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Le Siècle d’or, un nouvel âge d’or ?

Survivances d’un mythe


dans les Provinces-Unies du XVIIe siècle
Genève, 31 mai-2 juin 2018

En ce temps, c’était un âge d’or pour l’art ; et les pommes d’or (que l’on ne trouve qu’avec
difficulté aujourd’hui, par des chemins difficiles et à la sueur de son front) tombaient d’elles-
mêmes dans la bouche des artistes.
Arnold Houbraken, De groote schouburgh der nederlantsche konstschilders en schilderessen,
1718-17211

E N 1719, le peintre Arnold Houbraken semble regretter la prospérité qui


prévalait dans les Provinces-Unies du milieu du XVIIe siècle. Pour
qualifier cette période favorable aux artistes, il parle d’un « âge d’or pour
l’art » (Gulde Eeuw voor de Konst). Mais de quoi parle-t-il exactement ? Le mot
eeuw est ambigu : il peut aussi bien désigner la durée d’un « siècle » que
celle, indéterminée, d’une période de temps relativement longue et
historiquement indéfinie. Dès le XVIe siècle, les expressions gulde(n) eeuw ou
goude(n) eeuw désignent ainsi deux réalités que nous aurions tendance à
distinguer aujourd’hui2 : le « siècle d’or », c’est-à-dire une période qui relève
de l’histoire ; et l’« âge d’or », cette époque mythique placée sous le règne de
Saturne durant laquelle les hommes et les femmes vivaient comme les dieux
et aimés par eux, dans la paix et le bonheur et en harmonie avec la nature.
À la suite d’Hésiode, de Virgile et d’Ovide, les premiers auteurs de la
Renaissance qui ont fait appel au mythe de l’âge d’or l’ont présenté comme
le modèle d’une société idéale 3 . C’est le cas également de la jeune
République des Provinces-Unies. Dès le XVIe siècle, ses artistes expriment le
souhait de faire revivre l’âge d’or des anciens. Cette réactivation mythique
prend parfois la forme d’une légitimation des événements historiques :
Les Pays-Bas commencent de longue date à croître, à fleurir, et c’est alors que commence ce
siècle d’or (goude tijdt) où nos ancêtres ont vécu et que nous avons si longtemps désiré.
C’était le seul moyen de sauver à nouveau ce peuple opprimé : c’est ainsi que les bourgeois
méritent les honneurs éternels ; et c’est ainsi que les seigneurs gagnent les cœurs de leurs
sujets4.

Elle s’apparente aussi volontiers à une justification des choix politiques des
Sept-Provinces. C’est le cas quand, par exemple, Karel van Mander constate
en 1604 qu’il suffit que les « rois » et les « seigneurs » soient « justes et sages
dans les pays qu’ils » gouvernent et que « les hommes » y jouissent « d’une
vie calme, tranquille et joyeuse du fait des bonnes lois et de la droite justice »
LE SIÈCLE D’OR : UN NOUVEL ÂGE D’OR ?

qui y sont « appliquées » pour que l’on puisse parler d’un « âge d’or » (gulden
Eeuwe)5. Mais plus généralement, la référence à l’âge d’or fonctionne comme
un constat. Un an après la signature du cessez-le-feu entre les Provinces-
Unies et l’Espagne, les poètes Dirk Woutersz. Kolenkamp et Jacob van der
Schuere se félicitent ainsi de la nouvelle société prospère dans laquelle ils
vivent : « Ah ! quel âge d’or que celui / qui fleurit ici en notre pays ! […]
L’âge d’or de Saturne semble assurément avoir fait aujourd’hui sa
réapparition6 ».
Au sein de ce que nous pourrions appeler, en suivant en partie Benedict
Anderson (1983) 7 , un imaginaire collectif de l’âge d’or, les historiens, les
philosophes, les juristes et les théologiens mais encore les peintres, les
poètes et les dramaturges ont été mobilisés pour participer à la fabrication de
ce siècle d’or hollandais au XVIIe siècle. C’est à cette fabrication artistique et
visuelle que ce colloque est consacré, le premier organisé dans le cadre du
projet « Un Siècle d’Or ? Repenser la peinture hollandaise du XVIIe siècle »
(2017-2021). Nous y privilégierons quatre ensembles de questions : le mythe,
le temps, l’espace et la société.

1. L’âge d’or et ses mythes

LE PRÉAMBULE de ce colloque sera consacré aux usages et aux fonctions des


mythes dans la construction des imaginaires historiques et politiques dans
l’Europe de la période moderne et, en particulier, dans les Provinces-Unies
du XVIIe siècle. Plusieurs questions seront susceptibles d’être abordées :
§ Qu’est-ce qu’un mythe et, en particulier, un mythe visuel au XVIIe siècle ?
§ Comment en parle-t-on ? quels en sont les domaines d’extension ? les principales théories
(Francis Bacon) ?
§ Quels rôles y jouent les récits mythographiques et notamment ceux qui font une place au
récit de l’âge d’or (Ovide, Vicenzo Cartari, Cesare Ripa, etc.) ?

2. Les temps de l’âge d’or hollandais

À L’ISSUE de ce préambule, trois aspects différents des réinterprétations


hollandaises de l’âge d’or seront abordés. Le premier sera celui des temps du
mythe, c’est-à-dire de la manière dont les Hollandais du XVIIe siècle
conçoivent et construisent le rapport de leur « âge d’or » à celui des anciens.
§ L’âge d’or est-il perçu et construit par les artistes hollandais comme un passé mythique ou
comme un avenir radieux ?
§ Dans le premier cas, s’agit-il d’un rapport nostalgique au passé ? Réactionnaire ?
Révolutionnaire ? Ce « retour » est-il d’ailleurs envisagé comme véritablement possible ?
§ Où se manifeste-t-il le mieux ? Dans la littérature pastorale (Pieter Cornelisz. Hooft, Johan
van Heemskerck) et ses dérivations visuelles (Gerrit van Honthorst, Abraham Bloemaert) ?
Dans les justifications théologiques du « destin » du « peuple de Dieu » qu’expriment
certains poètes (Joost van den Vondel, Claes Jacobsz. Wits, J. Boeckaert), à la suite des
prédicateurs (Jacob Boehme, Johannes Rothe)8 ?
§ Dans le second cas, comment ce discours présentiste se manifeste-t-il dans les textes et les
images ? Et comment l’âge d’or hollandais se distingue-t-il de l’âge d’or antique ?
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LE SIÈCLE D’OR : UN NOUVEL ÂGE D’OR ?

§ Quels rôles y jouent les artistes ou les poètes, dont Johan van Heemskerck associe
explicitement le nom à la construction de l’« âge d’or d’aujourd’hui » (de gulde Eeuw van
heden)9 ?

3. Les espaces de l’âge d’or hollandais

À CE QUESTIONNEMENT sur les temps de l’âge d’or doit s’ajouter une


réflexion sur ses espaces imaginaires. Le mythe de l’âge d’or s’est d’abord
articulé au sein de la littérature mythographique grecque et latine. Ses
paysages ont donc été d’abord associés aux caractéristiques et aux topoi des
paysages idéaux de l’Antiquité classique et de la Méditerranée : le soleil et le
beau temps ; la fertilité extraordinaire des champs et des vergers ; une
humanité vivant en harmonie avec une nature qui lui offre tout10.
§ Cette image de l’âge d’or primitif joue-t-elle un rôle central ? Si c’est le cas, comment les
artistes négocient-ils l’image des villes et des élites urbaines, alors que, dans la tradition de
la pastorale, l’âge d’or est sans cesse opposé aux fausses valeurs de la ville et de la cour11 ?
§ Comment cette image idyllique de la Hollande est-elle articulée à celle des espaces extra-
européens que connaissent et où vivent de nombreux Hollandais, en Amérique du Sud, en
Afrique et en Asie du Sud-Est ? Dans la littérature des explorateurs et des historiens, ces
terres sont souvent comparées à l’âge d’or des premiers temps de l’humanité12 et
représentées par les peintres hollandais (Frans Post) ?
§ Les peintres hollandais, comme les portraitistes (Frans Hals), les paysagistes (Paulus Potter,
Jacob van Ruisdael, Adriaen van de Velde) ou les peintres de la vie quotidienne (Pieter de
Hooch, Jan Steen, Adriaen van Ostade), ne cherchent-ils pas à construire l’image d’un autre
siècle d’or, plus idiosyncrasique et conforme aux réalités sociales, économiques et
climatiques des Provinces-Unies ?
§ Existe-t-il par ailleurs des lieux particulièrement actifs dans la fabrication du mythe de l’âge
d’or – Haarlem ? Utrecht13 ? Amsterdam ?
§ Dans quelle mesure la réalité réaliste ou fantasmée des campagnes occupent-elles une
fonction dans cette construction visuelle de l’innocence – ou de la barbarie (Adriaen van
Ostade, Cornelis Bega, Cornelis Dusart) ?
§ Par ailleurs, alors que l’âge d’or antique se caractérise par la relation harmonieuse avec la
nature qu’entretenaient les premiers hommes, qui vivaient en-dehors du besoin mais se
contentaient de ne consommer que les fruits qui leur étaient offerts, une telle vision d’un
âge d’or brut et végétarien est-elle présente dans la Hollande du XVIIe siècle, où les efforts
pour domestiquer et dominer la nature et profiter au mieux de toutes de ses ressources
paraît souvent mise en scène ?

4. Les sociétés de l’âge d’or hollandais

POSER la question de la nature de l’âge d’or suppose de s’interroger aussi sur


sa culture, c’est-à-dire sur le modèle de société qu’un tel mythe peut – ou
devrait – supporter.
§ Les Hollandais ont-ils défendu une lecture optimiste de l’âge d’or, dans la lignée des
auteurs antiques, mais aussi en compagnie de certains philosophes comme John Locke14 ?
Comment, et à travers quels thèmes ? La joie ? La paix ? L’harmonie avec la nature ? Les
vertus chrétiennes ou sécularisées de pudicité, d’honnêteté et de charité ?
§ Le mythe de ce qu’Ernst Robert Curtius a appelé le « communisme érotique15 » de l’âge
d’or, où « toutes pour touz » vivaient pour « touz pour toutes » (Jean de Meung) 16, et dont

3
LE SIÈCLE D’OR : UN NOUVEL ÂGE D’OR ?

témoignent de nombreux récits de la littérature pastorale17, explique-t-il la place


importante des mises en scène de la séduction sexuelle dans l’art hollandais du XVIIe
siècle ? Ou faut-il, au contraire, y voir les condamnations d’attitudes incompatibles avec
l’avènement d’un âge d’or authentiquement chrétien ?
§ Dans ce cas, ne peut-on pas penser que les Hollandais ont également envisagé une
interprétation plus pessimiste et restrictive de l’âge d’or, à l’image d’Érasme, d’Adriaen van
de Venne ou de Thomas Hobbes18. Se moquent-ils de l’idéalisme naïf de ce primitivisme ?
des prétentions ridicules de l’« âge d’or contemporain » (heden-daegsche Gulde
Eeuwe)19 ? Ou mettent-ils en avant les différentes formes sociales de contrôle et de
canalisation des pulsions des individus ? Quels auraient été alors les moyens
iconographiques, expressifs et formels pour traduire de telles idées ?
§ Comment, en outre, la société égalitaire et sans classes de l’âge d’or peut-elle être
conciliée avec celle de la société fortement stratifiée des Provinces-Unies ?
§ Souvent utilisé dans le cadre des monarchies européennes, comme dans les Pays-Bas
espagnols ou à la cour de Rodolphe II20, le mythe de l’âge d’or est-il par ailleurs adapté aux
structures politiques, intellectuelles et religieuses de la république des Provinces-Unies ?
§ Les peintres choisissent-ils d’éluder ces différences, en mettant par exemple en avant la
mobilité sociale, les lieux de rencontre des différentes couches de la population et les
différentes formes d’espaces publics21 ? Ou proposent-ils, dans la lignée de Platon22, une
réinterprétation hiérarchisée du premier âge d’or, qui ne peut plus être reconduit
autrement que par le biais d’une organisation oligarchique, où la pacification sociale est
décidée par une minorité agissante pour l’entièreté de la collectivité ?
§ Quelle place tiennent l’argent et la richesse matérielle dans cet âge d’or ? L’or ne jouait
paradoxalement aucun rôle dans l’âge d’or antique, puisque la propriété n’y existait pas23.
Cette idée est reprise par Thomas More24 et par de nombreux auteurs opposent l’« amour
pour l’or », qui caractérise les esprits sans foi ni loi, à l’« amour d’or » des âmes
vertueuses25. Comment les peintres néerlandais négocient-ils ce rapport contradictoire à
l’or ?
§ Faut-il retenir l’interprétation proposée par Simon Schama, qui relève une antinomie au
sein de la culture hollandaise du XVIIe siècle entre l’ambition pieuse de la modération et la
réalité d’une accumulation des richesses26 ? Dans ce cas, comment le mythe de l’âge d’or
est-il pris en charge dans cette imagerie paradoxale ? Adriaen van de Venne moque
l’hypocrisie de l’« état de notre heureux âge d’or, débordant et abondant » (« Standt van
onse volle over-vloedighe Geluckige Gulde Eeuwe »), corrompu par la soif de l’or et des
plaisirs immédiats27, comme Johannes Orizant après lui28 ; mais ce n’est pas le cas, plus
d’un demi-siècle plus tard, d’Arnold Houbraken29. Serait-ce donc l’effet d’une idéalisation
rétrospective ?
§ Les Hollandais du XVIIe siècle ont-ils choisi de traduire cette absence primitive de l’or par
d’autres formes de désintéressements ? Le refus des richesses matérielles, comme
l’illustreraient les vanités ou le motto d’Hendrick Goltzius, Eer boven Golt (« L’honneur au-
dessus de l’or ») ? Ou la transformation symbolique de cette richesse par la valorisation
d’un capital plus symbolique et culturel – les arts et les valeurs ?

Propositions

Chaque conférence durera vingt minutes. Les conférences et les discussions


auront lieu en français et en anglais. La connaissance même passive de ces
deux langues est donc conseillée.
Les propositions pour les conférences consisteront en un titre, un résumé
(max. 250 mots), une bibliographie associée au sujet traité et un court

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LE SIÈCLE D’OR : UN NOUVEL ÂGE D’OR ?

curriculum vitae (max. 100 mots) qui seront envoyés à : jan.blanc@unige.ch


avant le 1er octobre 2017.

Organisation

Prof. Jan Blanc (Université de Genève), avec la collaboration de Dr. Marije


Osnabrugge (Université de Genève) et Dr. Léonie Marquaille (Université de
Lausanne), dans le cadre du projet « Un Siècle d’Or ? Repenser la peinture
hollandaise du XVIIe siècle » (2017-2021).

Bibliographie
ANDERSON 1996 : Benedict R. ANDERSON, LEVIN 1970 : Harry LEVIN, The Myth of the
L’Imaginaire national : réflexions sur Golden Age in the Renaissance, Londres,
l’origine et l’essor du nationalisme, Paris, 1970.
1996. LOCKE 1690 : John LOCKE, Two Treatises of
ANONYME 1659 : ANONYME, Trompet of lofrede Government, Londres, 1690.
over den eeuwigen Nederlantschen vrede MELISSEN 1981 : Spiko MELISSEN, « De
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BAER, VAN NIEROP 2015 : Ronni BAER, Henk F. XI, p. 30‑60.
K. VAN NIEROP (éd.), Class Distinctions : MORE 1677 : Thomas MORE, Het onbekent en
Dutch Painting in the Age of Rembrandt wonderlijk eyland Utopia, ontdekt door
and Vermeer, Boston, 2015. Rafaël Hythlodeus, en by t’samenspraeke
CANOVA-GREEN 1993 : Marie-Claude CANOVA- beschreven, Rotterdam, 1677.
GREEN, « Le mythe de l’âge d’or dans les MYARA KELIF 2012 : Elinor MYARA KELIF, « Les
divertissements à la cour des Bourbons et Noces de Pelée et Thétis de Cornelis
des premiers Stuarts », dans Pierre BÉHAR Cornelisz. van Haarlem : une
(éd.), Image et spectacle, Amsterdam, représentation de l’Âge d’Or ? », Rev. Art,
1993, p. 25‑45. CLXXVII, 3, p. 25‑36.
CULLEN 1969 : Patrick CULLEN, « Imitation and ORIZANT 1643 : Johannes ORIZANT, Heraclitvs
Metamorphosis : The Golden-Age beschreyende de weereldt, La Haye, 1643.
Eclogue in Spenser, Milton, and Marvell », OUTREIN 1700 : Johannes d’OUTREIN, Proef-
PMLA, LXXXIV, 6, p. 1559‑1570. stukken van heilige sinne-beelden,
CURTIUS 1990 : Ernst Robert CURTIUS, European Amsterdam, 1700.
Literature and the Latin Middle Ages OVIDE 1588 : OVIDE, Metamorphosis dat is, die
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ÉRASME 1615 : ÉRASME, Moriae encomion, dat Amsterdam, 1588.
is, Eenen Lof der sotheyt., Rotterdam, OVIDE 1657 : OVIDE, Metamorphosis : dat is
1615. Veranderingh, of herscheppingh,
GOUWERACK 1646 : Leonardus GOUWERACK, Rotterdam, 1657.
Erato ; Omhelst van verscheyde Minne- OVIDE 1671 : OVIDE, Herscheppinge,
Deuntjes, Sangh-rijmpjes ende Nieu- Amsterdam, 1671.
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HOBBES 2010 : Thomas HOBBES, Leviathan, or, Leyde, 1678.
The Matter, Forme, & Power of a ROSENTHAL 2003 : Lisa ROSENTHAL, « Political
Common-Wealth Ecclesiasticall and Civill, and painterly virtue in Cornelis Cornelisz.
New Haven, 2010. van Haarlem’s Wedding of Peleus and
HOUBRAKEN 1976 : Arnold HOUBRAKEN, De Thetis for the Haarlem Prinsenhof », Ned.
groote schouburgh der nederlantsche Kunsthist. Jaarb., LIV, p. 173‑201.
konstschilders en schilderessen, 3 vol.,
Amsterdam, 1976.

5
LE SIÈCLE D’OR : UN NOUVEL ÂGE D’OR ?

SCHAMA 1991 : Simon SCHAMA, L’Embarras de Antwerpse Landjuweel van 1561,


richesses : une interprétation de la culture Hilversum, 2011.
hollandaise au siècle d’or, Paris, 1991. VANHAELEN, WARD 2013 : Angela VANHAELEN,
VAN DE VENNE 1635 : Adriaen Pietersz VAN DE Joseph P. WARD (éd.), Making Space
VENNE, Tafereel van de belacchende Public in Early Modern Europe.
werelt, en desselfs geluckige eeuwe, goet Performance, Geography, Privacy,
rondt, met by-gevoegde raedsel- Londres, 2013.
spreucken, La Haye, 1635. VIRGILE 1597 : VIRGILE, Bucolica en Georgica,
VAN DEN VONDEL 1927 : Joost VAN DEN VONDEL, dat is, Ossen-stal en Landt-werck P. Virgilii
Werken, 11 vol., Amsterdam, 1927. Maronis, prince der poëten, Haarlem,
VAN HEEMSKERK 1622 : Johan VAN HEEMSKERK, 1597.
Pvb. Ovidii Nasonis Minne-kvnst, gepast VIRGILE 1646 : VIRGILE, Publius Virgilius Maroos
op d’Amsterdamsche vryagien, Wercken, Amsterdam, 1646.
Amsterdam, 1622. VIRGILE 1658 : VIRGILE, Eclogæ, ofte Harders-
VAN HEEMSKERK 1637 : Johan VAN HEEMSKERK, kouten, Hoorn, 1658.
Inleydinghe tot het ontwerp van een VIRGILE 1666 : VIRGILE, De herders-sangen,
Batavische Arcadia, Amsterdam, 1637. Amsterdam, 1666.
VAN MANDER 1604 : Karel VAN MANDER, Het VIRGILE 1688 : VIRGILE, Herders-kóuten en
Schilder-Boeck, Haarlem, 1604. Land-gedichten, midsgaders de XII
VAN MANDER 1610 : Karel VAN MANDER (éd.), boecken van Æneas, Gouda, 1688.
Den Nederduytschen Helicon, Alkmaar, WITS 1649 : Claes Jacobsz WITS, Stichtelijcke
1610. bedenckinge, onledige ledigheyt,
VANDOMMELE 2011 : Jeroen Jos Maarten stichtelijcke tijt-kortinge, Enkhuizen, 1649.
VANDOMMELE, Als in een spiegel : vrede,
kennis en gemeenschap op het

Notes
Karel van Mander (gulden eeuwe),
Johannes Ulaeus et Willem Godschalck
van Focquenbroch (gulden eeuw), l’aurea
aetas peut aussi bien appartenir au mythe
1
« ’T was in dien tyd de Gulde Eeuw voor qu’à l’histoire (VIRGILE 1597, p. 23 ; 1666,
de Konst, en de goude appelen (nu door p. 40). Vondel demeure fidèle à la
akelige wegen en zweet naauw te vinden) traduction qu’il avait proposée pour
dropen den Konstenaars van zelf in den Ovide (gulde tijt), comme Henrick Bruno
mond » (HOUBRAKEN 1976, t. II, p. 243). (gulde tijden) (VIRGILE 1646, p. 11 ; 1658,
2
Dans sa traduction d’Ovide, Johannes p. 19, 21 Seul Dirk Doncker, à notre
Florianus évoque un « monde d’or » connaissance, fait le choix curieux de
(Gulde wereldt) (OVIDE 1588, fo 3r). parler d’une « année d’or » (guldejaar)
Johannes van der Gracht (gulde Eeuw), (VIRGILE 1688, p. 10).
Abraham Valentyn (gulde Eeuw) et 3
HÉSIODE, Les Travaux et les Jours, v. 109-
Johannes d’Outrein (goude eeu) parlent 120 ; OVIDE, Métamorphoses, I, v. 89-129 ;
d’« âge d’or » (OVIDE 1657, p. 5 ; 1671, VIRGILE, Géorgiques, II, v. 533-540 ;
p. 5 ; OUTREIN 1700, p. 413). Joost van den Bucoliques, IV ; Énéide, VI, v. 791-796 ;
Vondel (1587-1679), de son côté, évoque VIII, v. 313-327 ; CALPURNIUS SICULUS,
plutôt une « époque d’or » (goude tijt) Églogues, I, v. 65-180. Sur ce sujet, voir
(OVIDE 1678, t. I, p. 5). La même indécision notamment CULLEN 1969 ; MELISSEN 1981 ;
marque les traductions de Virgile. Pour CANOVA-GREEN 1993.

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LE SIÈCLE D’OR : UN NOUVEL ÂGE D’OR ?

4
« Nederlandt begint, gelijk van oudts, te / Wiens helle glants den glants der ouden
groeien, te bloeien, en de goude tijdt, schier verdooft » (VAN HEEMSKERK 1622,
gaat in, daar onze Voorvaders in leefden, p. 118).
en wy zoo langh naar verlangden. Dit was 10
VIRGILE, Géorgiques, II, v. 149 ; Ovide,
het eenighe middel om de verdrukte Métamorphoses, I, v. 107.
landen weder op te helpen , aldus leggen 11
VAN HEEMSKERK 1622, p. 311.
de burgers een eeuwige eere in : aldus 12
VAN MANDER 1604, fo 110v (Uutlegginghe,
winnen de Heeren de harten hunner en sin-ghevende verclaringhe, op den
onderdanen » (ANONYME 1659, p. 73). Voir Metamorphosis Publij Ovidij Nasonis).
aussi VAN HEEMSKERK 1637, p. 173‑174. 13
ROSENTHAL 2003 ; MYARA KELIF 2012.
5
« Dit can verstaen worden, dat door 14
LOCKE 1690 (A Essay Concerning the True
oprechte wijse Coningen en Heeren, in Original, Extent, and End of Civil
Landen daer sy heerschen, de Menschen Government, II, III, 19) Cet ouvrage est
een gherust, stille, en vrolijck leven aussitôt traduit en français par David
ghenutten, om datter goede Wetten Mazel à Amsterdam sous le titre Du
gheoeffent worden, en onghebogen gouvernement civil, où l’on traite de
gherechticheyt, die by de schaeldrichtighe l’origine, des fondements, de la nature, du
Astrea wort verstaen, gelijck Virgilius in pouvoir, et des fins des sociétés politiques
Pollio t’vierde Boer-liedt verhaelt, en 1691.
segghende : ‘De maeght hercomt nu van 15
CURTIUS 1990, p. 125.
den Hemel neder, / En t’soete rijck Saturni 16
LEVIN 1970, p. 37.
keert oock weder’. Van desen gulden tijdt 17
On peut notamment penser au « paradis
noemde Virgilius Augustum den oorsaker, amoureux » (amoroso paradiso) évoqué
om dat onder zijn heerschen t’volck par le Tasse dans l’Aminta (Torquato
vreedlijck, en in grooter ghenuechte TASSO, Aminta, Milan, Mursia, 1985, v.
onderlinge leefde : daerom seght den 1846), rééditée en italien en 1656, 1678 et
Poeet, datter van melck en honich vlieten 1705 aux Pays-Bas, avant d’être traduite
vloeyden, en honich op den boomen is en néerlandais à plusieurs reprises
ghewassen » (VAN MANDER 1604, fo 3v (Aminta, Herders Bly-eindende Treur-spel,
(Uutlegginghe, en sin-ghevende 1660 ; Amintas, bosch-tonneelspel, 1711 ;
verclaringhe, op den Metamorphosis Amintas : Herderspel, 1715 ; Amintas :
Publij Ovidij Nasonis)). Harderspel, 1722) et en français en 1679 et
6
« Ach, of den gulden tijdt / dus bloeyd’ en 1681 (L’Aminte du Tasse : pastorale).
hier in ons lant6. […] Saturni gulden eeuw’ On peut également évoquer les amours
schijnt nu verschenen wis » (VAN décrites par Giovanni Battista Guarini
MANDER 1610, p. 275). dans Il Pastor fido (1590), dont les
7
ANDERSON 1996. traductions et les imitations néerlandaises
8
VAN DEN VONDEL 1927, t. I, p. 218 (Het sont nombreuses au XVIIe siècle. En-dehors
Pascha ofte De verlossinge der kind’ren de la langue italienne, l’ouvrage de
Israels wt Egypten [1612] 2, 1008) ; Guarini était accessible à travers sa
WITS 1649, p. 357. traduction française (Le Berger fidèle,
9
« So menig minne-Liedt vol viers en pastorale, 1600), rééditée pour faciliter
aerdigheden, / Daer prachtig mede praelt l’apprentissage de la langue italienne (Il
de gulde Eeuw van heden. / Leest maer pastor fido = Le berger fidèle : fait italien
de Liedtjes eens van Breroo’ en van Hooft, et français pour l’utilité de ceux qui

7
LE SIÈCLE D’OR : UN NOUVEL ÂGE D’OR ?

désirent apprendre les deux langues,


1610), par son adaptation par Theodoor
Rodenburg (Anna Rodenburghs trouwen
Batavier. Treur-bly-eynde-spel, 1617) et sa
traduction néerlandaise (Den ghetrouwen
herder : herderliick bly-eyndende
treurspel, 1638), rééditée en 1646, 1650,
1671, 1678, 1695 et 1696.
18
ÉRASME 1615, p. 75 ; VAN DE VENNE 1635 ;
HOBBES 2010, I, xiv. La traduction
néerlandaise du Leviathan par Abraham
van Berkel est publiée à Amsterdam seize
ans après la première édition anglaise
(Leviathan : of van de stoffe, gedaente,
ende magt van de kerckelyke ende
wereltlycke regeeringe, 1667). Elle est
republiée en 1672.
19
VAN DE VENNE 1635, Voor-Beduydsel.
20
VANDOMMELE 2011, p. 109‑132.
21
VANHAELEN, WARD 2013 ; BAER, VAN
NIEROP 2015.
22
LEVIN 1970, p. 13.
23
LUCRÈCE, De la nature des choses, V, v.
1113-1114, 1241, 1423, 1428 ; OVIDE,
Métamorphoses I, v. 141-142 ; SÈNÈQUE,
Lettres à Lucilius, 115, 13. Voir LEVIN 1970,
p. 70.
24
MORE 1677, p. 71‑72, 138‑147.
25
GOUWERACK 1646, p. 69‑73.
26
SCHAMA 1991.
27
VAN DE VENNE 1635, Voor-Beduydsel.
28
ORIZANT 1643, p. 6‑7.
29
HOUBRAKEN 1976, t. II, p. 243.

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