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LA GUERRE DE 1870 VUE PAR MIRBEAU ET PAR DARIEN
Deux pacifistes, deux antimilitaristes : Octave Mirbeau (1848-1917) et e!r"es Darien(18#$-19$1), c%acun & sa fa'!n, rac!ntent leur visi!n de la "uerre ui mit aux prises la rance et la*russe
1
+Darien fait c!mprendre ue, dans certains milieux, le dclenc%ement de la "uerre de 187 estaccueilli avec ent%!usiasme+ .es revanc%ards se r/!uissent & "rand renf!rt de rappels %ist!riues+ 0tcette fivre est c!nta"ieuse : le narrateur rec!nna2t ue 3
les idées guerrières tourbillonnent dans soncerveau comme des papillons rouges enfermés dans une boîte
.
Mirbeau dn!nce l5incurie de l56tat et de s!n rme+ l s5a"ira p!ur lui de faire c!mprendreue la dfaite de l5arme impriale, en 187, tait inluctable+ Mirbeau ne se m!ntre pas plus tendreenvers l5rme de la 3 publiue + publiue %!nnie ue les n!bles dsi"nent s!usl5eup%misme de 3 p!uv!ir actuel , mais u5ils s5aut!risent cependant & servir  uniuement dansl5arme et dans la dipl!matie+ *asser du temps de paix au temps de "uerre si"nifie, p!ur l5rme,une amplificati!n de ses tares !ri"inelles+ l ; a enc!re de beaux /!urs p!ur l5alliance du sabre et du"!upill!n et p!ur+++ lfred Dre;fus <Darien fait dire au pre Merlin : 3
 Mais le patriotisme de première classe, le patriotismeextra
,
le fin et le râpé
 , c5est le patri!tisme de ambetta+(=>, p+ $77)+ 0t une 3
 fierté de théâtre, et des phrases creuses
?+++@ ?al!rs
 
u5!n@
 ne peut aboutir qu’à une chute plus irrémédiable, après destueries inutiles, des boucheries idiotes, des carnages imbéciles.
  (=>, p+ $77) ;t%me ternaire
.
r!nie : 3
 ’espère bien lui voir une statue avant ma mort.
Mirbeau n!us fait pntrer dans un m!nstrueux univers AafAaBen et ubuesue & la f!is+ Onfera attendre sur le uai de la "are, la nuit, s!us la pluie 3
lente et froide
  (>)+>ette arme n5a pas plus de strat"ie ue de tactiue C 3
 !ou"e #ours
 , 3
au#ourd’hui à droite, demain à gauche
 , p!ur faire avancer les recrues (de fati"ue) de 3
$% &ilomètre
s  et les faire reculer d5autant+ On fait t!urner en r!nd le btail %umain+ .e brassa"e, l5amal"ame, tant prn par les cul!ttes de peau ab!utit, en fait,& une d"radante pr!miscuit bien pr!pre & pr!duire, par mimtisme, des m!ut!ns de *anur"e+>ertains, c!mme Ebastien, ne peuvent 3
 se faire à l’idée d’un homme courant sur la sur la bouched’un canon, ou tendant sa poitrine aux ba'onnettes, sans savoir ce qui les pousse
  (E, p+ 1F7)+Ebastien, terrass par les fati"ues et les privati!ns /!urnalires, se laisse "a"ner par 3
 la folieambiante de démoralisation
 , se tr!uve 3
entraîné
  par une 3
 force aveugle
  ui se substitue 3
à son intelligence, à sa sensibilité, à sa volonté
  (E, p+ 1#4)+ l en arrive & !ublier les siens+ Ob/ectif atteint+ Mais f!ndre l5individu dans la masse peut rserver bien des surprises : 3
(ue deviennent les plans des stratèges, les combinaisons des états)ma#ors devant cette force plus forte que le canon, plus imprévue que le secret des tactiques ennemies * l’impression d’une foule, sa mobilité, sanervosité, ses enthousiasmes subits et ses affolements soudains
+
 
 
1
 e!r"es Darien,
 -as les curs /
, Gean-Gacues *auvert, 19F7 (abrviati!n : =>)+ Octave Mirbeau :
 0e 1alvaire
 (abrviati!n : >) et
2ébastien 3och
 (abrviati!n : E), in
 0es romans autobiographiques
, Mercure de rance, 1991+
2
 Mirbeau,
1ombats politiques
, E"uier, pp+ 9-91+
1
 
D5ailleurs, l!in de fav!riser la s!lidarit et la fraternit, c!mme !n le prtend, cette /uxtap!siti!n de "ens sans affinits fav!rise l5"!Bsme 3
 féroce
  (3
chacun ne songe qu’à soi
 (>, p+FH), le seul m!teur de la masse de ces s!ldats 3
déguenillés, harassés, farouches
 (>, p+ FH+ ;t%meternaire), 3
roulés
 & travers la campa"ne+ 3
4ainement,
?Ebastien@
 essa5a de s’approcher d’un feu,qu’entouraient dix rangées d’hommes
?+++@
 6n le repoussa durement 
  (E, p+ 1#4)+ l ; eut 3
desrixes sanglantes pour un pot de rillettes
  (>, p+ FF)+ .5acti!n ps;c%!l!"iue, !u ce ui en tenait lieu & l5p!ue, fait na2tre, sur un terrain bien prpar par l56c!le et la amille, des sentiments
 
de ven"eance !u de revanc%e : les rcits des3
batailles perdues
  pl!n"ent les bidasses dans 3
l’ivresse
 , uand ce ne s!nt pas les pr!p!s belliueux pc%ant par un excs d5!ptimisme : 3
 7eut)8tre qu’à l’heure qu’il est, nous avons dé#à franchi le 3hin
 !
 9ous allons mener cette bataille rondement, va /... !’abord, la 7russe / qu’est)ceque c’est  1e n’est pas un peuple, ce que #’appelle... :a n’est rien du tout /
  (E, p+ 1F9)+I!utef!is, c!ntrairement au narrateur de
 -as les curs /
, Gean Minti sait rais!n "arder et s!neup%!rie ne se traduit pas, au niveau id!l!"iue, par l5ad!pti!n du sl!"an : 3
 0a patrie est menacée
 + 3
 Malgré l’habitude, malgré l’éducation, #e ne sens pas du tout l’héro'sme militairecomme une vertu, #e le sens comme une variété plus dangereuse et autrement désolante dubanditisme et de l’assassinat 
+
 
(E, p+ 1F7) .5inanit du sl!"an cit saute aux ;eux, Mirbeau /uxtap!sant, d5une manire si"nificative, 3
les chants de
Marseillaise  et 3
les refrains obscènes
 ,c!mme si patri!tisme et p!rn!"rap%ie taient s;n!n;mes, les deux faisant appel aux plus basinstincts+6c!le du vice et de la paresse : les futurs %r!s c!nsacrent beauc!up de temps & Jc!incer la bulleK, mLme s5ils !ccupent un avant-p!ste (3
les hommes ne faisaient rien, sinon qu’ils flânaient,buvaient et dormaient.
  (>, p+ 81) !u c!uraient les bistr!ts et les b!rdels+ ls excellent dans la prised5assaut+++ des cabarets (cf+ p+ 71)+ n tr!pisme semble diri"er leurs pas vers les cabarets !N ils serpandent (c!mme un 3 mal rpand la terreur )+ "rand renf!rt de rfrences %r!Bues (>, p+ 74), l5tat-ma/!r est
 
t!u/!urs prLt & transf!rmer une dfaite en vict!ire !u & minimiser les pertes : 3
 0es 7russiens étaient plus de cent mille, touteune armée. ;ux
?les m!biles@,
deux mille à peine, sans cavaliers et sans canons.
  (>, p+ 81) On feraattendre sur le uai de la "are+  cette maladie %!nteuse de l5arme ue c!nstitue l5attenteinterminable et indfinie, s5a/!ute l5i"n!rance c!ncernant la suite ui sera d!nne & cetteimm!bilisati!n+ 0t ce sera dans la plus "rande c!nfusi!n ue la tr!upe, & l5appel du clair!n, remettra3
 sac au dos et fusil sur l’épaule
  (>, p+ #$) p!ur !bir au 3
contrordre
 + >et imm!bilismeambulant (et dambulat!ire) a de u!i faire ret!mber l5ent%!usiasme+ .a marc%e en avant (et enarrire) ressemble & la retraite anticipe d5une 3
armée vaincue, hachée par les charges de cavalerie, précipitée dans le délire des bousculades, le vertige des sauve qui peut
 (>, p+ FH)+.e narrateur de
 -as les curs /
 insiste sur l5atm!sp%re ui r"ne en rance aprs l5ann!ncede la dclarati!n de "uerre : c%auvinisme et xn!p%!bie+ Mirbeau n5est pas en reste :
< =ne partie dela #ournée, #’ai r>dé dans le bourg. 0es esprits sont surexcités. 1hacun se tient sur le pas des portescommentant la nouvelle
?de la dclarati!n de "uerre@+
 0a plupart ignorent le peuple que nous allonscombattre * #’entends des phrases comme celles)ci * c’est 5 cor des 3usses ou ben des ?nglais quinous en veulent 
 
 
ne c%!se est sPre : c5est l5autre ui n!us en veut+  l5lve ui lui demande : 3
 ;st)ce qu’on va se battre bient>t, monsieur 
 , =eaudrain, pr!fesseur du l;ce ui vient d!nner les le'!ns u!tidiennes au /eune narrateur, rp!nd avec la3
 suffisance
 (empl!i de 3
naturellement
 p!ur dsi"ner ce ui n5est pas vident) de M+ Ge-sais-
2
 
t!ut : 3
 7as avant quelques #ours
 + l tient ces Jinf!rmati!nsK  ui s5apparentent au Jrapp!rt desc%i!ttesK  d5un capitaine d5artillerie+ 3  
 ?lors,
 
nous allons passer le 3hin 
 
 9aturellement. @l est nécessaire de franchir ce fleuve pour envahir la 7russe
  (=>, p+ 7-8)+ .e pr!fesseur p!ursuit :3
 9ous avons ABAC
 
et ABAD à venger.
  .5lve se s!uvient : 3
 ?près Eaterloo
?+++@
(uand 9apoléona été battu
+++  .e 3 ma2tre  s5insur"e : 3 -
 9apoléon n’a pas été vaincu. @l a été trahi.
  >!mme!n le v!it, l5!ptimisme bat n5a d5"al ue l5affirmati!n "ratuite+.e pre du narrateur est s!ula" ue la "uerre ait t enfin dclare : 3
Fa 5 est et ce n’est vraiment pas trop t>t 
+
1anailles de 7russiens commen:aient à nous échauffer les oreilles
?+++@
. ?vant un mois nous serons à -erlin.
 
 0e Gigaro
titre : 3 .a uerre , titre flamb!;ant, sel!n le narrateur,ui se laisse "a"ner par la va"ue belliciste
.
.e narrateur attend pendant une b!nne %eure+ .es 3
 grandes personnes
  n5!nt parl de riende ce ui se rapp!rte & la "uerre+ Eeules les femmes !nt parl de la "uerre, l5une p!ur dire ue c5tait bien 3
emb8tant 
 , l5autre p!ur affirmer ue c5est bien 3
malheureux
  (p+ 1#)+ *r!testati!n timide defemmes ui ne bnficient pas de libert d5expressi!n ni d5inf!rmati!n : 3
(uand #’en aurai une
?femme@,
 #e ne lui permettrai de lire que les faits)divers, dans
 m!n
 #ournal.
  Diffrence de taille (ilfaut dire ue Darien insre s!n rcit dans un milieu familial) : Mirbeau n!te ue, 3
en général, on est consterné et triste, mais résigné
+  (>, p+ 7FF)+ >e ui n5empLc%e pas une 3
bande de #eunes gens
 de parc!urir les rues, 3
drapeau en t8te et chantant. 6n les a
 
dispersés et ils se sont répandus dansles cafés, oH ils ont hurlé #usqu’au soir. 7ourquoi chantent)ils  @ls n’en savent rien.
 >!mmentairede Mirbeau : 3
 ’ai remarqué que le sentiment patriotique est, de tous les sentiments qui agitent les foules, le plus irraisonné et le plus grossier * cela finit tou#ours par des gens saouls.
 .e narrateur de
 -as les curs /
remarue ue, 3
de)ci de)là, on entraîne les troupiers dans les cabarets.
  (=>, p+48).5affr!ntement avec les *russiens est prsent c!mme une 3
trouée de la civilisation
  (=>, p+1$) D5ailleurs, les *russiens s!nt rputs, aprs Ead!Qa,
< insolents
 +
< 9otre armement est  supérieur au leur 
 : s5ils !nt pu tri!mp%er, c5est "rRce au fusil & ai"uille+ 3
 9ous, avec le 1hassepot, #e vous réponds
+++ On traite I%iers de 3
vieille canaille
  s!us prtexte u5il ne tr!uvait pas 3
de motif avouablede
 
 guerre
+ Dlit d5!pini!n : !n devrait lui passer les men!ttes+ *endant ce temps, sel!n letm!i"na"e de Mme rnal, dans les rues de *aris, !n crie : 3
 I -erlin / I -erlin /...
  (=>, *+ 18)+ .e narrateur c!mprend ue cette a"itati!n "uerrire n5est pas sans effet sur lui : 3
 0es idées guerrières
 
tourbillonnent dans mon cerveau comme des papillons rouges enfermés dans uneboîte.
 
 ’ai le sang à la
 
t8te, les oreilles qui tintent, il me semble percevoir le bruit du canon, de la fusillade et de la grosse caisse.
 M+ .e"r!s s5crie : 3
 ;t puis J
+++@
 nous avons
 
la
 Marseillaise
/
 .e pre du narrateur utilise la lanterne ma"iue, !N il "lisse des verres, peints en c!uleursvives, 3
les épisodes divers des campagnes de 1rimée et d’@talie
.
.e narrateur n5a mLme pas laf!rce de
 
3
 hurler comme les autres spectateurs qui, dans l’ombre, poussent des cris de cannibales,des hurlements d’anthropophages
+  On a peint sur le dernier verre 3
l’incendie d’un bateau oH desmalheureux se tordent dans les flammes
+
 
.e narrateur tr!uve ce tableau 3
 épouvantable
+ Mmernal, uant & elle, tr!uve ce spectacle 3
magnifique
 :
 
3
 ?h / ces brigands de 7russiens, si l’on pouvait les faire griller tous comme :a / K
.e pre Merlin
 ,
ce
 
3
 vieux brigand de républicain
 ,
sait, lui, rais!n "arder 
 *
3
 9ous allonsvoir combien de temps ces cochons)là vont encore nous épousseter avec leurs panaches
+
3

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