1 Colette, Becker. Lire le Réalisme et le Naturalisme. Ed: Nathan/Her, Paris, 2000, p. 85.
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structurelle de l’intrigue du point de vue de la narratologie, ainsi que le rejet des conventions
traditionnelles du genre romanesque.
« C’est là qu’on surprend ses maîtres dans toute la saleté, dans toute la bassesse
de leur nature intime. Prudents, d’abord, et se surveillant l’un l’autre, ils en
arrivent, peu à peu, à se révéler, à s’étaler tels qu’ils sont, sans fard et sans
voiles, oubliant qu’il y a autour d’eux quelqu’un qui rôde et qui écoute et qui note
leurs tares, leurs bosses morales, les plaies secrètes de leur existence, tout ce que
peut contenir d’infamies et de rêves ignobles le cerveau respectable des honnêtes
gens. Ramasser ces aveux, les classer, les étiqueter dans notre mémoire, en
attendant de s’en faire une arme terrible, au jour des comptes à rendre, c’est une
des grandes et fortes joies du métier, et c’est la revanche la plus précieuse de nos
humiliations2. ».
Célestine nous raconte sa passion pour Monsieur Georges, qu’elle a soutenu jusqu’à
son dernier souffle et, nonobstant son état de santé, elle accepte de satisfaire son dernier
désir par amour. Elle éprouve une souffrance à la mort de George : « … J’eus l’envie
impérieuse de me confesser, de m’accuser, de lui dire tout ce que j’avais de trop pesant à
l’âme et qui souvent, m’étouffait […] et ce remords inexpiable que, sans moi, son cher enfant
ne serait peut être pas mort »3
Une femme de chambre est pareille à une esclave qui n’a droit à rien, qui ne peut se
permettre de réclamer et qui doit répondre aux ordres de ses maîtres. Une nouvelle forme et
appellation de l’esclavagisme des domestiques est « la domesticité » : « On prétend qu’il n’y
a plus d’esclavage...Ah ! Voilà une bonne blague, par exemple..., écrit Célestine. Et les
domestiques, que sont-ils donc, eux, sinon des esclaves ? [...] Esclave, vous descendez de
l'état d'homme à celui d'être insensible et brute, classé, parqué, étiqueté comme un tronc
d'arbre arraché à la forêt, et placé à son rang dans le bûcher du maître4 ».
Elle nous raconte des péripéties pleines de malheur et de mépris, où « chaque mot vous
méprise, chaque geste vous ravale plus bas qu’une bête... [...] On n’a point le temps d’être
malade, on n’a pas le droit de souffrir..., se plaint-elle. La souffrance, c’est un luxe de
maître... Nous, nous devons marcher, et vite, et toujours... marcher, au risque de tomber… 5 »
5 Ibid, p.428
6 Ibid, p. 468
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révolte, et, finalement, on se dit que mieux vaut encore être volée que de crever, comme des
chiens, dans la rue7… »
Célestine décrit et analyse les comportements et attitudes de ses maîtres, ainsi que leur
psychologie. Elle met l’accent sur la cruauté d’une bourgeoisie implacable envers la classe
ouvrière en nous relate l’histoire de la petite Claire, violée et assassinée par un inconnu. Une
façon de dire que les pauvres sont tués comme des bêtes sauvages dans la rue et que l’enquête
est inutile. «Mirbeau, une fois de plus, parle en connaissance de cause par ce que, doté d’une
sensibilité d’écorché vif, il n’a jamais pu supporter la souffrance des hommes8 »
Rappelons que Mirbeau est un journaliste et romancier très curieux. À travers sa
plume incisive, il peint et démasque la cruauté des bourgeois et lutte contre la misère en
utilisant une phraséologie étoffée et intense contre la misère sociale et les conflits politiques.
La conception de Mirbeau est humaniste car les thématiques qu’il aborde sont :
l’indifférence, l’inégalité, la maltraitance humaine, la domesticité. Selon le Petit Robert de
1993 « Humanisme (1845 philo.) : « Théorie, doctrine qui prend pour fin la personne
humaine et son épanouissement ». (1877 hist.): « Mouvement intellectuel européen de la
Renaissance, caractérisée par un effort pour relever la dignité de l’esprit humain et le mettre
en valeur, et un retour aux sources gréco-latines9. »
Les deux définitions différent, car la première est philosophique, elle abonde dans le
sens d’une vision universaliste et met l’homme au centre de l’univers. Alors que la deuxième
définition, historique, représente ce que Mirbeau démontre dans Le Journal d’une femme de
chambre, en espérant relever la dignité de l’esprit humain et réactualiser sa valeur. Il nous
paraît plausible de voir en lui un héritier de l’humanisme historique.
Mirbeau et le naturalisme
7 Ibid, p.592
8 Pierre Michel. Les Combats d’Octave Mirbeau. Annales littéraires de l’université de Besançon, 1995, p. 390.
9 Rey-Debove Josette, Lebeau-Bensa Béatrice. Les variantes dans le nouveau Petit Robert 1993. In: Langue
française, n°108, 1993.
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l’hypothèse, afin d’analyser et expliquer la nature humaine. Zola considérait le roman comme
un champ d’expérience et un tube à essai.
« … Le naturalisme littéraire naît donc en 1866- 1868, par la volonté de Zola (…)
ce mot désignait le savant qui étudie les sciences biologiques (…) Zola est donc
un novateur, par le système conceptuel qu’il construira, à partir de 1866, autour
du mot et de la notion du naturalisme10. »
« Cependant cette part constructiviste et documentariste du génie de Zola_
composante essentielle de son « réalisme », garant de ses scrupules d’homme de
métier […] c’est celle qu’il aurait aimé valoriser de manière quasi exclusive, en
homme de la génération positiviste11. »
Amel ABDERRAHMANE
Université de Mostaganem
Bibliographie.
_ Carmen, BOUSTANI. L’entre- deux dans le Journal d’Une Femme de Chambre. Cahiers Octave
Mirbeau, n°08, Angers, Avril 2001, Pag : 74- 85.
_ Colette, BECKER. Lire Le Réalisme Et Le Naturalisme. Ed: Nathan/Her, Paris, 2000, Pag: 209.
_ Claude BERNARD. Introduction à la médecine expérimentale. Paris, Garnier Flammarion, 1966,
Pag : 41.
_ Henri, Mitterand. Zola et Le Naturalisme. Ed : Que sais-je, 1ére édition : 1986, Paris, Pag : 125.
_ Meamar, TIRENIFI. Octave Mirbeau : Une Ecriture Novatrice, Editions Universitaires
Européennes, 2018, Pag : 50.
_ Octave, MIRBEAU. Journal d’une Femme de Chambre. Editions du Boucher, Société d’Octave
Mirbeau, France, 2003.
_ Pierre MICHEL. Les Combats d’Octave Mirbeau. Annales littéraires de l’université de Besançon,
1995.
Webographie
Patrick, JUIGNET, « le positivisme scientifique ». pub : 60-05- 2015/ mis à jour : 24-01-2018._
https://philosciences.com/Pss/philosophie-et-science/methode-scientifique-paradigme-
scientifique/115-positivisme-scientifique.
10 Henri, Mitterand. Zola et Le Naturalisme. Ed : Que sais-je, 1ére édition : 1986, Paris, p. 23- 24.
11 Henri, Mitterand. Zola et Le Naturalisme. Ed : Que sais-je, 1ére édition : 1986, Paris, p.48.
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_ Louis-Auguste Martin ; Esprit moral du XIXe siècle, 1855.
_ Rey-Debove Josette, Lebeau-Bensa Béatrice. Les variantes dans le nouveau Petit Robert 1993. In:
Langue française, n°108, 1993.