générale
:
littérature
et
spectacle
dans
le
système
général
des
arts
Ce
cours
étant
pensé
comme
une
introduction
générale
au
théâtre,
à
la
danse
et
à
la
musique,
il
apparaît
utile,
en
guise
de
présentation
générale
des
domaines
que
l’on
va
explorer
ensuite,
de
s’interroger
sur
la
place
de
la
littérature
et
du
spectacle
(élément
qui
unit
théâtre,
danse
et
musique)
dans
un
système
général
des
arts.
Il
faut
d’abord
constater
que
l’univers
de
l’activité
artistique
de
l’homme
et
des
produits
de
cette
activité
exige
un
classement,
et
que
les
classifications
et
théories
élaborées
à
ce
propos
suffisent
à
remplir
les
volumes
de
l’histoire
de
l’esthétique.
Cette
discipline
vise
à
situer
chronologiquement
les
idées
concernant
l’art,
et
notamment
les
systèmes
de
classement
des
différents
arts.
On
peut
également
ordonner
ces
systèmes
en
s’appuyant
sur
les
critères
sur
lesquels
ils
s’appuient,
qui
sont
cependant
nombreux
et
hétérogènes.
L’Antiquité
à
elle
seule,
connaît
6
critères
possibles
pour
classer
les
arts
:
1°
le
but
de
l’art
(utilité-‐plaisir)
;
2°
le
rapport
de
l’art
avec
la
réalité
(création-‐imitation)
;
3°
le
caractère
de
l’effort
de
l’artiste
(intellectuel-‐physique)
;
4°
le
caractère
de
la
réalisation
(théorique-‐pratique)
;
5°
le
moyen
sensoriel
(arts
de
la
parole-‐arts
muets)
;
6°
l’outil.
Pour
résumer,
les
critères
concernent
ou
bien
le
créateur,
ou
bien
l’essence
de
l’œuvre
d’art,
ou
bien
son
existence
à
l’une
de
ses
phases,
de
sa
gestation
jusqu’à
sa
perception
par
le
consommateur.
Certains
critères
sont
mixtes
:
le
classement
des
arts
selon
la
présence
ou
non
d’un
exécutant
(l’acteur
au
théâtre),
repose
sur
un
critère
qui
concerne
le
mode
de
transmission,
qui
peut
être
envisagé
du
point
de
vue
du
matériau
comme
de
celui
de
la
portée
sociale
de
l’art.
Même
avec
des
critères
bien
définis,
il
y
a
presque
autant
de
classifications
que
d’essais
individuels
de
classement.
Ainsi,
Alain,
dans
son
Système
des
beaux-‐arts,
divise
les
arts
en
arts
de
société
et
arts
solitaires
;
mais
on
comprend
mal
pourquoi
il
fait
du
costume
un
art
collectif
et
du
meuble
un
art
solitaire.
Étienne
Souriau
base
son
classement
sur
les
«
phénomènes
employés
»
dans
la
composition
de
l’œuvre
d’art
:
lignes,
volumes,
couleurs,
luminosités,
mouvements,
sons
articulés,
sons
musicaux,
puis
divise
chaque
catégorie
en
arts
représentatifs
et
non
représentatifs.
Raymond
Bayer
sépare
«
arts
conceptuels
»
(arts
de
la
parole)
et
«
arts
sensibles
»,
classés
selon
le
sens
qu’ils
affectent.
Le
problème
est
qu’à
l’heure
actuelle,
du
fait
d’une
différenciation
énorme
des
formes
de
l’art,
leur
classement
devient
extrêmement
difficile.
Thomas
Munro,
dans
son
classement,
commence
par
les
arts
«
tenus
pour
statique
»
(peinture,
sculpture,
architecture),
poursuit
avec
la
musique
et
la
littérature,
arts
auditifs
et
temporels,
et
finit
par
les
arts
mixtes
ou
audio-‐visuels
(danse,
théâtre,
cinéma).
Charles
Lalo
divise
les
arts
par
«
suprastructures
consistantes
»
:
audition
(musique),
vision
(peinture),
mouvement,
corporel
(danse),
ou
extérieur
(pyrotechnie),
action
(théâtre),
construction
(architecture),
langage
(littérature),
sensualité
(parfumerie).
On
constate
que
les
arts
du
spectacle
ont
dans
tous
ces
systèmes
une
place
indécise,
ayant
chez
Alain
une
position
intermédiaire
entre
arts
modifiant
le
corps
humain
et
arts
changeant
l’objet
extérieur,
ou
se
voyant
chez
Lalo
séparés
selon
le
genre
de
spectacle
;
ou
alors
on
considère
que
le
spectacle
associe
tant
d’arts
hétérogènes
qu’il
faut
traiter
chacun
à
part,
ce
qui
ne
permet
pas
d’éclaircir
la
situation
esthétique
du
spectacle.
Une
des
causes
principales
de
cet
état
est
la
tradition
de
considérer
le
théâtre
comme
un
type
de
littérature,
et
de
voir
dans
le
spectacle
une
matérialisation
négligeable
de
la
parole
du
poète.
On
impute
cela,
mais
à
tort,
à
Aristote.
Manquent
cependant
aux
défenseurs
de
l’autonomie
du
spectacle
en
tant
que
phénomène
artistique
des
bases
esthétiques
solides.
Celles-‐ci
impliquent
d’intégrer
l’art
du
spectacle
dans
un
système
des
arts
pour
éclaircir
ensuite
son
rapport
avec
la
littérature.
Pour
cela,
il
faut
trouver
des
critères
de
classification
relativement
sûrs
et
en
déduire
une
définition
liminaire
de
l’art
du
spectacle.
On
se
propose
d’adopter
les
notions
traditionnelles
d’espace
et
de
temps
pour
diviser
les
arts
en
2
grands
groupes
:
les
arts
spatiaux
(arts
plastiques
et
autres
arts
visuels)
et
les
arts
temporels
(musique
et
littérature).
Cela
renvoie
à
l’opposition
qu’établit
Lessing
entre
la
peinture
qui
ne
peut
figurer
des
actions
progressives,
et
ne
peut
les
évoquer
qu’en
présentant
des
actions
simultanées
qui
les
évoquent,
et
la
poésie
qui
n’évoque
les
corps
que
par
la
description.
Expliquons
maintenant
comment
ces
notions
se
conçoivent
par
rapport
aux
différents
arts.
La
musique
est
l’exemple
le
plus
incontestable
d’un
art
dans
les
œuvres
se
manifestent
dans
le
temps.
La
littérature,
même
si
elle
recourt
aujourd’hui
au
livre
qui
est
un
objet
situé
dans
l’espace,
est
avant
tout
un
art
du
langage
:
la
forme
écrite
n’est
pas
son
aspect
originaire,
elle
n’est
pas
d’un
usage
universel,
ce
n’est
qu’une
façon
de
représenter
et
de
fixer
les
sons
et
les
mots.
Transmise
oralement,
elle
peut
se
passer
de
l’espace
;
mais
le
déroulement
temporel
lui
est
nécessaire.
Un
problème
est
cependant
suscité
par
les
arts
plastiques,
c’est
que
la
perception
même
d’un
tout
petit
tableau
nécessite
une
durée
minimale.
Dans
le
cas
des
œuvres
tridimensionnelles,
faites
pour
être
regardées
de
plusieurs
côtés,
l’«
itinéraire
perceptif
»
nécessaire
multiplie
le
temps
nécessaire
à
leur
perception.
Cela
amène
à
contester
l’espace
et
le
temps
comme
critères
sûrs
de
classification
des
formes
d’art.
Cela
dit,
ce
problème
ne
se
pose
que
si
l’on
considère
les
œuvres
au
niveau
de
la
perception.
Pour
résoudre
cela,
on
pourrait
considérer
les
œuvres
plutôt
au
niveau
de
la
communication.
L’œuvre
est
ainsi
considérée,
par
rapport
à
l’espace
et
au
temps,
à
cet
état
de
son
existence
qui
n’est
ni
création
(elle
implique
toujours
une
durée),
ni
perception
(même
problème),
mais
communication.
En
effet,
contrairement
à
un
texte
ou
un
morceau
de
musique,
un
monument
ou
un
tableau
sont
communiqués,
au
sens
de
donnés
ou
présentés
au
spectateur,
sans
impliquer
de
notion
de
temps.
Pour
les
arts
spatiaux,
l’espace
est
nécessaire
et
suffit
à
communiquer
l’œuvre,
le
temps
n’est
indispensable
qu’à
la
perception
;
pour
les
arts
temporels,
le
temps
suffit
à
communiquer
l’œuvre,
l’espace
n’est
nécessaire
que
pour
le
percevoir
et
le
conserver.
Cette
distinction
opérationnelle
permet
de
définir
l’art
du
spectacle
comme
un
domaine
autonome
et
bien
différent
par
rapport
aux
autres
domaines
de
l’art.
Le
spectacle,
en
effet,
est
une
œuvre
d’art
communiquée
dans
l’espace
et
dans
le
temps,
exigeant
nécessairement
les
deux
dans
sa
communication.
Notons
que
nous
parlons
ici
de
«
spectacle
»
et
non
de
«
théâtre
»,
car
ce
terme
est
trop
polysémique,
il
peut
désigner
un
genre
littéraire
ou
l’
«
institution
»
théâtrale
aussi
bien
qu’un
type
de
spectacle
;
mais
dans
ce
dernier
sens,
ce
qu’on
dit
s’applique
bien
sûr
à
lui.
Il
s’agit
maintenant
d’examiner
les
différents
phénomènes
de
l’art
du
spectacle.
S’agissant
de
certaines
formes
:
théâtre,
opéra,
ballet,
pantomime,
music-‐hall,
marionnettes,
leur
appartenance
au
domaine
spectaculaire
n’est
pas
contestée.
Ces
genres
sont
solidement
implantés
dans
la
vie
sociale
d’une
époque
et
d’une
civilisation,
avec
des
structures
matérielles
durables
;
ils
font
l’objet
d’une
institutionnalisation,
même
s’ils
sont
aussi
en
parallèle
pratiqués
par
des
amateurs.
Mais
il
existe
aussi
des
«
cas
suspects
».
Le
1er
est
celui
des
manifestations
de
l’art
du
spectacle
pauvres
en
valeurs
significatives,
parce
que
l’homme—absent
du
champ
visuel
de
la
représentation—s’efface
derrière
des
formes
d’expression
abstraites,
pauvres
au
point
de
vue
du
cycle
spectaculaire
:
jeux
d’eau,
feux
d’artifice,
projections
lumineuses.
S’il
leur
manque
l’acteur,
la
parole
et
aussi
la
fable,
cela
ne
peut
les
disqualifier
en
tant
que
spectacle.
D’ailleurs
ces
formes
ne
sont
pas
toujours
privées
de
valeur
significative
:
le
«
théâtre
d’eau
»
de
Versailles
au
XVIIe
siècle
produit
des
effets
d’imitation,
le
feu
d’artifice
peut
exprimer
une
succession
de
phénomènes
:
des
arbres
poussant
sous
les
yeux
des
spectateurs…Les
jeux
abstraits
des
projections
lumineuses
mobiles
sont
au
«
vrai
»
spectacle
ce
qu’est
l’art
abstrait
à
l’art
figuratif.
Autre
cas
suspect,
celui
des
jeux
de
figurines
et
d’automates,
du
fait
de
la
durée
limitée
de
leurs
révolutions,
et
parce
que
contrairement
aux
marionnettes,
leurs
mouvements
ne
sont
pas
réglés
directement
par
l’homme,
mais
par
un
mécanisme.
Cependant,
existent
de
nombreux
théâtres
mécaniques,
comme
celui
du
Père
Sébastien
(Jean
Truchet),
qui
avait
donné
pour
Louis
XIV
un
«
opéra
en
cinq
actes
».
Existent
également
des
formes
spectaculaires,
qui,
bien
que
l’homme
y
apparaisse,
sont
susceptibles
de
contestation
;
c’est
le
cas
des
manifestations
impliquant
un
homme
solitaire,
comme
le
rhapsode
grec
antique
ou
le
conteur
arabe.
Dans
la
plupart
des
cas,
le
récitant
fait
un
usage
abondant
de
la
mimique,
du
geste
et
du
mouvement
corporel
qui
deviennent
un
élément
essentiel
de
son
récit,
et
son
art
ne
se
limite
pas
à
la
transmission
orale
d’un
texte.
On
ne
refuse
d’ailleurs
pas
le
nom
de
spectacle
à
la
représentation
d’une
pièce
à
un
personnage
(La
Voix
humaine
de
Cocteau),
ni
au
one-‐man-‐show,
ni
au
récital
poétique
d’un
artiste
;
le
genre
appelé
monodrame
est
solidement
implanté
dans
la
tradition
théâtrale
(Rousseau,
Goethe).
Des
doutes
d’un
autre
genre
peuvent
être
éveillés
par
les
manifestations
artistiques
dont
le
caractère
auditif
est
déterminant
et
peut
paraître
unique.
On
assiste
à
un
concert
symphonique
pour
écouter
la
musique,
mais
on
regarde
aussi
les
musiciens
;
il
arrive
même
que
le
public
vienne
pour
voir
diriger
le
chef
d’orchestre,
qui
peut
accentuer
ses
mouvements
pour
répondre
à
cette
attente.
Ainsi,
la
séance
musicale
est
une
forme
particulière
de
spectacle.
Un
groupe
hétérogène
de
manifestations
parathéâtrales,
qui
suit
notre
définition
de
l’art
du
spectacle,
est
celles
dont
la
raison
d’être
est
extra-‐
esthétique,
par
exemple
les
fêtes
publiques
:
les
défilés
militaires,
les
entrées
royales
sous
l’Ancien
Régime…C’est
cependant
par
des
moyens
d’ordre
artistique
qu’on
cherche
à
émouvoir
le
public
ou
le
convaincre
de
certaines
idées.
Ainsi,
les
fêtes
publiques
constituent
un
genre
de
manifestations
spectaculaires
particulièrement
riches
par
la
diversité
de
leurs
formes
et
variantes
historiques,
et
complexes
par
la
multiplicité
de
leurs
éléments.
Une
fête
princière
de
la
Renaissance
ou
du
XVIIe
siècle
comporte
cortèges,
tableaux
vivants,
danses,
carrousels,
jeux
d’eaux,
feux
d’artifice,
parfois
comédies
à
intermède
ou
opéras-‐ballets.
La
parade
militaire,
plus
minutieusement
réglée
qu’un
spectacle
de
théâtre,
admet,
dans
la
tribune
officielle,
un
groupe
d’actants
qui
sont
à
la
fois
spectateurs
privilégiés
et
acteurs
que
regarde
le
reste
du
public.
Se
pose
maintenant
le
problème
du
cinéma,
art
dont
les
ouvrages
sont
communiqués
par
des
moyens
mécaniques
de
reproduction,
et
où
le
mouvement
est
perçu
grâce
à
une
sorte
de
truquage.
Le
cinéaste
Robert
Bresson
dit
que
le
cinéma
est
plutôt
une
«
écriture
»,
en
voyant
les
choses
à
l’étape
de
la
création
:
un
film
ne
se
présente
jamais
comme
un
tout
spectaculaire
au
cours
du
travail,
et
dans
l’art
du
cinéma,
le
décalage
entre
la
création
et
la
communication
est
plus
marqué
que
pour
d’autres
spectacles.
Albert
Laffay
et
Alain
nient
au
cinéma
la
qualité
de
spectacle
au
cinéma
parce
qu’il
n’y
a
pas
de
communication
bilatérale
acteurs-‐spectateurs
;
cependant
le
public
y
existe
comme
réalité
sociale
et
psychique,
une
atmosphère
se
crée
dans
la
salle,
et
des
échanges
ont
lieu
entre
spectateurs.
La
situation
de
la
télévision
est
bien
différentes
:
contrairement
au
cas
du
cinéma,
le
public
y
a
rarement
un
caractère
collectif
prononcé.
La
communication
peut
s’opérer
de
3
sortes
:
la
télévision
retransmet
des
images
et
sons
enregistrés
antérieurement
;
la
télévision
retransmet
en
simultané
un
spectacle
;
la
télévision
retransmet
en
direct
un
spectacle
réalisé
en
studio
à
cet
effet.
Dans
ces
3
cas,
la
télévision
diffuse
des
spectacles
préexistants
;
elle
peut
créer
des
ouvrages
spectaculaires
autonomes,
mais
la
spécificité
vient
plutôt
de
la
création
que
de
leur
type
de
communication,
peu
différente
de
celle
du
cinéma.
Ces
remarques
amènent
à
envisager
le
problème
des
origines
de
l’art
du
spectacle.
À
côté
des
théories
les
plaçant
dans
le
mouvement
corporel,
la
musique,
la
parole
et
le
rite,
une
tendance
voit
l’origine
du
spectacle
dans
les
arts
plastiques,
surtout
pour
les
genres
n’impliquant
pas
une
participation
directe
de
l’homme.
Théâtre
d’ombres,
jets
d’eaux,
mais
aussi
marionnettes
et
automates
s’inspirent
des
arts
plastiques
ou
les
associent
à
la
mécanique.
On
a
ainsi
mis
en
lumière
le
rôle
des
arts
plastiques
dans
la
formation
du
théâtre
de
la
Renaissance,
où
les
scènes
sont
pensées
comme
des
tableaux
vivants.
Le
problème
des
sources
plastiques
s’impose
avec
acuité
dans
le
cas
du
cinéma.
Les
produits
de
l’art
du
cinéma
(les
films)
sont
communiqués
obligatoirement
dans
l’espace
et
dans
le
temps,
le
mouvement
est
donc
nécessaire
à
leur
communication.
Celui-‐ci
revêt
2
aspects
:
le
mouvement
mécanique
auquel
correspond
l’illusion
du
mouvement
au
niveau
de
la
perception,
et
le
mouvement
des
acteurs
à
un
moment
du
tournage,
à
une
certaine
étape
de
la
création.
Cela
dit,
le
support
matériel
d’un
film
projeté
est
une
succession
d’images
immobiles
qui
sont
ou
bien
des
photographies
prises
avec
une
caméra
sur
le
vif,
ou
bien
des
images
dessinées
sur
la
pellicule
(1ers
dessins
animés),
ou
des
dessins
photographiés
avec
une
caméra
spéciale.
Dans
tous
les
cas,
ce
support
obligatoire
est
fait
de
produits
des
arts
plastiques
:
photographie,
dessin,
peinture.
Le
cas
du
dessin
animé
manifeste
les
affinités
historiques
du
cinéma
avec
les
arts
plastiques.
Ses
prototypes
sont
les
ouvrages
des
arts
plastiques
«
à
déroulement
continu
»
:
la
procession
des
Panathénées
sur
les
frises
du
Parthénon,
les
bas-‐reliefs
de
la
colonne
Trajane,
les
vitraux
racontant
dans
une
suite
de
scènes
la
vie
des
saints…À
ces
formes,
on
peut
ajouter
les
œuvres
picturales
à
déroulement
continu,
les
cas
où
dans
un
même
tableau
sont
représentées
les
différentes
étapes
d’une
action,
comme
pour
les
miniatures
des
Très
riches
heures
du
duc
de
Berry.
On
peut
se
demander
si
ces
ouvrages
à
sujets
continus
ou
à
scènes
consécutives
n’appartiennent
pas,
de
près
ou
de
loin,
à
l’art
du
spectacle.
En
effet,
pour
percevoir
le
tout
formé
par
les
différentes
scènes,
un
regard
ne
suffit
plus,
il
en
faut
plusieurs
juxtaposés,
les
œuvres
sont
créées
pour
la
perception
dans
l’espace
et
dans
le
temps.
Cependant,
l’espace
suffit
à
leur
communication,
sans
impliquer
le
temps.
On
voit
que
notre
définition
rigoureuse
de
l’art
du
spectacle
sert
de
limite
dans
les
cas
équivoques.
On
peut
maintenant
essayer
de
préciser
ce
qu’on
considère
comme
l’
«
art
»,
en
parlant
d’
«
art
du
spectacle
».
«
Art
»
a
un
double
sens
:1°
ce
qui
possède
une
valeur
esthétique
ou
provoque
une
expérience
esthétique,
2°
ce
qui
est
une
création
artificielle.
Dans
l’impossibilité
de
trouver
des
critères
valables
en
tout
lieu
et
en
tout
temps,
il
faut
se
résigner,
s’agissant
du
1er
sens,
à
une
solution
plus
souple.
Même
si
on
garde
le
principe
de
la
distinction
entre
ce
qui
a
ou
non
une
valeur
esthétique,
on
estimera
œuvre
d’art
tout
ce
que
quelqu’un
considère
comme
tel.
Le
2e
sens
permet,
en
ce
qui
concerne
l’art
du
spectacle,
de
tracer
des
limites
moins
vagues,
en
disant
que
l’objectif
de
l’art
est
de
re-‐présenter
la
nature,
que
l’œuvre
d’art
est
une
re-‐production
de
la
vie
(cette
réalité
étant
entendue
au
sens
large,
rêve,
sentiment,
imagination).
Les
compétitions
sportives,
qui
sont
spectacle,
n’appartiennent
pas
à
l’art
du
spectacle,
car
ce
sont
des
manifestations
dont
le
déroulement
et
l’issue
ne
sont
pas
connus
à
l’avance
(c’est
d’ailleurs
tout
leur
intérêt).
Dans
Les
Jeux
et
les
hommes,
Roger
Caillois
insiste
sur
le
caractère
imprévisible
du
jeu.
Il
admet
cependant
le
théâtre
et
les
arts
du
spectacle
dans
les
jeux,
mais
les
place
avec
les
jeux
de
simulacre
(mimicry)
et
les
oppose
aux
jeux
de
compétition
(agôn).
Il
note
que
ces
derniers
peuvent
apparaître
avec
les
caractères
extérieurs
d’une
représentation,
mais
que
leur
nature
demeure
celle
d’un
agôn.
Cela
dit,
certaines
formes
de
l’art
spectaculaire
ont
pris
naissance
comme
jeux
de
compétition,
et
se
transforment,
au
fur
et
à
mesure
de
leur
existence,
en
produits
de
l’art
du
spectacle.
Ainsi,
le
tournoi
a
fini
par
aboutir
au
carrousel
ou
ballet
équestre,
en
perdant
son
caractère
compétitif.
Par
ailleurs,
il
faut
réserver
une
marge
suffisamment
large
à
l’improvisation,
même
dans
des
genres
aussi
institutionnels
que
le
théâtre
dramatique.
La
commedia
dell’arte
comme
les
mises
en
scène
contemporaines
l’illustrent
bien
;
cependant,
pour
qu’il
y
ait
art
du
spectacle,
il
suffit
que
la
trame
et
les
dénouement
préétablis
soient
respectés.
Enfin,
il
faut
maintenant
parler
de
l’aspect
social
de
l’art
spectaculaire.
Au
cours
d’une
représentation,
les
acteurs
prononcent
le
texte
écrit
par
un
dramaturge,
et
se
comportent
conformément
aux
suggestions
du
metteur
en
scène
;
ou
pour
le
ballet,
les
danseurs
exécutent
les
mouvements
prévus
par
le
chorégraphe,
d’après
l’argument
écrit
par
un
scénariste.
Ces
acteurs
sont
liés
comme
personnages
du
drame
mais
aussi
au
plan
professionnel
et
humain.
De
plus,
l’œuvre
n’existe
qu’en
fonction
d’un
public
relativement
déterminé,
alors
que
le
créateur
d’un
ouvrage
littéraire
ou
plastique
peut
ne
pas
tenir
compte
du
public
présumé.
Les
exécutants
sont
sous
l’influence
de
la
salle
plus
directement
encore
que
le
créateur
:
le
public
réagit
en
manifestant
ses
appréciations
de
façon
plus
ou
moins
vive,
et
cela
peut
influencer
le
jeu
de
l’acteur.
Un
courant
de
communication
s’établit
en
outre
entre
les
spectateurs
eux-‐
mêmes,
par
le
mécanisme
de
l’enthousiasme
et
de
l’indignation
collectifs.
La
«
métamorphose
de
l’acteur
»
(H.
Gouhier)
en
son
personnage
n’a
de
sens
que
s’il
y
a
des
témoins
pour
lui
conférer
«
une
espèce
d’objectivité
».
Beaucoup
de
spectacles
étant
cependant
dépourvus
d’acteur
vivant,
il
faut
se
garder
de
formuler
des
opinions
trop
hâtives
s’agissant
de
l’art
du
spectacle
en
général.
Il
faut
donc
examiner
les
principaux
aspects
de
cette
sociabilité
au
niveau
de
la
création
(ou
production),
de
la
perception
(ou
consommation),
de
la
communication.
S’agissant
de
la
création
et
de
l’exécution,
celles-‐ci
sont
en
principe
collectives,
mais
cela
est
aussi
le
cas
de
l’architecture
ou
des
arts
décoratifs.
De
plus,
existe
le
cas
du
monologue
dramatique
dont
l’unique
exécutant
est
en
même
temps
auteur.
Du
«
côté
consommateurs
»,
la
perception
collective
typique
n’est
pas
un
trait
distinctif
:
la
perception
d’autres
manifestations
artistiques
s’effectue
en
groupe
(visite
guidée
d’un
monument),
et
un
prince
a
déjà
fait
jouer
sa
troupe
pour
lui
seul.
S’agissant
enfin
du
plan
de
la
communication,
le
facteur
de
la
sociabilité
commun
à
tous
les
genres
de
spectacle
est
qu’il
faut
que
la
communication
des
ouvrages
se
produise
en
un
lieu
et
à
un
moment
accepté
délibérément
par
les
2
parties,
producteurs
et
consommateurs.
Aucun
genre
n’y
échappe,
même
les
manifestations
spectaculaires
pouvant
être
communiquées
sans
l’intervention
de
l’homme
(jeux
d’eaux,
projections
lumineuses…).
Cela
n’est
cependant
pas
exclusif
aux
arts
du
spectacle,
c’est
aussi
valable
pour
la
musique
(sauf
celle
transmise
mécaniquement)
et
pour
la
littérature
orale.
Ainsi,
la
sociabilité
n’est
pas
un
caractère
distinctif
et
n’est
pas
non
plus
un
caractère
absolument
spécifique
(commun
à
toutes
ses
manifestations)
de
l’art
spectaculaire.
Mais
dans
l’échelle
dont
l’un
des
bouts
est
occupé
par
les
«
arts
solitaires
»
(littérature
et
peinture),
l’art
du
spectacle,
et
ses
formes
les
plus
développées,
occupe
l’autre
extrémité.
Avant
de
passer
au
classement
des
phénomènes
de
l’art
du
spectacle,
il
faut
souligner
le
caractère
arbitraire
de
certaines
divisions
traditionnelles
et
le
caractère
conventionnel
de
certains
termes
relatifs
à
ce
domaine.
D’abord,
les
frontières
sont
parfois
insaisissables
entre
2
genres
de
spectacles
:
ballet
et
pantomime,
récitation
et
monodrame…Certaines
formes
institutionnelles
de
spectacle
sont
composées
d’éléments
hétérogènes,
comme
la
fête
publique,
qui
constitue
pourtant
un
tout
ordonné
et
réglé,
suivant
souvent
un
dessein
allégorique.
Existent
enfin
des
formes
mixtes,
où
les
genres
respectifs
de
spectacle
se
combinent
et
s’interpénètrent
:
par
exemple
les
représentations
théâtrales
utilisant
le
film,
comme
L’Auvergnate
de
Meynet
et
Marie
Geoffroy
(1899).
Cela
dit,
on
peut
malgré
tout
essayer
d’indiquer
quelques-‐unes
des
classifications
possibles
des
arts
du
spectacle.
On
peut
d’abord
dégager
quelques
divisions
binaires.
Notre
définition
liminaire
de
l’art
du
spectacle
contient
la
notion
d’espace
:
on
peut
distinguer
ceux
qui
nécessitent
une
surface
plane
(ombres
chinoises,
cinéma),
et
ceux
qui
demandent
un
espace
tridimensionnel
(théâtre,
jeux
d’eaux).
Si
le
spectacle
se
définit
par
le
mouvement,
et
que
les
effets
visuels
suffisent
à
le
qualifier
tels,
mais
que
beaucoup
de
spectacles
recourent
aussi
aux
sons,
on
peut
distinguer
les
spectacles
sans
effets
auditifs
(pantomime)
et
avec
effets
auditifs.
3
divisions
semblent
cependant
particulièrement
utiles
à
notre
étude.
Le
critère
1er
est
la
présence
visuelle
de
l’homme
dans
une
représentation.
Cela
distingue
les
spectacles
privés
de
celle-‐ci
par
principe
ou
s’en
passant
sans
dommage
(jeux
d’eaux)
et
les
autres,
divisés
en
3
groupes
:
ceux
communiqués
avec
la
participation
l’acteur,
ceux
avec
l’image
de
l’homme
communiquée
par
des
moyens
mécaniques
(cinéma),
les
spectacles
anthropomorphes
(marionnettes,
automates).
Le
2e
critère
est
le
langage
:
on
peut
distinguer
les
spectacles
sans
parole
(ballet,
cinéma
muet,
concert),
et
ceux
où
la
parole
est
communiquée
au
spectateur.
Enfin,
un
3e
critère
est
fondé
sur
le
principe
de
l’
«
affabulation
»,
définie
par
Le
Petit
Robert
(1967),
comme
un
«
arrangement
de
faits
constituant
la
trame
d’un
roman,
d’une
œuvre
d’imagination
».
C’est
un
critère
conceptuel,
donc
plus
difficile
à
appliquer.
La
plupart
des
produits
de
l’art
du
spectacle
ont
un
sujet
qui
se
développe
dans
le
temps,
donc
une
fable,
une
anecdote,
une
action
composée
d’une
succession
de
valeurs
significatives
qui
s’enchaînent.
Certains
genres
de
spectacle
(théâtre,
ballet,
cinéma),
sont
riches
et
complexes
au
niveau
de
l’affabulation,
mais
une
simple
chanson
a
une
trame
narrative,
surtout
dans
l’interprétation
d’un
artiste
qui
sait
la
transformer
en
une
scène
dramatique,
parfois
à
plusieurs
personnages.
Certaines
manifestations
sont
sans
affabulation,
comme
les
spectacles
d’eau
et
de
feu
(sauf
cas
exceptionnels),
les
spectacles
d’adresse
ou
de
force
:
numéros
de
cirque,
danses…On
note
que
le
fait
qu’un
spectacle
soit
matière
à
description
n’implique
pas
toujours
affabulation
:
la
description
intervient
a
posteriori,
alors
que
l’affabulation
donne
préalablement
l’organisation
thématique
du
spectacle.
En
croisant
nos
3
critères,
on
obtient
8
groupes
:
1)
spectacles
avec
affabulation,
homme
et
parole
(théâtre,
opéra),
2)
spectacle
avec
affabulation
et
homme
seuls
(ballet,
pantomime),
3)
spectacles
avec
affabulation
et
parole
seuls
(dessin
animé
avec
figures
non
humaines),
4)
spectacles
avec
affabulation
seule
(théâtre
d’ombres,
dessin
animé
sans
figures
humaines
ni
paroles),
5)
spectacle
avec
homme
et
parole
seuls
(récitation
d’un
texte
sans
fable),
6)
spectacles
avec
homme
seul
(certaines
danses,
certains
concerts),
7)
spectacles
avec
parole
seule
(certaines
projections
abstraites)
8)
spectacles
sans
aucun
des
3
(la
plupart
des
jets
d’eaux
et
des
feux
d’artifice).
On
note
que
les
4
derniers
groupes,
sans
fable,
sont
soit
des
genres
secondaires
peu
développés,
soit
des
régions
marginales
des
autres
genres
spectaculaires.
Ainsi,
l’affabulation
est,
parmi
les
critères
non
formels,
celui
qui
aide
le
mieux
à
définir
l’art
du
spectacle.
On
aboutit
donc
à
cette
définition
:
l’art
du
spectacle
est
un
art
dont
les
produits
1°sont
communiqués
obligatoirement
dans
l’espace
et
le
temps,
c’est-‐à-‐dire
en
mouvement,
2°
sont
le
plus
souvent
dotés
d’affabulation,
3°
ont
d’habitude
un
haut
degré
de
sociabilité
sur
le
plan
de
la
production,
de
la
communication
et
de
la
perception.
À
partir
de
là,
on
peut
aborder
la
question
des
rapports
esthétiques
entre
la
littérature
et
le
spectacle.
En
tant
que
domaine
de
la
création,
«
littérature
»
a
2
sens,
celui
de
processus
et
de
produit
;
on
s’intéresse
surtout
au
2e.
On
adoptera
ainsi
la
définition
du
Dictionnaire
du
français
contemporain
(Larousse,
1966)
:
«
ensemble
des
œuvres
orales
ou
écrites
qui
dépassent
dans
leur
objet
la
simple
communication
et
visent
à
une
valeur
esthétique,
morale
ou
philosophique
».
Nous
introduirons
cette
limite
opérationnelle
entre
la
littérature
(récitée)
et
le
spectacle
:
le
texte
récité
appartient
à
la
littérature
lorsque
la
récitation
vise
la
seule
transmission
de
la
parole,
sans
valeurs
significatives
ou
affectives
des
moyens
d’expression
visuels.
Pour
confronter
littérature
et
spectacle,
on
s’intéresse
d’abord
aux
genres
de
spectacles
recourant
au
langage.
La
littérature
dramatique
est
de
façon
évidente
commune
à
l’art
de
la
littérature
et
à
celui
du
spectacle.
Mais
les
délimitations
de
celles-‐ci
pose
problème,
en
particulier
s’agissant
de
la
littérature
médiévale,
ou
antique.
Lorsque
la
genèse
d’un
ouvrage
n’est
pas
assez
claire
pour
nous
instruire
des
intentions
de
l’auteur,
qu’on
ne
sait
s’il
y
a
eu
représentation
et
que
la
disposition
graphique
n’indique
rien,
le
problème
de
l’appartenance
au
genre
dramatique
est
insoluble.
Par
ailleurs,
un
genre
comme
le
monologue
n’est
estimé
dramatique
qu’en
fonction
des
intentions
de
l’auteur
et
de
l’emploi
qu’on
en
fait.
Même
la
forme
dialoguée
n’est
pas
propre
au
texte
dramatique
et
peut
être
utilisée
par
l’exposé
philosophique
(dialogue
de
Platon),
la
poésie
ou
même
les
genres
narratifs,
où
le
dialogue
joue
un
rôle
changeant,
mais
d’une
importance
parfois
primordiale.
S’est
ainsi
répandu
au
XIXe
siècle
un
genre
particulier
de
dialogue
livresque,
sans
aucune
prétention
à
la
réalisation
théâtrale
(La
Maîtresse
de
Jules
Renard).
D’autre
part,
un
ouvrage
créé
ou
réalisé
pour
le
théâtre
peut
mêler
des
thèmes
lyriques
et
épiques
plus
ou
moins
heureusement
dialogués
;
c’est
le
cas
pour
la
tragédie
grecque
du
Ve
siècle
avant
Jésus-‐Christ.
Le
drame
de
l’époque
romantique
mélange
non
seulement
les
styles
et
les
structures,
mais
les
espèces
littéraires
et
même
les
genres.
Au
XXe
siècle,
la
pénétration
de
l’élément
épique
dans
le
drame
se
fait
sentir
avec
une
force
particulière
dans
l’œuvre
de
Bertold
Brecht,
qui
promeut
«
la
forme
épique
du
théâtre
»,
où
«
le
spectateur
est
placé
devant,
il
étudie
»,
sur
«
la
forme
dramatique
»,
où
«
le
spectateur
est
à
l’intérieur,
il
participe
».
D’après
Brecht,
c’est
dans
certaines
pièces
originales
et
dans
les
adaptations
de
roman,
où
le
récitant
ou
le
meneur
de
jeu
se
détachant
de
l’action
(fonction
du
chœur
antique)
joue
un
rôle
prédominant,
que
la
présence
de
l’élément
épique
est
la
plus
manifeste.
Chaque
époque
connaît
aussi
des
ouvrages,
surtout
poétiques,
écrits
pour
la
scène
sans
vrai
souci
d’une
action
dramatique,
comme
certaines
pièces
du
«
théâtre
de
l’absurde
»
(Comédie
de
Samuel
Beckett).
D’autres
ouvrages
polyformes
sont
récit
ET
drame
en
même
temps.
La
littérature
espagnole
du
XVIIe
siècle
présente
des
romans
à
tiroirs,
où
se
trouvent
insérées
des
comédies.
Dans
une
des
ses
Nouvelles
exemplaires,
Le
Mariage
trompeur,
Cervantès
incorpore
un
long
Colloque
entre
les
2
chiens
Scipion
et
Berganza.
Parfois
le
mélange
de
formes
empêche
d’assigner
l’œuvre
à
un
genre
:
Ulysse
de
James
joyce
oscille
entre
le
monologue
intérieur
et
le
dialogue,
et
contient,
dans
la
IIe
partie,
un
texte
de
144
pages
manifestement
théâtral.
Les
cas
limitrophes
sont
donc
assez
nombreux
pour
rendre
impossible
une
délimitation
précise
du
genre
dramatique
par
rapport
aux
autres
genres
littéraires
;
il
est
même
difficile
de
qualifier
d’ouvrages
dramatiques
ceux
qui
ont
été
écrits
en
vue
d’une
réalisation
théâtrale
ou
qui
ont
été
représentés
sur
scène.
En
effet,
beaucoup
de
pièces
écrites,
voire
publiées
sans
que
le
dramaturge
envisage
leur
réalisation
scénique
sont
entrées
ensuite
dans
le
répertoire
national
;
c’est
le
cas
de
certains
drames
de
Musset
qui
ne
tiennent
pas
compte
des
possibilités
matérielles
des
théâtres
de
leur
époque.
La
réalisation
théâtrale
n’est
pas
non
plus
un
critère
sûr,
car
il
existe
des
drames
livresques
a
priori
(Lesedrama),
ou
des
pièces
qui
en
raison
de
leur
longueur,
du
nombre
considérable
de
personnages
ou
d’autres
circonstances
n’ont
jamais
été
représentées
encore
sans
qu’on
puisse
préjuger
de
l’avenir
;
enfin,
pour
certaines
œuvres,
on
ne
sait
s’il
y
a
eu
représentation.
On
pourrait
aussi
se
demander,
à
l’inverse,
si
le
fait
qu’un
texte
soit
porté
à
la
scène
assure
de
son
appartenance
au
genre
dramatique
;
on
envisage
alors
le
problème
du
côté
du
spectacle.
Dans
le
schéma
traditionnel,
l’ouvrage
est
écrit
par
un
auteur,
puis
le
metteur
en
scène
analyse
le
texte
et
met
au
point
une
idée
de
la
représentation
avec
ses
collaborateurs
;
mais
beaucoup
de
cas
s’écartent
de
ce
schéma.
Les
fabula
Atellana,
forme
populaire
de
la
farce
à
Rome,
avec
leurs
personnages
traditionnels,
n’ont
pas
reçu
de
forme
écrite
avant
le
Ier
siècle
avant
Jésus-‐Christ,
où
des
auteurs
comme
Pomponius
et
Novius
ont
fixé
par
écrit,
en
les
développant
et
complétant,
les
fragments
existant
dans
la
tradition
scénique.
Pour
la
commedia
dell’arte
également,
la
forme
écrite
a
historiquement
succédé
à
la
représentation.
De
nos
jours,
il
n’est
pas
rare
que
le
texte
reste
changeant
et
fluide
jusqu’à
la
répétition
générale,
comme
chez
Brecht
ou
Mnouchkine.
Autre
phénomène,
il
arrive
que,
dans
le
cas
d’une
pièce
trop
longue,
réduite
de
moitié
pour
être
réalisée
sur
scène,
le
texte
intégral
et
le
texte
représenté
doivent
être
considérés
comme
2
ouvrages
différents
;
par
ailleurs,
un
ouvrage
dramatique
peut
être
à
ce
point
transformé
par
le
metteur
en
scène
que
le
texte
présenté
au
public
rappelle
très
peu
sa
version
littéraire
d’origine.
Ces
cas
prouvent
bien
que
la
représentation
théâtrale
n’est
pas
toujours
une
simple
réalisation
sur
scène
d’un
ouvrage
dramatique.
Un
spectacle
peut
se
servir
d’un
texte
tiré
de
plusieurs
ouvrages,
dramatiques
ou
non,
d’un
texte
remanié
par
les
réalisateurs,
d’un
texte
étranger
à
la
littérature
dramatique,
ou
se
passer
de
textes.
En
conclusion,
on
peut
dire
que
la
littérature
et
le
spectacle
constituent
deux
domaines
de
l’art
distincts,
mais
en
corrélation
manifeste.
La
littérature
se
situe
dans
le
champ
des
arts
temporels,
mais
présente
un
prolongement
dans
le
corps
de
l’art
du
spectacle
(art
spatio-‐temporel)
:
c’est
la
littérature
communiquée
dans
le
cadre
d’une
manifestation
spectaculaire.