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Abdelilah EL ATTAR
Enseignant chercheur
Laboratoire « Economie et Management des Organisations »
Faculté des Sciences Juridiques Économiques et Sociales
Université M. Premier Oujda, Maroc
attarabdo@gmail.com
Résumé :
Si le monde financier a connu des turbulences durant ces dernières années,
la crise financière qui a duré entre 0117 à 0114 était l’une des crises les plus
critiques. En effet, nombreux ont été les chercheurs qui l’ont assimilé au fameux
crash boursier de 1929.
Cette crise a levé le voile sur des pratiques très dangereuses des
composantes du tissu financier, ayant profité d’une réglementation très clémente.
L’imprudence des banques dans leur recherche de rentabilité a engendré des crises
successives, alors que la perte de confiance liée à la stratégie des banques a touché
à la fois les investisseurs et les clients.
C’est dans ce contexte que l’accord Bâle III a vu le jour, dans le but de
remplir les gaps ayant favorisé la crise financière, et réguler les excès tout en
diminuant les prises de risques dans un système où tous les acteurs sont
interdépendants.
Pour prévenir d’autres crises financière, Bâle III apporte un ensemble de
nouveautés, parmi lesquelles on pourrait recenser : l’augmentation des fonds
propres des banques, l’instauration d’une limite des actifs des banques par rapport
à leurs fonds propres, ratio de levier, ratios de liquidité , etc.
Mais, si les spécialistes estiment que les nouvelles mesures prudentielles
de Bâle III pourront avoir un impact bénéfique sur les banques conventionnelles,
celui sur les banques islamiques est loin d’être le même. Ceci émane du fait que les
principes fondateurs de la finance islamique causent des différences structurelles
avec la finance classique, notamment en matière des risques auxquels doit faire
face chaque banque.
Ceci dit, ce sujet évoque plusieurs questions, parmi lesquelles on peut
noter :
De part leurs structures qui diffèrent des banques classiques, comment les
banques islamiques vont être impactées ? et quels efforts doivent être
fournis pour être conformes?
Est-ce que le nouvel accord de Bâle III serait bénéfique ou pénalisant pour
les banques islamiques ?
Est-ce que les recommandations prudentielles de Bâle III ont un sens pour
une finance dont la structure des risques reste très différente de celle de sa
consœur classique ? Quels sont les risques auxquels doivent faire face les
banques islamiques et qui ne sont pas couverts par les recommandations
prudentielles des accords de Bâle III ?
Introduction
Le 20ème et le 21ème siècle ont connu des crises financière importantes, qui
ont causé des dégâts considérables dans le secteur réel. La « Crise des subprimes »,
en constitue l’une des plus récentes et des plus critiques. Celle-ci a été déclenchée
en 2007 par le marché financier des Etats Unis, pour se répandre dans le monde
entier. Elle a démontré la fragilité du système financier, en dépit des diverses
mesures prudentielles mises en place, notamment via les accords de Bâle.
Cette crise a vu nombre d’établissements ne devoir leur salut qu’à
intervention de la force publique. A travers des aides financières, des fonds
étatiques pour le rachat des actifs douteux, des prêts aux banques en difficulté, et
même à travers la nationalisation afin d’éviter la faillite, toutes les puissances du
monde économique se sont vues contraintes de mettre en place des plans afin de
sauver le système bancaire et financier, largement touché. Ceci dit, la crise des
subprimes a causé un montant total de perte estimé à 500 milliards de dollars de
perte et à 300 milliards de dollars de recapitalisation.
Le Comité de Bâle, après avoir analysé le déroulement de cette crise, a
déclaré dans son rapport intitulé “Réponse du Comité de Bâle à la crise financière :
Rapport au Groupe des Vingt “ : « La profondeur et l’ampleur de la crise ont été
accentuées par les déficiences qui caractérisaient le secteur bancaire, comme par
exemple un endettement excessif, l’inadéquation et la qualité médiocre des fonds
propres ainsi que l’insuffisance des volants de liquidité »1. Et c’est dans ce sens que
le comité Bâle a mis à jour ses règles prudentielles dans sa nouvelle version
intitulée Bâle III, pour les fortifier encore plus, en tirant des leçons des faiblesses
qui ont été observées lors de la crise de 2007.
Pour les banques islamiques, l’impact est loin d’être le même: En effet,
plusieurs articles et recherches démontrent le fait que les composantes islamiques
ont été moins touchées par la crise financière des subprimes. C’est ce que confirme
le professeur Rifaat Ahmed Abdel Karim, secrétaire général de l’IFSB2, en déclarant
: “… la crise mondiale a mis en évidence la force des méthodes bancaires et
financières islamiques, où les règles compatibles à la Sharia régissent le modèle
d’affaire, le comportement et les pratiques des banques islamiques et des sociétés
financières »3. Monsieur Rasheed al-Maraj gouverneur de la banque centrale d’AL
BAHREIN ajoute : « Les banques islamiques ont été largement à l'abri de la crise
hypothécaire américaine, ce qui peut même ouvrir les portes de l'expansion au-delà
1
Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, Réponse du Comité de Bâle à la crise financière :
Rapport au Groupe des Vingt, Octobre 2010
2
Islamic Financial Services Board
3
Gabriel Chen , Islamic banks have weathered sub-prime crisis well: Regulators,
http://business.asiaone.com/
Ratio de Cook ≥ 8%
4
Mohammed Abbas, Islamic Banks Shielded from Subprime, Février 2008,
www.Reuters.com
II. Bâle III, pour une meilleure gestion des risques bancaire :
Face à l’insuffisance du cadre réglementaire qui a été mis en place par le
Comité de Bâle II, la crise de 2007 a mis en exergue un ensemble de pratiques
bancaires très risquées. Ceci a amené le Comité de Bâle III à mettre à jour les règles
prudentielles de Bâle II, pour les fortifier encore plus, en tirant des leçons des
faiblesses qui ont été observées lors de la crise de 2007.
Les principales nouveautés de Bâle ont été notamment:
En renforçant des fonds propres
o En améliorant la qualité des fonds via la redéfinition des
composantes Tier 1 et Tier 2 et la suppression de T3.
o En relevant les seuils des ratios
o En introduisant un « volant de conservation » qui s’ajoute au seuil
minimum de 8%, à construire par les banques durant les périodes
propices pour faire face aux périodes de crises.
Introduction d’un « coussin contra-cyclique », dont l’objectif est de
permettre aux régulateurs locaux d’imposer des réserves, qui
s’ajoutent aux volant de conservation, selon les conjonctures
économiques locales. Ce coussin contra-cyclique doit être construit
durant les périodes de croissance positive des banques.
Instauration de deux ratios de liquidité
o le « liquidity coverage ratio » (LCR), ratio à court terme,
obligeant les banques à garder en permanence un stock
Nouveautés Bâle
III
PILIER I : Exigences Ratios de Ratio d’effet PILIER II : PILIER III :
en fonds propres liquidité de levier Procédure de Discipline de
surveillance de la marché
gestion des fonds
Tier1 propres
LCR
Capital
Tier2 NSFR
APR
Solvabilité
Introduit par Bâle III
Ratios
Volant de
conservation
Volant contra-cyclique
Tier 1 + Tier 2
≥ 10,5%
Risques
Crédit Marché Opérationnel
s s
75% 5% 20%
Figure 3 : Nouveau ratio de solvabilité bancaire
5
BÂLE III : Décryptage, impacts et limites des nouvelles exigences réglementaires, Aurexia
Conseil, Juillet 2011
Ratio CET1 : calculé sur la base de la composante CET 1 ramené aux actifs
pondérés des risques. Ce ratio passe de 2 % (Core Tier 1) à 4,5 %.
Ratio Tier 1 : calculé en divisant Tier 1 par actifs pondérés des risques. Ce
ratio a été augmenté de 4 % à 6 %.
Volant de conservation : Une nouvelle réserve que doit constituer les
banques durant les périodes propices, pour faire face aux situations de
crise. Il a été établi à 2.5% des actifs pondérés des risques.
Bâle III ajoute un 5ème ratio, appelé volant contra-cyclique, qu’il laisse le
soin de définir aux autorités locales de réglementation, en tenant compte de la
conjoncture économique. Ce ratio doit être établi entre 0 et 2,5 % des actifs
pondérés des risques.
Il est à signaler que le déploiement de ces nouvelles exigences est prévu
d’une manière progressive entre 0186 et 0184.
Bâle 3
13 Volant Contra-
Bâle 2 % cyclique
10,5
% Volant de
8% conservation
Tier 2
8%
Tier 2
6
Tier 1
4% %
Tier 1 4,5%
2%
Composante dure
Composante
CET1
dure (Core
Tier1)
Figure 4 : comparaison entre les seuils minimums des ratios
réglementaires de Bâle II et Bâle III
La mise en place de ces mesures obligera les banques à faire des efforts
considérables, surtout en termes d’alignement en matière de fond propres. En
effet, ces recommandations constituent un vrai défi pour les banques vu que celles-
ci sont contraintes de revoir la composition de leurs fonds propres, et de recalculer
les ratios sur la base des nouvelles définitions.
I.3 Impact des nouvelles exigences des fonds propres
I.3.1 Nouvelles composantes des fonds propres et impact sur les banques
conventionnelles et les banques islamiques.
Cas des banques conventionnelles :
Dans une étude réalisée par le FMI6, qui s’est basée sur un échantillon de
62 banques de type LCFI7 (institutions financières larges et complexes), l’impact de
la nouvelle redéfinition de Bâle III du Core Tier 1 (CET 1) est très considérable : en
effet 24 % en moyenne du capital qui y figuraient à fin 2009 seront retranchés par
les nouvelles exigences pour l’ensemble de l’échantillon, laissant simplement 78 %
de capital valable. Ce taux varie en fonction du pays, mais aussi du type de la
banque (banque universelle, banque commerciale, banque d’investissement)
6
Impact of Regulatory Reforms on Large and Complex Financial Institutions, Novembre
2012
7
Large and complex financial institutions
8
Handbook of Islamic banking, Habib Ahmed and Tariqullah Khan, page 102
9
ibid.
10
Implications of Basel III On Islamic Banks, conférence international en Excellence
Business, Shariquah mai 2012
39,07
28,45 29,5
20,01 21,6 23,86
17,59 17,28 17,74 17,54 18,6
13,98 14,75 14,9
10,08
8
11
Graphique réalisé sur la base des données récoltées par l’étude citée avant
38,33
26,84 28,7
17,07 21,15 21,13 20,08
15,33 13,14 12,95 14,07 14,34 13,92 15,56
8,78
6
4,5
Ceci nous amène à affirmer qu’en plus de voir leur composition de fonds
propres rester la même, les banques islamiques vont bénéficier du fait que les
banques conventionnelles vont être pénalisées par l’application de ces nouvelles
exigences. L’application de ces exigences implique pour les banques
conventionnelles moins de profit à distribuer, et plus de réserves à constituer, ce
qui donnera une occasion aux banques islamiques d’être plus compétitive en
matière de profitabilité.
Tier 1
CET1 + T1 complémentaire
≥ 3%
Expositions
Bilan Hors Bilan
12
http://www.misys.com/misysblog/2012/q2/basel-iii-leverage-ratio-causes-concern.aspx
13
Recherche de Morgan Stanley sur les banques Qataries - 11/2011
14
Source : http://www.kamconline.com/NewsDetails.aspx?newsId=43754&language=en
15
Source : Natixis , Falsh Economics, Num 256, Avril 2012
≥ 100%
Sorties nettes de trésorerie sur une
période de 30 jours
le « Net Stable Funding Ratio » (NSFR), ratio moyen terme, vise à
permettre aux banques de résister à un an de situation de crise
Ressources stables à 1 an
≥ 100%
Besoins de financement à 1 an
L’application de ces ratios serait un défi pour les banques islamiques, qui
doivent faire preuve d’innovation en matière de produits financiers s à court terme.
Mais cela pourrait aussi démontrer que les accords de Bâle restent des accords
conçus spécialement pour les banques classiques.
L’effort d’adaptation des banques doit être fait dans un cadre qui respecte les
particularités des banques islamiques. La réglementation de Bâle, ne doit pas être
appliquée d’une manière aveugle, mais adaptée aux réels besoins d’une des
banques islamiques.
le client désigne un bien désiré pour achat par la banque avant d’être
racheté une deuxième fois par le client. Ceci dit, le prix du bien pourrait
augmenter après que la promesse d’achat a été établie entre le client est la
banque.
• Risque de non-conformité à la Shariah : Risque important au regard des
banques islamiques, vu que tout le contrat risque d’être illicite tout comme
les profits qui en résultent.
Ces risques étant en grande partie inconnus pour les banques classiques, Bâle
III ne permet pas de fournir des mesures permettant aux banques islamiques d’y
faire face. Ceci a poussé les autorités locales et les banques, à innover en termes
de moyens pour limiter ou alléger ces risques. Comme exemple, on peut citer les
techniques bancaires pour lisser la rentabilité des Comptes d’Investissements
Participatifs (CIP), en réduisant leurs part de profit pour augmenter celle des
déposants, ou constituer des réserves (PER: profit equalization reserve et IRR :
investment risk reserve).
D’autres tentatives plus radicales, ont été menées par des organismes
internationaux, pour mettre en place un cadre réglementaire similaire à celui de
Bâle pour les banques islamiques. L’adaptation faite de Bâle II par l’IFSB en est le
parfait exemple.
17
Islamic Finance Services Board
Tier 1 + Tier 2
18
IFSB, CAPITAL ADEQUACY STANDARD FOR INSTITUTIONS, Décembre 2005.
Bibliographie :
1. Analysis of GCC Banks’ Loan Portfolio & Deposit Base-Report, KAMCO, Février 2010
2. Applying the IFSB Basel II Framework to ensure a bank’s Capital adequacy, Simon
Gray, Mars 2009
3. Bâle 3 en 5 questions, Finance Watch, Mai 2012
4. Bâle III : Décryptage, impacts et limites des nouvelles exigences réglementaires,
Aurexia Conseil, Juillet 2011
5. Bâle III : dispositif réglementaire mondial visant à renforcer la résilience des
établissements et systèmes bancaires, Comité de Bâle sur le contrôle bancaire,
Décembre 2010 révisé en juin 2011
6. Bâle III : Les impacts à anticiper, KPMG, mars2011
7. Bâle III: Présentation et impacts attendus, CHAPPUIS HALDER
8. Basel III: Impacts on the IIFS and the Role of the IFSB, Abdullah Haron, Mai 2012
9. Capital adequacy standard for institutions (other than insurance institutions)
offering only islamic financial services, IFSB, Décembre 2005
10. Capital adequacy standard for institutions, IFSB, Décembre 2005.
11. Convergence internationale de la mesure et des normes de fonds propres, Comité
de Bâle sur le contrôle bancaire, Juin 2006,
12. En route vers Bâle III, ALGOFI
13. Falsh Economics, N° 256, Natixis, Avril 2012
14. Handbook of Islamic banking, Habib Ahmed and Tariqullah Khan, page 102
15. Impact of Regulatory Reforms on Large and Complex Financial Institutions,
International Monetary Fund, Novembre 2012
16. Implications of Basel III On Islamic Banks, conférence international en Excellence
Business, Shariquah, mai 2012
17. ISLAMIC BANKING IN THE MENA REGION, SALMAN SYED ALI, Février 2011
18. Islamic banks have weathered sub-prime crisis well: Regulators,
http://business.asiaone.com/, Gabriel Chen,
19. Islamic Banks Shielded from Subprime, Mohammed Abbas, Février 2008,
www.Reuters.com
20. Présentation du nouvel accord de bale sur les fonds propres. Hamza Fekir, Mai
2009
21. Qatar National Bank, Morgan Stanley, Novembre 2011
22. Réponse du Comité de Bâle à la crise financière : Rapport au Groupe des Vingt,
Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, Octobre 2010
23. Results of the Basel III monitoring exercise as of 30 June 2011, Comité de
supervision bancaire de Bâle, Avril 2012.
24. Revised capital adequacy standard for institutions offering islamic financial services
[excluding islamic insurance (takāful) institutions and islamic collective investment