Bouquet
des Chaux (bombardier), sgt M. Pradier (mécanicien volant), sgt G. Dugast
(radio) et sgt R. Deutsch (mitrailleur arrière). Le sergent André Hautot était
le mitrailleur supérieur.
8 avril 1945 : mission de nuit, avec pour objectif le port et ville de Hambourg,
effectuée sur le “Halifax” RG540/S. 28 “Halifax” français
participèrent à la mission parmi 440 appareils du Bomber
Command. Huit bombardiers n’en revinrent pas, mais aucun
appareil français ne figurait parmi les pertes.
11 avril 1945 : mission de jour, sur les installations ferroviaires de la ville de
Nuremberg, effectuée sur le “Halifax” RG 562/H. 30 “Halifax”
français participent à la mission, parmi 130 “Halifax” du Group 4.
Aucune perte ne fut à déplorer malgré une Flak très mordante.
18 avril 1945 : mission de jour, sur l’île Héligoland, sur le “Halifax” RG 562/H.
34 “Halifax” français parmi 969 bombardiers participèrent à la
mission, protégés par 22 escadrons de chasseurs. Aucune perte
ne fut à déplorer, la Flak se révélant négligeable.
25 avril 1945 : mission de jour effectuée sur le “Halifax” RG 562/H.
C’est une île de la côte allemande au large de Brême, truffée
de batteries côtières. 30 “Halifax” français participèrent,
parmi 482 bombardiers, avec une escorte de 10 escadrons de
chasseurs. Six bombardiers furent perdus suite à des collisions
en vol, ainsi qu’un “Halifax” français, celui du cne Hautecoeur,
touché de plein fouet par une violente DCA. Ce fut la dernière
mission de la guerre des “Halifax” français.

63
LES FRANÇAIS AU COMBAT AVEC LE BOMBER COMMAND

Un bombardier français à Elvington


Lors de la Journée des Forces aériennes alliées, le dimanche En effet, les traditions du Groupe 2/23 Guyenne furent
3 septembre 2017, a eu lieu la cérémonie d’inauguration de reprises par l’EB (escadron de bombardement) 01/093
l’arrivée au Yorkshire Air Museum d’Elvington du “Mirage” IVA basé à Istres. Cet escadron fut équipé en octobre 1965 du
n° 45 BR. Cette cérémonie était coprésidée par le lord “Mirage” IVA qui entrait en service opérationnel. Le lien
lieutenant du Yorkshire du Nord [Barry Dodd] – représentant la entre le bombardier “Halifax” de 1944 et le “Mirage” IVA
reine – et par le général de brigade aérienne Laurent Lesellier de 1964 était ainsi assuré. Nous étions alors dans le milieu
(délégué aux Relations extérieures) représentant le chef des années 1990. Une première tentative d’une telle
d’état-major de l’armée de l’Air. Étaient présents l’attaché audace avait déjà été initiée en 1985 par le général Jean
de Défense le contre-amiral Patrick Chevallereau, l’attaché Thiry et le colonel Robert Nicaise (Amicale des groupes
de l’Air le colonel Patrice Hugret, le consul de France Jeremy lourds) qui devait se solder par une fin de non-recevoir des
Burton, Mme Brigitte Williams, déléguée de la France libre. autorités militaires. L’avion était encore en service. En 1994
Ian Reed, directeur du Yorkshire Air Museum (YAM), a tenu à c’était encore le cas ; Albert et Roger durent alors attendre
honorer les différents participants aux étapes marquant cette 2005 et le dernier vol du “Mirage” IV pour commencer à
aventure qui a débuté il y a plus de 10 ans, initiée par Albert envisager de concrétiser ce rêve vieux de 10 ans !
Grenier (ingénieur Snecma et mécanicien de l’armée de l’Air) Les difficultés commencèrent ! Albert Grenier, désormais
et Roger Baron (officier mécanicien de l’armée de l’Air et expatrié chez General Electric à Dubai dans les Émirats,
officier d’échange avec la RAF pendant 3 ans). affronta pendant plus de 10 ans encore les administrations
Ces deux “personnages” se sont rencontrés dans le Nord de et les ministères, en parallèle avec Ian Reed et le YAM.
l’Angleterre : l’un était à Waddington où étaient stationnés les Également partie prenante depuis fin 2006, la délégation
avions d’alerte “AWACS” et l’autre à Harrogate où il travaillait au patrimoine de l’armée de l’Air et sa division patrimoine
pour les Anglais à la gestion logistique des moteurs CFM 56 représentée par l’adjudant-chef Emmanuel Laine. L’AAAGL
qui équipent ces “AWACS”. Ils sont devenus amis et après (Association des anciens et amis des groupes lourds) et
la visite du YAM à Elvington, l’idée leur est venue d’obtenir son président Paul Bogaert (ainsi qu’André Hautot siégeant
un “Mirage” IV pour ce musée où les deux groupes français à la commission du patrimoine de l’Aéro-Club de France)
de bombardement étaient stationnés. C’était une sorte de participèrent à cette aventure à compter de 2013.
filiation et de continuité avec le “Halifax”. Il s’agissait de l’avion qui était exposé à la Cité des

DR/COLL. AAAGL

64
s’énerver faute de quoi on loupait la n’acceptaient pas d’être sous la tutelle
réalité de ce qu’on recherchait. Les d’un officier inférieur.
Tunisiens que je fréquentais, quand
on jouait dans la rue, ne se mettaient Comment avez-vous appris l’ar-
jamais en colère. Mais quand ils vous mistice et quel a été votre parcours
envoyaient un coup de poing dans la après la fin des combats ?
sciences de La Villette à Paris, le BR n° 45, et qui avait figure, c’était sec, on ne s’y attendait L’armistice, on l’a appris par des
rejoint la base de Châteaudun où il était stocké. pas ! Les Anglais ont été étonnés de bruits de couloir, sur la base. Je me
In fine, après moult rebondissements et déceptions, ma passivité dans le comportement, rappelle qu’on est allés en ville à
en août 2016, le ministre de la Défense J. Y. Le Drian, alors que je pouvais être très agres- York où il y avait une grande fête !
signait l’accord de cession. Restait à régler les problèmes sif dans le tir ennemi. Ils ont été très Notre groupe est allé s’installer
du transport. Le financement était assuré par plusieurs étonnés de voir un gamin maîtriser, à Bordeaux avec ses “Halifax”, j’ai
sponsors. Le transporteur Sarrion fut choisi pour l’opération de manière instinctive, son com- pu bénéficier d’une permission pour
de transport outre-manche. Une équipe d’anciens de l’armée portement dans des situations aller dans ma famille en Tunisie ;
de l’Air, spécialistes du “Mirage” IV, menée par David Dron, extrêmes. Les Anglais ais ont étaient ravis de me voir
ils étaien
était prête à intervenir. L’affaire se précisait et se présentait toujours été très recon-
con- vivant ! J’ai voyagé
vivan
sous son meilleur jour depuis bien longtemps ! naissants, d’autant nt dans la soute d’un
dan
C’est le 27 mars 2017 qu’au petit jour une équipe du qu’eux-mêmes ontt “Marauder”… De re-
“M
Yorkshire Air Museum menée par Ian Reed, Albert Grenier, ce type de com-- tour en France, ayant
to
Roger Baron et Paul Bogaert venaient “prendre livraison” por tement. L es aappris qu’on vou-
de l’avion ! 10 heures plus tard, quatre semi-remorques Britanniques ont lait nous envoyer
(l’un portant le fuselage, le second portant les ailes delta une mentalité qui en Indochine, j’ai
et l’empennage et deux autres assurant le transport des n’est pas toujours donné
do ma démission
R
différents éléments permettant de remonter l’avion) étaient très agréable à supporter,
porter,
D
janvier 1946. Mon pilote,
le 30 janvie
chargés et prêts à rejoindre l’Angleterre par ferry jusqu’à mais une définition n permet de Jos, est resté dans
dan l’armée et est parti
Portsmouth, puis Elvington par l’autoroute ! Une petite mettre en relief leur caractère : que pour l’Indochine. On a correspondu
semaine fut nécessaire à l’équipe de spécialistes pour rien ne sert de courir pour arriver à un certain temps ; il s’est tué aux com-
assurer le “remontage” de l’avion. point. Dans leurs écoles, les Français mandes d’un “Constellation”. J’ai
C’est lui que nous honorons désormais à Elvington où il a ont eu un mal fou à s’intégrer dans quant à moi été démobilisé avec le
rejoint son “petit” frère le Mirage III, déjà présent dans les cette mentalité particulière. Pas mal grade de sergent-chef, ayant effectué
collections du musée depuis juin 1995. d’entre eux arrivaient à se révolter, un total de quatre missions de guerre
Paul Bogaert surtout les officiers supérieurs, qui sur l’Allemagne. Q

L’inauguration du “Mirage” IV L’Amicale des groupes lourds


le 3 septembre 2017 au La première assemblée générale plénière a eu lieu le 27 juillet 1946
Yorkshire Air Museum unissait à l’École supérieure de l’aéronautique boulevard Victor à Paris, présidée
Français et Britanniques.
par le colonel Venot. La lecture des futurs statuts de l’amicale est faite par
le commandant Stoltz. Le texte sera adopté après avoir été modifié afin que
le personnel au sol soit clairement admis. Après le vote des 40 membres officiers
et sous-officiers, anciens des groupes lourds, sont élus à la présidence
le général Bailly, le colonel Venot et le commandant Churet devenant
vice-présidents. Le dépôt des statuts à la préfecture de Paris le 27 août 1946
marquera le début de ces 70 ans de vie associative.
Entre 1946 et 1985 la présidence est assurée en alternance par les
généraux Bailly, Venot, Noirot, Puget et M. Gilbert Ruellan. Après un temps
de sommeil à la fin des années 1960 jusqu’en 1985, l’association reprend
son activité sous l’impulsion du général Calmel au moment de la création
du Yorkshire Air Museum. Les généraux Thiry et Boé et le colonel Nicaise
lui succèdent jusqu’en 2006. En 2006, un changement des statuts permet
la transformation de l’amicale en association ouverte aux familles des anciens.
En l’absence de président à la mort du colonel Nicaise, l’intérim est assuré
par le vice-président Jean Caillet. En janvier 2009, Paul Bogaert
(fils de Jean Bogaert, mitrailleur supérieur de l’équipage Wellard - Squadron 347
Tunisie) est élu à la présidence, poste auquel il est reconduit depuis.
Voilà un bref résumé de la création de cette association qui a compté
de grandes figures des groupes lourds qui ont tous occupé de très hautes
fonctions dans notre armée de l’Air (la plus haute pour le général Bailly
comme chef d’état-major et le rang de major général pour le général Calmel).
Le principal objet de l’Association des anciens et amis des groupes lourds est
de perpétuer le souvenir et d’éclairer cette histoire peu connue de la Deuxième
Guerre mondiale : l’implication de deux groupes de bombardiers français
Guyenne et Tunisie au sein de la Royal Air Force britannique dont le but était,
comme certains des anciens l’ont précisé, “de bouter l’ennemi hors de France”.
L’association est désormais ouverte à tous ceux qui s’intéressent à cette période
de l’histoire, qui peuvent nous rejoindre. Contact : Paul Bogaert,
AAAGL, Aéro-Club de France, 6, rue Galilée. 75782, Paris Cedex 16.
P. B.

65
HISTOIRE
Golfe Persique, 1985-1988
Les “Mirage” traquent
les pétroliers
Quatrième et dernière partie.
Le “coup de grâce” est donné le 14 mai 1988,
au terminal de Larak, dans le détroit d’Ormuz.
Récit du plus beau coup d’éclat des Irakiens
dans la “guerre des pétroliers”, illustré par
des photos prises sur le vif par des miraculés.
Par Hugues de Guillebon

é c on nu , oubl ié, demi-tour après le premier ravitail-

M le raid du 14 mai
1988 sur Larak fait
rarement plus de
quelques lignes dans
les publications sur la guerre entre
l’Iran et l’Irak. Il est pourtant celui
qui aura obtenu les résultats les plus
lement. Une vingtaine d’appareils
au total ont été impliqués dans cette
mission : les bombardiers et les ravi-
tailleurs, mais aussi quatre “Mirage”
chargés de la défense aérienne.”
L es appareils décollent de
Shaibah et survolent tout d’abord
spectaculaires de toutes les opéra- l’île koweitienne de Boubayan
tions lancées dans le golfe par l’avia- puis procèdent à un premier ravi-
tion irakienne ; ce sera la dernière taillement en vol à moins de 100 m
attaque d’envergure conduite contre d’altitude. Leur mission accomplie,
les pétroliers, et aussi la quatrième les premiers ravitailleurs vides
sur ce même terminal. Elle est me- repartent sur Shaibah. Les autres
née par des EQ4 et EQ5 (1). appareils poursuivent leur vol en
silence radio total en longeant les
Les trois “Mirage” côtes saoudiennes à basse altitude
pour échapper aux radars iraniens
en vue de l’objectif disposés le long de la côte. Ils
L’un des pilotes qui participa passent au nord de Bahreïn et du
à ce raid à bord du F1EQ5 4572 se Qatar et effectuent un deuxième ra-
souvient : “La mission était initiale- vitaillement en vol, toujours à basse
ment prévue plus tôt mais elle a dû altitude. À nouveau, les derniers
être retardée suite à la découverte sur ravitailleurs se délestent de leur
la base de Shaibah d’actions de sabo- pétrole au profit des avions char-
tage contre les “Mirage” au niveau gés des frappes, puis rentrent avec
du train d’atterrissage avant. Quatre les “Mirage” chargés de la protec-
personnes ont été arrêtées sur la tion. Les trois bombardiers virent
base. C’est finalement le 14 mai que à l’est et traversent la partie Sud du
nous avons attaqué Ormuz à trois golfe. Tout le vol se fait à très basse
“Mirage”. Pour frapper les pétroliers altitude. Arrivés en bas du golfe
au terminal de Larak, nous empor- Arabo-Persique, ils coupent la par-
tions chacun du “lourd” : un bidon tie Nord d’Oman, le gouvernorat
de 2 200 l, deux bombes de 1 000 kg, de Moussandam, s’engagent dans le
deux “Magic”, un “Rémora” et un golfe d’Oman, effectuent un virage
“Sycomor”. Un quatrième bombar- serré à gauche puis remontent plein
dier en spare [remplaçant] était éga- nord dans le détroit d’Ormuz pour
lement prévu. Décollant avec nous attaquer le terminal 14 de Larak. Image du
pour prendre le relais si un problème Ils n’ont pas été détectés par les terminal de Larak
était constaté au début du vol, il a fait radars iraniens et la surprise est le 14 mai 1988.
totale. Aucun message d’alerte Le Safir tente
n’est envoyé par les Iraniens aux de prendre
(1) Dont les derniers exemplaires furent navires présents sur le terminal.
convoyés tardivement : le 4561 le 29 juin en remorque
1988 et le 4560 le 27 mars 1990. Le 4562 Les trois “Mirage” accélèrent à très le Barcelona
resta lui en France. basse altitude et sont maintenant en en feu.
V

JOHN HERMANS

66
67
LES “MIRAGE” TRAQUENT LES PÉTROLIERS

vue de l’objectif. “Pull up !” : c’est


le signal. Chaque avion entame sa
également endommagé. Il venait
juste d’être remorqué à Larak après
Une explosion terrible
“(…).
phase de bombardement : mon-
tée à 1 700 m d’altitude, renverse-
avoir été touché dans le golfe le
11 mai 1988. La mer gorgée de
ment, puis plongée, remise à plat, Les deux autres prennent pour
désignation de la cible, ressource,
largage des bombes de 1 000 kg en
cibles les trois mêmes pétroliers
amarrés à couple : le Seawise Giant
pétrole a pris feu en une
automatique et dégagement rapide.
Il est exactement 12 h 55.
au centre, qui sert de citerne flottante
de brut, et deux pétroliers en pleine
fraction de seconde ”
opération de transbordement, le
Une bombe de 1 000 kg Barcelona, un pétrolier commercial un trou de 8 m sur 12 côté tribord,
espagnol, à sa gauche, et l’Argosy, sous la ligne de flottaison. Le pétrole
traverse plusieurs cuves une navette pétrolière chypriote qui s’échappe et s’enflamme immédiate-
Le premier “Mirage” vise le pé- fait la liaison avec Kharg, à sa droite. ment. La mer autour des bâtiments
trolier battant pavillon britannique Le bombardement est très précis. Le se transforme en fournaise. Le su-
de 458 000 t Burmah Endeavour, Seawise Giant, plein à ras bord de perpétrolier va brûler entièrement
utilisé comme citerne flottante, et brut, est frappé en plein milieu par jusqu’au lendemain. Des navires de
l’endommage. C’est alors l’un des l’une des bombes de 1 000 kg qui sauvetage repêchent des survivants
pétroliers les plus larges au monde. pénètre le pont sur bâbord, traverse qui ont sauté à la mer et qui ont réussi
Le Khark, un pétrolier iranien, est plusieurs cuves et explose en faisant à échapper aux flammes. Les assu-

e
Tig
IRAN
re
Le terminal de Larak en feu Bassora
le 14 mai 1988 à 13 heures,
vu de Kish. Les “Mirage” Base de Shaibah
bahh
viennent juste de frapper.
Au premier plan, l’île de Larak.
IRAK
KOWEIT

All
1er ravitaillement
taillement
ment en voll

ée
de
Retourr des “nounous”
“nounoous”

s“
Mi
(F1
F1 ravitailleurs))

ra g
e”
ARABIE
SAOUDITE

Au retour de la missi
mission
ssion
les trois “Mirage”
g F1
ont une “escale technique”
font q
en Arabie Saoudite

Le raid des
es “Mirage” F1
sur lee terminal
de Larak le 14 mai 1988
0 150 Nautiques

LUC VAN WICHELEN FRANÇOIS HERBET

68
reurs londoniens Lloyds indiquent espagnol convoque immédiatement P our permettre d’intervenir
16 morts parmi l’équipage. l’ambassadeur d’Irak pour condam- directement sur les bâtiments à
Le Barcelona encaisse de son ner en terme énergique “la brutale couple en feu, les trois pétroliers sont
côté deux bombes de a t taque irakienne”. séparés. Le Barcelona est remorqué
1 000 kg alors qu’il La
L navette pétrolière puis échoué sur des hauts-fonds à
vient juste de rem- Argosy,
A bien que non proximité de l’île de Larak pour lui
plir une partie de ses touchée
t directement, est éviter de couler. Des remorqueurs
cuves de 140 000 t de ravagée
r par les flammes interviennent pour tenter d’éteindre
pétrole. La première du
d Seawise Giant. l’incendie qui fera rage pendant trois
explose à l’arrière Les “Mirage” laissent jours. Le 15 mai, ils reçoivent l’ordre
tribord, dans la salle le
l terminal 14 dans un d’arrêter les opérations, la situation
des machines, tuant chaos
c total. Au retour, ils Le chef étant considérée sans espoir, pour
quatre marins. La s posent à Dharhan, font
se mécanicien Luc revenir sur le Seawise Giant. Le 16,
Van Wichelen
deuxième explose sur le plein et redécollent sans l’ordre est finalement donné d’inter-
photographié
la proue. 26 membres a
attendre. Les Saoudiens, venir à nouveau sur le Barcelona. Et
le 18 mai 1988.
d’équipage sont se- b
bien que non prévenus, le 17 à midi, alors que le navire est en
Un miraculé !
courus. La plupart A S .C UTORITÉS DE HARJAH .L V W
OLL UC AN f
ferment
ICHELEN les yeux… Le partie couché sur son flanc tribord et
ont sauté dans la mer d’une hauteur raid aura duré 3 h 15 min. Suite à ce que le feu semble maîtrisé, une défla-
de 20 m pour échapper aux flammes. fait d’armes, décorations et récom- gration très violente, inattendue, se-
Le ministre des Affaires étrangères penses vont pleuvoir sur les pilotes. coue ce qui reste du pétrolier. “Une

V
Base de
Bandar Abbas
Bandar Abbas
Île d’Ormuz Khark
Kish Île de
Larak Burmah Endeavour
Barcelona
Barc
rcceelona
na
IRAN Île de Kish
Seawise
Seaw Giant
wiise G ian
nt
Terminal
de Larak Argosy
Ar
Argo
gosy
sy
Terminalal
de l’île dee Kharg

Bouchehr
Bouche
hehrr Golfe
Terminal Persique
de l’île de Sirri
Gouvernorat
Gouv
uvernnnorat
Mous
M ss sssandam
de Moussandam
Ilot de Farsi
OM
MAN
AN
N Golfe
d’Oman
Ile d’Arabi
abi
Zo Go
ne lfe
d’e
xc Pe 0 100 Nautiques
lus rsiq
ion
ma
ue
riti
me
2 e ravitaillement enn vol Base de
Retour des “nounous”
R “nounous
ous
ous” bbass
Abbas
Bandar Abb
(F1 ravitailleurs)
Terminal
minal Termin
Te
erminall
Term
Terminal
de Lavan Détroit
de Larak
de L akk d’Ormuz

Ba de
Base
Terminal
Dha
harhan
Dharhan de l’île de Sirri
OMAN
OMAN
BA
BAHREIN
AHREIN
A E
QATAR
QATA
TAR
TA

Doha

Golfe
EMIRATS ARABES d’Oman
UNIS
69
LES “MIRAGE” TRAQUENT LES PÉTROLIERS

boule de feu gigantesque”, racontent


les témoins. Les remorqueurs qui se
sont amarrés à son flanc sont alors
touchés de plein fouet par l’explo-
sion. La mer couverte de pétrole
prend instantanément feu. Pris au
piège des flammes, le remorqueur
Scan Partner brûle et coule avec
ses six membres d’équipage. Quatre
marins du Beaufort sont éjectés du
remorqueur et tombent dans la mer
enflammée. Un seul sera miraculeu-
sement retrouvé.
Luc Van Wichelen, chef mécani-
cien à bord du Beaufort au moment VINCENT DH
ORNE

des faits, a vécu tous ces événements ;


il ne pourra pas oublier : “Le 14 mai
1988, à 12 h 55, alors que nous étions Le “Mirage” F1EQ5 4572 configuré
au port de l’île de Kish, nous avons avec deux bombes Mk 84 de 1 000 kg
entendu des explosions très fortes au pour l’attaque du terminal de Larak le 14 mai 1988.
terminal 14 de Larak situé à une ving-
taine de kilomètres dans le détroit
d’Ormuz. Ce terminal venait d’être Scheldt Towage étaient sous contrat Larak. Le spectacle qui se présentait
bombardé par des avions irakiens. avec les Iraniens pour prêter à nous était apocalyp-
La surprise a été complète ; il n’y a assistance aux pétroliers sur ttique ! Cinq pétroliers
pas eu de “rouge 105” à la radio [si- les terminaux : le Beaufort, vvenaient d’être tou-
gnifiant “avion ennemi dans espace le Safir et le Ferdinand cchés et brûlaient in-
aérien iranien”. NDLR]. Tout de Verbiest, sur lequel je travail- ttensément. Ils avaient
suite après, une immense fumée est lais habituellement, et dont mmême totalement dis-
montée dans le ciel. Nous avons alors la particularité était d’être pparu sous les flammes
reçu l’ordre de rejoindre le terminal à l’époque le tout premier eet la fumée. D’autres
en feu pour intervenir spécifique- Le pilote navire belge piloté par ordi- rremorqueurs étaient
ment sur deux pétroliers, le Seawise du “Mirage” 4572 nateur. J’avais embarqué ce ddéjà à l’œuvre sur la
Giant et le Barcelona qui venaient le 14 mai 1988. jour-là sur le Beaufort. zzone. Nous avons tra-
d’être touchés. À cette époque, trois Nous avons rejoint le vvaillé sans relâche du
FORCE AÉRIENNE IRAKIENNE

remorqueurs de la compagnie belge terminal 14 en contournant l’île de 14 au 17 mai sur les incendies, tant

Ciel d’apocalypse à Larak.


Cinq pétroliers viennent d’être touchés.

JOHN HERMANS

70
sur le Seawise Giant, le plus grand donc encore. Le Scan Partner, un un verre, comme nous le faisions
pétrolier du monde à l’époque, que remorqueur danois, avait coupé ses tous les jours à la même heure, quand
sur le Barcelona que nous avons dû moteurs et s’était amarré solidement il m’a dit : “Regarde, il y a du feu qui
remorquer un peu plus loin. au Barcelona. Nous avons fait de arrive vers nous !” Effectivement,
même, mais avec des attaches beau- une traînée de toutes petites flammes
“Démarre les pompes, coup plus fines et nous nous sommes se propageait sur l’eau, le long de la
positionnés le long du Scan Partner. coque, et se rapprochait lentement
le feu revient !” Tony Iveson, notre capitaine, un de l’endroit où nous étions. Elle pro-
L e 17 mai, alors que le feu Écossais, m’avait demandé d’arrêter venait de l’avant du Barcelona qui
paraissait éteint sur le Barcelona, les moteurs principaux pour écono- avait reçu une bombe le 14 mai. Ces
nous avons pris un peu de repos. miser le carburant, mais j’ai refusé. petites flammes ont fini par rejoindre
J’avais remarqué qu’un peu de fu- Ce qui a sauvé nos vies… la zone du pétrolier qui continuait à
mée s’échappait toujours des cuves À 12 h 05, je me trouvais à la pas- fumer à côté de nous.
du pétrolier. Quelque chose couvait serelle avec le capitaine pour prendre
La mer en feu
Les bouteilles d’acétylène
engloutit menacent d’exploser
les navires. “Démarre les pompes, le feu re-
vient !”, m’a ordonné le capitaine. Au
moment même où j’allais appuyer
sur le bouton, le Barcelona a explosé
dans une boule de feu. Une explo-
sion terrible, provenant de la coque
du pétrolier. Et nous qui n’étions qu’à
quelques mètres… La mer gorgée de
pétrole a pris feu en une fraction de
seconde. Comme le Barcelona était
penché sur tribord, là où nous étions
amarrés, le souffle le plus violent de
l’explosion a été dirigé vers le bas
et a principalement touché le pont
du Beaufort qui a été entièrement
rasé. La passerelle étant elle assez
JOHN HERMANS
JOHN HERMANS élevée, nous avons été relativement
La proue du épargnés. Cela n’a pas été le cas des
pétrolier Seawise quatre Philippins de l’équipage qui
Giant émerge prenaient leur repas en bas et qui ont
des flammes et
été projetés dans la mer en feu.
de la fumée. À
À l’intérieur du Beaufort, tout
droite se trouve
était détruit, sauf les moteurs prin-
le pétrolier
Barcelona et à
cipaux qui étaient restés allumés.
gauche l’Argosy. Instantanément, Tony Iveson a
mis pleine puissance et le Beaufort
a pu arracher ses amarres légères.
Nous avons commencé à avancer
dans une mer de feu, droit devant,
sans aucune visibilité. Les flammes
V

71
LES “MIRAGE” TRAQUENT LES PÉTROLIERS

montaient à plus de 20 m de hau- Safi r pour lui demander de nous cher, je lui ai demandé d’arroser en
teur tout autour de nous. Ma plus arroser avec ses lances à incen- priorité les bouteilles d’acétylène
grosse frayeur était maintenant que die. Il s’est approché mais n’arri- sur le pont, puis la passerelle. Nous
les bouteilles d’acétylène rangées vait pas à nous rattraper car nous avons pu ensuite éteindre nous-
sur le pont du Beaufort explosent ! étions à pleine vitesse, 13 nœuds. mêmes le feu qui s’était propagé à
Je me répétais sans cesse : “Si elles Si nous avions ralenti, les fl ammes l’intérieur du Beaufort.
explosent, nous sommes morts !” nous auraient submergés et nous Quant au Scan Partner, moteur
Notre bateau commençait à prendre serions morts. Nous avons navigué éteint et solidement arrimé, il n’a
feu et nous avons navigué pendant un moment ensemble, l’un derrière malheureusement pas pu bouger et
plusieurs minutes dans cet enfer. l’autre, le Safi r essayant de nous a entièrement brûlé. Quand nous
Nous avons réussi à contacter le rejoindre. Quand il a pu se rappro- avons pu faire demi-tour pour ten-

“296 T” : le projet incroyable de “Mirage” F1 irakien lance-torpilles !


Les besoins irakiens en matière d’armement étaient sans
limite. En mars 1990, le ministère de la Défense irakien
sollicite la société Thomson-Sintra “activités sous-marine”
pour étudier l’emport de torpille sous “Mirage” F1. Il insiste
sur le caractère “urgent et très confidentiel” de l’affaire, EXTRAIT D’UN DOCUMENT DCN. COLL. JEAN-MICHEL DI-NATALE

tout en exprimant “le souhait de voir se proroger l’étroite La torpille F17.


collaboration existante entre Thomson et l’industrie peu profonde. Ce conteneur-planeur serait de conception
irakienne”. Ce projet de développement d’un système différente suivant le modèle de torpille retenu :
d’arme nouveau est motivé par le fait que “la Marine – soit une entrée à l’eau près du but pour la FL4 (longue
irakienne, quasiment inexistante, ne possède qu’un seul port trajectoire aérienne et phase finale sous-marine courte).
dans le golfe, Oum Qasr, qu’il serait très facile de neutraliser Le conteneur l’emporte sur plusieurs kilomètres pour
en cas de nouveau conflit, alors que l’aviation jouit d’une gagner en rayon d’action (solution 1 sur le schéma) ;
suprématie incontestable dans cette région et possède des – soit une entrée à l’eau jusqu’à une distance de 10 000 m
plateformes capables d’emporter des charges de 1 800 kg, pour la FT17 (courte trajectoire aérienne et phase finale
comme les “Mirage” F1EQ5 et EQ6”. Pré-études sous-marine longue). Après son largage, le conteneur
Le besoin opérationnel est clair : pouvoir détruire dans de des positions planerait et éjecterait la torpille qui serait ralentie
faibles fonds des gros bâtiments de surface lents, bruyants, d’emport par parachute jusqu’à la surface de l’eau (solution 2
peu manœuvrants et faiblement armés, “type pétrolier”. possibles des sur le schéma).
Ce genre de besoin nécessite une torpille à autodirecteur FL4 (en haut) Tout l’enjeu de ce programme réside dans la capacité à
passif capable d’être aéroportée ; or ce modèle n’existe et FT17 (en faire passer la torpille d’une vitesse en vol de 900 km/h à
pas dans une définition directement compatible. Autant le bas) sous une immersion à la vitesse maximum de 80 km/h, et dans
largage de torpilles légères par des hélicoptères ou des “Mirage” F1, de bonnes conditions pour qu’elle ne rebondisse pas, ne
avions lents est une opération bien maîtrisée, autant l’emport avec le gabarit se “plante” pas au fond de l’eau (35 m de fond dans le
de torpilles lourdes modernes par des chasseurs à réaction du bidon de golfe), ou bien que l’autodirecteur ne soit pas détruit ou
volant à 900 km/h et leur largage à une altitude de 150 m et 2 200 l.
à une distance de 10 km du but est totalement inédit. Tout
est à défricher. Les équipes de Thomson-Sintra et de l’Ecan
Saint-Tropez (Établissement des constructions et armes
navales, pour la partie torpille) se mettent rapidement au
travail. Nom de code du projet : “296 T” (T pour torpille).
Pour réduire les délais et les risques techniques, les deux
modèles de torpilles françaises utilisables sont :
– du type L4, légères, plutôt anciennes (que l’on retrouve
dans le système “Malafon” des bâtiments de la Marine
française ou sur les “Super Frelon” SA 321 GM libyens) et
dénommées FL4, pour “Flying L4”, avec 100 kg de charge de
DOCUMENT ECAN SAINT-TROPEZ. COLL. JEAN-MICHEL DI-NATALE
combat (portée 6,5 km) ;
– du type F17, lourdes et plus modernes, qui ont la
préférence des Irakiens, et dont des pièces (piles,
calculateurs, moteurs, autodirecteurs, etc.) peuvent être
récupérées dans les stocks de la Marine française suite à
leur modernisation en “F17 mod. 2”. Elles sont dénommées
FT17, pour “Flying Torpedo” 17, avec 150 kg de charge de
combat (équivalent à plus de 400 kg de TNT). Deux solutions
sont à étudier : la FT17A longue, de 4,9 m de longueur (le
maximum possible sous “Mirage” F1) et à la portée de
13 km, et la FT17B courte, de 4,2 m de longueur et à la
portée de 10 km.
À partir de ces modèles, les premières réflexions montrent
qu’il peut être envisagé un système de type “Malafon”
constitué d’un conteneur-planeur capable de transporter la
torpille, d’assurer son entrée à l’eau et une prise d’immersion
DOCUMENT ECAN SAINT-TROPEZ. COLL. JEAN-MICHEL DI-NATALE

72
“euL’équipage n’avait
ter de le retrouver, je l’ai aperçu des quatre Philippins qui avaient
pour la dernière fois ; il n’en restait disparu. Comme beaucoup de
plus qu’une épave totalement noir-
cie contre le Barcelona toujours en
feu. L’équipage n’avait eu aucune
aucune chance Philippins, il était un excellent na-
geur. Après avoir été projeté dans la
mer en feu, il avait réussi à nager sous
chance de s’en sortir. Puis, quelques
secondes après, sous nos yeux, il a
de s’en sortir. (…) Sous les fl ammes pendant un long mo-
ment ! Les corps des trois autres n’ont
coulé à la verticale…
A près quatre heures de re- nos yeux, il a coulé jamais été retrouvés. On a souvent dit
que cette déflagration était due à une
cherche, nous avons miraculeuse-
ment retrouvé vivant dans l’eau l’un à la verticale… ” troisième bombe encaissée le 14 mai
qui aurait explosé avec retard. Mais

V
les gyroscopes déréglés. Le risque concerne également la Explosion d’une
qualification en environnement de ce type de matériel non torpille F17 sous
conçu pour un emport aérien à grande vitesse (tenue de l’ex-escorteur
la centrale inertielle avec ses trois gyroscopes aux chocs, rapide Le Basque
au roulis, aux vibrations ou aux hautes températures). le 11 juillet 1984.
Complexe, mais réalisable. On voit bien
Après le téléchargement par l’avion des coordonnées de la l’effet de bulle
cible à la torpille FT17, son largage en mode “tire et oublie” qui se crée
et son entrée à l’eau suivant un angle très précis, elle se lorsque la torpille
dirigerait et se verrouillerait sur son objectif grâce à son explose environ
autodirecteur passif AH8 très performant. La charge militaire 6 m sous la quille
permettrait de couler n’importe quel bâtiment de surface, du bateau qui BAN SAINT-MANDRIER. COLLECTION JEAN-MICHEL DI-NATALE

y compris les pétroliers. Les Irakiens souhaitent acquérir se soulève et se


brise en deux.
une quarantaine de torpilles FT17. La construction d’une
usine pyrotechnique et d’un atelier de maintenance sera
nécessaire en Irak.
Mais en juillet 1990, le projet “296 T” est “étouffé dans
l’œuf” par la CIEEMG (Commission interministérielle pour
l’étude des exportations de matériels de guerre) qui pose
un veto fatal. Tous les travaux sont stoppés net. De toute
façon, la conjoncture n’était pas favorable : l’Irak envahit le
Koweït le 2 août 1990… On peut confirmer que ce projet
était vraiment novateur : aucune torpille lourde n’a jamais été
larguée par un chasseur à réaction avant… ni depuis.
BAN SAINT-MANDRIER. COLLECTION JEAN-MICHEL DI-NATALE

Schéma du projet “296 T”


Vitesse de largage (largage de torpille sous “Mirage” F1)
sous “Mirage” F1 à 486 nœuds (900 km/h)

Altitude de largage
à 500 pieds (152 m)

Solution 1 : entrée à l’eau près du but.


Conteneur-planeur type “Malafon”
Vol planant pour torpille FL4 Explosion à 6 m sous le bâtiment
(l’onde de choc casse le navire en deux)
Hydroplanage

Solution 2 : entrée à l’eau à distance.


ch
Conteneur freiné par parachute
pour torpille FT17

Distance au but 7 nautiques (13 km)

Fond inférieur ou égal à 35 m


FRANÇOIS HERBET

73
LES “MIRAGE” TRAQUENT LES PÉTROLIERS

ce n’est pas mon avis. Pour moi, une


poche de gaz avait dû se former dans
l’une des cuves du Barcelona et a
explosé au moment même où la traî-
née de feu décrite plus haut a atteint
cette zone que je voyais déjà fumer.
J’en ai été témoin. Le 18 mai, nous
avons regagné Sharjah, notre port
d’attache aux Émirats arabes unis,
pour des réparations en cale sèche qui
ont duré un mois. J’ai ensuite pris des
vacances bien méritées.”
Le bilan humain est très lourd
et les dégâts considérables : cinq
pétroliers
touchés, dont
deux détruits
et un coulé ;
deux remor-
queurs tou-
chés, dont un
coulé. L’épave
du Barcelona
sera décou-
pée et enlevée À la mémoire
par la société dde Herbert
Wijsmuller en JJumawan
1989 et vendu ((en haut)
en deux sec- eet Rolando
tions à des MMortillo,
ferrailleurs. ddeux des trois
Compte tenu PPhilippins
de son poten- ddu Beaufort
tiel, l’épave du ddisparus lors
Seawise Giant dde l’explosion
est rache- ddu Barcelona.
tée en 1989
L V W
UC AN ICHELEN DR/COLLECTION JEAN-FRANÇOIS LIPKA

par l’armateur norvégien Norman


International. Elle est d’abord re-
morquée à Bruneï en 1990 pour une
inspection générale, puis à Singapour
au chantier Keppel Shipyard pour
être totalement remise en état. Les Le Scan Partner
travaux sont titanesques : rempla- en action le
cement complet du château, réfec- 14 mai 1988 sur
tion à neuf de tous les équipements, le Seawise Giant.
etc. Le bâtiment reprendra du ser- Le capitaine Jan
vice sous le nom de Jahre Viking. Paszkowki est
L’épave de l’Argosy restera à Ormuz à la passerelle.
jusqu’en 1991 avant que son sort ne Ces hommes
soit définitivement scellé. Rebaptisé prennent des
Sahar pour son dernier voyage, il risques énormes.
est ferraillé à Gadani Beach. Quant Le 17 mai,
au pétrolier Burmah Endeavour, ils disparaîtront
légèrement endommagé lors de tous.
l’attaque, il sera réparé en 1988 et
LUC VAN WICHELEN
LUC VAN WICHELEN

rebaptisé Stena Queen.

Les États-Unis accusés


de complicité Un instant
dramatique : la
Suite à cette attaque, les Iraniens, dernière photo
par l’intermédiaire de Radio Téhéran, du Scan Partner
iront jusqu’à accuser les États-Unis (flèche) brûlé
de complicité dans la réussite de cette par l’explosion
opération : “Les forces américaines du Barcelona.
ont brouillé pendant neuf minutes Dans quelques
les systèmes de radar et de communi- secondes, il va
cation des avions militaires iraniens couler.
V

74
Ce sont trois
“Mirage” qui
attaquèrent le
terminal de Larak
le 14 mai 1988.
Ces EQ5 sont vus
ici en France
en 1984.

L’explosion
inattendue
du Barcelona
le 17 mai 1988
causa la mort de
neuf personnes
parmi les
équipages des
remorqueurs.
LUC VAN WICHELEN

75
LES “MIRAGE” TRAQUENT LES PÉTROLIERS

au moment même où les appareils


irakiens bombardaient le terminal
de Larak. L’attaque irakienne a été
opérée selon un plan préétabli entre
Bagdad et Washington. 16 minutes
après le raid, un avion américain s’est
rendu sur les lieux et a photographié
les dégâts causés par l’attaque ira-
kienne. Depuis son arrivée il y a un an,
la flotte américaine a, à plusieurs
reprises, aidé les forces irakiennes
à attaquer des objectifs iraniens.”
L’Iran remet une note de protestation Le Beaufort à
à l’ambassade de Suisse à Téhéran qui Sharjah le 18 mai
représente les intérêts américains en 1988, totalement
Iran pour dénoncer l’aide apportée. noirci par les
Les “Mirage” irakiens n’ont-ils pas flammes.
simplement fait usage de leurs brouil- Le capitaine Tony
leurs “Rémora” ? Iveson est sur le
L e 18 mai, le correspondant pont, à gauche
de l’AFP relate l’événement : “Le (bras croisés et
Seawise Giant, le plus grand pé- barbe).
LUC VAN WICHELEN
trolier du monde, tanguait, touché
par les bombes des avions irakiens. il occupait un poste de chef méca- Combien sont morts ce samedi
Ce marin – inconnu – aurait sauté nicien.” Son nom ? Les survivants 14 mai dans les carcasses des pétro-
par-dessus bord pour échapper du raid des bombardiers irakiens liers gavés de brut iranien ou dans
aux fl ammes. Il est mort dans le s’excusent, l’air gêné. Non, ils n’ont le plan d’eau qui ouvre l’accès au
détroit d’Ormuz. “Il était petit, aucune idée. “Il venait d’embar- golfe ? On a avancé le chiffre de 50
peu causant. C’était un Chinois et quer il y a à peine une semaine.” marins. Le bilan véritable paraît

Le “Mirage” 2000, successeur du F1EQ ? Un mirage…


En 1989, Dassault propose aux Irakiens d’acquérir le
“Mirage” 2000-5, la dernière version en développement
du chasseur multirôle équipé du radar RDY et du missile
“Mica”. Une proposition est également faite pour le “Mirage”
2000SQ d’attaque au sol (avec radar “Antilope”). Lors du
salon d’armement Baghdad International Exhibition for
Military Production qui se tient à Bagdad du 28 avril au
2 mai 1989, Dassault expose le “Mirage” 2000C n° 11 et
le “Mirage” 2000B n° 510 venus de Dijon. Parmi les divers
armements exposés devant, le missile antiradar “Armat”
“Bazar”, le missile de croisière “Apache” (on ne refuse
rien à son meilleur client !) et l’“Exocet”, bien sûr. En fait,
les négociations pour la vente du “Mirage” 2000 durent
depuis plusieurs années. Les Irakiens apprécient l’avion,
mais pas le radar RDM (Radar Doppler Multifunction)
qu’ils trouvent insuffisant après l’avoir testé à Istres, jugé
même « inférieur au “Cyrano” ». En Irak, les négociations
s’éternisent, et en France, un bras de fer s’engage entre
Dassault et le ministère des Finances ; les Irakiens ne sont
plus solvables… La fabrication locale du “Mirage” 2000 est
même envisagée dès 1986. La maquette d’une usine sera
transportée en Irak par Caravelle. Dassault espère beaucoup
pouvoir développer les nouvelles versions du “Mirage” 2000
avec l’argent des Irakiens. Mais l’affaire ne se concrétise
pas. Auraient-ils seulement été capables de le produire ?
En fait, le seul projet sur le point d’aboutir en 1990 est la
construction d’une usine pour le montage de l’“Alpha Jet”
et la révision de la flotte de F1 à Mossoul : c’est le projet
“Fao”. 100 techniciens de Dassault sont prévus sur place.
Les Irakiens avaient même initialement demandé une usine
totalement souterraine. La signature du contrat, prévue pour
juillet 1990, est reportée à septembre. Toutes les équipes
de Dassault sont prêtes. Le 2 août 1990, l’Irak franchit
la frontière du Koweït… Et il faut se rappeler qu’avant le
BERNARD BOMBEAU

76
Le “Mirage” F1
est l’atout
essentiel des
Irakiens dans le
golfe.
Ici un EQ5 vu
à l’atterrissage
à Orange le
21 août 1984.
MICHEL FOURNIER VIA JEAN-LOUIS GAYNECOETCHE

plus près d’une dizaine. Mais ni les l’Irak. Des marins galériens, otages nale des propriétaires de pétroliers
Lloyd’s de Londres ni les milieux d’un conflit qui ne les concerne pas, Intertanko a risqué une estimation :
maritimes régionaux ne semblent en sont devenus des cibles anonymes. 250 marins ont été tués et un demi-
le savoir avec précision. Chinois, Philippins, Grecs ou autres millier ont été blessés depuis le début
Il en va ainsi dans cette guerre meurent dans l’indifférence, pour de la guerre des pétroliers, le 25 avril

V
de huit ans que se livrent l’Iran et le golfe. L’association internatio- 1984. Une constatation : les raids

Le Mirage 2000C “Mirage” 2000, il y avait déjà eu l’épisode du “Mirage” 4000.


n° 11 exposé à L’Irak est un client potentiel sérieux pour ce nouvel avion
Bagdad en avril très prometteur et qui peut rivaliser avec le F-14. Deux vols
1989. Beaucoup de démonstration sont effectués à Istres par Jean-Marie
d’espoirs déçus… Saget : le 6 décembre 1979, présentation de 30 minutes
au profit du général chef d’état-major irakien, et le 9 juillet
1981, démonstration de 35 minutes devant une délégation
irakienne. Mais la guerre avec l’Iran bloque tout projet
de financement ; on en resta au “Mirage” F1.

Jean-Marie
Saget avec des
membres de
la délégation
irakienne à
Istres devant le
“Mirage” 4000.
À gauche, le
général Farouk,
responsable
de la formation
et chef de l’école
de pilotage
de Tikrit.
DASSAULT

77
LES “MIRAGE” TRAQUENT LES PÉTROLIERS

L’incendie éteint, les remorqueurs


continuent d’arroser le Seawise
Giant pour le refroidir ; le feu peut
redémarrer à tout instant.
JOHN HERMANS

irakiens ont été globalement près de


trois fois plus meurtriers que ceux
“ De quel côté vient le moyen le plus efficace pour les
Irakiens d’asseoir leur suprématie
des Iraniens. “La peur s’envole avec
le jour, elle reprend avec la nuit”,
expliquent invariablement ces ma-
le danger ? Du ciel, avec dans le golfe. Il aura bien mérité la
place légendaire qu’il a acquise dans
le cœur des Irakiens. Q
rins attirés ici par le gain de quelques
centaines de dollars par mois, 300
les missiles et surtout Remerciements à Jean-Louis Bernard,
en moyenne. L’ennemi du jour était
irakien. Mais demain, il sera peut- les “Exocet” ” Jean-Michel Cantin, Jean-Michel
Di-Natale, Robert Feuilloy, Michel
être iranien. De quel côté vient le Gohier, Karim Hussein, Michel de
danger ? Du ciel, avec les missiles et pée malgré les AS30L, les bombes Kerdanet, Joffrey Seguin, Luc Van
surtout les “Exocet”, de fabrication ou les 125 “Exocet” tirés entre 1985 Wichelen, Henri de Waubert et tous
française, lancés par l’Irak. De la et 1988, le “Mirage” F1 aura été ceux qui ont souhaité rester anonymes.
mer, quand surgissent les frégates
ou les vedettes-moustiques des pas- Les géants sont
darans iraniens. Que faire quand le indestructibles !
bateau est atteint, que les épaisses Le Seawise
Giant arrive à
volutes noires poissent déjà le ciel
Singapour le
au-dessus d’une mer souillée d’hy-
23 mars 1989
drocarbure ? La panique, presque
pour y être
toujours, est au rendez-vous, prélude réparé. La flèche
pour beaucoup, à la mort.” indique l’endroit
L’Iran est “sonné”. En juin et par lequel la
juillet 1988, les attaques à coup bombe a pénétré
d’“Exocet” touchent encore plu- le pont. On peut
sieurs bâtiments. C’est l’hallali… voir son flanc
Sur terre, l’Irak a aussi repris droit éventré
l’avantage partout. Le 6 août 1988, par l’explosion
Téhéran accepte le cessez-le-feu (rond rouge).
sans conditions. Il entre en vigueur
le 20 août.
Même si la route du pétrole
n’aura jamais été totalement cou-
COLLECTION HUGUES DE GUILLEBON

78
Commandez maintenant !
Par courrier : Fana de l’Aviation - Service Abonnements - 45 avenue du Général Leclerc- 606423 Chantilly cedex
Par téléphone : 03 44 62 43 79 - Sur internet : boutiquelariviere.fr

❏OUI, je commande le hors-série “F-15 Eagle” Email : .........................................................@..................................


au tarif de 11,10 € (soit 8,50 € + 2,60 € de frais de port). Nom :
Ci-joint mon règlement à l’ordre des Editions Larivière Prénom :
❏ Chèque Bancaire ❏ CCP Paris 115 915 A 020 Adresse :
❏ CB N° : CP : Ville :
Expire Fin : / 20 Tél. :
3 derniers chiffres au dos de votre carte :
R Oui, Je souhaite recevoir les offres commerciales des Editions Larivière à mon adresse email
Signature et date obligatoires VFANP17 Conformément à la loi informatique et liberté du 6.01.78, vous disposez d’un droit d’accès et de rectifications aux données vous concernant.
Ces données sont susceptibles d’être communiquées à des organismes tiers sauf si vous cochez la case ci après R
MAQUETTES Par Hangar 47

Pe-2 bombardiers de haute altitude furent utilisés pour l’attaque au sol ! Magnifique crocodilidé de l’ami Jean :
caïman une mâchoire de requin !

Peshka (Pe-2) Polikarpov I-16 Type 24 “Rata”


Eduard, 1/48 Revell, 1/32
Dans La
une marquee
éditionn ICM
limitée Eduard vient de
regroupe la ma-- commercialiser
quette Zvezda son I-16 au
déjà analysée 1/32, c’est ce
dans cette modèle que
rubrique, des reprend Revell
éléments en accompagné
métal photodé- de
coupé prépeint (tableau de bord, harnais et grilles de radiateurs entre décalcomanies et d’une notice maison. La maquette est bien
autres), des masques autocollants pour les vitrages et les roues, des détaillée et conforme aux standards actuels à cette échelle. Côté
pièces en résine ainsi que des décalcomanies et plans couleurs pour surfaces, l’entoilage est très réaliste, par contre l’épaisseur des
cinq options de décoration. Rappelons que la maquette est quelques éléments représentés en relief est exagérée, ce qu’un
extrêmement détaillée avec un fuselage entièrement aménagé. ponçage soigneux rectifiera facilement. Le poste de pilotage
Les logements de train sont du même niveau et un moteur complet bénéficie d’un aménagement complet, seul manque le harnais.
est fourni avec son bâti et ses accessoires. Des bombes remplissent Le tableau de bord en plastique transparent sera peint en évitant
la soute ou s’accrochent entre le fuselage et les moteurs. Toutes ou en protégeant les cadrans et les instruments imprimés sur la
les gouvernes sont moulées séparément. Seul l’équipage Zvezda a feuille de décalcomanies seront soigneusement placés derrière
disparu. Précisons enfin que la gravure, fine et précise, inclut un (deux méthodes possibles). Toutes les gouvernes sont moulées
rivetage réaliste. Le montage ne semble pas poser de problème séparément et les logements de train semblent bien profonds.
particulier, hormis bien entendu le nombre conséquent de pièces. Le moteur est soigné avec son bâti et ses échappements ; il reste
Les options de décoration comprennent quatre avions camouflés brun, accessible grâce à des capots latéraux amovibles et une couronne
vert et gris très foncé dont l’un est partiellement recouvert de blanc d’occultation des orifices du capot avant mobile. Même à cette
lavable, et un avion vert uni sur les surfaces supérieures avec des échelle, le I-16 reste un petit chasseur et son montage ne présente
capots moteurs rouges. Chaque machine porte des marquages pas de difficultés. Les décalcomanies offrent deux options de
individuels : inscriptions en cyrillique, éclair blanc, ours, lion ou encore décoration, un avion camouflé vert, noir et bleu ciel, et l’autre
tête de crocodile. La panoplie proposée est ainsi riche en couleurs. enduit argenté avec l’intrados de voilure bleu ciel.

Notre appréciation : magnifique maquette utilement complétée Notre appréciation : Revell sait choisir les bonnes
d’éléments Eduard et de décalcomanies originales et de grande collaborations. Très bonne maquette pour ce sujet original
qualité. Très tentant. au 1/32 ; nous attendons la suite de la gamme avec intérêt.
80
Junkers 88 A-4 Bf 109E-3
Revell Technik, 1/32 Eduard Profipack, 1/48
Nouveau Le 109E
concept d’Eduard
chez Revell n’est pluss
qui propose ici son à présenter, ses
énorme Ju 88 au grandes qualités
1/32 en version sont maintenant
“animée”, c’est-à-dire bien connues :
motorisée et éclairée. gravure impec-
Rappelons d’abord les cable, poste
caractéristiques de de pilotage et
la maquette de base, moteur bien
les modifications nécessaires à l’électrification de l’ensemble revenant détaillés, gouvernes, volets et becs séparés. L’édition Profipack ajoute
au maquettiste. La gravure n’inclut pas le rivetage mais bien les vis de des éléments photo découpés prépeints (tableau de bord, harnais et
fixation des panneaux amovibles (accès aux réservoirs sous les ailes grilles de radiateurs), des masques autocollants pour la verrière et des
par exemple). Le poste de pilotage est entièrement détaillé et complété décalcomanies pour cinq options : quatre avions sont camouflés vert et
de décalcomanies individuelles pour les instruments. Il n’y manque que gris (71/02) et le dernier en deux tons de vert (70/71) ; de larges zones
les harnais. Les vitrages limpides permettent d’en profiter. Les détails blanches ou jaunes et des marques individuelles égayent l’ensemble.
extérieurs des nacelles moteurs sont soignés. La partie avant des
logements de train, seule visible une fois le train sorti, est aménagée. Notre appréciation : nouvelles livrées pour une maquette
Des faux longerons renforcent la fixation des ailes et profondeurs. de bonne qualité utilement “boostée”.
Les volets, aérofreins et gouvernes sont moulés séparément.
Quatre bombes et leurs supports peuvent s’installer sous l’avion.
L’aspect “Technik” maintenant : Revell fournit tous les composants Boulton Paul “Defiant” F1
pour motoriser les deux hélices et éclairer les feux de position, Trumpeter, 1/48
le phare d’atterrissage et le poste de pilotage. Les instructions
de câblage sont intégrées à la notice. Elles demandent un examen Un an avant
attentif et sans doute quelques tests avant assemblage et collage Airfix, la
définitif ; l’installation de ce circuit électrique complique certainement marque
un montage qui, de par la taille de la maquette (60 cm d’envergure) chinoise régulière-
et le nombre de pièces impressionnant (380), demandait déjà ment au service de
une expérience certaine. Petit détail, un pilote ou un mécanicien sujets britanniques
aux commandes ne serait pas de trop pour le réalisme de l’ensemble sortait sa version du
une fois les moteurs en marche. Les décalcomanies intègrent tous “Defiant”. La maquette
les marquages nécessaires et concernent deux machines : est assez simple et
l’une camouflée des deux tons de vert classiques, l’autre de couleur facile à monter, avec
sable avec à l’extrados de longs spaghettis verts et blancs et hélas quelques erreurs
à l’intrados des étonnants vermicelles de couleur sombre. comme la forme du nez et la gravure, très fine et précise, mais peu
conforme à la réalité. Le poste de pilotage est simple et la tourelle peut
Notre appréciation : une belle maquette, impressionnante s’installer en fin de montage, son carénage arrière
par la taille et bien détaillée, un concept original et intéressant, est moulé en position haute. Les ailerons et volets sont séparés,
mais un prix élevé annoncé par certains détaillants pour cette les logements de train sont cloisonnés mais peu profonds.
édition Technik, attendons les promos anglaises… Les décalcomanies concernent deux machines, l’une camouflée vert et
brun, l’autre noir uni avec une surprenante gueule de requin.
Fokker E.III Notre appréciation : Airfix l’emporte largement côtés justesse
Eduard Weekend Édition, 1/72 et détails, mais ce modèle se monte plus facilement.

Dans cette série Eduardd


propose ses maquettes
dans leur version “tout L’agenda du maquettiste
plastique” avec une planche de
8510 Bissegem-Courtrai (Belgique), 15 avril 2018, 23e Exposition de
décalcomanies de dimensions maquettisme-concours- bourse d’échange, organisée par IPMS Moorsele OC
réduites, ici pour deux décora- Troubadour, Vlaswaagplein 3, de 9 h 30 à 17 h 30. Rens. : Tél. : 00 32 475 710
tions aux marquages presque 118, site web : IPMS Moorsele ou courriel : ipmsmoorsele@telenet.be
identiques. La maquette est Persan (95), 6 mai 2018, 25e Salon de la maquette, salle Marcel Cachin,
simple, comme l’avion réel, avec organisé par les Maquettistes persanais. Rens. Tél. : 01 30 34 32 49.
un poste de pilotage basique et un harnais en décalcomanie. Moteur Soumoulou (64), 12 et 13 mai 2018, exposition maquettes et miniatures
et train sont simples eux aussi ; un bon sujet pour s’initier aux avions dans le hall d’Ossau, organisée par le Club de la vallée de l’Ousse. Avions,
de cette période. Des plans couleurs illustrent les deux décorations véhicules, bateaux, trains, figurines, jeux de stratégie, échanges et ventes…
proposées, un avion vert uni et l’autre sans peinture sur sa toile vernie. Rens : Tél. : 06 17 31 54 60 ou modelistecvo@orange.fr
Hyères-les-Palmiers (83), 13 et 14 octobre 2018, Maquettexpo 2018,
Notre appréciation : petite maquette en version simplifiée tout 28e anniversaire du Salon Eurosud de la maquette statique et de la figurine,
plastique, sujet original. Pour information, un exemplaire de la au Forum du Casino, organisé par l’Association maquettiste varoise.
version biplace de ce Fokker attend son entoilage dans le hangar Rens. Tél. : 07 86 10 58 97/ www.amv83.eu/amv83kits@gmail.com
du Cercle des machines volantes à Compiègne.
81
PETITES ANNONCES

Gratuit - Une verrière varieze


VENTE 40 années de revues :
Vds aviation de l’amateur Fana – Cahiers du RSA-
de H. Mignet 1930 plus le Aviation magaz avia sport-air
sport de l’air 1934 au plus et cosmos – expérimental
offrant règlement espèces : divers instruments.
Tél. : 01 46 31 99 62

Vends fana 199 à 577


bon état A Rouen
Tél. : 06 60 41 43 19
150.00 €

Vends revues avions


2006 – 2013 + 3 écrins
état neuf
Tél. 06 08 26 66 86 (91)

82

Vous aimerez peut-être aussi