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1 L’auteur est professeur à l’Université Catholique de Louvain, IAG, Place des Doyens,
B-1348 Louvain-la-Neuve, Belgique (deronge@fin.ucl.ac.be). Il remercie le professeur
Maurice Gosselin de l’Université Laval pour ses conseils de même que le Directeur de Finé-
co, le professeur Guy Charest, pour son appui éditorial.
Une analyse succincte des attentes de la firme par rapport à ses systèmes
d’information est présentée à la section II qui suit. Brièvement, elle couvre l’évo-
lution des systèmes d’information depuis les années cinquante et explicite les
besoins d’aujourd’hui en la matière. Dans la section III, on décrit la nature des ERP
et on donne des raisons pour leur adoption. À la section IV, on définit le cadre
d’analyse d’impact des ERP. La section V décrit l’implantation des ERG avec ses
phases et ses exigences pour la firme. Une première synthèse de cas d’implantation
d’ERP est donnée à la section VI. On élabore sur les impacts organisationnels des
ERP à la section VII avant d’en cerner l’impact sur le contrôle de gestion dans la
firme à la section VIII. On conclut à la section IX.
2 Au point que le contrôleur de gestion prend souvent le titre de Chief Information Officer.
seulement en revenus et coûts; (2) une concurrence accrue aussi via la dérèglemen-
tation de pans entiers de l’économie; et (3) un rythme constamment en hausse de
l’innovation technologique qui raccourcit la durée du cycle de vie des produits et
décloisonnent les industries, les services, voire les technologies.
Les nouvelles réalités juste évoquées ont forcé les structures organisation-
nelles à s’adapter, en particulier face à l’orientation client de plus en plus retenue.
Child (1987) a bien vu comment les NTIC peuvent aider la firme à relever ses nou-
veaux défis stratégiques, les principaux étant: (1) faire face au risque lié à une
demande très fluctuante; (2) gérer un risque d’innovation amplifié par le rythme
croissant des changements technologiques; et (3) contrôler le risque d’inefficience
dû à une concurrence accrue centrée sur le contrôle et la réduction des coûts.
Face à ces défis, les solutions informatiques issues des systèmes d’informa-
tion cloisonnés par fonction ont montré leurs limites vers la fin des années 80, des
symptômes majeurs en témoignant. Premièrement, plusieurs grandes firmes per-
daient alors le contrôle sur leurs coûts d’informatique. Leur solution provisoire a
été d’externaliser, en partie ou totalité, leurs systèmes, voire leur département,
d’informatique, ou de mettre ce dernier en concurrence systématique avec des
sociétés externes apparentées. Deuxièmement, l’adoption d’une orientation client
et l’accent mis sur les processus de gestion transversaux aux fonctions ont créé des
besoins débordants d’information de gestion. Les systèmes d’information, trop
cloisonnés, ne suffisaient pas à les combler, même avec des interfaces nombreuses
et complexes. Le réencodage manuel des mêmes données en divers points de la
firme se multipliait en toute inefficience. Troisièmement, la croissance via groupe-
ment de bien des firmes multipliait les systèmes informatiques propriétaires et les
difficultés de communication. Comme exemples, citons Chevron qui, après absorp-
tion de Gulf, disposait de 200 systèmes informatiques distincts (Sandoe et al.,
2001) et Electrabel, résultat de fusions entre trois producteurs belges d’électricité,
qui héritait de 43 systèmes différents. Etc.
En bref, avec les années 90, on voit de nombreux dirigeants exprimer leur
insatisfaction face aux solutions informatiques disponibles. Leurs attentes, toujours
valides, veulent que les systèmes d’information permettent:
- d’organiser l’intégration des flux d’information entre les unités qui intervien-
nent en succession, ou conjointement, dans un même processus transversal de
gestion; la mise au point d’un système d’information en support du fonction-
nement des processus transversaux aux organisations est certainement la
priorité;
Notons que le souci de réorganisation lié à l’implantation d’un ERP est une
raison peu citée par les firmes répondantes. Selon diverses études (Besson, 1999;
Besson et Rowe, 2001), l’implantation d’un ERP se révèle plus complexe que
prévu et les résultats attendus se concrétisent difficilement. Notre intérêt ci-dessous
est d’y voir plus clair certes, mais également d’entrevoir l’impact que l’implanta-
tion d’un ERP peut avoir sur le contrôle de gestion dans la firme.
Dans notre analyse d’impact des ERP, nous avons besoin d’assises
théoriques. Pour les établir, nous positionnons l’ERP par rapport aux trois niveaux
de contrôle classiques adoptés depuis l’apport séminal d’Anthony (1965), à savoir:
contrôle ou planification stratégique, contrôle de gestion et contrôle opérationnel.
Puis, nous puisons dans les théories concurrentes quant à l’impact sur la firme des
NTIC avant d’adopter une perspective d’analyse dite contingente.
Selon Anthony (1965) et les travaux dans son sillage (Anthony et al., 1985;
Anthony et Govindarajan, 1998; etc.), le contrôle organisationnel s’exerce à trois
niveaux: la stratégie, la gestion et les opérations. Plus précisément, on a: (1) le pro-
cessus de planification stratégique qui consiste à décider des buts de l’organisation
et des stratégies pour les atteindre; son orientation est à long terme et centrée sur
les évolutions dans l’environnement externe; (2) le processus de contrôle de gestion
par lequel les manageurs utilisent leur influence pour mettre en oeuvre les stratégies
de l’organisation; ce processus doit assurer la cohérence entre la stratégie et le quo-
tidien des actions du personnel; il définit aussi les modalités pour que le contrôle
opérationnel soit cohérent avec les objectifs stratégiques retenus; et (3) le processus
de contrôle opérationnel ayant pour effet visé que les tâches spécifiques s’accom-
plissent, au jour le jour, avec efficience et efficacité.
théoriciens. Markus et Robey (1988) distinguent trois visions du lien causal entre
les TI et le changement organisationnel:
(1) L’impératif technologique. Ici la technologie agirait comme une force exogène
qui conditionnerait le comportement des individus et des organisations. Selon
cette vision, plus de TI causerait plus de centralisation. Or, l’évidence empiri-
que qui s’accumule depuis l’évaluation critique de Robey (1977) ne semble pas
beaucoup soutenir cette prédiction: dans un environnement d’incertitude (et
c’est notre monde) les TI favoriseraient plutôt la décentralisation.
(3) La vision d’un impact imprévisible. Ici, selon Markus et Robey (1988: 588),
“les usages et les conséquences des technologies de l’information émergent de
façon imprévisible d’interactions sociales complexes”. La technologie peut
créer du changement organisationnel mais, avant de l’implanter, on ne peut
prédire sa forme.
Quant à notre perspective, elle est dite contingente. Comme vision, elle
s’avère assez proche parente de l’impératif organisationnel voulant que les
systèmes de contrôle répondent aux besoins de l’organisation, qu’ils soient straté-
giques, structurels, culturels, technologiques ou autres. L’hypothèse est faite que
les progiciels de gestion vont influer sur les firmes en fonction de variables contin-
gentes comme la stratégie choisie ou la structure organisationnelle mise en place.
Dans cette phase initiale, la firme précise les besoins à combler par ses
systèmes d’information et analyse les solutions offertes sur le marché selon des
critères d’adéquation pertinents. On répète que les facteurs problématiques à ce
stade résident dans:
Dans le premier des trois cas déjà mentionnés, il s’agit, au départ, d’une mul-
tinationale décentralisée où les filiales ont l’autonomie de développer leurs systè-
mes d’information et de choisir leurs solutions informatiques. La production y est
la fonction dominante jusqu’au tournant des années 90, alors qu’une concurrence
accrue et une crise financière viennent modifier la stratégie de la multinationale et
augmenter l’importance des fonctions marketing et finance. Et avec la stratégie
modifiée s’inscrit l’implantation graduelle d’un ERP commun aux filiales du
groupe. Pour plus ample description, lire de Rongé et Cerrada (1996).
Dans le cas de la PME, sa direction change au milieu des années 90. Une
équipe rajeunie hérite d’une firme traditionnelle où les systèmes d’information et
les solutions informatiques sont peu développées, au point où, par exemple, le cal-
cul mensuel des coûts de revient se fait à la main. Ici, l’étude d’implantation d’un
ERP s’engage dans la perspective de moderniser la gestion de la PME.
Lorsqu’une solution ERP a été retenue, la phase importante qui suit comporte
une analyse à double volet des processus de gestion: (1) une analyse visant à com-
prendre pleinement le fonctionnement des processus organisationnels et à identifier
ses problèmes en termes de temps perdu, de duplication des tâches, d’inefficiences,
etc.; (2) une analyse détaillée des systèmes d’information en place.
Pour la PME, l’analyse révéla que la plupart de ses processus (de production,
de contrôle de qualité, de ventes, de comptabilité, de finance, etc.) étaient insuf-
fisamment documentés, le savoir résidant surtout dans la tête de ses employés.
Quant à l’université, pour l’essentiel, l’analyse détaillée n’a pu porter que sur cer-
tains processus d’achat et de dépenses.
La plupart des ERP offrent des solutions concurrentes pour organiser les pro-
cessus de gestion. Elles correspondent à des pratiques reconnues dans l’industrie.
Or, il est crucial que, pour chaque processus à informatiser: (1) l’on sache bien
choisir entre les solutions contenues dans l’ERP; et (2) que l’on puisse particu-
lariser les modules en fonction des besoins spécifiques. Il faut préciser, cependant,
que cette particularisation est très coûteuse: programmation à langage spécifique
nécessitant des consultants, reprogrammation due à la nécessité, par exemple,
d’accéder à de nouvelles fonctionnalités (comme l’accès à l’Internet); etc. Dans la
pratique, trois solutions semblent émerger: (a) pour chaque processus de gestion,
retenir une solution préexistante dans le progiciel retenu, car il est plus économique
d’adapter un processus de l’organisation au progiciel que faire le contraire: (b) dis-
tinguer entre les processus compatibles avec une solution standard comprise dans
l’ERP et ceux qui nécessitent des particularisations modulaires; (c) catégoriser
aussi les processus de gestion entre: (1) ceux qui se conforment à une solution stan-
dard de l’ERP; (2) les processus particularisés intégrés au sein de l’ERP; et (3) ceux
qu’on gardera à part par souci stratégique (pour préserver un avantage concurren-
tiel, par exemple).
Par ailleurs, le degré d’autonomie laissée aux filiales mène à deux formes
d’intégration des systèmes d’information: (1) une intégration verticale si l’implan-
tation d’un ERP est une décision du groupe comme dans notre cas de
multinationale; et (2) une intégration horizontale lorsque c’est une filiale locale qui
implante l’ERP, comme dans notre cas de PME.
Les expériences étudiées indiquent également que pour implanter avec suc-
cès un ERP, il faut obtenir le support continu de la direction générale, une forte
implication des utilisateurs des systèmes d’information et l’assurance que l’opéra-
tion est menée par des professionnels, tant internes qu’externes. Il faut aussi définir
clairement le rôle des consultants en tout équilibre avec celui de l’équipe interne.
Le choix par la firme d’un ERP comme progiciel pour soutenir son système
d’information soulève diverses questions sur le plan de ses stratégies. Quel est,
pour la firme, l’impact potentiel du progiciel en termes d’avantages concurrentiels
(actuels et potentiels) et d’extension de ses capacités stratégiques? Quelle influence
aura-t-il sur sa structure de coûts? Et qu’advient-il des choix des concurrents en
matière d’ERP? Et des solutions informatiques retenues chez les clients et fournis-
seurs? Ont-ils implanté une solution ERP avec quel impact sur nos relations d’affai-
res? Etc.
taille reste libre de construire son système d’information en fonction de ses besoins
spécifiques.
Le premier impact important d’un ERP central est qu’il impose une vision
processus de l’organisation. Il lie, et donc intègre, divers processus et fonctions de
gestion. L’ampleur de l’intégration dépendra des choix stratégiques quant au nom-
bre de processus inclus dans l’ERP et quant à la structure des centres de respon-
sabilité. Les modules retenus traduisent la manière dont les firmes rassemblent
leurs activités en processus de gestion. L’ERP va donc permettre de mesurer la per-
formance des processus et renforce ainsi la vision processus par rappport à la vision
fonctionnelle classique.
Notons que cette vision processus de l’ERP semble compatible avec la vision
sous-jacente au modèle de contrôle par activité de type ABC. Toutefois, les
premières versions de l’ERP de SAP, par exemple, ne facilitaient pas l’instauration
d’un contrôle de type ABC. Granlund et Malmi (2000) estiment que les firmes
ayant adopté l’ABC avant d’implanter un ERP ne l’ont pas intégré dans l’ERP et
l’utilisent en parallèle.
Notons aussi que si la firme choisit d’implanter l’ensemble des modules d’un
ERP, elle en obtient d’ordinaire une intégration essentiellement financière. En
effet, toutes les transactions liées aux fonctions intégrées dans l’ERP (production,
achats, ventes, effectifs, etc.) ayant un quelconque impact sur les flux financiers
vont se répercuter dans les modules de comptabilité tant financière que de gestion.
Et toutes les déviations (erreurs ou inexactitudes) dans la traduction des processus
de gestion dans l’ERP vont faire apparaître des déviations dans le module de
comptabilité financière. Ainsi, l’information transactionnelle saisie dans les mo-
dules et celle traduisant son impact sur les flux financiers se déversent en entonnoir
dans le module de comptabilité financière. Il s’ensuit que l’ERP centrée sur la
comptabilité financière a plusieurs conséquences: (1) il permet de traduire avec
grande transparence la performance économique et financière des fonctions qui lui
sont intégrées; (2) la standardisation et l’intégration y adoptent un langage surtout
comptable et financier; (3) les financiers et contrôleurs y trouvent plus de pouvoir;
etc.
Une fois l’ERP implanté, les contrôleurs de gestion jouent d’ordinaire un rôle
important de maintenance et d’adaptation de l’ERP du fait qu’ils sont en charge des
bases de données sous-jacentes. Il apparaît également que leur rôle dépend avant
tout de la stratégie d’implantation de l’ERP. En effet, une stratégie centralisatrice
appelle naturellement une centralisation complète des fonctions de comptabilité, de
finance, de contrôle et d’audit au sein d’un centre de services partagés. Une
stratégie fédéraliste, où seuls quelques processus sont communs aux entités, mène
à une autre organisation en matière de finance et de contrôle, avec à la fois un
département central et des contrôleurs agissant au niveau des entités.
IX. CONCLUSION
Les études (de cas ou autres) sur le contrôle de gestion en contexte ERP ne
sont pas très nombreuses. Il en ressort néanmoins quelques conclusions.
(1) Il est primordial que l’organisation définisse avec soin un système de contrôle
bien adapté à ses choix stratégiques et structurels, ceux-ci se voyant confirmés
au fil de l’implantation de l’ERP; il résulte de tels choix une certaine diversité
d’implantations ERP dans la pratique; or, cette diversité se manifeste dans le
nombre de modules retenus et dans les façons d’adapter des processus ERP
standards ou de les particulariser selon ses besoins.
(3) Il faut pouvoir compter sur les qualités et compétences qu’exige l’ERP. Le
comptable de gestion va créer de la valeur pour l’entreprise dans la mesure où
son analyse des chiffres produits par le système permet à la firme d’améliorer
ses décisions, son contrôle et sa gestion des risques.
(4) Il est crucial, en contexte ERP, d’investir suffisamment pour s’assurer que son
personnel a la formation requise et peut gérer la transition.
BIBLIOGRAPHIE
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Davenport, T., 2000, Mission Critical: Realizing the Promise of Enterprise Sys-
tems, Harvard Business School Press.
SUMMARY
Finally, the author examines how the strategy and structure of the firm relate
to an ERP system. His synthesis of various case studies reveals that the ERP solu-
tions chosen by firms evolve during their implementation so as to adapt to both
their strategy and structure. He finds, namely that: the controlling role within firms
with an ERP system is gradually changing, from information producer to informa-
tion analyst; and the main changes brought to the management control function by
an ERP system implementation deserve additional research.