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Industrie 4.

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Les leviers de la transformation
Le Gimélec fédère 200 entreprises qui fournissent des solutions électriques et d’automatismes sur les
marchés de l’énergie, du bâtiment, de l’industrie, des Data Centers et des infrastructures.

Les entreprises du Gimélec emploient 69 000 personnes en France où elles génèrent un chiffre d’affaires
de plus de 12 milliards d’euros dont 57 % à l’export. Face aux objectifs ambitieux de la France et de l’Europe
en matière d’économies d’énergie et de réduction des émissions de CO2, les entreprises membres du
Gimélec s’inscrivent dans une politique éco-industrielle durable en proposant des produits, équipements,
systèmes et solutions pour :
• la gestion de la performance énergétique des bâtiments neufs et existants, y compris les Data Centers,
• le développement des réseaux sécurisés et intelligents (smart grids) facilitant la maîtrise de la
production et de la demande d’énergie ainsi que la diffusion de nouveaux usages,
• le déploiement du véhicule électrique,
• le raccordement au réseau électrique et la gestion des nouvelles sources d’énergies décarbonées,
• le pilotage sécurisé et énergétiquement efficace des procédés industriels.
Edito rial
Industrie 4.0
Les leviers de la transformation

En 2013, le Gimélec publiait la brochure «  Industrie 4.0  : L’usine connectée  »


pour sensibiliser les acteurs aux enjeux technologiques, économiques et culturels
de cette 4ème révolution industrielle. Une dynamique est enclenchée pour mener
à bien cette transformation, qui s’inscrit dans les priorités de la politique indus-
trielle française, comme en témoigne le plan « Usine du Futur » de la Nouvelle
France Industrielle.

La numérisation est un axe majeur pour maintenir, voire renforcer, la compé-


titivité des industriels français. Encore faut-il s’appuyer sur un diagnostic précis
de l’appareil productif. C’est pourquoi le Gimélec a réalisé, en partenariat avec
la DGCIS (Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services)
et le SYMOP (Syndicat des machines et technologies de production), une étude
pour identifier les leviers de la transformation. En s’appuyant sur ces résultats,
les adhérents du Gimélec formulent des recommandations pour la modernisation
de l’outil de production français. Ils ont le plaisir de vous les livrer dans ce second
ouvrage.

Bonne lecture.

Frédéric Abbal
Président du Gimélec

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #1


Sommaire
Industrie 4.0, 4# Industrie 4.0, un an après
un an après Vincent Jauneau, Président du Comité de Marché Industrie du Gimélec, nous dé-
taille le travail mené depuis un an et les points positifs.

6# Le temps de l'action
Rappel des « épisodes précédents », Industrie 4.0 lancée par l'Allemagne en 2011,
en 2013 le plan Usine du Futur à la française.

8#  oderniser l'appareil productif français, enjeu clé de la


M
ré-industrialisation
Par Max Blanchet - Senior Partner - Roland Berger Strategy Consultants.
Pour comprendre la situation de l'industrie française, il nous faut regarder ce qui
est arrivé à « l'usine France » ces dernières années.

Les leviers 12# Domaines et Technologies


de la transformation L'appareil productif a été segmenté en six domaines avec pour chacun d’eux les
technologies clés pour demain.

16#  e numérique au service de la conception de ligne.


L
Evolution de la maturité

20# Fabrication additive et prototypage

22# Usine virtuelle

24# Le Pilotage-contrôle.


Evolution de la maturité

28# Pilotage à distance

30# Capteurs de conditions

32# GPAO partagée

34#  pérations de fabrication.


O
Evolution de la maturité

38# Cobotique et robots intelligents

40# Fabrication directe

42# Services.
Evolution de la maturité

2#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


44# Maintenance prédictive

46# Technologies Transverses.


Evolution de la maturité

48# Internet Industriel des Objets

50# Cloud Computing

52# Big Data Analytics

54# Energy Harvesting

56# Organisation du travail. Evolution de la maturité

Les enjeux 58# Quatre Secteurs clés et leurs enjeux de modernisation


de la modernisation Les priorités de modernisation sont différenciées par secteur.

59# Secteur Métallurgie

60# Secteur Automobile

62# Secteur Aéronautique

64# Secteur Agroalimentaire

66# Direction l’Usine du Futur


Interview de Tahar Melliti - Conseiller chargé de l'innovation et de la nouvelle éco-
nomie industrielle au cabinet du ministre de l'Économie, de l’Industrie et du Numé-
rique. En charge notamment du plan Usine du Futur.

70# La nécessité d'intégrer des compétences nouvelles


Industrie 4.0, ce sont de nouveaux champs disciplinaires tant pour les acteurs de
l'offre d'outils de production que pour les industriels. Avec la vision de Frédéric Saint
Geours, Président du GFI et de l’UIMM.

72# Quelle place pour l’Homme dans l’industrie de demain ?


Par Michel Roche, Conseiller en performance industrielle et en management. Ex-Di-
recteur des opérations monde produits composants et semi-finis du groupe Michelin.

74# La Cybersécurité s'organise


Interview de Stéphane Meynet, chef de projet Systèmes Industriels à l’ANSSI.

76#  hallenges et opportunités des Systèmes


C
Cyber-Physiques
Par Karine Gosse, directrice du CEA List.

Leur vision de demain 78#  ngager l'entreprise dans l'ère du numérique,


E
un mouvement irrésistible
Par Geoffroy Roux de Bézieux.

80# L’usine du futur, enjeu décisif pour la compétitivité


Le regard de Louis Gallois, président de La Fabrique de l’industrie.

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #3


Un an d'Industrie 4.0

Industrie 4.0, un an après

l'international. C'est la clé du change-


Il y a un an, nous posions, avec Vincent Jauneau le président du ment.
secteur Industrie du Gimélec, les bases d’Industrie 4.0.
En douze mois beaucoup de travail, et de point positifs. Des marchés peuvent s'ouvrir aux
constructeurs de machines, mais il est
impératif qu’ils s'approprient Industrie
4.0.

Smart-Industries : Il est donc possible


Smart-Industries  : L’an dernier, le logique, Industrie 4.0, et c’est lors de d’avoir une industrie forte, sans
concept de 4.0 semblait un peu un sauts technologiques qu’il est possible avoir une offre nationale d’outil de
OVNI dans le monde feutré de l’In- de retrouver de la compétitivité, sachons production forte ?
dustrie. Le message est passé ? Les en profiter.
industriels – offre et demande - s’y Vincent Jauneau  : L’Usine du Futur ne
intéressent ? L’étude met en avant trois grandes consiste pas à produire des automates ou
familles d’entreprises. D’abord, les des variateurs français. Les principaux
Vincent Jauneau  : En un an nous avons grandes entreprises françaises interna- acteurs sont déjà en place, les usines de
bien avancé, que ce soit la presse, les tionales, ensuite les sites de production production des grands industriels uti-
syndicats... mais aussi le gouvernement de taille moyenne et enfin les construc- lisent déjà des marques reconnues, dont
avec le plan 34 - Usine du Futur - a été teurs de machines. ils sont satisfaits. Le challenge n'est
un relais fort à toutes ces actions. pas là, il est de créer le maximum de
Si les grands industriels maîtrisent, constructeurs de machines puissants,
Aujourd’hui, le terme est connu même si savent appréhender et utiliser 4.0, il n’en c'est ce qui nous pénalise face à l'Alle-
il reste des efforts de pédagogie à four- va pas de même des autres entreprises. magne, aux Etats-Unis, à l'Asie...
nir. Ce qui est logique pour un sujet aussi
vaste, chacun ayant sa propre interpré- Or, les grands industriels investissent Smart-Industries  : Ne faudrait-il pas
tation de ce qu’est Industrie 4.0. 80  % de leur budget hors de France, changer notre culture d’investisse-
ment  ? Et quelles sont les préconi-
sations ?

En France le poids de l’Industrie est passé Vincent Jauneau : Il y a trois critères im-
de 18 % à 12 % du PIB, il est impossible portants : la culture d'investissement, le
bond technologique et le support à ame-
de se satisfaire d’un tel résultat. ner aux entreprises.

En Allemagne ou en Italie, les PME ont


Smart-Industries  : Vous venez de c'est une problématique et une oppor- le support des länder ou des districts, ce
publier une étude réalisée par Ro- tunité. Ils investissent majoritairement sont les syndicats aux Etats-Unis. Glo-
land Berger, menée par le Gimélec auprès de constructeurs de machines et balement, il s’agit de portails qui aident
en partenariat avec le Symop et la se retrouvent face à deux solutions, soit les PME à accéder à des investisse-
DGCIS sur l’adaptation de l’appareil ils trouvent la réponse à leurs besoins ments de communication, de marketing,
productif français, quel était l’objec- sur le territoire français, soit ils vont d'export…
tif ? chercher ailleurs leurs machines. C'est
ici que se situe l'opportunité. Ces grands Il faut créer, en France, une structure
Vincent Jauneau  : En France le poids de industriels allant dans tous les cas vers d'aides aux PME. Elle doit être dyna-
l’Industrie est passé de 18 % à 12 % du le 4.0, ils se tournent vers les construc- mique, réactive et traiter à la fois les
PIB, il est impossible de se satisfaire teurs de machines pour vérifier que ces problèmes financiers, techniques et
d’un tel résultat, nous devons nous derniers sont «  compatibles Industrie d'export. Pour y parvenir, rien ne sert de
battre contre la désindustrialisation. 4.0 », si la réponse est favorable, ils tra- copier nos voisins allemands ou italiens,
Nous arrivons à une étape clé techno- vailleront avec eux et les amèneront à leur modèle n’est pas adapté, à l’inverse

4#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


le modèle américain des syndicats est
intéressant, mais leurs syndicats sont
forts.

C’est pourquoi, nous devons arriver à


créer une intersyndicale qui puisse ré-
pondre à ces demandes des PME, pour
les aider à se développer et devenir des
ETI exportatrices.

Il y a trois critères
importants : la culture
d'investissement, le
bond technologique et
le support à amener aux
entreprises.

Smart-Industries  : Derrière Indus-


trie 4.0, on dit souvent que les Alle-
mands ne font que de la technique et
oublient l’aspect social, c’est vrai ? Y
a-t-il une réelle différence ?

Vincent Jauneau  : Il n’y a pas de diffé-


rence, quel que soit le nom utilisé, nous
sommes sur un schéma d’industriali-
sation, d’un côté le monde virtuel et de
l’autre le monde réel. Il faut créer le lien
entre les deux mondes, sans tout casser,
faire fonctionner l’ensemble en cohé-
Vincent Jauneau
rence.  Président du Comité de Marché Industrie du Gimélec.

Smart-Industries  : L’étude ne donne


pas beaucoup de chiffres, notam-
ment en terme d’investissements ?
Smart-Industries : En attendant, com- également de côté du bureau d’études,
Vincent Jauneau : Notre étude fait un état ment doivent faire les industriels l’aspect hétérogène complexifie les
des lieux et, surtout, propose des pistes pour passer à Industrie 4.0. C’est choses.
de solutions comme le portail d’entrée parfois l’œuf et la poule, l’offre
pour aider les industriels sur les aspects n’existant pas en totalité. Ils doivent Le travail est important pour lier les par-
financier, technologique, export... Com- démarrer par quoi ? ties matérielles et logicielles associées,
ment va-t-on faire  ? Qui va gérer les pour maitriser le lien virtuel-réel et avoir
budgets ? A nos dirigeants de décider si Vincent Jauneau : A un moment donné, il un lien fonctionnant avec l’ensemble des
l‘idée est intéressante, et doit être déve- est souhaitable d’avoir une architecture outils. Les industriels peuvent d’ores et
loppée. unifiée du côté de la production, mais déjà travailler dans ce sens.

De plus, en dehors de l’aspect tech-


nique, ils doivent dès à présent favoriser
D’un côté le monde virtuel et de l’autre le dialogue entre les bureaux d’études et
le monde réel. Il faut créer le lien entre de production pour travailler de manière
intégrée. Les services travaillent déjà
les deux, sans tout casser. ensemble, mais souvent ils ne sont pas
assez intégrés. 

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #5


Un an d'Industrie 4.0

Le temps de l'action

L
  ’industrie 4.0 suppose une intégra- Douze mois plus tard, un changement n'allait pas s'arrêter aux portes des entre-
tion horizontale. On réalise tout de A radical est intervenu, les industriels prises. Après l'Industrie 4.0 lancée par l'Al-
à Z, sans intervention humaine, en prennent conscience que le monde de lemagne en 2011, il y a eu en 2013 le plan
interaction entre les produits et les ma- l’industrie ne sera plus le même dans Usine du Futur à la française.
chines, et les machines entre elles. Nous quelques années. Assaillis par les termes
sommes dans un système global inter- de BigData Analytics, de Cloud, d'Inter- Aujourd'hui, les choses se précisent
connecté. En comparaison, l’Industrie 3.0 net Industriel des objets, de cobotique, notamment avec un rapport sur ce sujet
a été la phase de l’intégration verticale, de calcul haute performance… ils sentent mené par la DGCIS, le Gimélec et le Symop
avec l’automatisation systématique des bien, y compris les PME, que la produc- et confié à Roland Berger, un document
processus. Dans le monde 3.0, les ma- tion de demain n'aura plus rien à voir avec qui classifie les technologies en fonction
chines automatisées ne communiquent celle qu'ils connaissent depuis plusieurs de leur maturité, mais surtout donne des
pas encore entre elles. Dans le monde années. pistes de réflexions et de travail.
4.0, elles se « parleront ».
Cette prise de conscience a été accom- Nous avons souhaité, non pas reprendre
Aussi surprenant que cela puisse paraître, pagnée par les Pouvoirs Publics qui ont ce rapport, mais être en cohérence avec
les principales briques technologiques bien compris que la déferlante numérique lui. Autant ne pas réinventer la roue.
qui assureront la transformation de l’in-
dustrie 3.0 en industrie 4.0, telle que pré-
sentée ci-dessus, existent déjà : capteurs,
automates, CFAO, PLM, GMAO, ERP, Big
Data, Internet des objets, Cloud Compu-
ting… La révolution ne sera pas techno-
logique mais le mode de production qui
en résultera sera en totale rupture avec
l’existant. Là se trouve la vraie révolution.

Un paragraphe tiré de notre précédent


document, et qui, un an après, sonne
encore plus juste. L'année dernière les
termes que nous utilisions avaient cho-
qué certaines personnes, les termes d'In-
dustrie 4.0, de Smart-Industries, d'Usine
connectée faisaient encore peur, difficile
de matérialiser et, pour quelques-uns, de
comprendre ce qui pouvait ne ressembler
qu'à un « coup » marketing.

Les trois points du rapport allemand sur l’industrie 4.0


– L’usine devient numérique et flexible : elle se caractérise par une communication continue et instantanée entre les différents
outils et postes de travail intégrés dans les chaînes de production et d’approvisionnement. L’utilisation de capteurs communicants
apporte à l’outil de production une capacité d’autodiagnostic et permet ainsi son contrôle à distance.
La flexibilité de la production est accrue grâce aux systèmes de communication plus performants. Elle permet la personnalisation
des produits (modification de ses caractéristiques) en fonction des demandes des clients, par exemple.
– Des outils de simulation et de traitement de données puissants : le recueil des données produites par les différents éléments de
la chaîne de production permet également de produire une réplique virtuelle de tout ou partie de cette chaîne afin de générer des
simulations de procédés ou de tests, mais aussi de permettre aux futurs ouvriers et techniciens de se familiariser avec des outils
de travail et des procédures complexes ou encore de faciliter les réparations et la maintenance pour des non-spécialistes.
– Une usine économe en énergie et en matières premières : l’industrie 4.0 sera économe en énergie et en ressources grâce à un
réseau de communication et d’échange instantané et permanent avec une coordination des besoins et disponibilités.

6#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


Révolutions industrielles
La 1re révolution industrielle
La première révolution industrielle repose sur le charbon, la métallurgie, et la machine à vapeur. Fin du XVIIIe siècle - début du
XIXe siècle. C’est la première machine à tisser mécanique avec moteur hydraulique ; le premier essai d’une locomotive à vapeur
(1804)…

La 2e révolution industrielle
La deuxième, démarrée à la fin du XIXe siècle, trouve ses fondements dans l’électricité, la mécanique et le pétrole. On peut ajouter
les moyens de communication télégraphe et téléphone. Parallèlement, Frederick Taylor invente, en 1911, le taylorisme, et Henry
Ford instaure le montage à la chaîne.

La 3e révolution industrielle
Une troisième révolution se produit au milieu du XXe siècle, dont la dynamique vient de l’électronique, des télécommunications,
de l’informatique. Avec l’électronique, c’est l’arrivée du transistor et du microprocesseur. Deux produits ont impacté la production
industrielle : l’automate et le robot. 1968 pour l’un, 1959 pour l’autre, les deux par des Américains (Richard Morley, l’automate
programmable industriel (API), et l’imagination de Georges Devol et le visionnaire Joseph Engelberger).

La 4e révolution industrielle
La dernière révolution industrielle prend forme sous nos yeux. On peut la résumer par la numérisation poussée à l’extrême
des échanges économiques et productifs. On peut rajouter le Cloud, le Big Data Analytics, l'Internet Industriel des Objets…
Avec l’industrie 4.0, on réalise tout de A à Z en interaction entre les produits et les machines, et les machines entre elles. Nous
sommes dans un système global interconnecté. Le produit fini, qui sera personnalisé, pourra communiquer avec les machines
dans sa phase de réalisation. La rupture consiste à façonner des unités de production autonomes, intelligentes. Les capacités de
décision, l’intelligence des processus de production vont être distribuées…

Alors où en sommes nous ?


objets sur le lieu de production mais éga- Peu de formation « Systèmes » qui intègre
Si l’on parle de quatrième révolution, il lement un lien, sorte de cordon ombilical l’ensemble des composantes de l’Indus-
faut plutôt l’envisager en terme d’évolu- numérique, avec l’Internet des objets du trie 4.0
tion pour les dix ans à venir. Personne ne produit final, et donc un lien persistant
passera du 3.0 au 4.0 en une seule opé- entre l’objet et son lieu de production En conclusion, persuadez-vous que 4.0, la
ration. Cette migration sera rapide, mais (d’où le terme d’Internet Industriel des Smart-Industrie, n’est pas une option. Si
se fera par étape. Les spécialistes alle- Objets que nous utilisons pour le différen- technologiquement c’est décoiffant, per-
mands, à l’origine du concept, estiment cier de son grand frère). Restera à faire turbant, le train est là, il passe, vous devez
que nous en sommes à 3.8, et qu’il fau- communiquer tous ces objets entre eux, le prendre.
dra une dizaine d’années pour avoir des mais nous n’en sommes qu’au 3.8 !!!
usines 100 % Industrie 4.0. Les leviers de la mutation
Il reste l’aspect organisationnel. Une telle
En un an, nous avons vu beaucoup de mutation va impacter l’organisation de Alors quels sont les leviers de cette muta-
spécialistes des automatismes, de la ro- l’entreprise. Comme devront le faire les tion ? Comment s’y prendre ? Quelle tech-
botique… dialoguer avec leurs confrères logiciels, les BE devront parler, échan- nologie mettre en place ? C’est l’objet de
venant du monde du numérique. Les pre- ger, se comprendre avec les méthodes cette édition.
miers découvrant les SMAC – Social, Mo- et avec la production pour travailler de
bility, Analytics et Cloud – quatre lettres manière «  intégrée  ». Les silos devront Comme nous l’avons évoqué plus haut,
qui permettent d’envisager cette trans- exploser, et il faudra accompagner ce pour en parler nous nous sommes en
formation numérique indispensable, des changement. partie appuyés sur la toute dernière étude
outils récents sans lesquels l’Industrie 4.0 commanditée par la DGCIS, le Gimélec et
serait restée au niveau du concept. Dans cette réorganisation, la place de le Symop auprès du cabinet Roland Ber-
l’homme est centrale, le transformer en ger. Une étude qui a certes établi un dia-
De même le terme d’Internet des objets, assistant d’ordinateurs ou de tablettes, gnostic, mais a surtout eu pour volonté de
maille ente éléments matériels, une sorte serait le meilleur moyen de parvenir à un privilégier des recommandations, des ac-
de réseau social des éléments de produc- échec. Et si 4.0 doit être la référence dans tions à mener pour que l’Industrie France
tion, commence à être compris. Cet Inter- une dizaine d’années de toute entreprise ne rate pas ce virage technologique et
net des objets, c’est l’extension d’internet de production, encore faudra t-il trouver humain. Un enjeu primordial, notamment
dans le monde physique. Un Internet des le personnel formé, et là le bas blesse. pour notre tissu de PME. 

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #7


Un an d'Industrie 4.0

Moderniser l'appareil
productif français, enjeu clé
de la ré-industrialisation
par Max Blanchet, Senior Partner,
Roland Berger Strategy Consultants.

A
la faveur du débat qui anime Un sous-investissement de ce recul des volumes et de la valeur
les médias et l’agenda politique important ajoutée du secteur industriel, sa rentabi-
depuis quelques années sur les lité s'est nettement dégradée, conduisant
thèmes «  industrie  », «  compétitivité  », On le sait, l'industrie française perd du à un ajustement des facteurs de produc-
« coût du travail », « redressement pro- terrain par rapport à ses concurrents tant tion : baisse de l'emploi (-600 000 sur la
ductif  », le diagnostic sur la situation en volume qu'en valeur, dégradant sa ren- période3) et de l'investissement. Ces évo-
de l'industrie française s'est précisé, tabilité. Sur 2000 – 2012 les performances lutions se sont révélées déterminantes
et diffusé. Il est admis aujourd'hui que des industries française et allemande pour la capacité d'investissement des
la France est prise dans un «  cercle sont opposées tant en volume (-14 % vs. entreprises. Ainsi l'Allemagne a accru sa
vicieux  » de désindustrialisation, dû +19  %) qu'en valeur ajoutée (-3,5  % vs. capacité d'autofinancement d'au moins
à des raisons qui sont de notre fait, et +28  %)1. Cette baisse des volumes et de 78 milliards d'euros par an quand celle
aujourd'hui bien connues  : manque de la valeur ajoutée en France ont entrainé de la France a diminué de 24 milliards
spécialisation sectorielle, effort insuf- une baisse de la rentabilité industrielle de d'euros par an sur la période 2000-2012.
fisant dans l'innovation technologique, 11 points (-24 milliards € par an) rédui-
lourdeur et instabilité législative, fiscale sant d'autant la capacité d'investissement Cette dégradation de la situation de l'in-
et administrative etc. lorsque celle de l'Allemagne augmentait dustrie française a eu des conséquences
de 78 milliards d'Euro par an2. Corolaire importantes sur l'évolution de l'appareil
En revanche, on s'intéresse moins aux
dynamiques qui concernent l'appareil
productif lui-même. Or il est au cœur de
la problématique de la désindustrialisa-
tion à laquelle nous sommes confrontés
aujourd'hui. D'abord parce que la baisse
des volumes et de la valeur ajoutée in-
dustrielle a pour conséquence directe
une obsolescence accélérée de l'outil de
production. Mais aussi et surtout car il
est impossible de regagner en compéti-
tivité sans un appareil productif qui per-
mette de se positionner sur des produits
complexes et à forte valeur ajoutée. Pour
comprendre la situation de l'industrie
française, il nous faut regarder ce qui est
arrivé à « l'usine France » ces dernières
Analyse de corrélation entre poids de l'industrie et modernité de l'outil.
années.

1. Source : IHS Global Insight, analyse Roland Berger


2. Source : id.
3. Source : Eurostat, analyse Roland Berger

8#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


de production industriel lui-même, au
premier rang desquelles le sous-investis-
sement. Le capital investi dans l'industrie
française a ainsi baissé de 44 milliards
sur les 12 dernières années. La baisse
du niveau d'investissement (-5 milliards
d'Euros par an) et du volume de produc-
tion (-14  % de 2000 à 2012) ont conduit
à une contraction et à un vieillissement
du parc de machines de production en
France. La baisse des volumes de produc-
tion s'est accompagnée d'un plus grand
nombre de défaillances d'entreprises in-
dustrielles (entre 1993 et 2004, l'industrie,
hors industrie agroalimentaire, a connu
un taux de défaillance moyen de 2,7  %
contre 2,4  % pour l'ensemble de l'éco-
nomie) et de la mise «  sous bâche  » ou
au rebut de machines. Parallèlement, le
moindre investissement a conduit à faire
rentrer moins de machines nouvelles dans
le parc. Max Blanchet
Ces deux phénomènes conjugués ont  Senior Partner
conduit à une contraction du parc de ma-
chines français (hors machines de pro-  Spécialiste Industrie, Max Blanchet bénéficie de plus de 20
cess, d'emballage, de convoyage, de tests ans d’expérience dans le conseil de Direction Générale auprès de
et de mesure) de près de 7  % passant grands groupes industriels et de la fonction publique.
d'environ 414  000 machines à 388  000
 Ses champs d'activités couvrent les problématiques d'améliora-
de 1998 à 2013. Cette contraction s'est
accompagnée d'un vieillissement du parc
tion de l'efficacité opérationnelle, l'innovation, la technologie et les
de machines français passant de 17,5 ans
organisations dans les secteurs Automobile, Aéronautique, Indus-
d'âge moyen à 19 ans de 1998 à 2013 mal- trie équipementière et de process.
gré une pénétration accrue des machines
 Auteur du livre « L'industrie France décomplexée », Max Blanchet
à commande numérique. A titre d'illustra-
a mené et publié de nombreuses réflexions sur l'industrie française
tion, les machines de plus de 35 ans sont
et sa ré-industrialisation.
passées de 39  000 en 1998 à 63  000 en

2013 quand celles de moins de 10 ans se


sont réduites de 129 000 à 109 000 unités.

Du coté Outre-Rhin, étonnamment, l'âge


moyen du parc allemand a évolué dans
des proportions équivalentes à la France.
Cependant, ce phénomène de vieillisse-
ment observable dans les deux pays ne
s'explique pas par les mêmes facteurs. En
Allemagne, l'augmentation des volumes
de production industrielle (+33  % entre
1998 et 2012) a été plus rapide que l'inves-
tissement en machines de production, ce
qui a conduit les industriels à prolonger
la durée de vie de machines anciennes
pour faire face à la demande, tout en aug-
mentant le nombre de machines récentes.
Quand de 1998 à 2013, l'Allemagne a aug-
Corrélation entre poids de l'industrie et poids du secteur machines et équipements menté son parc de machines de moins de
de production. 15 ans de 85 000 unités, la France a réduit

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #9


le sien de 10 000 unités. La France dispose
ainsi de 5 fois moins de robots installés
que l'Allemagne  : 34  000 robots indus-
triels dans l'Hexagone contre respective-
ment 162 000 et 61 000 en Allemagne et en
Italie en 2012. Rapportés à la population
active du secteur de l'industrie, corrigés
de l'effet mix sectoriel4, le taux de roboti-
sation de l'industrie française creuse près
de 50 % de retard sur l'Allemagne.

Industrie forte et outil


de production moderne
Cette situation est particulièrement pro-
blématique car il n'existe pas d'industrie
forte sans outil de production moderne.
En effet on est en mesure d'établir au-
jourd'hui deux corrélations fortes. La pre-
mière est qu'il n'y a pas d'industrie dyna- Les priorités de modernisation répondent forcement des capacités de pilotage cen-
mique sans outil moderne  : les pays qui aux enjeux stratégiques de compétitivité tralisé, traçabilité allant jusqu'à intégrer
ont une industrie avec un taux de crois- de chacun des secteurs industriels. des capteurs de condition…), davantage
sance significatif ont également un outil d'interconnexion avec l'amont et l'aval
de production davantage «  moderne  » Toutefois une priorité de modernisation de l'usine et entre machines au sein de
(que ce soit en terme d'effort d'investis- partagée pour l'ensemble de l'industrie l'usine, et plus d'intelligence embar-
sement, ou en termes de robotisation). ressort nettement : la conception produit/ quée (machines auto-correctrices…).
La seconde est qu'il n'y a pas d'indus- process, de par l'importance des enjeux C'est pourquoi, cette modernisation et
trie forte sans offre d'outil de production qu'elle recouvre. Dans un contexte de évolution progressive vers l'industrie 4.0
forte  : taux d'industrialisation (poids de compétition mondiale, la réalisation de nécessite que les industriels comme les
l'industrie dans le PIB) et poids du secteur produits différenciés aux meilleurs coûts fabricants de machines s'approprient de
de machines et équipements de produc-
tion sont corrélés.

Compte tenu de ce diagnostic, l'enjeu est


L'enjeu est aujourd'hui d'organiser
aujourd'hui d'organiser progressivement le progressivement le passage
passage de l'« usine France » vers l'usine
du futur. Qu'est-ce que cela signifie concrè-
de l'« usine France » vers l'usine du futur.
tement ? Le schéma page 19 précise, pour
les différents domaines de l'appareil pro-
ductif, quels sont les technologies et les est une préoccupation majeure qui néces- nouveaux champs disciplinaires (réseaux,
savoir-faire correspondant à différents ni- site une conception et une optimisation ingénierie système, modélisation, data,…)
veaux de maturité. Il permet ainsi de priori- conjointe du produit et du process (mini- en complément de la mécanique et de
ser les principaux enjeux de modernisation misant les pertes de matières, les rebuts, l'électronique.
de l'appareil productif français. les temps morts, l'énergie utilisée…). De
même, la dimension humaine liée à ce La place des Pouvoirs Publics
En route vers le 4.0 domaine explique l'importance que re-
vêtent les opportunités de modernisation En termes de politique publique, la mo-
Le passage vers l'industrie 4.0 concerne qui s'y rattachent (réduction de la pénibili- dernisation de l'appareil productif indus-
l'ensemble des domaines de l'appareil té du travail des opérateurs, maximisation triel français implique des efforts à deux
productif  : à la fois l'amélioration de la de la valeur ajoutée du facteur travail …). niveaux. Tout d'abord une action direc-
conception produit/process, mais égale- tement auprès de la demande d'outil de
ment le pilotage et le contrôle de l'appareil Plus généralement, la mise en œuvre de production (les industries), pour créer les
de production, les opérations de fabrica- cette modernisation nécessite une plus conditions d'une relance de l'effort d'in-
tion, les services liés à l'appareil de pro- grande intégration des différentes com- vestissement productif sur le territoire
duction et enfin l'organisation du travail. posantes de l'outil de production (ren- français, et accompagner cet effort pour

4. Les taux de robotisation allemand et italien sont calculés de sorte qu'ils soient comparables avec le taux français. Pour cela, les poids des secteurs (en termes
d'employés) de l'Allemagne et de l'Italie sont rapportés à ceux de la France. Ainsi, à structure égale des secteurs industriels, le calcul et la comparaison des taux de
robotisation devient possible.

10#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


Les évolutions qui vont progressivement conduire à l'émergence de l'Industrie 4.0.

en optimiser l'impact sur la compétiti- Concernant l'action sur l'offre d'outil de tion pourrait être créé afin de favoriser la
vité. Et par ailleurs une action sur l'offre production, il s'agit de maximiser l'impact consolidation des acteurs et leur dévelop-
d'outil de production, pour accompagner de l'effort d'investissement sur l'outil de pement. Il faut également inscrire dans les
la modernisation des différents secteurs production et de créer les conditions d'une feuilles de route des pôles de compétitivité
industriels avec une offre française d'outil modernisation efficace dans la durée à concernés des programmes d'innovation
de production adéquate. travers l'émergence d'une filière « outil de sur le domaine, et également adapter les
production » robuste, qui pourrait prendre cartes de formation professionnelles à ces
L'action en faveur de la modernisation de la forme d'une plate-forme sectorielle nouveaux besoins.
l'outil de production doit à la fois compor- regroupant les différents acteurs couvrant
ter un volet quantitatif (relance de l'effort l'ensemble de l'offre outil de production, Le déclin industriel n'est pas une fata-
d'investissement d'au moins 5 milliards depuis la conception au service. Un fonds lité, les opportunités sont encore devant
par an, extension de l'amortissement de modernisation de l'outil de produc- nous. 
accéléré), et qualitatif (accompagnement
pour faciliter l'adoption des approches

Il n'existe pas d'industrie


forte sans outil de
production moderne.

modernes de production par des diagnos-


tics flash, d'une offre de conseil pour la
modernisation des PME, etc.). La mise
en place de démonstrateurs d'usines du
futur est aussi clé pour disséminer les
nouvelles pratiques. L'appui à l'export
des PMI industrielles par secteur doit être
renforcé (portail internet de la filière, ap-
pui à la participation à des salons, accom-
pagnement,…).

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #11


12#
 Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014
Les leviers de la
transformation

Nous préparons, en France, notre réfé-


renciel industriel qui sera exporté dans
Ce n’est plus le fait de
l’ensemble de nos usines mondiales. Dans
transformer le papier en
l’usine du futur, il faut utiliser le potentiel
fichier informatique qui est
de la réalité virtuelle tout en aidant l’opéra-
l’enjeu, mais bel et bien la
teur dans son cadre de travail.
virtualisation qui est la ca-
pacité, dans un environne- Jose Vicente de Los Mozos,
Membre du Comité exécutif de Renault
ment numérique, de faire en charge du Manufacturing Monde
se rencontrer deux choses
difficiles : le monde du pos-
sible avec le monde du fai-
sable. L’usine du futur rebat les cartes de la
Pascal Dalloz,
compétitivité mondiale. Elle change les
Directeur Général adjoint avantages comparatifs des différents
de Dassault Systèmes pays qui ne vont plus se battre sur le
coût du travail de l’ouvrier peu qualifié,
mais sur la capacité à attirer des em-
plois qualifiés. La France a sa carte à
Les postes proposés, dans
jouer dans ce domaine, et peut revenir
l’Usine du Futur, vont évoluer,
dans la course.
l’opérateur aura une fonction
de pilote, responsabilisante, Louis Gallois,
Ancien dirigeant d’EADS
qui va donner du «  sens  » à et ancien Commissaire général à l’Industrie
son travail, ce qui n’était pas
forcément le cas auparavant.
Michel Rollier,
Ancien gérant de Michelin,
Président de la PFA

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #13


Les leviers de la transformation

Domaines et Technologies

L'appareil productif a été segmenté en six domaines et pour chacun le contrôle de l'appareil de production.
d'eux, trois niveaux de maturités ont été identifiés. Puis nous avons choisi Trois critères de performance ont été
de développer 12 technologies clés pour demain. distingués pour mieux préciser les op-
portunités de modernisation qui lui sont
propres : le système de commande (de la
commande numérique à l'interconnexion
avec l'amont et l'aval de l'usine, en pas-

«
 Si l'obsolescence de l'appareil pro- – Niveau de maturité disponible : diffusion sant par la planification et le pilotage cen-
ductif français s'est accrue au cours généralisée de techniques, technologies et tralisé de la ligne de production), la tra-
des dernières années, il existe des méthodes (ex.  : spécialisation des tâches çabilité (des capteurs de conditions de la
opportunités de modernisation pouvant de production) largement maitrisée. production en passant par le suivi unitaire
guider son renouvellement futur. Celles- des pièces produit) et la gestion des flux
ci ne se limitent pas à un progrès tech- – Niveau de maturité émergente  : diffu- physiques (de l'automatisation de la logis-
nologique de l'appareil productif au sens sion limitée des techniques, technologies, tique interne à l'interconnexion logistique
strict. La modernisation de l'appareil pro- méthodes (ex.  : automatisation de la lo- externe).
ductif passe également par de nouveaux gistique interne) pour certains encore en
processus, l'acquisition de nouvelles phase d'optimisation/développement. Les opérations de fabrication (cœur de
compétences, l'adaptation de l'organi- la transformation) ont été identifiées
sation du travail, de nouvelles façons de – Niveau de maturité future  : diffusé à comme le troisième domaine caractéri-
piloter la production », tels sont les pro- l'heure actuelle chez quelques entre- sant l'appareil productif. Là aussi, deux
pos introductifs de l’Etude commanditée prises/secteurs précurseurs (ex.  : usine critères de performance ont été distin-
par le Gimélec, le Symop et la DGCIS et du futur) et dont les technologies, tech- gués : la précision (de l'optimisation des
réalisée par Roland Berger, sur laquelle niques et méthodes sont encore en phase techniques existantes, comme l'usinage
nous nous sommes appuyés pour cette de développement pour certaines. grande vitesse ou la découpe laser, aux
partie destinée à vous donner les clés machines intelligentes auto-correctrices)
pour devenir vous aussi 4.0. Et Six domaines regroupant les et la flexibilité (des machines multi-sup-
ports multi-opérations à la fabrication
technologies
Pour être précis, l’étude de l'appareil pro- additive).
ductif a été segmentée en cinq domaines La conception produit/process est le
et pour chacun d'eux, trois niveaux de ma- premier de ces domaines qui recouvre Le quatrième domaine recouvre les ser-
turités ont été identifiés. Pour notre part, l'ensemble des outils et des services vices liés à l'appareil de production. On y
nous avons rajouté un dernier domaine, d'ingénierie aidant à la conception de trouve les services d'intégration des dif-
que nous avons nommé «  transverse  », pièces, de produits finis, de process, de férents composants de la ligne de pro-
qui intègre les aspects Cloud Computing, lignes de production et d'usines. D'une duction et les services d'installation et de
BigData Analytics ou I2dO. conception produit et process séparée, ce maintenance des machines de produc-
domaine évolue vers une conception lar- tion.
Trois niveaux de maturité gement modélisée et simulée, et surtout
conjointe produit/process. Ainsi, l'usine Le cinquième domaine, nouveau venu,
La maturité de chacun des domaines ren- virtuelle consiste à simuler la production regroupe les technologies numériques à
voie à deux notions. La première corres- d'un bout à l'autre des chaînes de produc- l’origine du bouleversement de l’Indus-
pond à la maîtrise des technologies et des tion, permettant d'anticiper les sources trie. Sans ces nouvelles technologies,
savoir-faire propres à un certain niveau de potentielles de surcoût ou de non qualité, l’Industrie 4.0 n’existerait pas. Difficile
maturité alors que la seconde correspond de pré-paramétrer les machines et équi- d’imaginer une telle révolution, sans les
à leur degré de diffusion plus ou moins pements afin de réduire les coûts de mise apports du Cloud Computing que ce soit
large dans l'industrie. en service d'un nouveau process ou d'une pour stocker des données, travailler en
nouvelle ligne. collaboration avec des postes distants ou
Dans le Schéma, sorte de nomenclature l’utilisation de logiciels en mode SaaS  ;
pour arriver au 4.0, on retrouve trois ni- Le deuxième domaine de l'appareil pro- sans le BigData Analytics qui améliorera
veaux de maturité : ductif est constitué par le pilotage et la production via une maintenance prédic-

14#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


tive à distance ou permettra d’augmenter de production. La mise en place d'orga- des différents domaines de l'outil de pro-
son efficacité énergétique ; sans l’Internet nisations responsabilisant les opérateurs duction. Cette intégration passe par une
Industriel des Objets, ces cyber-objets ou d'organisations apprenantes sont des approche produit/process globale, da-
autonomes aptes à prendre des décisions exemples de pratiques comprises dans ce vantage d'interconnexions entre les ma-
locales. segment. chines, l'amont et l'aval de l'usine, mais
aussi entre le produit en cours de fabri-
Enfin, l'organisation du travail constitue Au global, au niveau de maturité future cation et l'outil de production lui-même
le dernier domaine caractérisant l'outil correspond une plus grande intégration pour que celui-ci s'ajuste. 

CONCEPTION
PRODUIT/ 
PILOTAGE/CONTRÔLES
PROCESS Pilotage,
commande
Traçabilité
 OPÉRATIONS
Gestion DE FABRICATION
Modélisation  TR des flux
de la ligne ANSV
Interconnexion ERSE
avec l'extérieur : Clo Précision
"usine virtuelle" Capteurs ud c
numérisée, simulation omp
Solutions de pilotage de conditions utin
de processus de
à distance,
g- Big
production
applications mobiles, Capteurs Interconnexion
Data
bases partagées thermiques, Ana
logistique externe lyti
hggrométriques, cs Flexibilité
CFAO
de comptage... Machines - Int
Planification intelligentes
e rne
GPAO
et gestion Suivi
t In
centralisée
partagée (auto-correction) du
str  SERVICE
unitaire Capteurs laser, capteurs iel
des des pièces Automatisation vibratoires, programmes Fabrication additive d es (INTÉGRATION,
machines de la logistique de correction
Cobotique Ob MAINTENANCE)
PLM jet
Gravage interne Techniques s
MES Impression 3D,
laser, de précision Intelligent Assist Devices
flashcode,
puces GPAO, Machine multi- Maintenance
PLM, Usinage TV,
découpe laser, support et multi- prédictive
RFID
soudage HF opérations
ue
mériq

Centres
re
rd

de transfert Télémaintenance
d'o
de nu

Rétrofit
x

ORGANISATION
flu
CAO, IAO

s
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ne
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SNC, programmes,
ion og. DU TRAVAIL
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multi-broches, etc.
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Organisation
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Inf

T e e p
chin es apprenante
Ma achin Organisation
de m Lean Manufacturing
llation responsabilisante
Insta organisation
"au plus juste"
Spécialisation des tâches

Maturité disponible/ Maturité émergente/ Maturité future/


Diffusion généralisée Diffusion limitée Précurseurs

Principales technologies, techniques et méthodes associées à chaque niveau de maturité. Source : Adapté de l’étude Roland Berger.

Septembre
Septembre 2014 2014 Gimélec
Smart-Industries n°3 - Industrie 4.0 #19 #15
Les leviers de la transformation

Le numérique au service
de la conception

Modélisation 3D, simulation numérique, PLM, réalité virtuelle,

process
ingénierie simultanée, travail collaboratif... autant de bouleversements
techniques et méthodologiques qui secouent les industriels depuis 20

ion produit/
ans. Le numérique s'installe progressivement, mais définitivement dans
les bureaux d'études des entreprises manufacturières.

s
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D
 (inté
epuis près de trente ans, les tech- rvice
De l'idée au produit fini :  S e
du travail
nologies numériques se sont im-  Organisation
un process séquentiel
plantées dans les bureaux d'études
chargés de concevoir et d'industriali- Impossible, ou presque, aujourd'hui pour
ser les produits de notre quotidien. La un bureau d'études de se passer d'une Le produit défini par son modèle CAO
planche à dessin a cédé la place aux logi- solution de CAO 3D pour modéliser les et sa description technique est ensuite
ciels de DAO, de CAO 3D, puis de réalité produits qui nous entourent au quotidien. confié au département ingénierie chargé
virtuelle. Les tests physiques validant les PME et grands groupes ont adopté ces d'évaluer son comportement vis-à-vis de
choix techniques ont été complétés, voire solutions que ce soit pour concevoir une son environnement physique. Ces spé-
remplacés, par des solutions de calcul carafe ou un avion complet. Les éditeurs cialistes utilisent des logiciels d'analyse
numérique. Celles-ci simulent virtuelle- de logiciels proposent une gamme de so- pour calculer sa résistance mécanique,
ment le comportement de produits tou- lutions adaptées à ces différentes activités son comportement dynamique et, selon
jours plus complexes en tenant compte et aux publics visés. Certains logiciels sont le produit, ses performances aérodyna-
de leur environnement naturel. Enfin, les même gratuits et permettent à des TPE ou miques, acoustiques, sa résistance aux
industriels ont entamé depuis quelques des artisans de s'équiper à moindre frais. perturbations électromagnétiques, ses
années une démarche globale de progrès
reposant sur le PLM (Product Lifecycle
Pascal Daloz, Directeur Général Adjoint, en charge de la stratégie et du développe-
Management). Une organisation qui s'ap-
ment du marché de Dassault Systèmes
puie sur ces logiciels, mais surtout sur la
formalisation des processus classiques «  Il sera possible demain de réintégrer en France des
de l'industrie manufacturière. Son objectif productions délocalisées hier. Cela sera possible notam-
est de centraliser, de tracer et de distri- ment en combinant de nouveaux procédés de production,
buer à chaque maillon de cette nouvelle comme l'impression 3D, et leur simulation numérique.
chaîne industrielle qui se numérise toutes Dans ce cadre, on peut imaginer la fabrication comme un
les données techniques liées à la vie des service. Dans le domaine aéronautique par exemple, on
produits et aux projets qui entourent leur pourrait réintroduire dans le cycle de construction des avi-
développement. Vision idyllique  ? Non, ons, la fabrication de petites séries de pièces, en matériaux
plutôt théorique et très inégalement par- composites, avec un rapport qualité/coût plus intéressant
tagée selon les secteurs d'activité et la qu'une pièce équivalente issue d'un pays low-cost. »
taille des entreprises observées.

16#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


capacités de refroidissement, etc. Des
essais physiques peuvent également être
réalisés pour valider le numérique, tes-
ter un domaine non simulé, ou satisfaire
des exigences réglementaires. Résultats
d'analyses et recommandations sont
ensuite remontés aux concepteurs pour
modifier le projet en conséquence. Ingé-
nierie et études travaillent ainsi en itéra-
tions successives pour aboutir à un pro-
duit conforme aux attentes.

Pour gérer les évolutions successives du


design et les modèles 2D et 3D qui en dé-
coulent, le bureau d'études consciencieux
utilise une GDT (Gestion des Données
Techniques) ou en anglais un PDM (Pro-
Ce rapide tableau de la démarche tradi-
tionnelle pour concevoir et industriali-
Hugues Drion, Directeur de la division Manufacturing d'Autodesk France ser un produit montre immédiatement
«  Avec l'usine numérique 4.0, nous changeons littérale- une lacune  : le travail est séquentiel,
ment de paradigme. C'est l'intégration des technologies très segmenté entre chaque spécialité
internet, des besoins de mobilité tout au long de la chaîne et les multiples itérations pour aboutir
de valeur, et l'exigence de produits et d'usines propres. Si après essais-erreurs au «  bon produit  »
l'on associe ces différents critères, on se trouve au cœur allongent les temps de développement.
d'un bouleversement profond de la manière de concevoir Or, le monde consumériste n'attend
et de produire des objets. Une vue d'ensemble qui exige pas ! Il lui faut toujours plus de produits
de repenser le produit lui-même, sa maintenance, l'usine, nouveaux. Le time to market est devenu
l'optimisation des machines de production, le bâtiment l'enjeu fondamental de tout constructeur.
dans lequel se trouve la ligne, etc. » Cela implique un décloisonnement des
départements internes des entreprises,

duct Data Management). Ce logiciel de


gestion archive les données techniques
(modèles CAO, dossiers techniques, spé-
cifications, etc.) et automatise certaines
tâches comme les processus de modifi-
cation par exemple.

Le projet figé est enfin confié au départe-


ment des méthodes, ou à un sous-traitant
chargé de l'industrialisation. Sa tâche  ?
Déterminer la gamme de fabrication
idéale en tenant compte des ressources
industrielles et financières disponibles.
Une démarche qui nécessite également
des allers-retours avec le département
des études afin d'obtenir le meilleur com- exemple, l'outil de FAO est employé pour un travail collaboratif resserré avec les
promis entre innovation conceptuelle et concevoir l'outil d'injection ou d'embou- partenaires extérieurs et la parallélisation
facilité de fabrication du produit. La défi- tissage. La technologie numérique sous- des tâches d'ingénierie.
nition numérique 2D ou 3D des pièces est jacente reste globalement la même : tous
transférée dans un logiciel de FAO (Fabri- les usineurs utilisent aujourd'hui des logi- Intégration, simulation
cation Assistée par Ordinateur) pour éta- ciels de FAO leur permettant de program-
et collaboration
blir l’enchaînement et le détail des opéra- mer hors-ligne leurs machines-outils et
tions d’usinage qu'il s'agisse de fraisage, cellules robotisées. Soit pour fabriquer La majorité des industriels qui conçoivent
tournage, poinçonnage, découpe, sou- directement la pièce, soit l'outillage ou et développent des produits adopte au-
dage, etc. Dans le cas de pièces plas- le moule permettant sa production en de jourd’hui cette démarche d'ingénierie
tiques, ou de pièces embouties par multiples exemplaires. simultanée. Une démarche ancienne

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #17


certes, mais qui implique une forte Par ailleurs, les récents développements plexes, et surtout engager une ingénierie
remise en cause de l'organisation des en matière de CAO 3D permettent à tous simultanée efficiente.
entreprises. Revoir ses processus, les de trouver l'outil correspondant à ses
formaliser, travailler ensemble, partager besoins. Modélisation paramétrique et La gestion de cette maquette numérique
l'information tout au long des projets de modélisation directe se complètent dé- est assurée par l'utilisation conjointe de
développement... constituent de minis ré- sormais au sein des principaux logiciels systèmes de GDT étendue qui ont pro-
volutions pour des entités habituées à un du marché. Ces technologies réconcilient gressivement pris le nom de PLM. Ces
fonctionnement en silos quasi étanches. production de masse et personnalisa- solutions de PLM gèrent les configu-
tion à la demande, conception structurée rations de cette maquette numérique,
Le PLM et ses outils logiciels ont cepen- puissante et rapidité de modification. toutes les données techniques qui lui
dant favorisé cette remise en cause des sont liées, mais aussi tous les proces-
méthodes pour gagner en terme de pro- L'arrivée sur le marché de solutions sus industriels liés au développement
ductivité, de souplesse, d'innovation, moyen de gamme particulièrement per- d'un produit. PLM et maquette numé-
bref de performance. Les industriels uti- formantes a permis à nombre de PME rique se sont donc généralisés dans les
lisent désormais des solutions intégrant de s'équiper et de pouvoir ainsi travailler grandes entreprises orientées « proces-
sous un même environnement logiciel  : avec des donneurs d'ordres exigeant des sus  » permettant le co-développement
la CAO, la GDT, la FAO, la production de échanges de données numériques. dans un contexte d'entreprise étendue.
notices techniques, etc. Et puis, la CAO Ils constituent un support à l'intégration
poussée des outils de CAO dans le cadre
Jacques Bacry, CEO de Keonys de la maquette numérique d'un pro-
jet. Ils se sont ensuite diffusés vers les
« Beaucoup d'entreprises finalisent leur passage à la 3D sous-traitants travaillant sur des projets
en conception/simulation et à en tirer le maximum de
d'envergure. Des constructeurs de pro-
profit. Avant l'usine 4.0, une étape intermédiaire devra
être franchie : la simulation de systèmes, être capable de duits ménagers, de biens de consom-
modéliser le comportement physique de l'assemblage de mation, voire d’équipements industriels
sous-systèmes complexes, en prenant en compte le com- adoptent cette organisation PLM. Mais
portement de chaque pièce et leurs interactions. La maî- l'effort reste important, tant sur le plan
trise de ce couplage entre le niveau système et le niveau financier que structurel. Si les grandes
multi-physique est déjà une grosse marche à franchir. » entreprises sont en cours d'intégration
d'un PLM de seconde génération, il reste
ne concerne plus seulement la méca- beaucoup de PME en phase d'étude de
Maquette numérique et PLM
nique. Des modules métiers permettent ces technologies.
d'aborder l'électricité, l'hydraulique, la Enfin, la démocratisation de la 3D comme
climatisation, le style... et même le calcul support de conception multi-métiers a Ce qu'il reste à parcourir ?
numérique. On voit ainsi des concepteurs progressivement instauré l'idée d'un ré-
utiliser des outils d'analyse « simplifiés » férentiel géométrique et technique pour Demain, comment et à travers quelles
pour faire des choix techniques très tôt tous les intervenants d'un projet. L'indus- technologies seront conçus et développés
dans le processus de conception. Cela fa- trie automobile et la filière aéronautique les produits manufacturés  ? Les pistes
cilite largement le dialogue ensuite entre travaillent désormais avec ce référentiel sont nombreuses et nous n'en citerons
dessinateurs et «  calculeux  », et surtout baptisé maquette numérique. Un projet que quelques unes.
cela évite des erreurs techniques chrono- comme le Falcon 7X de Dassault Aviation,
phages. par exemple, a été entièrement réalisé Première tendance remarquable, les
sur des données numériques centralisées produits se complexifient et intègrent de
Les logiciels de conception bénéficient et partagées avec tous les fournisseurs de multiples technologies. Parallèlement,
donc de nouvelles fonctions et leurs prix l'avionneur. Un support collaboratif indis- les fabricants standardisent au maximum
ne cessent de baisser. C'est la possibilité pensable pour élaborer des produits com- les sous-systèmes qui les composent
pour les PME de gagner du temps sur leur
développement, de maîtriser en interne de
nouveaux aspects techniques et d'innover
Jean-Camille Uring, directeur Fives Cinetic
grâce à cela. Et, si elles utilisent des logi- « CAO et simulation produit sont déjà bien diffusés dans
ciels différents, les standards d'échange les entreprises y compris les PME. Elles doivent désormais
permettent une réelle interopérabilité maîtriser la simulation de leur process pour gagner en
entre outils concurrents ou complémen- flexibilité, et en qualité. Deux paramètres indispensables
taires. Il reste des progrès à faire bien sûr, à leur pérennité. Les solutions existent, elles sont plus
mais on assiste à une convergence des accessibles, des partenaires d'intégration sont là pour les
formats de données numériques dans les aider. A elles de faire les efforts pour revoir leur habitudes
filières majeures que sont l'automobile et et investir pour l'avenir. »
l'aéronautique notamment.

18#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


pour faire des économies d'échelle.
L'architecture système permettant de
modéliser à haut niveau le fonctionne-
ment d'ensembles composés de sous-
systèmes devrait se diffuser progressive-
ment. D'abord à l'ensemble des acteurs
des filières automobile, aéronautique et
naval, où elles est déjà à l’œuvre depuis
peu, mais également vers d'autres sec-
teurs d'activité.

Si l'on descend au niveau technique, l'as-


sociation quasi-systématique de méca-
nique, d'électricité, de logiciel, et désor-
mais de communication (voir Internet
Industriel des Objets) exige également
une mutation profonde des équipes de
conception. Mécaniciens, électriciens,
hydrauliciens et électroniciens viennent à
peine de « faire connaissance » à travers
des projets collaboratifs. Ils doivent faire
une place à leurs collègues des logiciels
embarqués, qui prennent une part gran-
dissante dans la valeur ajoutée des pro-
duits ! Une place qui doit être prévue dès
les premières étapes de développement
produits, voire dès les premières idées
proposées... lement pour les opérations robotisées variation, ce sont les logiciels de calcul
d'assemblage, de palettisation ou de qui déterminent les meilleurs compromis
Parce que les produits se complexifient peinture par exemple. L'objectif visé  ? conceptuels. En fonction de contraintes
et deviennent obsolètes de plus en plus La simulation globale de toute l'usine de d'entrée, certaines solutions vont jusqu'à
rapidement, on se dirige vers l'achat d'un production, l'ère du 4.0... Un levier ma- proposer la forme optimale qui y répond...
service rendu par l'objet et non de l'objet jeur pour raccourcir ce fameux time to Le rêve, ou le cauchemar de l'ingénieur, le
lui-même. Qu'il s'agisse d'une voiture, market. Ceux qui réussiront à concevoir design dirigé par le calcul !
d'une cafetière expresso ou d'une ins- le produit en même temps que les pro-
tallation de climatisation industrielle, cess de fabrication gagneront la bataille Enfin, toujours dans ce domaine de la
les clients veulent un service global. Les de la compétitivité. simulation, les technologies de réalité vir-
constructeurs doivent donc intégrer dès tuelle et d'immersion 3D sont de plus en
leur conception les services de mainte- Par ailleurs, d'outil de vérification, le plus employées par l'industrie. D'une part,
nance, de pilotage, de configuration à dis- calcul numérique devient progressive- pour prendre des décisions plus justes en
tance, de mise à jour, etc. qui lui apporte- ment outil d'optimisation, voire de pres- phase conceptuelle, d'autre part pour for-
ront sa véritable valeur. cription technique. Dans des domaines mer leurs équipes aux bons gestes, enfin
où les paramètres techniques du produit pour valoriser leurs concepts auprès de
Seconde tendance, la simulation est sont nombreux et sensibles à la moindre leurs clients. 
désormais à la portée de tous. Non seu-
lement les entreprises peuvent antici-
Yann Bouju, DCNS Ingénierie
per virtuellement le comportement des
produits finis avant d'avoir fabriqué la « Tous nos navires sont développés autour d'une maquette
moindre pièce, mais les plus avancées numérique et des données techniques utilisées par les dif-
s'attaquent désormais à la simulation férents métiers de DCNS. Ce référentiel est ensuite exploi-
de process. Les plasturgistes et embou- té dans des salles de réalité virtuelle immersive. En phase
tisseurs utilisent déjà des logiciels pour de conception, cela permet de faire des choix techniques
simuler et optimiser l'injection d'une sur des emménagements critiques, ceci avec les clients
pièce plastique dans son moule, ou son qui peuvent tester virtuellement le navire selon différents
emboutissage sous presse. Les «  usi- scénarios. En production, c'est également devenu un outil
neurs  » font la même chose pour les indispensable pour optimiser les phases de montage dans
opérations d'enlèvement de copeaux. les locaux à forte densité. »
Et cette technologie est disponible éga-

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #19


Les leviers de la transformation

Fabrication additive
et prototypage

P
our tester un concept innovant assurent le traitement du modèle 3D, et
Le prototypage par fabrication
réalisé en CAO, rien de mieux que son impression 3D.

le défi à relever
additive se généralisera dans
de tester sa maquette physique. les entreprises lorsqu'elles
Chaque secteur d'activité utilisait jusqu'à Dans le domaine du prototypage rapide pourront, à coût raisonnable,
maintenant des techniques plus ou moins par fabrication additive, plusieurs tech- produire une maquette fidèle
élaborées pour produire ce prototype. La nologies coexistent, on citera essentiel- à l'objet final. Pour cela, il faut
sculpture sur clay dans le domaine auto- lement  : la stéréolithographie (SLA), le encore progresser d'une part sur
mobile, le collage de carton plume dans frittage sélectif de poudre (SLS et DMLS), la variété des matériaux dispo-
l'architecture, l'usinage par enlèvement la fusion sélective par laser, la projection nibles, et d'autre part sur le coût
de matière ou formage pour la méca- par jet de matière (Polyjet) et le dépôt de d'utilisation des imprimantes 3D.
nique traditionnelle, pour n'en citer que fil (FDM). Les quatre premières sont sans
quelque-unes. L'arrivée sur le marché de doute les plus utilisées pour produire des
la fabrication additive, ce que l'on appelle prototypes industriels. Elles permettent
désormais l’impression 3D, a bouleversé de produire des pièces en polymère, ou les pièces issues de stéréolithographie
totalement cette étape cruciale de l'in- en métal dans le cas du frittage laser par exemple sont utilisées pour des tests
dustrialisation d'un produit. Ce fut l'ère (DMLS), directement à partir d'un fichier fonctionnels et la validation visuelle.
du prototypage rapide. CAO 3D issu de la majorité des logiciels Quatre couleurs sont disponibles actuel-
du marché. lement, plus la transparence et le maté-
Fabrication additive et riau permet de simuler les propriétés
Maquette visuelle mécaniques de l'ABS et la tenue en tem-
prototypage rapide
pérature jusqu'à 70° C, voire 110 °C.
et fonctionnelle
La fabrication additive consiste à réaliser
une pièce couche après couche à partir Après nettoyage et post-traitement dans La technologie Polyjet qui repose sur un
de sa définition numérique. L'objet prend un four pour finaliser la polymérisation, jet de résine photopolymère durcie par UV
forme au fur et à mesure de la solidifi- offre des capacités semblables de tests
cation de chacune de ces sections. fonctionnels et visuels, en rajoutant un
Il peut être extrêmement complexe, large choix de matériaux. L'Objet 500
intégrer des mécanismes internes et Connex3 de Stratasys par exemple
des géométries imbriquées ou tissées. permet de mélanger trois maté-
Bref, des caractéristiques qu'il est parfois riaux différents et d'associer à
impossible de reproduire avec des procé- différentes zones géométriques
dés traditionnels. Évidemment, ce sont d'une pièce, des combinaisons
des machines à commande numérique qui de couleurs et de dureté variées.

 Avantage : L'impression 3D permet de réaliser


des prototypes visuels et fonctionnels sans
limitation de forme.
 Inconvénient : Reste que le choix
des matériaux disponibles est
encore limité.

20#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


« Cette capacité de faire varier en chaque
point de la pièce, la composition du maté- Les systèmes de fabrication additive sont
riau déposé et donc ses caractéristiques
techniques est idéal pour tester le grip surtout employés dans les domaines
d'un outil, l'efficacité d'un ressort, ou la de l'automobile, de l'aéronautique ou de
facilité d'encliquetage d'un assemblage »
explique Eric Bredin directeur marketing
l'électronique pour valider des concepts à l'aide
chez Stratasys. de prototypes physiques. Mais de plus en plus
d'industriels qui ont choisi cette technologie pour du
Sous-traiter ou s'équiper ?
prototypage à l'origine, finissent par l'utiliser pour
Pour les entreprises qui souhaitent fabriquer des pièces industrielles.
réaliser des prototypes par fabrication
additive, elles peuvent s'adresser à des
La limite entre prototype et production s'amenuise
progressivement.
Eric Bredin, Directeur marketing
chez Stratasys

propres prototypes. Évidemment, outre d'impression 3D, le coût de la pièce ne


le choix de la technologie qui doit être dépend pas de sa complexité. Plus elle
adaptée à leurs besoins, il s'agit de faire est sophistiquée, plus les procédés de
attention au coût des consommables, loin prototypage rapide sont intéressants
d'être négligeable. Cyrille Vue, directeur face aux techniques classiques par enlè-
de la société de prototypage Erpro, rap- vement de matière, formage et assem-
pelle cependant  : «  avec les techniques blage. » 

sociétés de services spécialisées. Ces


« prototypistes » comme Erpro, Cresilas
ou MB Proto se sont équipés des diffé-
- Le marché de l'impression 3D devrait atteindre 3,7 milliards de dollars en
Point de repère

rentes technologies et réalisent vos pro-


2015. (Source Wholers Associates)
totypes dans un délai compris entre un et
cinq jours à partir de la réception de votre - Chez les prototypistes, c'est la stéréolithographie et le frittage laser de
fichier numérique. Mais désormais, des poudres polymères qui sont les procédés les plus employés ; le Polyjet et la
machines professionnelles sont acces- FDM chez les industriels qui se sont équipés.
sibles pour moins de 30 K€, ce qui per- - Le procédé 2PP permet de fabriquer des objets à l'échelle nanoscopique,
met à des PME, fabricants ou bureaux tandis que la VX4000 de Voxeljet délivre des pièces jusqu'à 4 x 2 x 1 m.
d'études, de s'équiper et de réaliser leurs

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #21


Les leviers de la transformation

Usine virtuelle

C
oncevoir une automobile ou la traitant le plus souvent d'un seul aspect
Pour adopter et exploiter au

le défi à relever
ligne de fabrication qui la produira du processus global. Les plus évoluées mieux les outils de simulation de
relève de la même démarche et intègrent désormais sous un même envi- process, les industriels doivent
fait appel de plus en plus souvent à des ronnement informatique ces différentes être capables de revoir leur
technologies numériques semblables. phases. méthode de travail et considé-
Comme une voiture ou un avion, la ligne rer l'automatisation de tâches à
est constituée d'éléments assemblés is- faible valeur ajoutée comme une
sus du commerce dans le cas d'éléments chance de développement de
standards (machines-outils, dispositifs de leur activité.
transfert..) ou conçus par l'ingénieriste.
L'objectif du concepteur est d'organiser
les différentes opérations d'usinage et «  blocs  » symbolisant chaque opération
les flux (matières premières, pièces, opé- industrielle. Des outils complémentaires
rateurs, outils...) pour aboutir au produit permettent de simuler le fonctionnement
final. Ceci en tenant compte bien évidem- dynamique de l'installation, de calculer
ment de contraintes comme la place dis- les temps de cycle, d'identifier les risques
ponible, la cadence de fabrication, le coût de collision, de tester différentes configu-
de production, l'énergie consommée et, rations, voire d'analyser la possibilité de
de plus en plus souvent, d'une exigence reconfigurer la ligne pour une autre pro-
de flexibilité de son installation. duction.

Le virtuel pour comprendre On peut faire le même travail avec une


modélisation 3D de la ligne. La démarche
Le concept d'«  usine virtuelle  » repose reste la même, l'opérateur utilise une
sur l'emploi de technologies numériques bibliothèque d'équipements de produc-
pour optimiser l'implantation des postes tion modélisés en 3D pour construire la
d’usinage/assemblage, simuler leur fonc- maquette virtuelle de son projet. Outre
tionnement global et dans le détail, puis La première étape consiste à planifier l’aspect technique, cette maquette 3D
concevoir les systèmes de contrôle/com- le process de fabrication. L'approche la permet de produire des images et des
mande. De nombreuses solutions numé- plus simple est d'utiliser des solutions vidéos réalistes du fonctionnement de
riques sont disponibles sur le marché 2D pour modéliser la ligne à partir de l'installation.

 Avantage : Les technologies d'usine


numérique permettent d'éviter la majorité des
aléas très coûteux qui surviennent lors de la mise en
 Inconvénient : Une grande partie
des logiciels disponibles restent
coûteux et complexes à mettre en oeuvre
route d'une ligne de production. pour des PME.

22#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


Simuler pour optimiser

Il s'agit ensuite de simuler virtuellement le Les entreprises qui ont compris les enjeux utilisent
process dans le détail en utilisant les don- la globalisation et ne la subissent pas. Les outils dits
nées 3D des équipements de production.
On peut ainsi simuler les flux au sein d'une d'usine numérique leur permettent de modéliser,
cellule, ou optimiser l'ergonomie d'un poste de standardiser et d'optimiser leur process de
d'assemblage à l'aide d'un mannequin vir-
tuel. Sur ce dernier aspect, certaines en-
fabrication. Des capacités indispensables pour
treprises se sont dotées d’installations de augmenter leur productivité, innover et produire
réalité virtuelle pour évaluer la pertinence en n'importe quel point du globe en conservant le
d'opérations manuelles complexes. A l'aide
d'un environnement immersif (écrans mul- même niveau de qualité.
tiples, visualisation stéréoscopiques, cap- Yves Coze, Sales Vice-président
ture de mouvement...), elles vérifient si une
manipulation est faisable, quel effort elle
Dassault Systèmes Delmia EMEA South
exige, si elle n'est pas contraire à la mor-
phologie humaine, etc.

Le concept d'«  usine virtuelle  » ou


d'« usine numérique » vise à réunir sous
un même environnement les trois étapes
précédemment décrites. Une intégration
qui permet de visualiser le fonctionne-
ment d'une installation de production, de
découvrir certains défauts et d'y appor-
ter les correctifs immédiats, avant tout
lancement en fabrication. Dès l'étude de
conception, vous pouvez travailler sur la
structure de l'équipement, la program-
mation des automates, des IHM, et finale-
ment diminuer d'autant le temps de réali-
sation du projet. Et donc son coût... 

- Les éditeurs proposent des


solutions clés en main pour
simuler et programmer complè-
Ces outils permettent également d'opti- Le Graal de l'intégration tement une cellule robotisée à
miser la répartition des opérations d'usi- partir de 15 k€.
Point de repère

nage/assemblage sur la ligne, et la cir- La troisième opération appelée «  virtual - Les solutions les plus évoluées
culation des pièces entre chaque poste comissionning  » consiste à concevoir sont capables de simuler com-
afin de gagner en productivité. Certains le contrôle/commande de la ligne. Là plètement le fonctionnement
logiciels indiquent en outre la consom- encore, les industriels utilisent des solu- d'une usine, depuis les flux des
mation d'énergie des machines selon leur tions spécifiques. Par exemple : TIA Portal produits jusqu'à l'ergonomie
état. « Cela permet de modifier sa straté- fédère au sein d'un seul environnement d'un poste d'assemblage en pas-
sant par un changement de pro-
gie de flux pour diminuer la consomma- tous les logiciels d'automatisation déve-
duction.
tion globale. Dans certains cas, cela peut loppés par Siemens. Il permet de réaliser
atteindre 60% d'économie. Et ceci sans tous les processus automatiques, depuis - L'automobile et le secteur aé-
impacter la cadence de production », sou- une seule interface, et de générer le pro- ronautique sont les principaux
utilisateurs des technologies
ligne Serge Scotto, responsable avant- gramme des automates, des robots et les
d'usine numérique.
vente Tecnomatix. tests de validation.

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #23


Les leviers de la transformation

Le pilotage-contrôle transcende
les frontières de l'usine

La façon de commander les sites de production est en train de se


transformer radicalement. Aujourd’hui, toutes les machines sont connec-
tées et commencent à communiquer. Demain, le moindre équipement
apportera son lot d’informations au système global, les architectures se

duit/process

s
feront plus décentralisées et les usines verront leur comportement chan-

ôle
ntr
ger en temps réel en tenant compte des données d’exploitation mais aussi
 Conception pro
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d’informations extérieures. tio
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 (inté
ini les machines isolées. Il y a déclare Vincent Caulet, responsable des S e rvice

du travail
quelques années encore, le pilotage secteurs Industrie de Bosch Rexroth en  Organisation

des équipements de productions France. A condition d’adopter une logis-


était réalis é de façon scindée, avec une tique adéquate…
commande par machine. Plus tard, ces duction ne passera certainement pas chez
mêmes commandes ont été connectées Les nouvelles technologies (appa- Google, Oracle et Microsoft », tempère-t-
par des bus de terrain et des réseaux reils mobiles, cloud, virtualisation, wifi, il. « Ces technologies donnent accès à de
industriels. Désormais, tout équipement 3G/4G…) prennent également de plus en l’intelligence partagée, note Patrick Hell,
doté d’un automate ou d’une commande plus de place. Alors qu’hier, chaque do- directeur marketing de Endress+Hauser
numérique est en mesure de remonter maine utilisait des logiciels particuliers, France. Les données issues des capteurs
des informations vers un système de ges- tournant sur des systèmes dédiés, «  on permettent d’obtenir la bonne informa-
tion supérieur, selon une hiérarchie py- se dirige vers des plateformes communes tion au bon endroit, sur le fonctionnement
ramidale, et peut recevoir des consignes qui emploient les technologies du web et des instruments, leur état ainsi que des
depuis ce système de contrôle. Avec l’in- d’Internet », annonce Philippe Allot, PDG informations d'auto diagnostic voire des
dustrie 4.0, le périmètre s’étend davan- d’Ordinal Software. A l’avenir, «  pour la grandeurs de mesures additionnelles. En
tage. Ces mêmes machines tissent des réplication et la redondance, on s’appuie- outre, l’accès à ces informations est dé-
liens de site en site, d’un pays à l’autre, ra sur des technologies issues du monde sormais très simple et très rapide. » A no-
et avec d’autres activités de l’entreprise : des bases de données et des systèmes. ter, ces possibilité de prendre le contrôle
la conception, la supply chain, la main- Cependant, la partie exécution de la pro- d’un équipement à distance constitue une
tenance, la logistique… Cela se concré-
tise par des connections réalisées entre
les outils traditionnels de gestion des Philippe Allot, PDG d’Ordinal software
ateliers, superviseurs, Scada et MES,
«  Je ne vois pas d’obstacle au fait que demain tout soit
avec des applications de PLM, d’ERP,
virtualisé sauf les automates. Cela permet de séparer la
de GMAO… «  Dans certains domaines
technologie du métier, en utilisant des outils qui ne pré-
comme l’emballage, on peut même ima-
supposent pas la technologie de gestion. Par contre, il fau-
giner un site B2B de commande en ligne
dra des logiciels qui évoluent quasiment en continu. L’idée,
lié à un site de fabrication, qui assurerait
c’est de profiter des nouvelles technologies mais sans pro-
de la production à la demande et expé-
voquer des coûts de rupture trop importants. »
dierait les commandes directement  »,

24#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


belle occasion pour les OEM de mettre ter une usine en suivant des consignes
en place de nouveaux services  : réglage uniquement financières, en faisant pas-
à distance, télé-opération, suivi des per- ser, par exemple, la rentabilité avant la
formances, télémaintenance… productivité. Là encore, à condition de
respecter les contraintes de l’industrie,
De nouveaux types de pilotage notamment en tenant compte des coûts
et des temps liés à l’arrêt et au redémar-
Grâce aux technologies d’Internet, les rage de certains équipements comme
usines peuvent aussi utiliser des données des fours. Pour assurer ce type de pilo-
qui leur étaient jusque-là étrangères et tages, « il faudra des modèles suffisam-
pouvant améliorer le pilotage des instal- ment riches. La rentabilité sera un point
lations. « Les facteurs externes comme la important à prendre en compte dans ces

Jean-Michel Ruscica, responsable Business Developpement – Process


Automation chez ABB France
«  L’industrie 4.0 est en train d’automatiser toute l’entre- toutes les étapes de la production et hors
prise quand auparavant, seule l’usine l’était. On auto- des usines, pour garantir la sécurité des
matise tout le circuit de fabrication des produits, toute consommateurs, optimiser l’organisation
la chaîne. Mais il faut remettre l’opérateur au centre de des sociétés et assurer la lutte contre les
l’usine du futur. Depuis 20 ans, on a automatisé et réduit contrefaçons. Dans l’industrie pharma-
les l’équipes et les opérateurs placés dans des salles de ceutique, la norme impose déjà la séria-
contrôle peuvent perdre le contact avec les équipements. lisation dans certaines pays  », déclare
Or, aujourd’hui, encore, les décisions importantes re- Thierry Pouchol, directeur marketing de
viennent à l’opérateur. » Sick France. Là encore, les technologies
nécessaires existent, à commencer par
météo peuvent s’avérer importants pour modèles, mais aussi l’image de l’entre- les codes 1D, 2D et les puces RFID. Ce qui
les commandes prédictives des chau- prise, l’environnement, etc. Les modèles manque ? Sans doute des outils informa-
dières, par exemple  », note Jean-Michel vont s’enrichir de plus en plus avec toutes tiques pour assurer le lien entre la tra-
Ruscica, responsable Business Develop- ces composantes », prédit Philippe Allot. çabilité en production et hors production
pement – Process Automation chez ABB et capables de traiter des tonnes d’infor-
France. D’ailleurs, «  le coût énergétique Traçabilité généralisée et mations. Cette traçabilité, on la retrouve
va avoir de plus en plus d’importance condition monitoring également dans l’exploitation elle-même
dans la conduite des process et la produc- avec, par exemple, le condition monitoring.
tion à l’avenir », poursuit-il. Cela ouvre la «  Avec l’Industrie 4.0, les notions de tra- Ainsi, alors qu’on se contente souvent d’in-
voie à des modes de pilotage totalement çabilité et de gestion de flux deviennent tervenir après une panne ou de prévoir des
nouveaux. En effet, actuellement, la prise essentielles. La traçabilité sera présente à opérations de maintenance en se basant
en compte de l’énergie en exploitation
consiste avant tout à augmenter l’efficaci-
té énergétique des équipements, et donc
à en réduire la consommation. Mais il est
aussi possible d’asservir des ateliers en-
tiers aux ressources, au coût de l’énergie
dans toutes ses formes à l’instant t, par
exemple, grâce à des logiciels d’optimi-
sation connectés directement au contrôle
commande de l’usine. «  Dans la chimie
fine et la papeterie, certains industriels
demandent déjà de coupler les SNCC
aux ERP pour réduire les cycles entre
demande et production, pour décider de
l’usine, de la machine qui va produire,
avec une notion de coût des matières pre-
mières etc. Dans l’industrie lourde, on n’y
est pas encore », note Jean-Michel Rusci-
ca, responsable Business Developpement
– Process Automation chez ABB France.
A terme, il serait même possible de pilo-

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #25


sur une historisation des événements, les
exploitants peuvent scruter l’état réel de Alain Greffier, Directeur Marketing de la Division Industry Automation de
leur machine pour en assurer une mainte- Siemens France
nance conditionnelle, et ainsi anticiper une « Industrie 4.0 c’est une réalité. Des solutions concrètes
panne de façon plus précise et n’intervenir sont disponibles et de nouveaux maillons apparaissent
que lorsque cela est vraiment nécessaire. comme les nouvelles technologies de communication. Il
faut savoir comment les utiliser dans l’industrie. Mais la
Eviter les embouteillages technologie pour la technologie n’est pas forcément la
meilleure chose et il ne faudrait pas lancer des investis-
Ces démarches deviennent possibles par sements importants finalement inutiles. La question pour
l’instrumentation importante des ma- un industriel sera de bien déterminer ce qui a du sens. Il
chines, qui ouvre de nombreuses portes. faut donc une stratégie entreprise par entreprise, profes-
Cependant, «  on a beaucoup de choses sion par profession pour définir de quoi chacun a besoin. »
en place, mais pas toujours exploitées »,

En outre, avec l’augmentation de la masse


d’informations remontées des machines
vers les organes de pilotage – notam-
ment dans le cadre du condition monito-
ring et de la généralisation de la traçabi-
lité – mais aussi des contenus annexes
empruntant les réseaux (les vidéos sur
IP par exemple), le risque d’engorgement
des tuyaux grandit. D’autant que pour la
communication hors des sites de produc-
tion, ce sont les opérateurs qui dicteront
la bande passante disponible… « Il faudra
une vraie stratégie de communication
et établir des cahiers des charges à ce
sujet  », prévient Alain Greffier, directeur
marketing de la division Industry Auto-
mation de Siemens France. A l’intérieur
de l’usine, la segmentation d’un réseau
unique pour cloisonner les transferts de
données constituera une solution. L’intel-
regrette Jean-Michel Ruscica. A l’avenir, il mètres d’environnement, et a fortiori le ligence embarquée dans les composants
faudra développer les couches logicielles « pilotage » d’une entreprise dans son en- (capteurs, actionneurs, organes de com-
nécessaires pour traiter toutes ces don- semble, peuvent être assurées avec des mande déportés comme les variateurs
nées et générer les informations utiles prises d’informations peu fréquentes. Par pilotant les moteurs) propose une autre
aux personnels de maintenance. Autre contre, le contrôle d’un équipement tour- piste dans ce sens. Capables de traiter
contrainte forte  : il y a deux échelles de nant à grande vitesse nécessite le temps une partie des tâches d’automatisme di-
temps dans le pilotage. Certaines opé- réel. Il est donc peu probable qu’Internet rectement au niveau du terrain sans pas-
rations comme le suivi de certains para- gagne le pilotage fin des machines. ser par le niveau supérieur, ces équipe-
ments pourront décharger les automates
de tâches non critiques et désengorger
Thierry Pouchol, directeur marketing de Sick France les réseaux d’informations inutiles au
niveau supérieur.
« Avec l’Industrie 4.0, les notions de traçabilité et de ges-
tion de flux deviennent essentielles. La traçabilité sera
présente à toutes les étapes de la production et hors des Vers des standards universels
usines, pour garantir la sécurité des consommateurs, Côté matériel, il est probable que les
optimiser l’organisation des sociétés et assurer la lutte architectures se simplifient en se décen-
contre les contrefaçons. La RFID y jouera un rôle clé. Cela tralisant, remontant directement toutes
impliquera aussi des investissements importants dans les les informations provenant des machines
infrastructures informatiques. Sur les équipements, le (depuis les capteurs et les automates)
pilotage sera également de plus en plus décentralisé avec vers une surcouche unique. Le grand défi
ces capteurs et des actionneurs intelligents qui décharge- à relever pour les industriels  ? Consoli-
ront les réseaux et les automates ». der les données de manière rationnelle.

26#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


Pour l’instant, les échanges entre les dif- d’eux, comme c’est le cas pour une puce Dernier point essentiel pour le futur  :
férents outils, entre MES, supervisions et RFID. Certains explorent aussi la voie l’interface homme machine. Les spé-
ERP, par exemple, restent limités car il d’un langage de programmation univer- cialistes concentrent une grande partie
est nécessaire d’employer des interfaces, sel pour tous les organes de contrôle : de leurs efforts sur ce sujet, en s’inspi-
des «  traducteurs  » entre les systèmes. commandes numériques, automates, rant notamment des mondes du mobile
Pour tirer parti de l’importante masse de baies robots… « Pour le client, cela pré- et du jeu. Au programme, des écrans
données disponible, il sera nécessaire de sente l’intérêt d’une solution unique  ; simplifiés qui optimisent la visibilité et
créer des modèles structurés communs pour l’intégrateur, cela apporte l’ouver- la compréhension des informations,
aux applications, pour organiser la trans- ture tout en protégeant ses intérêts  », de la reconnaissance de gestes et le
versalité des disciplines et des matériels note Vincent Caulet. En se rapprochant suivi du regard, mais aussi des salles
utilisés. Plusieurs acteurs misent pour des langages informatiques, de type de contrôles dont les postes s’adaptent
cela sur le standard défini par l’ISA 95. C++ ou Java, un tel langage aurait aussi aux opérateurs et aux situations (jour,
Au niveau du terrain, certains standards plus de chance de séduire les jeunes nuit, stress, etc.) pour leur permettre de
s’imposent. Reste une tâche importante : générations… prendre la meilleure décision possible à
tout instant. Pourquoi tout cela ? « Il y a
quelques années, on disait que le MES
Jean-Claude Reverdell, directeur général SEW Usocome France
allait assurer les arbitrage lui-même,
« Savoir piloter une machine ou gérer l’interconnexion d’un mais dans les fait ce n’est pas le cas. Les
groupe de machines, en y intégrant aussi le contrôle du opérateurs sont toujours les mieux pla-
transfert des pièces fabriquées, procède d’une évolution cés pour prendre la décision », explique
industrielle connue, avec des architectures établies. L’ap-
Philippe Allot. De l’avis de tous, en phase
titude à faire communiquer de manière autonome et dé-
centralisée les systèmes productifs et logistiques marque d’automatisation intense, c’est donc en-
l’ouverture sur une dimension inédite qui s’accompagnera core et toujours l’homme qu’il faut pla-
très naturellement d’une nécessaire réflexion sur l’opti- cer au centre du terrain. 
misation des processus de conception et de fabrication. »

assurer des échanges sûrs entre tous les


systèmes, depuis la base jusqu’au poste Urs Endress, Président de Endress+Hauser France
d’un opérateur distant.
« La standardisation des nouvelles technologies liées no-
Parmi les pistes de développement ac- tamment à Internet, au cloud et au sans-fil, permet désor-
tuelles, on retrouve aussi la communica- mais d’atteindre, à moindre coût, un haut niveau « d’intel-
tion sans fil entre les capteurs et les ma- ligence partagée ». Elles nous offrent ainsi des accès plus
chines au niveau du terrain. Cela posera simples, rapides et automatiques aux capteurs, à leurs
la question de leur alimentation en éner- données, dont les utilisateurs peuvent tirer des informa-
gie. On parle notamment de capteurs tions enrichies tout au long du cycle de vie des installa-
réanimés, réveillés quand on a besoin tions ».

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #27


Les leviers de la transformation

Pilotage à distance

L
a distance ne doit plus faire peur aux tention cependant de ne pas faire l’amal-
Pour aller plus loin, les techno-

le défi à relever
industriels  ! Suivre et commander game entre pilotage à distance et pilotage
logies utilisées devront garan-
des machines depuis son domicile, sans fil… tir la sécurité des données qui
c’est possible ; piloter une usine en Chine transitent et les infrastructures
depuis la France, c’est possible ; forcer la Moins de dépenses, publiques usitées devront appor-
marche ou l’arrêt d’une pompe sans fil, ter des garanties vis-à-vis des
plus de services
à partir d’une tablette tactile, c’est aussi contraintes industrielles.
possible. Toutes les technologies néces- L’intérêt de ces solutions, outre le fait
saires à ce type d’actions sont déjà dispo- d’accéder à ses machines en dehors des
nibles. En effet, désormais, la plupart des sites industriels  ? Pour les utilisateurs
automates, des instruments, des capteurs finaux, elles reposent, dans l’usine, sur
et des actionneurs du marché intègrent des réseaux existants et « hors de l’usine,
des serveurs Web connectés à des clouds elles utilisent des solutions publiques.
Des contraintes industrielles
privés ou publics qui permettent d’y accé- Cela limite les investissements  », note La machine est en route. « Il y a une ten-
der, de récupérer des informations, voire Alain Greffier, Directeur Marketing de la dance vers la mise en place de plusieurs
d’en prendre le contrôle, depuis un simple Division Industry Automation de Siemens niveaux de pilotage, depuis l’opérateur
explorateur Internet. en France. Pour les fabricants de ma- sur le terrain avec sa tablette aux salles
chines et fournisseurs de matériel, cela de contrôles qui gèrent plusieurs unités
Certains appareils font d’autres choix, permet de proposer des services nou- de production », commente Patrick Lam-
par exemple d’échanger avec vous par veaux. Configuration et mise en route à boley. « On se dirige vers des plateformes
le truchement d’un serveur dédié mais, distance, télémaintenance… « il y a un po- communes qui emploient les technolo-
globalement, depuis les entrailles de la tentiel très important en maintenance et gies du web et d’Internet  », ajoute Phi-
machine, les données transitent via les en dépannage à distance  », note Patrick lippe Allot. Avec, entre autres, l’avantage
réseaux de terrain installés dans l’usine, Lamboley, End User Business Group - In- de s’affranchir des contraintes liées au
puis via Internet, et sans fil via le Wifi ou dustry Business chez Schneider Electric. matériel et d’assurer des mises à jour
les réseaux 3G/4G si vous utilisez un ap- Et les réseaux progressent. On peut, par fréquentes, en quelques clics. «  L’idée,
pareil mobile en bout de chaîne. exemple, désormais, faire transiter des c’est de profiter des nouvelles technolo-
flux vidéo entre une machine et un opé- gies mais sans provoquer des coûts de
Enfin, pour permettre de surveiller et ré- rateur distant, si cela est nécessaire à rupture trop importants  », poursuit le
gler un appareil sans passer par le réseau l’exploitation ou à la compréhension d’un PDG d’Ordinal Software. A condition de
d’un site, il suffira de lui associer un boî- problème. Par contre, « Internet n’est pas satisfaire les contraintes industrielles,
tier de communication 3G (ou plus) pour compatible avec du pilotage fin », tempère à commencer par la disponibilité du
communiquer avec lui directement. At- Philippe Allot, PDG d’Ordinal Software. réseau. Et si les performances du Web

 Avantage : L’accès à distance permet


de gagner en souplesse et de proposer
de nouveaux services aux utilisateurs.
 Inconvénient : La performance et la
disponibilité des technologies Web ne sont
pas garanties.

28#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


rateurs voudront bien donner  », prévient
Dans le cadre du pilotage à distance Alain greffier.
des installations, une attention particulière
doit être accordée au niveau de la sécurité Mais avant toute chose, les industriels
ne devront pas perdre de vue un point
des réseaux et de la disponibilité des systèmes essentiel : « Il faut que cela fasse sens. Ils
informatiques. C’est avant tout une question doivent se poser une question simple : le
tout accessible à distance, pourquoi pas,
de confiance dans les technologies informatiques. mais pour quoi faire  ?  », conclut Patrick
La cybersécurité est aussi essentielle. Lamboley. 
L’enjeu majeur, ce n’est pas le temps de
réponse, que l’on maîtrise, mais la garantie
de la connexion.
Pierre Youinou, chef d'entreprise
chez Actemium Maisons-Laffitte

en temps de réponse sont compatibles


- Dans l’usine de traitement d’eau des Grésillons du syndicat interdéparte-
avec bon nombre d’applications indus- mental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (SIAAP), les opé-
trielles, il n’offre aucune garantie de ces rateurs peuvent suivre et prendre le contrôle de tout équipement à partir de
Point de repère

performances ni du maintien permanent tablettes tactiles.


de la connexion entre l’homme et ses
- En 2010, grâce au virus Stuxtnet, des pirates sont parvenus à modifier les
équipements. Se posent également des paramètres de centrifugeuses dans une usine d’enrichissement d’Uranuim à
problèmes de cybersécurisation de ces Natanz, en Iran.
tuyaux… Parallèlement, dans la construc-
tion de leurs offres, les industriels devront - Selon les nombreuses études sur le sujet, le marché du cloud s'exprime en
dizaines, voire centaines de milliards de dollars. Pour autant, cette technologie
respecter les normes en vigueur dans le
concernera davantage les CRM et ERP que les solutions dédiées à l’exploitation
monde «  hors usine  ». Et pour la bande des sites industriels.
passante, « elle aura la limite que les opé-

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #29


Les leviers de la transformation

Capteurs de conditions

Q
ui de mieux placé que les machines ou les ERP des entreprises en alarmes de
elles-mêmes pour nous apporter dépassement de seuils prédéfinis, afin de Les systèmes doivent passer

le défi à relever
les renseignements nécessaires à programmer les opérations et les appro- d’un fonctionnement parcellaire
leur bon fonctionnement ? C’est le postulat visionnements en pièces de rechange. Un à une logique intégrée et les
logiciels devront se développer
de base du « condition monitoring », traduit gain substantiel pour les responsables de
pour fédérer les informations
généralement par maintenance condition- maintenance. et apporter l’intelligence néces-
nelle. En effet, alors que la maintenance saire à une maintenance et une
curative consiste à intervenir après une «  La maintenance prédictive par histo- exploitation optimisée.
panne, que la maintenance préventive par risation coûte cher car on a parfois ten-
historisation programme des opérations en dance à changer des éléments trop tôt »,
fonction d’une probabilité basée sur l’expé- commente Laurent Carlion, directeur
rience, la maintenance conditionnelle, elle, marketing d’ifm electronic France. La câblages supplémentaires, les capteurs
propose d’intervenir lorsque cela devient maintenance conditionnelle représente doivent remonter les données jusqu’aux
réellement nécessaire, en détectant des quant à elle évidemment un surcoût au automates (puis jusqu’au niveau supé-
signaux faibles de dégradation des équi- démarrage, puisqu’elle met en œuvre rieur) via le réseau, grâce à des interfaces
pements avant leur point de rupture. Pour un outil de surveillance, mais elle évite vers les standards les plus répandus
cela, il «  suffit  » de suivre attentivement cela en se référant à un état réel de la (Profibus, Ethernet IP, Etc.). Seule diffi-
certains paramètres clés sur les installa- machine. culté, cela oblige parfois d’associer une
tions : niveau et qualité des huiles, tempé- « verrue » disproportionnée à un capteur
ratures et pressions des fluides industriels, Tous les capteurs comptent miniaturisé… Depuis peu, nombre de spé-
tension et intensité des matériels élec- cialistes proposent également d’employer
triques, vibrations et jeux mécaniques… Pourquoi se contenter de capteurs dits la technologie de communication IO-
Cette surveillance peut être assurée en «  hors process  » pour mettre en place Link. Compatible avec les bus de terrain
continu ou de façon périodique. le condition monitoring  ? En effet, les classiques, elle permet de sauvegarder
machines elles-mêmes, en particulier dans une mémoire et de remonter toutes
Des gains substantiels lorsqu’elles sont fortement automatisées, sortes d’informations jusqu’aux auto-
emploient déjà un grand nombre de cap- mates. IO-Link permet ainsi de localiser
Les informations nécessaires à ces ana- teurs dont les informations permettent de précisément un capteur en panne, de re-
lyses sont récoltées auprès de capteurs suivre leur état en temps réel. A condi- paramétrer automatiquement un capteur
installés sur les équipements. Elles sont tion que la récupération des informations après un échange standard, mais aussi
remontées vers un système expert, trai- reste simple et n’engendre pas de coûts de remonter des informations diverses
tées, et alimentent les logiciels de GMAO exorbitants. Pas question de réaliser des jusqu’aux systèmes de gestion  : encras-

 Avantage : L'emploi de ces capteurs permet


de prévoir les dates d’interventions sur les 
Inconvénient : Il faut savoir
interpréter les données et attention
machines en fonction de leur état réel, pour réduire les à la sur-instrumentation des lignes de
coûts et augmente la disponibilité des machines. production.

30#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


sement du capteur, nombre de cycles ef-
fectués, dérives des résultats de mesure, Le condition monitoring est très prometteur,
etc. De quoi suivre l’état des équipements mais il y a des contraintes à sa généralisation.
d’encore plus près, à condition de dispo-
ser d’un outil de traitement suffisamment
Ainsi, les capteurs utilisés pour instrumenter
puissant (le nombre de données récoltées les machines n’impliquent pas de surcoût
devient vite énorme) et capable d’inter-
préter au mieux toutes ces informations.
élevé, mais il faut les câbler et récupérer
les informations nécessaires. Jusqu’à présent
Vers des capteurs intelligents cela n’était pas assez simple et pas assez
L’étape d’après passera sans doute par
intégré. En outre, il ne faut pas surcharger
les « smart sensors », des capteurs intel- les automates avec des informations qui ne
ligents intégrant des capacités de trai-
tement embarqué. Plus «  intelligents  »,
concernent pas la production. Pour éviter cela,
ils peuvent prendre en charge certaines on remonte une partie des données vers
tâches d’automatisme au plus près de la la supervision pour gérer la maintenance et
source de l’information, sans surchar-
ger les automates. En outre, «  ils sont
organiser la flexibilité de la ligne et une partie
capables de détecter leurs dérives et de vers les automates de production, via des
se remettre automatiquement en état de
fonctionnement optimal  », annonce David
modules de raccordement aux réseaux industriels.
Ecobichon responsable produits détection Jan-Rémi Fromentin,
chez Sick. De grands industriels, comme Président d’ifm electronic France
Danone exigent l’usage de ce type de cap-
teurs en première monte. Ces technologies

ouvriront ensuite la voie à l’adaptation des


machines en temps réel à un dysfonction- - Selon une étude de Global Industry Analyst Inc., le marché du Condition moni-
nement passager par le recours à un mode toring s’élèvera à 2,1 milliards de dollars en 2015.
Point de repère

« dégradé » adapté à la situation, sans por- - Une autre étude de Frost & Sullivan évalue à 6,7 % le taux de progression
ter préjudice à la productivité, en attendant moyen annuel du marché, dominé à hauteur de 60 % par les dispositifs d’ana-
une intervention. « On a ce qu’il faut au ni- lyse vibratoire.
veau des équipements, mais il faut encore
- D’après la norme NF EN 13306 X 60-319, la maintenance conditionnelle est
développer la couche du dessus. Il faudra
« une maintenance préventive basée sur une surveillance du fonctionnement
un logiciel de suivi des signaux de vie des du bien et/ou des paramètres significatifs de ce fonctionnement intégrant les
capteurs, afin d’utiliser cela en exploita- actions qui en découlent ».
tion », note David Ecobichon. 

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #31


Les leviers de la transformation

GPAO partagée

O
n peut l'appeler Gestion Partagée Dans le mode de fonctionnement clas- Planifier la production des équi-
des Approvisionnements, Planifi- sique, le client confronté à un besoin pements en assurant une prise

le défi à relever
cation Étendue de la production, émet une commande vers son fournis- en compte réaliste des besoins
supply chain intégrée…, on en revient seur avec une expression de délai associé de consommation, mais en
toujours à la même problématique  : à une quantité. Le fournisseur concatène même temps, garantir une par-
faite synchronisation des actions
comment faire fonctionner l'ensemble l'ensemble des demandes reçues de ses
de l'écosystème de production
de l'écosystème de production sachant clients, les hiérarchise pour satisfaire au pour obtenir la bonne réalisation
qu'une partie des acteurs sont multi-pro- mieux tout le monde dans les délais vou- de la planification de production
duits, multi-clients, multi fournisseurs ? lus et les quantités attendues. Il évolue et sa mise à jour dynamique en
dans un système à capacité adaptable fonction des aléas rencontrés.
mais finie (équipement, personnel…). On
imagine la difficulté de l'exercice avec
quelques centaines de références pour mieux vaut ne pas imaginer la gestion
ne serait-ce qu'une dizaine de clients. La des conséquences d'une rupture d'un des
moindre perturbation entraîne une ampli- éléments auprès d'un sous-traitant qui
fication du signal que celui-ci vienne d'un conduirait à revoir en cascade la planifi-
client ou remonte d'un fournisseur. Sans cation des livraisons des autres fournis-
aller chercher des exemples complexes seurs concernés par le produit, afin de
comme des avions, des trains ou des voi- leur permettre de dégager du temps de
tures, imaginez l'impact d'un décalage production pour les besoins réels de leurs
de commande de 15 jours sur le tissu de clients.
sous-traitant concerné d'un fournisseur.
Dans les faits, si la commande est retar- Des enjeux de taille
dée, la majorité gère l'événement comme
si de rien n'était, alors que dans l'absolu, L'idée d'une planification globale de tout
le temps de production disponible pour- l'écosystème semble donc la meilleure
rait être mis à profit pour un autre client idée du monde. Ce qui est sûr, c'est que les
qui a besoin de pièces à plus court terme, enjeux ne sont pas négligeables car, der-
voire pour le même client sur une autre rière cette difficulté de gestion, il y a des
référence plus urgente. Dans ce contexte, pertes de performance multiples allant

 Avantage : Le partage de l'information


facilite la planification de la production et
permet une meilleure objectivité dans la prise
 Inconvénient : L'absence de règles de
gestion commune à tout l'écosystème
entraîne une amplification des variations
de décision des acteurs. prévisionnelles.

32#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


cœur du problème. C'est une chance car
Derrière l'évolution vers un système la nécessité d'une collaboration poussée
d'information partagé par tout l'écosystème, et exigeante entre fournisseur et client
peut permettre de jeter les bases de réels
il y a des enjeux de réactivités car les acteurs partenariats technologiques profitables
de l'entreprise ont de plus en plus besoin aux deux parties. Cependant, la pression
exercée sur les prix du fait du contexte
de savoir en temps réel ce que l'outil de économique et de la compétition interna-
production est capable de faire et ce qui a tionale risque d'exposer les fournisseurs
déjà été produit. Ceci implique un besoin aux mêmes affres que ceux qu'ont connu
leurs confrères dans les secteurs évoqués
renforcé de communication entre les précédemment.
composantes de l'ERP relatives à la gestion
de production et le MES : Les informations Des défis considérables
à relever
réelles de ce qui se passe sur le terrain
permettent une meilleure Quoiqu'il en soit, la construction de l'édi-
fice n'est pas simple car elle dépasse
planification des ressources. de loin la mise en place d'outils infor-
Philippe Allot, Pdg d'Ordinal Software matiques existant ou à construire. Les
premières pierres d'achoppement sont
les formats d'échanges pour les infor-
mations. Pour atteindre l'objectif, des
groupes de travail se sont constitués au
niveau européen, à l'image de Galia ou
Odette dans l'automobile ou plus récem-
ment la plate-forme Boost Aéro autour
d'Airbus, mais la tâche est énorme et
remet en cause une part importante des
développements réalisés par le passé.
Ceci n'empêche pas une partie des édi-
teurs de considérer que c'est le sens de
l'histoire, mais cette nouvelle approche
induit des modes de fonctionnement qui
remettent en cause les modèles écono-
miques de certains acteurs plus présents
dans ces groupes pour s'informer et pha-
gocyter le système que pour faire avancer
les choses. 

- Part de marché en ERP de


SAP : plus de 40 %
- Seul 15  % des ERP déployés
Point de repère

restent standard, mais 70  % ne


de simples retards de production à des saisie du problème à bras le corps. En reçoivent que des modifications
légères ou mineures, affectant
méventes. Des pertes à tous les niveaux effet, l'accroissement considérable des
moins de 25 % du code.
de l'écosystème, mais le principal enjeu, cadences de production dans le secteur
c'est la sécurisation de la chaîne d'ap- fait craindre un effondrement de l'écosys- - Les formats d'échange de
provisionnement. Des secteurs, comme tème sous l'effet d'une mauvaise gestion données collaboratifs : Autogra-
tion dans la cadre d'Odette pour
l'agroalimentaire via la grande distri- de la planification et de la prise en compte
l'automobile, BoostAero dans le
bution ou l'automobile, y sont sensibles des aléas de production de chacun des ac-
cadre d'AirSupply pour l'aéro-
depuis de nombreuses années, mais plus teurs. Cette sécurisation de l'écosystème nautique.
récemment, c'est l'aéronautique qui s'est place la relation client fournisseur au

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #33


Les leviers de la transformation

L'outil de production
d'hier à demain

Atelier d'injection plastique


Pas de compétitivité sans équipements productifs et performant ! totalement robotisé chez Igus
Derrière cette évidence, il y a une réalité : celle du décalage entre la dispo- en Allemagne.
nibilité d'une technologie et son usage à grande échelle. Une réalité dan-
gereuse car c'est un long processus qui faute d'investissements entraîne
les entreprises dans une spirale de pertes de compétitivité inéluctable.

L
es techniques de production clas- par la machine qui permet l'obtention du
siques qui ont marqué le début de produit dans les qualités requises et non
l'ère industrielle n'étaient en fait la machine qui produit sous le contrôle de
duit/process

que le prolongement du bras de l'Homme. l'homme.


Sans un ouvrier qualifié, impossible de n
tio
réaliser la moindre pièce, l'opérateur était ica
Des mécaniques admirables br
s
 Conception pro

trôle

a 
totalement à l'origine de la conformité et def
con

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ns
an
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de la qualité toutes deux placées sous son Afin de remédier à la difficulté de repro- io
sve

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ra nanc
rse
ilota

é ,m ainte
contrôle. Une situation propice à l'émer- ductibilité des pièces, des mécaniciens Op ation
P

 gr
(inté
gence d'ouvriers hors pair capables de de génie ont mis au point des machines S e rvice

du travail
réaliser des pièces de hautes préci- capables de reproduire des cycles opéra-  Organisation
sions avec des moyens de production qui toires complexes en tournage, fraisage,
l'étaient beaucoup moins. À l'inverse, la découpage, formage… Des solutions que a certes opéré une profonde remise en
reproductibilité des processus était beau- l'on a vu apparaître autour de secteurs question des principes de production,
coup plus difficile à gérer et les gammes forts comme l'horlogerie par exemple, mais ces «  automates mécaniques de
opératoires constituées d'une kyrielle elles sont basées sur l'usage de cames production  » ont très longtemps gardé
d'opérations simples aboutissant au ré- aux profils complexes et le réglage de une suprématie en termes de cadence de
sultat final. Un mode de fonctionnement butées mécaniques. Si de tels équipe- production et sont même pour certains
générateur de nombreux encours de pro- ments ont permis de réaliser des gains de encore « indétrônables » sur ce terrain.
duction et nuisible à la qualité de l'en- productivité considérables, ils sont très
semble, car chaque opération de reprise pénalisants car les cycles de la machine L'émergence de technologies
entraîne une perte de précision entre les sont figés par les cames. Des éléments
clé
différents usinages réalisés séparément. coûteux et complexes à réaliser ainsi que
Des équipements de production conven- contraignants, car ils engendrent des Un constat qui nous montre que l'arrivée
tionnels qui n'ont plus leur place dans changements de production longs à réa- de technologies qui ont vocation à amé-
des processus de fabrication de grande liser. Pour autant, des versions modernes liorer de manière importante la perfor-
série, mais qui répondent encore à des de tels systèmes sont encore utilisées mance des entreprises ne répond pas
besoins de production spécifique, c'est en production pour des pièces en très à une évolution linéaire, mais dans une
le cas de certaines pièces aéronautiques grandes séries. En effet, l'avènement de mutation diffuse s'appuyant sur plusieurs
où c'est le savoir-faire des hommes aidé machines à commande numérique (CN) approches concurrentes.

34#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


L'avènement de la CN sur les machines a
considérablement fait évoluer l'approche Eric Bredin, directeur Territory Manager France, Iberia, FSA
de la production. Considérées au début chez Stratasys
comme des équipements dédiés aux pe-
tites et moyennes séries, elles ont peu à «  La fabrication additive nous fournit deux approches de
peu démontré qu'elles étaient à même de production. La première que nous appelons Augmented
répondre à des besoins de production plus Manufacturing consiste à réaliser des outillages qui per-
importants tout en apportant une sou- mettent d'optimiser des chaînes de fabrication en four-
plesse de planification inégalée grâce à des nissant des outillages plus performants dans un meilleur
temps de changements de séries bien plus délai. L'Alternative Manufacturing permet de substituer
courts que des machines à asservissement la fabrication additive aux moyens de production conven-
mécanique et une adaptabilité que n'offrent tionnels afin de réaliser, en petite série, des pièces à forte
pas les machines spéciales par essence valeur ajoutée en améliorant diverses caractéristiques de
dédiées à un type de production. Pour illus- la pièce ».
trer cette concurrence, le secteur automo-
bile a longtemps hésité, pour la production
de pièces mécaniques, entre une approche ce que nous avons connu dans le domaine tion des machines. Une des premières
de type machine spéciale et l'usage de de l'informatique. L'accroissement des applications a été l'avènement d'unités
machines CN organisées en îlots et utilise capacités de calcul a permis aux éditeurs de perçage puis de fraisage sur les tours
aujourd'hui des machines CN «  dédiées  » de concevoir et de faire tourner des algo- puis l'émergence des centres d'usi-
à des typologies de pièces (arbre de trans- rithmes de plus en plus performants et de nage 4 axes permettant de réaliser des
mission, pignons, support moteur, triangle gérer de plus en plus d'axes, des trajec- pièces en un seul posage, pour arriver
de direction…). Aujourd'hui démocratisé toires complexes dans l'espace… aux systèmes actuels qui sont capables
l'usage de la commande numérique dans de piloter 5 ou 6 axes ou plus en inter-
la production est incontournable. Que la CN L'émergence de nouvelles polation continue. Or, si l'esprit humain
soit basée sur une architecture d'automate est en mesure de programmer des tra-
machines
programmable ou sur base PC, le pilotage jectoires simples sans trop de difficul-
de l'équipement de production passe par Ainsi, les premières machines utilisaient tés, dépasser 3 axes utilisés de manière
une commande numérique. Un avènement entre 2 et 3 axes positionnés, mais le positionnée n'est pas simple et le pilo-
qui s'est accompagné des outils de pro- champ des possibles s'est élargi grâce tage d'un outil en 5 axes continu sans
grammation nécessaires. L'évolution dans à une émulation entre les possibilités assistance parait tout bonnement incon-
le domaine de la CN est à rapprocher de de pilotage offertes et la complexifica- cevable. Bien sûr ce type d'usinage n'est
pas toujours indispensable car un grand
nombre de composants usinés sont réa-
lisables en utilisant les axes de manière
positionnée, mais la technologie rend
aujourd'hui ces techniques plus faciles
d'accès et autorise la création de par-
cours d'une grande complexité comme
dans l'usinage des aubes de turbine ou
de dentures hélicoïdales. Des opéra-
tions qui nécessitent une assistance de
l'opérateur lors de la programmation
de la machine. Il existe pour cela une
chaîne numérique complète qui couvre
l'ensemble des étapes depuis la concep-
tion de la pièce jusqu'à son contrôle en
passant par sa réalisation. Une chaîne
qui intègre la programmation et même
la validation du programme.

Virtualiser l'environnement
réel
La validation externe au moyen de pro-
duction est dans certains domaines
Validation d'une opération de production par simulation dans Delmia de l'éditeur Dassault une nécessité incontournable car les
Systèmes. parcours d'outils et les mouvements

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #35


d'axes sont devenus si complexes que écho auprès des petites structures qui ne usiner sans réelle valeur ajoutée. Un as-
les interférences entre l'outil, les axes, disposent pas de ressources suffisantes pect qui tend à évoluer avec l'arrivée de
le montage, la pièce… sont imprédic- pour les utiliser et ne peuvent pas amor- la cobotique. Jusque-là les robots étaient
tibles. Ajoutez à cela des taux horaires tir l'investissement logiciel et humain que maintenus, pour des raisons de sécu-
machines importants et des pièces cela représente. rité, à l'écart des humains qui travaillent
coûtant une fortune et vous comprenez à leur côté. De récentes avancées per-
aisément l'intérêt qu'il y a dans une vali- Des facteurs d'amélioration mettent de sécuriser le fonctionnement
dation hors ligne du programme. Cette des robots poly-articulés dans le même
multiples
dernière s'opère par simulation du code environnement que des opérateurs. Il est
ISO du programme d'usinage dans un Les entreprises préfèrent concentrer ainsi concevable d'imaginer un atelier ou
environnement numérisé, mais parfaite- leurs efforts sur d'autres aspects plus un opérateur sera assisté à son poste
ment réaliste. Sous l'effet conjugué de la concrets. Le long travail qui s'est opéré par un ou plusieurs bras effectuant des
complexification des pièces et de l'arrivée sur les outils, les procédés et les proces- opérations d'ébavurage et de contrôle
de nouvelles techniques, la simulation sus est à ce titre édifiant. À part pour des au-delà de la simple manipulation des
d'usinage se démocratise et trouve une applications de modélisme, (et encore  !) pièces. C'est un profond changement
justification dans l'accroissement de la qui utilisent des outils en acier rapide  ? dans l'approche de l'automatisation et de
disponibilité des machines. La simulation Là c'est l'avènement et la démocratisa- la robotisation des tâches. Pendant long-
joue d'ailleurs un double effet bénéfique tion des carbures qui est à l'origine d'une temps, ces dernières ont eu vocation à
sur cet aspect. Le premier réside dans mutation totale des outils dans un pre- remplacer l'homme partout où cela était
la validation hors ligne du programme mier temps avec l'apparition des outils à possible, il semble que tout le monde
qui libère la machine pour des temps de plaquette rapportée ou amovible puis des s'accorde aujourd'hui à penser qu'il est
production, le second est lié à la sécuri- outils carbure massique et maintenant plus pertinent de mettre les robots au
sation du processus de production et à la les outils diamant poly ou mono cristallin. service d'hommes qui leur apportent
détection des collisions avant qu'elles se Une offre qui, combinée à des géométries l'intelligence, qui leur faisait cruellement
défaut en dépit de tous les capteurs du
monde, en échange de la force et de la
Vincent Caulet, responsable du secteur industrie chez Bosch Rexroth précision qu'ils apportent.

« Au sein du groupe Bosch, nous avons identifié le besoin Placer les processus sous
d'un robot capable de travailler en collaboration avec des surveillance
opérateurs. Un équipement à fois polyvalent, flexible,
simple d'utilisation et surtout sécurisé. Après 4 à 5 années Aujourd'hui le prix des pièces tend à aug-
de R&D et plusieurs versions, nous avons, en partant menter sous l'effet de plusieurs facteurs.
d'une mécanique de bras standard, mis au point un ro- Les avancées technologiques conduisent
bot capable d'éviter tout contact avec son environnement à la réalisation de formes de plus en plus
même si ce dernier est imprévisible dans son évolution. complexes, des matériaux exotiques font
Déjà utilisé en interne pour valider son fonctionnement en leur apparition, et leur usage se démo-
conditions réelles avant sa commercialisation, il va recevoir une connexion Wifi dans cratise. Il convient donc de limiter les
sa prochaine version, pour une configuration encore plus rapide ». rebuts au maximum afin de respecter
des équations économiques pérennes
produisent sur machine en générant des de plaquettes et d'outil de plus en plus pour l'entreprise. Dans ce domaine,
arrêts de production et des surcoûts de complexes et des revêtements de plus en les capteurs ont un rôle majeur à jouer.
maintenance. plus sophistiqués, ouvre des possibilités Toutes les technologies de capteurs sont
d'usinage quasi infinis dans les maté- à même de donner des réponses car les
Des techniques similaires permettent riaux les plus divers. Autre axe impor- besoins sont variés. Prenons le cas de la
même de simuler avant même leur mise tant, les stratégies d'usinage telles que détection des usures et des bris d'outil qui
en œuvre des ateliers ou des chaînes de l'usinage grande vitesse (UGV) ou grande peuvent entraîner la mise au rebut d'une
production complètes avant leur mise en Avance (UGA) ainsi que les stratégies pièce après un grand nombre d'heures
œuvre. Il est ainsi possible de valider la d'ébauche par trèflage ou trochoïdale d'usinage. Ce sont des capteurs optique
faisabilité des opérations, les temps de se révèlent des sources de productivité ou laser qui peuvent être utilisés afin
production, d'identifier les postes gou- sérieuses. Dans ce panorama, il convient de programmer des points de validation
lots avant même d'avoir passé la moindre de ne pas oublier l'usage des robots. de l'état des outils avant leur utilisation.
commande ou procédé à la moindre mise Largement utilisés dans l'automobile Une approche qui peut être complétée ou
en place. Utilisée depuis des années dans pour construire des cellules de produc- remplacée par l'utilisation des vibrations.
les grandes entreprises de l'automobile tion dédiées, les robots sont encore peu La détérioration du tranchant de l'arrête
ou de l'aéronautique pour la gestion de présents en France dans les ateliers où de coupe entraîne en effet un change-
grands projets industriels, cette simula- leur rôle se limite la plupart du temps à ment du régime vibratoire de l'opération.
tion à grande échelle peine à trouver un remplacer la pièce finie par une autre à Ce n'est là qu'un exemple et le but final

36#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


n'est rien de moins que l'avènement de vision de « l'Usine » qui est en train d'évo- partagée et impactant faiblement l'envi-
l'usinage auto-adaptatif et au-delà les luer à la vitesse de l'éclair. ronnement dont les Fab Labs sont les
machines et les usines intelligentes. prémices.
Combinons encore cette vision avec la
La réalité de demain mise à disposition dans le «  nuage  » Certes le chemin qu'il reste à parcourir
(Cloud) d'applications dédiées à la pro- pour que ces usines d'un nouveau genre
De la science-fiction ? Pas vraiment ! Les
technologies sont déjà là et en quelque
sorte, il suffit d'assembler entre elles
les différentes briques disponibles pour
atteindre cet objectif. Ainsi la gestion
des besoins est aujourd'hui assez bien
maîtrisée dans l'ensemble des secteurs
industriels grâce à l'utilisation générali-
sée des outils de GPAO jusque dans les
petites entreprises. La problématique re-
pose plus dans l'intégration des bonnes
pratiques de gestion au sein de l'écosys-
tème pour éviter les distorsions de signal
et les amplifications produites par l'appli-
cation de règles non adaptées. On trouve
d'ailleurs dans l'industrie des exemples
de chaîne d'approvisionnement qui fonc-
tionnement de manière quasiment au-
to-adaptative, et parfois même sur des
principes visuels simples ne faisant pas
intervenir de systèmes informatiques.
La cascade d'opérations qui en découle,
s'appuie également sur des technologies
existantes même si certains capteurs ont
besoin d'être miniaturisés et que leur
coût doit baisser pour en démocratiser
l'usage.

Une nouvelle vision de la


production
Aller de l'esprit à l'action par le plus
court chemin c'est en quelque sorte ce
qui pilote cette évolution. Une quête qu'il-
lustrent bien les différentes approches de
fabrication additive qui au-delà de leurs
différences se rejoignent sur un même
changement de paradigme  : envisager
la réalisation d'une pièce par agglomé-
ration de la matière qui la constitue au
lieu de partir d'un volume et d'en appro-
cher la forme par une ablation sélective
du surplus de matière constaté. Si l'on
confronte cette nouvelle technologie avec
l'approche qui consiste à regrouper sur Machine d'usinage 5 axes doté d'une tête Clad permettant de réaliser des pièces en
une même machine plusieurs procédés fabrication additive.
(usinage et ablation laser, tournage rec-
tification…) qui permettent de regrouper duction et proposées par un large panel prennent forme est encore long, mais
des opérations et d'accroître la précision d'acteurs de la machine-outil, d'éditeurs, nous savons aujourd'hui qu'elles sont
d'usinage et celle qui consiste à utili- de fabricants d'outillage… et on com- notre réalité future et surtout notre unique
ser des micro-machines pour construire mence à la voir se dessiner notre usine planche de salut industrielle face au mo-
« des usines de table », c'est toute notre 4.0 : connectée, adaptative, de proximité, dèle de production de masse actuel. 

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #37


Les leviers de la transformation

Cobotique et robotique
intelligente

A
vec la cobotique, la robotique ver sur le marché des solutions viables de
Le défi ultime consistera à ap-

le défi à relever
passe un cap essentiel : rendre des robots collaboratifs. Différentes formes
porter l’autonomie complète à
mécaniques à l’inertie parfois im- de cobots existent. Les premiers, comme la machine. Dans l’immédiat, il
portante suffisamment inoffensives pour ceux du Français RB3D, sont des exos- s’agit davantage de créer une
les faire évoluer sans danger en présence quelettes qui amplifient la force d’un chaîne numérique de program-
d’opérateurs. Elle ouvre ainsi la voie à de opérateur. Les autres sont des modèles mation la plus proche possible
nombreuses nouvelles applications, en industriels dotés de capteurs et de fonc- de la réalité, afin de réduire les
particulier dans l’assistance aux opéra- tions de sécurité permettant de contrô- retouches et interventions sur le
teurs dans des tâches de manutention et ler leur comportement en présence d’un robot avant sa mise en marche.
d’assemblage. humain. En découpant l’environnement
du robot en zones de l’espace, des scru-
Des assistants industriels tateurs laser autorisent ainsi un homme générations de machines intègrent pour
à s’approcher d’un robot en fonctionne- leur part des capteurs d’efforts ou une
Si le mot désignant cette nouvelle disci- ment, entraînant sa marche au ralenti «  peau  » sensible, leur permettant de
pline est né en 1999, plusieurs années ont ou son arrêt «  sûr  », sans nécessiter la détecter, voire d’anticiper un contact avec
encore été nécessaires avant de voir arri- coupure de l’alimentation. Les nouvelles un humain et de s’immobiliser immédia-
tement. «  Les capteurs rendent le robot
«  sûr  », mais pas l’outil qu’il porte. La
prochaine étape consistera à intégrer
l’outil  », note Laurent Bodin, directeur
commercial de Yaskawa France. Cela
pourrait passer par l’emploi d’autres cap-
teurs d’effort sur la mécanique, ou par la
mise en œuvre sur le robot de procédures
d’évitement.

Les humanoïdes arrivent


Pour que leurs cobots soient perçus par
les opérateurs humains comme de véri-
tables collègues mécaniques, les fabri-

 Avantage : Les robots intelligents et


collaboratifs assistent l’homme sans le
remplacer.
 Inconvénient : Leur usage nécessite des
dispositifs onéreux et leur vitesse d'évolution,
lente, peut porter préjudice à la productivité.

38#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


cants devront désormais aussi travailler
sur l’aspect psychologique, par exemple On se dirige vers une proximité physique
en trouvant un moyen de rendre «  natu- des robots et des hommes. Nous n’avons
rel » et sans conséquence un contact for-
tuit avec le robot. Autre piste pour rendre
pas le choix. Mais il faut que cela reste simple
les robots plus «  humains  », construire pour les industriels, pas cher, et le cobot
des machines… humanoïdes. Grâce à doit être aussi fiable et performant qu’un robot
des développements mécatroniques,
plusieurs modèles à deux bras cumulant industriel traditionnel. Le robot de demain
jusqu’à 15 axes (7 par bras et une rotation devra aussi être autonome et adaptatif. En effet,
sur le tronc) ont été mis au point –  cer-
tains sont même commercialisés  – par
dans les PME, le temps d’apprentissage
les grands constructeurs. Leurs applica- des trajectoires constitue un frein important,
tions industrielles sont encore peu nom- surtout lorsque les lots à produire sont petits. Un
breuses, mais ils pourront notamment
assister ou remplacer les hommes dans robot qui choisirait lui-même
des applications critiques, par exemple ses trajectoires gommerait ces temps de
pour la manipulation de produits dange-
reux, dans des environnements contrôlés,
définition des trajectoires.
etc. Nicolas Couche, Responsable produits robotique
chez Fanuc Robotics.
Pour se généraliser dans les usines, les
robots de prochaine génération devront
aussi gagner en «  intelligence  ». Pour
Yaskawa, cela passera par trois axes  :
la mobilité, la vision et l’auto-apprentis-
sage. Sur le premier point, ils pourront
s’inspirer des développements réalisés
dans les AGV (automated guided vehi-
cles). Côté vision, ils s’appuieront sur
des caméras et des technologies issues
du monde de la métrologie. Certains tra-
vaillent également sur des systèmes de
reconstruction 3D en direct, capables
de générer, à chaque instant, une image
virtuelle exacte de l’environnement du
robot. Enfin, l’auto-apprentissage affran-
chira les robots de l’inévitable phase
de programmation des trajectoires à
suivre. Pour l’heure, les ingénieurs s’en
approchent en réduisant la complexité
des cas à reconnaître à l’aide d’outils
mathématiques (symétries, homothé- accomplir une tâche complète de façon embarquée, en organisant leurs travaux
ties…) et en utilisant des moyens infor- autonome. » Sa vision : un pool de robots au service des machines, en fonction des
matiques plus performants. Le rêve des « intelligents » auxquels un système cen- lots à produire. Une vision d’avenir, qui
roboticiens  ? Un modèle auquel on ne tral communique des plans de production pourrait se concrétiser plus vite qu’on ne
communiquerait que des gammes, de et qui s’adaptent grâce à leur intelligence le pense… 
montage par exemple, et qui disposerait
de l’expertise nécessaire pour choisir les
mouvements à réaliser et les trajectoires - Selon la fédération internationale de robotique (IFR), les ventes de robots
Point de repère

à suivre. industriels dans le monde s’élevaient à 179 000 unités en 2013.


- Le terme de « cobotique », issu des mots « robotique » et « coopération »,
Autonomes et intelligents est né en 1999. Il désigne « l'interaction réelle, directe ou téléopérée, entre un
opérateur humain et un système robotique ».
Pour Vincent Caulet, responsable des
secteurs Industrie de Bosch Rexroth en - La norme ISO 10218-2 relative à la sécurité des cellules robotisées indus-
trielles intègre la cohabitation homme-robot mais seul le Japon a sauté le pas
France, « l’intelligence, c’est plus que de
en normalisant la cobotique.
la communication. A terme, le robot saura

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #39


Les leviers de la transformation

Fabrication directe

V
oilà déjà plusieurs années que l'on fabrication additive (540 Millions de dol- Obtenir des pièces ébauchées,

le défi à relever
est capable de produire des pièces lars) a été multipliée par un facteur 5 ou finies ou même des ensembles
non pas en procédant à des enlè- 6, la proportion de pièces réalisées pour fonctionnels directement à partir
vements de matière successifs, mais en une utilisation finale non-prototype est de leur définition numérique, en
agrégeant celle-ci de manière sélective elle passée de 4 % à 20 % et représente mettant en œuvre des matériaux
en fonction d'une définition numérique de actuellement un marché mondial de 600 identiques à ceux utilisés par les
l'objet. Considérées comme des techno- millions de dollars. procédés de fabrication conven-
logies de prototypage rapide, les solutions tionnels en terme de comporte-
ment mécanique.
de fabrication additives s'émancipent de La partie est déjà jouée
cette fonction première pour jouer un
rôle de production de plus en plus grand. La part de fabrication directe est donc
Si depuis 2001, la part de marché de la aujourd'hui tout sauf anecdotique et il est plus que probable que cette approche va
connaître dans les années qui viennent un
engouement croissant.

Plusieurs facteurs plaident en ce sens.


C'est une technologie qui permet de ré-
pondre aux besoins de personnalisation
demandés par le marché pour des coûts
acceptables, mais le principal facteur
de progression est technologique. Au-
jourd'hui, l'approche de fabrication directe
que mènent certains industriels consiste
à prendre une pièce existante complexe,
difficile et coûteuse à obtenir, et à adapter
sa définition à une réalisation par impres-
sion 3D. La pertinence des procédés de
fabrication additive en production reste
limitée dans ce contexte. Par contre si la
remise en question de la conception de
la pièce est plus profonde et intègre des

 Avantage : La technologie permet


d'obtenir des pièces à partir de leur
seule définition numérique, sans outils ni
 Inconvénient : Les matériaux sont coûteux
et ne présentent pas toujours les mêmes
caractéristiques notamment pour les matériaux
outillage et dans des délais records. métalliques (porosités, tensions interne structure
métallographique différente...).

40#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


applications dans le domaine de l'électro-
Il y a une difficulté à diffuser ces technologies du nique à partir de matériaux conducteurs
fait de leur grande diversité et du peu de formation et la production de tissus organiques est
aujourd'hui une piste des plus sérieuses.
disponible pour les démocratiser auprès des Neri Oxman, artiste et chercheuse au très
PME-PMI. Nous avons aujourd'hui de nombreuses sérieux MIT, considère même que des
matière 4D vont faire leur apparition. Elles
entreprises qui nous contactent en envisageant de présenteront des capacités adaptatives
faire appel à ce type de procédés mais qui hésitent comme nos tissus organiques en réagis-
encore à se lancer. sant aux sollicitations (frottement pres-
sion chaleur, contact…) et seront même
Éric Gallet, responsable commercial Procédés capables de se régénérer. S'il est difficile
Performants et Innovants au Cetim d'imaginer les applications possibles en
terme de produit, on imagine allégrement
qu'il ne sera pas envisageable de les pro-
duire de manière conventionnelle. 
regroupements de fonctions, des allège-
ments de pièces – nombre de pièces de-
viennent tout simplement non réalisables
de manière économique autrement  –.
C'est le cas de composants comportant
des corps creux renforcés par des struc-
tures en nid d'abeille ou en réseau cris-
tallin (lattice).

De nombreux challenges
à relever
Pour autant, il y a plusieurs défis à relever
avant que la fabrication directe ne trouve
la place qu'elle revendique. La première
clé tient dans les matériaux. Pour les
polymères et pour les métaux dans une
moindre mesure, nous avons affaire à une
combinaison matière processus très intri-
quée qui conduit souvent les utilisateurs
qui optent pour une technologie, à devenir
captifs de leur fournisseur de machine en serait tenté de rejeter d'un revers de main
terme de consommable. « C'est un verrou pourrait bien trouver sa place dans les
qu'il va falloir lever pour que les indus- métiers de l'emballage si l'on remplace
triels se lancent  » considère Éric Gallet, le papier par des cartons d'épaisseurs
responsable commercial Procédés Per- adaptées.
formants et Innovants au Cetim. La tech-
nologie doit également faire des progrès Ce n'est là qu'un exemple et les applica-
dans le domaine des pièces métalliques tions ne se limitent pas à la production
pour que les caractéristiques deviennent de pièces plastiques ou métalliques pour
compatibles avec des exigences élitistes : des applications mécaniques. Il existe des
absence de porosité et de tensions rési-
duelles par exemple. Le succès passe
également par une sélection et une réelle - La plus grande imprimante 3D du marché : la VX4000 de Voxel Jet qui offre un
Point de repère

industrialisation des équipements. En espace de travail de 4 m sur 2 sur une hauteur de 1 mètre pour la production
fait toutes les technologies de fabrication de pièces ou d'éléments en sable pour moules de coulé.
additive ne vont pas intéresser les acteurs
- La part de fabrication directe dans l'enveloppe de l'impression 3D : en 2013 la
de la production de manière égale mais fabrication directe, c'est 20 % d'un marché de 3 milliard de dollars.
elles ont toute leur chance à condition de
faire l'objet d'une prise en compte des be- - La plus petite pièce produite : une maquette de formule 1 d'environ 1 dixième
soins du secteur concerné. L'impression de mm de longueur avec une précision de l'ordre du micron.
3D par collage de papier (SDL), que l'on

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #41


Les leviers de la transformation

Services vs Industries –
la fin de la guerre

Parmi les changements fondamentaux d’Industrie 4.0, on trouve


l’arrivée à grande échelle des services. Durant des années, deux entités
étaient souvent opposées, on les disait antagoniques, d’un côté les entre-  Tra
prises qui concevaient/produisaient, et de l’autre les entreprises produi- nsve

duit/process
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sant des services, les plus souvent destinés aux premières.

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du travail
vec Industrie 4.0, les entreprises Et les exemples ne manquent pas. Ils cor-  Organisation

de production deviennent four- respondent souvent à des services com-


nisseurs de services comme les plémentaires aux biens manufacturés,
autres, les cartes sont rebattues. produits et vendus par l’entreprise  : un L’un des premiers à avoir souligné la fin
producteur de fenêtres propose leur ins- de l’affrontement, production/services,
Comme le note le CEPII, «  la frontière tallation, un producteur de machines se c’est le Syntec qui, au début de cette
entre la fabrication de biens matériels et la charge de leur maintenance, un produc- année, a souhaité ne plus être catalogué
production de services est en réalité bien teur de matériel électronique offre des dans la « rubrique - Services ». Ses adhé-
plus floue que la stricte distinction impo- « contenus », un constructeur automobile rents travaillent dans et pour l’industrie,
sée par les classifications statistiques des des services financiers, etc. seulement leur job ne peut être assimilé
activités. Ce flou a une double dimension. à quelque chose de physique, de palpable.
Tout d’abord, les entreprises industrielles La production de services pour compte
ont, nécessairement, une production de d’autrui peut aussi résulter d’une stra- Pour mieux faire apprécier leur valeur
services pour compte propre. En effet tégie d’externalisation des segments les ajoutée, ils ont même lancé le terme d’API
les processus de production industrielle plus « industriels » de la chaîne de valeur, pour Activité de Prestations Industrielles,
impliquent un grand nombre d’activités
de services. Pour autant, les travailleurs
de l’industrie employés à ces tâches de L’activité de services de prestations
services participent effectivement à une
production finale de biens et peuvent légi-
intellectuelles devient un facteur de
timement être comptabilisés comme des la compétitivité des secteurs qui ont
travailleurs industriels. La seconde zone recours à ces services.
de confusion entre industrie et services
est plus profonde. Le fait est que de nom-
breuses entreprises enregistrées dans les la firme «  industrielle  » se concentrant ces activités de prestations agrégeant
secteurs industriels ont aussi une pro- sur le développement et la commercia- l’ensemble des activités de conseil, de
duction de services pour compte d’autrui, lisation. Elle produit alors des services, services liés au numérique ou encore de
c’est-à-dire pour les proposer en tant que vendus à des sous-traitants en charge de services d’ingénierie. Des services par-
tels à des clients extérieurs ». la production matérielle. tie intégrante du processus de produc-

42#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


tion global. En première approximation, services effectuées depuis la France. En Mais attention spécifie le rapport, enjeu
le syndicat évalue à 800  000 le nombre comparaison, les exportations de ce type de compétitivité pour les biens industriels
d’emplois concernés. de services sont d’un montant équivalent comme pour leurs propres exportations,
à 1,6 % du PIB en Allemagne, 0,5 % du PIB les activités de services de prestations
Alors que représentent ces services/ en Italie, et 2,3 % du PIB au Royaume-Uni. intellectuelles en France pâtissent d’un
prestations  ? Difficile d’y voir clair, c’est désavantage en matière de coût du travail
le cabinet COE Rexecode qui donne des Produit intégrant des services vis-à-vis de leurs partenaires européens.
éléments.
Parmi les apports de l’étude de COE L’importance de cette dimension est d’au-
Un secteur aux 800 000 emplois Rexecode, il est noté que la production et, tant plus marquée dans ces secteurs que
in fine, l’exportation de biens industriels le coût direct du travail représente de 35
Le travail de COE Rexecode a consisté à (qui représentent environ les trois quarts à 50 % de la valeur de la production selon
apprécier comment la compétitivité des des exportations françaises) incorpore les activités de services de prestations
activités de services de prestations intel- une part croissante d’activités de services intellectuelles contre 17  % dans le cas
lectuelles contribue à la compétitivité dans leur produit, et notamment de ser- de l’ensemble de l’industrie. En 2011, le
globale du système productif. L’objectif a vices de prestations intellectuelles. salaire moyen par tête dans ces activités
consisté à analyser les conditions de l’in- est de 58 427 euros à comparer à un sa-
sertion internationale et de la compétiti- En conséquence, en même temps que les laire moyen par tête de 34 313 euros dans
vité de ces activités elles-mêmes. Elle vi- services associés à un produit sont un des l’ensemble des branches et de 36  460
sait également à approcher comment ces éléments qui façonnent la compétitivité et euros dans l’industrie manufacturière. Le
activités étaient facteurs de compétitivité l’image d’un produit, la compétitivité de salaire moyen par tête dans les activités
des secteurs auxquels elles apportent
leurs prestations.
Il est nécessaire d’encore mieux intégrer
Le chiffre d’affaires des entreprises de
prestations intellectuelles incluses dans produits et services pour favoriser
ce périmètre était en 2011 de 160 mil- les nouveaux types de consommation.
liards d’euros. Leur excédent brut d’ex-
ploitation était estimé à 12,7 milliards
d’euros et leurs effectifs se montaient à l’activité de services de prestations intel- de services de prestations intellectuelles
près de 800 000 emplois mesurés en équi- lectuelles devient un facteur de la compé- est ainsi d’un montant équivalent à 3,6
valent temps plein. titivité des secteurs qui ont recours à ses fois le SMIC (2,2 fois le SMIC dans l’indus-
services. C’est d’autant plus le cas que trie manufacturière).
COE Rexecode précise que les échanges le recours par l’industrie à des services
internationaux de services de prestations de prestations intellectuelles a eu ten- Imbriquer Services et Produits
intellectuelles ainsi définis présentent dance à s’accroître au cours des années
un solde déficitaire en France en 2012, récentes. Avec Industrie 4.0, c’est l’implication du
dernière année connue, de 1,7 milliard client dans la chaîne de valeur, du design
d’euros. Il masque des divergences mar- En 2011, le montant des prestations de à l’utilisation, soit une «  consommation
quées selon le type d’activités, ainsi le services de prestations intellectuelles hybride  », qui est l’enjeu. Le développe-
solde des échanges internationaux de (entendues ici par le regroupement ment de nos usines est forcément lié à
services informatiques est déficitaire à de l’ensemble des activités juridiques, une amélioration simultanée de la qualité
hauteur de 1,6 milliard d’euros. Il en va de comptables, de gestion, d’architecture, de service et de la rentabilité. Il est néces-
même pour les échanges internationaux d’ingénierie, de contrôle et d’analyses saire d’encore mieux intégrer produits et
de services d’architecture, d’ingénierie et techniques, les activités spécialisées, services pour favoriser les nouveaux types
autres services techniques. A l’inverse, scientifiques et techniques, ainsi que les de consommation.
les échanges internationaux de services activités de services informatiques et de
juridiques, comptables, de conseil en ges- services d’information, soit un champ C’est le cas, par exemple, d’une utilisation
tion et de relations publiques présentent plus large que celui de la Fédération Syn- 100  % connectée d’un véhicule, dès sa
un solde excédentaire à hauteur de près tec) achetées par l’ensemble de l’indus- conception, qui va influencer ses caracté-
de 2 milliards d’euros. trie manufacturière s’est monté à 37,6 ristiques de conduite, le confort, la sécuri-
milliards d’euros. Ce montant correspond té, mais aussi la relation entre le client et
Au total, les exportations de services de à 4,9  % de la valeur de la production de le constructeur. Le passage d’une mainte-
prestations intellectuelles se sont mon- l’industrie. En comparaison, le montant nance réactive à une maintenance proac-
tées en France à 19,5 milliards d’euros de la rémunération que l’industrie verse tive, à la fois plus souple pour le conduc-
en 2012. Elles sont ainsi équivalentes à directement à ses salariés représente teur mais aussi plus économique pour le
1 % du PIB et à un peu plus de 3,4 % de l’équivalent de 16,7  % de la valeur de sa constructeur, est un exemple que suivent
l’ensemble des exportations de biens et production. certains constructeurs allemands. 

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #43


Les leviers de la transformation

Maintenance prédictive

U
n équipement qui tombe en mais c'est plutôt son orchestration au
Prévoir les besoins d'interven-
panne coûte bien plus que sa sein de l'entreprise qui est sujette à une tion sur les équipements de
remise en état et même que évolution. En effet nombre de petites production afin de planifier leur

le défi à relever
son entretien. Le meilleur exemple de entreprises sont encore organisées pour déroulement en fonction de cri-
besoin de maintenance préventive, c'est assurer des opérations d'entretien de tères multiples comme la dispo-
celui de la courroie de distribution d'un premier niveau, et font du curatif pour nibilité des équipes et des pièces
moteur thermique dont la rupture peut le reste. Les sociétés les plus avancées de rechanges mais également le
niveau de stock, les prévisions de
consommation, pour que l'ab-
sence de panne se conjugue avec
une optimisation de la producti-
vité dans une démarche de TPM
(Total Productive Maintenance).

prédictive représente le cap au-dessus,


mais arrêtons-nous sur les enjeux pour
bien comprendre l'objectif. Lorsque l'on
applique les principes de la maintenance
préventive, on limite les conséquences
des pannes mais les coûts ne sont pas
réellement optimisés. La pièce que l'on
a changée, n'aurait-elle pas encore tenu
quelques jours, semaines ou mois ? Un
temps durant lequel ont aurait pu conti-
nuer à produire sans interruption. À l'in-
engendrer un grave endommagement font du préventif basé sur les durées verse, une décision d'espacer les inter-
du moteur. Ainsi la conscience de la de fonctionnements ou des dates de ventions pour maximiser la performance
nécessité d'anticiper les opérations de visites décidées plus ou moins empiri- peut avoir des effets dramatiques sur la
maintenance n'a-t-elle rien de nouveau quement. Le concept de maintenance production.

 Avantage : La gestion prédictive


de la maintenance s'accompagne
à terme d'une disparition des arrêts de
 Inconvénient : Cette approche a un coût important
car anticiper les arrêts de maintenance, c'est de la
non-productivité et remplacer un élément avant que ce
production pour causes de panne. soit indispensable n'est pas non plus gratuit.

44#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


En cas de panne, l'identification des causes temps et de l'utilisation, cette signature va
d'arrêt est assez facile à identifier, car nous évoluer du fait de l'usure des roulements,
de la disparition de la lubrification… Une
disposons d'une demande d'intervention, surveillance régulière de cette signature
par contre, déceler des micro-arrêts et en permet de cibler le ou les éléments qui
nécessitent une intervention ou une sur-
comprendre l'origine est plus complexe. veillance accrue. Dans ce cas, il n'est plus
La perte de productivité est la clé. C'est indispensable de réaliser une intervention
donc le TRS qui nous sert de détecteur. systématique à intervalle régulier sur
les équipements car certains éléments,
Nous le mesurons et il nous sert de référence moins sollicités que les autres pour des
pour chaque poste de production. S'il chute raisons variées et pas forcément identi-
fiées, nécessiteront moins, voire pas, de
pour une cause non définie, nous déclenchons besoin d'entretien sans risquer pour au-
un chantier d'amélioration continue. tant de provoquer une panne.
Vladimiro Carminati, responsable
maintenance en charge du déploiement Truffer les machines de capteur
de la TPM chez Brembo Dans le cas que nous venons d'évoquer
la surveillance reste périodique mais la
miniaturisation et surtout la démocra-
tisation des capteurs conduisent inévi-
tablement à leur intégration au sein des
systèmes. Celle-ci permet de placer les
équipements sous contrôle permanent
et de diffuser des alertes aux équipes
d'exploitations ou directement à celles
de maintenance afin que ces dernières
statuent sur la gravité et planifient l'in-
tervention. L'intérêt majeur de cette ap-
proche est qu'elle permet de mettre en
place des seuils limites correspondant
à des niveaux donnés de signaux. Il est
ainsi possible de planifier une réponse
graduée. Lorsque notre palier-exemple
commence à donner des signes de fai-
blesse, il est envisageable de différer
l'intervention parce qu'un arrêt de main-
Placer les composants sous dérives à des dysfonctionnements. Une tenance pénaliserait la production, car
surveillance fois ce travail effectué, il suffit de placer il reste sous surveillance et que le fonc-
la constante sous contrôle pour déceler tionnement de l'équipement peut être
Dans ce contexte, les choix sont cor- un problème technique. Prenons le cas conditionné à un niveau de signal supé-
néliens ou assimilables à la roulette d'un arbre tournant, chacun des paliers rieur considéré comme inacceptable. Ça
russe. L'objectif de la maintenance pré- présente une « signature vibratoire » don- revient à jouer à la roulette russe avec le
dictive est, comme le laisse entendre née lorsque le matériel est neuf. Au fil du cran de sûreté ! 
son nom, de prévoir le moment où une
panne se produira. Non pas sur la base
d'une expérience plus ou moins longue Pour l’AFIM, la maintenance en France génère annuellement 21,2 milliards d'€
que l'on a d'un système, mais par une de dépenses dans l'industrie (2,3 % de la production en valeur), dont 7,1 mil-
liards d'€ sous-traités. 17,6 milliards d'€ de dépenses dans l'immobilier et
Point de repère

surveillance de son comportement. Il


tertiaire, dont 13,2 milliards d'€ sous-traités et 12 milliards d'€ de dépenses en
s'agit de substituer une prise de déci- produits et composants industriels en maintenance et travaux neufs.
sion objective à l'approche statistique La maintenance industrielle c’est d’après l’AFPA : 213 000 salariés dans tous
que représente aujourd'hui l'approche les secteurs de l'industrie, 20 000 recrutements par an dont 70 % au niveau
préventive des opérations d'entretiens. Il techniciens et agents et maîtrise.
convient pour cela d'une part de déceler Les 4 métiers «  qui montent  » - Techniciens de maîtrise de maintenance
des critères objectifs de bon fonctionne- d'équipements industriels, agents de maîtrise de maintenance d'équipements
ment (consommation électrique, niveau industriels, techniciens méthodes en maintenance, techniciens de mainte-
vibratoire, température…) et d'affecter les nance de parc éolien.

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #45


Les leviers de la transformation

Ces technologies transverses


qui font exploser les silos

Plusieurs technologies transverses vont impacter tout autant les


bureaux d'études que la production dans l'Industrie 4.0. Les silos sautent.

duit/process

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Convergence à tous les étages a

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Cloud. De quoi nécessiter de l'analyse de s de
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Parmi ces technologies transverses, nous données, d'où le BigData Analytics ». ilota éra
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faisons un focus sur quelques tendances  rvice (int
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lourdes, parfois directement liées entre Une convergence imposée également aux du travail
 Organisation
elles. Comme l’explique Jean-Pierre offreurs, aucun ne sera capable de maîtri-
Hauet, Président d'ISA-France, l'Energy ser toutes ces technologies. Les automa-
Harvesting reste un sous-problème de ticiens devront travailler avec les informa- le précise Patrick Lamboley, End User
l’Internet Industriel des Objets (I2dO). Les ticiens, pour la cybercriminalité ce sera Business Group - Industry Business
objets connectés auront d'autant plus avec McAfee ou Cassidian (devenu Air- chez Schneider Electric, «  pour l'instant
d'intérêt qu'ils pourront s'autoalimenter bus), dans le Cloud avec Cisco… Conver- les demandes proviennent de groupes
et être indépendants. gence confirmée par Vincent Jauneau, industriels qui, le plus souvent, ont plu-
Directeur des Divisions Industrie de Sie- sieurs sites implantés mondialement. A
Vision complémentaire pour Oliver Vallée, mens France, «  Industrie 4.0 impose un
de Rockwell Automation, «  les capteurs changement dans les méthodes de tra-
intelligents mis en place via l'I2dO vont vail, que ce soit pour les offreurs, comme Patrick Lamboley, Customer View
produire beaucoup de données, ce qui nous, ou pour les clients dont les services and Marketing Director chez
implique une architecture Ethernet et du vont devoir collaborer encore plus ». Schneider Electric
« Nous allons assister à
Des normes en devenir la virtualisation du poste
Olivier Vallée, Directeur mar-
de travail. A terme, en
keting de Rockwell Automation fonction de la demande,
Autant pour les technologies précédem-
France les bonnes configura-
ment détaillées (conception, contrôle/
«  Les capteurs commande, production…), il était pos- tions du poste de tra-
intelligents mis en vail descendront via le
sible de parler des évolutions dans le
place via l'I2dO vont Cloud. »
temps, certaines technologies ayant pra-
produire beaucoup
tiquement un siècle d’existence, autant
de données, ce qui
implique une archi- pour les nouvelles technologies issues, l'inverse, le nombre de PME est restreint,
tecture Ethernet pratiquement en totalité, du monde ce qui semble logique eu égard à l’offre de
et du Cloud. De numérique, la maturité et le niveau des services encore limité ».
quoi nécessiter de connaissances restent limités.
l'analyse de don- Pour fonctionner sans à-coup, ces techno-
nées, d'où le Big- D’où une maîtrise différente en fonction logies transverses devront adopter un/des
Data Analytics. » de la typologie des entreprises, comme standards. Si l'Allemagne et les Etats-Unis

46#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


fessionnels préconisent-ils de procéder
Frédérick Drappier, Directeur Général de National par étape, et chronologiquement.
Instruments France & Portugal
« Nous sommes aux balbutiements du Big Dtata Analy- Le Ministère du Redressement Produc-
tics. De premiers changements importants apparaissent, tif dans son plan «  Usine du Futur  » va
durant des années les industriels étaient parcimonieux en même jusqu’à prendre en compte le parc
terme d’échantillonnage, ils freinaient le nombre d'infor- machines actuel, et souhaite dans un pre-
mations à stocker. Ce verrou est en train de sauter. » mier temps que les entreprises se mettent
à niveau avant de s'attaquer au 4.0.

Vincent Jauneau, Directeur des Divisions Industrie Il est donc primordial qu’elles intègrent
de Siemens France la notion de 4.0 dès l’origine, qu'elles en
comprennent les enjeux car l'architecture
« Industrie 4.0 impose un changement dans les méthodes qu'elles vont mettre en place devra être
de travail, que ce soit pour les offreurs, comme nous, ou
cohérente avec les évolutions futures.
pour les clients dont les services vont devoir collaborer
encore plus. »
Autre élément à prendre en considération,
au moment ou nous détaillons quelques-
unes des technologies transverses, c’est
sont en pointe, la France met son « grain logies ne sont pas matures. Mais comme que l’Industrie 4.0 ne sera pas que tech-
de sel » avec un groupe de travail ad hoc à le rappelle Vincent Jauneau « pour que les
l’Afnor, notamment pour relayer Industrie industriels avancent et investissent dans Jean-Pierre Hauet, Président
4.0 avec les standards de bas niveau. le 4.0 encore faut-il que l'offre existe. Et d'ISA-France
si certains offreurs sont fin prêts notam-
Comme le précise Jean-Pierre Hauet, ment sur la partie Hard, infrastructure, il « Il est illusoire de vou-
loir tout mettre dans
« l2dO devra reposer sur un ensemble de n'en va pas de même pour les services et
le Cloud. Il n'y a aucun
technologies et de standards reconnus logiciels associés ». intérêt de transférer ce
par les trois organismes que sont l'ISA, qui est local, sauf si l’on
l'IETF et l'IEEE, et les produits devront Dans le même temps, il faut aider les veut créer du BigData
être compatibles entre eux ». industriels à comprendre et maîtriser Analytics pour le plaisir
ces technologies. Par exemple, avoir un de le résoudre. »
L'Industrial Internet Consortium (IIC), Cloud, reste simple, encore faudra-t-
organisme à but non lucratif, est sur la
même longueur d'onde. Sa mission est
de faciliter l'intégration du monde réel et Philippe Bertrand, Directeur Général de Phoenix
du monde digital en créant des normes Contact France
cassant les silos technologiques qui « Au fil des ans, la technologie pose de moins en moins
pourraient freiner l'adoption de l'Internet de problème, la véritable barrière est culturelle. Dans le
Industriel. Il travaille notamment à iden- domaine des technologies nouvelles, une fois cette bar-
tifier les normes d'interopérabilité et à rière tombée, l’amplification sera très rapide. »
définir des architectures communes de
manière à ce que les appareils, capteurs
et abonnés réseaux puissent communi- il l'organiser pour retrouver ses petits, nologique. Elle implique un challenge
quer, de manière sécurisée. comme le souligne, Vincent Jauneau « la organisationnel et culturel.
collaboration entre les mondes de la pro-
Même combat pour l'Energy Harvesting duction/conception et informatique aura Ce que confirme Philippe Bertrand, Direc-
avec les travaux de l'IEEE et son CoAP obligatoirement lieu. Si pour la partie teur Général de Phoenix Contact France,
(Constrained Application Protocol) qui SaaS le développement se fera tout natu- «  Au fil des ans, la technologie pose de
est un protocole de niveau « application » rellement, le stockage des données devra moins en moins de problème, la véritable
dédié aux dispositifs dotés de faibles res- se faire de façon intelligente ». La Smart barrière est culturelle ». Un frein qui pour-
sources comme les capteurs et action- Industrie dans toute son ampleur. rait sauter rapidement, tellement le lien
neurs auto-alimentés. Un protocole qui est fort entre les technologies nouvelles
devrait être adopté dans l'industrie, mais Entre le 3.0 et le 4.0, il reste Grand Public et celles développées pour
pas avant cinq ans. les marchés industriels (Cloud, Energy
des unités
Harvesting…) de l’énergie avec les Smart-
Des développements encore en gestation Si le 4.0 est un objectif à terme pour beau- Grid, le tertiaire... et Philippe Bertrand de
qui confirment que nous n’en sommes en- coup d’industriels, aucun ne passera du prévenir « l’amplification sera rapide, une
core qu’aux prémices, toutes les techno- 3.0 au 4.0 en une seule fois. Aussi les pro- fois cette barrière tombée ». 

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #47


Les leviers de la transformation

Internet Industriel des Objets

5
0 milliards d'objets connectés en plusieurs acteurs ont fait de l’I2dO leur La communication sera au cœur
2020, mais seulement 2,7  % des stratégie pour les années à venir. Selon de l’I2dO d’où, notamment, la
objets identifiables à cette même Jim Heppelmann, le PDG de PTC « c’est création du Consortium Internet
échéance. Autant dire que le potentiel est le prochain bouleversement de notre Industriel (IIC) par AT&T, Cisco,

le défi à relever
énorme. écosystème, à la fois pour les consom- GE, IBM et Intel. Son objectif
mateurs et pour les fabricants. Pour ces est de formuler des exigences
en matière de standards d’inte-
Derrière le terme d'Internet Industriel derniers, la possibilité de suivre en temps
ropérabilité et de définir des
des Objets (I2dO) se cache la volonté de réel un produit tout au long de sa vie et architectures communes pour
mettre en place des éléments techno- de remonter les informations sur son état la connexion des équipements
logiques, des cyber-objets autonomes et son environnement est un vecteur for- intelligents, des machines, des
aptes à prendre des décisions locales. Un midable d’innovation. Ils pourront ainsi processus… pour améliorer
concept de l'hyper connectivité qui, s’il est améliorer la conception de la génération l'intégration des mondes phy-
en pleine explosion dans notre monde nu- suivante, anticiper les pannes… ». sique et numérique. Aujourd’hui,
mérique quotidien (on parle alors d’IdO), le consortium réunit plus de 60
est encore loin de trouver sa place dans Pour Jim Heppelman « on n’achète plus sociétés.
les lignes de production, même si elles un produit, mais le service qu'il peut
devront s’adapter pour produire, juste- rendre ». Nous sommes passés du « Pro-
ment, ces nouveaux produits IdO. duct  » au «  Smart Product  », désormais Du côté des clients
c’est l‘intégration de capteurs et de dispo-
Les industriels ne vont pas tout « casser » sitifs de communication qui leur permet- Sur les lignes de production, les indus-
pour implanter des cyber-capteurs ou des tront de devenir des «  Smart Connected triels attendent de ces I2dO qu'ils ap-
cyber-actionneurs, d’ailleurs Jean-Pierre Products ». Ce sont ces technologies qui portent une meilleure visibilité sur les
Hauet, Président d'ISA-France, ne note constituent la principale source de valeur procédés, des communications directes
pas «  d'emballement très fort de la part ajoutée. Et pour concevoir et fabriquer plus rapides, une distribution optimale
des fournisseurs ». des produits intelligents connectés, il faut des données et des traitements, une
des technologies qui vont au delà du tra- réactivité accrue et évidemment une
A leur décharge, autant le lien entre un ditionnel PLM. C’est pourquoi la SLM et intégration totale entre le monde de
téléphone portable et son bracelet podo- l’ALM, respectivement la gestion de vie l'IT et celui de l'OT. Une volonté qui se
mètre semble évident, autant au sein des Services et des Applications autour heurte parfois à des notions de temps
d'un site de production, les applications des produits, font partie de la stratégie réel/temps critique, de disponibilité, de
sont moins flagrantes. Mais attention, des offreurs. sécurité…

 Avantage : La possibilité d’amener


de l’intelligence au plus près des
composants/cybers-systèmes, avec pour
 Inconvénient : Une ouverture totale vers
l’extérieur, d’où un risque lié aux cyber-
attaques. En 2012, on dénombrait 102 attaques de
ces derniers la capacité de décision locale cybercriminalité réussies par semaine, deux ans
plus prompte. plus tard le chiffre est passé à 122.

48#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


Les premières briques se mettent en
place. «  Elles vont rapidement rencon- Les possibilités offertes et les données générées par
trer les mêmes problèmes d'interopéra- cette nouvelle génération de produits intelligents
bilité qu’à l'époque des bus de terrain,
mais avec un niveau de complexité bien connectés impliquent d'appréhender différemment les
plus élevé. Il faut créer un réseau social applications d'entreprises et l'écosystème connecté
d'abonnés avec une autorité qui impose le
respect, par exemple si A veut dialoguer
pour optimiser les processus métier existants,
avec B, il faut édicter des conditions et améliorer la prise de décision et ouvrir le champ des
empêcher que tout capteur puisse com- innovations. 
muniquer directement avec tout autre
capteur, sinon c'est l'anarchie  » prévient Jim Heppelmann,
Jean-Pierre Hauet, pour qui les travaux Président-directeur général, PTC Inc.
menés au sein de l'ISA, notamment sur le
sans-fil, seront essentiels.
Globalement, pour Vincent Jauneau, der d’utiliser ou non le service, celui-ci
Et ces contraintes (communication, sécu- Directeur des Divisions Industrie de Sie- devenant payant. Et ainsi de fil en aiguille,
rité…) se retrouveront avec les capteurs/ mens France, «  cette notion de Cyber- ce sont des solutions complètes, héber-
actionneurs disséminés sur les sites objet est en devenir. Pouvoir connecter gées dans le Cloud, qui pourront prendre
industriels «  une porte que l'on ouvre, drives, CN, coupleurs… devrait prendre place.
peut toujours mal se fermer  » insiste encore une année de développement ».
Frédérick Drappier, Directeur Général de Au bout du bout, le BigData Analytics ap-
National Instruments France & Portugal. Chez Rockwell Automation, Olivier Vallée, portera de l’intelligence aux installations
D’où, depuis quelques temps, la création Directeur marketing explique que «  la industrielles, et Pascal Brosset, Senior VP
du consortium IIC (Industrial Internet stratégie maison est de passer de l'archi- Innovation & Chief Technology Officer de
Consortium) pour travailler sur les futurs tecture multidiscipline (motion, safety…) Schneider Electric, de citer des exemples
standards. Autre initiative liée à l’I2oD, qui permet le contrôle de l'information via dans le domaine de la gestion de l'eau,
la création de réseaux cellulaires pour un réseau, un automate programmable, permettant de visualiser une pompe à
objets comme Sigfox, un réseau bas débit des capteurs… à l'Integrated Control In- l'arrêt, de savoir dans le même temps à
ayant une faible consommation d’énergie formation qui permet la gestion et l’ana- quoi sert la pompe et qui elle alimente. Un
et une portée de plusieurs kilomètres. lyse des données, la mobilité... ». moyen de prioriser les décisions.

Bien démarrer Demain, les services Et les ouvertures sont multiples comme
le détaille Philipe Caisson, Business De-
Alors que faire  ? Attendre que tout soit C'est sur cette architecture que vont cir- velopment Manager chez Siemens, « avec
réglé  ? Certainement pas, même si toute culer les divers services. Services encore un logiciel comme IntoSite, vous avez
l’offre matérielle et de service n’est pas en développement, même si des logiciels entre les mains un navigateur d'usines
encore disponible sur le marché. L’une des de maintenance prédictives existent. Le qui autorise, via des outils comme Google
premières étapes consiste à mettre à ni- futur des I2dO est encore à venir. Earth, d'aller dans une usine, de cliquer
veau son outil de production avec un réseau sur une machine pour connaître ses
utilisant le même protocole. Comme le pré- D’où une stratégie pour aider les clients caractéristiques... avec la possibilité de
cise Patrick Lamboley, End User Business à tester la technologie qui se résume à prendre contact avec une personne phy-
Group - Industry Business chez Schneider proposer de premiers services simples, sique présente sur le site ». Une approche
Electric, « c'est une priorité pour supporter comme un basique monitoring, si pos- retenue par Ford qui, disposant déjà des
la convergence entre l'outil de production sible de manière gratuite. Des outils maquettes numériques de ses sites de
et l'informatique de l'entreprise ». statistiques viendront ensuite enrichir le production, modélise ses différents sites
service, cette fois-ci le client pourra déci- d'assemblage en 3D. 
Pour cette première étape, l'offre est
mature depuis plusieurs années. L’arri-
- Tout comme l’Internet of people a modifié les rapports entre personnes, l’In-
vée d'Ethernet a simplifié la partie câ-
Point de repère

ternet Industriel des Objets changera les relations entre sociétés.


blage, même si plusieurs standards de
- S’il manque un composant, l’outil peut de lui-même décider de stopper ses
communication existent. D’ailleurs des activités, de passer une commande pour réalimenter le stock et alerter les
offreurs ont même pris le parti de ne plus responsables.
proposer que des produits compatibles, - Pour McKinsey, l'I2dO représentera une valeur ajoutée potentielle de 6,2
par exemple chez Schneider Electric, qui trillions de dollars par an pour l'économie mondiale d'ici 2025. A cette date,
a choisi EthernetIP, tous les nouveaux 80 à 100 % des fabricants auront adopté les applications IdO, soit un impact
variateurs, automates… sont « IP compa- économique potentiel de 2,3 trillions de dollars pour la seule industrie manu-
tibles », de façon native. facturière mondiale.

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #49


Les leviers de la transformation

Cloud computing

V
enues du monde informatique, il de ne pas avoir à régler les problèmes de Le Patriot Act, mis en place aux
est normal que les premières et mise à niveau. Les dernières études sur le États-Unis après les attentats du
principales applications se trouvent sujet parlent de recherche, de la part des 11 septembre 2001 (qui accorde

le défi à relever
plutôt dans la partie gestion, conception… industriels, d’une flexibilité accrue (65 %) aux autorités américaines le
que dans la production pure. Mais dans et d’une réduction des coûts (57 %). droit d’accéder directement aux
l’Industrie 4.0 connectée, toutes les com- données cloud stockées sur les
serveurs des sociétés améri-
posantes vont devoir migrer vers le Cloud. En 2013, 23  % des entreprises et admi-
caines ou des entreprises étran-
nistrations utilisent du Cloud en France. gères ayant des intérêts écono-
D’abord les logiciels et le SaaS Essentiellement en mode SaaS (65  %), miques dans le pays), impose
elles se montrent encore frileuses vis- la vigilance. D’où la recherche,
Pour définir le Cloud, on peut le faire à-vis de l'IaaS – Infrastructure as a Ser- pour certaines applications,
au travers de trois caractéristiques : un vice – (28 %) et du PaaS – Platform as a d’hébergement national.
terminal d'accès (PC, tablette ou smart- Service – (11  %). Et dans le domaine de
phone) relié à internet ou à un réseau l'infrastructure, elles privilégient (67  %)
privé  ; une infrastructure informatique nettement le Cloud privé. Les premières installations permettent
externe à l'entreprise ; et enfin des appli- l’historisation, la reconfiguration, le
cations. Le Cloud computing est une solu- Une prise de conscience des entreprises calcul… Pour Patrick Lamboley, End User
tion qui fournit un espace numérique vir- qui démarre, mais moins d’une entre- Business Group - Industry Business chez
tuel comme un service, avec un paiement prise sur sept a formalisé une stratégie Schneider Electric, «  nous allons assis-
à la consommation. Cloud. Du chemin reste à faire. Et de nou- ter à la virtualisation du poste de travail.
velles questions se posent, en dehors de A terme, en fonction de la demande, les
Dans le domaine industriel, les premiers la question de la sécurité au sens large, bonnes configurations du poste de travail
à avoir été intéressés par le Cloud furent comme la possibilité de changer de pres- descendront via le Cloud ».
les utilisateurs de logiciels et applica- tataires. Comment récupérer ses don-
tions métiers (calcul numérique, PLM, nées et les transférer ailleurs ? Toute la difficulté consiste à mener une
CAO, collaboration...). On parle dans ce réflexion sur ce qui doit être mis dans
cas de SaaS (Service as a Software) qui Ensuite la Production le Cloud ou pas comme l'indique Jean-
donne accès à un ou plusieurs logiciels Pierre Hauet, Président d'ISA-France, « il
pré-installés et à un espace de stockage Les entreprises utilisant le Cloud dans la est illusoire de vouloir tout mettre dans le
pour ses données. Un bon moyen de payer partie Gestion/Conception/Simulation se Cloud. Il n'y a aucun intérêt à transférer
à moindre frais des logiciels en fonction sont tournées vers les autres postes de ce qui est local, sauf si l’on veut créer du
du temps d’utilisation, mais également l’entreprise et notamment la production. BigData pour le plaisir de le résoudre  ».

 Avantage : La possibilité d’utiliser


des logiciels sans acquérir de
licences ; de collaborer entre sites et
 Inconvénient : La sécurisation des données
mais également la possibilité de changer de
prestataire tout en récupérant ses données.
industriels.

50#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


Un propos pragmatique, provocateur, qui
rappelle qu’il vaut toujours mieux trai-
ter localement tout ce qui est local, plu-
L'objectif principal est l'intégration numérique
tôt que de vouloir le remonter au niveau de toute la supply chain dans le processus de
supérieur. développement d'un projet aéronautique. Ce Hub
D'ailleurs plusieurs offreurs ont bien numérique devrait donc accroître la compétitivité
compris cette problématique à l'image de de la filière européenne en agissant directement au
Cisco qui parle du concept de Fog Com-
puting. Un brouillard, avec des routeurs
niveau de l'entreprise étendue.
intermédiaires, qui éviterait de remonter La solution repose sur un portail web unique de
l’ensemble des informations dans un seul co-conception pour toute la filière. Les entreprises
nuage, en créant de plus petits nuages
gérant plus localement les informations. de rang 1 peuvent l'utiliser avec leurs propres
fournisseurs de rangs inférieurs en mode SaaS.
Enfin l’usine connectée Boost Aerospace
Derrière le terme d’Industrie 4.0 se cache
l’Usine digitale connectée. Bien que la
« forme » de ces Usines de demain sera
variée, pour certaines productions le Certaines études annoncent que 73 % des Des arguments qui plaident en faveur
changement sera radical. Ce sera la fin utilisateurs en entreprise travaillent avec d’une extension du Cloud dans le do-
des méga-usines desservant le monde, des collaborateurs de différents fuseaux maine industriel. Restera à changer les
au profit d’infinité d’usines à taille hu- horaires et de différentes régions au habitudes de travail, ce qui n’est pas une
maine collaborant. moins une fois par mois. mince affaire. 

Et en termes de collaboration, le Cloud Enfin on distingue trois typologies de Cloud computing :


Point de repère

reste l’outil idéal. Il permet à l'ensemble


des protagonistes, où qu'ils se trouvent, – Cloud public : applications et données sont hébergées sur des infrastructures
de synchroniser leurs actions et de tra- informatiques mutualisées et inconnues des clients,
vailler sur des documents et des appli- – Cloud semi-public : applications et données sont hébergées dans un lieu
cations partagées simultanément, le tout choisi par le client, voire sur des serveurs qui lui sont dédiés,
avec des mises à jour critiques en temps – Cloud privé : applications et données sont hébergées sur les serveurs du
réel. client, situés dans ses propres locaux, ou dans un data center.

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #51


Les leviers de la transformation

Big Data Analytics

L
es annonces du Ministère de l'éco- La France doit donc chercher ailleurs Structurer les données sera es-
nomie numérique, le rapport son salut et en l'occurrence le potentiel sentiel, et dans cette multitude

le défi à relever
Lauvergeon... les signaux en faveur se situe dans l'analytique, le DataMining d’informations disparates com-
du passage à la phase d'industrialisation (l’ensemble des techniques pour l’extrac- prenant du texte, des images, du
du Big Data ne manquent pas. tion des données). contenu multimédia, des traces
numériques, des objets connec-
tés… l’industriel devra être cer-
Le volume de données numériques aug- Tout l’intérêt des masses de données ne
tain qu’un capteur ou un compo-
mente de manière exponentielle, 90  % réside pas uniquement dans leur quantité, sant défectueux ne va perturber
de l’ensemble des données aujourd’hui le volume à partir duquel il est possible de les résultats globaux de son logi-
disponibles ont été créées ces deux der- parler de Big Data ne fait d’ailleurs pas ciel d’analyse.
nières années. Alors que l’on parlait il y l’unanimité. Pour le Commissariat à la
a peu de gigaoctets (109 octets), on parle Stratégie et à la Prospective, «  l’analyse
maintenant plutôt de téraoctets (1012 oc- des Big Data comprend quatre critères que Autre caractéristique, les données analy-
tets), de pétaoctets (1015 octets), d’exaoc- l’on retrouve de façon plus ou moins simul- sées ne sont plus forcément structurées
tets (1018 octets) et même de zettaoctets tanée : vitesse, variété, véracité, valeur ». comme dans les analyses antérieures,
(1021 octets). mais peuvent être du texte, des images,
La vitesse se réfère aux délais d’actuali- du contenu multimédia, des traces numé-
Il est vrai que plus de 50 milliards d'appa- sation et d’analyse des données numé- riques, des objets connectés… Et donc se
reils seront connectés à Internet dans le riques. Les données ne sont plus traitées pose l’éternelle question  : «  un capteur
monde d'ici 2020. Ils deviendront l’une des en différé, mais en temps réel (ou quasi défectueux utilisé dans un système de
principales sources de carburant pour réel). Selon les cas, il est même possible conduite assistée peut-il causer un acci-
l’industrie du Big Data, cœur de ces objets de ne plus stocker les informations, mais dent en raison d’une donnée fausse ? ».
connectés. de les analyser en flux (streaming).
À ces quatre V s’ajoute souvent un cin-
Les quatre V Par exemple en croisant les données de quième, qui désigne la valeur qu’il est pos-
capteurs installés sur des éoliennes avec sible de tirer de ces données, les usages
Mais de l’Internet des Objets au Big Data, celles relatives à la météo ou aux marées, qu’elles produisent. Autre exemple, en
quelle chaîne de valeur se met en place ? il est possible d’optimiser leur orientation analysant les données provenant de cap-
Les technologies sont déjà maîtrisées par en temps réel, de mieux prévoir les temps teurs sur les avions et en les associant à
des éditeurs, pour la plupart américains. de maintenance. des données météo, on modifie les cou-

 Avantage : Un moyen de régler des


problèmes jusqu’ici non solubles
avec notamment des millions de données.
 Inconvénient : Le risque de vouloir tout
remonter et de complexifier une application.
Il faut éviter de créer du Big Data pour le « plaisir »
de le résoudre ensuite.

52#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


loirs aériens pour réaliser des économies
de carburant, on améliore la maintenance
des avions et leur sécurité. Il ne fait aucun doute que le traitement de ces
masses de données jouera un rôle primordial dans
Les exemples ne manquent pas la société de demain, car il trouve des applications
D’autres idées foisonnent, comme ces dans des domaines aussi variés que les sciences,
véhicules connectés capables de récu- le marketing, les services client, le développement
pérer les informations d'essuie-glaces
se mettant en marche. Liées au GPS ces durable, les transports, la santé, ou encore
informations permettent de prédire une l’éducation. Par ailleurs, le potentiel économique de
possibilité de pluie imminente sur une
zone. Des exemples qui laissent rêveurs
ce secteur est indéniable et les retombées en termes
les industriels qui voient là un potentiel d’emploi et de création de richesse seront non
de nouveaux services. Comme dans le négligeables. Son développement nécessite toutefois
secteur de l'Energie, et notamment la
notion d'efficacité énergétique. Beau- de bien comprendre les enjeux qui y sont liés.
coup d'industriels ne savent pas ce qu'ils Commissariat à la Stratégie
consomment, poste par poste, or des
économies conséquentes peuvent être
et à la Prospective
faites, encore faut-il que l'ensemble de
la chaîne de valeur soit relié (machines +
fabricant de machines, possédant une
part importante du marché mondial dans
le domaine de l'habillement, a rapide-
ment vu, via les remontées d'informa-
tions destinées à la maintenance de ses
machines, que ses clients produisaient
moins de vêtements durant la crise, cette
chute se chiffrant à environ 3 %. Par ex-
périence cela impliquait des investisse-
ments machines en diminution de 30  %
dans les mois à venir. Une prévision qui lui
permettra de s’adapter et d’anticiper une
baisse des commandes.

Reste, comme le note Olivier Valley, Direc-


teur marketing de Rockwell Automation
France, que « ces Big Data Analytics sont
plutôt bien adaptés à des grandes entre-
prises ayant plusieurs sites de production,
or en France nous avons beaucoup de
PME notamment dans l'agroalimentaire,
et pour l’instant elles se passent fort bien
de cette gestion des Big Data Analytics ».
coûts horaires proposés par les fournis- L’une des fonctions les plus recherchées Encore pour combien de temps ? 
seurs d'énergie). reste la notion de maintenance prédic-
tive. Vincent Jauneau, Directeur des Divi-
Concrètement Frédérick Drappier, Direc- sions Industrie de Siemens France, donne - Le prix d’un gigaoctet pour un
teur Général de National Instruments comme exemple «  des Commandes Nu- disque dur est passé d’environ
Point de repère

France & Portugal, note que «  nous en mériques qui remontent des flux de don- 16 USD (12,30 euros) en février
sommes encore aux balbutiements. Mais nées afin de permettre, grâce à des appli- 2000 à 0,10 USD (0,07 euros) en
août 2010.
de premiers changements importants catifs, de faire de l'analyse prédictive des
apparaissent, par exemple durant des an- moteurs de machines-outils ». - Le volume de données numé-
nées les industriels étaient parcimonieux riques augmente, 90  % de l’en-
en terme d’échantillonnage, ils freinaient Un Big Data qui peut également s’avé- semble des données aujourd’hui
disponibles ont été créés ces
le nombre d'informations à stocker. Ce rer intéressant pour les fournisseurs de
deux dernières années.
verrou est en train de sauter ». matériels eux-mêmes, c'est ainsi qu'un

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #53


Les leviers de la transformation

Energy Harvesting

S
ous le vocable d’Energy Harves- Pour y parvenir, vont être exploités les L’Energy Harvesting pour les

le défi à relever
ting, diverses études prédisent des mouvements d'un élément environnant applications industrielles, reste
chiffres d’affaires de 4 milliards à ou constituant le capteur, mais il sera très lié au déploiement de l’Inter-
l’horizon 2020, avec un total de 18 millions également envisageable de profiter de la net Industriel des Objets. Il pren-
d’unités. chaleur, des vibrations ou des ondes élec- dra sa véritable place lorsque
tromagnétiques émises. Des énergies les capteurs/actionneurs seront
indépendant en termes de déci-
Nous sommes face à un concept bien souvent faibles, mais suffisantes pour une
sion, de communication… et de-
« détouré », les technologies sont là, les auto-alimentation, d’autant plus que les vront impérativement le devenir
choix sont multiples… reste que les appli- technologies de récupération évoluent et en énergie.
que dans le même temps les composants
diminuent leurs besoins en consomma-
tion. Plus les éléments d'une usine seront là à remplacer l'ensemble des acteurs/
considérés comme des cyber-objets, plus actionneurs, il risque de couler pas mal
il sera opportun de les rendre autonomes d'eau sous les ponts.
en énergie. Cette recherche d'autonomie
d'énergie est souvent liée à la volonté de Wifi et communication
travailler en sans-fil, c’est l’autonomie
complète du capteur/actionneur qui est De plus, pour se plugger dans une archi-
recherché. tecture 4.0, l’idéal serait d’avoir des pro-
duits intégrant nativement la communica-
cations industrielles de l'Energy Harves- D’où, face à ces prévisions de marché, un tion Wifi. Ce qui n'est pas encore à l'ordre
ting sont en partie liées à l'I2dO (Internet bémol émis par plusieurs spécialistes du du jour, en raison de coûts de production
Industriel des Objets). secteur, comme pour Patrick Lamboley, encore élevés.
End User Business Group - Industry Bu-
Avec l'Energy Harvesting, il s'agit d’ex- siness chez Schneider Electric, pour qui Autre sujet en voie de règlementation,
ploiter les sources d’énergie faible et dif- le marché reste restreint, «  pour l'ins- la communication. Partant du principe
fuses présentes dans l'environnement du tant nous ne sentons pas une explosion qu’un composant auto-alimenté devra
capteur, et cela à seule fin de l'alimenter du sans-fil. Les cas les plus fréquents consommer le moins d’énergie possible,
et de le rendre autonome, sans objectif de concernent plutôt des extensions d'archi- il est opportun qu’il ne soit « réveillé » que
valorisation autre. tecture vers des zones distantes  ». De pour envoyer ou recevoir des informations

 Avantage : Dans une usine 4.0, il


deviendra possible d’installer tout
composant à l’endroit le plus pertinent,
 Inconvénient : Trouver les moyens de
produire suffisamment d’énergie pour
être certain que, dans tous les cas de figures, le
sans se soucier de son alimentation en composant aura suffisamment d’énergie ne serait-
énergie. ce que pour prévenir de cette insuffisance.

54#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


tout en évitant le mode veille. D’où l’utili-
sation de technologies comme Sigfox ou Nous sommes à l’aube d’une nouvelle convergence
Zigbee.
de la communication et de l’énergie. Nous avons
Sigfox, lancé par une startup toulousaine, connu une évolution fantastique des moyens de
utilise UNB (Ultra Narrow Band) basé communication dans les 20 dernières années :
sur une technologie radio pour connecter
des périphériques. Le réseau fonctionne le PC, internet et l’internet mobile… ce mode de
dans les bandes ISM disponibles mon- communication commence seulement à fusionner
dialement (bandes de fréquences sans
licence) et coexistent sur ces fréquences
avec un nouveau mode de diffusion énergétique :
avec d'autres technologies radio, mais l’énergie distribuée. Nous passons de l’ère de
sans risque de collision ou de problèmes la centralisation à celle de l’horizontalité, de la
de capacité.
décentralisation, du partage, du fonctionnement
Avec Sigfox, l'aspect le plus important de collaboratif… C’est la nouvelle révolution industrielle
la sécurité de transmission est le fait que
seuls les fournisseurs comprennent les
qui démarre.
données échangées entre le périphérique Jeremy Rifkin, économiste, prospectiviste
et les systèmes informatiques. Sigfox agit et essayiste américain
seulement comme un canal de transport,
poussant les données vers le système
informatique du client.

– Piézoélectricité  : récupération de
l’énergie générée lorsqu’une pression est
exercée sur un matériau piézoélectrique,
les vibrations sont ainsi transformées en
électricité.
– Thermoélectricité  : récupération de
l'énergie résultant de la différence de
températures entre deux éléments.
– Photovoltaïque  : récupération de
l'énergie issue du soleil, mais également
de toute lumière même artificielle.
– Energie cinétique  : énergie issue des
mouvements d'un corps.
– Electromagnétisme : collecte de l'éner-
gie véhiculée par les ondes électroma-
gnétiques. 

– Le marché de ces dispositifs


Sigfox retrouve face à lui des technologies tivement faible, mais dont la fiabilité est pourrait passer de 10 millions
d'unités en 2013 à 18,7 millions
déjà établies comme Zigbee (et notam- assez élevée.
en 2020.
Point de repère

ment sa version Green Power qui propose


une solution dans des lieux où l’électricité Si l’on retrouve déjà ZigBee dans plusieurs – Des protocoles comme Sigfox,
fait défaut) avec des caractéristiques plus applications de contrôles industriels, Sig- Zigbee… vont permettre d’éco-
variées et notamment des flux montants fox annonce des premiers clients comme nomiser la consommation en ne
« réveillant » l’instrument autoa-
et descendants (permettant des mises à le contrôle des panneaux d’affichage à
limenté seulement si nécessaire.
jour ou des informations d’acquittement) distance de Clear Channel.
et des débits plus importants. La contre- - Un des points forts de ce mar-
partie est la nécessité de connecter une ché reste qu’il est en partie tiré
Quelles technos vont émerger ? par la domotique et les Smart-
box en local avec des couvertures parfois
Grids. De quoi trouver des tech-
limitées. ZigBee propose un protocole Parmi les principales techniques d’Ener-
nologies matures et fiabilisées.
plus lent dont le rayon d’action est rela- gy Harvesting, on peut citer :

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #55


Les leviers de la transformation

Organiser, mais aussi


réorganiser

Experts et spécialistes s'accordent sur un point  : la révolution


Industrie 4.0 ne sera pas que technologique, elle sera surtout
organisationnelle.

duit/process
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 Conception pro
C trôle
n
tio
haque grande révolution indus- travail a été facilitée par la mise en œuvre ca

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trielle a amené son lot de chan- de nouveaux modes de gestion des res- sd ance
on inten
ilota
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gements dans l’organisation du sources humaines visant à améliorer les P éra tion,
Op égra
 rvice (int
travail. Ce fut notamment le cas avec la compétences des salariés, à les inciter à  S e
l
on du travai
deuxième révolution Industrielle à la fin s’impliquer dans leur travail et à partici-  Organisati
du XVIIIe siècle avec l’arrivée de l’électri- per aux décisions opérationnelles.
cité, de la mécanique, du pétrole… C’est sentation des variables de contraintes de
l’origine de la mécanisation du travail, des Couramment la typologie des formes rythme, de monotonie et de répétitivité du
machines mues par des moteurs élec- d’organisation du travail se découpe en travail. Elle constitue une classe d’organi-
triques, et comme l’a si bien montré Cha- quatre classes  : les organisations «  ap- sations « apprenantes » du travail, qui s’ap-
plin l’homme n’a plus qu’à courir après la prenantes  », les organisations en lean parente au modèle sociotechnique suédois,
machine, si possible en rythme. production, les organisations tayloriennes fondé sur le principe d’équipes autonomes
et les organisations de structure simple. de travail qui s’auto-organisent pour réali-
Il était une fois l’Industrie 2.0 Ces quatre classes se différencient ser les objectifs établis avec la hiérarchie,
principalement selon les deux dimen- et dont les membres sont polyvalents sur
Parallèlement, à cette révolution, l’ingé- sions  : d’une part, l’opposition entre les l’ensemble des tâches des équipes. En
nieur Frederick Winslow Taylor invente, variables d’autonomie procédurale et de rupture avec la conception taylorienne de
en 1911, le taylorisme, une organisation contenu cognitif du travail et les variables division des tâches, ce modèle donne une
scientifique du travail qui permet d’aug- de contraintes de rythme de travail et, plus grande intelligibilité au travail, ce qui
menter la productibilité des salariés, d’autre part, l’importance ou non accor- conduit certains à le définir comme un mo-
et Henri Ford instaure le montage à la dée au travail en équipe, à la rotation des dèle de « production réflexive ».
chaine qui permet de réduire fortement tâches et à la gestion de la qualité.
les temps de production, dans son cas le Cette classe d’organisations apprenantes
modèle Fort T passe de 6 heures à 1 heure Les organisations se rattache également au modèle de
trente. Un modèle toujours d’actualité.
« apprenantes » «  production en équipes autonomes à
l’américaine », qui combine les principes
De nombreux travaux, et notamment Elles se caractérisent par une sur-repré- du système sociotechnique suédois et
certains menés par l’Union Européenne sentation des variables d’autonomie pro- ceux du management de la qualité.
comme «  Les formes d’organisation du cédurale et de contenu cognitif du travail
travail dans les pays de l’Union Euro- (apprentissage dans le travail, résolution Les organisations en lean
péenne  » d’Edward Lorens et Antoine de problèmes, complexité des tâches) et,
production
Valeyre, dont nous reprenons en partie dans une moindre mesure, des variables
les conclusions, montrent que la diffusion de gestion de la qualité (autocontrôle et Les pratiques de travail en équipe, de
de nouvelles pratiques d’organisation du normes précises), et par une sous-repré- rotation des tâches et le management

56#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


de la qualité (auto-contrôle de la qua- cognitif, peu contraint dans ses rythmes Avec l’Industrie 4.0, le changement de
lité et normes de qualité précises) y sont et peu répétitif, mais relativement mono- l’organisation du travail et de la pro-
particulièrement développés. Simulta- tone. Le travail en équipe, la rotation des duction est une question cruciale. La
nément, les salariés se voient imposer tâches et la gestion de la qualité y sont réflexion sur la stratégie de l'entreprise
des contraintes de rythme de travail par- peu diffusés. Cette classe s’apparente au ne peut donc ignorer la réflexion sur
ticulièrement lourdes et exécutent des modèle des organisations de «  structure l'organisation de la production et du tra-
tâches souvent répétitives et monotones. simple  », définies par une faible forma- vail. Tous les acteurs de l'entreprise sont
Si, comme dans les organisations appre- lisation des procédures et un mode de concernés.
nantes, ils sont souvent confrontés à des contrôle par supervision directe exercée
situations d’apprentissage et de résolution sur les salariés, soit par leur supérieur
de problèmes imprévus, ils bénéficient en hiérarchique, soit par leur patron dans les
revanche de bien moindres marges d’au- petites entreprises.
tonomie dans leur travail. Cette classe
correspond au modèle d’organisation en Quatre formes d’organisation du travail
lean production, qui se caractérise clas- très contrastées qui ne relèvent pas d’un
siquement par la polyvalence, le travail en modèle unique qui s’opposerait au modèle
équipe, la production en flux tendus et le taylorien. Elles se scindent en deux caté-
management de la qualité totale. L’auto- gories bien distinctes  : les organisations
nomie procédurale modérée des salariés apprenantes et les organisations en lean
de cette classe s’exerce sous de fortes production. Si les organisations appre-
contraintes de rythme et de respect de nantes présentent un ensemble de carac-
normes quantitatives de production et de téristiques en rupture avec le modèle tay- Parmi les changements importants qui
normes de qualité précises. Elle procède lorien, en revanche les organisations en arrivent, c’est déjà la nature du travail
donc à des formes d’organisation en « au- lean production en partagent encore de qui va changer. La matière première est
tonomie contrôlée », que les employeurs nombreux traits, ce qui ne permet pas de devenue de plus en plus immatérielle  :
développent pour concilier leurs besoins les considérer comme effectivement post- l'information numérique. Le travail est
d’exercer leur contrôle et d’encourager tayloriennes. En outre, les organisations de chaque jour plus abstrait, l'effort s'exer-
l’initiative et la créativité de leurs salariés. structure simple dont la diffusion demeure çant plus sur des symboles que sur la
importante, constituent une catégorie qui matière.
Les organisations Tayloriennes échappe à la dichotomie entre organisa-
tions tayloriennes et post-tayloriennes. Ce qui change aussi, ce sont les techno-
Comme dans les organisations en lean logies et les outils permettant de traiter
production, les salariés qui la composent Mais, comme souvent, il n’y a pas conver- ces informations. Il s'ensuit une charge
sont soumis à d’importantes contraintes gence des analyses. Le débat reste ouvert de travail plus lourde, et une intensité du
de rythme de travail, effectuent des tâches entre des thèses qui considèrent, pour les travail accrue par le traitement en temps
répétitives et monotones et sont astreints unes, que le modèle de la lean production réel, l'interactivité constante avec la ma-
à des normes de qualité précises. En opère une rupture avec le modèle taylo- chine.
revanche, leur travail présente une faible rien par le développement de l’initiative,
autonomie procédurale, un faible contenu de l’autonomie et de la responsabilité qu’il Ces changements s'insèrent dans un
cognitif et l’auto-contrôle de la qualité est donne aux exécutants et, pour les autres, contexte socio-organisationnel pré-exis-
peu répandu. Par ailleurs, le travail en qu’il renouvelle le modèle taylorien sous tant. Elles ne créent pas par elles-mêmes
équipe et la rotation des tâches y sont légè- des formes assouplies, en combinant un de nouvelles formes organisationnelles,
rement supérieurs à la moyenne. L’impor- renforcement des prescriptions et des mais provoquent une réaction de l'orga-
tance relative du travail en équipe et de la contrôles sur le travail et un accroisse- nisation pré-existante, qui se voit le plus
rotation des tâches souligne l’ampleur que ment de la polyvalence et de l’autonomie souvent obligée d'évoluer.
prennent les formes flexibles d’organisa- procédurale des salariés.
tion taylorienne du travail, que ce soit sous Mettre en place une stratégie Industrie
la forme d’un « taylorisme flexible » ou d’un Transformer les organisations 4.0 peut conduire à plus d’autonomie, à
« taylorisme assisté par ordinateur ». un enrichissement des fonctions, à de
Faire évoluer l'organisation de l'entre- nouvelles organisations plus flexibles
Les organisations de structure prise, de la production, du travail, moder- permettant le développement des compé-
niser la production de biens ou de ser- tences individuelles, et créer des oppor-
simple
vices, réduire les délais et les coûts de tunités pour un meilleur équilibre entre
Elles tendent à s’opposer aux secondes et production, élever la qualité, innover, pro- le travail et la vie hors travail. Mais elles
se caractérisent essentiellement par une duire au plus juste, transformer les com- peuvent induire une taylorisation accrue
sous-représentation de presque toutes pétences et les métiers… voilà les défis de certaines tâches, une surveillance des
les variables d’organisation. Le travail n’y auxquels l'entreprise est régulièrement salariés et une augmentation des risques
est pas très autonome, à faible contenu confrontée. de stress. 

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #57


Quatre secteurs clés
et leurs enjeux
de modernisation

Les priorités de modernisation sont différenciées par


secteur, même si différentes analyses font ressortir une
priorité de modernisation partagée pour l'ensemble de
l'industrie : la conception produit/process.
Dans un contexte de compétition mondiale, la réalisa-
tion de produits différenciés aux meilleurs coûts est une
préoccupation majeure qui nécessite une conception et
une optimisation conjointe du produit et du process (mi-
nimisant les pertes de matières, les rebuts, les temps
morts, l'énergie utilisée…).
De même, la dimension humaine liée à ce domaine ex-
plique l'importance que revêtent les opportunités de
modernisation qui s'y rattachent (réduction de la pénibi-
lité du travail des opérateurs, maximisation de la valeur
ajoutée du facteur travail …).

58#
 Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014
Les enjeux de la modernisation

Secteur Métallurgie

S
idérurgie, fonderie, transforma- Pour l’industrie métallurgique, l’adaptation aux variations de
tion des métaux, construction volumes et aux demandes de nouvelles références des donneurs d'ordres
mécanique, navale, aéronautique, requière réactivité (tailles de séries hétérogènes) et flexibilité (références
spatiale, ferroviaire et automobile, com- nombreuses).
posants et équipements électriques et
électroniques, appareils électroména-
gers, la métallurgie est indispensable à
de très nombreux secteurs d'activités.
Avec 1,5 millions de salariés, la filière
Cartographie des priorités de modernisation
représente près de la moitié de l'emploi
industriel français. L’Hexagone est le 11e
du secteur fabrication de pièces et produits en métal
pays producteur de métal au niveau mon-
dial, loin derrière la Chine, le Japon, les
Etats-Unis et la Russie. En attendant,
tous les industriels sont unanimes.

Face à la mutation de la demande d'une


part et à la concurrence de pays émer-
gents qui bénéficient d'un avantage de
coûts significatif d’autre part, la montée
en gamme de la production est une condi-
tion indispensable à la pérennisation du
secteur. Charge ainsi aux entreprises de
métallurgie de développer des capacités
de gestion de petites séries de pièces,
dans de multiples références.

Or pour cela, les chaînes de production


se doivent d’être flexibles. L’utilisation de
machines haute performance, de robots

Les priorités de modernisation pour les fabricants de pièces et produits en métal


Enjeux de modernisation concernent la conception produit/process, les équipements de planification/commande,
> Besoin de flexibilité des chaînes de couplés à des machines plus précises et flexibles.
production.
> Utilisation de machines et de robots
programmables aux actions adap- et d’outils de supervision automatisés et caractéristiques techniques particulières
tables. agiles (réduction des temps de reprogram- en termes de résistance et de durée de
mation, de transition, etc.) est de mise. vie. Dans cette logique de différenciation,
> Outils de supervision automatisés et
agiles (réduction des temps de repro- le développement de procédés industriels
grammation, de transition, etc.). Des caractéristiques innovants et l'utilisation de machines
performantes en termes de précision
> Développement de procédés indus- techniques innovantes
triels différenciants et innovants. s'avèrent nécessaires.
> Maîtrise de technologies non répli- L'utilisation d'outils de conception pro-
cables. duit comme la CFAO, mais également de L’innovation produit est également im-
conception de ligne apparait tout aussi portante pour justifier des écarts de prix
> Performance produits (résistance
des produits, durée de vie, etc.). nécessaire pour soutenir une production significatifs. Les pièces produites doivent
de ce type. Ces mêmes outils permettent présenter des caractéristiques tech-
> Mise en place d'unités de production
fortement automatisées, de machines de modéliser des pièces sophistiquées niques innovantes mais surtout diffici-
à haute performance. (dans l’aéronautique par exemple) certes lement reproductibles par des pays aux
plus complexes à réaliser, mais ayant des coûts salariaux minimes. 

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #59


Les enjeux de la modernisation

Secteur Automobile

L’industrie automobile est soumise à de nouveaux défis straté- Renforcer la personnalisation


giques, que ce soit en matière de consommation d’énergie, de protection des voitures
de l’environnement, de personnalisation, de réactivité. Autant de problé-
matiques qui nécessitent pour les constructeurs et équipementiers de Dans ce contexte de concurrence accrue,
rang 1 et 2, des transformations de leurs méthodes de production. constructeurs et équipementiers ren-
forcent la personnalisation des voitures.
Que ce soit les éléments de carrosserie,
les jantes, la couleur de l'habitacle… Une
personnalisation qui impose de pouvoir

«M
ois après mois, les chiffres veloppe ainsi la démarche NOVA au sein s'adapter à des séries plus réduites.
des ventes en Europe tra- de laquelle les chercheurs travaillent sur
duisent la désaffection de la robotique collaborative (ou la «  cobo- Pour faire face à cette nouvelle contrainte
la clientèle envers l’achat d’automobiles. tique »). Le principe : imaginer des robots de multiplication des modèles et des
En 2012, il s’est vendu 7,1 % de véhicules pouvant évoluer hors des zones sécuri- références, l’outil de production des in-
en moins par rapport à 2011. C’est 18 % de sées dans lesquelles ils sont actuelle- dustriels de l’automobile se doit d’être
moins qu’en 2007, soit près de 2 millions ment confinés pour raison de sécurité. flexible et interconnecté avec l’amont (les
de voitures disparues alors que la produc- La réduction des coûts se fait aussi au sous-traitants) et l'aval de l'usine (les
tion mondiale devrait continuer à croître niveau de la conception produits/process, concessions). Les lignes de production
de 3 % en 2012 » estime Jean-Pierre Cor- notamment par le recours à des logi- seront plus petites et plus nombreuses
niou dans son livre « 1,2 milliards d’auto- ciels toujours plus performants (CFAO, et les machines multi-opérations afin de
mobiles 7 milliards de terriens, la cohabi- PLM, MES, GMAO) et au prototypage par s'adapter à des carnets de commande
tation est-elle possible ? ». impression 3D. Le PLM, par exemple, plus fluctuants. La production va gagner
permet entre autres de réduire le temps en flexibilité et sera plus personnalisée et
Réduire les coûts de production entre la conception et la mise sur le mar- réactive. Les quantités produites seront
ché des produits et le coût des prototypes. modulables en temps réel.
La demande dans le secteur automobile
en Europe et plus particulièrement en Enjeux de modernisation
France a fortement diminué ces dernières
années, parallèlement à l'émergence de > Flexibilité accrue de l'outil de production : – lignes de production plus petites et
nouveaux acteurs sur le marché. Pour plus nombreuses pour s'adapter à des carnets de commande plus fluctuants – ma-
chines polyvalentes, capables de s'adapter à plusieurs opérations.
parvenir à réduire les coûts de produc-
> Machines plus productives (centres de transfert, tours multibroches, etc.) : auto-
tion et maintenir une marge acceptable
matisation et robotisation.
dans un marché très concurrentiel, déve-
> Réduction des coûts de développement/conception(CFAOintégrés, MES), prototy-
lopper la productivité et la précision des page par impression 3D.
machines (centres de transfert, tours
> Automatisation du contrôle des lignes et agilité accrue des programmations de
multibroches) par l’automatisation et la machine.
robotisation est indispensable. > Intégration avancée de la supply-chain(fournisseurs, intégrateurs, systémiers,
assembleurs) et des circuits de distribution(prévision de la demande), PLM.
Pour mettre au point de nouvelles voies > Intégration de nouveaux matériaux (aluminium, composites…).
d'automatisation et faire évoluer leur > Précision accrue (downsizing des moteurs…).
équipement robotique, le groupe PSA dé-

60#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


Sur une même unité, on pourra passer Cartographie des priorités de modernisation
très rapidement de la production d'une du secteur automobile
voiture deux places à celle d'une quatre
places. La mise sur le marché d'un pro-
duit sera également beaucoup plus
rapide. Si auparavant un constructeur
mettait trois mois pour programmer et
paramétrer un atelier de montage pour
une nouvelle voiture, une usine 4.0 le fera
en trois jours. En effet, tous les éléments
de la chaîne seront numérisés, connectés
et donc paramétrables simultanément.

A terme, l'automatisation du contrôle


des lignes, l’agilité accrue des program-
Pour répondre aux contraintes des constructeurs, les fournisseurs de pièces automo-
mations de machines, et l'intégration
biles doivent rendre leur outil industriel plus flexible. Mises au regard du niveau de
avancée de la supply chain (fournisseurs, maturité actuel de l'outil de production, les priorités conduisent à se rapprocher de
intégrateurs, systémiers, assembleurs) l'industrie 4.0 avec davantage d'interconnexions avec l'amont et l'aval de l'usine, entre
et des circuits de distribution (prévision machines, et entre les machines et les pièces. Vu des équipementiers de rang 2 et 3, il
de la demande, PLM) rendront l'appareil s'agit plus d'automatiser davantage la gestion des flux et de gagner en flexibilité, de la
conception produit/process à la conduite des opérations. La recherche de flexibilité (en
charge, mais aussi pour faire face à la diversité) nécessite également de repenser les
L’usine virtuelle de Ford organisations.
Précurseur en la matière, le construc-
teur automobile Ford développait
productif plus souple et réactif et à même de soudage (par friction, laser, hybride
en 2012, une usine virtuelle afin de
de s'adapter aux variations de volumes. laser, plasma), les nouvelles méthodes
simuler la production des chaînes
d’assemblage. Un projet permet- de tissage et moulage de matériaux com-
tant d’analyser toutes les phases de Des véhicules peu posites, les techniques d’assemblages
construction d’un véhicule avec pour multimatériaux, la fabrication directe de
consommateurs
objectifs une réduction des coûts et pièces (par frittage, fusion, impression
une amélioration de la qualité. La voiture écologique et économique 3D…) ou encore l’usinage grande vitesse.
Pour ce faire, Ford s’est doté de camé- consommant moins de 2 l/100km fait l’ob-
ras sophistiquées pour filmer et nu- jet d’un programme de la nouvelle France A titre d’exemple, en matière d’utilisation
mériser ses usines réelles, puis créer industrielle. L’objectif  ? Développer de de matériaux composites destinés aux
des ateliers de montage tridimension- nouvelles technologies économes en car- carrosseries de voitures, les constructeurs
nels ultra-réalistes. Les ingénieurs burant, en associant l’hybridation des mo- anticipent tous les changements  : actuel-
travaillent ainsi sur des «  séquences teurs, l’allégement des véhicules, la réduc- lement l'acier arrive en rouleaux pour être
virtuelles de montage  » et des ana- tion des pertes mécaniques de la conduite découpé, formé, soudé, avant d’être monté,
lyses interactives de voitures en 3D.
et une meilleure sécurité au volant. habillé, peint. Demain avec les composites,
Afin d’éliminer les postures pénibles il faudra tisser, presser, injecter, remplir...
et optimiser les différentes étapes de L’augmentation constante du prix des De nouveaux métiers, de nouvelles ma-
l’assemblage, un employé virtuel pré- carburants ainsi que les préoccupa- chines, de nouveaux robots apparaissent.
nommé Jack, reproduit les gestes au tions environnementales et de monde
quotidien des opérateurs de chaîne.
«  décarboné  » incitent les constructeurs Autre piste explorée  : l’amélioration des
A Dearborne (Michigan) et à Cologne à concevoir des véhicules plus légers moteurs thermiques et des carburants et
(Allemagne), le constructeur étu- consommant moins sans pour autant en la réduction des cylindrées des moteurs
die également les habitacles de ses augmenter le prix. (downsizing).
modèles en cours de développement
sur un dispositif baptisé CAVE (Cave
Trois principales voies sont envisagées Enfin, le troisième axe pour le dévelop-
Automatic Virtual Environment). Ce
système, qui reproduit virtuellement pour cela. La première d’entre elles, pement de véhicules moins polluants est
l'environnement (intérieur et exté- consiste à alléger le véhicule. Un allége- l’électrification des fonctions du véhicule.
rieur) permet de tester l'habitacle ment pouvant être réalisé par l’apport de Les voitures utilisent depuis longtemps
du véhicule -  visibilité, accessibi- nouveaux matériaux (aluminium pour les l’électronique et l’électricité pour com-
lité des instruments, ergonomie des carrosseries, carbones, composites…), mander des fonctions ou assister ces
commandes, habitabilité ou encore mais aussi par la mise en œuvre de pro- fonctions (freinage, direction…) La ten-
luminosité  - avant de passer à la fa- cédés d’assemblage pour produire des dance est maintenant à l’électrification
brication d’un prototype et ainsi éco- pièces toujours plus fiables avec moins de la propulsion à travers l’hybridation
nomiser temps et argent.
de ressources  : les techniques avancées légère, moyenne ou lourde. 

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #61


Les enjeux de la modernisation

Secteur Aéronautique

Avec une forte augmentation des cadences de production des as- Sécuriser les chaînes
sembleurs et de leurs fournisseurs, et un objectif de « zéro défaut », le de production
secteur aéronautique tire les autres industries vers le 4.0.
Afin de sécuriser cette production soute-
nue, il est nécessaire à la fois d'investir
en amont dans la conception produit/pro-
cess, mais aussi tout au long de la chaine
de production en renforçant les dispositifs

A
l'inverse du secteur automo- lions d’emplois. Entre 8 % et 17 % de ces de mesure et de traçabilité  : capteurs,
bile, l'aéronautique connait une 600 milliards d’euros de chiffre d’affaires machines auto-correctrices, intégration
belle croissance. Les livraisons seraient consacrés à la recherche et dé- des ERP, etc.
d’avions par Airbus et Boeing atteignent veloppement. C’est deux fois plus que la
aujourd’hui le millier d’appareils par an moyenne des secteurs industriels. Cela passe dans un premier temps par le
pour un trafic passager également en marquage des pièces, l'utilisation de sys-
constante augmentation. Cette demande croissante pousse les tèmes de gravure laser, puis par l'enregis-
deux géants ainsi que l'ensemble de la trement et le stockage de leur historique :
Selon l’ACARE (Advisory Council for Avia- filière, à augmenter leurs cadences de conditions de production, opérateurs res-
tion Research and Innovation in Europe), production. Cela suppose la création de ponsables de la fabrication… La simula-
le secteur aéronautique européen avec nouvelles chaines de production auto- tion complète des lignes de montage, le
plus de 400 compagnies aériennes, 700 matisées intégrant des machines de pro- pilotage au plus prêt des unités, l’utilisa-
aéroports commerciaux et 600 millions de duction à haute performance comme des tion de solutions de MES, le prototypage
passagers représente un chiffre d’affaires machines-outils cinq axes, des centres de 3D sont autant d’enjeux de modernisation
de 600 milliards d’euros et près de 9 mil- transfert multi-opérations… pour le secteur aéronautique.

Enjeux de modernisation
> Création de nouvelles chaînes de production.
> Automatisation des processus de transformation et de l'environnement machine.
> Mise en place de machines à haute performance : centre de transfert multi-opérations, robots 5 axes, etc.
> Développement de systèmes de sécurisation de la chaîne de production (systèmes de contrôles, intégration des ERP, etc.).
> Simulation complète des lignes de montage, pilotage au plus prêt des unités, utilisation de solutions de MES, prototypage 3D.
> Contrôle qualité, exigence de traçabilité élevée, tolérance resserrée, qui constituent une barrière à l'entrée pour les fournisseurs
(gravage laser, systèmes de suivi, etc.).
> Développement de nouveaux procédés de traitement de la matière, de machines capables d'usiner de nouveaux matériaux (ex :
tissage 3D de matériaux composites, Titane-Aluminium, usinage du composite...).
> Tolérances resserrées, précision accrue des machines.

62#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


La conception des avions est aujourd’hui
Le projet usine du futur d’Airbus
100% numérique, Dassault Aviation ayant
été pionnier dans le passage à la simu- Visée laser et puces RFID pour l’ajustement des pièces, cobot et réalité augmentée,
lation numérique. La maquette numé- tablettes au poignet pour guider les étapes d’assemblage… En 2025, l’assemblage
rique permet de s’affranchir des proto- d’un avion Airbus mettra en œuvre les technologies les plus avancées. Cette usine
types physiques et de réaliser des gains du futur est le résultat d’une année de travail mené par une équipe interne d’environ
de temps substantiels, de la phase de 200 personnes. Si certaines technologies sont déjà mises en œuvre, comme le robot
conception à celle de la production. de rivetage, d’autres nécessitent encore d’importants travaux de développement à
l’instar de la projection de circuits électroniques. Résultat attendu avec cette armada
Face à des coûts unitaires et de mainte- de technologies : un bond d’efficacité dans l’assemblage des avions. Selon le direc-
nance élevés des pièces, le contrôle qua- teur de l’ingénierie de production chez Airbus, le coût de production et le temps de
lité est de mise. Il devient d’autant plus cycle pourrait être réduit de moitié.
important que l’exigence première des

Cartographie des priorités de modernisation des émissions de CO2 de plus de 70  %,


du secteur aéronautique des émissions de NOx de 90 % et du bruit
de 75  %. Des résultats obtenus grâce à
l’optimisation des avions et de leur mode
d’exploitation, et à l’innovation.

La réduction du poids des matériaux est


clef dans l'aéronautique. Les dernières
générations d’avion, notamment l’Airbus
A350 XWB, le Boeing 787 ou encore le
futur Dassault Falcon, font ainsi la part
belle aux matériaux composites pour les
éléments de structure ou de voilure (53 %
de la masse de la structure primaire est
en matériaux composites dans l’A350).

Le démonstrateur «  Avion tout com-


posite  » initié dans le cadre du grand
emprunt par le Corac (Conseil pour la
recherche aéronautique civile) vise à réa-
liser des gains de près d’une tonne sur
les fuselages actuels, ce qui permettrait
d’économiser 175 tonnes de kérosène
par an et par avion.

Plusieurs prototypes comme l’E-Fan,


Les différents défis stratégiques peuvent être mis en regard de la maturité actuelle
du système productif du secteur. Il en ressort des priorités d'investissement dans la l’avion-école biplace 100 électrique,
conception produit/process, dans un pilotage renforcé des lignes (traçabilité, intégra- l’A30X, successeur de l’A320, le Falcon 5X,
tion des flux…) et une amélioration de la précision des opérations réalisées par un successeur du Falcon 2000 ou encore les
nombre croissant d'automates. hélicoptères X4 et X6, successeurs res-
pectifs des modèles Dauphin et Super
équipementiers est bien la sécurité des nécessité de réduire sans cesse les coûts Puma, sont en cours de développement.
passagers. Une exigence de traçabilité et d'exploitation des avions. En moins d’une Reste toutefois à ne pas compromettre
de tolérance resserrée qui constitue une génération, les impératifs d’un transport leur fiabilité quitte aussi à allonger la du-
barrière à l'entrée pour les fournisseurs aérien toujours «  plus haut, plus loin, rée de vie des composants.
(gravage laser, systèmes de suivi, etc.). La plus vite  » ont cédé la place à la vision
simulation intervient le plus amont pos- 2020, celle d’un transport «  plus éco- Afin d'y parvenir, les différents acteurs de
sible afin de valider la maturité des sys- nomique, plus sûr, plus propre, moins la filière développent de nouveaux pro-
tèmes. bruyant  » (source rapport de l’ACARE cédés de traitement de la matière ainsi
Vision 2020). que des machines capables d'usiner de
Réduire la masse des avions nouveaux matériaux. Le tissage 3D de
Au cours des 40 dernières années, l’in- matériaux composites figure parmi les
Autre enjeu du secteur, celui de l’inno- dustrie aéronautique a assuré une réduc- enjeux de modernisation de l’appareil
vation produit, guidé pour partie par la tion de la consommation de carburant et productif. 

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #63


Les enjeux de la modernisation

Secteur Agroalimentaire

Concevoir des lignes de production intégrant des normes d’hygiène besoin de machines polyvalentes, facile-
et de sécurité alimentaire renforcées tout en permettant un renouvelle- ment adaptables. La standardisation ou
ment accéléré des produits (composants, packaging…) est un enjeu de modularisation des modes de production
taille pour le secteur alimentaire. est un autre enjeu à laquelle doit répondre
le secteur.

L’interconnexion des systèmes de pilotage


et de commande avec l'extérieur est éga-

A
vec près de 13  000 entreprises, difficultés économiques ont mis en évi- lement importante pour une intégration
600 salariés et un chiffre d’affaires dence la nécessité de concentration d’une accrue avec les réseaux de distribution.
de 160,5 milliards d’euros, l’agro- industrie relativement fragmentée. Une Enfin, dans une industrie de semi-pro-
alimentaire est la première filière indus- manière d’accroître la taille critique et cess, la réduction des coûts unitaires
trielle de France et l’une des seules à ainsi de réduire les coûts unitaires. Selon passera également par la réduction des
avoir résisté au phénomène de désindus- le cabinet Roland Berger, cette nécessaire frais de maintenance  : télémaintenance,
trialisation. concentration doit s'accompagner d'une maintenance prédictive...
automatisation des unités de production
Si l’industrie agroalimentaire dispose et permettre de réduire les coûts uni- Renforcer la sécurité sanitaire
d’avantages comparatifs réels : un amont taires tout en s'adaptant à la multiplicité
des aliments
agricole fort, un savoir-faire industriel et des références (flexibilité).
scientifique reconnu, des dispositifs opé- Des concombres contaminés en 2011
rationnels de contrôles de la qualité et de Face à la nécessité de rationaliser les aux plats préparés à la viande de cheval
la sécurité sanitaire, elle est confrontée gammes de produits tout en permettant en 2013, les crises alimentaires ne sont
à des défis de taille, aussi bien sociétaux un renouvellement régulier des réfé- pas passées inaperçues. Afin de renfor-
qu’économiques, sanitaires et environ- rences (marketing produit), il y a un fort cer la traçabilité des produits et garan-
nementaux. Les modes de consomma-
tion se sophistiquent, avec une orienta- Enjeux de modernisation
tion de l’alimentation vers la santé et le
bien-être. Les consommateurs sont plus > Modernisation et automatisation des unités de production les plus artisanales.
vigilants vis-à-vis de la qualité et la traça- > Besoin de machines polyvalentes, facilement adaptables.
bilité de ce qu’ils mangent et de l’impact > Nécessité de standardiser les modes de production ou modularisation.
environnemental. > Pour l'emballage, recherche de technologies traditionnelles et de coûts machines
limités pour renouvellement régulier.
Réduire les coûts unitaires > Mise en place d'équipements et de systèmes de contrôle de la qualité et de la
traçabilité.
Doux, Gad, Marine Harvest, Tilly Sabco… > Mise en place d'outils de mesure des conditions de production (capteurs ther-
On ne compte plus les groupes indus- miques, hygrométriques, puces RFID…).
triels dans le secteur agroalimentaire > Interconnexion des systèmes de pilotage et de commande avec l'extérieur.
qui ont subi de plein fouet la crise. Ces

64#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


Un pacte pour l’investissement productif dans l’agro-alimentaire
Alors que la concurrence européenne et mondiale affiche une montée en puissance continue, la filière agro-alimentaire doit
aujourd’hui investir dans la modernisation et l’automatisation de ses outils productifs, dans le développement et le lancement de
nouveaux produits à forte valeur ajoutée, dans la transition écologique. Le 12 juin dernier, Stéphane Le Foll, ministre de l’Agricul-
ture, Guillaume Garot, ministre chargé de l’Agroalimentaire et l’association des régions de France signaient un pacte pour l’inves-
tissement productif dans l’agro-alimentaire. « Nous voulons construire l’usine du futur, robotiser, former, innover et développer
l’exportation », soulignait Alain Rousset, le président de l’Association des Régions de France, ajoutant que la « France avait pris du
retard dans la modernisation des usines agroalimentaires, par rapport à l’Italie et l’Allemagne ».
Initialement écartée des 34 plans de la nouvelle France industrielle définis par Arnaud Montebourg, la filière s’est également
mobilisée pour donner lieu à un plan baptisé « produits innovants pour une alimentation sûre, saine et durable ».
Près de 530 projets ont été analysés pour un budget total de 2 milliards d’euros et répondant à cinq ambitions. Parmi elles, recon-
quérir la compétitivité des métiers de la viande avec comme projet le développement d’un automate de découpe adapté au canard
visant à intégrer des systèmes de reconnaissance 3D et la robotisation du pliage et de la dépose des cuirs de bovins sur palette.
La filière tient aussi à s’imposer dans les emballages du futur avec l’intégration de puces permettant la géolocalisation de pro-
duits fragiles. Par ailleurs, l’accent est mis aussi sur la garantie de qualité et de sécurité des aliments par des technologies de
contrôles plus précises et rapides. Parmi les projets étudiés : la mise au point d’un procédé PCR (Polymerase chain Reaction) en
temps réel afin de détecter des bactéries pathogènes et le développement de capteurs visant à repérer des traces de résidus dans
les opérations de nettoyage.

tir le respect des normes d'hygiène, des Plus que d’améliorer la sécurité sanitaire la bière peut être rapidement détectée et
équipements et des systèmes de contrôle des aliments tout en assurant une meil- ainsi permettre les décisions ad hoc. Les
de la qualité et de la traçabilité ainsi que leure traçabilité, les capteurs pour le suivi capteurs peuvent également être utili-
des outils de mesure des conditions de en temps réel répondent également au sés au contact direct des aliments via les
production (capteurs thermiques, hygro- besoin de suivi des bioprocédés indus- emballages. Le marché mondial de ces
métriques, puces RFID…) sont indispen- triels. Par exemple, la présence d’une nouveaux emballages appelés actifs et
sables. bactérie dans un liquide tel que le lait ou intelligents augmente chaque année. 

Cartographie des priorités de modernisation


du secteur agroalimentaire

Au regard de la maturité actuelle de l'outil de production des industriels français de


l'agroalimentaire, les priorités de modernisation concernent le pilotage/contrôle mais
aussi la flexibilisation des opérations, tout en réduisant les temps et coûts de mainte-
nance des machines.

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #65


Les enjeux de la modernisation

Direction l’Usine du Futur


Interview de Tahar Melliti - Conseiller chargé de l'innovation et de la nouvelle économie
industrielle au cabinet du ministre de l'Économie, du Redressement Productif
et du Numérique. En charge notamment du plan Usine du Futur.

Gimélec : Le plan 34 - Usine du Futur - pas des fournisseurs d’équipements, ont pour beaucoup du retard en termes
se décline en deux axes principaux, des constructeurs de machines perfor- d’outil industriel. Et notre ministre tient
le développement d’une offre fran- mants, nous n’y arriverons pas. à ce que cette dimension PME puisse
çaise et une meilleure diffusion des être menée directement par les régions
méthodes et outils de production Nous devons nous muscler en France qui connaissent le mieux leur tissus éco-
dans nos entreprises. Commençons sur ces deux aspects, créer un envi- nomique local et donc vont s’approprier
par la seconde partie. ronnement facilitateur (équipemen- ce travail auprès des industriels.
tiers, fournisseurs…) pour qu’ensuite
Roland Berger note dans son rapport les grands groupes, les ETI et les PME Certaines régions ont déjà lancé un ap-
une stagnation des investissements utilisent les technologies et équipe- pel à projets auprès des PME qui sou-
des grands groupes en France mais ments fournis par ces équipementiers et haitent franchir le pas vers l’excellence
aussi une augmentation de leurs in- constructeurs de machines. industrielle. A partir des demandes ex-
vestissements, de 43 %, à l’interna-
tional. Comment les inciter à investir
plus en France ? C’est tout un « meccano » de politique
Tahar Melliti : C’est le cheval de bataille industrielle qui a été engagé.
du ministre (voir note de fin d’article), de
trouver toutes les solutions pour que nos
industriels produisent et investissent en Gimélec  : Justement, les Grands primées par ces industriels, les régions
France. Il existe déjà certaines briques Groupes pourraient les «  emme- vont confier le diagnostic à des consul-
faisant suite au rapport Gallois comme ner », avec eux, à l’export ? tants spécialisés.
le CICE… Il n’en reste pas moins que ces
grands groupes, qui ont des capacités Tahar Melliti : C’est notre objectif, et un Gimélec : Nous avons des consultants
industrielles et investissent, ont besoin moyen de combler notre déficit. C’est formés pour faire ce travail ?
d’acteurs industriels de Rang 2, de très tout l’écosystème des outils de pro-
bon niveau, sur lesquels ils puissent duction que le ministre souhaite créer Tahar Melliti : C’est l’une des contraintes,
s’appuyer pour être encore plus produc- avec ce plan Usine du Futur, des Grands pour cela nous constituons une sorte
tifs et compétitifs, c’est une composante Groupes aux PME. de cahier des charges du «  diagnos-
qui est trop souvent oubliée dans les tiqueur  ». C’est primordial, au niveau
diagnostics des freins à l’investissement Gimélec  : Parlons des PME. Pour les national il nous faut des critères de
des entreprises en France. inciter à moderniser leur outil de qualité qui s’adressent à tous, avec le
production, on a parlé de diagnostic même niveau d’exigence, les « diagnos-
Gimélec : Si je poursuis votre raison- auprès de 2 à 3.000 PME. Qui va faire tiqueurs  » doivent avoir la même base
nement, pour avoir une Usine du ce gigantesque travail ? Qui pour les de réflexion tout en tenant compte du fait
Futur cohérente toute la chaîne de former, certaines initiatives passées que les métiers des PME sont différents.
valeur doit exister. Or, les ensem- ayant montré les limites du concept ? Après, sur le terrain, l’organisation dans
bliers, intégrateurs et fournisseurs les régions sera différente, mais le cœur
de biens d’équipement existent en Tahar Melliti  : Les PME sont un volet du diagnostic sera commun.
France, mais pour les Constructeurs essentiel du plan. La démarche choisie
de machines, le manque est criant. n’a rien à voir avec ce qui a pu se faire Ces acteurs du diagnostic seront finan-
Que faire ? dans le passé. cés par les régions, mais attention il
ne s’agit pas de passer trois mois dans
Tahar Melliti  : La constitution d’une Comprenez que nous souhaitons faire chaque entreprise. L’objectif est d’ap-
offre technologique, au meilleur niveau « sauter » une classe aux PME comme porter un œil extérieur et d’identifier les
mondial, est essentielle. Si nous n’avons le dit souvent le ministre. Nos industries problèmes principaux, les marges de

66#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


progrès flagrantes. C’est une première
phase indispensable.

Gimélec : Cette étape franchie, sur le


plan financement, quelles actions
? On parle de période d’amortis-
sement, d’un crédit vendeur avec
garantie apportée par l’Etat… qu’en
est-il ?

Tahar Melliti : Les préconisations faites,


ces PME pourront être financées par
l’enveloppe fléchée, dans le cadre de
la BPI pour le plan Usine du Futur, de
l’ordre d’un milliard d’euros. C’est le
financement direct.

Par ailleurs, nous mettons en place tout


un panel de soutiens comme les amor-
tissements accélérés pour les investis-
sements productifs qui pourront être en-
gagés dès janvier 2015. Notre volonté est Tahar Melliti
d’aider les PME qui le souhaitent et qui
en ont le potentiel, suite au diagnostic, à
 Conseiller chargé de l'innovation et de la nouvelle économie
sauter une « classe d’efficacité » comme
industrielle au cabinet du ministre de l'Économie, du
je le disais tout à l’heure. Redressement Productif et du Numérique.
 Responsable Europe du réseau de distribution Valeo Clim
Gimélec  : Plus généralement, com- Service chez Valeo (2000-2002).
ment aider ces PME à devenir des  Sous-directeur, responsable de l’entité « analyse des risques et
ETI (problème de transmission, réti- rentabilité des projets » chez PSA Peugeot Citroën (2003-2006).
cence au regroupement, problème
d’export…) ?  Responsable des programmes « énergie, environnement,
transport » à l'agence de l'innovation industrielle (2006-2009).
Tahar Melliti  : C’est bien notre objectif,  Chef du département des technologies solaires au commissariat
aider les PME afin qu’elles grossissent à l’énergie atomique et aux énergies alternatives et directeur de
que ce soit par croissance interne, par l’INES (Institut National de l’énergie Solaire (2009-2010).
regroupement… tous ces mécanismes  Conseiller énergie et directeur délégué du programme
sont engagés en parallèle.
« transports » au commissariat général à l'investissement dans
les services du Premier Ministre (2010-2012).
C’est plus généralement un travail de
fond qui a été engagé par le ministre, sur
toute l’industrie française. Il concerne
tout aussi bien l’outil de production que
la frilosité de certaines PME à collaborer, Tahar Melliti  : Nous apportons modes- réelle et non dans un laboratoire. Ces
que la constitution d’une nouvelle offre tement deux réponses dans le cadre du vitrines seront composées avec un maxi-
produit innovante et en rupture (les 33 plan Usine du Futur mum de matériels et de compétences
plans industriels au côté de ce 34ème plan françaises et très souvent provenant de
destiné à l’Usine du Futur)... c’est tout un La partie « projet pilote » qui est essen- nos ETI, PME, voire Start-up. Les indus-
« meccano » de politique industrielle qui tielle. Nous voulons pousser les grands triels mondiaux verront nos vitrines, nos
a été engagé. L’outil de production doit groupes à installer des vitrines tech- compétences... de quoi les pousser à
être une source de compétitivité dans les nologiques de production, et cela pour profiter de nos savoir-faire. C'est égale-
prochaines années, c'est un levier majeur. chaque famille d’innovation majeure. ment pour nos industriels une possibili-
té de gagner des marchés « en meute ».
Gimélec  : Comment faire travailler C’est un moyen de montrer, au monde,
ensemble nos Grands Groupes et que la France dispose des technologies La deuxième chose, ce sont des pro-
nos PME ? Reconnaissez que, sur ce les plus avancées et les plus compéti- grammes régionaux d’excellence indus-
point, les Allemands sont plus « pa- tives mais surtout qu’elles fonctionnent, trielle, ils pourront par exemple être
triotes » ? le tout au sein d’une ligne de production constitués de lieux dans lesquels seront

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #67


mutualisées les compétences de nos pièces de grande dimension (un mètre) Objets va devenir l’une des composantes
industriels sur des métiers transverses. et vitesse de production accélérée. technologiques majeure de cette révolu-
Trop souvent, une entreprise qui a déve- tion.
loppé des technologies métiers révolu- Notre objectif est de renforcer ce type de
tionnaires les conserve en interne. Notre leaders pour qu’ils deviennent nos têtes En France, nous avons des entreprises
idée est d’inciter les industriels à parta- de pont. Nous pourrions également citer leaders comme Dassault Systèmes,
ger leurs compétences techniques. Tous le secteur du composite qui va accélérer Fives, ou Schneider Electric… des ac-
ensemble. son introduction dans l’industrie. teurs industriels qui, s’ils discutent en-
semble, peuvent apporter des solutions
Gimélec  : Que pensez-vous juste- Gimélec  : Dans le domaine de la ro- qui s’imposeront sur le plan mondial.
ment des investissements partagés, botique, quelle direction face aux
comme le pratique par exemple le géants japonais, allemands ou sué- Gimélec  : Aider à créer des leaders
Cetim, avec le Partage des outils de dois ? dans les nouvelles technologies,
production  ? C’est ce type de dyna- c’est bien mais comment éviter la
mique que vous souhaitez enclen- Tahar Melliti  : C’est la robotique ma- revente à des étrangers, comme
cher ? riée et non pas opposée à l’Homme. cela s’est fait en robotique dans les
C’est le volet permettant de positionner années 90 ?
Tahar Melliti : Tout à fait, c’est une voie l’Homme au centre de l’usine de demain,
de partager des investissements lourds. mais c’est un homme qui sera aidé dans Tahar Melliti  : Depuis peu, un décret à
Il faut que les industriels se mutualisent, ses tâches les plus difficiles dans son l’initiative du ministre Arnaud Monte-
comme pour, par exemple, acquérir une environnement industriel. Dans les bourg nous aide à mieux nous protéger.
machine 3D. Cette solidarité des indus- diverses technologies de robotiques, la C’est un mécanisme qui permet de sau-
triels est extrêmement importante aux cobotique est celle qui est aujourd’hui vegarder certaines technologies phares,
yeux du ministre, c’est la solidarité entre stratégiques pour la France, aidées en
les industriels. particulier par l’Etat.

La culture du secret sur tout n’est pas


La solidarité des L’Etat aura son mot à dire. A l’inverse,
la meilleure solution possible, ce qui ne industriels est nous ne sommes pas opposés aux inves-
signifie évidemment pas l’ouverture de extrêmement importante tissements étrangers ou aux regroupe-
tous « les livres » de l’entreprise ; il ne ments… mais à certaines conditions.
faut pas être naïf  ! Mais, personne ne
aux yeux du ministre.
possède la science infuse sur l’ensemble Gimélec  : Le rapport de Roland Ber-
des techniques de production qui sont ger parle d’une Filière émiettée.
d’ailleurs souvent multi-filières et il faut la moins diffusée dans les usines, car Vous allez proposer quelque chose ?
un changement culturel pour croiser les encore en émergence, et donc que nous
compétences, les savoirs et savoir-faire souhaitons promouvoir pour nous posi- Tahar Melliti  : C’est effectivement l’une
entre filières. Il existe aujourd’hui encore tionner comme leader mondial. Je peux des conclusions intéressantes du rap-
des blocages, notamment, à certains ni- vous citer une entreprise comme RB3D port. Elle va dans le sens du plan Usine
veaux du management. qui est très active sur cette technologie du Futur qui doit devenir le fer de lance,
et qui va probablement, très rapide- et donc il serait logique d’avoir une
Gimélec  : Passons au volet offre ment, devenir un champion sur le plan structure cohérente, quelque chose
française. A vous écouter, il ne peut mondial. comme le CORAC pour l’aéronautique.
exister une industrie forte, sans un Nous verrons.
secteur des machines de production Gimélec  : Pour l’Internet Industriel
fort. Première technologie que vous des objets, quelle solution fran- Gimélec  : Caricaturalement on parle
avez relevée, c’est l’impression 3D. çaise ? Surtout que la partie la plus d’Industrie 4.0 comme quelque
Face aux Américains ? importante reste la communication chose d’allemand. Mais quelle dif-
et les Américains ont tiré les pre- férence avec l’Usine du Futur en
Tahar Melliti : Nous avons un leader fran- miers ? France ?
çais avec Gorgé qui, en peu de temps,
s’est imposé dans le secteur ; il est apte Tahar Melliti : Nous allons vers une pro- Tahar Melliti : Industrie 4.0 c’est unique-
à prendre une place de leader au niveau duction flexible, à la demande, des pro- ment l’aspect Usine Numérique, ce n’est
mondial, même s’il a des concurrents duits qui vont être quasiment définis et donc qu’une composante parmi d’autres
étrangers aujourd’hui bien positionnés. conçus par le consommateur. Il faudra de l’Usine du Futur « Made in France ».
Avec sa technologie le groupe Gorgé répondre rapidement à de telles exi- Dans notre plan, nous avons cette partie
apporte à ses clients deux avantages gences, quasiment en temps réel. Pour numérique, mais aussi une composante
compétitifs majeurs : perfection des réa- cela, il faudra réorganiser la production environnementale, une composante
lisations produites y compris pour des industrielle, et l’Internet Industriel des tournée sur les équipements industriels,

68#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


une autre regarde les nouveaux maté- Gimélec  : Quelle est l’articulation velles méthodes de production, mais
riaux (composites) ou encore formation, entre votre plan Usine du Futur, les lorsque l’on évoque de ramener les
partage des compétences… Regardez régions et le CNI plus orienté filière ? usines dans les centres villes, ce
tous les sujets que nous venons d’abor- n’est pas utopique ?
der, et vous noterez que la composante Tahar Melliti  : Dès l’origine du plan
numérique est présente, mais pas ex- Usine du Futur nous avons eu un groupe Tahar Melliti  : Pas du tout. Un nouvel
clusivement. « Offre » et un groupe « Demande », toute écosystème se met en place. La société
l’industrie et toutes les filières étaient se pose des questions en terme environ-
Gimélec : Et les jeunes diplômés 4.0, représentées, en cohérence avec le CNI. nemental, alors pourquoi ne pas mettre
ca existe ? les usines à proximité des lieux de vie,
Il était inconcevable de travailler sur même si bien entendu toutes les usines
Tahar Melliti  : Pas encore, mais la for- une Offre qui n’aurait pas été en phase ne seront pas concernées ?
mation fait partie du plan. C’est un volet avec la Demande. Les industriels de la
sur lequel nous travaillons avec le mi- demande ont cartographié les sujets sur Le producteur se rapproche du consom-
nistère de l’enseignement supérieur et lesquels ils souhaitaient que nous foca- mateur, aussi bien au niveau interna-
de la recherche. Trop d’écoles forment lisions les travaux car sources de gains tional que local. Demain tout sera mor-
dans chacune des technologies, et pas de compétitivité majeurs, c’est un travail celé, vous aurez des micro-entreprises
assez de manière transversale. qui a été réalisé de manière extrême- avec des outils de production efficaces
ment détaillé et c’est peut-être une pre- qui ne nécessiteront pas forcément des
C’est cet aspect système que les ingé- mière mondiale ! surfaces colossales. Ces entreprises se
nieurs et techniciens de demain doivent concentreront sur des niches métiers
s’approprier, une maîtrise globale et sys- Gimélec : Avec l’Usine du Futur, nous pour répondre aux demandes variées
témique. avons évoqué tout à l’heure de nou- des consommateurs. 

Cette interview a été réalisée à Bercy le 21 août 2014. Soit quelques jours seulement avant le départ d’Arnaud Montebourg.
Mais nul doute que l’impulsion voulue par l’exécutif restera similaire sur ce plan « Usine du Futur ».

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #69


Les enjeux de la modernisation

La nécessité d'intégrer
des compétences nouvelles

L
a fabrication et l'utilisation d'un ou- L'interconnexion entre machines, mais (Big Data Analytics) et de programma-
til de production industriel repose aussi de l'usine avec l'amont et l'aval, tion (maintenance prédictive). L'appareil
historiquement sur des compé- nécessite des compétences informa- de production lui-même crée davantage
tences en mécanique. Puis, les décen- tiques et réseau. Le recours à des com- d'informations qui, une fois analysées,
nies 1990 et 2000 avaient déjà connu pétences réseau et logiciel est renforcé permettent de rendre le processus
l'apparition de la mécatronique combi- par le dispositif de pilotage (de la ma- productif plus performant en termes de
nant mécanique et électronique (com- chine ou de la ligne) auto-apprenant. délais, de coûts de production, de flexi-
mande numérique…). bilité, de traçabilité, de précision.
Enfin, la priorité donnée à la conception Transversalement, la modernisation de
Les perspectives de l'industrie 4.0 sou- produit/process nécessite l'intégration l'outil de production passe par une plus
lignent la nécessaire intégration de de compétences additionnelles en ingé- grande intégration de différentes tech-
nouveaux champs disciplinaires tant nierie système, modélisation. Appliquée nologies. Le mouvement renforce le rôle
pour les acteurs de l'offre d'outils de à la maintenance, cette logique requiert des intégrateurs et des acteurs de la
production que pour les industriels. des compétences d'analyse de données conception produit/process. 

70#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


Interview de Frédéric Saint Geours, Président du GFI et de l’UIMM

L’évolution des effectifs de l'industrie manufactu- de perdre de la substance sur le travail que l’on faisait. Au
rière entre 1980 et 2007, selon l'Insee, est de - 36%. contraire, le salarié va réaliser quelque chose de supérieur
A l'inverse, entre 1995 et 2010, les effectifs de cadres à ce qu‘il faisait antérieurement, tout seul.
ont augmenté de 23 % selon l'Apec. L’industrie est en Il faut voir, par exemple, le métier de soudeur non pas
mutation forte ? comme le fait de réaliser des soudures, mais comme le
moyen de participer à l’élaboration d’un projet.
Ce sont deux évolutions caractéristiques de l’industrie
manufacturière et il est à noter que ces chiffres sont sem-
blables dans la plupart des pays industrialisés. Toutes ces évolutions techniques, c’est du chômage
Un élément a amplifié ce phénomène, à savoir l’externali- en devenir ?
sation d’activités qui étaient gérées à l’intérieur de l’indus-
trie et qui ont été transférées au secteur des services que Chaque fois que vous introduisez de nouvelles ma-
ce soit pour la maintenance ou le transport. chines, cela crée de nouveaux métiers liés à la mise
Concernant l’évolution des qualifications, nous avons assis- en œuvre de ces machines. Dans l’Usine du futur il y
té à une montée en gamme, ce qui ne signifie pas que nous aura bien évidemment des salariés, le défi sera d’être
n’ayons plus besoin de soudeurs ou de chaudronniers, au capable d’identifier les métiers qu’ils feront, et de les
contraire l’industrie en manque. attirer.
C’est un phénomène qu’il faudra gérer. Nous avons besoin
de recruter dans l’industrie manufacturière de l’ordre de
100 à 150.000 personnes par an sur les dix ans qui viennent
que ce soit pour des raisons de pyramides d’âges ou de
transformation des métiers, des technologies, des mar-
chés… qui imposent aux entreprises la recherche de nou-
veaux savoir–faire.
Le challenge de l’industrie française, si elle veut aller vers
l’Usine du futur, sera d’identifier, d’attirer et de former les

Crédit Photo Saint Geours Arnaud Février


personnes pendant les 10 ans qui viennent.

C’est aux entreprises d’accompagner les salariés ?

L’un des apports du dernier accord interprofessionnel sur


la formation est d’avoir créé un compte personnel de for-
mation qui n’est pas lié au travail du salarié ou du deman-
deur d’emplois, mais directement à la personne. Un choix
qui la responsabilise dans son parcours, et permet de
s’adapter à des métiers qui changent. Pour cela, l’image de l’Industrie change ?
Il faut être conscient que les entreprises ne peuvent pas
toutes seules former les personnels dont elles ont besoin, Depuis quatre/cinq ans, le développement de l’industrie
le dispositif public de formation est clé. est au cœur du débat économique français, parents, en-
Le défi est de trouver le bon équilibre entre formation gé- seignants, grand public s’intéressent à l’industrie. Nous
nérale pour structurer et formation répondant aux besoins avons même un dispositif itinérant, à l’UIMM, autour de
des entreprises. Si nous n’y parvenons pas, le risque sera projets technologiques, qui a déjà touché plus de 3.900
de devoir chercher le personnel hors de France. classes à travers la France. Nous faisons des études
d’impact avant et après le passage. Leur opinion change,
ils se rendent compte qu’il s’agit de métiers technolo-
Avec l’Industrie 4.0, on parle beaucoup de travail col- giques avec lesquels il est possible de bien gagner sa vie,
laboratif. C’est un changement important ? de métiers où il est possible d’évoluer ou de se déplacer à
l’international…
Il faut, dès la formation initiale, que le travail collaboratif soit
mis en avant. Il faut arrêter de penser que, dès lors que l’on Propos tenus lors du débat «  La Place de l'homme dans
partage des connaissances ou un travail, il existe un risque l'usine du futur », le jeudi 3 avril 2014.

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #71


Les enjeux de la modernisation

Quelle place pour l’Homme


dans l’industrie de demain ?
par Michel Roche, Conseiller en performance industrielle et en management.
Ex-Directeur des opérations monde produits composants et semi-finis du groupe Michelin.

L
e secteur industriel a toujours été production installés au cœur même des
en continuel mouvement. Une fois villages chargés de fabriquer en petites
de plus, il est entré dans une phase quantités, notamment grâce à l’évolu-
de profonde mutation, phase qui voit les tion technologique ( impression 3D…),
technologies numériques s’intégrer de les produits dont nous aurons besoin au
plus en plus au cœur des processus quotidien.
industriels.
L’intelligence de l’Homme
Partout dans le monde, on parle d’une
quatrième révolution industrielle don- Mais alors que devient l’Homme ? Quelle
nant naissance à une nouvelle généra- est la place qui lui sera accordée dans
tion d’usine. Divers noms sont donnés à cet univers technologique connecté  ?
l’usine de demain : smart factory (usine Il a toujours joué un rôle clé depuis
intelligente), cyber-usine, usine connec- les débuts de l’industrie en s’adaptant
tée... Peu importe la désignation. Qua- continuellement à chaque période. Cela
trième révolution, cela veut dire qu’il se poursuivra. Les robots ont de l’avenir
y en a eu avant et on peut prendre les c’est certain ; ils seront connectés à in-
paris qu’elle ne sera probablement pas ternet et en contact avec des puces RFID nouveaux modes de distribution, de l’in-
la dernière. Nouvelle révolution, carac- (Radio Frequency IDentification) qui leur tégration du consommateur par le biais
térisée par la fusion du monde virtuel transmettront des consignes ; l’interface des réseaux sociaux. Elle soulignera la
qualité et les connaissances des ingé-
nieurs, des techniciens, des opérateurs
Ne rêvons pas : l’usine sans homme en leur confiant davantage de tâches à
valeur ajoutée.
n’est pas pour demain.
Le rôle des Hommes sera d’autant plus
important qu’il faudra aller vite vis-à-vis
de l’internet délocalisé avec le monde homme–machine assistée par ordina- de ces marchés. La différence entre les
réel des installations industrielles et teur sera plus que jamais au cœur de entreprises pour répondre à une perfor-
amenant une véritable rupture techno- l’usine du futur, mais c’est l’intelligence mance toujours renouvelée et exigeante
logique pour la poursuite de l’extraordi- de l’Homme qui fera devenir cette usine se fera par les Hommes.
naire champ d’innovation, de progrès et plus intelligente.
de croissance vécue depuis les débuts L’usine du futur sera confrontée à 4
de l’industrie. Ne rêvons pas : l’usine sans homme n’est grands types de problèmes : l’usine et la
pas pour demain. Les robots seront là nature - l’usine et le voisinage – l’usine
En effet, depuis le début de l’ère indus- pour effectuer les tâches répétitives les et la création de valeur - l’usine et les
trielle, des innovations innombrables moins intéressantes ou nécessitant de hommes.
ont eu lieu et des gains de producti- la précision. Cette nouvelle vague tech-
vité, de temps, d’énergie ont été conti- nologique basée sur le numérique sera Les techniques seront potentiellement à
nuellement réalisés. Cela va continuer, associée à des demandes marché très la disposition de toutes les entreprises
toujours au service des marchés et des fortes en terme d’innovation, de sécuri- et l’avantage stratégique sera alors basé
clients. Demain, nous pourrions avoir té, de respect de l’environnement et des sur deux points  : la supériorité de l’ex-
de grosses usines ultraperformantes et matières premières, de performance pertise industrielle (équipement, em-
connectées mais aussi de petits sites de économique au sens large du terme, de ployés) et l’engagement du personnel.

72#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


Il est clair que les effectifs diminueront
et que le profil des personnes évoluera
Usine et nature
de manière significative sous l’effet de Réduction de la consommation de ressources : énergie – eau - matières pre-
nouveaux métiers et d’une profonde mo- mières… Protection de l’environnement : procédés industriels propres - trans-
formations des rejets industriels en produits valorisables… Développement
dification des structures. Les emplois
durable des produits et procédés…
qualifiés se développeront, les emplois
non qualifiés diminueront très forte- Usine et voisinage
ment. Dans un monde où les métiers Intégration dans les paysages péri-urbains  : recherche design architectural
évolueront très vite, où les interactions (usine plus compacte, plus faible impact visuel, plus faible encombrement...).
entre les entreprises elles-mêmes mais Nouvelles relations entre industriels et grand public : valorisation des valeurs
aussi avec les universités s’accéléreront, de l’industrie ; création de lien social…
la formation initiale et continue obligera Usine et création de valeur
les entreprises à devenir constamment
Compétitivité économique  : flexibilité, réactivité, agilité, coûts… Compétitivité
des entreprises enseignantes pour les
technique : Innovation… Maîtrise accélérée des flux de la conception à la fabri-
personnes. cation… Pilotage par la demande marché.

Des Hommes motivés et formés


Usine et hommes
Les Hommes au cœur du terrain et de la performance durable. Utilisation du
Indépendamment de la formation, potentiel et de l’intelligence des hommes et des équipes réunies  : responsa-
l’usine de demain devra veiller encore bilisation et autonomie… Rencontre positive des attentes des hommes et de
plus qu’aujourd’hui à mettre les indi- l’entreprise : engagement individuel et dynamique collective - responsabilisa-
tion (culture, comportement, compétences) - qualité du management - outil et
vidus dans des conditions favorables  :
méthodes au service des hommes...
tenir compte des attentes des Hommes,
dont la qualification augmente, évolue.
La personne n’a envie de faire des pro-
grès que si elle y trouve son compte  : et du progrès à tous les niveaux  : des de ces nouvelles organisations. Trois
être considérée, être reconnue, être organisations responsabilisantes (au expressions caractériseront les mana-
meilleure qu’avant, être respectée, être sens anglo-saxon empowerment) per- gers  : leadership, développement des
responsable, exprimer sa réactivité. Elle mettant aux Hommes de se développer, personnes, pilotage de la performance.
attend, d’autre part, une certaine qualité de grandir en autonomie, en maîtrise et
de vie au travail et la création de liens confiance, de s’approprier leurs résul- Alors, quelle conclusion pour la place de
sociaux qui ont tendance à se diluer à tats et leur progrès. Utopie tout cela  ? l‘Homme demain dans l’usine du futur ?
l’extérieur de l’entreprise. Non car cette autonomie ne s’exercera Le pilotage d’une usine ne se fait pas
que dans des règles du jeu claires, des uniquement par le pilotage des proces-
Il faudra donner demain à chacun encore sus, mais surtout par le management
plus qu’aujourd’hui les moyens d’exercer des Hommes en donnant du sens aux
son talent, d’exprimer son potentiel car Il faudra donner demain actions. Hommes à motiver, faire grandir
tout ira très vite dans un monde hyper et former constamment. Les hommes
compétitif où les nouvelles technologies à chacun encore plus seront de moins en moins nombreux
ne sont et ne seront là qu’au service des qu’aujourd’hui les dans l’usine, mais ils seront la clé pour
Hommes pour les aider dans leur mis- répondre aux attentes des marchés où
sion.
moyens d’exercer son la vitesse de réponse sera l’élément
talent, d’exprimer son déterminant. Les outils, les systèmes de
L’entreprise gagnante demain sera potentiel. management ne sont et ne seront qu’au
celle qui saura mobiliser les Hommes, service des hommes.
répondre aux attentes réciproques des
personnes et de l’entreprise, utiliser conditions préalablement établies (mis- Dans l’industrie de demain, la variété
pleinement l’intelligence collective et le sion, périmètre...). Utopie tout cela  ? des emplois augmentera et attirera
sens des responsabilités des personnes Non car certaines entreprises travaillent des Hommes qui souhaiteront se réali-
et des équipes. En un mot : des Hommes avec succès dans cette direction. Cela ser dans ce qui restera un élément clé
motivés et formés dans une usine numé- prend du temps mais à la sortie, quelle de la création de valeur et de richesse.
rique, créative, ergonomique, fonction- satisfaction. Dans l’industrie de demain, la place des
nelle et rentable, au service du client. Hommes au cœur de la performance
Le métier de manager change conti- sera telle que les valeurs véhiculées se-
La motivation passera par le dévelop- nuellement et il sera demain encore ront positives et porteuses d’une vision
pement de la responsabilisation des plus responsable de la formation de ses optimiste. L’industrie retrouvera alors
équipes jusqu’à aller en usine au mana- équipiers et de la création des conditions progressivement la lumière médiatique
gement autonome de la performance pour l’engagement et la mise en place qu’elle avait un peu perdue. 

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #73


Les enjeux de la modernisation

La Cybersécurité s'organise
Interview de Stéphane Meynet, chef de projet Systèmes Industriels à l'ANSSI.

Le chiffre de 102 attaques de cybercriminalité réussies par semaine Stéphane Meynet  : Il ne s’agit nullement
en 2012 est passé à 122 en 2014, et ce malgré une prise de conscience de garantie. Ce n’est pas parce que vous
notoire des industriels. utilisez un système ou un produit label-
lisé que vous êtes garanti contre toutes
les attaques. Un produit labellisé peut
avoir des vulnérabilités futures, il faut
toujours rester prudent et tenir compte
du contexte. Et, régulièrement, il faut
mettre à jour ces homologations.
Gimélec : En deux ans, les industriels sécurité de ses installations et des sys-
prennent-ils conscience de l’impor- tèmes dans leur ensemble. Effective- Gimélec : Vos travaux de labellisation,
tance de la cybercriminalité  ? Cette ment, comme vous le dites, ce n’est pas d'homologation vont impliquer des
problématique est-elle la dernière parce qu’il a acquis des briques labelli- décrets d’applications du référen-
traitée, lorsqu’il reste du budget ? sées que l’ensemble aura un niveau de tiel  ? Sans une couche de législatif,
sécurité suffisant. difficile de faire appliquer quoi que
Stéphane Meynet : En deux ans les choses ce soit ?
ont énormément évolué, les industriels Pour répondre à cette problématique,
se sont appropriés le sujet. La prise nous proposons l’homologation des sys- Stéphane Meynet  : Effectivement, nous
de conscience est réelle, aujourd’hui il tèmes et nous venons même de publier sommes actuellement dans la phase
reste à mettre tout en œuvre pour ren- un guide sur l’homologation. Son objectif législative, notamment avec la loi de pro-
forcer les systèmes de production. est de permettre à un industriel de s’as- grammation militaire qui a été votée en
surer, avant le démarrage d’une installa- décembre 2013. L’article 22 de cette loi ne
Gimélec  : Pour les aider, l’Ansii tra- tion, après une analyse de risques, qu’il porte pas exclusivement sur l’aspect mili-
vaille sur la labellisation de produits.
Quel est le fonctionnement ?
Nous souhaitons étendre ces labellisations
Stéphane Meynet  : Nous avons déjà la- aux équipements du monde industriel
bellisé plusieurs produits de sécurité
comme des pare-feu, des logiciels de comme les automates programmables,
chiffrement… Cette labellisation est une les IHM…
aide pour les utilisateurs, entre deux
produits ils savent que le produit label-
lisé est robuste et que pour l’autre, nous a mis en place la sécurité nécessaire taire mais vise à renforcer la sécurité des
ne savons pas. et que les risques résiduels sont bien infrastructures critiques de la nation. Der-
identifiés. rière ce terme se trouvent des domaines
Maintenant, nous souhaitons étendre comme l’eau, le transport, la santé, l’éner-
ces labellisations aux équipements du Et nous allons encore plus loin, après gie… cet article donne de nouveaux pou-
monde industriel comme les automates la labellisation des produits et l’homo- voirs au Premier Ministre pour renforcer
programmables, les IHM… logation des systèmes, il reste une le niveau de sécurité des installations, il
composante fondamentale qui est de permet de définir des mesures que les
Gimélec : Ne risquez-vous pas d’arri- trouver les prestataires compétents qui opérateurs devront mettre en place.
ver au même phénomène que pour vont s’assurer que l’installation est en
les certifications SIL (sécurité des sécurité. C’est notre prochaine étape : la Gimélec  : Existe-t-il des clients fi-
machines) à savoir que mettre des labellisation des prestataires. naux qui intègrent cette notion de
produits SIL3 ensemble ne garantit labellisation dans leurs cahiers des
en rien que l’application sera SIL 3 ? Gimélec : Labellisation, homologation charges ?
…. Qui garantit les résultats si j’uti-
Stéphane Meynet : Il faut garder à l’esprit lise un produit certifié et que je suis Stéphane Meynet  : Nous sommes face à
que l’industriel cherche à renforcer la piraté ? des clients qui se posent des questions

74#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


plutôt sur les prestataires. Lequel choi- D'ailleurs pour aider les industriels nous
sir ? Lequel maîtrise le mieux la cyber- allons bientôt publier un guide dédié au
sécurité ? Plusieurs types de demandes Cloud.
arrivent à l’Anssi, mais il faut du temps
pour que le marché se mette en mou- Gimélec : Avant d’éditer ce guide sur
vement. le Cloud, vous venez de publier des
classes de cybersécurité. Vous pou-
Gimélec : Quel est le coût d'une label- vez nous expliquer ?
lisation ? Il faut certifier un produit,
une catégorie de produits  ? Stéphane Meynet  : Il y a deux ans, nous
avons publié un premier guide sur la cy-
Stéphane Meynet  : Tout va dépendre du bersécurité des systèmes industriels qui
type de labellisation choisi. En France avait pour vocation de sensibiliser l’éco-
nous avons deux niveaux, d’abord la cer- système à ce sujet nouveau et à donner
tification de sécurité de premier niveau, de premières bonnes pratiques.
pendant un mois un laboratoire va tenter
de « casser » l'Automate programmable Les entreprises nous ont demandé d’al-
et trouver des vulnérabilités. Ensuite, le ler plus loin. Nous avons créé un groupe
second référentiel a plusieurs niveaux de travail dont l’objectif a été de définir
d’exigence qui peuvent impliquer jusqu'à des outils pour permettre aux utilisa-
un an de travail. Les tarifs vont donc va- teurs de renforcer leur cybersécurité.
rier en fonction du temps.
La première étape consiste à connaître
Gimélec  : C’est une initiative franco- la criticité de son installation, et ce guide
française et peut-elle devenir inter- aide l'industriel à savoir s'il est classe 1,
nationale, ou au moins européenne ? 2 ou 3 en fonction de l’impact, plus ou Stéphane
moins grave, en cas de cyber-attaque. Meynet
Stéphane Meynet  : L'approche est fran-
çaise mais les critères sont communs Gimélec  : Vous donnez des mesures  38 ans, ingénieur de
sur la base d’un référentiel internatio- prédictives à prendre ? l'Ecole des Mines d'Alès, a
nal, avec des accords de reconnaissance démarré sa carrière dans
entre les pays. En ce qui concerne les API Stéphane Meynet  : Tout à fait, nous don- l'industrie de la micro-
et les systèmes Scada, par exemple, nous nons les premières mesures struc- électronique. Après avoir
travaillons à trouver des équivalences. turantes, et définissons les mesures été en charge pendant 10
applicables dans le cadre de la loi de ans de systèmes auto-
Gimélec  : Si l'on revient à l’Industrie programmation militaire pour les sys-
matisés de contrôle de
4.0, à l’Internet Industriel des Objets tèmes industriels.
procédés industriels dans
avec du Cloud, au BigData Analytics…
un contexte très opéra-
Faut-il des datacenters français ? Et Gimélec : Comment vont être formées
en quoi un datacenter français serait les personnes qui réaliseront tous
tionnel, il est aujourd'hui
plus sécurisé ? ces diagnostics ? chef de projet sécurité
des systèmes industriels
Stéphane Meynet : Le Cloud est un sujet Stéphane Meynet : La formation est un su- à l'Agence nationale de
sur lequel nous sommes régulièrement jet très important. Nous souhaitons la- la sécurité des systèmes
questionnés. Et effectivement, il y a des belliser un programme de formation sur d'information (ANSSI)
pièges, par exemple une fois que vous la cybersécurité des systèmes indus- pour traiter les aspects de
avez fait le pas vers le Cloud, peut-on triels afin, qu'en deux ou trois jours, un cybersécurité des infras-
faire marche arrière simplement ? C'est équipementier, un intégrateur... puisse tructures critiques.
déjà la première question à se poser. avoir les bases nécessaires. 

Ensuite, selon les données que l’indus-


triel met dans le Cloud, en fonction
de la confidentialité qu'il souhaite, il
pourra être préférable que le serveur Un produit labellisé peut avoir
soit implanté en France. Aux USA avec
le PatriotAct et autres réglementations, des vulnérabilités futures,
la confidentialité des données n’est pas il faut toujours rester prudent
assurée.

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #75


Les enjeux de la modernisation

Challenges et opportunités
des Systèmes Cyber-Physiques
par Karine Gosse, directrice du CEA LIST.

J
usqu'à la fin des années 1980, systèmes de calcul et de communica- Les challenges des systèmes
le traitement de l'information tions sont de plus en plus connectés à cyber physiques
était associé à de grands ordina- leur environnement physique et intégrés
teurs centraux et d'énormes lecteurs dans un nombre croissant d'objets et de La recherche est aujourd’hui partition-
de bande. Durant les années 1990, il a systèmes. née en un ensemble de disciplines spé-
évolué pour être associé à l'usage des cifiques et cloisonnées comme les cap-
ordinateurs personnels, les PC. Depuis, L'émergence de cette nouvelle géné- teurs, la communication et les réseaux,
la tendance à la miniaturisation a conti- ration de systèmes intégrant des ca- la théorie du contrôle ou l'informatique
nué et la plupart des systèmes dédiés au pacités de calcul avec des processus et l'ingénierie logicielle. Les systèmes
traitement de l'information sont main- physiques (et même biologiques) et sont conçus et analysés en utilisant
tenant de petits modules de calcul inté- pouvant interagir avec les humains a une grande variété de formalismes et
grés dans des produits plus grands. conduit en 2006 Helen Gill du NSF à d'outils de modélisation sans liens entre
introduire le terme de Systèmes de eux. Chaque représentation, issue d'un
On assiste, avec la présente décen- Cyber-Physiques (CPS pour Cyber Phy- domaine de recherche spécifique, met
nie, à la prolifération de capteurs à bas sical Systems). Ils font généralement en évidence certaines caractéristiques
coût, de capacité croissante et au fac- appel à des boucles de rétroaction où sans tenir compte des autres. Typique-
teur de forme de plus en plus petit et les processus physiques influent sur ment, un formalisme particulier repré-
à l'apparition de composants de calcul les calculs et vice-versa. Cette capacité sentera soit un processus cyber soit
aux performances croissantes, bas coût d'interagir avec le monde physique et un processus physique, mais pas les
et consommant toujours moins. On d'en étendre les capacités par le calcul, deux. L'expertise est de même morce-
est aussi au cœur de la révolution des la communication et le contrôle est un lée au détriment de la productivité, la
communications sans fils fournissant facteur clé du développement des tech- sécurité ou l'efficacité. Bien que cette
en abondance un accès internet. Ces nologies du futur. approche puisse suffire à soutenir une
vision des CPS fondée sur un ensemble
de composants individuels, elle pose un
problème pour la vérification et la sécu-
rité au niveau système comme pour les
interactions entre composants. Cela
requiert une approche interdisciplinaire
des systèmes au-delà des clivages en
particulier pour résoudre les enjeux
de la conception des architectures, du
contrôle et du calcul distribué ainsi que
de la vérification et de la validation.

Architectures
Pour permettre une conception et un
déploiement rapide des CPS, il est né-
cessaire de développer des approches
innovantes pour définir des architec-
tures qui rendent possible une inté-
gration transparente des éléments de
contrôle, de communication et de calcul.

76#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


Par exemple, les systèmes de commu- la certification de système sûr. Pourtant, la gestion de l’énergie (des bâtiments
nication sont décrits par un ensemble cette approche devient rapidement inex- dits intelligents aux éco-quartiers des
de couches dont les interfaces sont tricable pour la conception de systèmes «  smart cities  ») et le contrôle/automa-
normalisées permettant une évolution complexes coopératifs et interopérables. tisation des systèmes de production. En
modulaire de chaque couche. Cette Le développement de méthodes fondées particulier, le concept d’« Industrie 4.0 »
conception globale a permis une inté- sur l’analyse et la preuve est nécessaire introduit en Europe sous l’impulsion de
gration de systèmes hétérogènes dans pour permettre d’obtenir des niveaux de l’Allemagne pour passer à la production
un mode plug-and-play, ouvrant la voie à confiance suffisants à coûts maîtrisés. Il intelligente repose sur l’utilisation des
une prolifération des technologies et au est nécessaire d’appliquer les concepts systèmes cyber-physiques pour déve-
développement d'Internet. De la même de vérification et de validation à la fois au lopper une industrie intelligente (smart
manière, les CPS requièrent la définition niveau de la conception des systèmes et manufacturing) Selon le Germany Trade
d'abstractions et d'architectures nor- de l’adaptation des logiciels de contrôle & Invest (GTAI), l’Agence fédérale de pro-
malisées pour permettre l'intégration et
l'interopérabilité des systèmes.

Calcul et contrôle distribué


La conception et la mise en œuvre de
systèmes de contrôle en réseau posent
plusieurs défis liés à la capacité à
développer des calculs temps-réel et
« event-driven », à gérer les pannes, la
reconfiguration et les systèmes distri-
bués d'aide à la décision. La conception
de protocoles pour des réseaux sans
fil garantissant la qualité de service
temps réel, la résolution des écarts
entre conception de lois de commande
et complexité de leur mise en œuvre en
temps réel, l’hétérogénéité entre sys-
tèmes continus et systèmes discrets, la
gestion de la robustesse des grands sys-
tèmes constituent les défis majeurs que
doit relever la recherche en CPS. Enfin
la coopération de composants hétéro- existants. Cette exigence sera le moteur motion du commerce extérieur et des in-
gènes interagissant dans un environne- du développement de nouveaux modèles, vestissements, « industrie 4.0 » préfigure
ment physique complexe et opérant sur méthodes et outils, notamment pour la quatrième révolution industrielle qui
différents niveaux spatiaux et temporels permettre la validation de systèmes s’achemine vers un Internet des objets,
requiert une forte exigence de fiabilité et adaptatifs. données et services. On y envisage une
de sécurité. production de produits hautement per-
Opportunités sonnalisés sur des chaînes génériques
Vérification et Validation permettant une adaptation à la volée et
L’identification des besoins, enjeux et au plus juste des éléments à produire.
Les exigences des CPS nécessitent de opportunité pour l’industrie permettra
développer les composants matériels et d’accélérer les développements de la L’avenir des CPS
logiciels, les middleware, les systèmes recherche dans les CPS. Récemment
d'exploitation au-delà des technologies la Commission Européenne a initié un C’est par le développement d’une re-
existantes. Parce qu’ils intéragissentin- mouvement majeur dans le domaine en cherche interdisciplinaire, au-delà des
teragissent directement avec le monde fusionnant trois partenariats public-pri- cloisonnements actuels, entre compo-
physique, matériel et logiciels doivent vés (Artemis, Eniac et EPOSS) en un seul sants physiques, logiciels, communica-
être fiables, reconfigurables, et, pour les partenarial ECSEL rassemblant toutes tion, contrôle couplée avec de grands
plus critiques, être certifiés, depuis les les disciplines nécessaires pour les CPS challenges applicatifs que les CPS pour-
composants jusqu'au système complet. (composants matériels, logiciels et com- ront jouer un rôle majeur dans les déve-
Ces systèmes complexes doivent présen- munication et systèmes de contrôle). loppements des nouveaux systèmes en
ter un degré de fiabilité/confiance qui fait Le besoin de développer des systèmes introduisant de nouvelles capacités qui
défaut à la plupart des infrastructures cyber-physiques est tiré par les secteurs vont bien au-delà des niveaux d’autono-
actuelles. Le surdimensionnement est comme l’aéronautique et l’aérospa- mie, de fonctionnalité, de fiabilité et de
actuellement la voie la plus utilisée pour tiale, les systèmes de santé, la défense, sécurité des systèmes actuels. 

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #77


Leur vision de demain

Engager l'entreprise dans l'ère


du numérique, un mouvement
irrésistible
par Geoffroy Roux de Bézieux, Président-fondateur d’OMEA Telecom (Virgin Mobile).

J
amais l’espèce humaine n’a laissé ont changé les habitudes d’appréhen- c’est un gage de conquête et de réus-
autant de traces de son quotidien, sion de la complexité : on doit apprendre site. C’est aussi un impératif pour notre
de ses actions, de ses modes de à communiquer plus vite, à analyser plus économie  ; pour nos entreprises c’est
vie et de son intelligence en si peu de vite des informations massives et multi- réellement une question de survie  : en
temps et à si grande échelle. Jamais dimensionnelles, on doit surtout décider France, 80 % des entreprises qui ont fait
elle n’a bâti de réseaux aussi gigan- plus vite. Le numérique est un levier faillite l’an dernier, n’étaient pas visibles
tesques, fluides et ouverts, qu’elle ne le incontestable d’optimisation des actions sur Internet (baromètre de la société
fait aujourd’hui grâce aux technologies et un accélérateur de la prise de déci- Email-Brokers 2014), et Internet n’est
de l’information et de la communica- qu’une partie émergée du numérique.
tion. Jamais elle n’a à ce point, connu de
transformations qui n’affectent autant Il ne faudra plus être L’avantage comparatif ira désormais au
son environnement, son quotidien, ren- plus souple, au plus adaptable, à celui
dant par là même son futur si difficile à
le plus gros pour durer qui aura su capter les forces de la mé-
cerner alors même qu’il devient techni- mais le plus agile tamorphose des systèmes. Il ne faudra
quement (grâce aux algorithmes prédic- plus être le plus gros pour durer mais le
tifs) si prévisible. plus agile, il ne faudra plus être le riche
sions. Mais il impose en même temps, pour se doter des moyens les plus per-
Mais tout porte à croire que nous ne une veille, une vigilance et une respon- formants mais certainement le mieux
sommes qu’au début de grands boule- sabilisation des acteurs décuplées tant informé, le plus initié. La clé du succès
versements, économiques et sociétaux, les effets produits sont puissants. dans l’appréhension de ce changement
tirés par l’incorporation systématique de majeur de paradigmes, se cache dans
la technologie numérique dans chaque Agilité et adaptation ces petits détails  : l’information et sa
interstice de nos vies, de nos modes de maîtrise, l’information et sa transforma-
production et d’organisation. La force du Pour l’entreprise, le défi est à la hauteur tion en vue d’améliorer l’ensemble des
numérique est une promesse que nous des promesses portées : promesses de process existants.
contribuons tous à construire, à titre in- performances, promesses de compétiti-
dividuel mais surtout de façon collective. vité, promesses de créativité et d’inno- Ces notions sont en effet le corollaire
L’entreprise est évidemment au centre vation renouvelées. Le saut qualitatif est de la performance des outils qui ont
de ces mutations et si elle ne s’y adapte renforcé par des conditions de coûts qui contribué à imposer les nouveaux mo-
pas, son sort à moyen terme ne sera que ne constituent plus une barrière à l’en- dèles. Celui qui décode, rend intelligible,
funeste. trée. La PME et le grand groupe béné- s’approprie, diffuse ou organise les flux
ficient des mêmes accès, des mêmes d’informations produits par toute une
L’enjeu majeur pour l’entreprise est avantages, pour peu que la transfor- communauté de clients, utilisateurs,
d’être en capacité de tirer le meilleur de mation des process et des modèles fournisseurs, collaborateurs… saura, à
ce mouvement, itératif, évolutif, disruptif devienne leur priorité. Nous sommes n’en pas douter, tirer son épingle du jeu.
à bien des égards, en s’en appropriant passés dans un univers où les pesan- A l’inverse, refuser de prendre à bras le
les règles du jeu, la logique et surtout en teurs matérielles s’estompent face à la corps ce défi majeur, condamne à quitter
en définissant sa propre stratégie. Tout montée en puissance de l’immatériel et le jeu. C’est là tout l’enjeu du big data.
semble désormais possible mais sous sa souplesse d’appropriation. Les temps L’abondance des données est à la fois le
certaines conditions. Les notions de sont à l’agilité, à l’adaptabilité, au savoir carburant de cette nouvelle économie
temps et d’espace que nous n’avions ja- rebondir et s’orienter dans un contexte et aussi l’élément qui contribue chaque
mais pensées à ce point compressibles, éminent changeant, mouvant, rapide  : jour à la façonner d’avantage la ren-

78#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


dant d’autant plus mouvante. Les objets misation des coûts (on ne paie que l’uti- plongées dans un monde digitalisé et le
connectés sont ainsi à la fois à l’origine lisation effective des produits/services numérique est une lame de fond inéluc-
du volume exponentiel de données cir- fournis) et adaptation rapide aux aléas table qui ne laissera rien d’intact dans
culant et en même temps les éléments d’activité sans nouvelles acquisitions à l’économie traditionnelle : les études et
qui vont transformer radicalement effectuer. rapports se suivent et se ressemblent
les produits existants (dont les objets au moins sur ce point. Ils sont égale-
connectés de première génération). La ment unanimes sur le fait que le digital
domotique en est un parfait exemple  : s’intègre dans une véritable stratégie
plus le bâtiment devient intelligent, plus globale d’entreprise et ne peut se pen-
il se transforme et intègre de nouvelles ser en dehors d’un projet partagé, à la
solutions, plus complexes mais aussi tête duquel se place le chef d’entreprise.
porteuse d’une plus forte valeur. La digitalisation en effet n’est pas seule-
ment une question de priorisation d’in-
Changer les modèles vestissements matériels, il s’agit aussi
et certainement à importance égale,
Au-delà du big data, les impacts du Geoffroy Roux d’une question de culture d’entreprise
numérique sur l’organisation des entre- à faire évoluer, à accompagner dans un
prises sont nombreux et les conduiront de Bézieux changement radical. Les décideurs ne
naturellement, en changeant de mo- peuvent pas non plus faire l’économie
dèles, à changer également leur échelle
 Président- fondateur d’OMEA de cet investissement. De l’entreprise
spatiale. Dans une économie numérisée Telecom (Virgin Mobile). 1.0 à l’entreprise 2.0 la différence est
en effet, les marchés sont mondiaux, les  Vice-président délégué du tout aussi criante qu’entre la bougie et
clients sont partout et les partenaires MEDEF, président du pôle Eco- l’électricité  : une technologie disruptive
tout aussi disséminés. Les pratiques nomie (Fiscalité, Innovation, qui change d’un coup les usages, ouvre
d’innovation changent et s’éloignent des Numérique, Développement des perspectives, peut faire disparaitre
traditionnelles « directions recherche et Durable). certains emplois et en génère de nou-
développement  » pour investir les pra- veaux, métamorphose une culture et
 En 1996, il crée The Phone
tiques d’open innovation. Le marketing bouleverse les habitudes. Ce change-
House. En 2000, fort de 100
classique gagne en efficacité en inté- ment demande un accompagnement,
magasins, il revend à un groupe
grant les données d’une relation client une pédagogie partagée et une redéfini-
renouvelée grâce notamment au crowd
coté à Londres dont il devient tion des modèles comprise et acceptée
sourcing, aux réseaux sociaux, au ci-
Directeur Général pendant 4 par tous au sein de l’entreprise.
blage… ans.
 En 2004, il crée la société Cette mutation est nécessaire, mais re-
En parallèle, les habitudes de gestion OMEA Telecom qui lance Breizh quiert une véritable prise de conscience
des entreprises sont revisitées. L’appro- Mobile, le premier opérateur de tous les acteurs et une orchestra-
priation des fonctionnalités du cloud no- mobile alternatif (MVNO). En tion des process autour d’une vision
tamment, entraine à la fois des modèles 2006, il convainc le groupe Vir- stratégique claire. Je fais éminemment
de facturation nouveaux (à la consom- gin d’investir dans ce projet et confiance à nos entrepreneurs pour
mation) et un basculement CAPEX/OPEX lance Virgin Mobile. En 2008, qu’ils se saisissent de l’opportunité digi-
engendrant par là même des marges OMEA rachète Télé 2 mobile. tale. La France est un pays de talents et
d’optimisation des budgets et donc une d’une grande pugnacité : cette nouvelle
meilleure compétitivité de l’entreprise.
 Il a été de 2003 à 2008 révolution ne nous échappera pas plus
Ce phénomène financier leur permet vice-président puis président de que les précédentes, pour franchir une
notamment de procéder à une montée Croissance Plus. étape supplémentaire de notre histoire
en gamme des équipements informa- économique.
tiques (informatiques, infrastructures, La question de l’adoption du numérique
usages…), tout en allégeant les coûts de par le tissu entrepreneurial français est Avec Pierre Gattaz, nous avons souhaité
gestion. C’est certes prégnant dans le donc on le voit, à bien des égards, capi- positionner le défi numérique comme
cas de l’équipement informatique mais tale ! Dans un contexte de concurrence une des priorités majeures du Medef.
cela vaut aussi pour la gestion des flottes exacerbée par la mondialisation, l’écart Nous conduirons les actions et les com-
de véhicules ou encore de la location de que constitue l’avantage concurrentiel bats nécessaires pour que cette inten-
matériel, où l’usage de plus en plus fré- détenu par l’entreprise grâce à la digita- tion transforme très concrètement nos
quent de technologies digitales permet lisation de ses process, impose certes un organisations, leur process, leur mana-
de mesurer exactement le temps d’uti- effort en termes d’investissements mais gement, leur culture : il en va en effet, de
lisation du matériel et donc d’en aug- augure surtout de réels gains de compé- l’intérêt de notre économie, de l’emploi,
menter la rentabilité. Pour l’entreprise titivité. Or, aujourd’hui tous les pays s’y et plus largement du rayonnement de la
utilisatrice, l’avantage est double : opti- sont mis, nos entreprises sont, de fait, France dans le monde. 

Septembre 2014 Gimélec - Industrie 4.0 #79


Leur vision de demain

L’usine du futur, enjeu décisif


pour la compétitivité
par Louis Gallois, président de La Fabrique de l’industrie

L
’expression «  usine du futur  » a la hauteur des amortissements qui en compétitivité (Pacte de Compétitivité, 34
conquis, et c’est heureux, un droit reflètent l’usure et l’obsolescence pro- plans pour la France Industrielle, Pacte
de cité dans le débat sur l’industrie gressives. de responsabilité et choc de simplifica-
et ses enjeux. Ce n’est plus, comme il y a tion). C’est une condition du succès.
seulement quelques années, un simple Surtout, le décalage avec la qualité de
slogan. l’outil de production allemand pourrait L’industrie française, on le sait, est
s’accroître de manière préoccupante*. comme coincée dans un segment «  mi-
Les différents acteurs concernés sont Les Allemands ont en effet lancé, il y a lieu de gamme », en dehors de quelques
aujourd’hui en mouvement pour travail- deux ans, un remarquable plan Indus- exceptions. Elle doit d’une part, amélio-
ler à la modernisation du tissu produc-
tif : automatisation et numérisation des
chaînes de production, robotisation, pro-
duction distribuée et usine connectée,
gestion des big data…

Cet effort mobilise les entreprises qui


offrent déjà des solutions, parmi les-
quelles la France compte quelques
beaux leaders, les laboratoires et insti-
tutions de recherche qui travaillent sur
INDUSTRIE©LDherines APF

les process de demain, les pouvoirs pu-


blics (les Plans pour la Nouvelle France
Industrielle notamment, assis sur le
PIA). Et au premier plan, naturellement,
les industriels, qui investiront d’autant
plus volontiers que leurs carnets de
commandes se regarniront et d’autant
plus aisément qu’ils rétabliront leurs trie 4.0 qui mobilise toute l’industrie et rer sa compétitivité coût. Les gains de
marges aujourd’hui atrophiées. les financements nécessaires. productivité apportés par l’Usine du Fu-
tur doivent y aider mais elle n’aura pas
Pour certaines grandes entreprises déjà On ne peut donc que se réjouir de voir d’avenir durable si d’autre part elle ne
très équipées, dans des secteurs com- lancée une initiative française en la ma- réussit pas sa montée en gamme, amé-
pétitifs comme l’aéronautique ou l’auto- tière. Elle ne se limite d’ailleurs pas à un liorant par là sa compétitivité hors coût.
mobile, il s’agit de rester à la pointe de programme public : c’est un mouvement Là aussi, l’Usine du Futur est indispen-
l’efficience et de l’excellence opération- d’ensemble, auquel s’associent spon- sable.
nelle. Pour d’autres – nombreux, il faut tanément de nombreux acteurs. L’exis-
bien le dire -, un travail de modernisa- tence même de ce document en est un Cela prendra du temps, sans doute de
tion et de reconquête est à faire. très bon exemple. l’ordre de la décennie. Comme pour les
autres volets de la bataille de la compé-
En effet, dans l’ensemble, l’outil indus- L’effort de modernisation aujourd’hui en- titivité, cela demandera volonté, concer-
triel français est relativement ancien et trepris dans l’industrie française doit être tation et persévérance, tant de la part
continue de vieillir, les investissements mis en cohérence avec les initiatives di- des industriels que de leurs interlocu-
qui visent à le moderniser ne sont pas à verses qui sont prises pour lui rendre sa teurs publics. 

* La France comptait 35000 robots en 2012, l’Allemagne, 150 000 et l’Italie, 65 000.

80#  Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014


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