Vous êtes sur la page 1sur 5

La blockchain, sans bullshit: «Au début du bitcoin, il

fallait être bon techniquement, moi je n'ai pas réussi à en


acheter»
20minutes.fr/arts-stars/culture/2277615-20180604-blockchain-bullshit-debut-bitcoin-fallait-etre-bon-techniquement-
reussi-acheter

BLOCKCHAIN MY HEART (1/5) Laure de la Raudière, co-rapporteure de la mission


d’information sur les blockchains à l’Assemblée nationale, doit rendre son rapport en
septembre...

Propos recueillis par Laure Beaudonnet

Twitter

Publié le 04/06/18 à 11h50 — Mis à jour le 05/06/18 à 08h59

Illustration Bitcoin — JACK GUEZ / AFP

20 Minutes s’intéresse aux


blockchains à travers cinq articles.
Dans cette série, nous explorons
les futurs de cette technologie de
stockage et de transmission
d’informations, transparente,
sécurisée, et qui fonctionne sans
organe central de contrôle.
La députée Laure de la Raudière
s’est penchée sur le sujet dans le cadre d’un rapport parlementaire pour l’Assemblée
nationale.

Les blockchains ne se limitent pas aux cryptomonnaies [bitcoin, Ethereum…], bien au


contraire. Dans le futur, on pourrait voir naître tout un tas de services grâce à cette
technologie de stockage et de transmission d’informations. Elle pourrait faire disparaître la
plupart des « tiers de confiance » centralisés (banques, notaires, cadastre…) et Laure de
la Raudière, députée d’Eure-et-Loir et co-rapporteure de la mission d’information sur
les blockchains à l’ Assemblée nationale, a bien compris les enjeux de ces fameuses
chaînes de bloc dont tout le monde parle mais que personne ne comprend (il faut le dire).

A l’occasion de notre série spéciale blockchain, 20 Minutes l’a interrogée sur la mission
d’information et ce que ces technologies pourraient changer dans notre société. Interview.

1/5
La députée Laure de La Raudiere le 20 avril 2016. - CHAMUSSY/SIPA

Vous êtes co-rapporteure de la mission d’information sur les


blockchains. Quel est l’enjeu de cette mission ?
J’ai voulu cette mission dès ma réélection en juillet 2017. J’ai fait un constat simple : on a
vécu une première révolution numérique avec Internet qui a rebattu la donne de l’économie
mondiale. La deuxième révolution, c’est celle de la donnée. Avec la capacité de calcul des
ordinateurs et la puissance d’analyse des algorithmes, vous améliorez la connaissance
humaine dans beaucoup de systèmes. Aujourd’hui, une nouvelle technologie arrive, la
blockchain. Elle permet de certifier des échanges sans avoir l’institution d’un tiers de
confiance. Nous avons pris du retard sur les deux premières révolutions, je ne veux pas
que ce soit le cas avec celle de la blockchain.

Qu’attendez-vous de cette mission ?


Le parlement doit se saisir du sujet pour le comprendre. Comprendre comment cela
fonctionne, les potentialités de cette technologie, ses limites. Comprendre où on en est
aujourd’hui dans les cas d’usages. Le deuxième objectif, c’est de faire de la pédagogie
auprès des collègues députés pour qu’on ne prenne pas de retard.

Selon vous, quelle est l’urgence de se saisir de ce sujet ?


Si on veut défendre nos valeurs, il vaut mieux prendre de l’avance. Sinon, les Américains
ou les Chinois risquent de nous imposer leur vision du monde. Il ne faut pas avoir peur de
cette technologie, mais il ne faut pas être naïf non plus.

Qu’avez-vous appris en travaillant sur cette mission ?


2/5
On a auditionné une vingtaine de personnes et d’institutions pour l’instant. Il y a deux cas
d’usages : les blockchains publiques et les blockchains de consortium. En ce qui concerne
les blockchains publiques, peu de cas d’usage existent encore en dehors des crypto-actifs
(bitcoin, ethereum…) et des levées de fonds par échange de « jetons ». La France est bien
placée en matière de recherche, elle a un écosystème de startup dynamique, il serait
dommage que nos travaux soient utilisés pour le développement d’entreprises en dehors
du pays. Mais nous avons aussi besoin de considérer les crypto-actifs comme d’autres
actifs, à la fois dans la comptabilité ou encore d’un point de vue fiscal, ce qui n’est pas du
tout le cas aujourd’hui.

Quels sont les dangers liés aux blockchains ?


Sur une blockchain publique, le seul cas d’usage aujourd’hui c’est celui des crypto-actifs.
Après un début assez « Far-West », les acteurs poussent aujourd’hui à la création d’un
label par l’Autorité des marchés financiers (AMF) qui permettra de distinguer les « bonnes »
plateformes de celles qui seraient frauduleuses. Cette information permettra de lutter contre
les escroqueries et contre le blanchiment d’argent, délits souvent reprochés au
bitcoin. L’autre risque pour le consommateur est la fluctuation des cours des crypto-actifs,
comme on l’a vu avec le bitcoin au début de l’année. Sur les blockchains de consortium,
les applications possibles sont prometteuses. Il garantit une meilleure transparence dans
les échanges. Je prends l’exemple d’un plat de lasagnes avec de la viande. Quand vous
êtes capable de certifier, du producteur jusqu’au distributeur, les différentes étapes de
création d’une denrée alimentaire, vous savez si le plat correspond aux enjeux de
réglementation du pays. Cela permet de lutter contre la fraude et d’assurer une plus
grande transparence pour les consommateurs.

Quand on parle des blockchains, personne n’y comprend rien.


La priorité n’est-elle pas de vulgariser cette technologie
auprès du public ?
On pourra comprendre les blockchains quand on aura un autre usage que celui du bitcoin.
Il ne s’agit pas de comprendre la technologie. Toute la population ne sait pas comment
fonctionne le protocole Internet mais elle comprend que cette technologie facilite les
échanges entre les individus. Il faut faire comprendre à quoi peut servir la blockchain et
c’est l’objet de cette mission.

Et alors, à quoi peut-elle servir ?


Le ministère de l’Education nationale étudie en ce moment une application : la certification
des diplômes. Quand une entité centrale délivre un diplôme, que ce soit une grande école,
une université, un lycée, cette entité fait foi. L’idée est de mettre ses diplômes dans la
blockchain et de les rendre accessibles à tous. On laisse une empreinte dans la
blockchain, cela permet de donner accès au document aux personnes qui le demandent.
On saura que c’est l’original et qu’il n’y a pas de fraude. Aujourd’hui, quand vous avez été
salarié d’une entreprise, vous l’indiquez sur votre CV. Mais le CV n’est pas toujours

3/5
conforme à la réalité. En revanche, si l’entreprise dans laquelle vous avez travaillé a
l’obligation de mettre ces infos sur la blockchain, il est possible de retracer le CV d’une
personne. De la même manière, on pourrait imaginer que votre identité soit certifiée par
une blockchain. Vous décidez de donner l’accès à une personne avec qui vous êtes en
contact pour prouver votre identité. Les informations mises sur la blockchain sont
infalsifiables. On apporte une plus grande confiance.

N’existe-t-il pas un risque pour l’individu, le fait que tout le


monde sache tout sur lui ?
L’individu décide ou non de donner l’accès à un tiers sur cette information. Le pouvoir doit
rester au niveau de l’individu. En revanche, il ne faut pas qu’il puisse mentir. La blockchain
permet d’assurer la confiance. On lutte contre les fraudeurs, mais l’objectif est de garantir
l’exactitude d’une information.

Le bitcoin, on le sait, est très mauvais pour l’environnement.


Allez-vous vous attaquer à ce problème écologique ?
On va travailler précisément sur l’impact d’énergie de ces différentes technologies.
Certaines blockchains consomment moins que d’autres. La blockchain bitcoin est très
consommatrice d’énergie. Chaque transaction représente 32 jours de consommation d’un
ménage américain, c’est délirant.

Que peut-on faire contre les mines de bitcoin ?


La majorité des mineurs ne sont ni en France ni en Europe. Aujourd’hui, le bitcoin est le
protocole blockchain le plus utilisé. Mais à travers les auditions qu’on a menées, on a vu
des alternatives technologiques à la blockchain bitcoin. Les blockchains de consortium qui
ont des applications comme celles que j’ai citées (diplômes, identité numérique, cartes
grises…) n’ont pas les mêmes défauts de consommation d’énergie que celle de la
blockchain bitcoin. On ne peut pas imaginer multiplier des services fonctionnant sur des
chaînes du type bitcoin. Ce ne serait pas acceptable. Et ce n’est pas souhaitable. Avec le
bitcoin, il faut attendre 10 minutes pour chaque transaction. Ce n’est pas top.

Est-ce que vous avez investi dans des cryptomonnaies ?


Oui, avec mon mari, nous avons acheté des bitcoins. Au début, lorsqu’il était à 30 euros,
nous avons essayé, mais il fallait être assez bon techniquement pour en acheter. Il
n’existait pas de plateformes aussi simples d’utilisation qu’aujourd’hui. Nous n’avons pas
réussi. Puis il en a acheté avant la bulle, qu’il a revendu assez vite, et sans faire fortune !

Selon vous, le futur c’est la cryptomonnaie ? Va-t-elle


remplacer les monnaies existantes ?

4/5
Aujourd’hui le bitcoin, c’est plus un actif qu’une monnaie. Il y a un taux de change et il y a
des gens qui les utilisent dans des bars, c’est vrai. Mais dans la majorité des cas, les gens
l’utilisent comme un actif. L’usage des cryptomonnaies va se développer avec des services
sur la blockchain, pas uniquement comme une monnaie mais comme un service. Quand
vous allez utiliser des services sur la blockchain, vous allez développer aussi des modes
de payement associés pour gagner en efficacité et en coût de transaction. Mais vous
savez, peut-être que le futur que j’imagine, n’aura jamais lieu et que je serai complètement
contredite. Il faut rester humble.

>> A lire aussi : Et si les monnaies virtuelles n’achetaient pas que du vent?

Mots-clés :

À lire aussi

27/12/17 | DON

Il verse 86 millions de dollars en bitcoins à des associations

19/01/18 | ARGENT

QUIZ. Êtes-vous totalement au point sur le bitcoin?

15/01/18 | HIGH-TECH

Un ancien de la Banque de France nommé «monsieur bitcoin»


par Bercy

5/5

Vous aimerez peut-être aussi