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causes

communes
bimestriel des socialistes
ville de genève

Sexes
et politique
septembre / octobre 2010 20
2 éditorial

Halte aux castrations


de la droite, osons une
caresse de la gauche  !
la rédaction :
Olivia Bessat, Virginie Keller,
Félicien Mazzola, Sylvain Thévoz
illustration aloys

Préliminaires la norme d’affichage convenue et si «  l’on Partouze, modèle socialiste   ?


ne parle pas de ces choses là  », elles sont
Pourquoi ce couple sexes et politique dans Nous avons choisi de donner au sexe une to-
pourtant centrales et fondent aussi les
ce numéro de Causes Communes  ? Est-ce nalité plurielle. SexeS donc en politique, de
discours politiques. La pudeur semble être
la fin de l’été qui annonce une accalmie sur façon à englober les désirs, les fantasmes,
une garantie tacite morale et politique
le front des amours et donne envie de faire les genres et les pluralités d’expression.
de sérieux. N’est-il pas temps de se saisir
le dos rond? Est-ce la rentrée, le sérieux de Sexes donc avec un grand S comme… So-
des sexes pour féconder le politique  ? Les
son calendrier, qui appelle à l’excentricité cialistes. Nous avons invité dans ce nu-
sexes sont partout. Ils s’inscrivent dans le
et à la transgression, à faire remonter ce méro des associations comme 360 degrés,
monde du travail, les rapports familiaux
qui se loge sous la ceinture ? Hétérographe, revue des homolittératures
et éducationnels. Incontournables, à l’ho-
La réponse est oui, et… non. Car l’objectif ou pas :  Voie-F ou F informations. En ef-
rizon du politique ils semblent pourtant
vise avant tout à une réhabilitation des fet, la politique, comme le sexe, ne se pra-
se faire tout petits, même minuscules,
sexes comme enjeu politique et à dénon- tiquent pas en solitaire. Le pouvoir se par-
jusqu’à devenir invisibles. Si la politique
cer les abus qui se nouent dans les corps tage, comme le sexe s’échange. Ce numéro
est sexuelle, n’est-il pas temps de le réaf-
et se prolongent dans les lois. Mai 68 n’a- est un appel humoristique et décalé à une
firmer  ? D’œuvrer pour les droits des mi-
t-il pas été le miracle d’une révolution prise au sérieux des corps dans la création
norités sexuelles  ; pour une critique des
des désirs, qui fut ensuite politique ? Ne d’espaces de partage et de plaisir.
gérontophilies  ?
sommes-nous pas mûrs pour une nouvelle Gerald Allan Cohen (  Pourquoi pas le so-
bouffée de chaleur alors que les années cialisme  ? ) défend l’idée du pique-nique
L’élu-e, un sexe qui s’ignore  ?
SIDA, le sexe virtuel et le politiquement comme modèle socialiste. Une certaine
correct évoquent la peur de l’autre, et le Dans cette part animale qui est la nôtre, gratuité et la générosité dans les actions
bon vieux missionnaire de grand-papa le pouvoir de la représentation n’est-il permettent de mieux vivre que la quête
une forme d’entre-soi  ; l’allergie xéno- pas une ronde amoureuse  ? La beauté des pure de l’intérêt et du rendement maxi-
phobe, un onanisme «dans son sens le plus candidat-e-s à l’élection, une chance sup- mal. Sur le plan des mœurs et des idées
strict ?» N’est-il pas temps de secouer le plémentaire de sélection, et la virilité de aussi, un autre monde est donc possible.
moralisme de droite, d’affirmer un vita- certains une prime à la domination  ? Les Il passe par les sexes, l’affirmation de leur
lisme de gauche pour une politique dési- micros, des godemichés articulés  ? La dou- contenu politique, la renégociation des
rante, désirable, et pluraliste ? ceur, une garantie de séduction  ? Com- genres, et par l’échange ouvert et libre des
ment ordonner ces cadres de référence, désirs de chacun-e.
Sexes partout, politique nulle part  ? les révolutionner aussi  ? Faut-il craindre Halte aux castrations de la droite, osons
que les candidat-e-s au botox et aux im- une caresse de la gauche  !
La politique est inscrite dans les corps et
plants mammaires fortuné-e-s soient plus
dans les langues. Mais qu’est-ce qui les
aptes à la survie politique que les autres  ?
pousse à se figer en format papier glacé de
Darwin s’en retournerait dans sa tombe et
magazine  ? Est-ce de la gêne ou de la dis-
les marchands de chirurgie esthétique s’en
crétion, de la timidité ou de la retenue, une
pourlècheraient les babines.
castration puritaine  ? Car, malheureuse-
ment, «  hétéro, deux enfants  » est encore

causes Coordination rédactionnelle : Félicien Mazzola, Olivia Bessat, Sylvain Thévoz, Virginie
Keller. Ont collaboré à ce numéro : Olga Baranova, Mélanie Battistini, Sébastien Bourquin,
communes Isabelle Brunier, Monique Cahannes Grégoire Carasso, Pablo Garcia, Marie Gobits, Pas-
Bimestriel édité par le Parti socialiste de la Ville de Genève cal Holenweg, Ninian Hubert van Blyenburgh, Sami Kanaan, Aloys Lolo, Christian Lopez,
15, rue des Voisins Liliane Maury Pasquier, Danièle Mazzola, Maria Roth Bernasconi, Sandrine Salerno,
1205 Genève Marlyse Schwarz Virginie Studemann, Martine Sumi-Viret, Manuel Tornare.
www.ps-geneve.ch Graphisme, maquette et mise en page : atelier supercocotte, www.supercocotte.ch
felicien.mazzola @ ps-geneve.ch Impression : Imprimerie Nationale, Genève. Tirage : 3000 exemplaires sur papier recyclé.
féminiser 3

Sexstorming
Virginie Studemann
Présidente du groupe
égalité homme-femme
illustration aloys

Ce numéro se voulait un écho de socialiste machiste   !) mais en défen- Elire des femmes,
dant l’idée que les hommes étaient aussi un acte révolutionnaire
aux magazines qui, après les à même de porter les questions de l’éga-
Quels que soient le discours et le position-
régimes du printemps, ne man- lité homme-femme et que de nombreuses
nement politiques, en tant que femme,
élues ne portaient en rien ces enjeux. Ce
quent pas de faire leur numéro je suis porteuse d’un certain nombre de
discours empreint d’une utopie ( sur l’être
estival et leur une sur le sexe. humain non marqué par son genre portant
schèmes et je suis perçue sur la base de
ces schèmes de pensée. Nous luttons pour
A croire que le sexe est le seul une politique universaliste ) résiste mal à
modifier ces représentations. Les moyens
l’observation du réel.
moteur de notre été et qu’in- et les champs d’action sont multiples, mais
l’un des plus percutants est sans doute
versement, nous sommes des Pourquoi faut-il des femmes
d’agir dans l’espace public ( sur l’image
végétaux qui perdons tout ap- politiques élues ? donnée par la publicité et les médias, sur le
pétit sexuel quand les feuilles Parce qu’une femme est une femme qui langage comme représentation du monde )
n’est pas un homme. ( J’entends déjà hur- et la sphère politique. Elire des femmes,
viennent à tomber. ler ! ) Il n’est pas question de faire en cela c’est donc montrer que le pouvoir n’appar-
l’apologie du différentialisme, du natura- tient pas qu’aux hommes, c’est afficher les
Ce numéro aurait pu être l’objet du scan- lisme et du biologisme. Au risque de me compétences politiques des femmes, c’est
dale, du scoop sur la vie sexuelle de nos faire des ennemi-e-s, je ne partage pas la permettre à des enfants de modifier leur
élu-e-s, partenaires politiques et sexuels, vision selon laquelle le fait d’être de sexe vision du monde, autoriser des filles à se
accouplements inter-partis, secrets d’al- féminin me donnerait – génétiquement ou projeter autrement et à construire leur
côve. Mais force est de constater que la naturellement- des qualités particulières. identité.
morale politique genevoise nous a imposé Je ne crois même pas à l’instinct mater-
une censure respectant la frontière en- nel. Non, « une femme est une femme  » Elire des femmes, c’est changer la poli-
core assez stricte entre le public et le pri- parce que notre société nous a imposé un tique  ? Oui, forcément. Et je le répète, la
vé  dont fait encore partie la vie sexuelle ensemble de représentations associées différence n’est pas liée au sexe biologique
( dans le sens de « pratiques sexuelles »), à notre sexe biologique, parce que notre mais au genre. Oui, forcément, tant que
frontière pourtant en évolution puisque société s’organise sur une division sexuée les modèles éducatifs, les représentations
l’orientation sexuelle est parfois utilisée ( archaïsme d’une société obnubilée par qui nous construisent seront sexuées, les
comme atout politique et que le champ de la survie de l’espèce et les critères de re- femmes apporteront une différence tant
la maternité et de la paternité se cultive production et/ou mode de domination de dans les enjeux portés que dans les modes
dorénavant sur la place publique. l’homme blanc hétérosexuel   ? ). En cela, de faire.
nous possédons toutes et tous une vision Elire des femmes, c’est reconnaître que
Les principes de réalité sexuée du monde, que nous la soutenions la société nous impose une vision sexuée,
Les discussions s’enchaînent : sexe et poli- ou la déconstruisions. premier pas nécessaire pour changer.
tique, sexeS et politiqueS, ( le ) sexe est po-
litique, politique du sexe, politique sexuée,
politisation des questions sexuelles, poli- La Fourmi
tique sexualisée, sexualité politisée, viol,
harcèlement sexuel, discrimination, domi- Un Conseil national avec 50 % de députéEs 
nation, sexe et genre ou plutôt genre puis ça n’existe pas, ça n’existe pas,
sexe… Non ! Ce sera « sexeS et politique ». Un Conseil des Etats, avec 50 % de sénatrices,(1)
Sexes et politique, une occasion de revenir ça n’existe pas, ça n’existe pas,
sur une problématique souvent discutée 5 femmes au Conseil fédéral,
à l’occasion des débats sur la parité et sur ça n’existe pas, ça n’existe pas,
les quotas en politique   : de la nécessité de Et pourquoi pas ?
favoriser l’élection de femmes. Un socia-
liste demandait en quoi il était important (1) 71 % de députés masculins au Conseil national
que des femmes soient élues, non pas en et 83 % de sénateurs mâles
assumant un esprit machiste ( il n’y pas
4 raconter

Les femmes dans


l’histoire genevoise
Isabelle Brunier
Historienne
Conseillère municipale
illustration aloys

Même si seuls de rares noms et à l’eau ! Un progrès cependant, avec les Mais c’est également durant le XIXe siècle
lois réformées : la Genevoise du XVIe siècle qu’apparaissent les pionnières de la cause
de rues et monuments rappel- obtint précocement le droit de divorcer. féministe et les femmes universitaires.
lent la mémoire des femmes Quelques figures se détachent cepen- Emilie Gourd ( 1879-1946 ), «  féministe de
dant  : Anne de Lusignan (1418-1462), du- carrière  », Marguerite Champendal ( 1870-
qui ont marqué l’histoire
chesse de Savoie, qui fonda à Genève une 1928), première Genevoise docteure en
de notre cité, il s’est trouvé chapelle au couvent de Rive, Marie Den- médecine ou encore Nelly Schreiber-Favre
suffisamment de ces héroïnes tière (vers 1495-1561), protestante, auteur ( 1879-1972 ), première avocate assermen-
de «   Défense pour les femmes  » ou encore tée du canton. Elles, et tant d’autres, ont,
méconnues pour remplir un Catherine Cheynel ( 1542-vers 1604 ), plus chacune à leur manière, prouvé et défendu
gros livre paru en 2005 sous connue sous le nom de Royaume, qui dé- les capacités et compétences des femmes
fendit vaillamment sa ville lors de l’Esca- et donc les droits auxquels elles pouvaient
la plume de diverses érudites
lade du 12 décembre 1602. légitimement aspirer.
(Les femmes dans la mémoire
de Genève, du XVe au XXe Si de nombreuses femmes œuvraient Le XXe siècle
dans l’ombre des boutiques, des fermes
siècle). Cette petite chronique et des logements, rares étaient celles qui
Le siècle que nous venons de quitter a
vu la cause des femmes progresser plus
s’en inspire largement. parvenaient à la tête d’une entreprise. On
nettement que jamais à travers les luttes
en connaît tout de même deux : Michelle
emblématiques pour les droits politiques
Nicod ( 1519-1618 ), imprimeuse et libraire
Du Moyen Age au XVIIe siècle ( vote et éligibilité ), le droit à disposer li-
pendant trente ans, après le décès de son
brement de son corps ( avortement ), et la
Au Moyen Age, dans la Genève des foires, mari, et Elisabeth Baulacre ( 1613-1693 )
reconnaissance sociale (congé maternité).
puis après la Réforme dans la Rome pro- qui fonda et fit prospérer pendant cin-
De nombreuses militantes, souvent socia-
testante, comme partout en Europe, les quante ans une entreprise de dorures, en
listes, se sont battues tout au long de leur
femmes, considérées à vie comme des mi- véritable patron pré-capitaliste.
vie. Nous en connaissons encore certaines,
neures, vivaient sous la tutelle de leur père,
bien vivantes et au verbe haut ! Cependant
puis de leur mari, voire de leurs frères, en Aux XVIIIe et XIXe siècles le combat est loin d’être terminé, l’égalité
l’absence des deux autres. Tous les actes
Durant ces deux siècles, les Genevoises homme-femme au niveau des salaires ou
importants de leur vie étaient soumis à
se sont surtout distinguées dans les do- des carrières n’est encore qu’un objectif
l’autorité masculine. Vouées à la repro-
maines artistiques ( littérature, peinture, à atteindre et déjà des forces rétrogrades
duction avant tout, elles ne pouvaient se
musique ) et savants. On peut rappeler les tentent d’inverser le mouvement. Il n’est
choisir un mari manifestement plus jeune
noms plus ou moins célèbres de Germaine que de voir les premières décisions de
qu’elles, alors que l’inverse était évidem-
de Staël, née Necker ( 1766-1817 ) écrivain la Constituante genevoise pour craindre
ment chose commune. On a déjà évoqué
et épistolière, ou de Jeanne-Henriette le pire. Comme nos ancêtres, les « trico-
l’injustice profonde qui voyait la femme
Rath ( 1773-1856 ), portraitiste et bienfai- teuses  » ou les « pétroleuses », il va falloir
adultère être bannie à vie de la ville, parfois
trice de notre ville qui lui doit la création inventer les armes du XXIe siècle !
même avec son mari trompé (  !), tandis que
de son premier musée, à la place Neuve.
le coupable était puni de trois jours au pain
afficher
5

transparence
ou voyeurisme  ?
Pablo Garcia

Saura-t-on jamais le sexe de leur famille, de leurs conjoints, de leurs a, semble-t-il, beaucoup de secrets à garder.
enfants. On est un homme politique mais Il ne faut pas se voiler la face, l’homosexua-
des anges  ? La question ne on est aussi un bon père de famille ! Sous lité demeure un handicap, quels que soient
passionne plus. A moins que nos latitudes, aux mœurs plus prudes, on les aspects de vie touchés. Le travail, la
fera un reportage sur une sportive de haut famille, la santé, les engagements publics.
ces anges-là ne fassent de la
niveau dans une discipline très exigeante Les obstacles peuvent être contournés au
politique bien sûr ! Non seu- mais qui a su rester femme. On fera une prix d’un difficile accord avec soi-même, de
lement la question deviendrait interview dans un magazine pour salle sacrifices et de renoncements qui ne sont
d’attente d’EMS, d’une femme politique exigés de personne d’autre.
beaucoup plus tabou mais la qui s’est lancée dans la vie publique main- A l’inverse, ce qui encourage à afficher
droite aurait beau jeu de la tenant que ses enfants sont grands, entre son identité sexuelle en politique, c’est
un article sur une croisière avec Alain Mo- souvent un parcours personnel et un en-
taxer de socialiste.
risod et « le repassage au masculin  ». Bref, vironnement social plus tolérants que la
on ne naît pas politicienne, on le devient ! société elle-même. Ces expériences peu-
Un sexe au milieu du front vent être trouvées parmi les pairs, parmi
Clairement, le sexe des politicien-nes inté- Affichage à haut risque des hommes et des femmes qui se battent
resse et intrigue  ;    la presse n’en parle que pour que les choses changent, pour bâtir
Afficher son genre en politique est donc
pour en souligner les atouts ou les incon- une société où le fait d’afficher son orien-
de la transparence assumée, c’est aussi du
vénients. Une femme de plus au Conseil fé- tation sexuelle soit un acte de transpa-
voyeurisme bon enfant, presque du publi-
déral  ? Un homme pourrait-il gagner cette rence comme un autre. C’est aussi cela le
reportage. Il est désormais temps d’aller
élection  ? La question de l’égalité entre travail des Socialistes, une action qui doit
plus loin dans notre réflexion, sur des sen-
hommes et femmes apparaît évidemment commencer dans le quotidien et interpel-
tiers plus sinueux et ombrageux. L’orien-
en filigrane des manchettes de nos quoti- ler les gens à l’école et dans le quartier,
tation sexuelle en politique, c’est un peu
diens. Afficher son sexe en politique est dans la commune comme dans le monde
comme se promener dans les bois pendant
donc de la transparence malgré soi, c’est du travail. C’est une exigence de progrès,
que le loup n’y est pas. On sait comment
comme avoir un sexe au milieu du front. mais aussi, largement, un devoir de libéra-
l’histoire finit, avec une personne âgée vio-
tion.
lentée, un loup transformiste qui s’habille
Jeux de mots, jeux de vilains  ? en grand-maman, un bûcheron valaisan.
Car dire son identité sexuelle ne va pas De l’affirmation de soi comme
Pour percevoir les limites de cette trans- acte politique
parence, il faut rendre la chose plus crous- de soi. On ne va jamais « outer » des res-
tillante, le propos moins consensuel. Lais- ponsables politiques en dénonçant publi- Aujourd’hui, dire son homosexualité en
sons là les attributs masculins et le beau quement leur hétérosexualité. On ne va politique est un voyeurisme militant, un
sexe féminin pour parler du genre. Le pas questionner l’habilité, la capacité d’un voyeurisme à visage découvert. L’on qua-
genre, ce n’est pas un vilain mot. Il n’en homme politique à diriger un département lifie souvent cet acte de «  courageux  », ce
demeure pas moins qu’il fait trembler de sécurité publique parce qu’il aime les qui sous-entend tout le péril qu’il contient.
les parents au même titre que les mots femmes ou alors parce qu’il les aime trop. Sans tirer de conclusion définitive, il serait
comme tampons, mobylette, soutien- On ne va jamais sonder les Genevois-es en bon de clore ce billet par une réflexion que
gorge et Jeunesse Socialiste. Car parler du leur demandant si, à leur avis, le fait d’affi- Jean-Jacques Aillagon, ministre français
genre, c’est avant tout parler de la société. cher son hétérosexualité peut nuire à une de la Culture (2002-2004), ouvertement
C’est mettre en exergue les contraintes, carrière politique. homosexuel, a eue dans la presse : «  En af-
les normes sociales, les schémas imposés fichant ma liberté de vivre ma sexualité […]
par le sexe. Encore une fois, la presse est De l’homosexualité comme handicap j’ai agi politiquement  ».
un excellent révélateur de cette tendance. Le cœur de la question, l’œil du cyclone est
Chez nos voisins français, les hommes et là  : peu de candidat-e-s, peu d’élu-e-s, de
femmes politiques s’exhibent volontiers responsables politiques affichent publi-
sur les pages de magazines en compagnie quement leur homosexualité. Polichinelle
6 engendrer

Afficher sa maternité
et sa paternité en
politique
Virginie Keller

Si les femmes ont aujourd’hui Bébés hobbies Conseil d’Etat après avoir accouché de sa
petite fille. Le congé paternité allait être
largement démontré leur ca- Il a fallu attendre les années nonante pour
enfin discuté au Grand Conseil, et les nou-
voir apparaître, à Genève, des revendica-
pacité à gouverner et à s’en- tions concernant l’articulation entre la vie
veaux statuts du personnel de la Ville de
Genève ongt introduit introduire un véri-
gager en politique, il reste du politique et la vie familiale. Concrètement,
table congé paternité de quatre semaines
chemin à faire concernant la des propositions concernant la garde des
dès l’année 2011. La brèche est désormais
enfants pendant les activités politiques ou
possible superposition de l’en- le changement d’horaire des séances des
ouverte. Les femmes prouvent que nul-le
n’est indispensable, et que s’occuper de sa
gagement politique et de la vie parlements (municipaux ou cantonal) ont
famille ne met pas la société en danger.
été discutées et ont à chaque fois entraîné
familiale. des débats très controversés. La materni-
Du côté des parents
té (ou paternité) a été tour à tour définie
Les femmes élues ont été pendant comme un hobby dont le politique n’avait En 2010, où en est-on  ? Comment vit-on
quelques dizaines d’années des femmes pas à se soucier, comme une affaire person- la vie de famille si on est militant-e ou élu-
sans enfant ou ayant élevé leur(s) enfant(s) nelle dont les pouvoirs publics n’avaient e  ? Doit-on encore cacher sa grossesse ou
depuis longtemps. Quant à ces messieurs, pas à se mêler, comme une excroissance peut-on s’y référer comme une expérience
la question ne s’est même jamais posée, individuelle que la collectivité n’avait pas bénéfique et enrichissante  ? Peut-on être
comme si l’élevage des enfants ne les à assumer, voire comme une bénédiction père responsable et militant solidaire  ?
concernait pas vraiment... dont on n’avait pas à se plaindre ! Les parents-élus vont-ils faire avancer
la cause des bébés  ? Le conseil municipal
Parents et engagé-e-s L’accouchement militant est-il un environnement stimulant pour la
procréation  ? Le pouvoir est-il compatible
Dans les années quatre-vingt, de plus en Dans les années 2000, des femmes et des
avec l’allaitement  ?
plus de femmes en âge d’être mère et hommes dans la trentaine ont accédé à des
d’hommes ayant envie de s’investir auprès postes aux exécutifs. La question de la jux-
Les Socialistes en sont convaincu-e-s,
de leur(s) enfant(s) sont arrivés dans les taposition des bébés et de la politique s’est
une société équilibrée est une société qui
enceintes politiques. Ces mamans et ces alors concrétisée avec le courage politique
permet à chacun-e de s’épanouir profes-
papas considéraient que l’activité politique de la conseillère administrative socialiste
sionnellement, de participer au fonction-
n’avait pas à être réservée aux personnes Sandrine Salerno qui a été élue alors qu’elle
nement démocratique et de s’engager fa-
n’ayant pas de charge familiale. Ces pa- était jeune maman et qui a accouché de sa
milialement. Il est essentiel que la diversité
rents voulaient s’engager. On les croisait deuxième fille durant son premier mandat
des genres, des cultures et des classes so-
dans les comités de crèche, les associations politique. En faisant de cet heureux évé-
ciales soit représentée dans les enceintes
de parents d’élèves ou d’habitant-e-s  ; la nement un acte militant et en assumant
politiques. Il est également essentiel que
démocratie de quartier les intéressait et son congé maternité au sein d’un conseil
soient représentées les diverses généra-
très naturellement, ils et elles souhaitaient administratif au 4/5e masculin, elle a fait
tions. Les papas et les mamans en font
faire l’expérience d’un mandat électif. avancer la cause des congés parentaux.
partie, à la grande joie des enfants !
Peu après, on voyait la députée socialiste
Véronique Pürro se porter candidate au
reproduire
7

propos receuillis paR


Virginie Keller
illustrations olga, Aloys

De nombreuses et nombreux Grégoire Carasso, 3. La garde et le grade  : faire garder ses


Conseiller municipal et président du enfants est loin d’être évident – notam-
élu-e-s socialistes sont enga- ment si l’on n’a pas un soutien sans faille
parti socialiste ville de Genève.
gé-e-s dans une vie de famille. à la maison – et la double vie familiale-po-
1. Oui, mais pour ma part avec des condi- litique complique, c’est sûr, les opportuni-
Causes Communes leur a posé tions sine qua non : du temps partiel, un tés de carrière professionnelle. Mais ça ne
six questions sur leur vie quo- soutien conjugal et la politique comme m’a pas empêchée de suivre une formation
unique activité en plus du travail et de la
tidienne  et le mode d’emploi famille.
pendant 3 ans à plein temps en parallèle.

qui leur permet de travailler, 4. Voir que la situation n’est pas plus simple
militer et pouponner. 2.  Si des enfants donnent envie à leurs aujourd’hui qu’il y a 20-30 ans : le partage
parents de faire de la politique, c’est que des tâches n’est toujours pas atteint, pire,
leurs marmots doivent être vraiment pé- il s’éloigne ! Moi qui rêvais que le modèle,
nibles. que nous avions mis en place, des deux pa-
1. La politique et les bébés, c’est rents à mi-temps allait se généraliser…
compatible ? 3. Le culte de la politique de milice. Dit au-
trement : les horaires et les finances. 5.  L’accouchement, au forceps et après
2. La politique donne-t-elle envie terme, mais mieux vaut tard que jamais,
4. Quand je dois repartir pour une séance à de l’assurance-maternité : un succès pour
de faire des bébés ou les bébés de 20h30 et que les enfants ne dorment pas la politicienne et la sage-femme que je
faire de la politique ? paisiblement. suis. Et la Loi fédérale sur les allocations
familiales : là aussi, Genève a joué les pion-
5.  Plutôt qu’un, trois, qui représentent niers et j’ai eu la chance de participer aux
3. Le principal problème rencon- mes années au conseil municipal, de 2007 deux aventures, la cantonale et la fédérale.
tré pour s’engager politiquement à 2010.
lorsque l’on est parents ? 6.  Militante dans le sens d’engagée au
6. Ex aequo, biberon au centre. service de la communauté  : depuis mes
4. Votre plus grand désespoir de 15 ans, il y a 39 ans, et ce n’est pas fini.
7. On ne change pas une équipe qui gagne Mère  : depuis 34 ans, et ce n’est pas fini
maman, papa militant-e ? non plus !
Liliane Maury Pasquier
5. Un défi politico-familial relevé Conseillère aux Etats 7. Oui, mille fois !
avec succès ? 1. Oui, à condition d’être secondée, en par-
ticulier par son compagnon. La politique Maria Roth Bernasconi,
6. Finalement, au bout du compte, a besoin des mères comme les bébés ont Conseillère nationale
besoin de leurs pères !
combien d’années en tant que mi- 1. Oui, à condition d’avoir quatre bras : un
pour le bébé mignon, un pour le filet mi-
litant-e et combien en tant que pa- 2. Pas sûr que la politique donne envie de
gnon, un pour gagner du pognon, un pour
faire des bébés, mais l’inverse est vrai pour
rent ? les sessions et réunions. Il faut aussi et
moi. Mes enfants m’ont motivée à m’en-
surtout des possibilités de garde et/ou un
gager très concrètement dans la politique
7. Si c’était à refaire ? communale, pour remédier à l’absence de
conjoint compréhensif, prêt à retrousser
ses manches.
crèches et veiller à la sécurité sur le che-
min de l’école.
8

2. Les bébés donnent envie de faire de la 2. Le fait d’avoir des bébés me motive en- 3. Les horaires de la politique, ceux natu-
politique. C’est pour préparer un avenir core plus à m’engager. Je n’ai pas envie rellement dévolus à la famille. Un aména-
meilleur que le mien que je me suis lan- qu’ils vivent dans une société marquée par gement de la politique tel que l’ont fait les
cée. Quant à l’inverse, encore faut-il avoir l’injustice et les inégalités. J’ai eu mes deux cantons de Zurich et Vaud est nécessaire.
(ou prendre) le temps de faire des bébés enfants après mon éléction au Conseil mu- Le fait que l’activité dans les législatifs ne
quand on est engagé-e en politique. nicipal en 2007. Mais si je pouvais faire en- soit pas rémunérée oblige à mener une
core plus de bébés, je les ferais. J’adore les triple journée de travail: emploi, politique,
3. Les séances trop tôt / trop tard / trop enfants. famille.
longues / trop loin (à Berne, par exemple).
C’est là que les moyens de communica- 3. Indiscutablement, les horaires parfois 4. L’énervement quand on voit que cer-
tion modernes, genre téléphone extra- difficiles jusqu’à très tard dans la nuit. tains groupes politiques contestent sans
plat à tout faire, facilitent grandement les Merci à ma compagne qui accepte et sou- cesse des droits, comme ceux à l’avorte-
choses. tient cette passion au quotidien. ment ou à un congé maternité. Le chemin
parcouru n’est jamais acquis.
4. La maman militante regrette de ne pas 4. Ne pas voir mes enfants et ma com-
avoir bénéficié d’un vrai congé parental pagne autant que je le voudrais. 5. D’avoir mené une grossesse pendant la
pour les deux parents. Et la militante ma- législature et démontré qu’on peut être
man, d’avoir eu peu de temps pour aller 5. Le combat pour les jetons de garde pour Conseillère administrative et mère.
boire des verres afin de construire des ré- les conseillers municipaux et l’introduc-
seaux. tion par Sandrine Salerno du congé paren- 6. Toute une vie ! L’engagement pour des
tal dans le nouveau statut du personnel de valeurs, c’est comme les bébés: ça dure
5. L’assurance maternité. Je suis arrivée, la Ville de Genève! Un succès du combat toute une vie.
j’ai lutté, j’ai pleuré… De rage, d’abord, socialiste.
quand la LAMat a été refusée la veille du 7. Toujours avec passion.
18e anniversaire de ma fille. Puis de joie, 6. 14 ans en tant que militant (heureux), 3
quand le second projet, bien que très amai- ans en tant que conseiller municipal (heu-
gri, a été accepté. reux) et 3 ans en tant que père (heureux).

6. 25 en tant que militante, et presque 30 7. Je ne me pose pas cette question. Ce


en tant que parent (déjà). qui est fait est fait. L’important est de
construire l’avenir.
7. Tout de suite, et avec moins de culpabi-
lité. Sandrine Salerno
Maire de la Ville de Genève
Christian Lopez,
1. Oui, à condition d’avoir un entourage qui
Conseiller municipal vous appuie et vous aide. Le noyau familial
1.  C’est difficilement compatible et sou- est aussi un lieu où se ressourcer.
vent c’est synonyme de sacrifices que
certain-e-s peuvent assumer. L’idéal serait 2. Pour le premier bébé, de faire de la po-
d’avoir un système politique qui permette litique. La politique, de faire le deuxième.
la participation de toutes et tous.
se dépasser
9

Quelle place pour


les femmes dans le milieu
parfois très macho du
sport  ?
Manuel Tornare
Conseiller administratif

Le sport peut être un moyen Suisse ? Rarement le sport féminin tient mêlée ». Ce projet réalisé en collaboration
le haut de l’affiche médiatique. Les salaires avec l’Association cantonale genevoise de
de dépasser les inégalités de des athlètes féminines, quand il y en a, et rugby a pour objectif de promouvoir l’éga-
genre. Si les lois du marché qui les contrats de sponsoring ressemblent lité entre filles et garçons par la pratique
plus à de l’argent de poche, alors que dans du touch rugby en équipes mixtes. L’idée
régissent les droits télévisés et
le sport masculin, les chiffres explosent d’un tel projet est de lutter contre les
les rémunérations des sports parfois de manière totalement indécente. stéréotypes de genre. Pratiquer le rugby
les plus regardés desservent quand on est une fille ou jouer dans une
Un esprit sain dans un corps sain équipe mixte quand on est un garçon, c’est
massivement les femmes, les pour tous et toutes bouleverser les mentalités.
politiques publiques, et notam- En ce début de XXIe siècle, il est primor-
ment celles menées par Ma- Mettre hors-jeu les discriminations
dial de poser la question de la place des
nuel Tornare, jouent un rôle femmes dans le monde sportif. Le sport Au-delà des projets spécifiques comme
est une composante essentielle dans l’édu- « la mêlée », c’est dans toute la politique
fondamental dans l’éveil et cation pour les garçons comme pour les développée par le Service des sports de la
l’éducation à un véritable es- filles. Il permet à la fois l’épanouissement Ville de Genève que l’égalité entre filles et
physique et psychique, il favorise l’appren- garçons doit se réaliser. Que ce soit au tra-
prit sportif réduisant les dis- tissage de la vie en société par l’accepta- vers de nos nombreuses écoles de sports,
criminations. Sous l’impulsion tion de règles, le respect des autres et de du subventionnement des clubs qui déve-
de son magistrat, la ville de Ge- soi-même. Il est un facteur d’intégration loppent des équipes féminines ou des ma-
et d’insertion. Il véhicule des valeurs telles nifestations soutenues, nous avons un rôle
nève s’est jetée dans la mêlée. que le respect, l’abnégation et la persévé- important à jouer. Dans la quête de l’excel-
rance. C’est pourquoi il est indispensable lence, chaque athlète est égal et la victoire
Le sport féminin, ce parent pauvre de promouvoir la pratique du sport pour est toujours le résultat de l’entraînement,
Depuis toujours, le sport est considéré les filles et de développer le sport féminin d’un travail intensif et de persévérance.
comme une affaire d’hommes. La plupart par des politiques publiques concrètes et La discrimination, à quelque niveau que
des dirigeants de fédérations, associa- efficaces. ce soit, est incompatible avec un véritable
tions et clubs sportifs sont des hommes. esprit sportif.
La grande majorité des personnes tra- Entrer dans « la mêlée »
vaillant dans les administrations publiques Fort de ce constat, au niveau des sports en
en charge des sports sont encore des Ville de Genève que j’ai le plaisir de diriger,
hommes. A l’exception de quelques sports nous avons décidé de lancer plusieurs ac-
comme le ski ou le tennis, le sport féminin tions concrètes allant dans ce sens. Nous
est toujours le parent pauvre des compé- avons créé deux lignes budgétaires spé-
titions. En effet, qui s’est passionné pour cifiques pour le soutien au sport féminin.
la dernière Coupe du monde de football fé- Ces montants ont permis de mettre sur
minin ou connaît les joueuses de basket en pied des projets tels que celui intitulé « la
10 mélanger

Quel encouragement
pour plus d’égalité  ?
Mélanie Battistini
Sociologue
illustrations olga

L’enjeu de la mixité des sexes hommes. Ainsi, les femmes gèrent plutôt
les activités manuelles d’intérieur, tandis
dans les équipes d’animation, que les hommes monopolisent les activi-
notamment en maisons de tés sportives d’extérieur (cf   : références
ci-dessous  ).
quartier, est peu étudié, mal-
gré le fait que celle-ci consti- Dépasser une perception naturaliste
tue une norme très répandue Si la mixité de genre est perçue comme
dans le milieu de l’animation. une valeur phare de l’animation sociocul-
turelle, elle n’est que peu questionnée et
En effet, la plupart des équipes d’anima- semble se baser sur une perception natu-
tion respecte ce principe qui veut que le raliste des différences entre femmes et
nombre de femmes et d’hommes qui les hommes. Dès lors, elle cherche moins à
compose soit plus ou moins égal. Il me faire évoluer les comportements sociaux Dans le cadre de son mémoire de
semble d’autant plus important d’enga- sexués vers plus d’égalité qu’à justifier une Master en Etudes Genre, Mélanie
ger une réflexion sur la signification de certaine idée de la complémentarité natu- Battistini a réalisé, en été 2009, un
la mixité, car celle-ci pose la question de relle entre les sexes. Dans le cas de l’ani- travail de terrain dans un quartier
l’égalité entre les sexes. Si on a l’habitude mation, le risque de cette logique complé- de la ville de Genève, en s’intéres-
de penser que plus de mixité mène à plus mentaire de la mixité est de renforcer la sant aux associations composées
d’égalité, dans les faits, cette logique n’est traditionnelle division sexuelle du travail d’habitant-e-s du quartier et à la
pas forcément respectée. (aux femmes la prise en charge de l’affec- maison de quartier.
tif et aux hommes celle de l’autorité, par Dans une démarche ethnogra-
Mixité, mélange, complémentarité exemple) et de proposer aux enfants et phique, elle a réalisé des observa-
aux jeunes une norme éducative copiant le tions participantes lors des réunions
En me penchant sur les pratiques et les couple parental hétérosexuel traditionnel. d’associations, lors des fêtes, durant
discours sur la mixité entre animatrices
les activités de la maison de quartier
et animateurs au sein d’une maison de
Développer des politiques publiques (enfants et adultes), etc. Elle a égale-
quartier ( cf : encadré ci-dessous ), j’ai ob-
« mixtes  » ment mené une dizaine d’entretiens
servé une tendance à la justification du
Une solution à envisager pour réduire ces avec des actrices et des acteurs de la
principe de mixité dans les équipes d’ani-
mécanismes de reproduction des valeurs vie associative du quartier.
mation, moins dans une visée d’égalité
entre les sexes que dans un but de com- patriarcales réside dans une plus grande
sensibilisation aux questions de rapports Pour en savoir plus :
plémentarité des approches des femmes
et des hommes. Dans les animations, les de genre et d’égalité entre les sexes dans Bacou Magalie (2006),  La mixité
animatrices et animateurs fonctionnent la formation des animatrices et des ani- dans l’animation, et Herman Elisa
généralement par binômes, dont la mixité mateurs. De plus, il me semble nécessaire (2006), Le genre en centre de loi-
est souvent justifiée par les professionnel- d’encourager le développement de po- sirs : faire avec et ‘mettre de soi’ in
le-s par un besoin de complémentarité des litiques publiques en faveur de l’égalité Gillet Jean-Claude et Yves Raibaud
approches féminines et masculines, tant entre femmes et hommes et entre filles (dir.), Mixité, parité, genre dans les
entre animatrices et animateurs que vis-à- et garçons dans les lieux d’animation et métiers de l’animation,
vis des enfants. La valorisation des compé- les équipements de loisirs urbains, afin de Paris : L’Harmattan.
tences des animatrices et des animateurs permettre une véritable mixité visant à
et l’injonction à « mettre de soi  » dans les plus d’égalité entre les sexes.
activités tend à privilégier une répartition
traditionnelle du travail entre femmes et
re-jouir 11

Coucher et
laisser coucher  ?
Olga Baranova
bonne à tout faire
secrétaire politique JSG
illustration au premier
degré par aloys

La pire des choses qui peut pareil politique plus humain et accessible et le public. Le sexe en politique est un fait.
au regard extérieur est incessante. Et sur- L’assumer, c’est relever un défi, c’est être
arriver à une fille en-des- tout, elle passe d’abord par nous-mêmes. jeune.
sous de vingt ans, à part une
grossesse non voulue, c’est Sexe… en interne Assumer le désir
l’engagement politique. Sauf exception confirmant la règle, les Coucher et laisser coucher alors  ? Rien
rapports humains à l’intérieur d’un mou- n’est plus simple et plus compliqué à la
Au lieu de fréquenter les lieux à la mode, vement ou d’une idéologie sont façonnés fois. Toute logique poussée à fond, tout jeu
elle commence à squatter les locaux par une certaine complicité, un accord ta- qui touche à la réalité a pour seule règle la
glauques de son parti, ses ballerines res- cite. Pour les jeunes, souvent, cette com- responsabilité, cet acte presque existen-
tent dans le placard en faveur des baskets plicité ne s’arrête pas après une action tiel d’assumer quelque chose. Nous avons
tout terrain, son parfum est plutôt « Pari- politique, ni même à la verrée conviviale appris à assumer des phallus sur les dra-
sienne» que « Chanel » et son romantisme d’après, loin des regards des médias. Par- peaux, est-ce pareil avec des coeurs po-
s’arrête là où il commence  : à la deuxième fois, elle ne s’arrête même pas au lit où elle tentiellement brisés, des sentiments fai-
bière en gobelet plastique. mène les militants tous partis confondus sant irruption dans un monde qui se veut
réunis dans cet acte anodin et pourtant neutre, dépourvu d’affection  ? Nous ne
passé sous silence, presque diabolisé en pouvons pas le savoir avant de nous lancer
Intransigeant  ? Certes. Les jeunes en po-
politique. Le mentionner, c’est bafouer dans l’aventure. Et avec un peu d’humour
litique sont souvent perçus comme étant
les codes de bonne conduite, surtout s’il et de bonne foi, c’est le plaisir qui l’empor-
catégoriques et mégalomanes, bref, révo-
touche aux rapports internes, à la distinc- tera sur les problèmes.
lutionnaires. Notre volonté de rendre l’ap-
tion présumée intouchable entre le privé

sexes et politique:
le Parti socialiste genevois, toute tendances confondues
12 apparaître

Etre une femme


socialiste tu sais c’est
pas si facile
Marie Gobits

Marie Gobits s’élève contre Le poids des préjugés delà du sexe et des apparences, des poids
des préjugés, d’être crédible; de défendre
le machisme déguisé en po- Chacun apprécie que lors d’une première
des valeurs et des prises de positions. Cela,
rencontre, la personne face à vous dise
litique qui tend à donner un vous trouver belle et fasse des compli-
afin d’être considérée pour autre chose
qu’une potiche et tordre le cou aux préju-
rôle de potiche à une femme ments sur votre physique. Mais lorsque
gés.
lorsqu’elle est élégante et de ceci se répète et revient constamment, la
communication devient réductrice et frus-
surcroît d’origine non-eu- trante. Comme si mes interlocuteurs refu- Pouvoir et élégance sont-ils
ropéenne. Par des exemples saient de voir en moi autre chose que mon compatibles  ?
physique sur lequel ils s’arrêtent. Comme
concret elle dénonce ces amal- si être une femme qui porte une attention
Contre toute attente, j’ai été élue la pre-
mière des viennent-ensuite sur la liste du
games et démontre à sa tenue vestimentaire ne peut avoir de Conseil municipal de ma section en dé-
que l’on peut être femme, convictions, de combats ou d’idées poli- cembre dernier. Ma joie n’a pas été l’élec-
tiques à défendre. Une camarade m’a dit tion elle-même, mais d’entendre une ca-
élégante, socialiste et fière un jour : « Marie, tes vêtements ne sont marade venu me féliciter me dire  : «  Marie,
de l’être. que des marques» ! J’étais gênée, ne sa- je ne suis pas surprise de ton élection, tu
chant si c’était un reproche ou un compli- es la plus conviviale et tu fais beaucoup
ment. pour notre section ». J’ai été touchée, car
Une histoire de femmes
c’était la première fois que l’on mettait en
Depuis la nuit des temps, rien n’a été facile L’être au-delà des apparences exergue mes qualités humaines dans mon
pour les femmes en général et en politique engagement politique. Il n’en demeure pas
Lorsqu’une femme s’intéresse à la poli-
en particulier. Ceci l’est encore de nos moins qu’il y a une sorte de pensée collec-
tique, on lui prête des intentions parfois
jours. Même si des progrès ont été faits, tive qui veut que beauté physique et élé-
surprenantes. Mes premiers pas de mili-
nos grands-mères et mères envient la vie gance soient incompatibles avec un réel
tante n’ont pas été faciles à cause de ces
des femmes de notre génération. engagement politique. Eh bien NON, Mes-
intentions méfiantes. Certains étaient
surpris de savoir que j’étais mariée, avais dames, Messieurs, détrompez-vous. Une
Si être une femme constitue un obstacle femme peut être belle, élégante, faire ses
une profession. J’avais l’impression que
en politique, être une femme qu’on trouve emplettes à la rue du Rhône et être fonda-
pour certain-e-s, une femme féminine ne
belle constitue un double obstacle, voire mentalement socialiste.
s’engage en politique que pour trouver un
un handicap. Autant l’ancienne généra-
compagnon, un travail, combler un vide so-
tion s’est battue pour faire reconnaître
cial ou trouver un toit. Ses engagements
que les femmes sont des citoyennes à part
politiques ne sont pas pris au sérieux. On
entière, autant de nos jours, une femme
lui accorde tout au plus quelques mois de
qu’on dit belle doit se justifier ou démon-
militantisme en pariant qu’elle disparaîtra
trer que son engagement politique est
du parti politique aussi vite qu’elle est ve-
réel, sincère, et dénué de tout calcul.
nue. L’enjeu était donc pour moi d’aller au-
lutter 13

Sexes, genres et
féminismes
Martine Sumi-Viret
Conseillère municipale

Il y a toujours d’âpres dé- retard des femmes sur l’histoire en corri- parce qu’il place les femmes avant tout
geant le «  patrimoine  » présent, même au dans une position de victimes en oc-
bats concernant la place des prix de discriminations positives. troyant un pouvoir démesuré aux hommes
femmes. Déjà Olympe de politiques pour leur «  protection  » des
Gouges, en 1791, demandait Les violences de genre «  hommes mauvais ».
que toutes les citoyennes et Aujourd’hui, en ce début de XXIème siècle,
Diversités des féminismes
on ne trouvera pas une seule féministe qui
tous les citoyens soient éga-
ne soit indignée par la violence sexuelle Mais, au fait, pourquoi une travailleuse du
lement admissibles à toutes et domestique, ainsi que par la complicité sexe incarnerait-elle davantage le sexisme
fonctions publiques selon évidente des gouvernements toujours très qu’une femme professionnelle compé-
leurs capacités et sans autres masculins qui perpétuent la violence en tente qui doit renoncer à une promotion
protégeant les auteurs de ces crimes. Il face à un collègue homme moins qualifié  ?
distinctions que celles de leurs est donc juste que la violence contre les Ou qu’une jeune fille qui ne reçoit pas la
vertus et de leurs talents. femmes soit la plus grande préoccupation formation qu’elle mérite parce que sa fa-
Comment cette demande des mouvements féministes. Cependant, mille est trop pauvre  ? Ou qu’une mère im-
le défi pour les féministes contemporaines migrante dont le fils est enfermé dans un
a-t-elle évolué au cours des est de mettre en relation ce grave pro- centre de détention  ?
siècles  ? blème avec d’autres formes de violence ou Il y a heureusement beaucoup d’autres fé-
d’oppression, comme le racisme, les lois ministes, d’origines sociales différentes et
qui restreignent le travail et la migration, de jeunes générations, qui luttent contre
Le monde est basé sur un leurre et la pauvreté. l’exploitation des femmes dans tous les
Du XXème siècle, il nous reste les héri- domaines du marché du travail et plus
tières de Simone de Beauvoir, les univer- Refus de la tutelle seulement dans l’industrie du sexe. Elles
salistes ou égalitaristes qui s’opposent à la ont compris que les sociétés libérales sont
Hélas, le féminisme académique urbain, ob-
parité. Celles-ci arguent que toute discri- des sociétés à multiples vitesses, dans les-
sédé par l’abolition des cabarets et les re-
mination positive, telle que celle des quo- quelles l’accès à l’éducation, à la santé, au
vues pornographiques pour «  messieurs  »,
tas, rompt justement le principe de l’éga- logement, à l’emploi, et même à la justice,
réfléchit toujours à la violence exercée sur
lité politique entre citoyens et citoyennes dépend du genre, certes, mais également
les femmes en l’isolant. Or, s’il a des mil-
pour lequel les femmes se sont tant bat- de la position sociale et de l’argent dont
liers de choses à dire sur la manière dont
tues et ont brillamment gagné. La souve- dispose toute personne ! C’est ce type de
les médias changent les femmes en objets,
raineté populaire découle par exemple di- féminisme, dorénavant libéré de toute
ce féminisme de classe moyenne blanche
rectement de l’égalité politique entre tous chape dogmatique, dont nous avons be-
occidentale a étrangement peu à dire sur
et toutes. La seconde tendance, telle que soin aujourd’hui.
la surconsommation ou le capitalisme.
prônée lors de l’année de la femme en 1975
De plus, les problèmes sérieux de violence
par Françoise Giroud, privilégie la spécifi-
contre les femmes, et l’oppression sexiste
cité des sexes. Elles sont appelées les dif-
en général, semblent grossièrement sim-
férencialistes ou essentialistes et fondent
plifiés quand on les associe constamment
leur conception de la place des femmes en
à l’industrie du sexe. Focaliser l’attention
affirmant que le monde est basé sur un
sur la violence machiste exercée sur les
leurre. Elles exigent donc de rattraper le
femmes est mauvais pour le féminisme

Les violences domestiques tuent plus de femmes dans les pays développés que la guerre ou le cancer.
Seuls 13 pays sur 193 ont au moins 25 % de femmes dans les instances gouvernementales.
Trente millions de femmes asiatiques, prisonnières de trafiquants, sont obligées de se prostituer.
Les femmes produisent la moitié de la nourriture mondiale mais ne possèdent que 2 % des terres.
Deux tiers des analphabètes sont des femmes.
Un tiers des femmes dans le monde n’a pas de toit ou vit dans des conditions de logement inacceptables.
14 recenser

Dans la gueule
du Capital
Sylvain Thévoz

Jean-François Gava, docteur gination et donc le fantasme participent, liste   !   Le fantasme, pourfendu, n’alimente
élaborent, ‘produisent’ le processus même plus dans la machine capitaliste le désir,
en philosophie, a soutenu, une de consommation.  » mais l’aliénation. Mais si les politiciens,
thèse portant sur la différence Fantasmez, fantasmez, il en restera maçons, prostituées ou conductrices de
locomotives, peuvent vivre de fantasmes,
entre contradiction dialec- toujours quelque chose 
ils peuvent aussi en produire. Il y a donc un
tique et antagonisme, en vue Aux yeux de Gava, ce reste constitue l’être point de retournement pour faire saliver le
nourrissant l’entier du capital dans son
d’une révision globale des capital même en le prenant à son petit jeu.
impossibilité même à le saisir. «  Le capital C’est cette voie périlleuse que nous invite
études marxiennes. Rien que invente ce dont il est l’effet propre, l’homo à suivre Gava.
ça  ! Mais dans « Machinisme, productivus, un type d’homme entière-
ment adéquat à la production de pouvoir,
fantasme », micro-livre de 56 de ce pouvoir qui l’écrase mais pour finir
pages en format ultra poche l’énuclée aussi de toute technique auto-
nome.  » L’aliénation, subtile, se niche donc
plutôt coriace, le propos est
dans le fantasme de se croire non aliéné,
plus ciblé. autonome. Si la disposition du pouvoir est
de décomposer mais aussi de gouverner
la décomposition, l’unique voie de résis-
Industrialisation du désir tance ne serait-elle pas celle du contre-
Quatre parties forment un espace de di- fantasme  : la passion, l’action ou alors dans
vagation où les liens entre fantasme, af- un mouvement paradoxal et magnifié, la
fect et capital sont questionnés. Gava poursuite de l’utopie  ?
convoque Freud, Klossowski et Castoria-
dis. Il réfléchit l’Homme et sa nature, le Faire saliver le capital
confronte à l’impact de l’industrialisation Gava effectue une charge contre le capital
sur la machine désirante de son corps. qui non seulement dénature le vivant, mais
Loin d’un matérialisme serré, il explore la parvient au tour de force de faire croire
dimension idéologique du capitalisme ac- que le capital crée de la plus-value. Or, à ses
tuel. «  Marx voyait déjà que le besoin de yeux, les seuls à créer de la plus value sont
viande crue était tout différent de celui les êtres productifs, ou les êtres exploités.
de mets consommés à l’aide de couverts. Le prolétaire célibataire à l’hôtel n’est bel Jean-François Gava, Machinisme, fantasme,
Dans ce dernier cas, le jeu, l’activité, l’ima- et bien plus qu’une marchandise capita- Les Editions de la Nuit, Arles, 2010.

Genre et emplois, le grand écart


Yves Flückiger
Professeur, économiste spécialisé

A Genève, le salaire médian des hommes important pour les cadres supérieurs : quand bien même les études montrent
occupés dans le secteur privé dépasse ce- une femme gagnera 43,5% de moins que que la diversité sexuelle a une influence
lui des femmes de 10,6%. En Suisse, cet son homologue masculin à Genève. positive et significative sur le taux de
écart atteint même 24% ! En Suisse, les femmes ne détiennent que rendement net sur les investissements
Si cet écart existe pour toutes les catégo- 6,6% des postes au sein des Conseils d’ad- ( ROI ) et sur les actifs ( ROA).
ries de salarié-e-s, il est particulièrement ministration ( contre 44,2% en Norvège)
rencontrer
15

Yes we Kanaan  !
Entretien réalisé par
Sylvain Thévoz
PHOTOS Félicien mazzola

Sami Kanaan, candidat au


Conseil administratif, se
met à nu (partiellement)
pour Causes Communes. De
ses origines libanaises à ses
engagements militants, que
ce soit avec des étudiants
bernois ou au Parti socialiste
zurichois, jusqu’aux actions
pour la prévention antidrogue
sur le camping d’un festival
bien connu et le début de son
histoire d’amour avec Genève,
le parcours de ce nomade est
d’une richesse et d’une profon-
deur atypiques. Celui dont le
sérieux est unanimement loué
fait ici preuve d’une généro-
sité et d’une liberté de pensée
qu’il met depuis son plus jeune
âge au service de la recherche
du bien commun et de la paix

Sylvain Thévoz : Sami, tu vis à Genève et La découverte d’autres cultures a-t-elle été de réussite sociale. Il venait d’un milieu
pourtant tu as grandi entre divers pays des un élément fondamental de tes premières très modeste et n’avait pas fait d’études.
deux côtés de la Méditerranée. Tu parles années de vie  ? Malgré l’insistance de ma mère, il ne nous
français, mais ce n’était la langue mater- parlait pas en arabe. Mais j’ai quand même
nelle d’aucun de tes parents. Peux-tu nous Oui, on a vécu comme des nomades, que appris l’arabe en deuxième langue au lycée
esquisser ton parcours  ? ce soit en Suisse, en Grèce, ou au Liban. français. J’ai un vocabulaire assez restreint
Avec ma sœur, on a compté huit change- et un accent français à couper au couteau,
Sami Kanaan  : Je suis né au Liban. J’y ai ments d’école chacun. Mais formellement, mais je peux me débrouiller.
grandi, mais je venais chaque été en Suisse. jusqu’à mes 17 ans, j’étais au Liban. Tech-
Pendant mon enfance, ce pays était un niquement, le français n’est pas ma langue Tes grands-parents vivaient en Suisse
havre de paix et de sécurité par rapport maternelle, même si elle était la langue alémanique, ce qui t’a offert une bonne
au Liban, en guerre. Mon père était archi- commune de mes parents. Ma mère était connaissance du suisse-allemand.
tecte d’intérieur. Ma mère travaillait au germanophone. Jeune adulte, elle était
DFAE ( département fédéral des affaires allée à Paris pour travailler chez l’abbé Nous passions nos vacances entre Berne et
étrangères), comme secrétaire de direc- Pierre. C’était héroïque à l’époque, car Thoune. Je voulais faire mon bac français
tion. A la fin des années cinquante, elle a en 1956, ceux qui aidaient devaient vivre au Liban, mais, une fois de plus, le conflit a
eu le choix entre partir pour le Ghana ou le comme ceux qui étaient aidés. Elle a donc repris au Liban, et on ne savait pas si mon
Liban. Elle a choisi le Liban, rencontré mon vécu en dortoirs. Elle mangeait les restes école, située sur la ligne de démarcation,
père et compris par la suite que ce pays al- des Halles le matin et fumait les cigarettes allait rouvrir. J’ai fait alors ma dernière
lait exploser. Mon père a choisi de rester. Il de l’armée française, tellement toxiques année à Bienne, seul collège francophone
était trop attaché à sa terre. Ensuite, il est qu’elles ne seraient plus autorisées de nos du canton de Berne. Je suis tombé sur des
tombé malade. Le temps qu’il se remette, jours ! Mon père était arabophone, mais il Jurassiens, des Bernois, et ce qui les a ren
la guerre a commencé. Tout est devenu ne communiquait pas avec nous dans cette dus fous, c’est de rencontrer un Libanais
très compliqué par la suite. langue. Pour lui, le français était le signe qui parlait suisse allemand et jouait au jass
16 écouter

mieux qu’eux  ! Par la suite, ils ont compris rieuses  » étaient les sciences naturelles et et puis Lilian Uchtenagen, qui était la pre-
pourquoi. J’ai passé une superbe année là- techniques. Le reste n’entrait pas en ligne mière femme que le PS avait essayé de
bas et appris quelques coutumes locales. de compte. Le Poly à Zurich était quelque faire élire au Conseil fédéral. Tous deux
Au Liban, comme adolescent, à l’époque, chose de très prestigieux. J’y ai fait toutes m’ont éveillé à la politique. Ils étaient les
on buvait très peu d’alcool. Arrivant dans mes études. Mon père est mort jeune, à 52 piliers du PS zurichois, dotés de sacrées
un gymnase plein de Jurassiens bernois, ans, juste après le début de mes études. Ma personnalités. Au niveau international, j’ai
j’ai vite pris le pli  : on va dire que c’était un mère est restée au Liban. Sauf aux pires été marqué par la figure de Jean Jaurès
acte d’intégration. moments, elle n’a pas voulu le quitter. et Rosa Luxembourg. J’ai été marqué par
Lorsque la maladie a pris le dessus, elle est tout ce qui a caractérisé les luttes entre
Du point de vue spirituel, tu as aussi reçu revenue en Suisse et y est décédée. Je suis les mouvements sociaux-démocrates et
un double héritage ? allé de l’avant. les gauches radicales en Europe. Cela m’a
toujours révolté lorsque des divisions de la
Ma mère était catholique pratiquante, Genève est devenue en quelque sorte ta gauche profitaient à la droite.
sans prosélytisme. Mon père était musul- ville d’adoption  ?
man sunnite mais non pratiquant. Légale- L’influence de Manuel Tornare t’a-t-elle
ment, nous avions la religion de notre père Oui, Genève a réalisé en quelque sorte une marquée  ?
sur nos papiers d’identité. Mon père aurait synthèse de mes origines. D’ailleurs, pour
pu exiger que ma mère prenne formelle- les membres de ma famille qui vivent en J’ai appris de Manuel l’importance cen-
ment la confession sunnite au moment Suisse alémanique, cette ville n’est plus trale de la dimension humaine en poli-
du mariage, mais cela lui était égal. On a tout à fait en Suisse. Il y a un côté aty- tique. Il y a des différences de caractère
donc eu une éducation catholique  : caté- pique, métissé à Genève. L’influence fran- entre lui et moi, ce qui m’a permis de beau-
chisme, baptême, la totale. Mais je ne suis cophone, latine y est plus forte qu’ailleurs coup apprendre. J’assume complètement
plus pratiquant. Je respecte les gens qui le en Suisse. J’y ai trouvé ma place. Pour la son héritage, mais je serai évidemment
sont, mais au Liban, du fait de son usage à petite histoire, les rayonnages de la Migros quelqu’un d’autre. J’ai aussi vécu les chan-
des fins politiques sanglantes, la religion a et de la Coop ne sont pas assortis tout à gements dans l’administration et il n’y a
laissé un goût amer. Il y eut de vraies ma- fait de la même manière qu’en Suisse alé- plus un seul dossier qui puisse être géré
nipulations communautaires. Pour moi, la manique. Un détail  ? seul.
religion doit rester une affaire privée.
Tu as commencé très tôt à t’impliquer D’où l’avantage d’être un homme de négo-
Cette double identité t’a-t-elle aussi causé pour les changements sociaux  ? ciation et de consensus  ?
des difficultés  ?
A 15, 16 ans, je me sentais tellement im- Oui, je préfère trouver des solutions par
A l’époque, les enfants de Suissesses ma- puissant face à la guerre au Liban que j’ai négociation, quand c’est possible. Mais la
riées à des étrangers n’étaient pas auto- fondé un mouvement mondial des jeunes politique est aussi une question de rap-
matiquement suisses. Alors qu’un Suisse pour la paix. A l’époque, je voulais régler ports de force, et je ne les refuse pas. Dans
qui épousait une étrangère permettait à les problèmes du monde. Maintenant, l’histoire moderne, le capital n’a reculé
sa femme d’obtenir le passeport, même si je travaille pour régler les problèmes de que lorsqu’on l’a bousculé. S’il n’y a pas de
elle n’avait jamais mis les pieds en Suisse quartiers, mais je n’oublie pas le monde. mouvements syndicaux qui descendent
et ses gamins non plus. Toute notre en- On a bossé, on a eu des résultats, notam- dans la rue, il n’y aura pas de progrès social.
fance, ma mère a dû aller chercher un visa ment sur les questions du service civil et J’apprécie de trouver des solutions par la
pour nous prendre avec elle en Suisse. les requérants d’asile. Ensuite, à Zurich, négociation, mais cela n’est pas toujours
Elle l’avait automatiquement, mais c’était tout en étudiant avec assiduité, je me suis possible. J’assume aussi les dissensions.
humiliant. Quand on séjournait en Suisse, engagé à fond dans les organisations étu-
nous avions un permis B  ! diantes, aussi bien sur les enjeux de démo- Ton âge fait-il de toi le candidat
cratisation des études que pour soutenir des jeunes  ?
On ne naît pas Suisse donc, on le devient  ? des mouvements étudiants à l’étranger, la
lutte anti-apartheid en Afrique du Sud ou Cela me ferait plaisir d’être à 46 ans le
J’ai été naturalisé à 20 ans seulement, dans contre les dictatures d’Amérique Latine. candidat des jeunes  ! J’ai à la fois de l’expé-
le cadre de la réforme de la loi. J’ai reçu Cela a été extrêmement formateur pour rience et beaucoup d’énergie pour voir ve-
ma convocation pour le recrutement plus moi. Je me suis aussi engagé au Paléo Fes- nir et donner de nouvelles impulsions. On
vite que le passeport. Mon grand-père m’a tival de Nyon, dans le cadre du Groupe sida est en train de se rapprocher de ces pays
aidé pour les démarches de naturalisation. Genève faisant des échanges de seringues en Europe où même les jeunes qualifiés
Haut fonctionnaire dans l’administration au camping, ou encore pour réduire le tra- ont de la peine à commencer leur carrière.
fédérale, il connaissait beaucoup de monde fic individuel motorisé en ville, au sein de En ville, nous avons soutenu de nombreux
à Berne. J’avais un dossier béton avec des l’ATE ; j’ai un côté idéaliste. projet comme celui de la Barje et des bu-
références de gens qui ne m’avaient jamais vettes associatives. Un enjeu important
vu de leur vie. Mon grand-père, en bon Ton engagement au PS est venu dans la aujourd’hui, c’est de renouer le lien avec
PDC, m’a fait jurer de faire mon service mi- continuité  ? ces citoyen-ne-s qui ont été mis de côté,
litaire. Comme je suis un homme de parole, quel que soit leur âge. Il faut émettre à
je l’ai fait. Je n’ai objecté que bien plus tard Cela s’est fait d’une manière très naturelle. leur destination un message d’espoir et de
et réalisé mon service civil chez Médecins Je n’ai jamais eu de tendance extrême confiance à la place d’un message de peur
sans frontières, au siège à Genève. gauche, et les Verts étaient très embryon- et de repli. Oui, on y arrive si on s’y met
naires. Mon cœur est socialiste. ensemble. Sans promesses miraculeuses,
Avant de venir faire Sciences Politiques à mais en produisant le changement.
Genève tu as étudié la physique au Poly- Quels sont tes modèles politiques  ?
technikum de Zürich. Un choix de raison  ?
Elmar Ledergerber, à l’époque conseiller
Dans la famille, les seules études «  sé- national, mais pas encore maire de Zurich
17

Une adhésion aux Verts ne t’a jamais ten-


tée  ? Tu as été président de l’ATE, associa-
tion Transport Environnement et tu luttes
pour une ville sans voitures...

Au Parti Socialiste, on prend en compte


toute la société, avec l’enjeu social au
centre, et c’est ce qui nous distingue des
Verts, ainsi que la relation à l’Etat, même
si nous avons aussi de nombreux points
communs. Aujourd’hui, pour de nombreux
militants-es «  écosociaux  », le plus ten-
tant c’est de soutenir des projets comme
des coopératives de logement ou l’agri-
culture biologique  ; ces projets sont très
pertinents comme exemples, mais si on
se contente de cela, on risque de faire
l’impasse sur le changement social collec-
tif. Un petit groupe de gens seront impli-
qués dans des projets innovateurs, mais la
masse subira l’ensemble. Si l’on renonce au
changement social global, on abandonne
un avenir possible à long terme pour tous.
Beaucoup de gens ont démissionné et se
sont repliés sur les sphères individuelles.
Le premier axe de la gauche a toujours
été de briser l’aliénation. Aujourd’hui, la
socié,té de consommation nous aliène et il
est de notre devoir de penser une désalié-
nation collective.

Entre Sexes et politique, c’est aussi le d’accès régnait en maître. Aujourd’hui, ces
rapport entre privé et public qui se dé- Le risque existe donc d’un couple Kanaan- espaces ont été remplacés par des bars à
ploie  ?  Salerno  ? vin. La faune y est celle d’expatriés. C’est
nouveau. Ce sont des nomades. Ils adorent
Oui, et l’on voit en Suisse les différences Politiquement et amicalement, oui. Sinon, Genève mais ne s’y impliquent pas car ils
d’avec les Etats-Unis, par exemple. Strauss non (rires) sont en transit. Pour que cette ville ait une
Kahn passe en France pour un gai luron, cohésion, il y a beaucoup à faire du côté des
et cela lui est compté, alors qu’aux Etats- Si l’on parle d’union, quel est ton regard nouvelles migrations, aussi bien de la part
Unis il passe pratiquement en jugement. sur les liens de Genève avec sa partie in- de personnes privilégiées que d’autres
Aujourd’hui, une femme ministre qui se- ternationale  ? ( bien plus nombreuses ). Ils ont besoin
rait comme Berlusconi ou Chirac, ce serait d’être accueillis et il est essentiel de pen-
un scandale. Enfin, au-delà du machisme, La Genève internationale publique, type ser la région. Comme la majorité du canton
la politique a quelque chose de très inces- ONU, s’est vue augmenter de la Genève a une vision politique de droite, pour ne
tueux. Comme c’est un petit monde, on se internationale, type ONG, et maintenant pas être divisé, il faut penser l’ensemble de
retrouve parfois dans des configurations financière. Quand je suis arrivé à Genève, la région genevoise à partir des villes gene-
où les liens personnels ne correspondent ma vie nocturne avait lieu dans les squats, voises et avoisinantes. C’est vital. Ce sera
pas toujours aux liens politiques. Et puis, conviviaux, pas chers et paisibles. Je n’ai ja- un combat.
il paraît que 70% des relations naissent au mais vu de bagarres dans ces espaces, il n’y
boulot. Ceci explique les endogamies. avait pas de service d’ordre et la gratuité

sami en pince pour...

Les bonnes adresses sortir lectures

Le Coup de Girafe, rue Maunoir, Yvette Les théâtres. Marqué par des pièces Christiane Felscherinow ( moi Christiane
de Marseille (ancien code-bar), rue Blan- comme Incendies, de Wajdi Mouawad, F., 13 ans, droguée, prostituée ), Amin
valet, les Recyclables, rue de Carouge ou Quartier lointain, manga japonais de Maalouf (sans retenue) , Virgil Gheor-
ou l’Ethno ( Rue des 2-Ponts). L’Opéra Jiro Taniguchi ; participant fidèle au ghiu ( la 25ème heure ), Imre Kertèsz ( Le
bouffe, avenue de Frontenex ; l’Omni- Festival de la Bâtie et aux sorties sur refus ), Zola (mon auteur pour l’examen
bus ( rue de la Coulouvrenière ). La Barje l’eau ( lac ou mer) pour naviguer. de français au bac  ! ). Le Courrier Inter-
1 et 2. A regretter : la disparition de Marcher en montagne permet de national et Alternatives économiques, et
trop nombreux bistrots de quartier. s’aérer la tête… bien sûr le Courrier, Pages de Gauche et
Causes Communes.
18 dénoncer

La prostitution,
le plus vieux casse-tête
du monde
Sébastien Bourquin
Journaliste et historien

Le 1er mai dernier entrait en souvent des hommes célibataires, en- nouveau type de lieux. On ne les appelle
traîne une hausse de la « demande » dans plus maisons de tolérance, mais «  salons
vigueur la Loi sur la prostitu- le milieu de la prostitution. Parallèlement, de massage  » ou agence d’escorte. La po-
tion (LProst), dont les objectifs de nombreuses femmes, premières vic- lice en dénombre plus de 170.
times des vagues de licenciements dans
principaux sont de réglemen-
l’industrie textile, se voient contraintes Une «  classe en danger  »
ter les lieux dédiés à la prosti- d’y répondre.
Si Genève s’est dotée d’une nouvelle loi
tution et de veiller à ce que les
Jusque-là, les prostituées étaient confi- cette année, la LProst, c’est surtout pour
travailleuses et les travailleurs nées dans des établissements étroitement renforcer le contrôle sur ces lieux qui,
du sexe exercent leurs activités surveillés par la police, les «  maisons de comme les prostituées qui y travaillent,
tolérance  », ou alors «  encartées  », c’est- sont contraints de déclarer leurs activités.
délivré(e)s de toute contrainte. Les gérants doivent également respecter
à-dire inscrites en tant qu’ indépendantes.
Le but étant également d’évi- Dès 1850, les «  clandestines  » viennent un certain nombre d’obligations, notam-
ment en s’assurant que les prostituées
ter «  les manifestations secon- concurrencer cette prostitution tradi-
tionnelle, engendrant une série de pro- ne sont pas victimes de violences ou de
daires fâcheuses  ». Pour faire blèmes nouveaux: proxénétisme, maisons contraintes. Quatre mois après l’entrée en
face aux problèmes liés à la de passe illégales, racolage sur la voie vigueur de la loi, aucun salon n’a été fermé,
publique, prostitution de mineurs. Faute un délai leur ayant été octroyé, le temps de
prostitution, les autorités ge- se mettre en règle.
d’effectifs policiers, la loi de 1888 ne per-
nevoises n’en sont pas à leur mettra pas de juguler cette prostitution de
La LProst ne pourra assurément pas régler
premier coup d’essai législatif. rue, qui s’imposera au détriment des mai-
sons de tolérance, abolies en 1925. tous les problèmes liés à la prostitution.
Petit rappel historique. Elle n’en apporte pas moins certains pro-
grès notables sur le plan humain, comme
Autres temps, autres mœurs l’interdiction de la prostitution des mi-
Genève, 26 septembre 1888. Les élus du
canton votent une loi sur la morale pu- Genève, 1er mai 2010. La prostitution sur neurs de plus de 16 ans, une pratique
blique, en réaction aux «  actes scanda- l’espace public est désormais tolérée, mais encore tolérée au niveau fédéral qui va à
leux  » qui entachent le «  renom de la cité  ». dans des lieux bien précis  : les Pâquis et contre-courant de la plupart des pays eu-
Ladite cité est confrontée à une nouvelle le boulevard Helvétique. Prostituées et ropéens.
forme de prostitution dont le contrôle prostitués ont l’obligation de s’enregis-
échappe totalement aux autorités. Les trer auprès de la brigade des moeurs. Si D’une manière générale, l’intérêt porté
«  racoleuses  » et leurs proxénètes enva- leur nombre était constant avant les ac- aux travailleurs et aux travailleuses du
hissent les rues, au mépris des règlements. cords bilatéraux entre la Suisse et l’Union sexe, notamment au niveau de la préven-
européenne en 2002 (autour de 800 per- tion et de la réorientation professionnelle,
sonnes), il a explosé depuis pour atteindre montre que les mentalités ont bien changé
Des femmes précarisées près de 3000 personnes, dont la plupart depuis cette époque, pas si lointaine, où
sont des femmes venues d’Europe de l’Est. les prostituées étaient toujours désignées
Avec l’industrialisation, Genève connaît
comme une «  classe dangereuse  », mais
au XIXe siècle une explosion démogra-
Contrairement au phénomène observé il y jamais comme une « classe en danger ».
phique sans précédent (la population du
a 120 ans, on assiste à un retour de la pros-
canton passe de 50000 habitants en 1820
titution de salon, avec l’apparition d’un
à 100000 en 1880). L’afflux de travailleurs,
évoluer
19

Pourquoi les primates


baisent-ils ?
Ninian Hubert van Blyenburgh
Anthropologue
illustration aloys

C’est une excellente question. écarts. Les comportements de procréation


sont totalement codifiés et leur seule fina-
Car, quelle est, au fond, la fina- lité est la procréation.
lité de notre sexualité ? La re-
production ? Pas si sûr. Un peu Orgasmer pour vivre ensemble
d’histoire naturelle nous per- Les choses se compliquent, ou se déli-
tent, c’est selon, avec la complexification
mettra de voir pourquoi.
du système nerveux central. Faisons l’im-
passe sur les mammifères qui précèdent Enseigner la sexualité
Les comportements qui amènent nos
les grands primates (et chez lesquels on L’Occident a subi plusieurs siècles de dis-
congénères - dits inférieurs - à procréer
trouve de nombreux cas d’onanisme et de cours anti-plaisir. La propagande judéo-
sont souvent d’une étonnante inventi-
relations homosexuelles) et arrêtons-nous chrétienne culpabilisante a réussi à nous
vité, mais toujours extrêmement codifiés.
aux fameux bonobos. Qui n’a pas entendu faire avaler que chez l’Homme (sic), comme
La mante religieuse doit dévorer la tête
parler de leur exubérance sexuelle ? Leurs chez la mante religieuse, le puceron et
de son conjoint pour arriver à ses fins. Le
accouplements très fréquents, que ce soit l’épinoche, le sexe ne sert qu’à enfanter,
scorpion mâle tire la femelle par ses pinces
entre partenaires de même sexe ou de sexe de préférence dans la douleur! Elle nous a
pour la faire passer par dessus un sper-
opposé, n’ont très clairement pas comme désappris à aimer l’amour. Ce qui, en soit,
matophore qu’il aura au préalable déposé
finalité la reproduction. Ce qui était dans ne serait pas si grave, si nous n’avions pas
dans le sable. Chez les pucerons, le mâle
un premier temps considéré comme une dans le même temps désappris que nous
transperce la femelle à n’importe quel en-
sorte de perversité, est aujourd’hui com- devons apprendre à faire l’amour, puisque
droit de sa carapace pour la féconder. Mais
pris comme un élément fondamental du notre biologie ne nous le dit plus. Ce n’est
même si la manière de s’y prendre est sou-
lien social. Si les bonobos baisent à tout donc pas un hasard si dans des sociétés
vent assez extraordinaire, baiser chez les
moment, ce n’est pas pour procréer, mais où l’apprentissage du sexe se résume à
invertébrés n’a clairement qu’une seule
pour se faire du bien. Rien de tel qu’un pe- quelques cours «d’éducation sexuelle»,
vocation: procréer.
tit shoot d’hormones pour faire baisser voire aux seuls films pornos, qu’il y ait par-
la tension, renforcer les liens sociaux et fois (souvent ?) des dérapages. Pour les
Pas de fantaisie sexuelle maintenir les hiérarchies. Les bonobos ont éviter, il n’y a qu’une solution : enseigner
Chez les vertébrés, eux aussi dits inférieurs découvert qu’ils pouvaient se servir de leur les jeux de l’amour, comme le faisaient au-
comme les poissons, les choses ne sont biologie pour soigner «le vivre ensemble» trefois de nombreux groupes humains et
pas très différentes. Certaines espèces se et pas seulement pour procréer. comme le pratiquent encore certains.
contentent de lâcher leur semence dans la
nature et les rencontres se font au hasard Le cerveau des humains est trois fois plus
des courants. Chez l’épinoche, les choses gros que celui des bonobos. Nous nous
sont un peu plus élaborées : l’agitation du sommes encore davantage éloignés qu’eux
ventre rouge du mâle déclenche la ponte de la fonction utilitaire de la sexualité.
chez la femelle. Des insectes aux poissons, Chez nous, le sexe sert non seulement de
en passant par les arthropodes et bien ciment social, mais s’est de plus soumis
d’autres formes de vie, les comportements à la culture. Ce qui explique que certains
sexuels se caractérisent par leur rigidité. groupes humains l’ont élevé en art de vivre
Ici, pas de place pour les fantaisies et les et que d’autres en ont fait un tabou.
20 transgresser

Pour faire un tour d’horizon


complet sur les questions
de genre : l’association 360°
propos recueillis
par félicien Mazzola

Quelle est l’histoire de toutes ses formes (transsexualisme, in- non seulement d’émanciper les femmes
tersexualité, travestisme), aux minorités (ce qui est fait en grande partie) mais de
l’association 360°  ? ethniques et à la communauté expatriée. déconstruire les hiérarchisations des iden-
Ils sont très vite rejoints par d’autres tités et des comportements à l’œuvre dans
Trois-cent soixante  :  le chiffre dessine, thèmes  : la bisexualité, les gays et les- nos sociétés. Une vraie utopie politique
au choix, un cercle, une roue, un ventila- biennes parents, les gays seniors. Avec le en somme, puisqu’elle agit aussi bien sur
teur, une meule de gruyère… ou, mettons temps, 360 se dote également de services le pouvoir et sa représentation que sur la
plutôt  : une soucoupe volante, un OVNI professionnels, au travers d’une consulta- vie individuelle des citoyens (éducation,
associatif genevois. Difficile d’expliquer tion psychologique et d’une permanence famille, etc…). Et c’est précisément le rôle
son origine. Tout juste peut-on la retra- juridique. du politique  : puiser dans ces sources de
cer jusqu’à une vieille baraque vouée à la progrès pour mettre en place des applica-
démolition, au début des années 90. L’âge S’il en fallait une, la règle serait toujours tions concrètes utiles à tous. On compte
d’or des squats à Genève. «  Chez Brigitte  » la même : casser le ghetto à l’intérieur du sur vous  !
y tenait à la fois du café culturel, du lupa- ghetto. De fait, tous ces groupes et mini-
nar et de la discothèque rustique. Le public communautés sont perméables les uns
était raccord  : post-punks, artistes, em- aux autres et cimentés par la collabora-
ployés tombant la cravate ou étudiants de tion de leurs membres aux soirées 360°
l’Uni voisine venaient noyer leur insomnie fever, à la vie du magazine 360°, à l’anima-
dans de la vodka payée d’une obole dans la tion des groupes de discussions et à bien
«  bite à Brigitte  » érigée sur le bar. d’autres projets encore. Au total, ce sont
  près de 500 membres aux itinéraires de
Spontanée, foisonnante, cette expérience vie souvent riches et singuliers qui, tous à
a fini par passer les murs branlants de la leur manière, contribuent à garder en lévi-
petite maison de Plainpalais. Dans la rue, tation cette fichue soucoupe volante, plus
d’abord, avec une première «  pride  », qui de 10 ans après sa première apparition.
a parcouru la ville en juillet 1997 sous le
regard médusé des passants. Puis, dans la
foulée, avec la création d’une association Ce numéro se nomme « Sexes
«  lesbienne, gay, bi, trans et… hétéro  ». Une & politique  », qu’est-ce que ça
tautologie assumée, pour signifier une ou-
verture à 360°.
vous inspire  ?
On pense immédiatement au slogan «  le
Quels étaient les buts initiaux? sexe est politique  » que scandait le MLF au
Ont-ils évolué  ? début des années 70  ! On a alors sorti la
sexualité de la sphère privée afin de consi-
Plutôt que des intérêts à défendre, le dérer les implications politiques de la dif-
collectif a des rêves à réaliser. Ce sont, férenciation des sexes, et commencé à en-
d’abord, des soirées populaires, accessibles visager de sortir de l’assignation des rôles
à tous : les «  360° fever  », contrepieds à la sexuels et sexués ! C’est d’ailleurs aussi à
«  branchitude  » et à l’arrogance d’une cer- ce moment qu’aux Etats Unis est apparue
taine vie nocturne. Très vite, un autre pro- la notion de genre, qui renvoie au contenu
jet se concrétise, celui d’un magazine «  de culturel et social du féminin et du mas-
sensibilité homosexuelle  », mais ayant culin, au-delà des différences biologiques
l’ambition d’aborder tous les sujets et d’en susceptibles de distinguer les hommes et
défricher de nouveaux. Enfin, des services les femmes. Cette notion, qui a mis plus de
et des groupes de discussions se mettent temps à arriver en Europe, a poussé encore
sur pied sous l’égide d’« Espace 360 ». Ils plus loin l’étude de toutes les dimensions
s’intéressent au transgendérisme sous des rapports de sexe. Il s’agit désormais
21

Hétérographe, revue des


homolittératures ou pas  :

Quelle est l’histoire de l’asso- né le sous-titre d’ Hétérographe : «  revue Ce numéro se nomme « Sexes
des homolittératures ou pas  :  » (notez bien
ciation  ? Comment s’est-elle les deux points qui ouvrent de nouvelles & politique », qu’est-ce que ça
créée et avec quels buts  ? perspectives). C’est-à-dire un lieu qui in- vous inspire  ?
terroge les frontières (homme/femme,
L’élément déclenchant Hétérographe a été homo/hétéro, etc.) pour mieux les dépas- Depuis Michel Foucault, on a saisi à quel
l’inauguration du Mémorial pour les vic- ser. point le contrôle des corps et des sexua-
times homosexuelles du nazisme à Berlin, lités est une préoccupation majeure des
en mai 2008. Ce qui était frappant, c’était Concrètement, que fait l’asso- pouvoirs en place. La juriste Marcela Jacub
non seulement le symbole, mais aussi la a très bien montré comment des compor-
possibilité d’instaurer un lieu, au milieu de ciation aujourd’hui  ? tements et des attitudes que nous croyons
la ville, où les blessures de l’histoire pou- issus des us et coutumes ou de la morale
vaient être approchées par tout un cha- Il s’agit d’un travail d’équipe, très concret, sont souvent générés par la loi  : l’idée
cun, devenant matière à réflexion, mais pour arriver tous les six mois à produire même d’intimité, l’usage des plaisirs, l’au-
aussi possibilité de dépasser les préjugés un volume de 100 pages incluant un ca- to-détermination des corps sont au centre
anciens. Ainsi est née l’idée d’une revue hier d’images commandité à un artiste d’un vaste réseau de contrôle étatique qui
conçue comme un lieu où le partage est contemporain, des textes inédits (d’au- doit constamment être mis en doute par
encore possible à travers la littérature. teurs connus ou inconnus), des entretiens les minorités et par le vécu des personnes.
et des articles de fond sur des thèmes On croit aujourd’hui en avoir fini avec les
divers (de l’homosexualité en Pologne à carcans de la «  tradition  », mais les luttes
Est-ce que les buts initiaux ont la procréation dans la science fiction), un autour de l’homoparentalité ou de la digni-
évolué  ? cahier critique (avec des films, des bandes té des personnes prostituées (que même le
dessinées, des livres à découvrir ou ne pas Parti socialiste français veut «  éradiquer  »)
Au départ, il y avait une envie individuelle, oublier)  ; il faut un travail régulier, avec nous montrent que nous ne sommes fran-
ensuite un groupe s’est formé. Et à tra- des séances mensuelles, des discussions chement pas encore sortis de l’auberge.
vers les discussions pour mettre sur pied passionnées sur les textes (envoyez vos D’où la nécessité de se donner des outils
un projet de revue semestrielle, plusieurs textes  !). Sans oublier un site internet ( intellectuels, littéraires même, comme
thèmes ont émergé et très vite évolué  : (www.heterographe.com) et de nom- dans notre cas ) pour éviter des retours en
par exemple, il nous semblait plutôt réduc- breuses rencontres, lectures, organisées arrière sociaux et politiques.
teur de nous cantonner à une soi-disant pour que la revue soit ouverte à son public
«  littérature homosexuelle  » (est-elle le (d’ailleurs tout abonné-e est membre de
fait d’homos qui écrivent ou d’écrivains qui notre association).
traitent le thème ?). De ces réflexions est

Née de la crise et des besoins


des femmes, Voie F

Voie F est née dans le contexte une réflexion sur la mise en place d’un dis- dans un processus de formation et les sou-
positif répondant aux besoins spécifiques tenir activement dans cette démarche;
de la crise économique des an- en formation des femmes. Et c’est sous favoriser leur accès à l’informatique; et
nées 90 et de l’essor du mar- l’impulsion de Marianne Frischknecht - la aussi réfléchir sur le rapport au savoir des
Madame Egalité d’alors - et grâce à une femmes.
ché de la formation suscité par
subvention de démarrage reçue du Bureau
les mesures actives du marché fédéral de l’égalité, que l’association Voie F Pour atteindre ces buts, l’association pro-
du travail ( MMT ). a vu le jour en janvier 1998. pose des cours de formation continue et
de base. La majeure partie des activités
La formation était vue comme une des so- Voie F est donc un espace de formation de Voie F se concentre actuellement sur
lutions au problème du chômage. Mais ces pour les femmes résidant dans le canton l’offre de formation de base, qui s’adresse
MMT bénéficiaient principalement à des de Genève et qui veut faciliter et main- tant à des femmes migrantes qu’à des au-
personnes formées. A partir de ce constat, tenir leur (ré)insertion socioprofession- tochtones.
le Bureau genevois de l’égalité des droits nelle. Pour cela, Voie F s’est fixé les buts
entre homme et femme a entamé en 1994 suivants  : inciter les femmes à s’engager
22 émanciper

Est-ce que les buts initiaux ont cela passe par des cours de développement Ce numéro se nomme « Sexes
des facultés d’apprentissage, d’initiation à
évolué  ? l’informatique conjuguée avec des ateliers & politique », qu’est-ce que ça
d’écriture ou de français ou encore par un vous inspire  ?
Depuis sa création, Voie F a toujours bilan de compétences avec l’élaboration
maintenu son cap. A noter que l‘équipe d’un projet de réinsertion et un stage en Je crois profondément que dans tous les
de l’association est en constante profes- entreprise. domaines, il faut chausser ses lunettes
sionnalisation de ses prestations, suite à «genre». C’est-à-dire mener une analyse
l’évaluation régulière de ses pratiques et La formation de base dispensée à Voie F pour repérer les besoins propres aux
des besoins en formation des femmes. On s’inscrit dans un dispositif bien concret : hommes et femmes, afin d’éviter la mise
constate que les femmes concernées par • Gratuité des cours pour les participantes en place d’actions qui auraient des effets
la formation de base connaissent une pré- peu argentées. discriminatoires  ! Par exemple, en 2006
carisation grandissante. • Communication de proximité auprès des Voie F a mené une réflexion sur les dispo-
professionnel-le-s pour qu’ils et elles sen- sitifs de remise à niveau dans la scolarité
Concrètement, que fait l’asso- sibilisent leurs usagères à une démarche de base, destinés aux adultes avec une at-
de formation. tention portée aux besoins spécifiques
ciation aujourd’hui  ?
• Entretien préalable à l’inscription à un des femmes. Cette réflexion a abouti à la
cours pour éviter un nouvel échec à des rédaction d’un rapport interrogeant le
Voie F est une structure pensée et
femmes qui en ont déjà suffisamment Conseil d’Etat genevois sur sa politique de
construite de manière à faciliter l’accès
connus et recherche des solutions de formation continue.
des femmes à la formation ainsi que leur
garde pour les enfants.
maintien dans une dynamique d’appren-
• Pédagogie adaptée: groupes d’appre- Corinne Leuridan, coordinatrice de Voie F De-
tissage. Elle contribue non seulement à venu en 2003 : le Service pour la promotion
nantes à effectifs réduits, formation à
l’acquisition de connaissances, mais aussi de l’égalité entre homme et femme
temps partiel dispensée en dehors des va-
au développement de compétences so-
cances scolaires, etc.
ciales et relationnelles. Concrètement,

F-INFORMATION
F-Information est une Est-ce que les buts initiaux Concrètement, que fait
association sans but lucratif, ont évolué  ? l’association aujourd’hui  ?
reconnue d’utilité publique,
La mission de départ – accueil, écoute F-Information veut contribuer à :
créée en 1981. Elle fêtera donc et orientation des femmes, groupes de • L’égalité entre femmes et hommes en
ses 30 ans l’an prochain. rencontres et d’échanges et documenta- favorisant une réflexion, une prise de
tion dans tous les domaines touchant les conscience et un changement de menta-
femmes – n’a pas changé, mais il est clair lités
Quelle est l’histoire de que les buts initiaux de l’association ont
évolué avec le temps. Si actuellement on • L’autonomie des femmes, en les soute-
l’association Voie-F  ? nant dans une démarche de reprise de
peut admettre que les femmes sont mieux
Comment s’est-elle créée informées, il n’en reste pas moins que confiance
et avec quels buts  ? leurs problématiques particulières sont • Une société plus solidaire, en favorisant le
plus aiguës et plus complexes. partage d’expériences de vie, et le tissage
Le projet de F-Information a été initié par de liens sociaux.
un groupe de féministes qui ont constaté Citons, entre autres, la paupérisation Dans son travail quotidien, F-Information
qu’il n’existait pas d’informations spécifi- croissante des femmes, en partie due à met l’accent sur les consultations indi-
quement pour les femmes. Elles ont donc l’augmentation de la mono-parentalité, le viduelles pour les questions juridiques,
décidé, en 1979, de créer une brochure poids des charges éducatives et domes- professionnelles, personnelles et psycho-
nommée « F». tiques qui très souvent leur revien, la dif- sociales, en privilégiant l’accueil et l’écoute
«  Une brochure c’est bien, mais c’est in- ficile conciliation entre vie familiale et vie de chaque femme et de son problème par-
suffisant… c’est un lieu pour et avec les professionnelle. La dépendance financière, ticulier. Elle oriente les femmes vers les
femmes qu’il faut  ».. et c’est ainsi que fut souvent liée au permis de séjour, ainsi que organismes ou les professionnel-le-s adé-
créé le «  Centre cogéré de rencontres et les violences conjugales et sexuelles, sont quat-e-s.
d’informations féminines  », devenu rapi- encore des situations trop fréquemment
dement «  F-Information  ». vécues par les femmes. Notons que les consultations d’orientation
professionnelle, ainsi que les consultations
juridiques dont les thématiques relèvent
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de la Loi fédérale sur l’égalité (LEG) sont F-Information édite un journal bimestriel, Ce numéro se nomme « Sexes
soutenues depuis peu par le Bureau fédé- les Nouv’Elles, un agenda mensuel et gère
ral de l’égalité entre femmes et hommes. un site www.f-information.org & politique », qu’est-ce que ça
vous inspire  ?
Depuis le 1er novembre 2009, F-Informa- Sa bibliothèque Filigrane, spécialisée dans
tion a mis en place une permanence télé- les thèmes femmes, famille, égalité, met à Rappelons que le droit de vote et d’éligibi-
phonique juridique afin de répondre aux disposition du public plus de 12000 docu- lité des femmes en Suisse ne date que de
questions urgentes mais simples. ments, livres, brochures, articles de presse, 1971. Malgré une nette progression de la
Elle a lieu le jeudi entre 14h et 16h vidéos et DVD et offre un service de pointe représentation des femmes dans les ins-
au 022 740 31 11. pour les chercheuses et chercheurs. tances politiques, les statistiques mon-
trent une stagnation à un peu moins de
Par ailleurs, F-Information favorise la 30% d’élues depuis les années 1990.
F-Information en chiffres
création de liens à travers des activités col- La route est encore longue…
lectives régulières (les Salons et le Rési-F en 2009
– Réseau interculturel d’échanges de sa- Fréquentation de nos prestations :
voirs) et ponctuelles (conférences, ateliers, plus de 4500
expositions). Fréquentation de Filigrane :
environ 2000
Le travail en réseau avec les associations Membres :
féminines et les organismes sociaux re- environ 700
présente également un volet important de Equipe professionnelle :
son activité. 11 personnes
(5,8 postes de travail)

Cet enfant là, En août, ne te


Baise Toujours combien ? découvre pas
Le trafic des êtres humains est une activité cri-
d’un fil
Pascal Hollenweg, Activiste, anarchiste
minelle connaissant « l’une des croissances les
Les trois plus jolies ( filles du canton de Neuchâ-
plus rapides » dans le monde, selon un rapport
tel) sont toutes musulmanes, note «20Minutes»
présenté fin mars par la rapporteuse spéciale de
Journal de curés l’ONU sur le sujet devant le Conseil des droits
du 30 août, après l’élection de Miss Neuchâtel. Et
un argument de plus contre la burqa, un !
de campagne de l’homme. Dans son rapport, Joy Ngozi Ezeilo
estime à 2,5 millions le nombre de personnes

Le « Nouvelliste » valaisan, racheté par le groupe


victimes de ce «commerce global». La juriste
Une morale
nigériane, citant des estimations du Fonds des
Hersant, était menacé d’un virage à gauche (ben
oui, quoi, un quotidien d’extrême-droite qui
Nations unies pour l’enfance (Unicef), estime à sauve (qui peut)
1,2 million le nombre d’enfants faisant chaque
passe sous la coupe d’un groupe de droite, for-
année l’objet de trafic d’un pays à un autre ou Au début de l’été devait se produire au Palla-
cément, il se gauchit, non ?), mais un groupe de
à l’intérieur d’un même pays. « Du point de vue dium, une salle municipale, le chanteur jamaï-
veilleurs va veiller à ce que la gazette des alpages
économique, le trafic des êtres humains est de- cain Beenie Man. Lequel appelle, en chantant, à
reste sur sa ligne. Le groupe en question (un « co-
venu un commerce global, rapportant d’énormes « pendre les lesbiennes avec une longue corde»
mité éditorial » chargé de garantir la «continuité
profits aux trafiquants et au crime organisé », et à « massacrer les homosexuels». La question a
de la ligne éditoriale ») sera présidé par Jean-Ma-
relève Mme Ngozi Ezeilo, selon laquelle le phéno- été posée à la Ville : fallait-il autoriser ce concert.
rie Fournier, exploitant touristique et patron de
mène est « régi par les mêmes forces régissant la La Ville a répondu qu’elle n’était pas là pour au-
remontées mécaniques (ça, c’est pour s’assurer
globalisation des marchés ». « Il n’y a manque, ni toriser ou non un concert, mais pour louer des
que les maquereaux des cimes blanches conti-
en matière de demande, ni en matière d’offre », salles. Quant à l’organisateur du récital, il a dé-
nueront à maquereauter en paix sur les pentes
explique-t-elle. La majorité des victimes du tra- claré, benoît, que le but était de « faire une soi-
des cimes blanches) et comprendra notamment
fic international sont des femmes et des enfants rée où les gens s’amusent » et que les appels au
Uli Windisch (sociologue tribaliste bien connu)
de bas niveau socio-économique et l’essentiel du meurtre de Bennie Man ne sont que des mots
et le préfet du district d’Entremont (le district
trafic se fait des pays en développement vers les qu’il ne faut pas « prendre au premier degré ». Au
le plus réac du plus réac des cantons romands).
pays plus riches. troisième degré, comme sur les bûchers où l’on
Ouf  ! la paix des paroisses et des alpages est sau-
cramait les homosexuels, au bon vieux temps, ça
vegardée. On a eu peur.
irait ?
CM : Conseil Municipal. A ne pas confondre avec SM ( Ser- Microphones : Amplificateur à distorsions révélant les
vices Municipaux ). traits phalliques de la politique. Régulièrement mal adap-
tés aux tailles des femmes. Trop bas, ils se nichent entre les
Doigts : Appendices articulés terminant les mains. Utiles seins. Trop hauts, mangent leur visage.
pour écrire, tourner les pages des rapports. Indispensables
aux caresses. Morale  :  ?

Corps : Volume animé doté d’un esprit que le pouvoir poli- Partouzes : Réunions passionnées de citoyen-ne-s qui en
tique se donne pour mission d’administrer et qui lui échappe oublient de parler politique pour en faire.
dans son désir.
Politique : du grec polis, cité. La gestion de la cité au
Désir : Révolutionnaire en 68, contestataire par nature. Le sens large. La sexualité, considérée comme chose intime, y
désir est une puissance pure. échappe. Pourtant, ses prises de décisions viennent de là ( et
y retournent parfois ).
Féminité : Style à manier avec doigté. Trop marquée: trop
pute. Trop discrète; trop mec. Pour les hommes, assumée : Prostitution : Gestion publique de la sexualité. Tolérée et
trop gay. contrôlée, la prostitution masculine reste un tabou. La ges-
tion des archives littéraires de Grisélidis Réal, écrivaine et
Godemiché : Micro sans relais. Amplificateur de désir ( à prostituée transférée post-mortem au cimetière des rois, a
utiliser uniquement dans le domaine privé ). été torpillée par monsieur Longchamp ( cf.godemiché ).

Hétérosexualité : Standard politiquement correct. Il est Sexe  : Nom donné à tout ou partie des organes génitaux. Le
de bon ton de s’afficher comme hétérosexuel-le (si possible pénis chez l’homme, la vulve et le vagin chez la femme. Ces
avec enfants). Le reste ressort du domaine privé mais peut derniers portent un genre qui ne correspond pas toujours
être vécu librement à l’étranger ( cf.homosexualité ). au sexe.

Homosexualité : Identité sexuelle considérée comme Toilettes publiques : Soit masculin soit féminin. Les in-
privée et intime, à ne pas révéler sur/sous tous les toits au ter-sexes, les hermaphrodites, les transexuels doivent tran-
risque d’une stigmatisation. Entre ami-e-s, bien sûr, on peut cher et choisir leur camp ou aller se faire voir ailleurs.
se lâcher.
suppositoire : Loi passée en force.
Intime : Du latin intimus, intérieur. Constitue l’intérieur de
l’être, le plus profond de ce dernier. Se cherche une place en Toilettes privés : On y fait ce que l’on veut et n’importe
politique, monde du spectacle, sans devenir obscène. qui peut y entrer, du moment que son propriétaire l’agrée.

IVG : Interruption volontaire de grossesse. Droit de la X : Films. Moins longs que ceux du Conseil Municipal. Défini-
femme à disposer de son corps. tivement plus populaires.

Langue : Outil de pouvoir et de domination. Investi d’une


inégalité crasse entre les sexes.

Abésexédaire

causes
communes

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