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Frédéric Bouchard, Pierre Doray et Julien Prud’homme (dir.

Sciences, technologies et sociétés de A à Z

Presses de l’Université de Montréal

Théorie de l’acteur-réseau
Aziza Mahil et Diane-Gabrielle Tremblay

DOI : 10.4000/books.pum.4363
Éditeur : Presses de l’Université de Montréal
Lieu d'édition : Presses de l’Université de Montréal
Année d'édition : 2015
Date de mise en ligne : 7 novembre 2017
Collection : Thématique Sciences sociales
ISBN électronique : 9782821895621

http://books.openedition.org

Référence électronique
MAHIL, Aziza ; TREMBLAY, Diane-Gabrielle. Théorie de l’acteur-réseau In : Sciences, technologies et
sociétés de A à Z [en ligne]. Montréal : Presses de l’Université de Montréal, 2015 (généré le 23 janvier
2018). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/pum/4363>. ISBN : 9782821895621.
DOI : 10.4000/books.pum.4363.
sciences, technologies et sociétés

de la production scientiique des cartes nationales et nationalistes per-


met de considérer les modalités de constitution du territoire de l’État-
nation par les sciences mobilisées pour en délimiter les contours (voir
État, pouvoir et science). À cet efet, la production de l’État-nation par
l’activité scientiique dépasse la seule cartographie et inclut également
les statistiques et les travaux d’inventaire qui fournissent une descrip-
tion du territoire et lui assignent des fonctions productives en rapport
avec les ressources humaines et naturelles recensées.
1

Anderson, Benedict (1991), Imagined Communities. Reflections on the Origin and Spread of
Nationalism, New York, Verso.
Edney, Matthew H. (1997), Mapping an Empire. The Geographical Construction of British
India 1765-1843, University of Chicago Press.
Hannah, Matthew (2000), Governmentality and the Mastery of Territory in Nineteenth-
century America, Cambridge University Press.
Hannaway, Owen (1986), « Laboratory Design and the Aim of Science : Andreas Libavius
versus Tycho Brahe », Isis, vol. 77, no 4, p. 584-610.
Harley, J. B. (2001), The New Nature of Maps. Essays in the History of Cartography, Baltimore,
Johns Hopkins University Press.
Kohler, Robert (2002), Landscapes and Labscapes, Exploring the Lab-Field Border in Biology,
University of Chicago Press.
Kuklick, Henrika et Robert E. Kohler (dir.) (1996), Science in the Field, vol. 11, Osiris.
Latour, Bruno (1993), « Le topofil de Boa Vista ou la référence scientifique – montage
photo-philosophique », Raison Pratique, no 4, p. 187-216.
Livingston, David (2003), Putting Science in Its Place : Geographies of Scientific Knowledge,
University of Chicago Press.
Smith, Crosbie et Jon Agar (dir.) (1998), Making Space for Science : Territorial Themes in the
Shaping of Knowledge, New York (NY), St. Martin’s Press.

Théorie de l’acteur-réseau
Aziza Mahil et Diane-Gabrielle Tremblay

La théorie de l’acteur-réseau, aussi appelée « sociologie de la traduc-


tion », a été développée par les chercheurs du Centre de sociologie de
l’innovation de l’École des mines de Paris au début des années 1980.
Bruno Latour, Michel Callon et Madeleine Akrich ont voulu mettre en

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théorie de l’acteur-réseau

lumière les conditions de la production du savoir en s’intéressant à la


genèse des objets scientiiques et techniques et à leur rôle en action
(voir Objet technique et Construction sociale des technologies). Michel
Callon, dans un article fondateur, a montré que les objets techniques
émergent en englobant les intérêts d’un ensemble d’acteurs, humains et
non humains, et aussi les composants matériels qui y sont associés (voir
Infrastructure sociotechnique). Ainsi, cette théorie redéinit le social en y
insérant des catégories jusqu’ici fortement distinguées par l’épistémolo-
gie classique, comme les humains et les non-humains. Tous peuvent être
considérés symétriquement comme des « actants » interagissant dans
des réseaux hybrides, une symétrie qui s’avère une condition essentielle
de la dynamique sociotechnique.
En privilégiant une approche ethnographique, les auteurs de la
théorie de l’acteur-réseau s’intéressent moins à la vérité des résultats
de la science qu’à l’analyse du processus dont découlent ces résultats,
en misant sur la symétrie entre les actants (voir Études de cas en STS).
Cette symétrie permet de traiter sur un même plan conceptuel : tous
les facteurs contextuels ; les causes sociales et les causes techniques ;
le discours de tous les acteurs ; les humains et les non-humains ; et les
impartialités dans l’enregistrement du contexte. Toutes les compo-
santes du réseau sociotechnique s’entremêlent sans hiérarchie ni dis-
tinction quant à leur nature. La technique émerge avec la constitution
d’un réseau complexe d’actants, échappant à la logique des a priori et
se nourrissant amplement des controverses.
La formule « acteur-réseau » désigne à la fois un réseau hétérogène
d’intérêts alignés entre eux, et le processus qui mène éventuellement à
la production d’un artefact sociotechnique. Ce cadre théorique repose
sur certaines notions-clés. L’une est justement la distinction entre le
concept d’« acteur » central, dont dépendent d’autres éléments dont il
traduit la volonté dans son propre langage, et celui d’« actant », dési-
gnant à la fois les humains et les non-humains d’un même réseau. Une
autre notion-clé est la « controverse », qui est une condition nécessaire
à la constitution du réseau et à sa traduction par l’acteur : le terme
désigne un débat sur des connaissances scientiiques ou techniques
qui ne sont pas encore assurées, et dont l’apport se trouve donc à com-
pliquer plutôt qu’à simpliier les incertitudes ambiantes (du social, de
la politique, de la morale).

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sciences, technologies et sociétés

Le moment central de la production du réseau est celui de la « tra-


duction », processus qui comporte trois moments.  Le premier est la
« construction du problème », alors que l’acteur central déinit pour
les autres acteurs des identités et des intérêts qui sont cohérents avec
ses propres intérêts, tout en déterminant un point de passage obligé,
c’est-à-dire une situation qui doit avoir lieu pour que tous les acteurs
satisfassent les intérêts qui leur sont attribués. Le deuxième et le troi-
sième moments sont l’« intéressement » et l’« adhésion », par lesquels les
autres acteurs acceptent la déinition de l’acteur central et les intérêts
qui leur sont attribués (voir Controverse et Statistisation).
Le processus de construction sociotechnique des objets techniques
est ainsi marqué par la controverse entre les actants du réseau et des
jeux de négociation, qui produit une convergence des intérêts du réseau
en vue d’aboutir, ultimement, à un objet technique consensuel. La
création de cet artefact consensuel, c’est-à-dire qui assure la protection
des intérêts de chaque acteur, est qualiiée d’« inscription ». Elle mène
à un seuil d’« irréversibilité » au-delà duquel il devient impossible de
faire marche arrière pour revenir à un point où il existait un choix de
diverses possibilités. Le cadre théorique met alors l’accent sur le cadre
socioculturel qui entoure la production des faits et l’interprétation de
l’environnement culturel.
La théorie de l’acteur-réseau valorise la lexibilité interprétative,
la controverse et surtout le rôle des réseaux et des groupes sociaux
pour analyser l’émergence d’une technique. Celle-ci fait donc partie
d’un tout complémentaire, agencé et n’obéissant à aucune hiérarchie :
la technique et la société se déinissent et se construisent en même
temps et la distinction entre les deux est dissoute. D’où la construction
simultanée du matériel et du social, et la cohabitation d’humains
et de non-humains dans des réseaux complexes, cohérents et égali-
taires.
1

Akrich, M., M. Callon et B. Latour (2006), Sociologie de la traduction : textes fondateurs,


Paris, Les Presses des mines.
Callon, M. (1986), « Éléments pour une sociologie de la traduction. La domestication des
coquilles Saint-Jacques et des marins-pêcheurs dans la baie de Saint-Brieuc », L’année
sociologique, vol. 36, p. 169-208.

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théorie scientifique

Callon, M. et B. Latour (1991), « Réseaux technico-économiques et irréversibilités », dans


R. Boyer, B. Chavanche et O. Godard (dir.), Les figures de l’irréversibilité en économie,
Paris, Éditions de l’EHESS.
Latour, B. (1991), Nous n’avons jamais été modernes. Essai d’anthropologie symétrique, Paris,
La Découverte.
— (1996), Petites leçons de sociologie des sciences, Paris, La Découverte.
Latour, B et S. Woolgar (1996 [1979]), La vie de laboratoire. La production des faits scienti-
fiques, Paris, La Découverte.
Latour, B. (2005 [1989]), La science en action. Introduction à la sociologie des sciences,
Paris, La Découverte.

Théorie scientifique
Luc Faucher

La notion de théorie est centrale à la compréhension de l’activité scien-


tiique. En efet, une bonne partie de l’activité scientiique consiste dans
l’élaboration, la mise à l’épreuve, la défense ou la révision des théories.
Les théories sont employées pour décrire, contrôler, prédire, expliquer
et/ou comprendre les phénomènes appartenant à un domaine particu-
lier. Comprendre ce que sont les théories, c’est donc éclairer une bonne
partie de l’activité scientiique.
Les philosophes se sont intéressés aux théories scientiiques pour
plusieurs raisons. D’abord, ils ont cherché à décrire de façon abstraite
leur structure commune et la façon dont elles participent à l’expli-
cation et à la compréhension scientiiques. Ensuite, ils ont tenté de
comprendre comment s’opéraient les révisions et les changements théo-
riques : comment on modiie une théorie pour la rendre plus conforme
aux faits et/ou comment et dans quelles conditions on passe d’une
théorie à une autre (voir Paradigme). Ils ont inalement tenté de préciser
les types de rapports pouvant exister entre les théories appartenant à
des domaines diférents, c’est-à-dire les modalités du pluralisme théo-
rique (voir Discipline et Migration conceptuelle). Dans ce qui suit, on ne
s’intéressera qu’à la première question, soit celle de la structure des
théories et de leur contribution à l’explication et à la compréhension
scientiiques. Je présenterai deux façons de concevoir ces structures,
l’une ayant eu cours jusqu’à tout récemment (le modèle syntaxique)

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