Georges Bertin1.
Sommaire.
Notre propos : institution et mutations.
Etat des lieux : comment se présentent les principales obédiences
Qu’en pensent des acteurs ? témoignages recueillis,
Retour sur la méthode,
Conclusions provisoires.
Annexes : questionnaires, histogrammes.
1
Socio-anthropologue HDR, retraité du Conservatoire national des Arts et Métiers.
1
Notre propos :
2
Lomas Richard, L’invisible collège,Dervy, 2002.
2
Pour ouvrir la réflexion, citons d’abord le remarquable travail de Céline Bryon-
Portet et Daniel Keller: « L’Utopie maçonnique 3», ouvrage qui a initié notre
réflexion. Pour ces auteurs, « l’utopie maçonnique s’est peu à peu
institutionnalisée, a acquis une dimension programmatique », Ainsi, le Grand
Orient de France, principale obédience française en effectifs et en
rayonnement public, s’est dotée comme d’une « Constitution » dans le but
louable « d’améliorer l’homme et la société ». Cette « Constitution » le définit
de fait comme une institution (article1).
Or, la Franc-maçonnerie universelle, dans son acception traditionnelle la plus
communément admise est « un Ordre initiatique fondé sur la Fraternité ».
Pour étudier ce qui peut sembler un paradoxe, il s’agit, dès lors, de tenter de
mieux comprendre comment cela se vit aujourd’hui dans l’actualité et le
quotidien des loges. Notre champ sera limité à la Franc-maçonnerie française4.
3
Bryon-Portet Céline et Keller Daniel, L’Utopie maçonnique, Paris Dervy, 2015.
4
laquelle est d’ailleurs un cas d’exception dans le monde, puisque la majorité des frères et sœurs qui la
pratiquent se déclarent a dogmatiques, Celles de la franc-maçonnerie anglo-saxonne étant, elles, dans
leurs déclarations de principes, rattachées et reconnues par la Grande Loge Unie d’Angleterre
résolument déiste et donc dogmatique.
5
http://blogs.lexpress.fr/lumiere-franc-macon/2014/06/19/49475/
6
Le Droit Humain pour les Cahiers de l’Histoire compte 14000 membres.
3
et à la population française, ces chiffres sont éloquents et suffiraient à eux
seuls à faire un sort à une pensée souvent convenue relayée par les milieux de
l’extrême droite et quelques officines catholiques intégristes-qui voient là une
résurgence si ce n’est l’instrument d’un complot universel lié à un «projet
satanique de domination» étudié par plusieurs auteurs auxquels nous
renvoyons7.
7
Taguieff Pierre-André, La Foire aux illuminés. Esotérisme, théorie du complot, extrémisme, Paris
Mille et une nuits, 2005 612p.
8
Voir aussi sur La Franc-maçonnerie en France : Les Cahiers de l’Histoire, Les secrets de la Franc-
maçonnerie, 21-4-2018.
9
Employée pour la première fois par Robespierre en 1790, reprise souvent par la convention
montagnarde en 1793, puis abolie sous L’Empire et la Restauration et réhabilitée en 1830. Elle devient
la devise officielle de la République en 1848.
4
la déréliction de sa solitude et de son isolement et de replacer chacun dans le
droit fil d’une ouverture collective, d’un chemin sur lequel chacun peut
inventer son histoire ». (Page 2).
Cent ans auparavant (1912), en écrivant « Les Formes élémentaires de la vie
religieuse », Emile Durkheim écrivait que celles-ci sont le produit d’une
immense coopération qui s’étend non seulement dans l’espace mais dans le
temps et que c’est par ce qu’il partage de la société que l’individu se dépasse
naturellement lui-même, aussi bien quand il pense que quand il agit 10». Pour
lui, de fait, la société tend à refouler les représentations qui la contredisent,
elle les tient à distance, elle commande au contraire des actes qui la réalisent
et cela, de par le simple rayonnement de l’énergie mentale qui est en elle11.
La laïcité est sans doute ici le nom donné par le GODF à ce que Durkheim
nommait énergie mentale, laquelle assure la construction permanente du lien
civique. Castoriadis parlait lui de « significations imaginaires sociales
partagées », et c’est tout à l’honneur du GODF sentant la déréliction où sombre
la société consumériste et néo libérale de mettre l’accent sur cet aspect des
choses, en tentant de porter remède au refoulement social contemporain,
maintenant mondialisé, quand 4 milliards d’humains vivent avec moins de deux
dollars par jour alors que la fortune des trois personnes les plus riches du
monde dépasse le produit intérieur brut des 48 pays les plus pauvres (source
PNUD).
Nous avons donc bien une continuité entre une pensée durkheimienne
constatant l’anomie sociale et le discours public de la plus grande obédience
française, se référant, cent ans après, au même pacte républicain, même si le
recrutement des obédiences de notre pays reste largement lié aux classes
dominantes.
10
Durkheim Emile, Les formes élémentaires de la vie religieuse, Paris, PUF-Quadrige 1990… p 23
11
Ibidem p 297
5
Le GODF rappelle bien ici, et c’est nécessaire, le principe d’universalité dont
nous avons besoin et dont l‘Institution, la Res Publica, est la garante. Il s’affirme
comment en étant une courroie de transmission ayant pu l’inspirer à certaines
époques.
La GLDF. (26 000 initiés cf. Les Cahiers de l’Histoire).
La Grande Loge de France affirme, en ses proclamations publiques, la primauté
du spirituel sur le temporel, invitant ses membres à la pratique scrupuleuse et
sérieuse du rituel et du symbolisme et la liberté absolue de conscience ».Cette
obédience invite ses membres à « assumer leurs responsabilités de citoyens
éclairés, attentifs à la transmission des valeurs de l’obédience à réfléchir à tout
ce qui peut améliorer la condition humaine, et de citer : effets de la
mondialisation, effets négatifs du communautarismes12, actions des lobbys,
éveil de la conscience ». (Commission Ethique de l’Obédience).
La GLAMF.
La tonalité à la Grande Loge de l’Alliance Maçonnique Française (obédience
dissidente de la Grande Loge Nationale Française) revendique une maçonnerie
capable de « réconcilier les exigences d’un monde en évolution avec La
Tradition» (site officiel). Son Grand Maîtrese positionne pour une Franc-
maçonnerie évoluant vers plus de Modernité tout en dénonçant toute influence
politique des loges sur la société. Mais, des sociétés de la Tradition à celles
d’une Modernité aujourd’hui questionnée, les mêmes référents fonctionnent
ils encore ?
La GLNF. (39 000 initiés pour Les Cahiers de l’Histoire).
Le 26 juin 2015, le Grand Maître de la GLNF, Jean-Pierre Servel, proclame que
l’origine des loges maçonniques est fortement remise en cause par des
découvertes scientifiques (qu’il ne cite pas). Il s’agirait en fait de clubs anglais
12
Nous observons que sur ce point la pensée franc-maçonne officielle est extrêmement pauvre, et
entachée de maintes confusions, alors que, les F-M sont aussi une communauté !
6
très sélectifs comme tous les clubs, qui auraient opéré une reconstruction
tardive des rites en se fondant sur l’expression Les Fils de la Veuve. Le but de la
Franc-maçonnerie ne doit donc être rapporté à aucune discussion politique ou
religieuse n’étant qu’élévation spirituelle dans la recherche de la Jérusalem
Céleste, les loges étant à considérer comme organismes de bienfaisance.13.
Il est à noter que celle-ci ne s’applique pas en tant qu’amour de leurs semblables aux autres francs-
13
7
« instituantes » face à des obédiences « instituées » ? Ainsi, Michel Maffesolia
analysé, dans plusieurs de ses ouvrages, les relations antagonistes qui se font
jour entre la puissance sociétale et les pouvoirs institués. Cela se vérifie t-il ici ?
…
Réflexion.
Nombre d’analyses de l’Imaginaire social contemporain nous mettent en garde
sur ce que la crise, désormais récurrente depuis un demi-siècle, a pu générer
comme effets dissolvants (c’est le thème de l’auto dissolution de l’Institution)
dont les institutions périphériques, reproduisant le discours de l’Etat, ont à se
préoccuper14.
En effet, comme le faisait remarque René Lourau, la notion de crise suppose
une remise à jour une modernisation, un aggiornamento, bref une ré-
institutionnalisation face notamment à la montée des multinationales, à la
mondialisation des échanges, au dépérissement des Etats. Et l’on peut se
demander si des discours obédientiels ancrés sur les sociétés du 18e et des 19 e
siècles sont aujourd’hui adéquats aux nouvelles donnes de l’imaginaire social,
quand pour reprendre une idée chère à Castoriadis, certains schèmes de
pensée ne correspondent plus à quelque chose qui nous dépasse, quand il
faudrait que de nouvelles valeurs émergent dans la dimension du social-
historique15.
Autrement dit, les discours républicains relayés en périphérie dans les
institutions, ne relèvent-ils pas d’une pensée certes libérale aux temps de son
émission mais qui, désormais, n’échappe pas à une logique ensembliste-
identitaire quand les ruptures entre par exemple social, culturel et politique
sont désormais consommées?
14
Lourau René, L’Etat inconscient, Paris Minuit, 1978, p. 200 sq.
15
Castoriadis Cornélius Une société à la dérive op cit.p. 86
8
Qu’en pensent les acteurs ?
Nous sommes allés le leur demander au moyen d’une lettre et d’un
questionnaire de témoignages adressé à un millier d’acteurs de la Franc-
maçonnerie française, pris au hasard dans divers univers relationnels de loges
connues de nous &dans diverses obédiences. On les trouvera en annexe. 74
questionnaires nous ont été adressés (environ 7%), 63 ont pu être traités
(6,2%). Nous précisons qu’il ne s’agit pas ‘une enquête exhaustive se voulant
représentative du paysage maçonnique français dans son ensemble, (le quel
est très complexe), mais plutôt d’un recueil de témoignages basé sur le
volontariat.
Cette enquête a été effectuée pour le Colloque du CEAQ à Montpellier en juin
2018 sur une proposition du professeur Michel Maffesoli.
16
Dans l’enquête 2018 des Cahiers de l’Histoire, elles ne sont que 15,5 % de l’effectif global…
9
63% d’’entre eux ont participé à des instances de dirigeantes, avec une
différence constatée entre les hommes et les femmes, les premiers plus
investis aux niveaux régional et national et les femmes au niveau local. 58,6%
sont membres des « Hauts Grades »17» (Ce taux important comme la durée de
l’engagement permet de constater un degré de réflexion important sur l’Ordre
maçonnique, nous en ferons état dans les réponses aux questions ouvertes.
Tous sont satisfaits
17
ateliers de perfectionnement suivis après les trois premiers degrés des loges dites bleues.
10
Et aussi : « il y a pour moi une grande satisfaction à participer régulièrement
aux tenues et aux diverses réunions maçonniques. Ce sont toujours de grands
moments de réflexion, d'introspection, d'échanges, de convivialité. J'ai reçu à
des moments importants de ma vie des soutiens très précieux qui ont démontré
s'il en était besoin que les liens qui nous unissent en fraternité sont autrement
puissants que ce qui peut exister dans le monde profane »
Sentiment que l’on trouve encore même chez une des rares démissionnaires du
panel : »sentiment de satisfaction très favorable, un chemin d'initiation qui
permet une authentique évolution. »
Avec quelques bémols ainsi formulée par une sœur : « plutôt satisfaite même
si je désirerais que l’Ordre s’engage encore davantage dans la défense de
l’égalité entre l’homme et la femme, dans et hors du Temple ».
Les autres réticences ou déceptions (8%) portent parfois sur des conduites
individuelles discordantes par rapport aux valeurs de la FM « beaucoup de "
maçons " ont oublié de laisser leurs métaux à la porte du Temple (cf. leur
EGO). »
Ou bien sur l’organisation hiérarchique voire bureaucratique des obédiences,
mais nous y reviendrons. Parfois un sentiment d’usure est exprimé avec
humour : « Au début tout beau… puis la FM ne fait que compter les tuiles qui
manquent et qui fait les agapes ». Sur les valeurs : « regret parfois qu'elles ne
soient pas toujours pratiquées à l'intérieur de la FM. »
11
3. Un club de pensée philosophique et culturel : 22%
Ce qui corrobore les sentiments de satisfaction quant aux valeurs dégagées
précédemment.
Il est à remarque que les personnes travaillant au REAA (Franc-maçonnerie dite
écossaise plus ritualisée) constituent 38% des réponses au premier choix donc
50% mais que ce n’est donc pas exclusif à ce rite.
Contrairement aux idées reçues, l’item « lieu de pouvoir politique » n’a recueilli
aucune réponse, l’institution 12,7% et l’idée tribale seulement trois réponses.
L’esprit l’emporte donc très largement sur les aspects plus pragmatiques, soit :
spiritualité, fraternité, réflexion.
12
Finalement !… et « comment expliquer qu'il y ait autant d'Obédiences en
France qui se regardent souvent du coin de l'œil quand elles ne vont pas
jusqu'à s'excommunier ? » et encore : « beaucoup trop d'obédiences : la
maçonnerie doit être universelle ou ne doit pas exister. Qui peut décider qui
est un maçon régulier ou non… »Autre réponse : « il y a une trop grande
importance prise par les instances centrales surplombantes. Le travail se fait en
Loge, les décisions sont donc locales, et ne devraient pas venir d'une direction
centrale ».
Sur les aspects hiérarchiques des organisations FM:« tout ce qui instaure une
hiérarchie, est pour moi une déviance aussi grave que l'organisation
hiérarchique de l'Eglise et contrevient par conséquent aux préceptes de la FM »
et aussi : « le vrai travail en franc-maçonnerie n'est pas celui de LA FRANC-
MAÇONNERIE ou de l'Obédience en général, mais de l'Atelier en particulier. »
13
les personnes ».Car, diagnostic sévère :« au XXIe siècle la Maçonnerie ne pourra
continuer qu'avec un retour à la Primauté des Loges, ou elle sombrera comme
bons nombres d'institutions qui ne sont plus en accord avec le monde actuel ».
14
quoi ils parlent, qui s'impliquent un maximum et qui soient capables de
proposer une réelle vision qui puisse s'inscrire dans la durée ».
Et, une évolution favorable : « il me semble qu'elles doivent constituer un
appoint et non entrer en lutte »…» … Pour un autre répondant, cependant : «ces
loges ne me semblent pas d'une grande utilité, elles ne font qu'ajouter à la
complexité existante ».
Cette émergence paraît révélatrice et de la prise en compte justement de la
complexité des engagements en FM et du fait que certains frères et sœurs ne
se retrouvent plus ou ne se retrouvent qu'imparfaitement au sein des
obédiences plus traditionnelles. Cela dénote également un désir de se libérer
de ce qui peut être vécu comme des contraintes ou de fonctionnement par
trop pyramidaux ».
Elle est pour nous le signe patent d’une tendance à la
« désinstitutionalisation »de la FM que nous pointions supra, à la suite de
Céline Bryon-Portet et Daniel Keller, quand l’instituant se situe à la périphérie.
Nota : n’est ce n’est pas également lié à la perte d’influence de la FM dans la
sphère politique ?. Les deux seules initiées démissionnaires de l’échantillon sont
des femmes. Dans leur verbatim, elles sont les plus critiques du fonctionnement
hiérarchisé de la FM. (cf. remarque de Marine Arino).
La frequentation des loges libres fait, de plus, état d’une forme d’errance,
certains répondants attestant de leur appartenance obédientielle et en même
temps de leur affiliation à une loge libre, Aussi, “l’escapade est, écrit Michel
Maffesoli18, dans tous les sens du terme libératrice. Non pas la liberté limitée
d’une seule dimension de l’humain, non pas la liberté matérielle, mais bien une
libération holistique en ce qu’elle met en jeu toutes les facultés humaines,
fussent-elles les plus spirituelles, en tout cas les moins tangibles. C’est en ce
18
Maffesoli Michel, L’errance religieuse, article à paraître in Quêtes sociétales, Matières à penser N°
11, automne 2018.
15
sens que le nomadisme peut être symptomatique de l’esprit du temps : comme
l’esprit il est vaporeux, il souffle où il veut, et ne se laisse pas contraindre par
quelque barrière que ce soit, celles de l’identité, celles des définitions, celles des
frontières et autres formes de l’assignation à résidence.”
16
d’universalité et regrettent les querelles entre les diverses positions instituées,
pour eux les loges franches ne devant pas être opposées aux obédiences, dont
le système est déjà très pesant. La recherche fondamentale de la FM française
devant rester le cheminement initiatique, la progression personnelle et
l’élévation spirituelle, la Tradition et le Symbole et non l’accent mis sur le
politique.
Là encore comme le champ du politique est, sociologiquement parlant, celui de
l’Institution, nos hypothèses de départ sont validées.
17
Dans le travail en loge maçonnique comme dans la fête, la cérémonie civile ou
religieuse, se joue le rapport de la réalité et de la fiction, de l’imaginaire et du
réel, de la présence et de l’absence19 (ici celle du Grand Architecte de l’Univers
pour une bonne partie des loges, mais les Constitutions d’Anderson ne sont-
elles pas moins une référence sous-jacente sans cesse rappelée car de moins
en moins présente ?) et ce, « en un moment où sinon la faillite, du moins la
relativisation de l’idéal progressiste des Lumières, idéal diurne s’il en est, ne fait
plus aucun doute20”.
D’où travailler sur les médiations qui forment l’ensemble de l’activité franc-
maçonne est plus que jamais nécessaire et nous pensons aux travaux de Céline
Bryon-Portet (auxquels nous renvoyons) sur l’anthropologie de la
communication maçonnique, laquelle met justement l’accent sur ce point
précis.
Comme elle21, nous avons cherché à nous situer entre « implication subjective
et volonté de distanciation ». Ce qui est le propre et la difficulté de toute
recherche impliquée, puisque comme l’écrit Rémi Hess22, "L'implication c'est la
façon dont l'Institution est intériorisée par le sujet".
Conclusions provisoires.
Soit un Ordre (une institution) initiatique (qui pose la nécessité d’un
changement personnel) fondé sur la fraternité (la nécessité des médiations et
de la place des autres). Il proclame, en ses origines, adhérer « à une religion
« universelle » laissant à chacun ses propres opinions » et devient « le Centre
19
Cf Piette Albert, Le fait religieux, une théorie deaal religion ordinaire, Economica, 2003.
20
Maffesoli Michel, L’errance.. op. cit
21
Céline Bryon-Portet, « Anthropologie de la communication maçonnique : retour sur une démarche
d’intermédiation créative, entre participation poïétique et approche réflexive », Sciences de la société
[En ligne], 92 | 2014, mis en ligne le 01 décembre 2014, consulté le 08 juin 2018. URL :
http://journals.openedition.org/sds/1101 ; DOI : 10.4000/sds.1101
22
Hess Rémi, La socianalyse, Paris, Éditions Universitaires, 1975.
18
de l’union et la voie par laquelle s’unissent en une franche amitié des personnes
qui auraient dû rester pour toujours distantes » (Constitutions d’Anderson,
article 1, 1723).
Le paysage maçonnique français offre à cet égard de nos jours un paysage plus
que contrasté, ce que soulignent nos répondants.
Pourtant ni l’adhésion aux valeurs fondatrices, à la Tradition, ni l’idéal de
Fraternité ne sont rejetés, bien au contraire.
Les clivages constatés proviennent plus de la mise en cause de la distinction
sacré/profane comme de classifications et hiérarchies qui semblent arbitraires,
ce qui pourrait conduire à une décomposition de l’Ordre maçonnique en tant
que tel.
Pourtant le Sacré a pour fonction de stabiliser en rappelant les origines et les
distinctions qui, ici ou là ont pu s’opérer, puisque tous s’y reconnaissent et ce
face à des organisations verticales toujours soupçonnées de réification
bureaucratique. Car tous les Francs-maçons continuent à se retrouver, -pour
reprendre l’expression célèbre du frère Rudyard Kipling- « sur le niveau et à se
quitter sur l’équerre ». Le reste ne serait antinomique à toute liberté
revendiquée ou retrouvée sauf à consentir comme l’indique un répondant à
une « servitude volontaire ».
C’est cette recherche de sens qui nous semble, en toute liberté, le
dénominateur commun aux témoignages recueillis et qui témoigne de leur
vigilance, sachant que «quand s’évapore le sens sacré des qualités de la
culture, le sens tout court s’évapore. Car, refuser le sacré, c’est refuser les
limites de l’homme23 ».
Aussi, dans « une société à la dérive », (celle que nous vivons) où le langage est
réduit à une formalité, à de purs codes de communication réduite à
Kolakowaski Lescek, La revanche du sacré dans la culture profane, in Qu’est-ce que le religieux,
23
19
transmettre des ordres, des signaux ( ce qui est l’ambition de toute
Institution/Organisation à visée totalitaire), une nouvelle société ne peut
effectivement naître qui « si dans le même temps de nouvelles significations
apparaissent, de nouvelles valeurs, de nouvelles façons de donner sens aux
choses, aux relations entre être humains 24».
Ce qui nous semble au cœur, et l’actualité de la Franc- maçonnerie française en
constitue en quelque sorte la chambre d’écho, c’est ce moment que nous
vivons où de Grands Inquisiteurs, encore de façon détournée mais bien réelle,
amènent les gens à faire ce qu’ils ont décidé qu’ils feront, avec l’apparence
d’une centralité pseudo démocratique, si ce n’est « incantatoire » comme le
fait encore remarquer Céline Bryon-Portet. Mais les modalités de résistance en
sont multiples auxquelles les loges du fait de leur modes d’adhésion et de
fonctionnement (maçons libres dans des loges libres) et du fait qu’elles s’en
tiendront tant soit peu à l’écart. Elles constitueront le témoignage vivant d’une
autre et nouvelle modalité d’e l’être ensemble. Leur relation à la Tradition, soit
« la recherche de ses racines populaires, de l’ancestrale sagesse25 » en est sans
doute le principal antidote, quand « la fécondité des traditions est le gage des
trouvailles contemporaines ».
Et les réponses que nous disent ceux qui ont bien voulu se prêter à notre
enquête en sont les prémisses et les fondements.
Nous avons dit : Spiritualité, Fraternité, Réflexivité.
GB
Angers, le 8 juin 2018.
24
Castoriadis Cornélius, Une société à la dérive, Entretiens et débats, 1974-1977, Le Seuil, 2005, p.88.
25
Maffesoli Michel, Etre Post Moderne, Paris Le Cerf, 2018, p<.143.
20
Bibliographie.
21
Taguieff Pierre-André, La Foire aux illuminés. Esotérisme, théorie du complot,
extrémisme, Paris Mille et une nuits, 2005 612p.
22
Annexes
Annexe 1 : histogrammes réponses questions fermées.
23
Rites pratiqués.
Les degrés
2° 3° 4° 5° 14° 18°
35.60%
22° 28° 30° 31° 33°
13.50% 15.20%
5% 6.70% 5%6.70%
3.30%5% 1.70%
1.70%
24
Annexe 2. Lettre adressée …
M…
En vous remerciant par avance de votre coopération, recevez, mes sentiments les meilleurs
Georges Bertin,
georges.bertin49@gmail.com
25
Annexe 3
Questionnaire GB 2018. 1200 personnes.
Un homme
Une femme
Age
Rite pratiqué :
degré en 2018 :
actif démissionnaire
en sommeil
oui non
régional local
national
Votre sentiment de satisfaction sur votre engagement franc-maçon au regard de vos attentes de
départ :
26
Votre sentiment de satisfaction sur votre engagement franc-maçon au regard de vos attentes de
départ
un réseau d'échanges
oui non
oui non
Pourquoi
27