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Les leviers de la transformation
Le Gimélec fédère 200 entreprises qui fournissent des solutions électriques et d’automatismes sur les
marchés de l’énergie, du bâtiment, de l’industrie, des Data Centers et des infrastructures.
Les entreprises du Gimélec emploient 69 000 personnes en France où elles génèrent un chiffre d’affaires
de plus de 12 milliards d’euros dont 57 % à l’export. Face aux objectifs ambitieux de la France et de l’Europe
en matière d’économies d’énergie et de réduction des émissions de CO2, les entreprises membres du
Gimélec s’inscrivent dans une politique éco-industrielle durable en proposant des produits, équipements,
systèmes et solutions pour :
• la gestion de la performance énergétique des bâtiments neufs et existants, y compris les Data Centers,
• le développement des réseaux sécurisés et intelligents (smart grids) facilitant la maîtrise de la
production et de la demande d’énergie ainsi que la diffusion de nouveaux usages,
• le déploiement du véhicule électrique,
• le raccordement au réseau électrique et la gestion des nouvelles sources d’énergies décarbonées,
• le pilotage sécurisé et énergétiquement efficace des procédés industriels.
Edito rial
Industrie 4.0
Les leviers de la transformation
Bonne lecture.
Frédéric Abbal
Président du Gimélec
6# Le temps de l'action
Rappel des « épisodes précédents », Industrie 4.0 lancée par l'Allemagne en 2011,
en 2013 le plan Usine du Futur à la française.
42# Services.
Evolution de la maturité
En France le poids de l’Industrie est passé Vincent Jauneau : Il y a trois critères im-
de 18 % à 12 % du PIB, il est impossible portants : la culture d'investissement, le
bond technologique et le support à ame-
de se satisfaire d’un tel résultat. ner aux entreprises.
Il y a trois critères
importants : la culture
d'investissement, le
bond technologique et
le support à amener aux
entreprises.
Le temps de l'action
L
’industrie 4.0 suppose une intégra- Douze mois plus tard, un changement n'allait pas s'arrêter aux portes des entre-
tion horizontale. On réalise tout de A radical est intervenu, les industriels prises. Après l'Industrie 4.0 lancée par l'Al-
à Z, sans intervention humaine, en prennent conscience que le monde de lemagne en 2011, il y a eu en 2013 le plan
interaction entre les produits et les ma- l’industrie ne sera plus le même dans Usine du Futur à la française.
chines, et les machines entre elles. Nous quelques années. Assaillis par les termes
sommes dans un système global inter- de BigData Analytics, de Cloud, d'Inter- Aujourd'hui, les choses se précisent
connecté. En comparaison, l’Industrie 3.0 net Industriel des objets, de cobotique, notamment avec un rapport sur ce sujet
a été la phase de l’intégration verticale, de calcul haute performance… ils sentent mené par la DGCIS, le Gimélec et le Symop
avec l’automatisation systématique des bien, y compris les PME, que la produc- et confié à Roland Berger, un document
processus. Dans le monde 3.0, les ma- tion de demain n'aura plus rien à voir avec qui classifie les technologies en fonction
chines automatisées ne communiquent celle qu'ils connaissent depuis plusieurs de leur maturité, mais surtout donne des
pas encore entre elles. Dans le monde années. pistes de réflexions et de travail.
4.0, elles se « parleront ».
Cette prise de conscience a été accom- Nous avons souhaité, non pas reprendre
Aussi surprenant que cela puisse paraître, pagnée par les Pouvoirs Publics qui ont ce rapport, mais être en cohérence avec
les principales briques technologiques bien compris que la déferlante numérique lui. Autant ne pas réinventer la roue.
qui assureront la transformation de l’in-
dustrie 3.0 en industrie 4.0, telle que pré-
sentée ci-dessus, existent déjà : capteurs,
automates, CFAO, PLM, GMAO, ERP, Big
Data, Internet des objets, Cloud Compu-
ting… La révolution ne sera pas techno-
logique mais le mode de production qui
en résultera sera en totale rupture avec
l’existant. Là se trouve la vraie révolution.
La 2e révolution industrielle
La deuxième, démarrée à la fin du XIXe siècle, trouve ses fondements dans l’électricité, la mécanique et le pétrole. On peut ajouter
les moyens de communication télégraphe et téléphone. Parallèlement, Frederick Taylor invente, en 1911, le taylorisme, et Henry
Ford instaure le montage à la chaîne.
La 3e révolution industrielle
Une troisième révolution se produit au milieu du XXe siècle, dont la dynamique vient de l’électronique, des télécommunications,
de l’informatique. Avec l’électronique, c’est l’arrivée du transistor et du microprocesseur. Deux produits ont impacté la production
industrielle : l’automate et le robot. 1968 pour l’un, 1959 pour l’autre, les deux par des Américains (Richard Morley, l’automate
programmable industriel (API), et l’imagination de Georges Devol et le visionnaire Joseph Engelberger).
La 4e révolution industrielle
La dernière révolution industrielle prend forme sous nos yeux. On peut la résumer par la numérisation poussée à l’extrême
des échanges économiques et productifs. On peut rajouter le Cloud, le Big Data Analytics, l'Internet Industriel des Objets…
Avec l’industrie 4.0, on réalise tout de A à Z en interaction entre les produits et les machines, et les machines entre elles. Nous
sommes dans un système global interconnecté. Le produit fini, qui sera personnalisé, pourra communiquer avec les machines
dans sa phase de réalisation. La rupture consiste à façonner des unités de production autonomes, intelligentes. Les capacités de
décision, l’intelligence des processus de production vont être distribuées…
Moderniser l'appareil
productif français, enjeu clé
de la ré-industrialisation
par Max Blanchet, Senior Partner,
Roland Berger Strategy Consultants.
A
la faveur du débat qui anime Un sous-investissement de ce recul des volumes et de la valeur
les médias et l’agenda politique important ajoutée du secteur industriel, sa rentabi-
depuis quelques années sur les lité s'est nettement dégradée, conduisant
thèmes « industrie », « compétitivité », On le sait, l'industrie française perd du à un ajustement des facteurs de produc-
« coût du travail », « redressement pro- terrain par rapport à ses concurrents tant tion : baisse de l'emploi (-600 000 sur la
ductif », le diagnostic sur la situation en volume qu'en valeur, dégradant sa ren- période3) et de l'investissement. Ces évo-
de l'industrie française s'est précisé, tabilité. Sur 2000 – 2012 les performances lutions se sont révélées déterminantes
et diffusé. Il est admis aujourd'hui que des industries française et allemande pour la capacité d'investissement des
la France est prise dans un « cercle sont opposées tant en volume (-14 % vs. entreprises. Ainsi l'Allemagne a accru sa
vicieux » de désindustrialisation, dû +19 %) qu'en valeur ajoutée (-3,5 % vs. capacité d'autofinancement d'au moins
à des raisons qui sont de notre fait, et +28 %)1. Cette baisse des volumes et de 78 milliards d'euros par an quand celle
aujourd'hui bien connues : manque de la valeur ajoutée en France ont entrainé de la France a diminué de 24 milliards
spécialisation sectorielle, effort insuf- une baisse de la rentabilité industrielle de d'euros par an sur la période 2000-2012.
fisant dans l'innovation technologique, 11 points (-24 milliards € par an) rédui-
lourdeur et instabilité législative, fiscale sant d'autant la capacité d'investissement Cette dégradation de la situation de l'in-
et administrative etc. lorsque celle de l'Allemagne augmentait dustrie française a eu des conséquences
de 78 milliards d'Euro par an2. Corolaire importantes sur l'évolution de l'appareil
En revanche, on s'intéresse moins aux
dynamiques qui concernent l'appareil
productif lui-même. Or il est au cœur de
la problématique de la désindustrialisa-
tion à laquelle nous sommes confrontés
aujourd'hui. D'abord parce que la baisse
des volumes et de la valeur ajoutée in-
dustrielle a pour conséquence directe
une obsolescence accélérée de l'outil de
production. Mais aussi et surtout car il
est impossible de regagner en compéti-
tivité sans un appareil productif qui per-
mette de se positionner sur des produits
complexes et à forte valeur ajoutée. Pour
comprendre la situation de l'industrie
française, il nous faut regarder ce qui est
arrivé à « l'usine France » ces dernières
Analyse de corrélation entre poids de l'industrie et modernité de l'outil.
années.
4. Les taux de robotisation allemand et italien sont calculés de sorte qu'ils soient comparables avec le taux français. Pour cela, les poids des secteurs (en termes
d'employés) de l'Allemagne et de l'Italie sont rapportés à ceux de la France. Ainsi, à structure égale des secteurs industriels, le calcul et la comparaison des taux de
robotisation devient possible.
en optimiser l'impact sur la compétiti- Concernant l'action sur l'offre d'outil de tion pourrait être créé afin de favoriser la
vité. Et par ailleurs une action sur l'offre production, il s'agit de maximiser l'impact consolidation des acteurs et leur dévelop-
d'outil de production, pour accompagner de l'effort d'investissement sur l'outil de pement. Il faut également inscrire dans les
la modernisation des différents secteurs production et de créer les conditions d'une feuilles de route des pôles de compétitivité
industriels avec une offre française d'outil modernisation efficace dans la durée à concernés des programmes d'innovation
de production adéquate. travers l'émergence d'une filière « outil de sur le domaine, et également adapter les
production » robuste, qui pourrait prendre cartes de formation professionnelles à ces
L'action en faveur de la modernisation de la forme d'une plate-forme sectorielle nouveaux besoins.
l'outil de production doit à la fois compor- regroupant les différents acteurs couvrant
ter un volet quantitatif (relance de l'effort l'ensemble de l'offre outil de production, Le déclin industriel n'est pas une fata-
d'investissement d'au moins 5 milliards depuis la conception au service. Un fonds lité, les opportunités sont encore devant
par an, extension de l'amortissement de modernisation de l'outil de produc- nous.
accéléré), et qualitatif (accompagnement
pour faciliter l'adoption des approches
Domaines et Technologies
L'appareil productif a été segmenté en six domaines et pour chacun le contrôle de l'appareil de production.
d'eux, trois niveaux de maturités ont été identifiés. Puis nous avons choisi Trois critères de performance ont été
de développer 12 technologies clés pour demain. distingués pour mieux préciser les op-
portunités de modernisation qui lui sont
propres : le système de commande (de la
commande numérique à l'interconnexion
avec l'amont et l'aval de l'usine, en pas-
«
Si l'obsolescence de l'appareil pro- – Niveau de maturité disponible : diffusion sant par la planification et le pilotage cen-
ductif français s'est accrue au cours généralisée de techniques, technologies et tralisé de la ligne de production), la tra-
des dernières années, il existe des méthodes (ex. : spécialisation des tâches çabilité (des capteurs de conditions de la
opportunités de modernisation pouvant de production) largement maitrisée. production en passant par le suivi unitaire
guider son renouvellement futur. Celles- des pièces produit) et la gestion des flux
ci ne se limitent pas à un progrès tech- – Niveau de maturité émergente : diffu- physiques (de l'automatisation de la logis-
nologique de l'appareil productif au sens sion limitée des techniques, technologies, tique interne à l'interconnexion logistique
strict. La modernisation de l'appareil pro- méthodes (ex. : automatisation de la lo- externe).
ductif passe également par de nouveaux gistique interne) pour certains encore en
processus, l'acquisition de nouvelles phase d'optimisation/développement. Les opérations de fabrication (cœur de
compétences, l'adaptation de l'organi- la transformation) ont été identifiées
sation du travail, de nouvelles façons de – Niveau de maturité future : diffusé à comme le troisième domaine caractéri-
piloter la production », tels sont les pro- l'heure actuelle chez quelques entre- sant l'appareil productif. Là aussi, deux
pos introductifs de l’Etude commanditée prises/secteurs précurseurs (ex. : usine critères de performance ont été distin-
par le Gimélec, le Symop et la DGCIS et du futur) et dont les technologies, tech- gués : la précision (de l'optimisation des
réalisée par Roland Berger, sur laquelle niques et méthodes sont encore en phase techniques existantes, comme l'usinage
nous nous sommes appuyés pour cette de développement pour certaines. grande vitesse ou la découpe laser, aux
partie destinée à vous donner les clés machines intelligentes auto-correctrices)
pour devenir vous aussi 4.0. Et Six domaines regroupant les et la flexibilité (des machines multi-sup-
ports multi-opérations à la fabrication
technologies
Pour être précis, l’étude de l'appareil pro- additive).
ductif a été segmentée en cinq domaines La conception produit/process est le
et pour chacun d'eux, trois niveaux de ma- premier de ces domaines qui recouvre Le quatrième domaine recouvre les ser-
turités ont été identifiés. Pour notre part, l'ensemble des outils et des services vices liés à l'appareil de production. On y
nous avons rajouté un dernier domaine, d'ingénierie aidant à la conception de trouve les services d'intégration des dif-
que nous avons nommé « transverse », pièces, de produits finis, de process, de férents composants de la ligne de pro-
qui intègre les aspects Cloud Computing, lignes de production et d'usines. D'une duction et les services d'installation et de
BigData Analytics ou I2dO. conception produit et process séparée, ce maintenance des machines de produc-
domaine évolue vers une conception lar- tion.
Trois niveaux de maturité gement modélisée et simulée, et surtout
conjointe produit/process. Ainsi, l'usine Le cinquième domaine, nouveau venu,
La maturité de chacun des domaines ren- virtuelle consiste à simuler la production regroupe les technologies numériques à
voie à deux notions. La première corres- d'un bout à l'autre des chaînes de produc- l’origine du bouleversement de l’Indus-
pond à la maîtrise des technologies et des tion, permettant d'anticiper les sources trie. Sans ces nouvelles technologies,
savoir-faire propres à un certain niveau de potentielles de surcoût ou de non qualité, l’Industrie 4.0 n’existerait pas. Difficile
maturité alors que la seconde correspond de pré-paramétrer les machines et équi- d’imaginer une telle révolution, sans les
à leur degré de diffusion plus ou moins pements afin de réduire les coûts de mise apports du Cloud Computing que ce soit
large dans l'industrie. en service d'un nouveau process ou d'une pour stocker des données, travailler en
nouvelle ligne. collaboration avec des postes distants ou
Dans le Schéma, sorte de nomenclature l’utilisation de logiciels en mode SaaS ;
pour arriver au 4.0, on retrouve trois ni- Le deuxième domaine de l'appareil pro- sans le BigData Analytics qui améliorera
veaux de maturité : ductif est constitué par le pilotage et la production via une maintenance prédic-
CONCEPTION
PRODUIT/
PILOTAGE/CONTRÔLES
PROCESS Pilotage,
commande
Traçabilité
OPÉRATIONS
Gestion DE FABRICATION
Modélisation TR des flux
de la ligne ANSV
Interconnexion ERSE
avec l'extérieur : Clo Précision
"usine virtuelle" Capteurs ud c
numérisée, simulation omp
Solutions de pilotage de conditions utin
de processus de
à distance,
g- Big
production
applications mobiles, Capteurs Interconnexion
Data
bases partagées thermiques, Ana
logistique externe lyti
hggrométriques, cs Flexibilité
CFAO
de comptage... Machines - Int
Planification intelligentes
e rne
GPAO
et gestion Suivi
t In
centralisée
partagée (auto-correction) du
str SERVICE
unitaire Capteurs laser, capteurs iel
des des pièces Automatisation vibratoires, programmes Fabrication additive d es (INTÉGRATION,
machines de la logistique de correction
Cobotique Ob MAINTENANCE)
PLM jet
Gravage interne Techniques s
MES Impression 3D,
laser, de précision Intelligent Assist Devices
flashcode,
puces GPAO, Machine multi- Maintenance
PLM, Usinage TV,
découpe laser, support et multi- prédictive
RFID
soudage HF opérations
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Centres
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de transfert Télémaintenance
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ORGANISATION
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"au plus juste"
Spécialisation des tâches
Principales technologies, techniques et méthodes associées à chaque niveau de maturité. Source : Adapté de l’étude Roland Berger.
Septembre
Septembre 2014 2014 Gimélec
Smart-Industries n°3 - Industrie 4.0 #19 #15
Les leviers de la transformation
Le numérique au service
de la conception
process
ingénierie simultanée, travail collaboratif... autant de bouleversements
techniques et méthodologiques qui secouent les industriels depuis 20
ion produit/
ans. Le numérique s'installe progressivement, mais définitivement dans
les bureaux d'études des entreprises manufacturières.
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Concept ati
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epuis près de trente ans, les tech- rvice
De l'idée au produit fini : S e
du travail
nologies numériques se sont im- Organisation
un process séquentiel
plantées dans les bureaux d'études
chargés de concevoir et d'industriali- Impossible, ou presque, aujourd'hui pour
ser les produits de notre quotidien. La un bureau d'études de se passer d'une Le produit défini par son modèle CAO
planche à dessin a cédé la place aux logi- solution de CAO 3D pour modéliser les et sa description technique est ensuite
ciels de DAO, de CAO 3D, puis de réalité produits qui nous entourent au quotidien. confié au département ingénierie chargé
virtuelle. Les tests physiques validant les PME et grands groupes ont adopté ces d'évaluer son comportement vis-à-vis de
choix techniques ont été complétés, voire solutions que ce soit pour concevoir une son environnement physique. Ces spé-
remplacés, par des solutions de calcul carafe ou un avion complet. Les éditeurs cialistes utilisent des logiciels d'analyse
numérique. Celles-ci simulent virtuelle- de logiciels proposent une gamme de so- pour calculer sa résistance mécanique,
ment le comportement de produits tou- lutions adaptées à ces différentes activités son comportement dynamique et, selon
jours plus complexes en tenant compte et aux publics visés. Certains logiciels sont le produit, ses performances aérodyna-
de leur environnement naturel. Enfin, les même gratuits et permettent à des TPE ou miques, acoustiques, sa résistance aux
industriels ont entamé depuis quelques des artisans de s'équiper à moindre frais. perturbations électromagnétiques, ses
années une démarche globale de progrès
reposant sur le PLM (Product Lifecycle
Pascal Daloz, Directeur Général Adjoint, en charge de la stratégie et du développe-
Management). Une organisation qui s'ap-
ment du marché de Dassault Systèmes
puie sur ces logiciels, mais surtout sur la
formalisation des processus classiques « Il sera possible demain de réintégrer en France des
de l'industrie manufacturière. Son objectif productions délocalisées hier. Cela sera possible notam-
est de centraliser, de tracer et de distri- ment en combinant de nouveaux procédés de production,
buer à chaque maillon de cette nouvelle comme l'impression 3D, et leur simulation numérique.
chaîne industrielle qui se numérise toutes Dans ce cadre, on peut imaginer la fabrication comme un
les données techniques liées à la vie des service. Dans le domaine aéronautique par exemple, on
produits et aux projets qui entourent leur pourrait réintroduire dans le cycle de construction des avi-
développement. Vision idyllique ? Non, ons, la fabrication de petites séries de pièces, en matériaux
plutôt théorique et très inégalement par- composites, avec un rapport qualité/coût plus intéressant
tagée selon les secteurs d'activité et la qu'une pièce équivalente issue d'un pays low-cost. »
taille des entreprises observées.
Fabrication additive
et prototypage
P
our tester un concept innovant assurent le traitement du modèle 3D, et
Le prototypage par fabrication
réalisé en CAO, rien de mieux que son impression 3D.
le défi à relever
additive se généralisera dans
de tester sa maquette physique. les entreprises lorsqu'elles
Chaque secteur d'activité utilisait jusqu'à Dans le domaine du prototypage rapide pourront, à coût raisonnable,
maintenant des techniques plus ou moins par fabrication additive, plusieurs tech- produire une maquette fidèle
élaborées pour produire ce prototype. La nologies coexistent, on citera essentiel- à l'objet final. Pour cela, il faut
sculpture sur clay dans le domaine auto- lement : la stéréolithographie (SLA), le encore progresser d'une part sur
mobile, le collage de carton plume dans frittage sélectif de poudre (SLS et DMLS), la variété des matériaux dispo-
l'architecture, l'usinage par enlèvement la fusion sélective par laser, la projection nibles, et d'autre part sur le coût
de matière ou formage pour la méca- par jet de matière (Polyjet) et le dépôt de d'utilisation des imprimantes 3D.
nique traditionnelle, pour n'en citer que fil (FDM). Les quatre premières sont sans
quelque-unes. L'arrivée sur le marché de doute les plus utilisées pour produire des
la fabrication additive, ce que l'on appelle prototypes industriels. Elles permettent
désormais l’impression 3D, a bouleversé de produire des pièces en polymère, ou les pièces issues de stéréolithographie
totalement cette étape cruciale de l'in- en métal dans le cas du frittage laser par exemple sont utilisées pour des tests
dustrialisation d'un produit. Ce fut l'ère (DMLS), directement à partir d'un fichier fonctionnels et la validation visuelle.
du prototypage rapide. CAO 3D issu de la majorité des logiciels Quatre couleurs sont disponibles actuel-
du marché. lement, plus la transparence et le maté-
Fabrication additive et riau permet de simuler les propriétés
Maquette visuelle mécaniques de l'ABS et la tenue en tem-
prototypage rapide
pérature jusqu'à 70° C, voire 110 °C.
et fonctionnelle
La fabrication additive consiste à réaliser
une pièce couche après couche à partir Après nettoyage et post-traitement dans La technologie Polyjet qui repose sur un
de sa définition numérique. L'objet prend un four pour finaliser la polymérisation, jet de résine photopolymère durcie par UV
forme au fur et à mesure de la solidifi- offre des capacités semblables de tests
cation de chacune de ces sections. fonctionnels et visuels, en rajoutant un
Il peut être extrêmement complexe, large choix de matériaux. L'Objet 500
intégrer des mécanismes internes et Connex3 de Stratasys par exemple
des géométries imbriquées ou tissées. permet de mélanger trois maté-
Bref, des caractéristiques qu'il est parfois riaux différents et d'associer à
impossible de reproduire avec des procé- différentes zones géométriques
dés traditionnels. Évidemment, ce sont d'une pièce, des combinaisons
des machines à commande numérique qui de couleurs et de dureté variées.
Usine virtuelle
C
oncevoir une automobile ou la traitant le plus souvent d'un seul aspect
Pour adopter et exploiter au
le défi à relever
ligne de fabrication qui la produira du processus global. Les plus évoluées mieux les outils de simulation de
relève de la même démarche et intègrent désormais sous un même envi- process, les industriels doivent
fait appel de plus en plus souvent à des ronnement informatique ces différentes être capables de revoir leur
technologies numériques semblables. phases. méthode de travail et considé-
Comme une voiture ou un avion, la ligne rer l'automatisation de tâches à
est constituée d'éléments assemblés is- faible valeur ajoutée comme une
sus du commerce dans le cas d'éléments chance de développement de
standards (machines-outils, dispositifs de leur activité.
transfert..) ou conçus par l'ingénieriste.
L'objectif du concepteur est d'organiser
les différentes opérations d'usinage et « blocs » symbolisant chaque opération
les flux (matières premières, pièces, opé- industrielle. Des outils complémentaires
rateurs, outils...) pour aboutir au produit permettent de simuler le fonctionnement
final. Ceci en tenant compte bien évidem- dynamique de l'installation, de calculer
ment de contraintes comme la place dis- les temps de cycle, d'identifier les risques
ponible, la cadence de fabrication, le coût de collision, de tester différentes configu-
de production, l'énergie consommée et, rations, voire d'analyser la possibilité de
de plus en plus souvent, d'une exigence reconfigurer la ligne pour une autre pro-
de flexibilité de son installation. duction.
Il s'agit ensuite de simuler virtuellement le Les entreprises qui ont compris les enjeux utilisent
process dans le détail en utilisant les don- la globalisation et ne la subissent pas. Les outils dits
nées 3D des équipements de production.
On peut ainsi simuler les flux au sein d'une d'usine numérique leur permettent de modéliser,
cellule, ou optimiser l'ergonomie d'un poste de standardiser et d'optimiser leur process de
d'assemblage à l'aide d'un mannequin vir-
tuel. Sur ce dernier aspect, certaines en-
fabrication. Des capacités indispensables pour
treprises se sont dotées d’installations de augmenter leur productivité, innover et produire
réalité virtuelle pour évaluer la pertinence en n'importe quel point du globe en conservant le
d'opérations manuelles complexes. A l'aide
d'un environnement immersif (écrans mul- même niveau de qualité.
tiples, visualisation stéréoscopiques, cap- Yves Coze, Sales Vice-président
ture de mouvement...), elles vérifient si une
manipulation est faisable, quel effort elle
Dassault Systèmes Delmia EMEA South
exige, si elle n'est pas contraire à la mor-
phologie humaine, etc.
nage/assemblage sur la ligne, et la cir- La troisième opération appelée « virtual - Les solutions les plus évoluées
culation des pièces entre chaque poste comissionning » consiste à concevoir sont capables de simuler com-
afin de gagner en productivité. Certains le contrôle/commande de la ligne. Là plètement le fonctionnement
logiciels indiquent en outre la consom- encore, les industriels utilisent des solu- d'une usine, depuis les flux des
mation d'énergie des machines selon leur tions spécifiques. Par exemple : TIA Portal produits jusqu'à l'ergonomie
état. « Cela permet de modifier sa straté- fédère au sein d'un seul environnement d'un poste d'assemblage en pas-
sant par un changement de pro-
gie de flux pour diminuer la consomma- tous les logiciels d'automatisation déve-
duction.
tion globale. Dans certains cas, cela peut loppés par Siemens. Il permet de réaliser
atteindre 60% d'économie. Et ceci sans tous les processus automatiques, depuis - L'automobile et le secteur aé-
impacter la cadence de production », sou- une seule interface, et de générer le pro- ronautique sont les principaux
utilisateurs des technologies
ligne Serge Scotto, responsable avant- gramme des automates, des robots et les
d'usine numérique.
vente Tecnomatix. tests de validation.
Le pilotage-contrôle transcende
les frontières de l'usine
duit/process
s
feront plus décentralisées et les usines verront leur comportement chan-
ôle
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ger en temps réel en tenant compte des données d’exploitation mais aussi
Conception pro
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ini les machines isolées. Il y a déclare Vincent Caulet, responsable des S e rvice
du travail
quelques années encore, le pilotage secteurs Industrie de Bosch Rexroth en Organisation
Pilotage à distance
L
a distance ne doit plus faire peur aux tention cependant de ne pas faire l’amal-
Pour aller plus loin, les techno-
le défi à relever
industriels ! Suivre et commander game entre pilotage à distance et pilotage
logies utilisées devront garan-
des machines depuis son domicile, sans fil… tir la sécurité des données qui
c’est possible ; piloter une usine en Chine transitent et les infrastructures
depuis la France, c’est possible ; forcer la Moins de dépenses, publiques usitées devront appor-
marche ou l’arrêt d’une pompe sans fil, ter des garanties vis-à-vis des
plus de services
à partir d’une tablette tactile, c’est aussi contraintes industrielles.
possible. Toutes les technologies néces- L’intérêt de ces solutions, outre le fait
saires à ce type d’actions sont déjà dispo- d’accéder à ses machines en dehors des
nibles. En effet, désormais, la plupart des sites industriels ? Pour les utilisateurs
automates, des instruments, des capteurs finaux, elles reposent, dans l’usine, sur
et des actionneurs du marché intègrent des réseaux existants et « hors de l’usine,
des serveurs Web connectés à des clouds elles utilisent des solutions publiques.
Des contraintes industrielles
privés ou publics qui permettent d’y accé- Cela limite les investissements », note La machine est en route. « Il y a une ten-
der, de récupérer des informations, voire Alain Greffier, Directeur Marketing de la dance vers la mise en place de plusieurs
d’en prendre le contrôle, depuis un simple Division Industry Automation de Siemens niveaux de pilotage, depuis l’opérateur
explorateur Internet. en France. Pour les fabricants de ma- sur le terrain avec sa tablette aux salles
chines et fournisseurs de matériel, cela de contrôles qui gèrent plusieurs unités
Certains appareils font d’autres choix, permet de proposer des services nou- de production », commente Patrick Lam-
par exemple d’échanger avec vous par veaux. Configuration et mise en route à boley. « On se dirige vers des plateformes
le truchement d’un serveur dédié mais, distance, télémaintenance… « il y a un po- communes qui emploient les technolo-
globalement, depuis les entrailles de la tentiel très important en maintenance et gies du web et d’Internet », ajoute Phi-
machine, les données transitent via les en dépannage à distance », note Patrick lippe Allot. Avec, entre autres, l’avantage
réseaux de terrain installés dans l’usine, Lamboley, End User Business Group - In- de s’affranchir des contraintes liées au
puis via Internet, et sans fil via le Wifi ou dustry Business chez Schneider Electric. matériel et d’assurer des mises à jour
les réseaux 3G/4G si vous utilisez un ap- Et les réseaux progressent. On peut, par fréquentes, en quelques clics. « L’idée,
pareil mobile en bout de chaîne. exemple, désormais, faire transiter des c’est de profiter des nouvelles technolo-
flux vidéo entre une machine et un opé- gies mais sans provoquer des coûts de
Enfin, pour permettre de surveiller et ré- rateur distant, si cela est nécessaire à rupture trop importants », poursuit le
gler un appareil sans passer par le réseau l’exploitation ou à la compréhension d’un PDG d’Ordinal Software. A condition de
d’un site, il suffira de lui associer un boî- problème. Par contre, « Internet n’est pas satisfaire les contraintes industrielles,
tier de communication 3G (ou plus) pour compatible avec du pilotage fin », tempère à commencer par la disponibilité du
communiquer avec lui directement. At- Philippe Allot, PDG d’Ordinal Software. réseau. Et si les performances du Web
Capteurs de conditions
Q
ui de mieux placé que les machines ou les ERP des entreprises en alarmes de
elles-mêmes pour nous apporter dépassement de seuils prédéfinis, afin de Les systèmes doivent passer
le défi à relever
les renseignements nécessaires à programmer les opérations et les appro- d’un fonctionnement parcellaire
leur bon fonctionnement ? C’est le postulat visionnements en pièces de rechange. Un à une logique intégrée et les
logiciels devront se développer
de base du « condition monitoring », traduit gain substantiel pour les responsables de
pour fédérer les informations
généralement par maintenance condition- maintenance. et apporter l’intelligence néces-
nelle. En effet, alors que la maintenance saire à une maintenance et une
curative consiste à intervenir après une « La maintenance prédictive par histo- exploitation optimisée.
panne, que la maintenance préventive par risation coûte cher car on a parfois ten-
historisation programme des opérations en dance à changer des éléments trop tôt »,
fonction d’une probabilité basée sur l’expé- commente Laurent Carlion, directeur
rience, la maintenance conditionnelle, elle, marketing d’ifm electronic France. La câblages supplémentaires, les capteurs
propose d’intervenir lorsque cela devient maintenance conditionnelle représente doivent remonter les données jusqu’aux
réellement nécessaire, en détectant des quant à elle évidemment un surcoût au automates (puis jusqu’au niveau supé-
signaux faibles de dégradation des équi- démarrage, puisqu’elle met en œuvre rieur) via le réseau, grâce à des interfaces
pements avant leur point de rupture. Pour un outil de surveillance, mais elle évite vers les standards les plus répandus
cela, il « suffit » de suivre attentivement cela en se référant à un état réel de la (Profibus, Ethernet IP, Etc.). Seule diffi-
certains paramètres clés sur les installa- machine. culté, cela oblige parfois d’associer une
tions : niveau et qualité des huiles, tempé- « verrue » disproportionnée à un capteur
ratures et pressions des fluides industriels, Tous les capteurs comptent miniaturisé… Depuis peu, nombre de spé-
tension et intensité des matériels élec- cialistes proposent également d’employer
triques, vibrations et jeux mécaniques… Pourquoi se contenter de capteurs dits la technologie de communication IO-
Cette surveillance peut être assurée en « hors process » pour mettre en place Link. Compatible avec les bus de terrain
continu ou de façon périodique. le condition monitoring ? En effet, les classiques, elle permet de sauvegarder
machines elles-mêmes, en particulier dans une mémoire et de remonter toutes
Des gains substantiels lorsqu’elles sont fortement automatisées, sortes d’informations jusqu’aux auto-
emploient déjà un grand nombre de cap- mates. IO-Link permet ainsi de localiser
Les informations nécessaires à ces ana- teurs dont les informations permettent de précisément un capteur en panne, de re-
lyses sont récoltées auprès de capteurs suivre leur état en temps réel. A condi- paramétrer automatiquement un capteur
installés sur les équipements. Elles sont tion que la récupération des informations après un échange standard, mais aussi
remontées vers un système expert, trai- reste simple et n’engendre pas de coûts de remonter des informations diverses
tées, et alimentent les logiciels de GMAO exorbitants. Pas question de réaliser des jusqu’aux systèmes de gestion : encras-
« dégradé » adapté à la situation, sans por- - Une autre étude de Frost & Sullivan évalue à 6,7 % le taux de progression
ter préjudice à la productivité, en attendant moyen annuel du marché, dominé à hauteur de 60 % par les dispositifs d’ana-
une intervention. « On a ce qu’il faut au ni- lyse vibratoire.
veau des équipements, mais il faut encore
- D’après la norme NF EN 13306 X 60-319, la maintenance conditionnelle est
développer la couche du dessus. Il faudra
« une maintenance préventive basée sur une surveillance du fonctionnement
un logiciel de suivi des signaux de vie des du bien et/ou des paramètres significatifs de ce fonctionnement intégrant les
capteurs, afin d’utiliser cela en exploita- actions qui en découlent ».
tion », note David Ecobichon.
GPAO partagée
O
n peut l'appeler Gestion Partagée Dans le mode de fonctionnement clas- Planifier la production des équi-
des Approvisionnements, Planifi- sique, le client confronté à un besoin pements en assurant une prise
le défi à relever
cation Étendue de la production, émet une commande vers son fournis- en compte réaliste des besoins
supply chain intégrée…, on en revient seur avec une expression de délai associé de consommation, mais en
toujours à la même problématique : à une quantité. Le fournisseur concatène même temps, garantir une par-
faite synchronisation des actions
comment faire fonctionner l'ensemble l'ensemble des demandes reçues de ses
de l'écosystème de production
de l'écosystème de production sachant clients, les hiérarchise pour satisfaire au pour obtenir la bonne réalisation
qu'une partie des acteurs sont multi-pro- mieux tout le monde dans les délais vou- de la planification de production
duits, multi-clients, multi fournisseurs ? lus et les quantités attendues. Il évolue et sa mise à jour dynamique en
dans un système à capacité adaptable fonction des aléas rencontrés.
mais finie (équipement, personnel…). On
imagine la difficulté de l'exercice avec
quelques centaines de références pour mieux vaut ne pas imaginer la gestion
ne serait-ce qu'une dizaine de clients. La des conséquences d'une rupture d'un des
moindre perturbation entraîne une ampli- éléments auprès d'un sous-traitant qui
fication du signal que celui-ci vienne d'un conduirait à revoir en cascade la planifi-
client ou remonte d'un fournisseur. Sans cation des livraisons des autres fournis-
aller chercher des exemples complexes seurs concernés par le produit, afin de
comme des avions, des trains ou des voi- leur permettre de dégager du temps de
tures, imaginez l'impact d'un décalage production pour les besoins réels de leurs
de commande de 15 jours sur le tissu de clients.
sous-traitant concerné d'un fournisseur.
Dans les faits, si la commande est retar- Des enjeux de taille
dée, la majorité gère l'événement comme
si de rien n'était, alors que dans l'absolu, L'idée d'une planification globale de tout
le temps de production disponible pour- l'écosystème semble donc la meilleure
rait être mis à profit pour un autre client idée du monde. Ce qui est sûr, c'est que les
qui a besoin de pièces à plus court terme, enjeux ne sont pas négligeables car, der-
voire pour le même client sur une autre rière cette difficulté de gestion, il y a des
référence plus urgente. Dans ce contexte, pertes de performance multiples allant
L'outil de production
d'hier à demain
L
es techniques de production clas- par la machine qui permet l'obtention du
siques qui ont marqué le début de produit dans les qualités requises et non
l'ère industrielle n'étaient en fait la machine qui produit sous le contrôle de
duit/process
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totalement à l'origine de la conformité et def
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de la qualité toutes deux placées sous son Afin de remédier à la difficulté de repro- io
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contrôle. Une situation propice à l'émer- ductibilité des pièces, des mécaniciens Op ation
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gence d'ouvriers hors pair capables de de génie ont mis au point des machines S e rvice
du travail
réaliser des pièces de hautes préci- capables de reproduire des cycles opéra- Organisation
sions avec des moyens de production qui toires complexes en tournage, fraisage,
l'étaient beaucoup moins. À l'inverse, la découpage, formage… Des solutions que a certes opéré une profonde remise en
reproductibilité des processus était beau- l'on a vu apparaître autour de secteurs question des principes de production,
coup plus difficile à gérer et les gammes forts comme l'horlogerie par exemple, mais ces « automates mécaniques de
opératoires constituées d'une kyrielle elles sont basées sur l'usage de cames production » ont très longtemps gardé
d'opérations simples aboutissant au ré- aux profils complexes et le réglage de une suprématie en termes de cadence de
sultat final. Un mode de fonctionnement butées mécaniques. Si de tels équipe- production et sont même pour certains
générateur de nombreux encours de pro- ments ont permis de réaliser des gains de encore « indétrônables » sur ce terrain.
duction et nuisible à la qualité de l'en- productivité considérables, ils sont très
semble, car chaque opération de reprise pénalisants car les cycles de la machine L'émergence de technologies
entraîne une perte de précision entre les sont figés par les cames. Des éléments
clé
différents usinages réalisés séparément. coûteux et complexes à réaliser ainsi que
Des équipements de production conven- contraignants, car ils engendrent des Un constat qui nous montre que l'arrivée
tionnels qui n'ont plus leur place dans changements de production longs à réa- de technologies qui ont vocation à amé-
des processus de fabrication de grande liser. Pour autant, des versions modernes liorer de manière importante la perfor-
série, mais qui répondent encore à des de tels systèmes sont encore utilisées mance des entreprises ne répond pas
besoins de production spécifique, c'est en production pour des pièces en très à une évolution linéaire, mais dans une
le cas de certaines pièces aéronautiques grandes séries. En effet, l'avènement de mutation diffuse s'appuyant sur plusieurs
où c'est le savoir-faire des hommes aidé machines à commande numérique (CN) approches concurrentes.
Virtualiser l'environnement
réel
La validation externe au moyen de pro-
duction est dans certains domaines
Validation d'une opération de production par simulation dans Delmia de l'éditeur Dassault une nécessité incontournable car les
Systèmes. parcours d'outils et les mouvements
« Au sein du groupe Bosch, nous avons identifié le besoin Placer les processus sous
d'un robot capable de travailler en collaboration avec des surveillance
opérateurs. Un équipement à fois polyvalent, flexible,
simple d'utilisation et surtout sécurisé. Après 4 à 5 années Aujourd'hui le prix des pièces tend à aug-
de R&D et plusieurs versions, nous avons, en partant menter sous l'effet de plusieurs facteurs.
d'une mécanique de bras standard, mis au point un ro- Les avancées technologiques conduisent
bot capable d'éviter tout contact avec son environnement à la réalisation de formes de plus en plus
même si ce dernier est imprévisible dans son évolution. complexes, des matériaux exotiques font
Déjà utilisé en interne pour valider son fonctionnement en leur apparition, et leur usage se démo-
conditions réelles avant sa commercialisation, il va recevoir une connexion Wifi dans cratise. Il convient donc de limiter les
sa prochaine version, pour une configuration encore plus rapide ». rebuts au maximum afin de respecter
des équations économiques pérennes
produisent sur machine en générant des de plaquettes et d'outil de plus en plus pour l'entreprise. Dans ce domaine,
arrêts de production et des surcoûts de complexes et des revêtements de plus en les capteurs ont un rôle majeur à jouer.
maintenance. plus sophistiqués, ouvre des possibilités Toutes les technologies de capteurs sont
d'usinage quasi infinis dans les maté- à même de donner des réponses car les
Des techniques similaires permettent riaux les plus divers. Autre axe impor- besoins sont variés. Prenons le cas de la
même de simuler avant même leur mise tant, les stratégies d'usinage telles que détection des usures et des bris d'outil qui
en œuvre des ateliers ou des chaînes de l'usinage grande vitesse (UGV) ou grande peuvent entraîner la mise au rebut d'une
production complètes avant leur mise en Avance (UGA) ainsi que les stratégies pièce après un grand nombre d'heures
œuvre. Il est ainsi possible de valider la d'ébauche par trèflage ou trochoïdale d'usinage. Ce sont des capteurs optique
faisabilité des opérations, les temps de se révèlent des sources de productivité ou laser qui peuvent être utilisés afin
production, d'identifier les postes gou- sérieuses. Dans ce panorama, il convient de programmer des points de validation
lots avant même d'avoir passé la moindre de ne pas oublier l'usage des robots. de l'état des outils avant leur utilisation.
commande ou procédé à la moindre mise Largement utilisés dans l'automobile Une approche qui peut être complétée ou
en place. Utilisée depuis des années dans pour construire des cellules de produc- remplacée par l'utilisation des vibrations.
les grandes entreprises de l'automobile tion dédiées, les robots sont encore peu La détérioration du tranchant de l'arrête
ou de l'aéronautique pour la gestion de présents en France dans les ateliers où de coupe entraîne en effet un change-
grands projets industriels, cette simula- leur rôle se limite la plupart du temps à ment du régime vibratoire de l'opération.
tion à grande échelle peine à trouver un remplacer la pièce finie par une autre à Ce n'est là qu'un exemple et le but final
Cobotique et robotique
intelligente
A
vec la cobotique, la robotique ver sur le marché des solutions viables de
Le défi ultime consistera à ap-
le défi à relever
passe un cap essentiel : rendre des robots collaboratifs. Différentes formes
porter l’autonomie complète à
mécaniques à l’inertie parfois im- de cobots existent. Les premiers, comme la machine. Dans l’immédiat, il
portante suffisamment inoffensives pour ceux du Français RB3D, sont des exos- s’agit davantage de créer une
les faire évoluer sans danger en présence quelettes qui amplifient la force d’un chaîne numérique de program-
d’opérateurs. Elle ouvre ainsi la voie à de opérateur. Les autres sont des modèles mation la plus proche possible
nombreuses nouvelles applications, en industriels dotés de capteurs et de fonc- de la réalité, afin de réduire les
particulier dans l’assistance aux opéra- tions de sécurité permettant de contrô- retouches et interventions sur le
teurs dans des tâches de manutention et ler leur comportement en présence d’un robot avant sa mise en marche.
d’assemblage. humain. En découpant l’environnement
du robot en zones de l’espace, des scru-
Des assistants industriels tateurs laser autorisent ainsi un homme générations de machines intègrent pour
à s’approcher d’un robot en fonctionne- leur part des capteurs d’efforts ou une
Si le mot désignant cette nouvelle disci- ment, entraînant sa marche au ralenti « peau » sensible, leur permettant de
pline est né en 1999, plusieurs années ont ou son arrêt « sûr », sans nécessiter la détecter, voire d’anticiper un contact avec
encore été nécessaires avant de voir arri- coupure de l’alimentation. Les nouvelles un humain et de s’immobiliser immédia-
tement. « Les capteurs rendent le robot
« sûr », mais pas l’outil qu’il porte. La
prochaine étape consistera à intégrer
l’outil », note Laurent Bodin, directeur
commercial de Yaskawa France. Cela
pourrait passer par l’emploi d’autres cap-
teurs d’effort sur la mécanique, ou par la
mise en œuvre sur le robot de procédures
d’évitement.
Fabrication directe
V
oilà déjà plusieurs années que l'on fabrication additive (540 Millions de dol- Obtenir des pièces ébauchées,
le défi à relever
est capable de produire des pièces lars) a été multipliée par un facteur 5 ou finies ou même des ensembles
non pas en procédant à des enlè- 6, la proportion de pièces réalisées pour fonctionnels directement à partir
vements de matière successifs, mais en une utilisation finale non-prototype est de leur définition numérique, en
agrégeant celle-ci de manière sélective elle passée de 4 % à 20 % et représente mettant en œuvre des matériaux
en fonction d'une définition numérique de actuellement un marché mondial de 600 identiques à ceux utilisés par les
l'objet. Considérées comme des techno- millions de dollars. procédés de fabrication conven-
logies de prototypage rapide, les solutions tionnels en terme de comporte-
ment mécanique.
de fabrication additives s'émancipent de La partie est déjà jouée
cette fonction première pour jouer un
rôle de production de plus en plus grand. La part de fabrication directe est donc
Si depuis 2001, la part de marché de la aujourd'hui tout sauf anecdotique et il est plus que probable que cette approche va
connaître dans les années qui viennent un
engouement croissant.
De nombreux challenges
à relever
Pour autant, il y a plusieurs défis à relever
avant que la fabrication directe ne trouve
la place qu'elle revendique. La première
clé tient dans les matériaux. Pour les
polymères et pour les métaux dans une
moindre mesure, nous avons affaire à une
combinaison matière processus très intri-
quée qui conduit souvent les utilisateurs
qui optent pour une technologie, à devenir
captifs de leur fournisseur de machine en serait tenté de rejeter d'un revers de main
terme de consommable. « C'est un verrou pourrait bien trouver sa place dans les
qu'il va falloir lever pour que les indus- métiers de l'emballage si l'on remplace
triels se lancent » considère Éric Gallet, le papier par des cartons d'épaisseurs
responsable commercial Procédés Per- adaptées.
formants et Innovants au Cetim. La tech-
nologie doit également faire des progrès Ce n'est là qu'un exemple et les applica-
dans le domaine des pièces métalliques tions ne se limitent pas à la production
pour que les caractéristiques deviennent de pièces plastiques ou métalliques pour
compatibles avec des exigences élitistes : des applications mécaniques. Il existe des
absence de porosité et de tensions rési-
duelles par exemple. Le succès passe
également par une sélection et une réelle - La plus grande imprimante 3D du marché : la VX4000 de Voxel Jet qui offre un
Point de repère
industrialisation des équipements. En espace de travail de 4 m sur 2 sur une hauteur de 1 mètre pour la production
fait toutes les technologies de fabrication de pièces ou d'éléments en sable pour moules de coulé.
additive ne vont pas intéresser les acteurs
- La part de fabrication directe dans l'enveloppe de l'impression 3D : en 2013 la
de la production de manière égale mais fabrication directe, c'est 20 % d'un marché de 3 milliard de dollars.
elles ont toute leur chance à condition de
faire l'objet d'une prise en compte des be- - La plus petite pièce produite : une maquette de formule 1 d'environ 1 dixième
soins du secteur concerné. L'impression de mm de longueur avec une précision de l'ordre du micron.
3D par collage de papier (SDL), que l'on
Services vs Industries –
la fin de la guerre
duit/process
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sant des services, les plus souvent destinés aux premières.
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Conception pro
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vec Industrie 4.0, les entreprises Et les exemples ne manquent pas. Ils cor- Organisation
Maintenance prédictive
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n équipement qui tombe en mais c'est plutôt son orchestration au
Prévoir les besoins d'interven-
panne coûte bien plus que sa sein de l'entreprise qui est sujette à une tion sur les équipements de
remise en état et même que évolution. En effet nombre de petites production afin de planifier leur
le défi à relever
son entretien. Le meilleur exemple de entreprises sont encore organisées pour déroulement en fonction de cri-
besoin de maintenance préventive, c'est assurer des opérations d'entretien de tères multiples comme la dispo-
celui de la courroie de distribution d'un premier niveau, et font du curatif pour nibilité des équipes et des pièces
moteur thermique dont la rupture peut le reste. Les sociétés les plus avancées de rechanges mais également le
niveau de stock, les prévisions de
consommation, pour que l'ab-
sence de panne se conjugue avec
une optimisation de la producti-
vité dans une démarche de TPM
(Total Productive Maintenance).
duit/process
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Convergence à tous les étages a
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Cloud. De quoi nécessiter de l'analyse de s de
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Parmi ces technologies transverses, nous données, d'où le BigData Analytics ». ilota éra
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faisons un focus sur quelques tendances rvice (int
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lourdes, parfois directement liées entre Une convergence imposée également aux du travail
Organisation
elles. Comme l’explique Jean-Pierre offreurs, aucun ne sera capable de maîtri-
Hauet, Président d'ISA-France, l'Energy ser toutes ces technologies. Les automa-
Harvesting reste un sous-problème de ticiens devront travailler avec les informa- le précise Patrick Lamboley, End User
l’Internet Industriel des Objets (I2dO). Les ticiens, pour la cybercriminalité ce sera Business Group - Industry Business
objets connectés auront d'autant plus avec McAfee ou Cassidian (devenu Air- chez Schneider Electric, « pour l'instant
d'intérêt qu'ils pourront s'autoalimenter bus), dans le Cloud avec Cisco… Conver- les demandes proviennent de groupes
et être indépendants. gence confirmée par Vincent Jauneau, industriels qui, le plus souvent, ont plu-
Directeur des Divisions Industrie de Sie- sieurs sites implantés mondialement. A
Vision complémentaire pour Oliver Vallée, mens France, « Industrie 4.0 impose un
de Rockwell Automation, « les capteurs changement dans les méthodes de tra-
intelligents mis en place via l'I2dO vont vail, que ce soit pour les offreurs, comme Patrick Lamboley, Customer View
produire beaucoup de données, ce qui nous, ou pour les clients dont les services and Marketing Director chez
implique une architecture Ethernet et du vont devoir collaborer encore plus ». Schneider Electric
« Nous allons assister à
Des normes en devenir la virtualisation du poste
Olivier Vallée, Directeur mar-
de travail. A terme, en
keting de Rockwell Automation fonction de la demande,
Autant pour les technologies précédem-
France les bonnes configura-
ment détaillées (conception, contrôle/
« Les capteurs commande, production…), il était pos- tions du poste de tra-
intelligents mis en vail descendront via le
sible de parler des évolutions dans le
place via l'I2dO vont Cloud. »
temps, certaines technologies ayant pra-
produire beaucoup
tiquement un siècle d’existence, autant
de données, ce qui
implique une archi- pour les nouvelles technologies issues, l'inverse, le nombre de PME est restreint,
tecture Ethernet pratiquement en totalité, du monde ce qui semble logique eu égard à l’offre de
et du Cloud. De numérique, la maturité et le niveau des services encore limité ».
quoi nécessiter de connaissances restent limités.
l'analyse de don- Pour fonctionner sans à-coup, ces techno-
nées, d'où le Big- D’où une maîtrise différente en fonction logies transverses devront adopter un/des
Data Analytics. » de la typologie des entreprises, comme standards. Si l'Allemagne et les Etats-Unis
Vincent Jauneau, Directeur des Divisions Industrie Il est donc primordial qu’elles intègrent
de Siemens France la notion de 4.0 dès l’origine, qu'elles en
comprennent les enjeux car l'architecture
« Industrie 4.0 impose un changement dans les méthodes qu'elles vont mettre en place devra être
de travail, que ce soit pour les offreurs, comme nous, ou
cohérente avec les évolutions futures.
pour les clients dont les services vont devoir collaborer
encore plus. »
Autre élément à prendre en considération,
au moment ou nous détaillons quelques-
unes des technologies transverses, c’est
sont en pointe, la France met son « grain logies ne sont pas matures. Mais comme que l’Industrie 4.0 ne sera pas que tech-
de sel » avec un groupe de travail ad hoc à le rappelle Vincent Jauneau « pour que les
l’Afnor, notamment pour relayer Industrie industriels avancent et investissent dans Jean-Pierre Hauet, Président
4.0 avec les standards de bas niveau. le 4.0 encore faut-il que l'offre existe. Et d'ISA-France
si certains offreurs sont fin prêts notam-
Comme le précise Jean-Pierre Hauet, ment sur la partie Hard, infrastructure, il « Il est illusoire de vou-
loir tout mettre dans
« l2dO devra reposer sur un ensemble de n'en va pas de même pour les services et
le Cloud. Il n'y a aucun
technologies et de standards reconnus logiciels associés ». intérêt de transférer ce
par les trois organismes que sont l'ISA, qui est local, sauf si l’on
l'IETF et l'IEEE, et les produits devront Dans le même temps, il faut aider les veut créer du BigData
être compatibles entre eux ». industriels à comprendre et maîtriser Analytics pour le plaisir
ces technologies. Par exemple, avoir un de le résoudre. »
L'Industrial Internet Consortium (IIC), Cloud, reste simple, encore faudra-t-
organisme à but non lucratif, est sur la
même longueur d'onde. Sa mission est
de faciliter l'intégration du monde réel et Philippe Bertrand, Directeur Général de Phoenix
du monde digital en créant des normes Contact France
cassant les silos technologiques qui « Au fil des ans, la technologie pose de moins en moins
pourraient freiner l'adoption de l'Internet de problème, la véritable barrière est culturelle. Dans le
Industriel. Il travaille notamment à iden- domaine des technologies nouvelles, une fois cette bar-
tifier les normes d'interopérabilité et à rière tombée, l’amplification sera très rapide. »
définir des architectures communes de
manière à ce que les appareils, capteurs
et abonnés réseaux puissent communi- il l'organiser pour retrouver ses petits, nologique. Elle implique un challenge
quer, de manière sécurisée. comme le souligne, Vincent Jauneau « la organisationnel et culturel.
collaboration entre les mondes de la pro-
Même combat pour l'Energy Harvesting duction/conception et informatique aura Ce que confirme Philippe Bertrand, Direc-
avec les travaux de l'IEEE et son CoAP obligatoirement lieu. Si pour la partie teur Général de Phoenix Contact France,
(Constrained Application Protocol) qui SaaS le développement se fera tout natu- « Au fil des ans, la technologie pose de
est un protocole de niveau « application » rellement, le stockage des données devra moins en moins de problème, la véritable
dédié aux dispositifs dotés de faibles res- se faire de façon intelligente ». La Smart barrière est culturelle ». Un frein qui pour-
sources comme les capteurs et action- Industrie dans toute son ampleur. rait sauter rapidement, tellement le lien
neurs auto-alimentés. Un protocole qui est fort entre les technologies nouvelles
devrait être adopté dans l'industrie, mais Entre le 3.0 et le 4.0, il reste Grand Public et celles développées pour
pas avant cinq ans. les marchés industriels (Cloud, Energy
des unités
Harvesting…) de l’énergie avec les Smart-
Des développements encore en gestation Si le 4.0 est un objectif à terme pour beau- Grid, le tertiaire... et Philippe Bertrand de
qui confirment que nous n’en sommes en- coup d’industriels, aucun ne passera du prévenir « l’amplification sera rapide, une
core qu’aux prémices, toutes les techno- 3.0 au 4.0 en une seule fois. Aussi les pro- fois cette barrière tombée ».
5
0 milliards d'objets connectés en plusieurs acteurs ont fait de l’I2dO leur La communication sera au cœur
2020, mais seulement 2,7 % des stratégie pour les années à venir. Selon de l’I2dO d’où, notamment, la
objets identifiables à cette même Jim Heppelmann, le PDG de PTC « c’est création du Consortium Internet
échéance. Autant dire que le potentiel est le prochain bouleversement de notre Industriel (IIC) par AT&T, Cisco,
le défi à relever
énorme. écosystème, à la fois pour les consom- GE, IBM et Intel. Son objectif
mateurs et pour les fabricants. Pour ces est de formuler des exigences
en matière de standards d’inte-
Derrière le terme d'Internet Industriel derniers, la possibilité de suivre en temps
ropérabilité et de définir des
des Objets (I2dO) se cache la volonté de réel un produit tout au long de sa vie et architectures communes pour
mettre en place des éléments techno- de remonter les informations sur son état la connexion des équipements
logiques, des cyber-objets autonomes et son environnement est un vecteur for- intelligents, des machines, des
aptes à prendre des décisions locales. Un midable d’innovation. Ils pourront ainsi processus… pour améliorer
concept de l'hyper connectivité qui, s’il est améliorer la conception de la génération l'intégration des mondes phy-
en pleine explosion dans notre monde nu- suivante, anticiper les pannes… ». sique et numérique. Aujourd’hui,
mérique quotidien (on parle alors d’IdO), le consortium réunit plus de 60
est encore loin de trouver sa place dans Pour Jim Heppelman « on n’achète plus sociétés.
les lignes de production, même si elles un produit, mais le service qu'il peut
devront s’adapter pour produire, juste- rendre ». Nous sommes passés du « Pro-
ment, ces nouveaux produits IdO. duct » au « Smart Product », désormais Du côté des clients
c’est l‘intégration de capteurs et de dispo-
Les industriels ne vont pas tout « casser » sitifs de communication qui leur permet- Sur les lignes de production, les indus-
pour implanter des cyber-capteurs ou des tront de devenir des « Smart Connected triels attendent de ces I2dO qu'ils ap-
cyber-actionneurs, d’ailleurs Jean-Pierre Products ». Ce sont ces technologies qui portent une meilleure visibilité sur les
Hauet, Président d'ISA-France, ne note constituent la principale source de valeur procédés, des communications directes
pas « d'emballement très fort de la part ajoutée. Et pour concevoir et fabriquer plus rapides, une distribution optimale
des fournisseurs ». des produits intelligents connectés, il faut des données et des traitements, une
des technologies qui vont au delà du tra- réactivité accrue et évidemment une
A leur décharge, autant le lien entre un ditionnel PLM. C’est pourquoi la SLM et intégration totale entre le monde de
téléphone portable et son bracelet podo- l’ALM, respectivement la gestion de vie l'IT et celui de l'OT. Une volonté qui se
mètre semble évident, autant au sein des Services et des Applications autour heurte parfois à des notions de temps
d'un site de production, les applications des produits, font partie de la stratégie réel/temps critique, de disponibilité, de
sont moins flagrantes. Mais attention, des offreurs. sécurité…
Bien démarrer Demain, les services Et les ouvertures sont multiples comme
le détaille Philipe Caisson, Business De-
Alors que faire ? Attendre que tout soit C'est sur cette architecture que vont cir- velopment Manager chez Siemens, « avec
réglé ? Certainement pas, même si toute culer les divers services. Services encore un logiciel comme IntoSite, vous avez
l’offre matérielle et de service n’est pas en développement, même si des logiciels entre les mains un navigateur d'usines
encore disponible sur le marché. L’une des de maintenance prédictives existent. Le qui autorise, via des outils comme Google
premières étapes consiste à mettre à ni- futur des I2dO est encore à venir. Earth, d'aller dans une usine, de cliquer
veau son outil de production avec un réseau sur une machine pour connaître ses
utilisant le même protocole. Comme le pré- D’où une stratégie pour aider les clients caractéristiques... avec la possibilité de
cise Patrick Lamboley, End User Business à tester la technologie qui se résume à prendre contact avec une personne phy-
Group - Industry Business chez Schneider proposer de premiers services simples, sique présente sur le site ». Une approche
Electric, « c'est une priorité pour supporter comme un basique monitoring, si pos- retenue par Ford qui, disposant déjà des
la convergence entre l'outil de production sible de manière gratuite. Des outils maquettes numériques de ses sites de
et l'informatique de l'entreprise ». statistiques viendront ensuite enrichir le production, modélise ses différents sites
service, cette fois-ci le client pourra déci- d'assemblage en 3D.
Pour cette première étape, l'offre est
mature depuis plusieurs années. L’arri-
- Tout comme l’Internet of people a modifié les rapports entre personnes, l’In-
vée d'Ethernet a simplifié la partie câ-
Point de repère
Cloud computing
V
enues du monde informatique, il de ne pas avoir à régler les problèmes de Le Patriot Act, mis en place aux
est normal que les premières et mise à niveau. Les dernières études sur le États-Unis après les attentats du
principales applications se trouvent sujet parlent de recherche, de la part des 11 septembre 2001 (qui accorde
le défi à relever
plutôt dans la partie gestion, conception… industriels, d’une flexibilité accrue (65 %) aux autorités américaines le
que dans la production pure. Mais dans et d’une réduction des coûts (57 %). droit d’accéder directement aux
l’Industrie 4.0 connectée, toutes les com- données cloud stockées sur les
serveurs des sociétés améri-
posantes vont devoir migrer vers le Cloud. En 2013, 23 % des entreprises et admi-
caines ou des entreprises étran-
nistrations utilisent du Cloud en France. gères ayant des intérêts écono-
D’abord les logiciels et le SaaS Essentiellement en mode SaaS (65 %), miques dans le pays), impose
elles se montrent encore frileuses vis- la vigilance. D’où la recherche,
Pour définir le Cloud, on peut le faire à-vis de l'IaaS – Infrastructure as a Ser- pour certaines applications,
au travers de trois caractéristiques : un vice – (28 %) et du PaaS – Platform as a d’hébergement national.
terminal d'accès (PC, tablette ou smart- Service – (11 %). Et dans le domaine de
phone) relié à internet ou à un réseau l'infrastructure, elles privilégient (67 %)
privé ; une infrastructure informatique nettement le Cloud privé. Les premières installations permettent
externe à l'entreprise ; et enfin des appli- l’historisation, la reconfiguration, le
cations. Le Cloud computing est une solu- Une prise de conscience des entreprises calcul… Pour Patrick Lamboley, End User
tion qui fournit un espace numérique vir- qui démarre, mais moins d’une entre- Business Group - Industry Business chez
tuel comme un service, avec un paiement prise sur sept a formalisé une stratégie Schneider Electric, « nous allons assis-
à la consommation. Cloud. Du chemin reste à faire. Et de nou- ter à la virtualisation du poste de travail.
velles questions se posent, en dehors de A terme, en fonction de la demande, les
Dans le domaine industriel, les premiers la question de la sécurité au sens large, bonnes configurations du poste de travail
à avoir été intéressés par le Cloud furent comme la possibilité de changer de pres- descendront via le Cloud ».
les utilisateurs de logiciels et applica- tataires. Comment récupérer ses don-
tions métiers (calcul numérique, PLM, nées et les transférer ailleurs ? Toute la difficulté consiste à mener une
CAO, collaboration...). On parle dans ce réflexion sur ce qui doit être mis dans
cas de SaaS (Service as a Software) qui Ensuite la Production le Cloud ou pas comme l'indique Jean-
donne accès à un ou plusieurs logiciels Pierre Hauet, Président d'ISA-France, « il
pré-installés et à un espace de stockage Les entreprises utilisant le Cloud dans la est illusoire de vouloir tout mettre dans le
pour ses données. Un bon moyen de payer partie Gestion/Conception/Simulation se Cloud. Il n'y a aucun intérêt à transférer
à moindre frais des logiciels en fonction sont tournées vers les autres postes de ce qui est local, sauf si l’on veut créer du
du temps d’utilisation, mais également l’entreprise et notamment la production. BigData pour le plaisir de le résoudre ».
L
es annonces du Ministère de l'éco- La France doit donc chercher ailleurs Structurer les données sera es-
nomie numérique, le rapport son salut et en l'occurrence le potentiel sentiel, et dans cette multitude
le défi à relever
Lauvergeon... les signaux en faveur se situe dans l'analytique, le DataMining d’informations disparates com-
du passage à la phase d'industrialisation (l’ensemble des techniques pour l’extrac- prenant du texte, des images, du
du Big Data ne manquent pas. tion des données). contenu multimédia, des traces
numériques, des objets connec-
tés… l’industriel devra être cer-
Le volume de données numériques aug- Tout l’intérêt des masses de données ne
tain qu’un capteur ou un compo-
mente de manière exponentielle, 90 % réside pas uniquement dans leur quantité, sant défectueux ne va perturber
de l’ensemble des données aujourd’hui le volume à partir duquel il est possible de les résultats globaux de son logi-
disponibles ont été créées ces deux der- parler de Big Data ne fait d’ailleurs pas ciel d’analyse.
nières années. Alors que l’on parlait il y l’unanimité. Pour le Commissariat à la
a peu de gigaoctets (109 octets), on parle Stratégie et à la Prospective, « l’analyse
maintenant plutôt de téraoctets (1012 oc- des Big Data comprend quatre critères que Autre caractéristique, les données analy-
tets), de pétaoctets (1015 octets), d’exaoc- l’on retrouve de façon plus ou moins simul- sées ne sont plus forcément structurées
tets (1018 octets) et même de zettaoctets tanée : vitesse, variété, véracité, valeur ». comme dans les analyses antérieures,
(1021 octets). mais peuvent être du texte, des images,
La vitesse se réfère aux délais d’actuali- du contenu multimédia, des traces numé-
Il est vrai que plus de 50 milliards d'appa- sation et d’analyse des données numé- riques, des objets connectés… Et donc se
reils seront connectés à Internet dans le riques. Les données ne sont plus traitées pose l’éternelle question : « un capteur
monde d'ici 2020. Ils deviendront l’une des en différé, mais en temps réel (ou quasi défectueux utilisé dans un système de
principales sources de carburant pour réel). Selon les cas, il est même possible conduite assistée peut-il causer un acci-
l’industrie du Big Data, cœur de ces objets de ne plus stocker les informations, mais dent en raison d’une donnée fausse ? ».
connectés. de les analyser en flux (streaming).
À ces quatre V s’ajoute souvent un cin-
Les quatre V Par exemple en croisant les données de quième, qui désigne la valeur qu’il est pos-
capteurs installés sur des éoliennes avec sible de tirer de ces données, les usages
Mais de l’Internet des Objets au Big Data, celles relatives à la météo ou aux marées, qu’elles produisent. Autre exemple, en
quelle chaîne de valeur se met en place ? il est possible d’optimiser leur orientation analysant les données provenant de cap-
Les technologies sont déjà maîtrisées par en temps réel, de mieux prévoir les temps teurs sur les avions et en les associant à
des éditeurs, pour la plupart américains. de maintenance. des données météo, on modifie les cou-
France & Portugal, note que « nous en mériques qui remontent des flux de don- 16 USD (12,30 euros) en février
sommes encore aux balbutiements. Mais nées afin de permettre, grâce à des appli- 2000 à 0,10 USD (0,07 euros) en
août 2010.
de premiers changements importants catifs, de faire de l'analyse prédictive des
apparaissent, par exemple durant des an- moteurs de machines-outils ». - Le volume de données numé-
nées les industriels étaient parcimonieux riques augmente, 90 % de l’en-
en terme d’échantillonnage, ils freinaient Un Big Data qui peut également s’avé- semble des données aujourd’hui
disponibles ont été créés ces
le nombre d'informations à stocker. Ce rer intéressant pour les fournisseurs de
deux dernières années.
verrou est en train de sauter ». matériels eux-mêmes, c'est ainsi qu'un
Energy Harvesting
S
ous le vocable d’Energy Harves- Pour y parvenir, vont être exploités les L’Energy Harvesting pour les
le défi à relever
ting, diverses études prédisent des mouvements d'un élément environnant applications industrielles, reste
chiffres d’affaires de 4 milliards à ou constituant le capteur, mais il sera très lié au déploiement de l’Inter-
l’horizon 2020, avec un total de 18 millions également envisageable de profiter de la net Industriel des Objets. Il pren-
d’unités. chaleur, des vibrations ou des ondes élec- dra sa véritable place lorsque
tromagnétiques émises. Des énergies les capteurs/actionneurs seront
indépendant en termes de déci-
Nous sommes face à un concept bien souvent faibles, mais suffisantes pour une
sion, de communication… et de-
« détouré », les technologies sont là, les auto-alimentation, d’autant plus que les vront impérativement le devenir
choix sont multiples… reste que les appli- technologies de récupération évoluent et en énergie.
que dans le même temps les composants
diminuent leurs besoins en consomma-
tion. Plus les éléments d'une usine seront là à remplacer l'ensemble des acteurs/
considérés comme des cyber-objets, plus actionneurs, il risque de couler pas mal
il sera opportun de les rendre autonomes d'eau sous les ponts.
en énergie. Cette recherche d'autonomie
d'énergie est souvent liée à la volonté de Wifi et communication
travailler en sans-fil, c’est l’autonomie
complète du capteur/actionneur qui est De plus, pour se plugger dans une archi-
recherché. tecture 4.0, l’idéal serait d’avoir des pro-
duits intégrant nativement la communica-
cations industrielles de l'Energy Harves- D’où, face à ces prévisions de marché, un tion Wifi. Ce qui n'est pas encore à l'ordre
ting sont en partie liées à l'I2dO (Internet bémol émis par plusieurs spécialistes du du jour, en raison de coûts de production
Industriel des Objets). secteur, comme pour Patrick Lamboley, encore élevés.
End User Business Group - Industry Bu-
Avec l'Energy Harvesting, il s'agit d’ex- siness chez Schneider Electric, pour qui Autre sujet en voie de règlementation,
ploiter les sources d’énergie faible et dif- le marché reste restreint, « pour l'ins- la communication. Partant du principe
fuses présentes dans l'environnement du tant nous ne sentons pas une explosion qu’un composant auto-alimenté devra
capteur, et cela à seule fin de l'alimenter du sans-fil. Les cas les plus fréquents consommer le moins d’énergie possible,
et de le rendre autonome, sans objectif de concernent plutôt des extensions d'archi- il est opportun qu’il ne soit « réveillé » que
valorisation autre. tecture vers des zones distantes ». De pour envoyer ou recevoir des informations
– Piézoélectricité : récupération de
l’énergie générée lorsqu’une pression est
exercée sur un matériau piézoélectrique,
les vibrations sont ainsi transformées en
électricité.
– Thermoélectricité : récupération de
l'énergie résultant de la différence de
températures entre deux éléments.
– Photovoltaïque : récupération de
l'énergie issue du soleil, mais également
de toute lumière même artificielle.
– Energie cinétique : énergie issue des
mouvements d'un corps.
– Electromagnétisme : collecte de l'éner-
gie véhiculée par les ondes électroma-
gnétiques.
duit/process
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Conception pro
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haque grande révolution indus- travail a été facilitée par la mise en œuvre ca
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trielle a amené son lot de chan- de nouveaux modes de gestion des res- sd ance
on inten
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gements dans l’organisation du sources humaines visant à améliorer les P éra tion,
Op égra
rvice (int
travail. Ce fut notamment le cas avec la compétences des salariés, à les inciter à S e
l
on du travai
deuxième révolution Industrielle à la fin s’impliquer dans leur travail et à partici- Organisati
du XVIIIe siècle avec l’arrivée de l’électri- per aux décisions opérationnelles.
cité, de la mécanique, du pétrole… C’est sentation des variables de contraintes de
l’origine de la mécanisation du travail, des Couramment la typologie des formes rythme, de monotonie et de répétitivité du
machines mues par des moteurs élec- d’organisation du travail se découpe en travail. Elle constitue une classe d’organi-
triques, et comme l’a si bien montré Cha- quatre classes : les organisations « ap- sations « apprenantes » du travail, qui s’ap-
plin l’homme n’a plus qu’à courir après la prenantes », les organisations en lean parente au modèle sociotechnique suédois,
machine, si possible en rythme. production, les organisations tayloriennes fondé sur le principe d’équipes autonomes
et les organisations de structure simple. de travail qui s’auto-organisent pour réali-
Il était une fois l’Industrie 2.0 Ces quatre classes se différencient ser les objectifs établis avec la hiérarchie,
principalement selon les deux dimen- et dont les membres sont polyvalents sur
Parallèlement, à cette révolution, l’ingé- sions : d’une part, l’opposition entre les l’ensemble des tâches des équipes. En
nieur Frederick Winslow Taylor invente, variables d’autonomie procédurale et de rupture avec la conception taylorienne de
en 1911, le taylorisme, une organisation contenu cognitif du travail et les variables division des tâches, ce modèle donne une
scientifique du travail qui permet d’aug- de contraintes de rythme de travail et, plus grande intelligibilité au travail, ce qui
menter la productibilité des salariés, d’autre part, l’importance ou non accor- conduit certains à le définir comme un mo-
et Henri Ford instaure le montage à la dée au travail en équipe, à la rotation des dèle de « production réflexive ».
chaine qui permet de réduire fortement tâches et à la gestion de la qualité.
les temps de production, dans son cas le Cette classe d’organisations apprenantes
modèle Fort T passe de 6 heures à 1 heure Les organisations se rattache également au modèle de
trente. Un modèle toujours d’actualité.
« apprenantes » « production en équipes autonomes à
l’américaine », qui combine les principes
De nombreux travaux, et notamment Elles se caractérisent par une sur-repré- du système sociotechnique suédois et
certains menés par l’Union Européenne sentation des variables d’autonomie pro- ceux du management de la qualité.
comme « Les formes d’organisation du cédurale et de contenu cognitif du travail
travail dans les pays de l’Union Euro- (apprentissage dans le travail, résolution Les organisations en lean
péenne » d’Edward Lorens et Antoine de problèmes, complexité des tâches) et,
production
Valeyre, dont nous reprenons en partie dans une moindre mesure, des variables
les conclusions, montrent que la diffusion de gestion de la qualité (autocontrôle et Les pratiques de travail en équipe, de
de nouvelles pratiques d’organisation du normes précises), et par une sous-repré- rotation des tâches et le management
58#
Gimélec - Industrie 4.0 Septembre 2014
Les enjeux de la modernisation
Secteur Métallurgie
S
idérurgie, fonderie, transforma- Pour l’industrie métallurgique, l’adaptation aux variations de
tion des métaux, construction volumes et aux demandes de nouvelles références des donneurs d'ordres
mécanique, navale, aéronautique, requière réactivité (tailles de séries hétérogènes) et flexibilité (références
spatiale, ferroviaire et automobile, com- nombreuses).
posants et équipements électriques et
électroniques, appareils électroména-
gers, la métallurgie est indispensable à
de très nombreux secteurs d'activités.
Avec 1,5 millions de salariés, la filière
Cartographie des priorités de modernisation
représente près de la moitié de l'emploi
industriel français. L’Hexagone est le 11e
du secteur fabrication de pièces et produits en métal
pays producteur de métal au niveau mon-
dial, loin derrière la Chine, le Japon, les
Etats-Unis et la Russie. En attendant,
tous les industriels sont unanimes.
Secteur Automobile
«M
ois après mois, les chiffres veloppe ainsi la démarche NOVA au sein s'adapter à des séries plus réduites.
des ventes en Europe tra- de laquelle les chercheurs travaillent sur
duisent la désaffection de la robotique collaborative (ou la « cobo- Pour faire face à cette nouvelle contrainte
la clientèle envers l’achat d’automobiles. tique »). Le principe : imaginer des robots de multiplication des modèles et des
En 2012, il s’est vendu 7,1 % de véhicules pouvant évoluer hors des zones sécuri- références, l’outil de production des in-
en moins par rapport à 2011. C’est 18 % de sées dans lesquelles ils sont actuelle- dustriels de l’automobile se doit d’être
moins qu’en 2007, soit près de 2 millions ment confinés pour raison de sécurité. flexible et interconnecté avec l’amont (les
de voitures disparues alors que la produc- La réduction des coûts se fait aussi au sous-traitants) et l'aval de l'usine (les
tion mondiale devrait continuer à croître niveau de la conception produits/process, concessions). Les lignes de production
de 3 % en 2012 » estime Jean-Pierre Cor- notamment par le recours à des logi- seront plus petites et plus nombreuses
niou dans son livre « 1,2 milliards d’auto- ciels toujours plus performants (CFAO, et les machines multi-opérations afin de
mobiles 7 milliards de terriens, la cohabi- PLM, MES, GMAO) et au prototypage par s'adapter à des carnets de commande
tation est-elle possible ? ». impression 3D. Le PLM, par exemple, plus fluctuants. La production va gagner
permet entre autres de réduire le temps en flexibilité et sera plus personnalisée et
Réduire les coûts de production entre la conception et la mise sur le mar- réactive. Les quantités produites seront
ché des produits et le coût des prototypes. modulables en temps réel.
La demande dans le secteur automobile
en Europe et plus particulièrement en Enjeux de modernisation
France a fortement diminué ces dernières
années, parallèlement à l'émergence de > Flexibilité accrue de l'outil de production : – lignes de production plus petites et
nouveaux acteurs sur le marché. Pour plus nombreuses pour s'adapter à des carnets de commande plus fluctuants – ma-
chines polyvalentes, capables de s'adapter à plusieurs opérations.
parvenir à réduire les coûts de produc-
> Machines plus productives (centres de transfert, tours multibroches, etc.) : auto-
tion et maintenir une marge acceptable
matisation et robotisation.
dans un marché très concurrentiel, déve-
> Réduction des coûts de développement/conception(CFAOintégrés, MES), prototy-
lopper la productivité et la précision des page par impression 3D.
machines (centres de transfert, tours
> Automatisation du contrôle des lignes et agilité accrue des programmations de
multibroches) par l’automatisation et la machine.
robotisation est indispensable. > Intégration avancée de la supply-chain(fournisseurs, intégrateurs, systémiers,
assembleurs) et des circuits de distribution(prévision de la demande), PLM.
Pour mettre au point de nouvelles voies > Intégration de nouveaux matériaux (aluminium, composites…).
d'automatisation et faire évoluer leur > Précision accrue (downsizing des moteurs…).
équipement robotique, le groupe PSA dé-
Secteur Aéronautique
Avec une forte augmentation des cadences de production des as- Sécuriser les chaînes
sembleurs et de leurs fournisseurs, et un objectif de « zéro défaut », le de production
secteur aéronautique tire les autres industries vers le 4.0.
Afin de sécuriser cette production soute-
nue, il est nécessaire à la fois d'investir
en amont dans la conception produit/pro-
cess, mais aussi tout au long de la chaine
de production en renforçant les dispositifs
A
l'inverse du secteur automo- lions d’emplois. Entre 8 % et 17 % de ces de mesure et de traçabilité : capteurs,
bile, l'aéronautique connait une 600 milliards d’euros de chiffre d’affaires machines auto-correctrices, intégration
belle croissance. Les livraisons seraient consacrés à la recherche et dé- des ERP, etc.
d’avions par Airbus et Boeing atteignent veloppement. C’est deux fois plus que la
aujourd’hui le millier d’appareils par an moyenne des secteurs industriels. Cela passe dans un premier temps par le
pour un trafic passager également en marquage des pièces, l'utilisation de sys-
constante augmentation. Cette demande croissante pousse les tèmes de gravure laser, puis par l'enregis-
deux géants ainsi que l'ensemble de la trement et le stockage de leur historique :
Selon l’ACARE (Advisory Council for Avia- filière, à augmenter leurs cadences de conditions de production, opérateurs res-
tion Research and Innovation in Europe), production. Cela suppose la création de ponsables de la fabrication… La simula-
le secteur aéronautique européen avec nouvelles chaines de production auto- tion complète des lignes de montage, le
plus de 400 compagnies aériennes, 700 matisées intégrant des machines de pro- pilotage au plus prêt des unités, l’utilisa-
aéroports commerciaux et 600 millions de duction à haute performance comme des tion de solutions de MES, le prototypage
passagers représente un chiffre d’affaires machines-outils cinq axes, des centres de 3D sont autant d’enjeux de modernisation
de 600 milliards d’euros et près de 9 mil- transfert multi-opérations… pour le secteur aéronautique.
Enjeux de modernisation
> Création de nouvelles chaînes de production.
> Automatisation des processus de transformation et de l'environnement machine.
> Mise en place de machines à haute performance : centre de transfert multi-opérations, robots 5 axes, etc.
> Développement de systèmes de sécurisation de la chaîne de production (systèmes de contrôles, intégration des ERP, etc.).
> Simulation complète des lignes de montage, pilotage au plus prêt des unités, utilisation de solutions de MES, prototypage 3D.
> Contrôle qualité, exigence de traçabilité élevée, tolérance resserrée, qui constituent une barrière à l'entrée pour les fournisseurs
(gravage laser, systèmes de suivi, etc.).
> Développement de nouveaux procédés de traitement de la matière, de machines capables d'usiner de nouveaux matériaux (ex :
tissage 3D de matériaux composites, Titane-Aluminium, usinage du composite...).
> Tolérances resserrées, précision accrue des machines.
Secteur Agroalimentaire
Concevoir des lignes de production intégrant des normes d’hygiène besoin de machines polyvalentes, facile-
et de sécurité alimentaire renforcées tout en permettant un renouvelle- ment adaptables. La standardisation ou
ment accéléré des produits (composants, packaging…) est un enjeu de modularisation des modes de production
taille pour le secteur alimentaire. est un autre enjeu à laquelle doit répondre
le secteur.
A
vec près de 13 000 entreprises, difficultés économiques ont mis en évi- lement importante pour une intégration
600 salariés et un chiffre d’affaires dence la nécessité de concentration d’une accrue avec les réseaux de distribution.
de 160,5 milliards d’euros, l’agro- industrie relativement fragmentée. Une Enfin, dans une industrie de semi-pro-
alimentaire est la première filière indus- manière d’accroître la taille critique et cess, la réduction des coûts unitaires
trielle de France et l’une des seules à ainsi de réduire les coûts unitaires. Selon passera également par la réduction des
avoir résisté au phénomène de désindus- le cabinet Roland Berger, cette nécessaire frais de maintenance : télémaintenance,
trialisation. concentration doit s'accompagner d'une maintenance prédictive...
automatisation des unités de production
Si l’industrie agroalimentaire dispose et permettre de réduire les coûts uni- Renforcer la sécurité sanitaire
d’avantages comparatifs réels : un amont taires tout en s'adaptant à la multiplicité
des aliments
agricole fort, un savoir-faire industriel et des références (flexibilité).
scientifique reconnu, des dispositifs opé- Des concombres contaminés en 2011
rationnels de contrôles de la qualité et de Face à la nécessité de rationaliser les aux plats préparés à la viande de cheval
la sécurité sanitaire, elle est confrontée gammes de produits tout en permettant en 2013, les crises alimentaires ne sont
à des défis de taille, aussi bien sociétaux un renouvellement régulier des réfé- pas passées inaperçues. Afin de renfor-
qu’économiques, sanitaires et environ- rences (marketing produit), il y a un fort cer la traçabilité des produits et garan-
nementaux. Les modes de consomma-
tion se sophistiquent, avec une orienta- Enjeux de modernisation
tion de l’alimentation vers la santé et le
bien-être. Les consommateurs sont plus > Modernisation et automatisation des unités de production les plus artisanales.
vigilants vis-à-vis de la qualité et la traça- > Besoin de machines polyvalentes, facilement adaptables.
bilité de ce qu’ils mangent et de l’impact > Nécessité de standardiser les modes de production ou modularisation.
environnemental. > Pour l'emballage, recherche de technologies traditionnelles et de coûts machines
limités pour renouvellement régulier.
Réduire les coûts unitaires > Mise en place d'équipements et de systèmes de contrôle de la qualité et de la
traçabilité.
Doux, Gad, Marine Harvest, Tilly Sabco… > Mise en place d'outils de mesure des conditions de production (capteurs ther-
On ne compte plus les groupes indus- miques, hygrométriques, puces RFID…).
triels dans le secteur agroalimentaire > Interconnexion des systèmes de pilotage et de commande avec l'extérieur.
qui ont subi de plein fouet la crise. Ces
tir le respect des normes d'hygiène, des Plus que d’améliorer la sécurité sanitaire la bière peut être rapidement détectée et
équipements et des systèmes de contrôle des aliments tout en assurant une meil- ainsi permettre les décisions ad hoc. Les
de la qualité et de la traçabilité ainsi que leure traçabilité, les capteurs pour le suivi capteurs peuvent également être utili-
des outils de mesure des conditions de en temps réel répondent également au sés au contact direct des aliments via les
production (capteurs thermiques, hygro- besoin de suivi des bioprocédés indus- emballages. Le marché mondial de ces
métriques, puces RFID…) sont indispen- triels. Par exemple, la présence d’une nouveaux emballages appelés actifs et
sables. bactérie dans un liquide tel que le lait ou intelligents augmente chaque année.
Gimélec : Le plan 34 - Usine du Futur - pas des fournisseurs d’équipements, ont pour beaucoup du retard en termes
se décline en deux axes principaux, des constructeurs de machines perfor- d’outil industriel. Et notre ministre tient
le développement d’une offre fran- mants, nous n’y arriverons pas. à ce que cette dimension PME puisse
çaise et une meilleure diffusion des être menée directement par les régions
méthodes et outils de production Nous devons nous muscler en France qui connaissent le mieux leur tissus éco-
dans nos entreprises. Commençons sur ces deux aspects, créer un envi- nomique local et donc vont s’approprier
par la seconde partie. ronnement facilitateur (équipemen- ce travail auprès des industriels.
tiers, fournisseurs…) pour qu’ensuite
Roland Berger note dans son rapport les grands groupes, les ETI et les PME Certaines régions ont déjà lancé un ap-
une stagnation des investissements utilisent les technologies et équipe- pel à projets auprès des PME qui sou-
des grands groupes en France mais ments fournis par ces équipementiers et haitent franchir le pas vers l’excellence
aussi une augmentation de leurs in- constructeurs de machines. industrielle. A partir des demandes ex-
vestissements, de 43 %, à l’interna-
tional. Comment les inciter à investir
plus en France ? C’est tout un « meccano » de politique
Tahar Melliti : C’est le cheval de bataille industrielle qui a été engagé.
du ministre (voir note de fin d’article), de
trouver toutes les solutions pour que nos
industriels produisent et investissent en Gimélec : Justement, les Grands primées par ces industriels, les régions
France. Il existe déjà certaines briques Groupes pourraient les « emme- vont confier le diagnostic à des consul-
faisant suite au rapport Gallois comme ner », avec eux, à l’export ? tants spécialisés.
le CICE… Il n’en reste pas moins que ces
grands groupes, qui ont des capacités Tahar Melliti : C’est notre objectif, et un Gimélec : Nous avons des consultants
industrielles et investissent, ont besoin moyen de combler notre déficit. C’est formés pour faire ce travail ?
d’acteurs industriels de Rang 2, de très tout l’écosystème des outils de pro-
bon niveau, sur lesquels ils puissent duction que le ministre souhaite créer Tahar Melliti : C’est l’une des contraintes,
s’appuyer pour être encore plus produc- avec ce plan Usine du Futur, des Grands pour cela nous constituons une sorte
tifs et compétitifs, c’est une composante Groupes aux PME. de cahier des charges du « diagnos-
qui est trop souvent oubliée dans les tiqueur ». C’est primordial, au niveau
diagnostics des freins à l’investissement Gimélec : Parlons des PME. Pour les national il nous faut des critères de
des entreprises en France. inciter à moderniser leur outil de qualité qui s’adressent à tous, avec le
production, on a parlé de diagnostic même niveau d’exigence, les « diagnos-
Gimélec : Si je poursuis votre raison- auprès de 2 à 3.000 PME. Qui va faire tiqueurs » doivent avoir la même base
nement, pour avoir une Usine du ce gigantesque travail ? Qui pour les de réflexion tout en tenant compte du fait
Futur cohérente toute la chaîne de former, certaines initiatives passées que les métiers des PME sont différents.
valeur doit exister. Or, les ensem- ayant montré les limites du concept ? Après, sur le terrain, l’organisation dans
bliers, intégrateurs et fournisseurs les régions sera différente, mais le cœur
de biens d’équipement existent en Tahar Melliti : Les PME sont un volet du diagnostic sera commun.
France, mais pour les Constructeurs essentiel du plan. La démarche choisie
de machines, le manque est criant. n’a rien à voir avec ce qui a pu se faire Ces acteurs du diagnostic seront finan-
Que faire ? dans le passé. cés par les régions, mais attention il
ne s’agit pas de passer trois mois dans
Tahar Melliti : La constitution d’une Comprenez que nous souhaitons faire chaque entreprise. L’objectif est d’ap-
offre technologique, au meilleur niveau « sauter » une classe aux PME comme porter un œil extérieur et d’identifier les
mondial, est essentielle. Si nous n’avons le dit souvent le ministre. Nos industries problèmes principaux, les marges de
Cette interview a été réalisée à Bercy le 21 août 2014. Soit quelques jours seulement avant le départ d’Arnaud Montebourg.
Mais nul doute que l’impulsion voulue par l’exécutif restera similaire sur ce plan « Usine du Futur ».
La nécessité d'intégrer
des compétences nouvelles
L
a fabrication et l'utilisation d'un ou- L'interconnexion entre machines, mais (Big Data Analytics) et de programma-
til de production industriel repose aussi de l'usine avec l'amont et l'aval, tion (maintenance prédictive). L'appareil
historiquement sur des compé- nécessite des compétences informa- de production lui-même crée davantage
tences en mécanique. Puis, les décen- tiques et réseau. Le recours à des com- d'informations qui, une fois analysées,
nies 1990 et 2000 avaient déjà connu pétences réseau et logiciel est renforcé permettent de rendre le processus
l'apparition de la mécatronique combi- par le dispositif de pilotage (de la ma- productif plus performant en termes de
nant mécanique et électronique (com- chine ou de la ligne) auto-apprenant. délais, de coûts de production, de flexi-
mande numérique…). bilité, de traçabilité, de précision.
Enfin, la priorité donnée à la conception Transversalement, la modernisation de
Les perspectives de l'industrie 4.0 sou- produit/process nécessite l'intégration l'outil de production passe par une plus
lignent la nécessaire intégration de de compétences additionnelles en ingé- grande intégration de différentes tech-
nouveaux champs disciplinaires tant nierie système, modélisation. Appliquée nologies. Le mouvement renforce le rôle
pour les acteurs de l'offre d'outils de à la maintenance, cette logique requiert des intégrateurs et des acteurs de la
production que pour les industriels. des compétences d'analyse de données conception produit/process.
L’évolution des effectifs de l'industrie manufactu- de perdre de la substance sur le travail que l’on faisait. Au
rière entre 1980 et 2007, selon l'Insee, est de - 36%. contraire, le salarié va réaliser quelque chose de supérieur
A l'inverse, entre 1995 et 2010, les effectifs de cadres à ce qu‘il faisait antérieurement, tout seul.
ont augmenté de 23 % selon l'Apec. L’industrie est en Il faut voir, par exemple, le métier de soudeur non pas
mutation forte ? comme le fait de réaliser des soudures, mais comme le
moyen de participer à l’élaboration d’un projet.
Ce sont deux évolutions caractéristiques de l’industrie
manufacturière et il est à noter que ces chiffres sont sem-
blables dans la plupart des pays industrialisés. Toutes ces évolutions techniques, c’est du chômage
Un élément a amplifié ce phénomène, à savoir l’externali- en devenir ?
sation d’activités qui étaient gérées à l’intérieur de l’indus-
trie et qui ont été transférées au secteur des services que Chaque fois que vous introduisez de nouvelles ma-
ce soit pour la maintenance ou le transport. chines, cela crée de nouveaux métiers liés à la mise
Concernant l’évolution des qualifications, nous avons assis- en œuvre de ces machines. Dans l’Usine du futur il y
té à une montée en gamme, ce qui ne signifie pas que nous aura bien évidemment des salariés, le défi sera d’être
n’ayons plus besoin de soudeurs ou de chaudronniers, au capable d’identifier les métiers qu’ils feront, et de les
contraire l’industrie en manque. attirer.
C’est un phénomène qu’il faudra gérer. Nous avons besoin
de recruter dans l’industrie manufacturière de l’ordre de
100 à 150.000 personnes par an sur les dix ans qui viennent
que ce soit pour des raisons de pyramides d’âges ou de
transformation des métiers, des technologies, des mar-
chés… qui imposent aux entreprises la recherche de nou-
veaux savoir–faire.
Le challenge de l’industrie française, si elle veut aller vers
l’Usine du futur, sera d’identifier, d’attirer et de former les
L
e secteur industriel a toujours été production installés au cœur même des
en continuel mouvement. Une fois villages chargés de fabriquer en petites
de plus, il est entré dans une phase quantités, notamment grâce à l’évolu-
de profonde mutation, phase qui voit les tion technologique ( impression 3D…),
technologies numériques s’intégrer de les produits dont nous aurons besoin au
plus en plus au cœur des processus quotidien.
industriels.
L’intelligence de l’Homme
Partout dans le monde, on parle d’une
quatrième révolution industrielle don- Mais alors que devient l’Homme ? Quelle
nant naissance à une nouvelle généra- est la place qui lui sera accordée dans
tion d’usine. Divers noms sont donnés à cet univers technologique connecté ?
l’usine de demain : smart factory (usine Il a toujours joué un rôle clé depuis
intelligente), cyber-usine, usine connec- les débuts de l’industrie en s’adaptant
tée... Peu importe la désignation. Qua- continuellement à chaque période. Cela
trième révolution, cela veut dire qu’il se poursuivra. Les robots ont de l’avenir
y en a eu avant et on peut prendre les c’est certain ; ils seront connectés à in-
paris qu’elle ne sera probablement pas ternet et en contact avec des puces RFID nouveaux modes de distribution, de l’in-
la dernière. Nouvelle révolution, carac- (Radio Frequency IDentification) qui leur tégration du consommateur par le biais
térisée par la fusion du monde virtuel transmettront des consignes ; l’interface des réseaux sociaux. Elle soulignera la
qualité et les connaissances des ingé-
nieurs, des techniciens, des opérateurs
Ne rêvons pas : l’usine sans homme en leur confiant davantage de tâches à
valeur ajoutée.
n’est pas pour demain.
Le rôle des Hommes sera d’autant plus
important qu’il faudra aller vite vis-à-vis
de l’internet délocalisé avec le monde homme–machine assistée par ordina- de ces marchés. La différence entre les
réel des installations industrielles et teur sera plus que jamais au cœur de entreprises pour répondre à une perfor-
amenant une véritable rupture techno- l’usine du futur, mais c’est l’intelligence mance toujours renouvelée et exigeante
logique pour la poursuite de l’extraordi- de l’Homme qui fera devenir cette usine se fera par les Hommes.
naire champ d’innovation, de progrès et plus intelligente.
de croissance vécue depuis les débuts L’usine du futur sera confrontée à 4
de l’industrie. Ne rêvons pas : l’usine sans homme n’est grands types de problèmes : l’usine et la
pas pour demain. Les robots seront là nature - l’usine et le voisinage – l’usine
En effet, depuis le début de l’ère indus- pour effectuer les tâches répétitives les et la création de valeur - l’usine et les
trielle, des innovations innombrables moins intéressantes ou nécessitant de hommes.
ont eu lieu et des gains de producti- la précision. Cette nouvelle vague tech-
vité, de temps, d’énergie ont été conti- nologique basée sur le numérique sera Les techniques seront potentiellement à
nuellement réalisés. Cela va continuer, associée à des demandes marché très la disposition de toutes les entreprises
toujours au service des marchés et des fortes en terme d’innovation, de sécuri- et l’avantage stratégique sera alors basé
clients. Demain, nous pourrions avoir té, de respect de l’environnement et des sur deux points : la supériorité de l’ex-
de grosses usines ultraperformantes et matières premières, de performance pertise industrielle (équipement, em-
connectées mais aussi de petits sites de économique au sens large du terme, de ployés) et l’engagement du personnel.
La Cybersécurité s'organise
Interview de Stéphane Meynet, chef de projet Systèmes Industriels à l'ANSSI.
Le chiffre de 102 attaques de cybercriminalité réussies par semaine Stéphane Meynet : Il ne s’agit nullement
en 2012 est passé à 122 en 2014, et ce malgré une prise de conscience de garantie. Ce n’est pas parce que vous
notoire des industriels. utilisez un système ou un produit label-
lisé que vous êtes garanti contre toutes
les attaques. Un produit labellisé peut
avoir des vulnérabilités futures, il faut
toujours rester prudent et tenir compte
du contexte. Et, régulièrement, il faut
mettre à jour ces homologations.
Gimélec : En deux ans, les industriels sécurité de ses installations et des sys-
prennent-ils conscience de l’impor- tèmes dans leur ensemble. Effective- Gimélec : Vos travaux de labellisation,
tance de la cybercriminalité ? Cette ment, comme vous le dites, ce n’est pas d'homologation vont impliquer des
problématique est-elle la dernière parce qu’il a acquis des briques labelli- décrets d’applications du référen-
traitée, lorsqu’il reste du budget ? sées que l’ensemble aura un niveau de tiel ? Sans une couche de législatif,
sécurité suffisant. difficile de faire appliquer quoi que
Stéphane Meynet : En deux ans les choses ce soit ?
ont énormément évolué, les industriels Pour répondre à cette problématique,
se sont appropriés le sujet. La prise nous proposons l’homologation des sys- Stéphane Meynet : Effectivement, nous
de conscience est réelle, aujourd’hui il tèmes et nous venons même de publier sommes actuellement dans la phase
reste à mettre tout en œuvre pour ren- un guide sur l’homologation. Son objectif législative, notamment avec la loi de pro-
forcer les systèmes de production. est de permettre à un industriel de s’as- grammation militaire qui a été votée en
surer, avant le démarrage d’une installa- décembre 2013. L’article 22 de cette loi ne
Gimélec : Pour les aider, l’Ansii tra- tion, après une analyse de risques, qu’il porte pas exclusivement sur l’aspect mili-
vaille sur la labellisation de produits.
Quel est le fonctionnement ?
Nous souhaitons étendre ces labellisations
Stéphane Meynet : Nous avons déjà la- aux équipements du monde industriel
bellisé plusieurs produits de sécurité
comme des pare-feu, des logiciels de comme les automates programmables,
chiffrement… Cette labellisation est une les IHM…
aide pour les utilisateurs, entre deux
produits ils savent que le produit label-
lisé est robuste et que pour l’autre, nous a mis en place la sécurité nécessaire taire mais vise à renforcer la sécurité des
ne savons pas. et que les risques résiduels sont bien infrastructures critiques de la nation. Der-
identifiés. rière ce terme se trouvent des domaines
Maintenant, nous souhaitons étendre comme l’eau, le transport, la santé, l’éner-
ces labellisations aux équipements du Et nous allons encore plus loin, après gie… cet article donne de nouveaux pou-
monde industriel comme les automates la labellisation des produits et l’homo- voirs au Premier Ministre pour renforcer
programmables, les IHM… logation des systèmes, il reste une le niveau de sécurité des installations, il
composante fondamentale qui est de permet de définir des mesures que les
Gimélec : Ne risquez-vous pas d’arri- trouver les prestataires compétents qui opérateurs devront mettre en place.
ver au même phénomène que pour vont s’assurer que l’installation est en
les certifications SIL (sécurité des sécurité. C’est notre prochaine étape : la Gimélec : Existe-t-il des clients fi-
machines) à savoir que mettre des labellisation des prestataires. naux qui intègrent cette notion de
produits SIL3 ensemble ne garantit labellisation dans leurs cahiers des
en rien que l’application sera SIL 3 ? Gimélec : Labellisation, homologation charges ?
…. Qui garantit les résultats si j’uti-
Stéphane Meynet : Il faut garder à l’esprit lise un produit certifié et que je suis Stéphane Meynet : Nous sommes face à
que l’industriel cherche à renforcer la piraté ? des clients qui se posent des questions
Challenges et opportunités
des Systèmes Cyber-Physiques
par Karine Gosse, directrice du CEA LIST.
J
usqu'à la fin des années 1980, systèmes de calcul et de communica- Les challenges des systèmes
le traitement de l'information tions sont de plus en plus connectés à cyber physiques
était associé à de grands ordina- leur environnement physique et intégrés
teurs centraux et d'énormes lecteurs dans un nombre croissant d'objets et de La recherche est aujourd’hui partition-
de bande. Durant les années 1990, il a systèmes. née en un ensemble de disciplines spé-
évolué pour être associé à l'usage des cifiques et cloisonnées comme les cap-
ordinateurs personnels, les PC. Depuis, L'émergence de cette nouvelle géné- teurs, la communication et les réseaux,
la tendance à la miniaturisation a conti- ration de systèmes intégrant des ca- la théorie du contrôle ou l'informatique
nué et la plupart des systèmes dédiés au pacités de calcul avec des processus et l'ingénierie logicielle. Les systèmes
traitement de l'information sont main- physiques (et même biologiques) et sont conçus et analysés en utilisant
tenant de petits modules de calcul inté- pouvant interagir avec les humains a une grande variété de formalismes et
grés dans des produits plus grands. conduit en 2006 Helen Gill du NSF à d'outils de modélisation sans liens entre
introduire le terme de Systèmes de eux. Chaque représentation, issue d'un
On assiste, avec la présente décen- Cyber-Physiques (CPS pour Cyber Phy- domaine de recherche spécifique, met
nie, à la prolifération de capteurs à bas sical Systems). Ils font généralement en évidence certaines caractéristiques
coût, de capacité croissante et au fac- appel à des boucles de rétroaction où sans tenir compte des autres. Typique-
teur de forme de plus en plus petit et les processus physiques influent sur ment, un formalisme particulier repré-
à l'apparition de composants de calcul les calculs et vice-versa. Cette capacité sentera soit un processus cyber soit
aux performances croissantes, bas coût d'interagir avec le monde physique et un processus physique, mais pas les
et consommant toujours moins. On d'en étendre les capacités par le calcul, deux. L'expertise est de même morce-
est aussi au cœur de la révolution des la communication et le contrôle est un lée au détriment de la productivité, la
communications sans fils fournissant facteur clé du développement des tech- sécurité ou l'efficacité. Bien que cette
en abondance un accès internet. Ces nologies du futur. approche puisse suffire à soutenir une
vision des CPS fondée sur un ensemble
de composants individuels, elle pose un
problème pour la vérification et la sécu-
rité au niveau système comme pour les
interactions entre composants. Cela
requiert une approche interdisciplinaire
des systèmes au-delà des clivages en
particulier pour résoudre les enjeux
de la conception des architectures, du
contrôle et du calcul distribué ainsi que
de la vérification et de la validation.
Architectures
Pour permettre une conception et un
déploiement rapide des CPS, il est né-
cessaire de développer des approches
innovantes pour définir des architec-
tures qui rendent possible une inté-
gration transparente des éléments de
contrôle, de communication et de calcul.
J
amais l’espèce humaine n’a laissé ont changé les habitudes d’appréhen- c’est un gage de conquête et de réus-
autant de traces de son quotidien, sion de la complexité : on doit apprendre site. C’est aussi un impératif pour notre
de ses actions, de ses modes de à communiquer plus vite, à analyser plus économie ; pour nos entreprises c’est
vie et de son intelligence en si peu de vite des informations massives et multi- réellement une question de survie : en
temps et à si grande échelle. Jamais dimensionnelles, on doit surtout décider France, 80 % des entreprises qui ont fait
elle n’a bâti de réseaux aussi gigan- plus vite. Le numérique est un levier faillite l’an dernier, n’étaient pas visibles
tesques, fluides et ouverts, qu’elle ne le incontestable d’optimisation des actions sur Internet (baromètre de la société
fait aujourd’hui grâce aux technologies et un accélérateur de la prise de déci- Email-Brokers 2014), et Internet n’est
de l’information et de la communica- qu’une partie émergée du numérique.
tion. Jamais elle n’a à ce point, connu de
transformations qui n’affectent autant Il ne faudra plus être L’avantage comparatif ira désormais au
son environnement, son quotidien, ren- plus souple, au plus adaptable, à celui
dant par là même son futur si difficile à
le plus gros pour durer qui aura su capter les forces de la mé-
cerner alors même qu’il devient techni- mais le plus agile tamorphose des systèmes. Il ne faudra
quement (grâce aux algorithmes prédic- plus être le plus gros pour durer mais le
tifs) si prévisible. plus agile, il ne faudra plus être le riche
sions. Mais il impose en même temps, pour se doter des moyens les plus per-
Mais tout porte à croire que nous ne une veille, une vigilance et une respon- formants mais certainement le mieux
sommes qu’au début de grands boule- sabilisation des acteurs décuplées tant informé, le plus initié. La clé du succès
versements, économiques et sociétaux, les effets produits sont puissants. dans l’appréhension de ce changement
tirés par l’incorporation systématique de majeur de paradigmes, se cache dans
la technologie numérique dans chaque Agilité et adaptation ces petits détails : l’information et sa
interstice de nos vies, de nos modes de maîtrise, l’information et sa transforma-
production et d’organisation. La force du Pour l’entreprise, le défi est à la hauteur tion en vue d’améliorer l’ensemble des
numérique est une promesse que nous des promesses portées : promesses de process existants.
contribuons tous à construire, à titre in- performances, promesses de compétiti-
dividuel mais surtout de façon collective. vité, promesses de créativité et d’inno- Ces notions sont en effet le corollaire
L’entreprise est évidemment au centre vation renouvelées. Le saut qualitatif est de la performance des outils qui ont
de ces mutations et si elle ne s’y adapte renforcé par des conditions de coûts qui contribué à imposer les nouveaux mo-
pas, son sort à moyen terme ne sera que ne constituent plus une barrière à l’en- dèles. Celui qui décode, rend intelligible,
funeste. trée. La PME et le grand groupe béné- s’approprie, diffuse ou organise les flux
ficient des mêmes accès, des mêmes d’informations produits par toute une
L’enjeu majeur pour l’entreprise est avantages, pour peu que la transfor- communauté de clients, utilisateurs,
d’être en capacité de tirer le meilleur de mation des process et des modèles fournisseurs, collaborateurs… saura, à
ce mouvement, itératif, évolutif, disruptif devienne leur priorité. Nous sommes n’en pas douter, tirer son épingle du jeu.
à bien des égards, en s’en appropriant passés dans un univers où les pesan- A l’inverse, refuser de prendre à bras le
les règles du jeu, la logique et surtout en teurs matérielles s’estompent face à la corps ce défi majeur, condamne à quitter
en définissant sa propre stratégie. Tout montée en puissance de l’immatériel et le jeu. C’est là tout l’enjeu du big data.
semble désormais possible mais sous sa souplesse d’appropriation. Les temps L’abondance des données est à la fois le
certaines conditions. Les notions de sont à l’agilité, à l’adaptabilité, au savoir carburant de cette nouvelle économie
temps et d’espace que nous n’avions ja- rebondir et s’orienter dans un contexte et aussi l’élément qui contribue chaque
mais pensées à ce point compressibles, éminent changeant, mouvant, rapide : jour à la façonner d’avantage la ren-
L
’expression « usine du futur » a la hauteur des amortissements qui en compétitivité (Pacte de Compétitivité, 34
conquis, et c’est heureux, un droit reflètent l’usure et l’obsolescence pro- plans pour la France Industrielle, Pacte
de cité dans le débat sur l’industrie gressives. de responsabilité et choc de simplifica-
et ses enjeux. Ce n’est plus, comme il y a tion). C’est une condition du succès.
seulement quelques années, un simple Surtout, le décalage avec la qualité de
slogan. l’outil de production allemand pourrait L’industrie française, on le sait, est
s’accroître de manière préoccupante*. comme coincée dans un segment « mi-
Les différents acteurs concernés sont Les Allemands ont en effet lancé, il y a lieu de gamme », en dehors de quelques
aujourd’hui en mouvement pour travail- deux ans, un remarquable plan Indus- exceptions. Elle doit d’une part, amélio-
ler à la modernisation du tissu produc-
tif : automatisation et numérisation des
chaînes de production, robotisation, pro-
duction distribuée et usine connectée,
gestion des big data…
* La France comptait 35000 robots en 2012, l’Allemagne, 150 000 et l’Italie, 65 000.
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