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Risques naturels majeurs et aménagement du territoire / Urbanisme

Les événements naturels, tels que les inondations, les érosions du littoral, les glissements de
terrains, les avalanches, les tremblements de terre et autres, provoquent d'énormes pertes
sociales et économiques à travers le monde. Dans la communauté scientifique, publique et
privée, il y a ainsi beaucoup de discussions concernant ces risques majeurs naturels, la nécessité
de les gérer, et le type de mesures qui devraient être prises. Une définition du terme « risque
majeur » est proposée par Haroun Tazieff comme suit : ''Un risque majeur se définit comme la
survenue soudaine et inopinée, parfois imprévisible, d'une agression d'origine naturelle…dont
les conséquences pour la population sont dans tous les cas tragiques en raison du déséquilibre
brutal entre besoins et moyens de secours disponibles.''

La nature, la gravité et les conséquences de la plupart des problèmes sont incertaines. Personne
ne sait ce qui se passera si ces enjeux environnementaux sont négligés et on ne sait pas toujours
comment résoudre ou prévenir ces problèmes. En conséquence, la politique de
l'environnement, ainsi que l'acceptabilité perçue de cette politique, se base pour beaucoup sur
la perception et les appréciations des risques par divers groupes d'experts et de profanes.

La construction sociale et culturelle des risques


Rutherford & Platt (1999) affirme que l’augmentation des risques ressentie par les individus est
attribuée à notre capacité aujourd’hui à documenter les pertes en cas de catastrophe et à la
couverture de cette actualité par les medias. Selon cette perspective, les critères les plus
importants pour estimer ce que les gens craignent ou ne craignent pas, ne sont pas des
processus cognitifs individuels tels que la perception de menaces pour la santé ou des
sentiments incontrôlables, mais plutôt la vision du monde socialement partagée.

Selon Hubbard (2009) notre planète a toujours été parsemée de catastrophes, mais les
catastrophes en tant que sujet de couverture des nouvelles tous les jours dans les média et la
réponse gouvernementale instantanée, est un phénomène relativement récent (Hubbard,
2009). « En 2002, 43 % des européens s’estiment très inquiets face aux catastrophes naturelles
contre 22 % en 1999 » (Commission Européenne, 2002). Le résultat du sondage souligne qu’il
faut comprendre la notion et la perception du « risque » dans son contexte historique. La
signification du mot change dans le temps et selon le lieu où l’on se trouve sur Terre. Ainsi, ce
qui était perçu par les individus comme un risque dans le passé, semble être différent
aujourd'hui.
Rippl (2002) souligne que les individus sont intégrés dans une structure sociale et que le
contexte social des individus forme leurs valeurs, les attitudes et les visions du monde. De cette
façon, les modèles cognitifs socialisés fonctionnent comme des filtres dans l'évaluation de
l'information des risques (Stern, 1993).

La politique du risque et le gouvernement des risques

Aujourd’hui, la perception des catastrophes naturelles dans la société contemporaine est


devenue si importante, qu’il y a maintenant dans de nombreux pays des organisations
désignées pour réduire les méfaits causés par des événements naturels (Rutherford, H. Platt,
1999). Rutherford & Platt (1999) affirme qu’il y a une évolution du rôle de l’Etat passant
d'observateur à acteur immédiat, principal bailleur de fonds des coûts des catastrophes et plus
récemment, champion de l'atténuation des risques.

Cela a incité le développement de plusieurs méthodes permettant d’évaluer ou de « mesurer »


les risques, dans les secteurs financiers et non financiers. « Risque » est devenu un instrument
utilisé par les organisations publiques, privées et non gouvernementales pour répondre à un
large éventail de questions.

La problématique est que la terminologie « risque » porte beaucoup de significations différentes


et peut être diversement interprétée. La définition du mot « risque » selon le dictionnaire
Larousse : « Fait de s'engager dans une action qui pourrait apporter un avantage, mais qui
comporte l'éventualité d'un danger ». Certaines définitions quantitatives du risque sont bien
ancrées dans la théorie des statistiques et conduisent naturellement à des estimations
statistiques, mais d’autres sont plus subjectives. Un facteur essentiel est que pour évaluer ou
« mesurer » un risque il faut dans de nombreux cas la prise de décision humaine qui ne peut
jamais être objective et sans aucune erreur.

Il est suggéré que les risques naturels sont amplifiés, mais aussi que la fréquence des
catastrophes est en hausse (Prendre en compte les risques naturels majeurs, 2010). On explique
cette augmentation en partie par une forte pression démographique - plus de 7 milliards d’êtres
humains à peupler la planète et d’ici 2050 la population passera à plus de 9 milliards. Tout aussi
problématique est le développement urbain et économique qui se traduit de plus en plus par
une occupation croissante des zones à risques (Prendre en compte les risques naturels majeurs,
2010). La croissance continue de l’urbanisation cause une vulnérabilité croissante du territoire,
qui s’aggrave encore face aux événements climatiques extrêmes et aux risques liés à la
montée du niveau des mers dus au changement climatique.

L'ouragan Katrina en 2005 a été l'un des ouragans les plus dévastateurs de l'histoire des États-
Unis, provoquant plus de 1300 morts, le déplacement de plus de 2 millions de personnes
(Rodríguez, H., 2008). Il a montré que malgré des décennies d’avertissements sur les
conséquences catastrophiques d'un événement à cette échelle (notamment la Nouvelle-
Orléans), les organismes publics et privés étaient mal préparés pour répondre (Rodríguez, H.,
2008). Il a mis en outre en évidence qu’un aménagement des zones à risques est toujours
considéré comme une réussite jusqu’au moment du désastre. Il a ainsi remis en question
l’incessante quête humaine de dominer la nature et incité une façon et pensée différente de
vivre avec la nature.

Notre quête de dominer et de réprimer la Nature est bien représentée par le cas de l’immeuble
« Signal » (78 appartements), construit dans les années soixante au bord de mer à Soulac-sur-
Mer en France. Dans le passé, cet aménagement était classé dans la catégorie des réussites,
sans trop se rendre compte des conséquences à terme « Il était à l'époque à 200 m du front de
mer. » (journal Sudouest, 2014). Mais malgré de gros efforts, pendant de nombreuses années,
pour protéger la résidence de l'écroulement, les habitants ont finalement dû évacuer le
bâtiment au début de l’année. « La dune a reculé, et sa crête se situe actuellement à 16,50 m de
l'immeuble » (journal Sudouest, 2014). En réponse aux risques naturels majeurs, il nous
manque de nous adapter et de s'allier aux forces naturelles, c'est-à-dire laisser l’espace à la
nature et enlever les gens si nécessaire, au lieu de se soumettre à une nature incontestablement
plus puissante et forte.

Hubbard (2009) affirme que la plupart des nouvelles méthodes non financières ne sont pas
fondées sur des théories précédentes de l'analyse des risques et il n'y a pas de preuve
scientifique réelle qui se traduit par une réduction mesurable du risque ou une amélioration des
décisions (Hubbard, 2009). Ces mesures au lieu de prévenir les désastres ne contribuent qu’à un
faux sentiment de sécurité.

Conclusion

Ce devoir a examiné notre perception du risque majeur comme un concept inconstant,


dépendant de son contexte social et historique. Il a ensuite regardé l’incessante quête humaine
de dominer la nature, mise en évidence ici par des projets immobiliers à grande échelle dans
des territoires dangereux, comme l’immeuble le « Signal » (construit dans les années soixante),
aujourd’hui évacué et abandonné par ses habitants à cause du rapprochement de la mer. On a
ainsi appris que notre regard puissant et arrogant sur la nature a souvent terminé en échec.
Finalement, on a vu que les méthodes permettant d’évaluer, de mesurer et d’atténuer les
risques naturels majeurs mises en place par les décideurs politiques et entrepreneurials, sont
plutôt basées sur des valeurs scientifiques et quantitatives, sans considération du savoir
traditionnel et local qui est une contribution utile et valable.
Bibliographie

Beck, U. (1992) Risk society: Towards a new modernity,

Dake, K. (1992), Myths of nature and the social construction of risk, Journal of social sciences,
Volume 48, issue 4, pages 21-37, (1992)

Hubbard, D.W. (2009) The Failure of Risk Management: Why It's Broken and How to Fix It, New
Jersey: John Whiley & Sons, Inc.

L’Environnement ? Ce qu’en pensent les Européens, Principaux résultats des sondages effectués
en 2002, Commission Européenne, 2003 : ec.europa.eu/environment/pubs/pdf/brochure_fr.pdf
[Accessed, 28 March, 2014]

Prendre en compte les risques naturels majeurs, Guide du Direction de l’Aménagement des
territoires (Service Risques naturels majeurs), 6 décembre 2010 : http://www.urm-
paca.fr/Guide-pour-la-prise-en-compte-des [Accessed, March 26, 2014]

Rippl, S. (2002) Cultural theory and risk perception: a proposal for a better measurement,
Journal of Risk Research 5 (2), 147–165 (2002)

Risque naturel est une définition du dictionnaire environnement et développement durable,


dictionnaire environnement : http://www.dictionnaire-
environnement.com/risque_naturel_ID711.html [Accessed March 28, 2014]

Rodríguez, H. (2008) There is No Such Thing As a Natural Disaster: Race, Class, and Hurricane
Katrina, journal of Social Forces , 86 [3] 1360-1362 (2008)

Rutherford, H. Platt (1999) Disasters and democracy: The Politics of Extreme Natural Events,
Washington: Island Press

Stern, P. C., Dietz, T., & Kalof, L. (1993). Value orientations, gender, and environmental concern.
Environment and Behavior, 25, 322-348.

Soulac (33) : évacuation imminente des habitants de l'immeuble le Signal, menacé par l'océan,
journal en ligne Sudouest, 2014 : http://www.sudouest.fr/2014/01/23/soulac-33-
evacuation-imminente-des-habitants-de-l-immeuble-le-signal-menace-par-l-ocean-
1438820-3193.php [Accessed March 28, 2014]

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