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Méthodologie juridique

Introduction générale
1. L’objet de l’ouvrage : la méthodologie du raisonnement juridique

Selon quelle méthode un juge, avocat,… raisonne-t-il pour résoudre le problème juridique qu’on
lui soumet ?

1.1. Une méthode

a) Qu’est-ce qu’une méthode ?

Une méthode est une manière rationnelle de conduire sa pensée. L’ensemble des démarches à
faire pour atteindre un but.

Pour résoudre un problème de droit, un juriste va procéder à des opérations mentales et


matérielles. Il agira avec méthode si, après avoir posé le problème, il dresse la liste des
opérations à faire et cela dans un certain ordre pour mieux résoudre le problème.

Procéder avec méthode c’est :

-déterminer clairement l’objectif à atteindre

-établir la somme des opérations à accomplir et des matériaux et instruments nécessaires

-réaliser cela dans un ordre raisonné.

La méthodologie n’enseigne pas que des règles en vigueur, mais aussi d’autres qui ne sont plus
en vigueur ou qui pourraient le devenir. C’est mettre en œuvre les règles pour résoudre des
problèmes juridiques.

b) Pourquoi procéder avec méthode ?

-Pour accroitre ses chances de parvenir au but qu’on s’est fixé, de résoudre le problème.

-Par souci d’économie, sinon il y a un risque de gaspillage, surtout de temps (le problème doit
être résolu rapidement). On arrive plus tôt à la solution avec méthode. Il y a économie quand
avec des moyens x, on obtient une production optimum ou quand on peut produire y avec le
minimum de moyens.

c) Quelles qualités d’esprit sont nécessaires pour l’étude de la méthodologie juridique ?

-savoir raisonner de manière rigoureuse

-avoir le gout de ce qui est ordonné, comme une condition d’efficacité du travail juridique

-préférer la clarté à l’obscurité

 Rigueur, ordre et clarté.

1.2. La problématique juridique

A. Une méthode est fonction du type de problème à résoudre. Il faut s’interroger sur la manière
dont se posent les problèmes juridiques. Les problèmes des juristes ont trait à l’élaboration du
droit ou à son application, il faut les résoudre par la connaissance du droit. Pour chaque
problème, il y a une méthode de raisonnement : méthode de création du droit, méthode
d’application du droit et méthode d’invention du droit.

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L’élaboration du droit signifie qu’il y a un ensemble de normes applicables actuellement. Mais les
législateurs ont tendance à vouloir modifier les textes de loi, le respect de procédure pour
élaborer une nouvelle loi ne suffit pas, il faut aussi utiliser une méthode.

L’application du droit signifie qu’il y a des règles juridiques qui ne seront pas nécessairement
celles qu’on devra appliquer (ancienne loi, changement,…).

 2 types de problème doivent être résolus avec une méthode.

B. Au niveau de l’étymologie, ici « invention » veut dire recherche et découverte. Pour élaborer
ou appliquer le droit, il faut d’abord le connaitre. Cette invention du droit doit se faire selon une
méthode. L’étude de cette méthode a 2 éléments : la méthodologie de la recherche
documentaire juridique et celle de l’interprétation juridique.

 Il faut d’abord connaitre le droit, savoir ce qui est en vigueur.

C. La différence entre création du droit et son application est grande :

-Pour la création, le problème est de modifier les règles existantes : en ajouter, en modifier,… .

-Pour l’application, il faut utiliser les règles de droit en vigueur pour résoudre un problème
juridique.

La connaissance du droit : les règles de droit actuellement applicables sont innombrables. Il faut
savoir les règles susceptibles de s’appliquer. Comment découvrir la règle susceptible de
s’appliquer au litige soumis ? Une fois trouvée, il faut les comprendre, les interpréter. Il y a aussi
une méthode pour comprendre les règles.

D. Dans l’application du droit, il faut toujours rapprocher un ou plusieurs faits d’une ou plusieurs
normes juridiques. Il y a deux types de facette :

-1ère facette : un fait (f) s’est réalisé (a) ou va éventuellement se réaliser (b) et on se demande les
conséquences (c) en droit.

f (a) -------- c ? Exemple : j’ai volé la voiture de mon voisin pour me l’approprier  risque de
prison et d’amende (selon C.P. art 461 et 463). Application a posteriori (le fait s’est produit).

f (b) --------c ? Exemple : si j’abandonne mon chien au bord de l’autoroute dans le but de m’en
défaire  risque de prison et d’amende. Application a priori.

C’est l’hypothèse où un ou plusieurs faits se sont produits et quelles sont les conséquences
juridiques ?

Je vais adopter un comportement et comme je suis prudent je me demande les conséquences


possibles.

-2ème facette : on veut obtenir un certain résultat (r) et on s’interroge sur le fait (f) à réaliser pour
l’obtenir. Application

r ------- f ? Exemple : je voudrais avoir une terre agricole pour l’exploiter mais sans acheter
parce que je n’ai pas assez d’argent  je dois conclure un bail à ferme avec le propriétaire.

Il s’agit de voir ce que disent les règles juridiques existantes, par rapport à un comportement
adopté, projeté (ou à un fait réalisé, qui va se produire) ou par rapport à un résultat désiré.

Or les règles de droit se présentent comme des lois physiques. Si tel fait se produit, alors telle
conséquence en résulte. Dans les lois, il n’y a que des concepts, pas des faits précis. Exemple :
art. 1426, §1er, alinéa 1er du Code civil : Si… alors.

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NB : il n’utilise pas nécessairement toujours les termes « Si » et « alors ». Ex : art. 398 du C.P.
Mais on peut toujours les remettre sans changer le sens.

Le problème de l’application du droit est alors de voir si le fait réalisé (ou à réaliser) est pris en
considération par les règles en vigueur et si oui, quelles sont les conséquences :

f------------- [F------------C] ------------c ?

L’autre problème consiste aussi à voir si le but poursuivi est lié par une norme juridique comme
conséquence à des faits.

r-------------[R----------F] -----------f ?

Les normes juridiques établissent des relations entre des faits et une conséquence en droit : si à
tel fait-condition correspond tel fait conséquence ou telle conséquence juridique est attachée à
tel fait. Le problème de l’application du droit est de faire apparaitre les relations entre des faits
réalisés (ou projetés) et leurs conséquences en droit ou entre les résultats souhaités en droit et
mes faits auxquels ils sont attachés.

Prolégomènes : La nature du droit au point de vue de la méthodologie


juridique
Dans notre système juridique, la plupart des règles de droit sont écrites. L’ensemble des règles
écrites sont des lois au sens large.

Il y a aussi des règles non-écrites : surtout les coutumes et principes généraux.

La loi, au sens formel, est la communication de la volonté du législateur aux sujets de droit, c’est une
communication sociale. Une communication de ce qui est permis ou interdit de faire. C’est en
analysant le processus de communication dans ses aspects généraux qu’on comprend en quoi
consiste le droit.

Section 1 : Théorie générale de la communication


Afin de simplifier, on va analyser une communication simple qui consiste en une information
quelconque qu’une personne donne à une autre.

Cela met en évidence les 2 éléments essentiels de la communication : le contenu de conscience


transféré de l’émetteur au récepteur et le processus de mise en commun de ce contenu.

La communication est la mise en commun de la conscience d’une réalité.

1. Le contenu d’une communication

Premier mode de formation d’un contenu de conscience

Le contenu de la communication est ce que l’émetteur a dans sa conscience. On doit d’abord


savoir comment l’émetteur prend conscience de la réalité pour après pouvoir communiquer sa
« science » à autrui.

En premier lieu, on prend conscience par la perception et l’imagination.

1° La perception

On prend conscience des réalités physiques par les perceptions sensorielles. Ex : les livres que j’ai
en main.

2° L’imagination
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Il n’est pas toujours nécessaire qu’une réalité soit perçue à un moment pour qu’elle soit
présente, à ce moment, dans ma conscience. Après avoir perçu des réalités, je peux susciter dans
ma conscience, grâce à ma mémoire, des images dues à des perceptions antérieures (souvenirs).
C’est l’imagination (recréation de la réalité). Ex : le livre que j’avais en main hier. Il est présent
dans mon conscience grâce aux images que j’ai de lui.

 Il y a des différences entre les 2 : dans le 1er cas je perçois grâce à mes organes sensoriels
tandis que dans l’autre c’est grâce à ma mémoire. Quand il y a perception, la réalité perçue est
présente tandis que dans l’imagination, je suscite l’image de la réalité dans ma conscience sans
qu’elle soit présente nécessairement.

 Mais il y a aussi des ressemblances : les deux se réfèrent à une réalité unique (dans les deux
cas c’est un livre précis, concret et unique).

Deuxième mode de formation d’un contenu de conscience

1° La conceptualisation

1. On fait des concepts depuis sa plus tendre enfance. Ils se forment dans l’esprit de chacun à la
suite :

-de sa perception de la réalité (de son expérience personnelle). C’est le fait de constater qu’il
existe plusieurs réalités différentes.

-d’opérations mentales qui consistent à constater l’existence entre les réalités perçues ou
imaginées. On va établir des rapports de ressemblance et de dissemblance entre les différentes
choses qu’on voit.

-on va détacher ces rapports de ressemblance et de dissemblance pour construire une réalité
distincte de celles constatées. Construction d’une réalité mentale.

 Un concept est donc une réalité mentale constituée d’éléments abstraits non définis spatio-
temporellement. Ce n’est pas une image schématique.

Exemple : quand j’évoque le concept de manuel, je ne dois pas avoir en tête l’image d’un manuel
particulier mais la réalité formée des traits communs à tous les manuels du monde, passés,
présents et à venir et propres à la réalité manuel par rapport aux autres réalités conceptualisées.

 Le concept est universel (le concept de voiture est le même partout) et intemporel (il va
s’appliquer à des choses qui ont existé, qui existe p-e ou même qui vont exister). Il est aussi
abstrait (indépendant des conditions qui individualisent les réalités dans l’espace et dans le
temps).

2. « Etre » est le concept le plus abstrait et le plus englobant car le fait d’ « être » est le trait
commun à toutes les réalités. Les autres ne sont que des modalités de l’être, des formes de la
réalité. Ex : manuel est une modalité de l’être, différente de la modalité chien.

3. Nous n’avons, jusqu’ici, envisagé que des abstractions de réalités physiques. Il y a aussi des
abstractions de réalité au sens large. Cela signifie qu’il y a différents types de concepts :

-réalités (livre, étudiante, oiseau)

-actions des réalités (lire, étudier, chanter)

-qualités des réalités (amusant, jolie, mélodieux)

-qualités des actions (attentivement, méthodiquement, matinalement)

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4. Chaque concept est un élément de la réalité (et pas elle toute entière), chaque concept est
donc limité. Pour définir un concept, on peut le faire :

-en compréhension : en énoncer les éléments constitutifs essentiels, les éléments sans lesquels il
n’est pas. Ex : un triangle : forme géométrique qui comprend 3 côtés et 3 angles.

-en extension : énumérer les êtres compris sous le concept. Tous les concepts qu’englobe le
concept qu’on définit. Ex : un invertébré : un insecte, un crustacé, un mollusque,… .

5. Il faut distinguer :

-concept générique : englobe les concepts présentant les mêmes éléments constitutifs.

-concept spécifique : c’est le concept générique + un élément constitutif propre. Ex : le concept


animal est spécifique par rapport au concept d’être et d’être vivant (même élément constitutif
mais il a aussi d’autres éléments).

 un même concept peut être générique par rapport à certains concepts et spécifique par
rapport à d’autres concepts.

Un concept est générique ou spécifique par rapport à un autre concept. Il n’est pas par nature
l’un ou l’autre. Un concept peut être générique par rapport à un concept mais aussi spécifique
par rapport à autre concept.

6. Comme un concept spécifique possède les mêmes éléments constitutifs que le concept
générique qui l’englobe et au moins un caractère propre en plus, on définit un concept en
compréhension en indiquant le genre immédiatement plus englobant auquel il appartient (son
genre prochain) et les éléments qu’il possède en propre (ses caractères spécifiques).

Pour définir correctement un concept, il faut le genre prochain auquel on ajoute le caractère
spécifique (C = CG + CS).

Illustration :

-le carré est-il un parallélogramme dont les côtés sont égaux ?  Non, c’est un losange, la
définition n’est pas bonne.

-le carré est-il un quadrilatère dont les côtés sont égaux ? Non, ça peut aussi être un losange.

Ce n’est pas défini correctement car je ne suis pas parti du genre prochain. Le concept générique
direct du carré est le concept de rectangle. La bonne définition est : le carré est un rectangle qui
a 4 côtés égaux. Le genre prochain du carré est rectangle. La différence spécifique est que les
côtés du carré sont égaux entre eux tandis que les côtés du rectangle sont égaux 2 à 2.

7. Règle de la logique des concepts : l’extension et la compréhension d’un concept varient en


sens inverse. Plus la compréhension d’un concept est grande, plus l’extension est petite et
inversement.

Plus on ajoute d’éléments à la définition en compréhension d’un concept, moins l’extension est
grande.

Exemple avec le concept d’être : il y a moins d’animaux que d’êtres vivants, moins d’êtres vivants
que d’êtres,… .

2° L’idéation

1. La réalité est faite d’un grand nombre de concepts, ils en sont les éléments constitutifs.

La prise de conscience de la réalité ne se fait pas seulement par des concepts isolés mais à l’aide
d’idées : de concepts associés et de relations entre les concepts associés.
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2. La plupart des concepts sont déjà eux-mêmes des associations de concepts. Exemple : figure
géométrique, droite, intersection, angle, sont des concepts. Un triangle est la réalité mentale
faite de l’association de ces concepts.

3. La réalité, comme elle figure dans la conscience de chacun, n’est pas faite que de concepts
associés, mais aussi de relations entre concepts. La conscience conceptualisée de ces relations
prend la forme d’idées

4. La science n’est rien d’autre qu’un ensemble d’idées, qui sont la représentation abstraite de
relations entre des concepts-causes et des concepts-conséquences.

2. Le processus de communication

2.1. Description du processus de communication

La communication consiste en la mise en commun de la conscience du monde, de réalités


mentales : perceptions, images, concepts et idées.

Ces réalités mentales sont personnelles à chacun. Donc a priori intransmissibles aux autres
indépendamment du cerveau qui les produit.

Une communication informative orale se réalise de la manière suivante :

L’émetteur (L) observe (O) une réalité spatio-temporellement déterminée (r) : grâce à ses sens, il
prend conscience de cette réalité. Il sélectionne ensuite dans sa mémoire, le concept (C1)
correspondant à cette réalité dont il veut parler. Ce concept (C1) est manipulé par son esprit à
l’aide de l’image mentale (i1) consistant, en général, en la prononciation mentale des mots qui
l’évoquent pour lui.

Le locuteur (L) prononce ensuite les sons correspondants (P). Les ondes qui constituent ces sons
traversent l’espace (X) qui sépare l’émetteur du récepteur (I).

Elles sont captées par l’appareil auditif (A) de ce dernier et transformées, dans son esprit, en
l’image acoustique (i2) qui évoque pour lui le concept correspondant (C2).

 La communication est parfaitement réalisée si C2 = C1.

2.2. Conditions de réalisation d’une communication

Pour que la communication se réalise parfaitement, il faut que les esprits qui veulent
communiquer adhèrent à plusieurs conventions dont la somme est une langue. Il y a 2
conventions essentielles :

-Ceux qui veulent communiquer entre eux conviennent qu’à tel vocable (mot, signe,…)
correspond tel concept (i-C). Dans telle langue, tel mot suscite dans l’esprit de ceux qui
l’emploient un concept précis.

-Ils s’entendent aussi sur l’extension qu’ils donnent aux concepts (les réalités que ces concepts
englobent). Comme l’extension d’un concept est fonction de sa compréhension, ils s’entendent
sur les définitions des concepts en compréhension.

Un concept correspond à une même définition. Exemple : entre francophones, « chien » est
destiné à évoquer un concept défini en compréhension comme étant « un mammifère de
l’espèce des canidés ».

De plus, la communication se déroule dans un contexte, qui joue un rôle important dans
l’application du code commun : le concept est producteur de sens. Il est important pour
comprendre le sens d’un mot, d’une phrase, il faut replacer dans le contexte car le sens peut être
différent selon le contexte.
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Au final, la communication se fait grâce au travail d’encodage et de décodage du locuteur et de
l’interlocuteur. Le premier transforme en des mots son contenu de conscience et le second
retransforme les mots émis en des concepts. La communication se fait de la même manière
quand elle est écrite sauf que l’émetteur encode les concepts en graphismes et pas en sons.

 En conclusion, elle ne peut se faire que si l’émetteur et le récepteur associent les vocables du
message à des réalités spatio-temporellement déterminées ou à des concepts. Pour que les
interlocuteurs se comprennent parfaitement, il faut que l’émetteur et le récepteur associent
le même concept au même signe sonore et qu’ils donnent au concept la même extension.

Section 2 : La loi : communication de la volonté du législateur aux sujets de


droit
Introduction :

La loi n’est rien d’autre que la communication de la volonté du législateur aux sujets de droit. Elle
a toutes les caractéristiques d’une communication sociale.

En principe, elle ne peut être qu’une évocation de concepts associés : matériellement, il n’est pas
pensable que le Pouvoir normatif édicte autant de règles qu’il existe de réalités spatio-
temporellement différentes à agir. Exemple : la loi ne dit pas : « celui qui donne un coup et
occasionne la perte d’un doigt lui doit autant » mais plutôt « tout fait quelconque de l’homme
qui cause à autrui un dommage… ».

Alors, soit le législateur régit chaque réalité de manière particulière, mais alors il va contre le
sens commun de l’égalité qui veut que des cas analogues reçoivent le même traitement, soit en
voulant respecter l’égalité, il régit de la même manière des cas analogues, donc il ne lui sert à
rien d’envisager différemment chaque situation spatio-temporellement distincte : il parlera alors
en termes de concepts.

La loi ne peut être qu’une évocation de concepts. Surtout pour des raisons pratiques : il est
impossible d’envisager tous les cas, il y aurait trop de situations (il ne faut pas, dans la loi, de cas
particuliers). Sinon il y aurait une inflation législative. En plus, le législateur pourrait oublier
certaines situations dont il voulait parler

 Il doit énoncer le principe, éventuellement en prévoyant des exceptions.

Il y a aussi une raison juridique d’évoquer des concepts. En effet, ils permettent de respecter le
caractère général de la loi, qui s’applique à tous dans des situations semblables.

1. La communication législative

1.1. Le contenu du message législatif

1. La loi est une communication mais elle a un caractère spécifique : il tient à son contenu.

Le contenu de la communication législative est toujours et seulement un ordre ou une


permission, la détermination des conditions dans lesquelles les citoyens ont des droits ou des
obligations.

En général, la communication législative détermine la façon dont doivent se dérouler les


relations sociales, dont doivent s’exercer les pouvoirs juridiques. Elle énonce aussi les sanctions
en cas d’infractions.

2. Selon Hart, le droit est fait de 2 types de règles :

-les règles primaires : elles confèrent des droits et obligations (positives ou négatives) aux
citoyens. Mais un système juridique qui n’a que des règles primaires aurait 3 défauts. Tout
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d’abord, l’incertitude quant à savoir quelles seraient les règles à respecter et quelle serait la
portée précise d’une règle déterminée. Ensuite, le caractère statique des règles : l’impossibilité,
s’il n’existe que des règles primaires, de les adapter aux circonstances mouvantes soit par
élimination des règles anciennes ou par introduction de règles nouvelles. Enfin, l’inefficacité de la
pression sociale diffuse qui assure le maintien des règles primaires : il y a controverse pour savoir
s’il y a eu violation de la règle et en plus il n’y a pas d’agent spécialisé pour mettre en œuvre la
sanction.

-il y a donc à côté une trilogie de règles secondaires (qui portent sur les règles primaires) :

a) Des règles de reconnaissance : elles permettent de déterminer quelle est la règle primaire
d’application dans la situation en question. Exemple : les règles de droit international privé, de
droit transitoire.

b) Des règles de changement : la société évolue donc les règles doivent s’adapter. Elles
permettent de modifier les règles applicables pour les adapter à l’époque. Exemple : les règles de
la Constitution qui disent comment s’élaborent les lois et décrets.

c) Des règles de décision : elles vont permettre aux règles primaires d’être applicables alors que
des citoyens refusent qu’elles leur soient appliquées. Si ce n’est pas fait volontairement, ce sera
fait selon ces règles. Exemple : les règles dans le C.J.

3. Différence entre les règles d’ordre public et les règles supplétives de volonté.

Les règles supplétives de volonté ont des règles qui s'appliquent aux parties lors d'une
convention, sauf volonté contraire, donc on peut y déroger. Ces dispositions sont prises pour
protéger les citoyens contre les situations auxquelles ils n'ont pas nécessairement songé.
Exemple : en droit civil, l’article 1387 du code civil, lorsqu'on se marie on ne peut pas obliger de
conclure un contrat de mariage devant le notaire. En Belgique, si on ne le fait pas on est marié
selon le modèle communautaire, les biens qu'on achète pendant le mariage sont communs aux
deux époux.

Une règle d'ordre public est une règle qui s'impose au citoyen malgré toute volonté contraire,
c'est une règle à laquelle on ne peut pas déroger. Exemple : en droit pénal, l’article 380 du C.P. :
embauche d’une prostituée. Ou encore l’article 815 du C.C. (droit de sortir d’indivision) ou
l’article 1130 du C.C. (pacte sur succession future). On peut, au sein des règles d’ordre public,
faire 2 catégories :

-les règles de droit public au sens strict, du 1 er degré : elles protègent l’intérêt général. Un texte
de loi est d’ordre public au sens strict quand il touche aux intérêts essentiels de l’Etat ou de la
collectivité. Ou encore quand il fixe, en droit privé, les bases juridiques sur lesquelles repose
l’ordre économique ou moral de la société. En droit pénal, la majorité des règles sont des règles
d'ordre public au sens strict. Une convention qui viole une règle sensu stricto est frappée d'une
nullité absolue.

-les règles simplement impératives, du second degré : elles protègent surtout des intérêts privés
(de personnes que le législateur juge faibles) et pas l’intérêt général. Une convention qui viole
une règle simplement impérative est frappée d'une nullité relative. Exemple : en droit privé, les
lois sur les baux.

La différence entre nullité absolue et relative est :

-Les titulaires de l'action ne sont pas les mêmes suivant que la convention viole une règle
simplement impérative (nullité relative) ou une convention qui viole une règle sensu stricto
(nullité absolue) : pour une règle sensu stricto, toute personne qui y voit un intérêt peut
demander l'annulation de la convention alors même qu'aucune des parties ne demande

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l'annulation. Pour une règle simplement impérative, uniquement la ou les parties à la convention
qui sont protégés par la loi peuvent demander l'annulation.

-Renonciation : lorsqu'il s'agit d'une règle simplement impérative, la personne protégée, au


moment où les circonstances qui justifient sa protection n'existent plus, peut renoncer
valablement à demander l'annulation. Lorsqu'il s'agit d'une règle sensu stricto, il n'y a pas de
renonciation possible, les parties ou les tiers ne peuvent renoncer à demander l'annulation.

-Lorsque le juge constatait l'existence d'une nullité, alors que même que les parties n'avaient pas
faire valoir cette nullité, le juge peut la déclarer nulle. Alors que dans le passé, le juge ne pouvait
pas soulever le moyen seul. La cour de cassation : le juge doit impliquer la loi, qu'elle soit
supplétive de volonté, d'ordre public ou simplement impérative. Il a l'obligation de soulever
d'office les moyens de droit, s'il constate qu'une convention n'est pas valable.

-Prescription de l'action en nullité (art 1304 ou 2262 §1, al 1er du code civil) : avant 1998 était de
30 ans, désormais 10 ans (absolue) et pour nullité relative c'est 10 ans.

4. Aux types de règles qu’on vient de voir, on peut y ajouter les lois qui énoncent les définitions
de concepts. Elles ne sont que des éléments d’autres règles, elles ne valent pas par elles-mêmes.
Exemple : l’article 534 du C.C. définit les meubles meublants. Il ne fait que donner une définition
pour faciliter la mise en œuvre de la règle de l’article 535 du C.C.

5. Contenu de la communication législative : il a quelque chose de commun par rapport à une


simple communication, ça porte sur la réalité. Le législateur n'invente rien, il n'écrit pas un
roman, il entend que sa norme porte sur la réalité. Mais ce qu'il y a de spécifique, c'est que la loi
va nécessairement porter sur une catégorie de réalité, alors qu'une simple information peut
porter sur une réalité ou plusieurs. La loi juridique ressemble donc fort à la loi physique (qui vise
des catégories de réalité). La loi juridique peut être structurée comme une loi physique (Si Fait,
alors Conséquence). Mais la différence est que la norme juridique représente la volonté du
législateur à propos de la réalité, alors que la loi physique est la description de la réalité (si ce
n'est pas le cas, alors la loi n'est pas correcte).

1.2. Le processus de communication législative

Le législateur doit procéder à un encodage des idées qu'il a élaboré. Il encode les concepts en
vocables écrits. Pour encoder les concepts, il utilise des phrases, il procède à un encodage en
phrase écrites.

2. Le processus d’invention du droit

2.1. La science des concepts juridiques

1. La science des concepts tient d’abord dans la connaissance de leur définition. La règle de droit
vise des faits conceptualisés et leur donne une conséquence. Pour connaitre le droit, il faut
d’abord savoir l’extension qu’ont les concepts que le législateur évoque dans la règle qu’il fait.
Chaque concept juridique fait l’objet d’une définition qui le place dans le concept directement
plus englobant (son genre prochain) et qui énonce les caractères qui permettent de le
différencier des concepts du même genre.

Ex : arborescence des faits :

Le fait matériel : fait qui ne produit pas d'effet juridique (ex: je fais tomber mon livre).

Le fait juridique : fait qui produit des effets juridiques.

- Fait juridique sensu stricto : fait juridique accompli sans intention de


produire des effets en droit.

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- Acte juridique : fait juridique accompli avec l'intention de produire des effets dans
le domaine du droit.

- acte juridique unilatéral : acte juridique accompli


par une seule personne (testament, legs).

- acte juridique bilatéral : acte juridique accompli par


deux ou plusieurs personnes (vente).

- acte à titre onéreux : acte qui engendre des droits


pour quelqu'un moyennant contrepartie (bail -
location).

- acte à titre gratuit : acte qui engendre des droits


pour quelqu'un sans contrepartie (prêt gratuit -donation).

- acte à titre gratuit sensu stricto : un acte à titre gratuit au


sens large qui porte sur des services (prêt gratuit).

- libéralité : porte sur le transfert d'un bien et non d'un


service.

- Donation : libéralité par laquelle, de son vivant, une


personne transfère à une autre personne la propriété
d'un bien sans contrepartie.

- Legs : une libéralité par laquelle, pour après sa mort,


une personne (testateur) transfère à une autre
personne la propriété d'un bien sans contrepartie.

2. Parfois, le législateur définit de manière précise le terme qu’il utilise. Exemples : dans l’article
36 du C.J., il définit domicile et résidence. Dans l’article 478 du C.P., il définit nuit. Dans l’article
388 du C.C., il définit mineur.

Parfois, il définit le concept mais de manière floue. Exemple : l’article 12 de la Constitution : il ne


peut y avoir d’arrestation judiciaire que s’il y a un mandat d’arrêt. Mais il y a des exceptions : en
cas de flagrant délit, le législateur définit celui-ci de manière floue à l’article 41 du code
d’instruction criminelle, il dit « qui vient de se commettre ».

3. Souvent, le législateur ne définit pas. Alors pour connaitre le sens, on a recours à la doctrine et
à la jurisprudence (surtout de la cour de cassation). Elles définissent souvent les termes utilisés
par le législateur.

4. Cas de figure par rapport au langage courant :

-Même vocable + même concept : dans l'esprit du législateur, à un terme correspond un concept
auquel il donne la même définition que dans le langage courant (décès, animal, naissance).

-Même vocable + concept différent : c'est un terme du langage courant mais correspond à ce
terme, dans l'esprit du législateur, un concept qui n'a pas la même définition que dans le langage
courant. Exemple : solidarité : mécanisme qui permet à un créancier qui a plusieurs débiteurs de
réclamer à un débiteur la totalité de la dette. Ou aussi guerre : débute au moment où un arrêté
royal décide la mobilisation de l'armée belge. Ou encore Parquet : ministère public.

 Tous ces mots ont des significations différentes par rapport à celle qu’ils ont dans le langage
courant.

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-Vocable différent + concept différent : il y a des vocables du législateur qui n'ont aucun sens
dans le langage courant. Il utilise un terme que l'on n'utilise pas dans le langage courant.
Exemple : préciput, art 1458 du code civil vient de « pre-capere » en latin qui veut dire prendre
avant le partage. On le droit pour l'époux vivant de prélever dans le patrimoine commun tout un
bien ou plusieurs bien et c'est seulement le reste qui va être partagé par moitié. Ou aussi
emphytéose : 27 ans au minimum, 99 au maximum et porte sur un immeuble. Ou encore
fermage : le loyer dans le bail à ferme.

N.B : Parfois il y a des définitions propres à une règle. Le concept de nuit n'a pas la même
compréhension en extension ni en compréhension :

- Article 478 code pénal : plus d’une heure avant le lever et plus d’une heure après le couché.

- Article 417 du code pénal : évoque la légitime défense durant la nuit. Mais cette nuit ne va
pas de une heure avant le lever et une heure après le couché. Ici, c’est le juge qui appréciera.

- Article 561 code pénal : tapage nocturne. Ici on prend la notion d’obscurité. Il y a tapage
nocturne s’il fait noir.

2.2. L’invention du droit

Pour appliquer le droit, il faut d’abord l’inventer. On dit ici « invention » au sens étymologique :
rencontrer, trouver.

Comme on l’a dit, dans notre système juridique, la plupart des règles de droit sont écrites et dans
des recueils de texte. L’invention (découverte) du droit demande donc d’abord la recherche de
documents où on trouve ces règles, on appelle ça l’heuristique juridique.

Mais il ne faut pas seulement trouver le texte mais aussi en comprendre le sens, c’est l’objet de
l’interprétation juridique.

Au sens premier du terme, l’interprétation est une traduction de l’abstrait en concret,


nécessitant ou étant elle-même une explication. Alors interpréter c’est comprendre la pensée du
législateur : analyser les concepts associés évoqués par les phrases dont sont faites les lois et les
relations établies entre ces phrases et, de la sorte, déterminer les réalités que le pouvoir
normatif entend régir, la manière dont il entend les régir et les conséquences qu’il entend y
attacher.

En pratique, on doit rechercher les documents qui contiennent l’énoncé des règles de droit avant
de chercher le sens des règles découvertes.

En conclusion, le droit, la loi c’est la communication de la volonté du législateur aux citoyens.


C'est une communication, il évoque des concepts, il établit des liens entre les concepts et pour ça
il doit nécessairement procéder à l'encodage qui se fait en vocables et phrases écrites. Il y a un
décodage qui est nécessaire pour le juriste.

Livre 1 : Méthodologie de l’interprétation juridique


Chapitre 1 : La nécessité de l’interprétation
1. La doctrine du sens clair

On se demande si toute règle de droit doit être ou non interprétée. Certains, dont la Cour de
cassation, pensent que non, alors il y a une économie de temps. Selon eux, il y a des textes qui
sont clairs dont le sens est évident (doctrine du sens clair). S’ils ont raison, on n’a pas toujours
besoin d’interpréter pour connaitre le droit à appliquer. Attention, ils ne disent pas que tous les
11
textes sont clairs, ils savent que certains sont obscurs donc doivent être interprétés, ou encore
qu’ils contiennent des erreurs ou contresens.

Lorsqu'un texte est clair, il ne doit pas être interprété (c'est la doctrine "du sens clair"). Cette
doctrine du sens clair est sujette à discussion. Il existe une critique qui dit que les textes obscurs
ne sont pas rares. Une autre critique consacre le fait qu'il existe des textes clairs qui comportent
des erreurs (art 1743 du code civil, R-48, "il" se rapporte grammaticalement à l'acquéreur alors
que la volonté du législateur est qu'il se rapporte au bailleur + art 1014 du code civil R-36, pour
pouvoir hériter il faut survivre au testateur, donc le législateur aurait du utiliser le mot "au
moment du décès du testateur").

2. Critique de la « doctrine du sens clair »

2.1. Caractère impraticable de la doctrine du sens clair

Elle est impraticable car elle part du principe que des textes clairs ne doivent pas donner lieu à
une interprétation. Mais quels sont les textes clairs et ceux qui ne le sont pas ? Pour le savoir, il
faut un critère de distinction pour savoir si un texte est clair ou non. Mais on ne peut mettre au
jour un tel critère que si les textes ont le même sens pour tous. Or, il y a des difficultés pour
trouver un sens qui soit celui donné unanimement par tous les citoyens car le sens varie dans le
temps et varie d'une personne à l'autre.

Exemples :

-le terme "châtier" vient de "castigare" en latin qui veut dire rendre meilleur. Il est utilisé dans
des expressions comme "utiliser un langage châtié" mais aujourd'hui châtier est plutôt entendu
dans le sens de "infliger un châtiment", "punir".

-le terme "presse" se trouve dans l'article 25 de la constitution. Mais de quelle presse on parle ?
La presse écrite ? La presse électronique ? La télévision ? La radio ?

 La solution est qu’on va prendre les termes dans le sens qu'ils ont à ce moment-là, au
moment de l'application.

Mais le sens varie aussi dans les esprits, nous n'avons dans notre esprit des concepts qui sont
tout à fait les même. Exemple : le terme "chat" : la plupart considère que c'est un petit
mammifère à poils doux, avec des oreilles en forme de triangles, … d'autre considèrent que ce
n'est pas vrai parce qu'il y a des chats qui n'ont pas de poils.

 La solution est qu’on peut décider que le texte est clair si les termes utilisés ont le même sens
pour tous. On peut également demander à quelques personnes, à des spécialistes, des juristes
compétents, donc réduire le groupe de référence. Et d’ailleurs l’article 608 du C.J. dit qu’il
appartient à la Cour de cassation d’interpréter les normes. Donc il revient à la Cour de cassation
de dire si un texte est clair ou non. Sa mission est donc d’interpréter les textes. Il y a tout de
même un autre problème : pour que la Cour de cassation intervienne et donne son
interprétation, il faut qu’un litige éclate. Donc la personne qui rédige un contrat au départ se
pose la question de l’interprétation d’une clause mais ne peut pas se prononcer, il faudrait donc
pouvoir connaitre le sens du texte AVANT le litige.

2.2. Caractère absurde de la doctrine du sens clair

En plus d’être impraticable, elle est surtout absurde. En effet, elle semble dire que les textes
clairs ne doivent pas être interpréter, ce qui implique qu'ils ne doivent pas être compris, ce qui
est absurde.

Nécessairement le législateur encode les concepts ainsi que ses liens en mot et en phrase. Le
juriste se doit de décoder le message émis par le législateur. Interpréter un texte c’est tâcher de
12
comprendre. Interpréter= comprendre. Donc cette doctrine est absurde car elle semble dire que
les textes claires ne doivent pas être interpréter donc ne doivent pas être compris. Or tout texte
doit être compris, qu’il soit claire ou non. Donc tout texte doit être interpréter.

La Cour de cassation a fait application de cette doctrine du sens claire, mais elle ne fait rien
d’absurde. Quand elle dit qu’il ne faut pas interpréter, elle dit qu’il faut donner aux mots leur
sens usuels, habituels. Pour la Cour de cassation qui fait application de cette doctrine du sens
claire, il s’agit de dire qu’un texte clair doit être pris dans son sens usuel.

Mais qu’est-ce le sens usuel ? Certains mots ont plusieurs sens usuels. Elle dit que quand le texte
est clair, il faut en déduire que les termes utilisés par le législateur doivent être pris dans leur
sens habituel, donc la doctrine du sens claire n’est pas absurde. MAIS elle reste impraticable
parce que le critère de distinction entre un texte clair et non claire ne nous est donné qu’a
posteriori, lorsque la Cour de cassation nous dit si oui ou non le texte est clair. Exception : il y a
une hypothèse dans laquelle la Cour de cassation est interrogée en interprétation dans un autre
cadre d’un recours. L’article IV.76 CDE prévoit cette hypothèse : la Cour de cassation statue à
titre préjudicielle par voie d’arrêt sur les questions relatives à l’interprétation de la présente loi.
Donc les juridictions saisies peuvent poser une question préjudicielle en interprétation à la Cour
de cassation.

Le problème est que cette solution est partielle :

-elle n’existe qu’à propos des dispositions du CDE.

- pour qu’une question soit posée, il faut tout de même qu’un litige éclate parce que ce sont les
juridictions saisies qui posent leurs questions en interprétation.

 En conclusion, tout texte de loi doit être interprété. C’est-à-dire qu’ils doivent tous être
compris.

Chapitre 2 : Les doctrines de l’interprétation


1. Introduction

1.1. Paradoxe de l’interprétation

Doctrine = opinion, conception.

Il y a plusieurs manières de concevoir le rôle de l'interprétation. Plusieurs conceptions de


l'interprétation se sont développées. En réalité, il y a très peu de règles qui s'opposent à
l'interprète.

Paradoxe :

L’importance capitale de l’interprétation. Pour appliquer la loi, il faut la comprendre et la


compréhension est l’interprétation même des textes clairs au sens où ils doivent être compris. Et
pourtant, l’interprète qui doit procéder à la recherche du sens du texte ne se voit pas imposer de
règles pour lui dire comment il doit agir. Peu de règles s’imposent à lui. On retrouve cependant
quelques exceptions à cela :

-Il y a des définitions légales de concepts. Exemple : le terme « nuit » ou « mineur ». On s’en tient
à la définition donnée par le Code. D’autres concepts sont définis de manière plus floue, comme
celui de « flagrant délit ».

-Il y a aussi quelques directives légales, données par le législateur lui-même. Parmi cela les
articles 1156 et S. du C.C. Ces dispositions permettent d’interpréter un contrat et les actes
juridiques comme le testament par exemple.

13
Art 1156 : On doit dans les conventions rechercher la commune intention des parties
contractantes plutôt que le sens littéral des termes.

Art 1157 : plusieurs sens ? On choisit le sens qui produit des effets par rapport à l’interprétation
qui ne produit aucun effet.

Ces règles d’interprétations ont été généralisées, on les appliques aussi aux normes juridiques.
Alors qu’à la base elles sont prévues pour les contrats. Ces règles ne sont pas obligatoires.

-Il y a aussi des principes jurisprudentiels dont l’interprète d’une norme juridique peut faire
l’application. Ce sont des adages. La doctrine et la jurisprudence en vérité n’ont pas force
obligatoire. Ces principes ne s’imposent pas tout comme les directives légales à l’interprète.

 La liberté de l’interprète est donc très grande. On le constate dans la manière de concevoir
l’interprétation. On peut concevoir la mission de l’interprète de plusieurs manières.

1.2. Liberté dans la conception même de l’interprétation

Il y a 2 conceptions de l’interprétation :

-L’interprétation adaptation : l’interprète ne doit pas seulement rechercher la volonté du


législateur mais aussi adapter les textes de lois aux besoins de la société, de son évolution, de ses
techniques,… . Il doit adapter les textes aux exigences actuelles et dès lors résoudre les
contradictions entre les textes et parfois étendre le texte par analogie s’il y a une lacune non
prévue par le texte.

-L’interprétation compréhension : le rôle de l’interprète est de comprendre la volonté du


législateur. Ce que l’interprète peut faire est de rechercher le sens des termes utilisés par le
législateur mais ne peut pas aller au-delà en modifiant le texte de loi.

 Le principe qui fonde notre système juridique est le principe de la séparation des pouvoirs.
Le législateur fait la loi, les juges l’appliquent mais ne la créent pas. Or la 1ère conception de
l’interprétation affirme que le juge peut créer et modifier la loi. Cela ne correspond pas à
notre conception de la démocratie fondée sur le principe de la séparation des pouvoirs.

1.3. Liberté dans la conception de l’interprétation compréhension

L’interprète doit rechercher la volonté du législateur mais si on adopte cette conception,


l’interprète garde encore une liberté dans la mesure où il n’est pas évident de déterminer LE
législateur.

Il y a 2 législateurs :

- Le législateur qui a adopté le texte, le législateur originel.

- Le législateur qui maintien le texte en vigueur, c’est le législateur actuel.

 Certains veulent rechercher le sens des mots selon le législateur en vigueur.

La doctrine de l'interprétation sur la volonté du législateur originel a été développée par l'école
de l'Exégèse qui a connu son heure de gloire au 19e siècle.

Section 1 : L’interprétation d’après l’auteur de la norme


1. La doctrine de l’exégèse

14
Pour les partisans de cette école, tout le droit est dans les règles de droit écrites, dans la loi. Il n'y
aura pas de loi en dehors de ces règles écrites, donc les coutumes ne pourraient pas être
considérées comme du droit dans la mesure où la loi ne renvoie pas à cette coutume. Ces
partisans considèrent qu'il n'y a pas de principes généraux de droit sauf ceux qui sont tirés de la
loi elle-même. Ils vont dire aux enseignants qu'il ne faut pas renseigner le droit civil, le droit
commercial mais enseigner les règles de droit écrites donc des cours de code pénal, de code
commercial, de code civil, … et pour ces mêmes partisans, rechercher le droit, la volonté du
législateur " c'est lire la loi. Que doit faire l'interprète pour rechercher la volonté du législateur ?
Ce qu'il doit faire est lire et seulement lire la loi. Attention cependant, ils ne préconisent pas une
interprétation textuelle, littérale de la loi. Soit le texte est assez clair, donc il devra s’en tenir. Soit
le texte n’est pas clair, alors il ne peut pas s’en tenir et doit rechercher au-delà des termes du
législateur sa volonté.

Exemple : art 944 du code civil, R-35 : "toute donation entre vifs faite sous des conditions dont
l'exécution dépend de la seule volonté du donateur, est nulle."

 Explication : La donation est dangereuse pour le donateur puisqu'il va s'appauvrir d'un bien
sans recevoir de contrepartie. La donation entre vif peut être dangereuse également pour la
famille, pour sa subsistance, ses héritiers (= ses espérances légitimes). Elle est dangereuse
aussi pour le donataire, car lorsque quelqu'un reçoit un bien par le donateur, il est à sa
merci, il lui doit une faveur, une dette, et ça peut être dangereux pour le donataire. Ce
danger est encore plus important si le donateur a la possibilité de revenir sur sa donation (si
vous recevez une voiture que vous aimez bien, et vous savez que le donateur pourra revenir
sur sa donation, vous aurez plus tendance à faire ses 4 volontés au donateur). Si le donateur
insère dans la donation une condition qui lui permet de revenir sur sa donation alors la
donation sera nulle.

- Le donateur donne tel bien à la condition qu’il aille s’établir à Bruxelles, est-ce nul ? Ça lui
permet de revenir sur sa donation. Il peut décider de ne jamais s’établir à Bruxelles, la
condition dépend de la seule volonté du donateur. Cela rend la donation nulle.

- "Je vous fais telle donation à la condition que j'épouse Pipa Middleton". Est-ce que cette
donation est nulle ou non ? Il y a deux interprétations possibles :

 Interprétations littérale : seule la donation assortie d'une condition


dont l'exécution dépend de la SEULE volonté du donateur est nulle.
Mais ici il faut aussi l'accord de Pipa Middleton. Donc la donation est
valable selon l'interprétation littérale.

 Interprétation exégétique (rechercher la volonté du législateur


originel) : le but du législateur est que le donateur ne puisse pas
revenir sur la donation, s'il prévoit qu'il donne un bien à la condition
de son mariage, Pipa peut refuser mais le donateur peut également
refuser le mariage et donc la donation sera nulle.

 L'interprétation exégétique se fait à partir du texte, mais l'interprète doit rechercher l'esprit
du texte. Comment trouver cet esprit ?

-Lecture et analyse du texte.

-Le contexte législatif (les dispositions qui entourent ladite disposition qu'il doit appliquer, pour
l'article 944 ça sera l'article 943 qui établit des règles pour éviter de revenir sur une donation).

-Les auteurs qui ont inspiré le texte.

15
-L'interprète peut également faire des déductions logiques. Ce qui veut dire, premièrement,
écarter les solutions qui montrerait que le législateur a adopté des dispositions contraires.
Deuxièmement, mettre au jour les règles implicites qui ressortiraient des règles explicites
expresses.

La seule limite que l'école de l'exégèse impose à l'interprète est de NE PAS CRÉER DU DROIT PAR
L'INTERPRETATION. Aubrie est l'auteur qui a le mieux résumé cette doctrine de l'exégèse
"l'interprète doit tenir compte de toute la loi, dans son esprit ainsi que dans sa lettre, avec une
large application de ces principes et le plus complet développement des conséquences qui en
découlent, mais rien que la loi".

1.1. Application 1 : l’affaire du vapeur « Marie »

Le remorqueur à vapeur est un bateau qui navigue du côté de Nantes. Un tuyau éclate. Le
mécanicien reçoit un jet de vapeur et des fragments de rouille, il sera soigné mais en vain car il
meurt. Mme TEFFAINE (sa femme) est désormais sans ressource. Elle cherche à obtenir une
indemnité et à assigner Mr GUISSEZ et Mr COUSIN qui sont les propriétaires et employeurs de Mr
TEFFAINE.

Mme TEFFAINE dit qu’il ressort du contrat de travail que les propriétaires doivent prendre en
charge les accidents survenus pendant que Mr TEFFAINE exerce son travail. Mais il n’y a aucune
clause qui prévoit cela alors Mme TEFFAINE invoque l’article 1160 C.C. qui prévoit que l’on doit
insuffler dans le contrat les clauses qui y sont d’usage même si elles n’y sont pas inscrites. Le
tribunal répond qu’il n’y a pas de telle protection, donc rejet de ce fondement.

Elle invoque l'art 1382 C.C., R-44 : les trois conditions qui doivent être emplie que cet article
s'applique sont :

1) Dommages

2) Faute

3) Lien causal

Il y avait un lien causal entre le dommage et l'activité dirigé par Mr COUSIN et Mr GUISSEZ. Mais
y avait-il une faute de la part des employeurs ? Une expertise a été menée, d'une part les
propriétaires avaient respecté toutes les conditions, et les dommages étaient dus à un tuyau qui
a explosé parce qu’une soudure a été mal faite, et cette soudure a été faite par le constructeur
qui n'est ni Mr COUSIN ni Mr GUISSEZ. Le tribunal de première instance a considéré que les
employeurs n'avaient commis aucune faute et donc Mme TEFFAINE ne pouvait invoquer cet
article. L'avocat de Mr TEFFAINE a invoqué, alors un autre article, l'article 1384 C.C., R-45, Mme
TEFFAINE va dire que les deux employeurs l'avait sous leurs gardes et donc ils doivent être
considéré comme responsables et donc la veuve pouvait obtenir une indemnité. Le tribunal
décide de faire une analyse exégétique du texte. Il va fonder son analyse sur l'esprit du texte et
pour ce faire, il lit le texte, l'analyse et exploite les travaux préparatoires. Il constate qu'à l'origine
de ces articles, il y a un projet initial d'organisation de la responsabilité civile qui prévoit 2
dispositions :

-L'art 1382, "qui casse, paie", si on est responsable, on doit réparer le dommage, mais il doit y
avoir une faute.

-L'art 1384, le législateur a voulu énoncer des cas limités dans lesquels on déroge au grand
principe alors même qu'on n'a pas commis de faute.

- Alinéa 1 : n'a pas de valeur normative. C'est un préambule.

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- Alinéa 2 : énonce la responsabilité du père et de la mère pour le dommage causé par
l'enfant.

- Alinéa 3 : responsabilité des maîtres et commettants pour la faute de leurs préposés.

- Alinéa 4 : responsabilité des instructeurs pour la faute des élèves et des apprentis.

- Alinéa 5 : responsabilité du gardien d'un animal qui cause un dommage -> animal =
chose.

 Le tribunal se penche alors sur le texte final. Il constate que l'alinéa 5 (art 1384) a été
transposé à l'article 1385 du code civil, pour éviter que le texte de l'art 1384 ne soit trop
long. Le tribunal de grande instance constate que Mme TEFFAINE doit être déboutée. Le
fondement invoqué par Mme TEFFAINE n'est pas correcte car la machine n'est pas un
animal, ni un bâtiment, si on se fonde sur l'art 1384, al 5.

1.2. Application 2 : l’affaire Marckx

Il faut savoir qu'en Belgique, on distinguait entre les enfants dits légitimes (issus de personnes
mariés entres elles) et les enfants dits naturels (issus de personnes non mariées entre elles).
Dans les enfants naturels, on distinguait les enfants naturels simples (issus de personnes non
mariées mais qui auraient pu le faire), adultérins (issus de personnes non mariées et qui
n'auraient pas pu se marier car déjà mariées), et incestueux (issus de personnes non mariées et
qui n'auraient pas pu se marier à cause du lien incestueux entre eux).

Sur le plan de la succession, il n'y avait aucun problème pour les enfants légitimes, ils
pouvaient hériter de leurs parents et de leurs grands-parents et également sur le plan de
l'affiliation, il n'y avait aucun problème.

Pour les enfants légitimes simples, le nom figurant sur l'acte de naissance ne suffisait pas
pour établir un lien de filiation entre la mère et l'enfant, il fallait un acte supplémentaire, un acte
de reconnaissance de l'enfant. Une fois reconnu, si la mère mourait, l'enfant avait des droits mais
moins étendus que ceux d'un enfant légitime, et il ne pouvait pas hériter de la succession de ses
grands-parents.

La filiation adultère et incestueuse ne pouvait pas être établie et ne donnait pas de droits aux
enfants.

Paula Marckx est une femme non mariée qui a accouché d'un enfant => enfant naturel
simple. Donc pour que le lien de filiation soit établi, elle doit reconnaître son enfant. Après la
reconnaissance, l'enfant n'a que des droits restreints et il n'avait pas de droits sur la succession
de ses grands-parents. Donc il n'entrait pas complètement dans la famille de sa mère. C'est une
inégalité que démontre madame Marckx pour sa fille Alexandra. Elle l'a reconnue, de sorte que le
lien juridique a été établi avec elle, mais celle-ci avait des droits réduits. Elle s'en plaint à la
commission européenne des droits de l'homme. La CEDH sera saisie. Elle se fonde sur l'article 8.1
de la convention européenne des droits de l'homme, et dit que cette loi belge porte atteinte à sa
vie privée dans la mesure où elle l'empêche elle et sa fille de fonder une vraie famille.

Si la cour avait fait une interprétation exégétique, elle serait allée voir la volonté du
législateur au moment où il a adopté cette loi. La volonté était de protéger la famille légitime, les
parents mariés qui avait un ou plusieurs enfants. Également, dans les esprits des signataires de la
convention européenne des droits de l'homme, ceux-ci s'interdisaient de s'immiscer dans la vie
privée des citoyens. En réalité ils s'imposaient une obligation négative celle de "ne pas faire". Et
dès lors pour ces 2 raisons là, si la CEDH avait fait une interprétation exégétique, elle aurait dû
débouter Mme Marckx considérant que l'art 8.1 n'était pas conçu pour ce qu’elle demandait.
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2. Critique de la doctrine

2.1. Les avantages

-Cette doctrine respecte le principe de la séparation des pouvoirs.

-Elle respecte aussi le principe de la sécurité juridique : les citoyens doivent savoir qu'au moment
où ils s'apprêtent à adopter un comportement, ils doivent connaître les conséquences juridiques.
Pour connaître les conséquences juridiques de cet acte, ils peuvent en principe procéder eux-
mêmes à l'interprétation juridique en recherchant la volonté du législateur.

2.2. Les inconvénients

-Il est parfois extrêmement difficile de trouver cette volonté du législateur.

o Car elle n'est pas toujours certaine

o Parfois la volonté du législateur n'est pas


nécessairement une. Il y avait plusieurs volontés,
plusieurs objectifs distincts.

o La volonté peut changer. Par exemple, si le


législateur actuel n'est pas le même que celui qui
adopté la loi. Et donc s'ils n'ont pas la même volonté.

-Elle empêche l'adaptation du droit à l'évolution des mœurs.

Exemple : l'art 523 C.C., R-30 : Les tuyaux servant à la conduite des eaux dans une maison ou
autre héritage, sont immeubles et font partie du fonds auquel ils sont attachés". La personne qui
vend sa maison doit la vendre avec les tuyaux.

Section 2 : L’interprétation d’après le législateur actuel


1. La doctrine évolutionniste

C'est une doctrine selon laquelle il faut rechercher la volonté du législateur qui est en place,
actuel.

1.1. Exposé de la doctrine

Il y a deux mouvements de la naissance : l'industrialisation et l'urbanisation (les gens quittent les


campagnes et s'établissent dans les villes). Des problèmes nouveaux naissent, très nombreux,
très importants pour les gens, qui apparemment ne trouvent pas de solutions dans les lois. Mais
le législateur tarde à adapter le droit à l’évolution de la société, d’où la naissance de cette
doctrine où il faut donner aux mots du vieux législateur le sens que donnerait à ces mots le
législateur actuel. Les partisans de cette doctrine ne prétendent pas qu'il faille toujours écarter la
volonté du législateur originel, il arrive que des textes très anciens soient toujours adoptés (art
1382). C'est uniquement lorsque le texte est inadapté qu'on va lui donner le sens d'aujourd'hui
en fonction de l'évolution de la société, des besoins, des technologies, …

La doctrine évolutionniste préconise de donner aux termes utilisés par le législateur le sens qu'ils
auraient maintenant, si c'est maintenant, au moment où le problème se pose, que le législateur
adopterait la loi. C'est de cette doctrine évolutionniste que la Cour de cassation française a fait
application dans l'affaire du Vapeur Marie.

1.2. Application 1 : l’affaire du Vapeur « Marie »

L'article 1384, alinéa 1 C.C. a été invoqué : elle va interjeter l'appel devant la Cour d'appel de
Paris qui va faire une interprétation évolutionniste. La Cour de Paris constate qu'il y a une
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évolution qui s'est produite, spécialement à cause de l'industrialisation, qui engendre des risques
pour les travailleurs. Dans cette optique, vu les nouveaux besoins sociaux, la Cour d'appel de
Paris va donner un autre sens que le sens donné par le législateur originel. Il lui donnerait une
valeur normative. Autrement dit, alors que même la chose était uniquement un animal, la chose
devient toute réalité physique. Dès qu'on a une chose sous sa garde qui cause dommage à autrui,
on doit réparer le dommage. La Cour d'appel de Paris va alors condamner les employeurs et va
consacrer un principe général de responsabilités des choses.

Saleilles : il existe une obligation légale, fondée sur l'idée de risque et justifiée par cette
conception si simple et si efficace que celui qui possède le fonctionnement d'une entreprise doit
en supporter les risques. Il faut que la loi s'adapte au progrès des temps et à l'évolution.

1.3. Application 2 : l’affaire Marckx

La CEDH a, dans cette affaire, fait une interprétation évolutionniste de l'art 8, al.1 de la
convention européenne des droits de l'homme. Madame Marckx invoque devant la commission
la violation de l'art 8, al. 1 de la convention européenne des droits de l'homme en vertu duquel
toute personne a droit au respect de la vie privée et familiale et l'affaire va être portée par la
commission devant la CEDH. Si la CEDH avait fait une application de la doctrine exégétique, elle
aurait dit que la Belgique ne viole pas l'art 8, al 1, parce que manifestement au moment où est
conclu la convention européenne des droits de l'homme, les Etats membres du conseil de
l'Europe voulaient protégé la famille traditionnelle, légitime, papa et maman mariés entre eux et
qui ont un ou plusieurs enfants. Et d'autre part, dans l'esprit des Etats signataires de la
convention, il y avait la volonté de s'abstenir de s'immiscer dans la vie privée et familiale des
citoyens en pratiquant pas les écoutes téléphoniques, les fouilles, … . C'était une obligation
négative que les Etats s'imposaient.

Cependant, la CEDH va décider de faire une interprétation évolutionniste de l'art 8.1.


L'interprétation que donneraient les Etats signataires de la convention s'ils devaient l'adopter
maintenant, c'est-à-dire en 1979, au moment où l'arrêt Marckx doit être rendu. La Cour le dit
elle-même dans son arrêt qu'elle fait une interprétation évolutionniste, en disant que l'art 8.1
doit s'interpréter à la lumière des conditions d'aujourd'hui. Et c'est pourquoi elle va dire "si en
1950, la famille protégée est la famille traditionnelle, désormais, la famille protégée est la
famille, c'est-à-dire tout groupe de personnes lié par les liens du sang, même en dehors du
mariage. Madame Marckx et sa fille Alexandra doivent donc être considérées comme une
famille". Pour ce faire, en réalité la CEDH va s'interroger, non seulement sur la législation belge
mais également sur la législation des autres membres du Conseil de l'Europe qui ont signé la
convention. Est-ce que ces autres législations ont pris acte de l'évolution de la société civile ? Et
ce que constate la CEDH c'est que beaucoup d'Etat membres appliquent, désormais, le principe
de "la mère est toujours certaine". Le lien de filiation entre la mère et l'enfant est établi dès la
naissance, même si la mère n'est pas mariée. Alors qu'En Belgique ce lien n'est établi que si la
mère reconnaît l'enfant. Il y a donc une évolution dont la Cour tient compte pour interpréter l'art
8.1 de la convention européenne des droits de l'homme. La famille n'est plus seulement la
famille traditionnelle, mais tout groupe de personne lié par le lien du sang.

Et en ce qui concerne l'ingérence dans la vie privée des citoyens, la CEDH va aussi faire une
interprétation évolutionniste à la lumière des conditions d'aujourd'hui. Et elle va dire qu'il faut
considérer que les Etats ont non seulement une obligation négative mais également une
obligation positive d'assurer à chaque enfant une famille. Ce droit doit être garanti sur base de
l'art 8.1. et dès lors, dans la mesure où la législation belge n'établit pas directement un lien entre
la mère et son enfant dit naturel, la Belgique doit être condamnée puisqu'elle ne garantit pas ce
droit à la famille aux enfants naturels. Et la Cour va dire que le droit successoral est intimement
lié à la vie privée et familiale et dès lors, un enfant naturel doit avoir autant de droits
successoraux que les enfants légitimes.
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2. Critique de la doctrine évolutionniste

2.1. Avantages

-Elle permet d'adapter la loi aux besoins sociaux, à l'évolution de la société, aux besoins
techniques, aux grands mouvements nouveaux qui se produisent dans la société.

-Elle respecte certainement la volonté du législateur qui maintient la norme en vigueur. Si le


législateur ne modifie pas cette loi alors qu'elle n'est plus adaptée aux besoins de la société, c'est
qu'il considère que l'interprète peut en faire une interprétation évolutionniste, autrement dit
qu'il peut l'adapter à l'évolution de la société.

2.2. Inconvénients

-Il est faux de dire que l'interprète pourra adapter la norme juridique aux besoins de la société,
mais c'est un peu de la divination de faire cet exercice-là, de considérer que l'on va connaître la
volonté du législateur en analysant ce qu'on pense être les besoins actuels de la société. Il y a
une grande part de création. Est-ce que l'interprète, le juge, ne crée pas le droit ? Si le juge crée
le droit, est-ce que ceci n'est pas contradictoire avec le principe de la séparation des pouvoirs ?
Puisqu'il revient au législateur de créer les lois, les modifier, les abroger, mais pas au juge. Or ici,
sous couvert d'adapter la loi à l'évolution de la société, l'interprète en réalité met à jour, crée des
nouvelles lois.

-Dans cette mesure, la doctrine évolutionniste peut mettre en péril la sécurité juridique. Principe
selon lequel, une personne qui adopte un comportement doit connaître les conséquences
juridiques de ce comportement, de cet acte. Et cette doctrine ne permet de connaître les
conséquences, puisque personne ne peut deviner comment le juge va interpréter la loi selon les
besoins de la société.

 Illustration de l’affaire Remorqueur à Vapeur « Marie » :

Il s'est passé que les consorts GISSEZ et COUSIN, les propriétaires du


remorqueur à vapeur Marie et également les employeurs de Mr
TEFFAINE se sont vu condamnés alors même qu'ils ne pouvaient pas
s'y attendre du tout puisque au moment où ils ont démarré leurs
activités, au moment où ils ont engagés Mr TEFFAINE, ils savaient
très bien qu'ils pourraient être condamnés à payer les dommages et
intérêts S’ILS COMMETTAIENT UNE FAUTE et c'est pourquoi ils ont
fait en sorte de ne pas en commettre et on a constaté qu'ils
n'avaient violé aucun règlement sur la surveillance et l'entretien du
remorqueur à vapeur. Ils pouvaient s'attendre à être condamné s'ils
commettaient une faute et ils faisaient tout pour éviter la faute et
donc ils ont été extrêmement surpris lorsque sur la base d'une
interprétation évolutionniste, ils ont été condamnés en vertu de
l'article 1384, al 1 C.C. Cet article n'annonçait que les hypothèses
strictement limités dans lesquelles on allait être responsable des
faits des choses. Et ce cas extrêmement limité auquel le législateur
renvoyé est celui qui concernait les animaux : on est responsable des
faits des animaux, on a la garde. Mais le remorqueur à vapeur n'est
pas un animal et pourtant, ils ont été condamnés dans la mesure que
l'art 1384 aurait désormais contenu un principe général de la
responsabilité des choses.

20
Qu'est-ce que les employeurs auraient pu faire s'ils savaient qu'ils
allaient être condamnés alors même qu'ils n'ont pas commis de
faute ? ils auraient pris une autre assurance, avec des primes
supérieurs, pour être couverts au cas où ils auraient pu être
condamnés alors même qu'ils n'ont pas commis de faute. Ceci est
une illustration du problème de la sécurité juridique.

 Illustration, l'affaire Blieck :

Rendue par la Cour de cassation française. En 1990, tant en Belgique


qu'en France, il existe ce principe général de la responsabilité des
faits des choses qui a été consacré par la Cour suprême dans l'un
comme dans l'autre Etat. En revanche, il n'y a pas de principe général
de responsabilité des faits d'autrui. L'art 1384, al 1 nous annonce les
cas dans lesquels on allait être responsable des faits des choses que
l'on a sous sa garde mais également des faits des personnes dont on
doit répondre. Et en ce qui concerne les personnes, on vérifiait
simplement qu'on se trouvait dans un cas strictement limité dans
lequel on allait être condamné pour le fait d'une autre personne. On
constatait que cette disposition parlait des parents qui ont la garde
de leurs enfants, des maîtres et employeurs qui ont la garde de leurs
apprentis, des instituteurs qui ont la garde de leurs élèves. Mais de
plus en plus de personnes, en France et en Belgique également,
appelaient de leurs vœux la consécration d'un principe générale de
responsabilité d'autrui. Parce qu'on constatait qu'ils arrivaient de
plus en plus souvent, que des personnes placées sous la
responsabilité d'autres personnes (des enfants, des personnes
socialement inadaptés) pouvaient causer des dommages par leurs
propres faits sans engager pour autant la responsabilité des
personnes qui s'occupaient d'eux.

C'est dans ce contexte qu'apparaît l'affaire Blieck, l'arrêt de la Cour


de cassation française en 1991. Une personne socialement
inadaptée, placée dans un centre d'aide par le travail, dans lequel
ces personnes inadaptées peuvent sortir travailler. Et une personne
qui sort travailler va bouter le feu à la forêt. Les consorts Blieck ne
sont pas contents et ils vont assigner la personne en question mais
elle est insolvable donc ils assignent également les responsables du
centre, qui ont permis à la personne d'aller travailler à l'extérieur. Le
1er fondement de leur demande est l'art 1382, ces responsables du
centre, en laissant la personne travailler à l'extérieur, n'ont-ils pas
commis de faute ? Le tribunal saisi va réfléchir sur la question, faire
une expertise et vont constater que ces responsables n'ont commis
aucune faute. Donc ils ne peuvent pas être condamnés sur la base de
l'art 1382 C.C. Alors les demandants vont demander la
condamnation du centre sur base de l'art 1384, al 1 du C.C. La Cour
de cassation a déjà consacré le principe général de la responsabilité
des choses, il y a lieu de consacrer également le principe général de
la responsabilité d'autrui. Ça correspond bien à l'évolution de la

21
société. L'affaire va être tranché par le tribunal, va aller devant la
Cour d'appel de Limoge, la Cour d'appel va faire droit à la demande
des consorts et va consacrer, toujours en faisant application de la
doctrine évolutionniste, le principe général de la responsabilité du
fait d'autrui. Et à nouveau se pose le problème de la sécurité
juridique. Si les personnes du centre de travail avaient su qu'ils
pourraient être condamnés alors même qu'ils ont pris toutes les
garanties pour ne pas commettre de faute, ils n'auraient pas ouvert
ce centre, et n'auraient pas accepté de s'en occuper et se seraient
assurés.

 Illustration, l'affaire Marckx :

Au moment où il a adhéré à la Convention EDH, l'Etat Belge ne savait


pas que sa législation pourrait être jugée et condamnée non
conforme à la Convention. S'il le savait, il n'aurait pas signé cette
convention où il l'aurait signé mais avec une réserve en indiquant
qu'il s'engageait à respecter la vie privée et familiale des citoyens
mais il aurait précisé que cette vie privé n'imposait pas une
modification de sa législation en matière de filiation et de
succession.

Section 3 : Le choix d’une doctrine dans la pratique


En fonction de quoi va-t-on choisir d'utiliser telle ou telle doctrine ?

-En fonction du type d'application du droit : il y a plusieurs manières d'appliquer le droit et le juriste,
de manière générale, n'appliquait pas le droit de la même manière (avocat d'affaire, notaire, …). Il y a
deux types d'application du droit : a priori (les avocats, notaires, …) et à postériori (les juges). Le
notaire souvent ne pourra pas faire d'interprétation évolutionniste car il n'est pas devin, il ne sait pas
dire au moment où il rédige son contrat comment la société va évoluer. Très souvent, il sera
contraint de faire une interprétation exégétique car la volonté du législateur originel il peut la
retrouver tandis que la volonté du législateur au moment où se posera le litige, il ne la connaît pas,
donc par nécessité il fera une interprétation exégétique.

-En fonction de l'âge du texte : dès lors que le texte vient d'être adopté, en général ce texte est
parfaitement adapté à l'évolution de la société et prend en compte les problèmes nouveaux donc
l'interprétation évolutionniste n'a pas lieu d'être pour un texte récent. Mais quand le texte est
ancien, on aura plus tendance à faire une interprétation évolutionniste.

-En fonction de l'échelle des valeurs qu'on adopte : dans la mesure où j'attache beaucoup
d'importation à la séparation des pouvoirs et à la sécurité juridique, je vais privilégier de faire une
interprétation exégétique. Mais dans la mesure où il y a beaucoup de changement dans la société et
que le texte me paraît inadapté, j'aurais une tendance à faire une interprétation évolutionniste.

Chapitre 3 : Les sources de l’interprétation

22
Tout juriste qui doit appliquer la loi, doit commencer par l'interpréter. Dans ce sens-là, le juriste doit
savoir que les textes qui lui sont soumis ont déjà fait l’objet d'interprétation par d'autres personnes.
Ce qui pourrait, d'abord, lui faciliter la vie. Ces personnes qui ont déjà interprété, l'ont fait de
manière très consciencieuse, ont analysé de manière très fine le texte de loi, ont consulté les travaux
préparatoires qui peuvent être très longs,… . La première raison donc de l'importance de savoir
qu'un texte a déjà été analysé, est la facilité de la tâche et économie du temps. Deuxième raison, et
peut être la plus importante, est que certaines interprétations, vont s'imposer au juriste. Autrement
dit, il va devoir les considérer comme obligatoire.

Quelles sont ces sources d’interprétation ?

1. L'interprétation authentique : celle qui est faite par l'auteur de la norme. Le législateur fédéral,
qui a adopté une loi, constate que beaucoup de litiges surgissent sur cette loi, et il décide d'adopter
une interprétation authentique parce qu'il est l'auteur de cette norme. Et cette interprétation va
s'imposer aux juristes (juge, …)

2. L'interprétation judiciaire : faite en permanence par les cours et tribunaux. Les juges pour
appliquer la loi, doivent la comprendre et donc l'interpréter.

3. L'interprétation faite par la cour constitutionnelle : cette cour vérifie la constitutionnalité des lois
et doit interpréter la constitutionnalité de ces lois. C'est une interprétation indirecte quasi
authentique.

4. L'interprétation administrative : faite par l'administration ou les autorités administratives


(ministres) qui interprètent les textes à l'intention des fonctionnaires pour leur permettre
d'appliquer, dans le cadre de leurs missions, des textes qui peuvent parfois poser problème.

5. L'interprétation doctrinale : faite par la doctrine (professeurs de droits, avocats, notaires, …).

Section 1 : L’auteur de la norme


1. Forme de l’interprétation par l’auteur de la norme

Elle a la même forme que la norme interprétée, donc c'est une norme interprétative. Si les Etats
signataires veulent interpréter la disposition d'un traité, ils vont adopter un nouveau traité. La norme
interprétative prend la forme de la norme interprétée. Si le constituant veut interpréter une
disposition constitutionnelle, il adoptera une disposition constitutionnelle. Le législateur qui veut
interpréter une loi fédérale, adoptera une loi fédérale, … .

2. Force de l’interprétation par l’auteur de la norme

Dans quelle mesure cette norme interprétative va s'imposer au juger ? La norme interprétative a
d'abord l'effet d'une norme mais ce qu'on constate, c'est que cette norme a une force plus
importante qu'une norme ordinaire. Parce que l'article 7 du C.J. nous dit que tous les juges sont
tenus de se conformer aux normes interprétatives dans toutes les affaires où le point de droit n'est
pas définitivement jugé au moment où ces lois deviennent obligatoires.

• Illustration :

Des faits se produisent, ils sont dans le champ d'application d'une loi, qui a été adoptée
antérieurement à ces faits donc elle est déjà en vigueur quand ces faits se sont produits. Un litige se
produit et il est soumis à un juge. Avant même que le juge ne tranche le litige, le législateur prend

23
une norme interprétative de la norme dans laquelle tombe ces faits-ci. L'article 7 du C.J. nous dit que
le juge doit faire application de cette norme interprétative alors même qu'elle est postérieure aux
faits qui se sont produits. Pourquoi ? Parce qu'en réalité, cette loi interprétative est déclarative de
sens, elle ne fait que déclarer le sens que la norme en vigueur avant les faits est censé avoir toujours
eu. Elle est censée s'incorporer à la norme. La norme interprétative a par essence un effet rétroactif.

- Exemple : article 113 du C.P. qui date du 11 octobre 1916. Un arrêté loi prévoit que tout belge qui
aura porté les armes contre la Belgique sera puni de mort. Durant la 2 e guerre mondiale, le
législateur va adopter une norme interprétative du 17 décembre 1942, il déclare que pour
l'application de la présente disposition, constitue le fait de porter les armes contre la Belgique, celui
d'accomplir sciemment pour l'ennemi des tâches de combat, travail, transport ou surveillance qui
incombent normalement aux armées ennemis ou à leurs services. C'est une norme interprétative. Au
début de la guerre, une infirmière belge est allée travailler dans un hôpital allemand, soigner les
militaires allemands, et elle l'a fait de manière volontaire et seulement en 1940-1941, c'est-à-dire
avant l'entrée en vigueur de la norme interprétative. Elle est poursuivie pour le travail qu'elle a
accompli dans un hôpital militaire allemand. On lui reproche d'avoir porté les armes au sens que
l'arrêté loi donne à cette expression. Elle ne peut rien dire puisque la loi interprétative vaut pour
l'avenir mais a également un effet déclaratif, rétroactif.

 Donc l'infirmière peut être condamnée sur base de l'article 113, y compris la norme interprétative
qui compose l'art 113, al.2.

- Article 360 du code d'instruction criminel. Cette disposition, qui date de 1808, nous disait que toute
personne acquittée légalement ne pourra plus être reprise ou accusée à raison des mêmes faits. En
1850, le législateur va adopter une norme interprétative de l'art 360 et va dire que cet article est
interprété "toute personne acquitté légalement, ne pourra plus être reprise ou accusée à raison des
mêmes faits tel qu'il a été qualifié."

Supposons qu'une personne ait été poursuivie en 1847, 3 ans avant l'entrée en vigueur avant l'entrée
en vigueur de la loi interprétative. Cette personne a été poursuivie pour meurtre et a été acquitté
par le tribunal avant 1850 parce qu'il a considéré qu'il n'y avait pas intention de donner la mort et
qu'il s'agissait d'un homicide involontaire. Elle a été poursuivie pour meurtre et a donc été acquittée
de ce meurtre. Est-ce que les faits qui se sont passé avant 1850 peuvent, en 1851, être poursuivie
d'homicide involontaire, coup et blessures ayant entrainé la mort ? Est-ce que la personne peut être
poursuivie pour les mêmes faits qualifiés autrement ? Cette norme interprétative est déclarative de
sens, elle pourra et devra être appliqué par le juge en vertu de l'article 7 du C.J.

 La personne pourra donc être poursuivie, cette fois pour « coups et blessures volontaires
ayant entrainé la mort sans l’intention de la donner », ce qui est différent du meurtre.

• Illustration, Affaire CAMU :

Monsieur CAMU a tué sa femme le 12 aout 1975. Il est poursuivi devant la Cour d'assise pour
meurtre, pour homicide volontaire. La Cour estime qu'il n'a pas tué sa femme, qu'il n'avait pas
l'intention de la tuer. Il sera acquitté de ce meurtre. Le ministère public décide de le poursuivre pour
coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, devant le tribunal
de Gand. Le tribunal correctionnel de Gand va le condamner. L'affaire va être portée devant la Cour
d'appel de Gand par Mr CAMU. La Cour d'appel de Gand, qui ne fait pas application correcte de
l'article, va acquitter CAMU. L'affaire va alors être portée devant la Cour de cassation par le ministère
public qui va casser la décision et renvoyer l'affaire devant la Cour d'appel de Bruxelles qui va faire
une application correcte de la loi et va condamner CAMU pour coup et blessures volontaires comme
24
l'avait fait le tribunal de première instance de Gand. L'affaire va encore être portée devant la cour de
cassation par CAMU. La Cour va examiner si l'affaire a été jugée correctement. La Cour va se
demander si le contenu de la décision précise à ce moment-là, la loi est légale en fonction des lois en
vigueur applicables au moment où la Cour s'est prononcée. Elle va décider que le jugement est légal
et renvoie le pourvoi de CAMU. Quelques temps plus tard, une loi modifiant l'article 360, prévoie
que l'accusé ne pourra pas être poursuivi pour les mêmes faits mais qualifiés autrement, cette
personne ne peut plus être poursuivie pour les mêmes faits même si ils sont qualifiés autrement.

Changement de faits :

La Cour de Bruxelles a rendu sa décision après que la loi soit entrée en vigueur :

-Première hypothèse : 17 février 1982, c'est une loi modificative de l'article 360 : la Cour de cassation
ne doit pas en tenir compte pour vérifier la légalité du jugement de la Cour d'appel de Bruxelles. Son
arrêt est conforme à la loi, il ne doit pas être tranché.

-Seconde hypothèse : une loi interprétative de l'article 360. La loi interprétative est déclarative de
sens et est censée donner à l'article le sens qu'elle a toujours eu, donc elle est rétroactive. Si cette loi
du 26 février 1981 était une loi interprétative alors même qu'elle est entrée en vigueur après l'appel
de la Cour de Bruxelles, la Cour de cassation saisie ultérieurement devra considérer que la Cour
d'appel aurait du faire application de cette loi, et devra casser la décision.

3. Qui peut interpréter authentiquement une norme ?

Seul l'auteur de la norme peut procéder à une interprétation authentique de la norme . L'auteur est
le législateur fédéral, il y a une disposition constitutionnelle qui le dit expressément (art 84 et 133 de
la constitution). Le législateur fédéral ne peut pas interpréter la constitution, il ne peut pas en faire
une interprétation authentique puisqu'il n'est pas le constituant (cf. Droit public). Le législateur
fédéral ne peut pas interpréter authentique une convention international puisque ce sont les
signataires de ce traité (les Hautes parties contractantes) qui peuvent l'interpréter. Également pour
un arrêté royal, ou un règlement communal. NUL AUTRE QUE L'AUTEUR DE LA NORME NE PEUT
L'INTERPRETER.

Mais le législateur fédéral, en principe, peut interpréter les lois fédérales, et il peut le faire malgré
l'existence l'article 2 du C.C. R-24 et l'article 2 du C.P. R-66, qui interdisent au législateur de conférer
un effet rétroactif aux normes. En principe une disposition ne peut pas avoir d'effet rétroactif.
Comment est-ce que je peux dire que le législateur fédéral peut adopter des dispositions ayant un
effet rétroactif ? Ces 2 articles sont des lois fédérales donc le législateur fédéral peut certainement y
déroger, ce ne sont pas des limites pour lui. Mais à ce pouvoir de prendre des normes
interprétatives, il semble qu'il y ait des limitations prévues par la convention européenne des droits
de l'homme et la cour constitutionnelle qui va adopter un principe général de non rétroactivité.

- CEDH : art 7.1 + art 15 du Pacte ONU R-97 : disposition qui prévoit que « nul ne peut être
condamné pour une action ou pour une omission qui, au moment où elle a été commise, ne
constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. » De cette disposition il
ressort que si sur base d'une norme rétroactive, en particulier interprétative, une personne qui a
commis un fait qui n'est pas un délit au moment du fait, peut être condamné à ce fait, alors la norme
interprétative viole l'art 7.1.

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De la même manière si sur la base d'une norme rétroactive une personne peut être condamnée à
une peine plus lourde à celle qui était en vigueur au moment du fait, la loi interprétative viole l'art
7.1 de la CEDH.

Cette limitation se fait uniquement en matière pénale lorsque la loi pénale rétroactive est plus
sévère ou permet la condamnation de l’auteur à une peine supérieure, alors la norme interprétative
n’est pas conforme à l’article 7.1 de la CEDH.

Si cette loi a pour effet que la personne doit être acquittée, l’article 7.1 ne s’applique pas et la norme
interprétative est valable.

- Art 6.1 de la CEDH R-97 : c’est le principe que le législateur interne ne peut pas prendre de norme
pour fausser le jeu judiciaire. Imaginons que l’Etat ou un organisme de l’Etat soit assigné en justice
devant les tribunaux par un particulier qui réclame une somme d’argent. L’Etat se rend compte que
le particulier a raison et que l’Etat est condamné. Le problème est que les particuliers dans cette
situation peuvent se trouver par centaines ou milliers dans d’autres affaires. D’où une norme
rétroactive interprétative pour dire au juge comment il doit interpréter la norme invoquée par le
particulier. La Cour européenne des droits de l’homme dit que l’Etat ne peut pas prendre une norme
rétroactive interprétative pour fausser le jeu judiciaire. La cour l’a dit dans plusieurs arrêts.

Exception : la CEDH affirme que ces lois interprétatives seraient conformes si elles étaient prises pour
« d’impérieux motifs d’intérêts général ». Dans ce cas la norme prise par l’Etat ne serait pas
contraire à l’article 6.1 de la CEDH.

- La cour constitutionnelle belge prévoit elle aussi des limitations. Elle consacre des principes
généraux de non rétroactivité de la loi. C'est une garantie ayant pour but de prévenir l'insécurité
juridique. Cette garantie exige que le contenu du droit soit prévisible et accessible de sorte que le
justiciable puisse prévoir, dans une mesure raisonnable, les conséquences d'un acte déterminé au
moment où il est accompli. La rétroactivité peut uniquement être justifiée quand elle est
indispensable pour réaliser un objectif d’intérêt général.

Quand cette loi rétroactive a pour but de fausser le jeu judiciaire, il faut des conditions plus strictes
pour que cette loi soit conforme à la constitution. La loi interprétative est une loi rétroactive. Donc
les limites s'appliquent en principe aux normes interprétatives. Donc ces normes doivent être
déclarées inconstitutionnelles en tant que rétroactives sauf si cette rétroactivité est là pour réaliser
un objectif d'intérêt général.

1) Ratio juris (=texte)

Un ministre peut-il interpréter authentiquement ses arrêtés ministériels, la commune ses arrêts
communaux ou encore le roi ses arrêtés royaux ? On peut penser que oui étant donné qu'ils sont
les auteurs de la norme. Mais en principe, c'est non. L'art 105 de la constitution qui nous dit que
le roi n'a d'autres pouvoirs que ceux que lui attribue la constitution.

 Ne peut-on pas en déduire qu'il n'a pas de pouvoir d'interpréter les lois ?

Ce n'est pas sûr que le roi ne puisse pas interpréter ses arrêtés royaux parce que l'art 105 dit que
le roi n'a pas d'autres pouvoirs que ceux conférés par la constitution. Or il n’y a aucune
disposition qui permette au constituant d'interpréter lui-même ses dispositions
constitutionnelles or tout le monde dira qu'il peut les interpréter.

26
Un autre argument contre l'interprétation authentique par le roi est le fait qu'en 1980, le
constituant introduit l'article 133 qui permet aux régions et communautés d'interpréter
authentiquement leurs décrets. Si le constituant aurait voulu que le roi puisse interpréter ses
arrêtés, il l'aurait dit, mais il ne l'a pas fait. Ce n'est pas un argument fort car à ce moment-là le
législateur s'occupait de la forme et voulait mettre sur un pied d'égalités les arrêtés communaux
et ceux fédéraux.

Un 3e argument est qu’on peut déduire des articles 2 du C.C. et 2 du C.P. un principe général de
non rétroactivité qui s'appliquerait à toutes les normes fédérales inférieures. Donc le roi ne peut
pas procéder à une interprétation authentique qui impliquerait une rétroactivité.

2) Ratio legis (raison du texte)

Il ne faut pas que l'Etat puisse fausser le jeu judiciaire en adoptant une norme rétroactive, qui
impliquerait que le juge lui donne raison.

• Affaire de fourniture de boites de conserve à l'armée :

Plusieurs sociétés font une offre et demandent le contrat, ce contrat est donné à la société qui
propose le prix le plus bas. Chaque société fait une offre en fonction des coûts. Un arrêté royal
prévoit que les impôts sur les boites de conserve sont à la charge de l’adjudicataire. La société
sait qu’elle aura affaire à des impôts, donc elle va fixer le prix par rapport à ça. Le contrat est
conclu avec une société. Il s’avère que l’Etat décide de prévoir une nouvelle taxe en plus. La
société dit que son prix a été fixé en fonction des taxes existantes au moment de la conclusion du
marché. Alors le Roi peut adopter un arrêté royal interprétatif rétroactif qui dirait que toutes les
impositions présentes et à venir, sont à la charge de l’adjudicataire. Donc la taxe devrait être
prise en compte par la société, ça ne se peut pas, c’est interdit de fausser le jeu judiciaire pour
jouer en la faveur de l’Etat.

Le Conseil d’Etat amené à juger les projets de lois,… possède une vision souple du principe
général de non rétroactivité. Il peut admettre plus facilement par rapport à la Cour
Constitutionnel la rétroactivité d’une loi dans la mesure où il y a une justification. Il admet un
effet rétroactif.

Section 2 : Les cours et tribunaux


1. Force de l’interprétation judiciaire

L’interprétation judiciaire est celle qui vient des cours et tribunaux, c’est la jurisprudence.

Le juge appelé à trancher un litige doit nécessairement interpréter le litige qui contiendra sa
décision. Le juge se contente d'examiner les faits qui lui sont soumis et d’en tirer les
conséquences juridiques. Il interprète donc implicitement la loi. Exemple : il est arrivé dans le
passé qu'un juge décide de condamner une personne pour vol alors que la soustraction
frauduleuse a porté sur l'électricité. Et le juge s'est borné à juger le vol sur base de l'article 461
du code pénal. Implicitement, il dit que le mot "chose" ne doit pas être compris d'objet pris
d'entre les mains mais d'objet faisant objet d'appropriation.

Il faut attacher beaucoup d'attention aux interprétations de la Cour de cassation et du conseil


d'Etat (section du contentieux administratifs), C.J.U.E et la C.E.D.H.

2. Force de l’interprétation judiciaire. Principe


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La force de cette interprétation est nulle. La force de la disposition porte sur la disposition
proprement dite mais l'interprétation judiciaire n'a pas de force juridique et ne s'impose pas en
dehors du litige. L'art 6, R-62 du code judiciaire interdit les arrêts de règlements, Le juge est
chargé de trancher le litige qui lui est soumis, donc un litige bien particulier.

L'article 23, R-62, du C.J. évoque l'autorité relative de la chose jugée des décisions judiciaire.
Cette autorité est seulement relative. La décision va s'imposer seulement pour les parties
concernées et dans l'affaire où le juge a statué. Pour qu'un procès ne puisse plus avoir lieu, il faut
que les parties demandent tout à fait la même chose que ce qui a fait le premier jugement.
Exemple : vous avez deux sociétés en relations d'affaires, un litige éclate au sujet d'une vente et il
est porté devant la cour. Le juge va porter son intention sur une disposition et en faire une
interprétation pour pouvoir trancher le litige qui lui est soumis. Les parties vont continuer à
travailler ensemble puis survient un nouveau litige qui est encore porté devant la cour. Le juge va
devoir statuer sur le litige et la même disposition doit être utilisée, cependant il pourrait avoir
une bonne raison pour adopter une autre interprétation de la disposition. L'interprétation
judiciaire n'a aucune force judiciaire et ne s'impose pas à l'interprète qui doit faire interprétation
du même texte.

Le juge n'est pas lié par la jurisprudence ni par les décisions rendues ultérieurement . Il ne
peut pas se contenter dans ses motivations de se référer à de la jurisprudence antérieure. Et la
décision que prend le juge ne peut pas être cassée par la cour de cassation au seul motif qu'il a
choisi une interprétation différente de celle proposée antérieurement.

Mais ce principe connait des exceptions :

1) Renvoi après double cassations sur les mêmes moyens :

Lorsque la cour de cassation rend une décision, généralement elle renvoie l'affaire devant une
juridiction du même niveau que celle qui a rendu la décision. Cette cour d'appel à laquelle la cour
de cassation renvoie l'affaire est-elle obligé de suivre le raisonnement de la cour de cassation ?
Non elle pourrait adopter une décision différente de celle de la cour de cassation. Donc le juge
de renvoi n'a pas l'obligation de suivre l'interprétation adopté par la cour de cassation.

Art 1119, alinéa 2 du code judiciaire, R-64 : lorsque la cour de cassation a cassé une décision et
la renvoie devant une autre juridiction, supposant que cette seconde juridiction décide d'adopter
l'interprétation faite par la cour de cassation, dans ce cas-là, la décision que la 2e juridiction a
prise ne peut plus faire objet d'un pourvoi sur les mêmes moyens. Lorsque la 2e juridiction de
fond décide ne pas trancher comme l'a fait la cour de cassation, alors un pourvoi peut être formé
contre la décision mais la cour de cassation se prononce dans une composition élargi, en
chambre réuni.

Dans une affaire, la Cour d’appel de Liège dit blanc. L’affaire va en Cassation qui casse l’arrêt de
la Cour d’Appel de Liège au motif que c’est noir. La Cour de Cassation renvoie devant une autre
Cour d’Appel. La nouvelle Cour d’Appel (de Bruxelles) a le choix de dire blanc ou noir. Mais elle
dit noir. L’article 1119 nous dit que si un pourvoi est formé contre la décision de la Cour d’appel
de Bruxelles sur le même point le pourvoi sera déclaré irrecevable par la Cour de Cassation dans
la mesure où la décision sur ce point est irrévocable.

Art 1120 du C.J., R-64 est une 1ère exception au caractère nul de l’interprétation judiciaire. Après
une double cassation, le juge du fond de la juridiction de renvoi se doit de se conformer à la
jurisprudence de la Cour de cassation.

28
 Lorsque le juge du fond se conforme, après qu’une des parties ait fait un pourvoi, à
l’interprétation faite par la Cour de cassation, plus aucun pourvoi n’est possible.

2) Réponse à une question préjudicielle :

Il arrive que les juges puissent poser des questions préjudicielles en interprétation, pour leur
permettre d'interpréter le texte faisant objet d'une application.

Article 6.1 du Traité relatif à la Cour de justice BENELUX (R103) : Sur base de cet article, les juges
confrontés à un problème d’astreinte dans la zone BENELUX peuvent poser une question en
interprétation à la Cour BENELUX.

Article 7.2 du Traité relatif à la Cour de justice BENELUX(R103) : Le juge qui a posé sa question
préjudicielle à la Cour Benelux est lié par cette réponse du juge.

Article 267 du TFUE : il permet à tout juge interne d’interroger la Cour sur l’interprétation des
Traités et des actes pris par les institutions de l’UE. Cette interprétation donnée par la CJUE
s’impose au juge interne.

Article IV.76 du CDE (R120) : Possibilité de poser une question préjudicielle à la Cour
Constitutionnelle et cette réponse s’impose au juge qui a posé la question.

On peut même se demander si, à propos de certaines de ces décisions en interprétation,


l’interprétation donnée par la CJUE ne s’impose pas en dehors même du litige en dehors duquel
la question a été posée.

La portée d’un arrêt en interprétation rendu par une Cour suprême est importante, le juge qui a
posé sa question en interprétation est lié par la réponse de la Cour (Benelux, CC, CJUE,…). Et tous
les juges qui interviennent dans l’affaire sont liés. Les autres juges ou le même juge qui intervient
dans une AUTRE affaire sont-ils tenu ? Pour les arrêts rendus en interprétation de la CJUE ça
s’impose à tous les juges de l’UE, ces arrêts ont la force du « précédent ».

3) L’autorité de la chose interprétée des arrêts de la Cour européenne des Droits de l’homme,
est la 3ème exception.

La CEDH confère des droits et donne des libertés aux citoyens.

L’article 8 de la CEDH évoque le droit du respect de la vie privée et familiale.

L’article 6 prône le droit au procès équitable

L’article 3 donne droit de ne pas subir des traitements inhumains et dégradants.

Une disposition crée la Cour européenne des droits de l’homme pour garantir ces droits et
libertés.

La cour peut être saisie par toute personne physique selon l’article 34.

L’article 32 définit la compétence de la Cour qui s’étend à toutes les questions d’interprétation et
d’application de la CEDH et de ses Protocoles.

Il n’y a pas de lien hiérarchique entre les juridictions des Etats membres. Les cours nationales ne
sont pas subordonnées à la CEDH pourtant la question de l’autorité des arrêts de cette Cour se
pose, et la Cour de Cassation rend une décision sur la question de l’autorité des arrêts de la Cour
européenne des droits de l’homme. La Cour de Cassation rend l’arrêt LeSki en 1971, dans cet
arrêt, elle dit que les dispositions des Conventions internationales auxquelles la Belgique a
adhéré priment sur les dispositions de droit interne quand ces dispositions internationales ont
effet direct en Belgique. Si un juge belge constate dans une affaire qu’une disposition de droit
interne qu’il doit normalement appliquer viole une norme internationale qui confère un droit
29
direct aux citoyens à laquelle la Belgique a adhéré, alors le juge doit considérer la disposition de
droit interne inapplicable et doit l’écarter.

Avant cela, la Cour de Cassation avait une position classique avec l’affaire Lamy (personne placée
en détention préventive). La loi prévoit à cette époque que cette personne doit comparaitre
devant la chambre du Conseil dans les 5 jours de son placement préventif. Pour préparer le
dossier le Ministère Public peut prendre connaissance du dossier. Tandis que ni la personne, ni le
conseil ne peuvent prendre connaissance du dossier. Mr Lamy voit son mandat d’arrêt confirmé
par la Chambre du Conseil qui dans les 5 jours doit vérifier la légalité du mandat d’arrêt. L’affaire
est finalement portée par Lamy devant la CEDH et il dit que la loi belge viole l’article 5.4 de la
CEDH. L’article 5.4 dit que les personnes ont le droit de recours devant le tribunal pour statuer
sur la légalité de sa détention. Il n’y a pas eu de recours, mais il y a eu une audience dans les 5
jours pour qu’on se prononce sur la légalité de son mandat d’arrêt, mais la cour européenne dit
qu’il y a tout de même violation car il n’y a pas d’égalité, la personne n’a pas droit à la
connaissance de son dossier alors que le Ministère Public bien. Cet article 5.4 prône l’égalité des
armes.

Affaire M.R.J.-Cl. : il fait l’objet de la même procédure que Lamy, il est placé en détention
préventive et on suit la procédure prévue par la loi belge. Il comparait devant la chambre du
conseil et n’a pas accès à son dossier. À l’issue de l’audience de la chambre du conseil, le conseil
estime que son mandat d’arrêt est valable. Il va devant la chambre des mises en accusation en
appel qui confirme la décision de la chambre du conseil. Ensuite il se rend devant la Cour de
Cassation et invoque la jurisprudence de la CEDH avec l’article 5.4 de la CEDH en disant qu’il n’y a
pas d’égalité des armes car il n’a pas eu accès à son dossier. L’interprétation de la Cour
européenne ne s’impose pas normalement, mais la Cour de Cassation voit autre chose grâce à
son avocat général Piret, qui va plaider en faveur de la reconnaissance d’une force particulière
des arrêts de la CEDH. Il donne 4 raisons :

-Mission : les articles 45 et 46 de la Convention confient à la CEDH la mission d’interpréter la


Convention et de l’appliquer aux affaires qui lui sont régulièrement soumises.

-Qualification : les magistrats nommés à la Cour européenne sont de grands juristes et sont
qualifiés pour faire une interprétation correcte de la Convention.

-Sanction : si on n’applique pas la Convention, la Belgique risque d’être sanctionnée par la CEDH.

-But spécifique de la Convention : le but de cette Convention est qu’elle fasse l’objet d’une
interprétation uniforme dans tous les Etats qui y ont adhérés.

La Cour de cassation va suivre les conclusions de cet avocat général et reconnait ainsi une
autorité importante aux arrêts de la CEDH. Pour la Cour de Cassation, l’interprétation d’une
disposition de la Convention s’incorpore dans la disposition de la Convention elle-même. Donc
les arrêts de la Cour européenne s’imposent dans toutes autres affaires, ils ont une autorité de la
chose interprétée. Les décisions qui n’ont pas de force juridique, qui ne s’imposent pas en droit,
peuvent en fait avoir une grande force. La Cour de Cassation, formée de magistrats particuliers, a
pour mission d’interpréter et d’uniformiser la jurisprudence.

Section 3 : La Cour constitutionnelle


1. Forme de l’interprétation par la Cour constitutionnelle

Si on lui pose une question préjudicielle, elle peut être amenée à vérifier si une loi ou un décret
ne viole pas la Constitution.

30
Elle va répondre par un arrêt où elle dit que le texte sur lequel elle a été interrogée est
inconstitutionnel ou qu’il ne l’est pas. On retrouve dans l’arrêt une interprétation des
dispositions constitutionnelles par rapport auxquelles la question a été posée.

De plus en plus, la Cour conditionne sa réponse à l’interprétation donnée de la loi par le juge qui
l’interroge : si la loi est interprétée de telle manière, elle ne viole pas la Constitution, mais bien si
elle est interprétée de telle autre manière.

Exemple : art 632 C.C. : «celui qui a un droit d’habitation dans une maison, peut y demeurer avec
sa famille même s’il n’avait pas été marié à l’époque où ce droit lui a été donné» + art 633 et 634
C.C.

Le tribunal de 1ère instance de Courtrai pose une question préjudicielle à la Cour de


Constitutionnelle. Le partenaire non marié doit-il être considéré comme membre de la famille ?
L’article 632 ne viole-t-il pas les articles 10 et 11 de la Constitution et ses principes d’égalité et de
non-discrimination ?

La Cour constitutionnelle rend un arrêt à double dispositif.

a) Si la notion de famille ne reprend pas le partenaire non marié, l’article 632 viole les articles
10 et 11 de la Constitution.

b) Si la notion de famille inclut aussi partenaire non marié, l’article 632 ne viole pas les articles
10 et 11 de la Constitution.

2. Force de l’interprétation par la Cour constitutionnelle

Les arrêts de la Cour rendus sur question préjudicielle ont une force particulière prévue par
l’article 28 de la Loi sur la Cour constitutionnelle. La juridiction qui pose sa question préjudicielle
en constitutionalité doit se conformer à l’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle. Les juges
écartent donc la loi considérée inconstitutionnelle même dans des autres affaires.

Quand la Cour rend un arrêt à double dispositif (un arrêt d’interprétation conciliante), alors
l’interprétation que la Cour constitutionnelle juge inconstitutionnelle possède une force
particulière et s’impose au juge qui pose sa question préjudicielle mais aussi aux autres juges qui
doivent intervenir dans la même affaire. L’interprétation constitutionnelle s’impose au juge saisi
mais aussi aux juges qui interviennent dans l’affaire. On peut donc parler d’interprétation quasi-
authentique. Son interprétation est plus forte que l’interprétation judiciaire. Mais il existe
d’autres interprétations que celles invoquées par la Cour constitutionnelle. Le juge qui pose la
question préjudicielle peut très bien adopter une autre interprétation sur laquelle la Cour
constitutionnelle ne s’est pas prononcée.

Section 4 : L’administration
1. Force de l’interprétation administrative

Quand une administration doit mettre en œuvre une disposition légale, souvent l’autorité dont
dépend l’administration donne des instructions sur la manière d’appliquer et de comprendre la
loi. Cela pour guider les fonctionnaires.

Au niveau national, paraissent des circulaires ministérielles, des instructions ou notes de service,
… . Les circulaires contiennent l’interprétation que le ministre donne de la loi. Les instructions et
notes de services ne sont pas publiées alors que certaines circulaires bien.

Souvent, les parlementaires demandent aux ministres comment ces derniers comprennent
certains textes. Les ministres répondent par un Bulletin des questions et réponses écrites. On
retrouve souvent dans les réponses leur interprétation.

31
Enfin, ça arrive qu’une administration, qui va appliquer le texte tous les jours, en fasse un
commentaire.

2. Force de l’interprétation administrative

Elle s’impose aux fonctionnaires, ils doivent respecter les ordres hiérarchiques. Vis-à-vis des
particuliers, elle n’a de force que si elle respecte la loi qu’elle éclaire.

Section 5 : La doctrine
1. Forme de l’interprétation doctrinale

C’est surtout celle qui provient des professeurs de droit, mais aussi de tout juriste (magistrat,
avocat, notaire,…) en tant que personne privée.

Il y a différentes formes :

- Les traités et précis, envisageant l’ensemble d’une matière

- Les répertoires, où les études sont classées par verbo

- Les monographies, ouvrages traitant d’institutions particulières

- Les thèses de doctorat

- Les articles sur un sujet particulier, dans des revues juridiques ou dans des ouvrages
à thème

- Les notes d’arrêt : des commentaires critiques de décisions judiciaires

- Les examens ou les chroniques de jurisprudence, ils présentent la synthèse de la


jurisprudence dans une matière pendant une certaine période

2. Force de l’interprétation doctrinale

Elle n’a pas de force juridique. Sa force est juste morale, elle dépend de la qualité de l’écrit, donc
de la compétence de l’auteur.

Toutefois, elle influence incontestablement les juridictions, qui y puisent les motifs de leurs
décisions, mais aussi les législateurs qui y prennent des idées nouvelles pour leurs lois. Cela car la
doctrine ne doit pas se limiter à étudier des cas particuliers, mais a un point de vue plus large et
plus synthétique des problèmes.

32
Chapitre 4 : les méthodes d’interprétation
1. Introduction

Les méthodes les plus utilisées sont :

- Méthode linguistique

- Méthode systématique

- Méthode historique

- Méthode téléologique

- Méthode sociologique

2. La méthode linguistique

2.1. Définition

Elle consiste à donner aux concepts évoqués par le législateur leur compréhension usuelle et
donc leur extension usuelle. Plus le concept comprend des éléments constitutifs essentiels,
moins grande sera son extension. Cette méthode linguistique donne aux concepts du législateur
le sens que ces concepts ont dans le langage courant et donc leur extension usuelle. Mais le
législateur ne fait pas que donner des concepts, il établit des liens entre eux, c’est ce que fait
aussi cette méthode linguistique. Le contexte grammatical possède une grande importance dans
la méthode linguistique, il permet de savoir dans quel sens le législateur a pris le mot utilisé.

• Illustration, Article 577 -8 §1er, ancien code civil, R-31 :

33
Nous sommes dans un immeuble, il y a un règlement de copropriété qui régit les relations
entre les copropriétaires dans les parties communes. La disposition nous dit que le gérant de
l’immeuble est désigné par ce règlement. Un jour, un des proprios d’un immeuble ne se
comporte pas bien et déverse des déchets dans un local commun. Mais il n’y a pas de syndic, ils
vont demander au juge de désigner un syndic, mais alors le juge doit appliquer cet article 577. Le
juge ne peut désigner un syndic que lorsque l’AG n’a pas pu désigner elle-même. Jusque-là, le
juge ne peut pas en désigner un. Cette décision sera publiée avec une note d’arrêt qui dit que sur
base de cet article effectivement le juge ne peut pas désigner un syndic mais aurait pu désigner
un syndic provisoire en cas de carence sur base de l’article 577 -8 §7 de l’ancien code civil. « En
cas d’empêchement ou de carence du syndic, le juge peut désigner un syndic provisoire »

Méthode linguistique : carence ? 1° absence, 2° insuffisance, 3° manquement à une tâche

Alors dans quel sens faut-il entendre le mot carence ? Ce qui est visé est l’inexécution du
syndic et c’est l’article « du » qui nous permet de le dire (grâce au contexte grammatical).

• Importance des verbes dans la méthode linguistique, Article 774 du code civil :

« Une succession peut être acceptée purement et simplement ou sous bénéfice d’inventaire ».

Dans le C.P., le législateur n’emploie pas le présent mais le futur car le législateur souhaite
que sa volonté soit respectée. L’article 113 du C.P. le démontre : « tout belge qui aura porté les
armes contre la Belgique sera puni de la détention à perpétuité ».

• Importance des mots balises dans la méthode linguistique :

Article 906 du code civil : « Pour être capable de recevoir par testament, il suffit d’être conçu à
l’époque du décès du testateur. Néanmoins, la donation ou le testament n’auront leur effet
qu’autant que l’enfant sera né viable ».

Article 815 du code civil : « Nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage
peut être provoqué nonobstant prohibitions et conventions contraires ».

Article 11 bis de la Constitution : « La loi, et le décret garantissent aux femmes et aux hommes
l’égal exercice de leur droits et liberté et favorise notamment leur égal accès aux mandats
électifs et public ».

2.2. Critiques

a) Positive

Elle peut être utilisée car si le législateur veut être compris, il utilisera les termes dans leur sens
usuel, dans leur compréhension et extension usuelle. Il est donc légitime que l’interprète de la
norme recherche les sens usuels du terme.

b) Négatives

-Le législateur n’exprime pas nécessairement sa volonté de manière explicite. Parfois il faut
procéder par déduction logique pour savoir quelle est sa volonté. Il faut déduire les normes
implicites de la norme explicite.

C’est le cas de l’article 267 du TFUE « lorsqu’une telle question préjudicielle est soulevée devant
une juridiction d’un Etat Membre, cette juridiction peut, si elle l’estime, demander à la CJUE de
statuer sur cette question ». Donc si les juges internes ont un problème d’interprétation du droit
européen, ils peuvent s’adresser aux juges de l’UE. Le juge est-il tenu par la réponse de la Cour ?
34
Les autres juges intervenants dans la même affaire sont-ils tenus par la réponse de la Cour ? Le
texte ne nous le dit pas. Et pourtant, on va déduire que le juge qui pose la question préjudicielle
est tenu par la réponse en interprétation et les autres juges également. Ceci sur base du postulat
de rationalité du législateur, il n’y aurait aucun sens de permettre au juge de poser une question
et de ne pas en être lié.

-Il arrive que le législateur ne respecte pas les règles du langage usuel. Il ne respecte pas les
règles grammaticales ou énonce dans sa disposition un terme qui ne correspond pas au concept
qu’il a en tête.

Article 1977 C.C. : « celui au profit duquel la rente viagère a été constituée moyennant un prix
peut demander résiliation du contrat, si le constituant ne lui donne pas les sûretés stipulées pour
son exécution »

Contrat d’une personne qui est propriétaire d’un bien productif comme par exemple un
immeuble ou un capital remet ce bien productif à une autre personne que l’on appelle le
débirentier qui s’engage vis-à-vis du propriétaire du bien productif à lui verser une rente viagère
ou verser cette rente à un tiers. On craint que le bien productif ne rapporte plus rien et que la
personne ne paie plus. Mais le législateur dit « le constituant », il s’est mal exprimé !

-Polysémie des mots : certains mots ont plusieurs acceptions usuelles.

 Exemple du mot « canon » : l’arme – une partie de l’arme – une règle


ecclésiastique – partie de la messe – la redevance payée par l’emphytéote –
musique – un compliment.

 Exemple du mot « louer » : je loue un immeuble, la personne est soit bailleur


soit locataire.

 Exemple dans l’article 380 2° du code pénal « quiconque aura tenu une
maison de débauche ou de prostitution sera puni d’un emprisonnement de 1
à 5 ans et d’une amende de 500 à 25 000€ ». Ici débauche et prostitution
sont égales et ceci par le mot « ou ». Le « ou » signifie aussi une alternative
dans vaincre ou mourir par exemple. Il y avait là 3 ou 4 personnes, le « ou »
signifie une approximation. Ici « ou » ne veut pas dire égal à, la débauche
n’appelle pas au paiement alors que la prostitution bien, donc celui qui tient
une maison de débauche sera tout autant en infraction que celui qui
pratique la prostitution.

-Systèmes juridiques plurilingues : Le système belge par exemple pour la législation fédérale.
Système plurilingue au niveau européen aussi.

Exemple de l’article 11 sur le trafic de substance vénéneuse : … il ne sera procédé qu’à un


enregistrement. Donc quand une personne détient une quantité de cannabis pour son usage
personnel il y aura simplement enregistrement par la police. En français on parle « d’usage
problématique » qui traduit des symptômes physiques OU psychiques et que l’utilisateur ne contrôle
plus ses actes.

En néerlandais on parle de « psychische en lichameleijke » on parle de psychique ET physique, il faut


les 2 types de symptômes.

Attention, dans un système plurilingue, souvent la méthode linguistique peut être utilisée mais les
versions linguistiques ne sont pas toujours sur un même pied d’égalité. En communauté flamande, le
texte version néerlandais aura prééminence sur le texte en version française.
35
3. La méthode systématique

3.1. Définition

-Le contexte législatif :

La méthode systématique d’interprétation est la méthode qui exploite le CONTEXTE LEGISLATIF


qui est la structure du texte. Le législateur respecte les règles de la communication et va
ordonner et structurer son texte. Il divise son texte en livre, en chapitre et en titre. Souvent,
grâce à l’emplacement d’un texte, on saura le sens que le législateur a voulu lui donner. Le
législateur fait la distinction entre principe/exceptions. On admet généralement que les
exceptions sont de strictes interprétations. Ils ne sont pas nécessairement interprétés de la
même manière qu’un principe.

Exemple d’utilisation de la structure du texte pour en comprendre le sens : l’article 144 C.P. «
Toutes personnes qui pour faits, paroles, gestes ou menace aura outragé les objets d’un culte…
sera puni d’un emprisonnement ». Si l’on décide que ce sont les adeptes qui sont protégés, il faut
qu’ils ne soient pas choqués, alors si l’outrage n’est pas connu des adeptes il n’y a pas infraction,
si l’infraction ne nécessite pas la connaissance par les adeptes alors il y a infraction. Cet article
144 se trouve dans le Titre II du Livre II et plus spécialement dans le chapitre II « des délits au
libre exercice des cultes ». Donc ici l’outrage aux objets du culte vise l’outrage aux adeptes du
culte en question. Donc si l’infraction n’est pas connue, il n’y aura pas de répression. Par contre si
les adeptes sont blessés par l’infraction, alors il y a infraction et sanction.

-Économie générale de la loi :

Les textes liés au texte même. Mais c’est également les grandes idées à la base de la loi, quand
on connait le contexte législatif, on peut mieux comprendre la volonté du législateur . Exemple en
matière de bail à ferme article 7 : « le bailleur peut mettre fin au bail à l’expiration de chaque
période s’il le justifie par des motifs sérieux 1° lorsqu’il a l’intention d’exploiter lui-même le bien
en tout en ou partie. Ici exploiter lui-même signifie en tirer une redevance, ou en faire une
culture ou même bâtir un terrain de football pour en tirer des gains. En réalité, compte tenu du
contexte législatif le législateur veut que les terrains deviennent de véritables entreprises, on
doit donc considérer que le bailleur peut prendre le bien pour l’exploiter et en tirer des revenus.
Ceci est fondé sur l’économie générale de la loi.

3.2. Critiques

a) Positive

Le législateur respecte les règles de la communication, il fait preuve d’ordre de structure et de


rigueur. Il coupe le texte en livres, en titre et en chapitre.

b) Négatives

-Les intitulés des livres, des chapitres,… ne sont pas votés, contrairement au texte lui-même. Et
donc ils n’ont pas la force de loi, donc pas de portée normative. En cas de contradiction entre le
texte lui-même et le titre, c’est le contenu du texte lui-même qui a prééminence. Exemple du
CIC article 373 ancien, prévoyant 15 jours durant lequel le condamné est sursis à l’exécution de
l’arrêt de la cour. Cette disposition est dans le livre II titre II « des affaires devant être soumises
au jury », il y a un jury en Cour d’Assise et dans aucun autre tribunal. On pourrait croire que ce
texte ne vaut que pour la Cour d’Assise pourtant cette disposition ne s’applique pas uniquement

36
à la Cour d’Assise. Cet article s’applique aussi en Appel. L’intitulé n’a pas de portée normative par
rapport à son contenu.

-Textes parfois non construits « logiquement ». Le texte manque de structure, le processus


d’élaboration est trop long ou trop rapide avec des amendements adoptés se greffant à une
première proposition,… . Ce qui peut arriver est que le législateur ne se souvienne plus de cette
loi et adopte une disposition à la place. Exemple de l’article 127 de la loi de 1992 sur les
assurances "le bénéfice de l’assurance contractée par un époux commun en biens au profit de
l’autre ou a son profit constitue un bien propre de l’époux bénéficiaire ». L’époux paie une prime
et à 65 ans il perçoit quelque chose, cet article nous dit implicitement, alors même que l’époux a
contracté et a utilisé l’argent du patrimoine commun, quand il recevra le capital, ce capital lui
appartiendra entièrement à lui et non à la communauté des époux.

Article 128 de la même loi : « une récompense n’est due qu’au patrimoine commun que dans la
mesure où les versements effectués à titre de primes et prélevés sur ce patrimoine sont
manifestement exagérés eu égard aux facultés de celui-ci ». Il a payé avec l’argent commun et
reçoit le capital pour lui seul, les époux peuvent-ils déroger à ces règles ? On peut prévoir que
cette somme qui doit revenir à l’époux contractant revienne en fait à la communauté des époux.

L’article 1387 du code civil permet aux époux de régler leur régime matrimonial comme ils leur
conviennent pour autant que ceci ne soit pas contraire à l’ORPSS et aux bonnes mœurs.

Mais on voit que l’article 3 nous montre que l’on ne peut pas déroger aux dispositions sur les lois
des contrats terrestres, ces dispositions sont impératives. Mais on ne le dit pas expressément
dans les articles 127 et 128 eux-mêmes.

-Problème de détermination du contexte législatif significatif. Le contexte législatif est


l’ensemble des dispositions liées à la disposition même. Il n’est pas toujours aisé de les trouver.
Exemple du chèque article 1er de la loi sur le chèque : « le chèque contient l’indication de la
date et du lieu où le chèque est créé ».

Article 2 de la loi sur le chèque : si une caractéristique de la disposition précédente fait défaut le
chèque n’est pas valable. Donc s’il n’y a pas de date le chèque n’est pas valable.

Article 61 de la loi sur le chèque : « est puni d’un emprisonnement celui qui sciemment émet un
chèque sans provision préalable suffisant et disponible » donc celui qui fait un chèque alors qu’il
sait que son compte est vide et que la personne qui remet le chèque à sa banque ne saurait rien
en tirer.

Une personne avait sciemment fait un chèque sans provision et est poursuivie et invoque le fait
qu’elle ne peut pas être réprimée car dans le chèque il n’y a pas de date, donc le chèque n’est
pas valable donc il n’a pas émis de chèque sans provision. Le problème est de connaitre le
contexte législatif de l’article 61 sur le chèque, dans ce contexte trouve-t-on l’article 2 ? Pas sûr. Il
est possible qu’en réalité le contexte de l’article 61 de la loi sur le chèque soit le droit pénal et les
articles 1er et 2 feraient parties de l’ensemble des dispositions sur le chèque mais relevant du
droit privé. Donc ils font partie du contexte législatif de l’article 29 de la loi sur le chèque qui dit :
« que la date est le point de départ du paiement, ce paiement du chèque se fait dans les 8 jours
», au-delà on ne peut pas obtenir paiement. Et comment calculer ce délai de 8 jours si la date ne
figure pas sur le chèque ? Donc l’article 2 nous dit que le chèque doit porter une date. Ici la
sanction de l’absence de date est le non-paiement du chèque et donc la répression s’applique
aussi dans ce cas-ci sur base de l’article 61 de la loi sur le chèque.

4. La méthode historique

4.1. Définition

37
Cette méthode est utilisée quand on a recours au contexte historique pour comprendre la
volonté du législateur. On utilise l’histoire. Il faut donc prendre en compte les évènements dans
ce contexte historique comme les Révolutions, les guerres,… . Certains évènements ont de
grandes influences sur l’adoption d’un texte. Par exemple, l’affaire Dutroux a eu une influence
sur l’adoption de textes en droit pénal et judiciaire.

Recours aux textes antérieurs : ces textes peuvent expliquer les nouveaux. Le texte nouveau peut
être le fruit d’une évolution d’un ancien texte. Ou bien le texte nouveau est construit en réaction
à un texte ancien, ce fut le cas lors du passage de l’Ancien Droit à la Révolution française.

Exemple : l’article 6 C.J. interdit les arrêts de règlements « les juges ne peuvent prononcer par
voie de disposition générale et règlementaire sur les causes qui leur sont soumises ». Ceci est en
raison de l’histoire car avant le Roi possédait tous les pouvoirs, il tranchait aussi les litiges. Son
Parlement exerçait aussi plusieurs pouvoirs, il tranchait aussi des litiges et édictait des normes
générales à cette occasion. Parfois le Parlement ne se contentait pas de trancher le litige, il
tranchait et appliquait la règle pour toutes autres affaires ultérieures, il prenait donc des arrêts
de règlement. Quand la Révolution française fut faite, il y a eu l’idée de la séparation des
pouvoirs, les juges ne pouvaient plus édicter eux-mêmes la loi, il y a donc eu interdiction des
arrêts de règlement.

Art 868 C.C., R-34 : « a juste prix et sans crue » cet article parle du rapport. Quand une personne
X décède, il faut liquider sa succession en respectant le principe d’égalité. A aura la moitié de la
succession et B l’autre moitié de la succession. La succession vaut 10 000 donc chacun aura 5000.
Problème : imaginons que X a déjà donné 1000 à A de son vivant. Si on ne prend pas cette
donation en compte, alors le principe d’égalité ne sera pas respecté. A qui a déjà reçu un bien de
1000 va devoir rapporter ce bien à la succession de X alors dans ce cas on a 10 000 + 1000 = 11
000 à répartir. Donc chacun aura 5500 et non 5000. Quand on rapporte un bien, on le rapporte
en valeur et non physiquement. Cet article nous donne la valeur à rapporter. S’il n’y a pas eu
d’état estimatif au moment de la donation, c’est un expert qui vient faire l’estimation à juste prix
et sans crue = Si on prend le contexte historique on peut constater la signification de « à juste
prix et sans crue » cet article a été fait au moyen âge, les huissiers surestimaient les biens à
chaque fois car ils touchaient plus et donc Edit d’Henry II adopté qui dit que les huissiers sont
responsable de cette surestimation et doivent des D&I pour la valeur qui excède la valeur
objective du bien, donc à partir de là ils arrêtent de surestimer le bien et le sous-estiment. Donc
un usage s’est introduit, on prend la valeur objective et on l’augmente d’un % qui est la crue.
Aujourd’hui les huissiers ne sont plus responsables de leur estimation, donc cette phrase est
complètement inutile.

4.2. Critiques

a) Positive

Les règles de droit sont très souvent le produit de l'histoire.

b) Négatives

-L'évolution du sens des mots. Le sens des mots évolue au fur et à mesure du temps et leurs sens
changent. Par exemple le mot "pédagogie" au départ signifiait "éduquer un enfant" alors
qu'aujourd'hui ça fait référence à l'enseignement. Deuxième exemple : art 10 de la constitution
R-82 : le mot ordre : avant on parlait des 3 ordres des classes privilégiées. Mais aujourd'hui ça fait
références aux ordres professionnels donc les obligations.

-Incertitudes quant à l'origine historique de certains textes : quels faits historiques ont
précisément donné naissance à un texte juridique ?

5. La méthode téléologique
38
5.1. Définition

On prend en considération le but que le législateur poursuit en adoptant un texte de loi. Ceci
nous permet de comprendre le texte de loi.

• Illustration, Loi du 22 juillet 1970, article 1er relative au remembrement légal de biens
ruraux.

Tentative de rapprochement des terres dispersées pour avoir une exploitation plus économique
et réduire des couts de productions inutiles. Qu’est-ce qu’un bien rural ? Soit on recourt au
critère de l’organisation et on dit qu’un bien rural est un bien de la campagne, soit le recours au
type de production, alors le bien rural produit des végétaux. Pour choisir l’un ou l’autre critère
on va avoir recours au but du législateur, l’article 56 de cette loi mentionne expressément le but
du législateur qui est de contribuer à l’amélioration des structures agraires pour réduire les couts
de productions inutiles. On comprend alors que le bien rural est un bien de la campagne mais qui
produit aussi des végétaux. Donc une usine située à la campagne qui ne produit pas de végétaux,
elle ne constitue pas un bien rural.

5.2. Critiques

a) Positive

La loi est « l’intention » objectivée du législateur, quand le législateur adopte une loi il a
toujours un objectif.

b) Négatives

-Incertitudes quant à l’objectif déterminant, dans le Parlement il y a différent partis, on se


demande quel est l’objectif, il y a plusieurs personnes et plusieurs groupes politiques avec des
objectifs différents.

-Confusion entre volonté et but du législateur. On recherche dans la méthode téléologique le


but du législateur. « Monte dans ta chambre » je monte je respecte sa volonté oui, mais est-ce
que je respecte le but ? Si son but est que j’étudie et non que j’écoute la radio alors je ne
respecte pas le but.

Illustration, le législateur lui-même confond son but et sa volonté. Loi du 15 juillet 1985, en son
article 1 : relative à l’utilisation des substances hormonales chez les animaux. L’article 1 dit
qu’elle a pour « but de régler l’utilisation chez les animaux de substances à effet hormonales… ».
La volonté du législateur est de limiter l’utilisation de ces substances mais son but est de
protéger les consommateurs de viande.

-Danger de donner force aux intentions du législateur contre le texte.

Illustration, article 319 bis al1er C.C. « si le père est marié et reconnait un enfant conçu par une
femme autre que son épouse, la reconnaissance doit être portée à la connaissance de l’époux ou
de l’épouse ». S’il ne le fait pas, la reconnaissance de l’enfant n’est pas opposable. Si l’homme
avait cet enfant avant son mariage avec une femme et qu’il veut reconnaitre cet enfant ? Si on
regarde le but du législateur, son but est de décourager la reconnaissance des enfants adultérins.
Ces enfants sont des enfants conçus pendant le mariage mais avec un autre parent que l’un des
époux. Si un père avait eu un enfant avec une personne mais avant son mariage alors ce n’est
pas un enfant adultérin, alors il ne doit pas porter la reconnaissance à l’épouse ? Non, même si
l’enfant est un enfant naturel simple, il faut porter la reconnaissance à la connaissance de
l’époux ou l’épouse.

6. La méthode sociologique

6.1. Définition
39
Elle prend en considération le contexte sociologique qui donne naissance au texte de loi.

Illustration : Article 1326 Code civil : « écrit en entier de la main de celui qui le souscrit » et « bon
» et « portant en toutes lettres la somme ». Il existe une exception, celle des laboureurs
considérés comme illettrés. Alors ils n’avaient pas besoin de la mention « bon pour » car ils ne
savaient pas écrire. Mais après l’adoption de ce texte en 1804, un laboureur avait fait une
reconnaissance de dette et avait signé sans écrire « bon pour » suivi de la somme en toute lettre.
Désormais ce n’est plus le cas, ils savent écrire.

6.2. Critiques

a) Positive

Le droit est le produit de ce que fait la société. La majorité du temps, le législateur prend en
considération le contexte sociologique.

b) Négatives

-Notre société n’est plus sociologiquement « univoque », il n’y a pas un seul contexte
sociologique, pas un seul contexte de mœurs. Euthanasie certains sont pour et d’autres contre.

-Danger de figer le sens du texte en fonction du contexte sociologique de sa naissance.

Chapitre 5 : Les principes de l’interprétation


Il y a très peu de règles juridiques qui nous disent la manière d’interpréter. Par contre il y a
beaucoup de règles non juridiques qui limitent la manière d’interpréter par un interprète, il y en
a4:

1. Les règles du langage : quand on a un mot, la plupart du temps il est définit. Des termes aussi
sont polysémiques « souris ». Donc la liberté de l’interprète est limitée par les règles du langage.

2. Les règles de la logique : quand on interprète texte de loi il faut y faire attention.

3. Le postulat (principe non prouvé) de rationalité du législateur : c’est de présumer que le


législateur est rationnel. On a déduit plusieurs principes de ce postulat.

Corollaires :

 Il est cohérent :

Si on a un texte de loi susceptible de plusieurs interprétations, il faut


préférer l’interprétation qui le rend compatible avec un autre texte de loi.

Exemple de l’article 901 C.C. : dit autre chose, pour faire une donation entre
vif il faut être saint d’esprit. Cet article dit que l’on peut attaquer un acte
juridique fait par un dément, même après la mort de cette personne.

><

Article 504 C.C. : Si une personne démente a fait un acte juridique, l’acte
juridique en question ne peut pas être attaqué après sa mort.

Si 504 vise aussi les actes juridiques à titre gratuit alors il y a contradiction
entre les deux articles, mais on présume que le législateur est cohérent donc
on dit que 901 ne s’applique que pour les actes juridiques gratuit et le 504
pour les actes juridiques à titre onéreux, alors le législateur est cohérent, pas
de contradiction.

 Il est respectueux des règles qui s’impose à lui :


40
Il respecte toujours les normes supérieures donc la Constitution. Si un texte
possède plusieurs interprétations, alors on choisit l’interprétation qui rend
ce texte compatible à la norme supérieure.

Loi du 31 mai 1933 « allocations de toute nature à charge de l’Etat » cette


loi donne le Pouvoir au Roi de prendre des mesures pour redresser une
situation financière. Sur base de cette loi un AR est pris et veut réduire les
pensions à charge de l’Etat. Cet AR a été appliqué à un Président de la CC qui
avait été magistrat dans la colonie du Congo donc recevait 2 pensions : une à
la charge de l’Etat et une à la charge de la colonie. On a supprimé la pension
à charge de l’Etat. Seulement, on était en opposition avec l’article 152 de la
Constitution qui est au-dessus de l’AR et de la loi qui dit que les juges sont
nommés à vie. Une personne mise à la retraite doit percevoir la même
situation financière qu’il avait à la fin de son activité, le problème est qu’en
supprimant l’indemnité à charge de l’Etat il ne percevait plus la même chose
que lors de l’exercice de ces activités. Donc l’AR ne s’applique pas à cet
ancien magistrat.

 Le législateur ne fait rien d’inutile :

Il faut préférer l’interprétation qui confère une utilité au texte de loi.

Article 843 C.C. : il parle du rapport, un successeur ayant déjà reçu un bien
du défunt doit rapporter ce bien en valeur au moment de la liquidation de la
succession. Cependant il y a une exception : tout ce qui est frais de
nourriture et d’éducation ne doit pas être rapporté selon l’article 852 C.C. Si
les dépenses de l’article 852 visent les obligations légales de l’article 203
C.C., alors cet article 852 n’est d’aucune utilité, car ces obligations résultent
d’une obligation légale.

 Il est raisonnable :

Il faut suivre l’interprétation qui amène à la solution la plus raisonnable.

Exemple AR de 1935 : « les employés des parquets, nommés à un grade


supérieur, bénéficient d’une ancienneté fictive pour le calcul de leur
traitement ». On considère qu’ils ont déjà presté à ce grade supérieur
auquel ils sont promus, alors qu’en réalité ils viennent d’y être promus. Donc
leur rémunération est celle du grade supérieur. On va considérer qu'ils ont
toujours été à ce grade, même s'ils viennent d'être promus, pour ne pas
perdre leurs rémunérations. Exemple : un magistrat a presté 3 ans au rang 1
donc il a perçu 300.000€. S'il est promu au Rang 2, la promotion ne lui aurait
rien valu du tout car il ne percevra que 120.000€ par an alors que s'il était
resté au rang 1, il aurait gagné la même chose qu'à la première année de
rang 2.

Année Ancienneté Rang 1 Rang 2


1er 1er triennat 100.000€ 120.000€
2eme 1er triennat 100.000€ 120.000€
3eme 1er triennat 100.000€ 120.000€
4eme 2eme triennat 120.000€ 140.000€
5eme 2eme triennat 120.000€ 140.000€
41
6eme 2eme triennat 120.000€ 140.000€
7eme 3eme triennat 140.000€ 160.000€
8eme 3eme triennat 140.000€ 160.000€
9eme 3eme triennat 140.000€ 160.000€

Quelqu'un a proposé une autre interprétation de cet AR en disant qu’il peut


réclamer un arriéré pour le passé. Donc il y a possibilité d’interpréter cet AR
pour le futur mais aussi de l’interpréter pour le passé ainsi que pour le futur.
Une de ces interprétations est raisonnable, celle pour le futur, l’autre peut
être considérée déraisonnable. Affaire devant le tribunal, le juge a fait
application d’un principe déduit du postulat de rationalité du législateur et
dit que le législateur n’a pas voulu fournir une solution déraisonnable pour le
problème. Donc l’AR s’applique uniquement pour le futur. En 1935 nous
sommes 6 ans après le grand krach boursier, les finances de l’Etat ne sont
pas bonne il est clair que l’on ne va pas rémunérer pour le passé et le futur.

4. Les principes d'interprétation consacrés par la jurisprudence et la doctrine ne sont pas


contraignant vis-à-vis de l'interprète car ils sont nuls en droit.

Les adages de la jurisprudence et doctrine :

- "Ubi lex non distinguit, non distinguere debenmus" = là où la loi ne distingue pas, il ne faut pas
distinguer. La loi doit être appliquée à toutes les hypothèses qu'elle vise.

Art 1326 C.C., R-40 : le principe pour qu’une reconnaissance de dette soit valable est qu’elle soit
écrite entièrement de la main du débiteur ou bien, apposer à la suite de cette reconnaissance la
mention « bon pour » ou « approuvé », et puis le montant en lettres. Sinon la reconnaissance de
dette est nulle, cette nullité est-elle une règle de fond ou de preuve de l’article 1326 ? Règle de
preuve. On parle du moyen de faire la preuve de la reconnaissance de dette. Exception, la
reconnaissance de dette va être valable comme preuve si elle est signée uniquement par le
laboureur. Il ne doit pas remplir tout autre formalité, car en 1804 les agriculteurs ne savaient ni lire ni
écrire.

Cet article 1326 ne s’applique pas aux agriculteurs sachant lire et écrire, alors s’ils se contentent de la
signer, ce n’est pas valable en termes de preuve. Cette décision a été prise en 1960, à ce moment-là,
les agriculteurs savent lire et écrire, pas comme en 1804 au moment de l’adoption de la disposition
de l’article 1326.

Un artisan fait une reconnaissance de dette, il avait juste signé, il disait que ce n’était pas valable car
il dit qu’il sait lire et écrire, la CC a répondu cet adage, vous êtes un artisan vous pouvez signer une
reconnaissance de dette valable sans pour autant mentionner les mentions « bon pour ».

Les 2 décisions ne sont pas forcément contradictoires. La nécessité de la rapidité du commerce pour
les artisans peut expliquer ces décisions.

- "Ubi cessat legis ration, ibi cessat ejus disposition" : là où la loi ne trouve pas sa raison d'être, il n'y
a pas lieu de l'appliquer. La loi a été prise dans un certain but, il n'y a pas lieu de l'appliquer pour les
cas que les législateur n'a pas visés. Il ne faut pas appliquer la loi dans un cas où elle n'a pas raison
d'être. Il ne faut pas aller au-delà de l'esprit de la loi.

Exemple : art 1325 C.C., R-40 : c'est une règle de preuve. Dans les conventions synallagmatique, pour
que la preuve soit valable, il faut que l'acte sous-seing privé soit établit en autant d'originaux qu'il y a
de parties ayant des intérêts distincts. Ex : la vente, il y a deux partie / le bail, deux parties, le bailleur
et le locataire, donc 2 originaux … . Et par ailleurs, la disposition prévoit que chaque original
contienne le nombre d'originaux qui ont été faits. Il arrive que des contrats soient conclus entre un
42
nombre de partie très importants (des centaines de personnes), ça pose un problème pratique et
dans ces cas-là, on établit l'écrit dans un seul exemplaire qui va être remis à une personne de
confiance (un notaire, un tiers neutre) qui pourra produire le contrat si un contractant n'exécute pas
son obligation. Est-ce possible ? Oui grâce à cet adage, c'est la raison d'être de l'art 1325.

-"exception strictissimae interpretationis est" : les exceptions sont de strictes interprétations. S'il y a
un doute, faut-il préférer le principe ou l'exception ? On préfère le principe à l'exception lorsqu'il y a
un doute, dans la mesure où l'exception est de stricte interprétation. Exemple : art 30 de la
constitution, R-86 et art 129, al 1 de la constitution R-91. En faisant application de l'art 52, §1er des
lois coordonnées sur l'emploi des langues en matière administrative (les entreprises industrielles,
commerciales ou financières) R-105, on est dans le cadre d'une exception. On ne peut employer que
la langue de la région (flamande, donc le néerlandais). L'art 52 est une exception au principe selon
laquelle l'emploi de la langue est libre. Donc il faut appliquer le principe puisqu'il y a un doute et que
l'exception est de stricte interprétation. Donc on applique le principe selon lequel l'emploi de la
langue est libre.

- "favore ampliandi, odiasa sunt restringenda" : les dispositions favorables s'interprètent de


manière large (de manière extensive), les dispositions qui imposent des charges s'interprètent de
manière stricte (de manière restrictive).

Exemple : art 50 du Code des droit de succession R-58 : il prévoit que le taux du droit entre époux (…)
n'est pas applicable lorsque les conjoints sont divorcés ou séparés de corps (…) et n'ont pas d'enfants
ou de descendants communs : lorsque les époux sont divorcés, ils ne sont plus époux alors ils ne
peuvent plus invoquer le taux avantageux. Il peut bien recueillir des biens de son ex-époux (s'il faisait
partie du testament, …) mais le taux avantageux n'est plus applicable. Mais l'art ajoute "et n'ont pas
d'enfants en communs" c'est une disposition qui impose une charge moins avantageuse qui est le
tarif étranger. Il faut l'interpréter de manière stricte voire restrictive. Si un époux meurs, l'ex-époux
qui a un enfant commun avec le décédé bénéficie du tarif avantageux.

Art 462 C.P., R-71 : si vous commettez un vol au détriment d'un ascendant (parents, grand-père, …),
au terme de cet art, il n'y a pas d'infractions, vous ne pouvez pas être réprimés pour vol. Vous pouvez
être poursuivis au civil mais pas au pénal, vous ne pouvez pas aller en prison. Est-ce que cela
s'applique également aux belles-filles, bels-fils ? Si on fait une interprétation stricte, on doit
considérer que l'art 462 ne s'applique pas. Mais l'art 462 est une disposition favorable, elle doit
s'interpréter de manière large et on considère qu'elle applicable, non seulement aux descendants,
mais également aux enfants du compagnon.

-"interpretation cessat in claris" : un texte clair ne s'interprète pas. Cet adage renvoie à la doctrine
du sens clair. Cet adage reste impraticable parce qu'on n'a pas de critères de distinction entre un
texte clair et un texte obscur.

Art 84, §1er, alinéa 1, 8 (ancien) du CWATUP R-74 : (déboiser) prévoyait que nul sans permis
d’urbanisme ne peut déboiser. Donc une personne qui abat des arbres est poursuivie devant le
tribunal correctionnel de Liège. Quel sens attribuer au terme « déboiser » ? Il faut lui donner le sens
habituel et normal donc la destruction d’un bois, partant de cette définition, il a été décidé que
n’étaient pas des bois, les vergers, les arbres, les bosquets,… . Sur base de cette définition usuelle, le
tribunal considère que la personne poursuivie n’a pas procédé à un déboisement et donc ne devait
pas obtenir une autorisation pour procéder à l’abatage des arbres de l’avenue.

La raison fondamentale de se méfier de cet adage est qu'interpréter est rechercher la volonté du
législateur, aller au-delà des termes pour voir l'esprit de la loi, et donc ce n'est pas en se limitant aux
simples termes qu'on va trouver la volonté du législateur.

L'application d'un adage peut entrer en contradiction avec l'application d'un autre adage, à propos
d'un même texte.
43
Illustration : art 1326 C.C. : la reconnaissance de dette. Il y a une exception vu que certaines
personnes (les laboureurs) peuvent se contenter de signer uniquement. L'adage dit que là où il n'y a
pas lieu de distinguer, on ne distingue pas. Mais on peut également appliquer le 2eme adage là où la
loi ne trouve pas sa raison d'être, il n'y a pas lieu de l'appliquer. Il y a donc contradiction entre 2
adages.

Art 970 C.C., R-35 : le testament olographe ne sera valable que s’il est écrit entièrement de la main
de son auteur, daté et signé. Parce que si on se retrouve avec un 2 e testament, qui porte sur le même
bien, on exécutera le testament le plus récent. Et c'est pourquoi la date (jour/mois/an) est très
importante.

2eme raison : le testament ne peut être fait que par une personne capable juridiquement (avoir + de
16 ans et être sain d'esprit).

3eme raison : quand on met la date et la signature, on a la volonté d'achever le document.

Il est arrivé, devant un tribunal, un testament qui n'est pas daté correctement. Il a été fait par une
personne qui a mis uniquement l'année. Cette personne a toujours été saine d'esprit depuis ses 18
ans. La question se posait de si le testament devait être considéré comme valable ou non. Que
disaient les héritiers ? Et que disait le légataire ?

1) Les héritiers disent que là où la loi ne distingue pas, il n'y a pas lieu de distinguer. Pour un
testament valable, il faut une date. Donc le testament n'est pas valable parce qu'il ne porte pas de
date.

2) Le légataire va invoquer l'adage qui dit qu'il ne faut pas appliquer une loi là où elle ne trouve pas
sa raison d'être. En 1982, il y avait un seul testament et il n'y a pas eu par après.

Chapitre 6 : Les instruments de l’interprétation


1. Instruments divers

-Dictionnaires : les dictionnaires usuels du langage courant : Larousse, Robert, Trésor de la langue
française en ligne,… . Mais aussi des dictionnaires juridiques : il existe des termes spécifiquement
juridique et pour en comprendre le sens, il vaut mieux s'orienter vers un dictionnaire juridique
(Vocabulaire juridique de Cornu, Valks juridisch woordenboek de Dirix, Van Orshoven et
Tillemen).

-Grammaires.

-Ouvrages d’histoire : pour la méthode historique mais aussi pour la sociologique. Beaucoup de
dispositions ont été élaborées pendant des périodes charnières de l’histoire, et pour les
comprendre, il faut se tourner vers des ouvrages d’histoire.

-Enquêtes sociologiques : pour connaitre l’évolution des mœurs, de la culture, des besoins
socioculturels,… . C’est utile quand l’interprète va faire une interprétation évolutionniste de la
disposition dont il fait application.

2. Travaux préparatoires

2.1. Définition

Ce sont des documents qui retranscrivent les discussions qui ont abouties à l’adoption d’un texte
de loi au sens large. Pour la loi fédérale, les travaux préparatoires vont de la proposition ou
projet jusqu’au dernier compte-rendu.

44
On y trouve les projets de loi et les motifs, mais aussi le rapport souvent établi par la commission
au sein de laquelle la proposition ou projet a été discuté.

2.2. Utilité

Ils sont utiles pour n’importe quelle méthode d’interprétation utilisée. Le problème de la
méthode linguistique est qu’un mot a plusieurs sens usuels, mais par les travaux préparatoires on
peut déterminer le sens de la disposition.

Dans la méthode systématique, on peut mieux comprendre la structure de la loi. Cette méthode
est l’économie générale de la loi donc les idées de base de la loi dans les travaux préparatoires.

Dans la méthode historique, les évènements sont parfois mentionnés dans les travaux
préparatoires.

Dans la méthode sociologique, on trouve aussi des enquêtes sociologiques dans les travaux
préparatoires.

Dans la méthode téléologique, on trouve le but du législateur dans les travaux préparatoires.

2.3. Attention

Il arrive que ce qui deviendra la loi ait été discuté avant la proposition du projet au parlement. Il
arrive aussi qu’on ait des opinions exprimées au sein des travaux préparatoires mais que ce soit
seulement celles d’un ou plusieurs parlementaires et non de l’ensemble du parlement.

 Ce sont des opinions isolées, il faut s’en méfier. Ce n’est pas la volonté de tous les
parlementaires, donc pas celle du législateur.

Il y a aussi parfois des désaccords au sein du parlement, donc on ne peut pas exploiter les travaux
préparatoires comme on voudrait. Il existe un grand principe à propos des travaux préparatoires
qui dit que ceux-ci n’ont pas force de loi.

Chapitre 7 : Les résultats de l’interprétation


Il y a 3 degrés d’extension des concepts :

- Interprétation stricte (interprétation de référence) : donner aux concepts évoqués par le


législateur leur compréhension usuelle, leur extension usuelle.

- Interprétation restrictive : pour définir les concepts évoqués par le législateur, on va retenir
plus d’éléments constitutifs essentiels.

- Interprétation extensive (ou large) : par comparaison avec l’interprétation stricte : quand je
retiens, pour la définition en compréhension aux termes évoqués par le législateur, moins
d’éléments en compréhension, alors l’extension sera plus grande. La norme pourra
s’appliquer à des catégories de faits plus nombreuses.

 Illustration, Art 955 C.C., R-35 (Délits):

Il est important de savoir ce que c'est un délit. On peut faire une interprétation stricte,
restrictive, extensive de l'art 955 et du mot délit utilisée dans cette disposition-là.

- Interprétation stricte : délit = infraction passible d'une peine correctionnelle. Dans son sens
strict, un délit est une infraction passible d'une peine correctionnelle.

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- Interprétation extensive : Dans le code civil, on retrouve le titre "Des Délits et Quasi-délits".
Donc délit peut être pris dans le sens d'une faute, ce n'est pas seulement une infraction
passible d'une peine correctionnelle.

- Interprétation restrictive : délit = infraction passible d'une peine correctionnelle et qui a


donné lieu à une condamnation. Il y a un ajout d'un élément constitutif essentiel qui est
"condamnation". L'extension est moins grande.

On peut écarter l’interprétation restrictive dans la mesure où le législateur invoque le délit


commis. Il ne fait pas allusion à une procédure. Il ne peut pas faire courir le délai à partir du
moment où le délit donne lieu à une condamnation, donc ici on parle du délit au sens de faute.
En lisant 955 on voit que sévices, délits et injures graves sont en fait des synonymes. On retient
l’interprétation stricte.

En droit pénal, il existe un principe qui dit que les normes doivent être interprétées de manière
restrictive. Mais ce principe est faux !! Dans son arrêt du 18 décembre 2013, la Cour de cassation
dit qu'on ne peut recourir à l'interprétation restrictive uniquement quand il a un doute quant à
sa porte.

Art 478 C.P. R-72 : le législateur impose à l'interprète une interprétation restrictive du mot
« nuit ». C’est la période de plus d’une heure après le coucher et à une heure avant le lever du
soleil.

Art 417 C.P., R-70 : Nuit, pas de raison de donner une interprétation restrictive au mot nuit ici.

Il arrive aussi que l'on adopte une interprétation extensive en droit pénal. Et c'est le cas, quand le
législateur utilise un concept qu'il sait lui-même qu'il est large.

La cour de cassation, à plusieurs reprise (et notamment dans son arrêt du 25 janvier 1956), a
admis qu'une disposition pénale puisse être appliquée à un cas auquel le législateur n'avait
même pas changé = disposition pénale d'interprétation large.

 Illustration, art 508 du code pénal, R-72 (Chose mobilière) :

Il arrive que Monsieur X reçoive sur son compte une somme d'argent très importante, qui ne lui
appartient pas. C’est une mauvaise manœuvre, l’argent est par erreur viré sur son compte. Ce
monsieur tout heureux va dépenser cet argent. Il va être poursuivi sur base de l'art 508 et il va dire
que ce n'est pas une chose mobilière, Mr dit que cette somme d’argent était une créance qu’il avait
vis-à-vis de sa banque, ce n’est pas une chose mobilière qu’il a scellée, une chose mobilière se prend
en main, mais pas une créance. Cet article date de 1808, il n’y avait pas de compte en banque.
Affaire devant la CC, la CC dit que Mr a pu être condamné sur base de cet article du code pénal car la
disposition pouvait viser des cas auxquels le législateur de 1808 n’aurait pu songer. On peut étendre
cet article si :

 1er condition : volonté du législateur d'ériger ces faits là en infraction est


certaine.
 Le législateur n'ait pas exclue les faits soumis du champ d'application de sa
norme.
 Il faut que les faits qui posent problème puissent être englobés par la notion de
la loi.

 Art 461 du code pénal, R-71 (Soustrait … Chose) :


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Vol d'électricité. En 1808, on n'imagine pas le vol de l'électricité. En principe l'art 461 ne s'applique
pas au vol d'électricité mais les conditions sont remplies alors on peut l'appliquer.

Donc on ne peut pas dire que le droit pénal soit d’interprétation restrictive. La limite qui
s’impose à l’interprète en matière pénale est le principe de légalité «pas d’infraction, pas de peine
sans texte ». Une personne ne peut pas être condamnée si aucune disposition pénale ne prévoit sa
condamnation. Ce principe de la légalité n’interdit pas l’interprétation extensive. Cependant, il faut
remplir les trois conditions pour que la norme puisse s’appliquer aux faits non visés par la norme.

 volonté du législateur d’ériger le fait en infraction doit être certaine.

 il ne faut pas que le législateur ait exclu ces faits de ses prévisions.

 il faut que le sens que l’on donne au terme du législateur soit compatible avec le terme en
question

 Électricité = chose

 Somme d’argent sur un compte = chose mobilière

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