ROMAN XXe s.
Le thème principal c’est l’idée de l’amour à travers Swann et à travers Odette, c’est l’axe
principal de tout le texte, un couple des personnages dont l’un est bien présent et l’autre est
absent, Swann est présent, Odette absente.
Le personnage de Swann fait la recherche angoissé d’Odette, c’est le récit d’une recherche
faite par un narrateur hetérodiegètique, avec deux types de focalisation : zéro et interne, c’est
une mélange de ces deux focalisation parce qu’on mélange la philosophie avec la fiction, le
passage au discours généralisant c’est passer du formel au général, c’est passer du discours
de la fiction au discours de la réflexion.
Quand il emploi le discours généralisant c’est quand l’auteur formule son conception de l’amour,
il réfléchit sur le thème centrale du texte
Elle n’était pas chez Prévost; il voulut chercher dans tous les restaurants (« dans tout
les restaurants > nature obsessive, jaloux et obsédé de l’amour, un amour
possessive…) des boulevards. Pour gagner du temps, pendant qu’il visitait les uns, il
envoya dans les autres son cocher Rémi (le doge Loredan de Rizzo) […]( le
personnage du cocher montre le goût de Proust par la classe des domestiques, mais
non des domestiques habituels, des domestiques très nobles, qui va actuer comme un
confident, qui dit même à son seigneur ce qu’il doit faire, un domestique mais au même
temps conseilleur) […] qu’il alla attendre ensuite-n’ayant rien trouvé lui-même-à
l’endroit qu’il lui avait désigné. La voiture ne revenait pas et Swann se représentait
(interne) le moment qui approchait, à la fois comme celui où Rémi lui dirait: «Cette
dame est là», et comme celui où Rémi lui dirait, «cette dame n’était dans aucun des
cafés.» Et ainsi il voyait la fin de la soirée devant lui, une et pourtant alternative,
précédée soit par la rencontre d’Odette qui abolirait son angoisse, soit, par le
renoncement forcé à la trouver ce soir, par l’acceptation de rentrer chez lui sans l’avoir
vue. (Ce portrait qu’on fait du personnage de Swann, un personnage obsessif, très
jaloux peut nous montrer d’une certaine manière qu’il est une personne névrotique, il
considère l’amour comme la possession de l’autre > apuntes)
Le cocher revint, mais, au moment où il s’arrêta devant Swann, celui-ci ne lui dit pas:
«Avez-vous trouvé cette dame?» mais: «Faites-moi donc penser demain à commander
du bois, je crois que la provision doit commencer à s’épuiser.» Peut-être se disait-il que
si Rémi avait trouvé Odette dans un café où elle l’attendait, la fin de la soirée néfaste
était déjà anéantie par la réalisation commencée de la fin de soirée bienheureuse et
qu’il n’avait pas besoin de se presser d’atteindre un bonheur capturé et en lieu sûr, qui
ne s’échapperait plus. Mais aussi c’était par force d’inertie; il avait dans l’âme le
manque de souplesse que certains êtres ont dans le corps (foc zéro), ceux-là qui au
moment d’éviter un choc, d’éloigner une flamme de leur habit, d’accomplir un
mouvement urgent, prennent leur temps, commencent par rester une seconde dans la
situation où ils étaient auparavant comme pour y trouver leur point d’appui, leur élan.
Et sans doute si le cocher l’avait interrompu en lui disant: «Cette dame est là», il eut
répondu: «Ah! oui, c’est vrai, la course que je vous avais donnée, tiens je n’aurais pas
cru», et aurait continué à lui parler provision de bois pour lui cacher l’émotion qu’il avait
eue et se laisser à lui-même le temps de rompre avec l’inquiétude et de se donner au
bonheur.
Mais le cocher revint lui dire qu’il ne l’avait trouvée nulle part, et ajouta son avis, en
vieux serviteur:
Mais l’indifférence que Swann jouait facilement quand Rémi ne pouvait plus rien
changer à la réponse qu’il apportait tomba, quand il le vit essayer de le faire renoncer à
son espoir et à sa recherche:
– «Mais pas du tout, s’écria-t-il, il faut que nous trouvions cette dame; c’est de la plus
haute importance. Elle serait extrêmement ennuyée, pour une affaire, et froissée, si
elle ne m’avait pas vu.»
– «Je ne vois pas comment cette dame pourrait être froissée, répondit Rémi, puisque
c’est elle qui est partie sans attendre Monsieur, qu’elle a dit qu’elle allait chez Prévost
et qu’elle n’y était pas,»
D’ailleurs on commençait à éteindre partout. Sous les arbres des boulevards, dans une
obscurité mystérieuse, les passants plus rares erraient, à peine reconnaissables.
Parfois l’ombre d’une femme qui s’approchait de lui, lui murmurant un mot à l’oreille, lui
demandant de la ramener, fit tressaillir Swann. Il frôlait anxieusement tous ces corps
obscurs comme si parmi les fantômes des morts, dans le royaume sombre, il eût
cherché Eurydice. (L’intertexte est donné pour évoquer la légende du couple de
Eurydice et Orphée, histoire de l’amour fatal, Eurydice a été mordue par un serpent, el
elle meurt et elle descende aux enfers, Morphée va le chercher, descend aux enfers,
les dieux lui accordent son désir avec une condition : avant qu’il arrive sur le monde
terrestere, il ne peut pas se retourner pour la regarde, il se retourne et il perd sa femme
…)
C’est par la lumière que l’auteur fait sortir le seul détail de l’homme qui est venu
assassiner, c’est un jeu de l’espace, l’espace du dedans et l’espace du dehors,
l’espace du dedans est marqué par la tragédie, du drame de le personnage qui est
obligé de tuer l’homme qui est endormi, dans cette espace du dedans le personnage
prend conscience de sa situation et l’espace du dehors pars la lumière. Les
personnages de Malraux doivent lutter contre les autres et contre sois mêmes
La vague de vacarme retomba : quelque embarras de voitures (il y avait encore des
embarras de voitures, là-bas, dans le monde des hommes…). Il se retrouva en face de
la tache molle de la mousseline et du rectangle de lumière, immobiles dans cette nuit
où le temps n´existait plus.
Il se répétait que cet homme devait mourir. Bêtement : car il savait qu’il le tuerait. Pris
ou non, exécuté ou non, peu importait. Rien n’existait que ce pied, cet homme qu’il
devait frapper sans qu’il se défendît, — car, s’il se défendait, il appellerait.
Il raconte l’arrivée d’un français de Provence à Paris ; le titre déjà montre beaucoup, avec le mot
chez il est en train de montrer que l’enfant deviendra un jour un chef tel comme son père. Le
titre situe l’œuvre dans un récit déterminé : nouvelle d’apprentissage, il a quitté son village pour
venir à la capitale et faire un apprentissage, dans ce cas l’apprentissage d’une idéologie. Les
noms des personnages nous montrent déjà quelque chose : Lucien : la lumière, l’intelligence.
Tout le texte est construit sur la technique de l’intertextualité : « l’action Française » : revue crée
au début du XXe, antisémite ; « Barrés » : écrivain de l’époque, écrivain patriotique qui est
aussi d’un village du Provence et qui est venu pour faire son apprentissage à la capitale.
(Déraciné comme le personnage de Lucien).
Lemordant tente de manipuler à Lucien avec des auteurs tels comme Barrés, il tente de lui faire
entrer des idées, Lucien ne se laisse pas manipuler et il choisit être un « être en situation », et
avec l’intertextualité de Rimbaud et Verlaine, il montre que le personnage préfère être plus
proche des déclassés tels comme eux parce qu’ils sont des déclassés mais aussi ils ont eu de
liberté pour choisir sa vie.
Elle ne parut que le jeudi, Lucien la trouva en seconde page sous ce titre : La jeunesse
de France donne un bon direct dans les gencives de la Juiverie internationale. Son
nom était là, condensé, définitif, pas très loin de celui de Lemordant, presque aussi
étranger que ceux de Flèche et de Flipot qui l´entouraient ; il avait l´air habillé. « Lucien
Fleurier, pensa-t-il, un nom de paysan, un nom bien français ». Il lut à haute voix toute
la série de noms qui commençaient par F, et quand ce fut le tour du sien, il le prononça
en faisant semblant de ne pas le reconnaître. Puis il fourra le journal dans sa poche et
rentra chez lui tout joyeux.
Ce fut lui qui alla, quelques jours plus tard, trouver Lemordant. « Tu fais de la
politique ? lui demanda-t-il.- Je suis ligueur, dit Lemordant, est-ce que tu lis quelquefois
L´Action ?- Pas souvent, avoua Lucien, jusqu´ici ça ne m´intéressait pas, mais je crois
que je suis en train de changer ». Lemordant le rergardait sans curiosité, de son air
imperméable. Lucien lui raconta, tout à fait en gros, ce que Bergère avait appelé son
« désarroi ». « D´où es-tu ? demanda Lemordant.- De Férolles. Mon père y a une
usine.- Combien de temps es-tu resté là-bas ?- Jusqu´en seconde.- Je vois, dit
Lemordant, eh bien, c´est simple, tu es un déraciné. As-tu lu Barrès ?- J´ai lu Colette
Baudoche.- Ce n´est cela, dit Lemordant, avec impatience. Je vais t´apporter Les
Déracinés, cet après-midi : c´est ton histoire. Tu trouveras là le mal et son remède ».
Le livre était relié en cuir vert. Sur la première page un « ex-libris André Lemordant »
se détachait en lettres gothiques. Lucien fut surpris : il n´avait jamais songé que
Lemordant put avoir un petit nom.
Il commença sa lecture avec beaucoup de méfiance : tant de fois déjà on avait voulu l
´expliquer ; tant de fois on lui avait prêté des livres en lui disant : « lis ça, c´est tout à
fait toi » Lucien pensa, avec un sourire un peu triste, qu´il n´était pas quelqu´un qu´on
pût démonter ainsi en quelques phrases. Le complexe d´Œdipe, le Désarroi : quels
enfantillages et comme c´était loin tout ça ! Mais, dès les premières pages, il fut
séduit : d´abord ça n´était pas de la psychologie-Lucien en avait par-dessus la tête, de
la psychologie-les jeunes gens dont parlait Barrès n´étaient pas des individus abstraits,
des déclassés comme Rimbaud ou Verlaine, ni des malades comme toutes ces
Viennoises désoeuvrées qui se faisaient psychanalyser par Freud. Barrès commençait
par les placer dans leur milieu, dans leur famille : ils avaient été bien élevés, en
province, dans de solides traditions ; Lucien trouva que Sturel lui ressemblait. « C´est
pourtant vrai, se dit-il, je suis un déraciné ». Il pensa à la santé morale des Fleurier,
une santé qui ne s´acquiert qu`à la campagne, à leur force physique (son grand-père
tordait un sou de bronze entre ses doigts) ; il se rappela avec émotion les aubes de
Férolles : il se levait, il descendait à pas de loup pour ne pas réveiller ses parents, il
enfourchait sa bicyclette et le doux paysage d´Ile-de-France l´enveloppait de sa
discrète caresse. « J´ai toujours détesté Paris », pensa-t-il avec force. Il lut aussi Le
Jardin de Bérénice et, de temps à autre, il interrompait sa lecture et se mettait à
réfléchir, les yeux dans le vague : voilà donc que, de nouveau, on lui offrait un
caractère et un destin, un moyen d´échapper aux bavardages intarissables de sa
conscience, une méthode pour se définir et s´apprécier.
A. Camus, L´Étranger
Le verbe savoir est un verbe très important dans tout l’œuvre, dans sa forme négative
qu’on trouve dans la première phrase, on dit déjà l’absurde du monde que le
personnage ne peut pas arriver à comprendre, le personnage et même Camus. Pour
exprimer l’histoire d’une vie libré à l’absurde, l’écrivain élabore un type d´écriture, une
écriture d’une syntaxe très particulière, une syntaxe qui dise au lieu d’organiser, le
vocabulaire est capable d’exprimer la pesanteur sociale, la pesanteur humaine…
Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J'ai reçu un
télégramme de l'asile: «Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués.»
Cela ne veut rien dire. C'était peut-être hier.
J'ai pris l'autobus à deux heures. II faisait très chaud. J'ai mangé au restaurant, chez
Céleste, comme d'habitude. Ils avaient tous beaucoup de peine pour moi et Céleste
m'a dit: «On n'a qu'une mère.» Quand je suis parti, ils m'ont accompagné à la porte.
J'étais un peu étourdi parce qu'il a fallu que je monte chez Emmanuel pour lui
emprunter une cravate noire et un brassard. Il a perdu son oncle, il y a quelques mois.
J'ai couru pour ne pas manquer le départ. Cette hâte, cette course, c'est à cause de
tout cela sans doute, ajouté aux cahots, à l'odeur d'essence, à la réverbération de la
route et du ciel, que je me suis assoupi. J'ai dormi pendant presque tout le trajet. Et
quand je me suis réveillé, j'étais tassé contre un militaire qui m'a souri et qui m'a
demandé si je venais de loin. J'ai dit «oui» pour n'avoir plus à parler.
L'asile est à deux kilomètres du village. J'ai fait le chemin à pied. J'ai voulu voir maman
tout de suite. Mais le concierge m'a dit qu'il fallait que je rencontre le directeur. Comme
il était occupé, j'ai attendu un peu. Pendant tout ce temps, le concierge a parlé et
ensuite, j'ai vu le directeur : il m'a reçu dans son bureau. C'était un petit vieux, avec la
Légion d'honneur. Il m'a regardé de ses yeux clairs. Puis il m'a serré la main qu'il a
gardée si longtemps que je ne savais trop comment la retirer. Il a consulté un dossier
et m'a dit: «Mme Meursault est entrée ici il y a trois ans. Vous étiez son seul soutien.»
J'ai cru qu'il me reprochait quelque chose et j'ai commencé à lui expliquer. Mais il m'a
interrompu: «Vous n'avez pas à vous justifier, mon cher enfant. J'ai lu le dossier de
votre mère. Vous ne pouviez subvenir à ses besoins. Il lui fallait une garde. Vos
salaires sont modestes. Et tout compte fait, elle était plus heureuse ici.» J'ai dit: «Oui,
monsieur le Directeur.» Il a ajouté: «Vous savez, elle avait des amis, des gens de son
âge. Elle pouvait partager avec eux des intérêts qui sont d'un autre temps. Vous êtes
jeune et elle devait s'ennuyer avec vous.»
C'était vrai. Quand elle était à la maison, maman passait son temps à me suivre des
yeux en silence. Dans les premiers jours où elle était à l'asile, elle pleurait souvent.
Mais c'était à cause de l'habitude. Au bout de quelques mois, elle aurait pleuré si on
l'avait retirée de l'asile. Toujours à cause de l'habitude. C'est un peu pour cela que
dans la dernière année je n'y suis presque plus allé. Et aussi parce que cela me
prenait mon dimanche — sans compter l'effort pour aller à l'autobus, prendre des
tickets et faire deux heures de route.
Le directeur m'a encore parlé. Mais je ne l'écoutais presque plus. Puis il m'a dit: «Je
suppose que vous voulez voir votre mère »
N. Sarraute, Enfance.
Dans l’extrait il faut souligner l’existence de deux vois, une voix plus
attaché à l’enfance et une autre voix de remémoration, il y un changement
entre le temps du récit et le temps de l’histoire, c’est Sarraute qui parle car
il s’agit d’un récit autobiographique, les événements de l’enfance
concernent le récit de l’histoire, mais le récit lui-même, la narration se situe
dans le présent, c’est-à-dire que Sarraute se dédouble de manière telle que
la voix du passé fait apparaitre l’enfant qu’elle fut (Natacha), et la voix du
présent fait apparaitre l’adulte qu’elle est (Natalie).
Je parle le moins possible de maman… Chez mon père tout ce qui peut l´évoquer
risque de faire monter et se montrer au dehors…pas dans ses paroles, mais dans le
froncement de ses sourcils, dans le plissement de ses lèvres qui s´avancent, dans les
fentes étroites de ses paupières qui se rapprochent…quelque chose que je ne veux
pas voir…
-Mais je n´appelle pas cela ainsi. Je ne donne à cela aucun nom, je sens confusément
que c´est là, en lui, enfoui, comprimé…je ne veux surtout pas que cela se metta à
bouger, que cela vienne affleurer…
Mon père lui-même, quand il le faut vraiment, désigne ma mère par le nom du lieu qu
´elle habite : « As-tu écrit à Pétersbourg ? » « Tu as une lettre de Pétersbourg ». Les
mots « ta mère » qu´il employait autrefois, maintenant, je ne sais pourquoi, ne peuvent
plus lui passer les lèvres.
Et voilà qu´un jour, sous le regard de mon père que je sens posé sur mon visage, un
regard qui s´attarde, ne le quitte plus, je relève un de mes sourcils, comme le fait
maman, j´ouvre mes yeux tout grands, je les fixe devant moi très loin, mes yeux
comme ceux de maman s´emplissent d´étonnement, de désarroi, de candeur, d
´innocence…
Mon père regarde toujours ce que je tiens étalé, immobile devant lui…
Mais ce n´est pas moi, c´est lui, c´est son regard à lui qui a fait venir cela sur mon
visage, c´est lui qui le maintient…
-On aurait pu croire que ce que son regard ferait apparaître, ce serait plutôt l´air fermé
et dur que ta mère avait parfois, celui qu´elle avait dû le plus souvent lui montrer et qu
´il devait le mieux connaître.
-Si je l´avais senti, c´est cet air-là que j´aurais pris et je l´aurais encore durci…par
défi…comme on le fait parfois en pareil cas…
-Mais ce n´est pas cet air que mon père a cherché sur mon visage, ce n´est pas lui qu
´il a voulu retrouver, et ce qui est arrivé ensuite prouve que j´avais senti juste. Il s´est
tourné vers l´ami qui était là, c´était l´ami commun de mes parents qui m´avait amenée
de Berlin…nous étions seuls tous les trois…et mon père, détachant enfin ses yeux de
moi, s´est tourné vers lui et lui a dit : « C´est étonnant comme par moments Natacha
peut ressembler à sa mère… » et dans ces mots quelque chose d´infiniment fragile,
que j´ai à peine osé percevoir, je craignais de le faire disparaître…quelque chose a
glissé, m´a effleurée, m´a caressée, s´est effacé.
Il trouve la plaisir dans les mensonges par jeu, dans la littérature, dans l’art,
dans le pouvoir de la littérature de nous faire vivre dans un ailleurs inventé,
mais possible et par la même crédible. Sur ce jeu de vrai et du faux travaille ce
travail, le lettre qui ouvre « les réveries d’un martien en exile », jouent le rôle
d’une préface qui permet à l’auteur de poser ses propres opinions sur la vie et
plus précisement sur son métier d’écrivain, il montre que son fantastique est de
la post.modernité et qu’il vise à se méfier des acquis pour accorder toute
l’importance au pouvoir de l’imagination.
Les Terriens, en effet, ne savent pas converser psychiquement, même à courte
distance. Il est courant de voir, ici, deux personnes parfaitement connues l´une de l
´autre, assises dans la même pièce, et néanmoins obligées de se parler pour se
comprendre. A force d´employer continuellement les mots, ils en arrivent très vite à
jouer avec, à construire des phrases grammaticalement correctes, mais ne symbolisant
aucune réalité. Is bâtissent ainsi des histoires, des récits, parfois interminables, qui
provoquent dans l´esprit de qui les écoute une sorte de pseudo-connaissance, portant
sur des individus, des choses, des collectivités qui n´ont jamais existé, des
événements qui n´ont jamais eu lieu… Non que l´auditeur soit dupe : il sait que c´est
du mensonge et l´accepte comme tel. Mais lui-même jouit délicieusement de cette
information qui n´en est pas une et qui, pourtant, s´impose d´une certaine façon, par le
pouvoir de l´image…Sur Terre comme sur Mars, imaginer, c´est déjà la moitié de
croire.
Le jeu, certes, n´est pas sans danger, car à force d´abuser des symboles, on les use.
Aussi les plus grands menteurs sont-ils ceux qui savent inventer, non seulement sur le
fond, mais dans les modes d´expression, renouveler la manière, trouver des formules
inédites, pour prévenir l´accoutumance, la fatigue des amateurs.
Entre le mensonge utile (le nôtre) et le mensonge par jeu, il y a une catégorie
intermédiaire, aux limites mal définies, celle des demi-mensonges. Ces derniers sont
surtout à l´usage collectif, et même officiel. Certains sont recommandés à la demi-
croyance des foules pour leur valeur au point de vue hygiène mentale : c´est le cas des
dogmes religieux ; d´autres sont imposés, bien que personne n´y croie d´une façon
sérieuse, à titre de discipline politique : c´est le cas des statistiques, des programmes
de partis, des idéologies sociales. Je prise peu ces mensonges là qui, trop souvent
confiés à des individus maladroits, peu scrupuleux, d´esprit borné, sont cause de
malentendus sans nombre et de crimes collectifs continuels. Mais j´avoue prendre,
depuis peu, un plaisir véritable au mensonge littéraire. Imaginer, même sans être dupe,
donne l´impression de posséder je ne sais quelle liberté impossible, une sorte de
pouvoir souverain sur le monde. Communiquer le fruit de son imagination, c´est en
quelque sorte susciter chez autrui une représentation du monde qu´on a créé, l´obliger,
d´une certaine manière, à y vivre. Tout cela est agréable, et même très agréable,
parfois même franchement voluptueux.
C´est pourquoi j´ai appris à mentir, moi aussi. Tu trouveras ci-après les résultats de
mes quelques essais dans ce domaine… Continue donc de lire, mais surtout n´oublie
pas que rien de ce qui suit n´est vrai, que seule cette lettre est purement véridique.
C´est le mieux que je puisse faire en attendant ma grâce ou, si elle ne vient pas, la
mort du Souverain-mort que, cela va sans dire, je m´interdis de souhaiter, mais qui, si
elle survenait sans qu´il y eût de ma faute, arrangerait bien, je dois l´avouer, mes
petites affaires… Si la chose arrive, préviens-moi tout de suite. Je n´aurai plus alors
qu`à me débarrasser de Michel Barbezutte, en le précipitant sur un de ces véhicules
qui passent continuellement devant ma porte, et à rejoindre enfin notre chère planète.
Je compte sur une réponse de toi par retour de notre onde porteuse et, en attendant, je
te rolle un skate.
Ton ami
(signé) Lobzmork.