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La psychanaIyse
dans Ia communauté scientifique*
bien sur rendre compte, entre autres, de Ia fonction de insuffisante, et souvent polémique, ou plusieurs dimen-
ces « théories })spontanées ou idéologiques. sions sont mal perçues. En quelques mots : à vouloir
Mais iI faut bien dire que Freud Iui-même n'a pas remplacer I'idéologie religieuse (voire Ies idéologies en
facilité cette distinction en rapprochant, dans Ies termes généraI) par Ia science, Ie risque est évident de transfor-
mêmes, ses « Trois essais sur Ia théorie sexuelle» et Ies mer celle-ci en vision du monde. MaIgré sa dimension
« théories sexuelles infantiles », et surtout en donnant Ia d'incomplétude et de progres indéfini, l'idéaI scienti-
caution de son autorité à certaines idéologies psychana- fique a vite fait d'accomplir Ie saut vers I'absolu, de
Iytiques. Ceci est patent précisément dans l'analyse du rêver à une maitrise totale. L'affirmation de « L'homme
petit Hans, ou iI se présente comme « parlant avec Ie neuronaI » ne correspond-elle pas à ce saut franchement
bon Dieu })et connaissant de toute éternité Ie scénario métaphysique ?
redipien. QueI exemple plus massif de « transmission }) Mais surtout au sein même de ce qu'on peut nommer le
que celui de Freud avec Hans ? Une transmission qui se corpus psychanalytique, Freud ne semble pas percevoir Ia
veut originaire, fondatrice, quasi religieuse. Une trans- difficulté, générée par Ia coexistence de ces deux
mission dont Ie ressort ouvert est l'argument d'autorité, niveaux : Ia théorie d'une part, et d'autre part Ies théo-
et Ie ressort couvert, Ia suggestion : « Parler avec Ie Bon ries spontanées qui, pour être infantiles, n'en jouent
Dieu. })De Ià à une normativité, il n'y a qu'un pas, qui pas moins un rôle essentieI dans le fonctionnement
est souvent al1égrement franchi. psychique. Faute de maintenir cette distinction,
Pour en rester à Ia castration, celle-ci en arrivera à se faute d'apprécier Ia fonction métapsychologique des
voir transformée en dimension métaphysique, prise auto-théorisations (voire des « illusions ») du sujet, le
comme synonyme un peu rapide de « finitude ». Mais psychanalyste risque de prendre Iui-même, plus ou
el1en'en est pas moins fondamentalement idéologique, moins completement, ces théorisations pour des
ni plus ni moins respectable que tant d'autres dénon- vérités. 11 risque alors d'être tenté de Ies transmettre
cées naguere : libre entreprise ou American way o] life. dans Ia cure et en dehors d'elle, comme des vérités
Quel1e place donner aux idéologies en psychanalyse ? transcendantes.
La référence à Ia derniere des « Nouvel1es Leçons » de Une des tâches majeures de Ia pensée et de Ia
Freud sur Ia « Vision du monde » est instructive à plus recherche psychanalytique, de nos jours, me parait être
d'un titre. Freud y oppose Ia psychanalyse qui n'a pas de poursuivre dans ces deux voies :
de « vision du monde » spécifique autre que Ia science et
précisément Ies visions du monde - essentiellement reli- d'une part, un nouveau fondement et une ré-
gieuses mais aussi métaphysiques, voire politiques. Il en élaboration de Ia théorie et des modeles méta-
amorce même I'analyse, ou plutôt Ia fonction, qui psychologiques, tels qu'iIs doivent rendre compte
consiste à « boucher Ies trous de I'Univers}) (selon Ia de notre expérience et de notre pratique de
formule de Heine) et à colmater I'angoisse. Analyse I'inconscient ;
Entre séduction et inspiration : l'homme
d'a~~e pa~, une nouvel1e appréciation des mythes toute institution : étatique ou para-étatique (univer-
et ldeologtes qui aident l'être h " .
l' . . umam a « apalser sités), et aussi bien privée (sociétés d'analystes);
angolsse
. . mtellectuelle et Ie cas e'che'ant l' .
angOlsse donc Ia critique fondamentale de Ia « didactique » ;
eXIstentlelle I), selon Ies termes d L" S
l' . e eVI- trauss 2 / l'affirmation que Ie champ de Ia découverte et de
angolsse sexuelle en termes psychanalytiques. '
I'investigation psychanalytiques est à sa pIace par-
, D~ns ,ces deux voies de recherche, Ia psychanaI se tout ou i} y a une communauté scientifique active.
~ a n~n a redouter de Ia confrontation etlou de Ia coÍla- Donc éventuellement à I'Université.
eI~ratl~n a~ec I~s a~t~es champs des sciences humaines ;
e. n est ondee a mvoquer aucun privilege plus ou Le reste - dirais-je - est fonction des temps, et
mom~ myst~q~e, lié au caractere de Son expérience qui notamment de ce qu'est et devient I'Université. Certes,
pour etre pnvee et chaque fois unique n'en est ' ce nom même implique un idéaI d'universalité, un lieu
a t . d' 'b ' pas pour de dialogue mais aussi de confrontation, voire d'affron-
u ant m ICI Ie; elle est de plein droit et de plein d .
« dans Ia ' . eVOlr tement des idées, toujours dans une certaine rigueur.
communaute sClentifique I).
Mais iI faut une certaine na'iveté pour ne pas voir que Ies
idées progressent aussi par d'autres moyens que par Ieur
*** force propre. A plus d'une reprise, j'ai analysé Ia « poli-
Je n'ai pas abordé directement Ie probleme dit d 1 tique des idées I), par exemple dans Ie mouvement freu-
;(ps~chan~Iyse à l'Université » (qui, apres tout, n'est ~a: dien, et chez Freud Iui-même. Cet idéaI néanmoins,
e theme dlrect d~ ce numéro). Je me suis exprimé publi- pour être par définition irréalisabIe, a été plus ou moins
que~e~t, et par ecrit, sur cette question à de multiples proche à certaines périodes. Mais aujourd'hui ?
r~pnses " Seule ~meIecture d'une « malveillante inatten- Parler de communauté universitaire scientifique a-t-i}
tlO~)~pretendralt trouver des « oscillations » dans mes un sens, quand telle Université est Ie fief de telle doc-
POSltlons.Les deux points absolument fermes en sont : trine ou de tel individu, telle autre d'un autre ? Je ne sais
si l'on peut maintenir un idéaI d'Université comme lieu
1 / I'extra~tez;itorialité de Ia pratique de l'analyse (y
de recherche et de progres, comme lieu d'affrontements
compns 1analyse d'un futur analyste) par rapport à
rigoureux ou on Iaisse Ies couteaux au vestiaire. Apres
8. Psychanalyse à I'Univ " .d' . tout, ce n'est pas Ià ma passion majeure, et Ies généra-
1975, 1, p. 5-10; Problémat~~;:e; ~l~onal.de Psyc~analyse à l'Université, tions futures aviseront à mesure. De toute façon, dans
157 ; Un doctorat en . . a~gozsse, Pans, PUF, 1980, p. 153-
1980, 6, 21, 5-8 ; Prob~~;~::ly;e: Z:ltonal Psychanalyse à l'Université, I'idée de communauté scientifique, « communauté »
Paris, PUF, 1987 ,. p 135 - 143 . U·ne rev ?aquet.
I . Transcendancedu trans'ert
~, , dépasse manifestement « Université I). Si l'Université
Revue internationale d'histoire d' o utIon sans cesse occultée, in
abandonnait plus ou moins définitivement Ies idéaux
I'U,niversité !, éditorial Psycha:a~/;Sfcl~~n~lyse,. ~989, 2, p. 393-402; A
VOlr aussi dans le présent volume: N n zv e rstte,
1991, 16, 62, p. 364. qui devraient Iui servir de boussole, je suis persuadé que
, p. 1 1. 5
d'autres Iieux prendraient Ia releve.
J'ajouterai encore une remarque, concernant Ia dérive BIBLIOGRAPHIE
actuel1e de l'Université, dérive dont les psychanalystes
ne peuvent manquer de tenir compte. On peut considé- Freud S., Breuer J" trad. franç. A. Berman, 1956, Études sur
rer que l'Université a trois fonctions assez distinctes : Ia l'hystérie, Paris, PUF, 1981. ....
Freud S., 1895, Esquisse d'une psychologle sClennfique, zn
recherche ; Ia communication et Ia diffusion de Ia cul-
S. Freud, Naissance de Ia psychanalyse, Paris, PUF, 1979,
ture ; une certaine formation professionnelle. Les deux 309-396. .
premi<~resfonctions furent longtemps à poids égal avec Popper K., 1973, La logique de Ia découverte scientifique, ParIs,
Ia troisieme, voire prédominantes. Ainsi le seul « docto- Payot. . . .. .
rat » professionnel, aberration parmi toutes les autres, Freud S., 1905, Trois essais sur Ia theorte de Ia sexualzte, ParIs,
Gallimard, 1962.
était le doctorat en médecine! Personne ne revendi-
Laplanche J., 1980, Problématiques II : Castration. Symbolisa-
quait naguere qu'un diplôme de lettres dassiques tions, Paris, PUF.
(bac + 3... bac + 5...) dut donner l'acces - voire le Lévi-Strauss c., 1985, La potiere jalouse, Paris, Plon.,
droit - à une profession comme celle d'écrivain ou de Laplanche J., 1975, Psychanalyse à l'Université, Editorial,
journaliste ! Psychanalyse à l'Université, 1, 1, 5-10;. .
Laplanche J., 1980, Problématiques I :L angozsse. Par;.s, PUF.
Mais à partir du moment ou Ia professionnalisation
Laplanche J" 1980, Un doctorat en psychanalyse, Editorial,
des « ftlieres» universitaires s'instaure (ftlieres, le mot Psychanalyse à l'Université, 6, 21, 5-8.
est déjà tout un programme I), Ia réserve des psychana- Laplanche J., 1987, Problématiques V. Le baquet. Transcendance
lystes devrait s'accentuer. Eux dont le point d'honneur du transfert, Paris, PUF, 135-143.
est, ou devrait être, de toujours questionner Ia « fonc- Laplanche J., 1989, Une révolution sans cesse occultée, Revue
tionnalité» de leur fonction, Ia « professionnalité» de internationale d'histoire de Ia psychaYfalyse, 2, 393-402. ,
Laplanche J" 1991, A l'université !, Editorial, Psychanalyse a
leur profession, les verra-t-on s'engouffrer dans une
l'Université, 16, 62.
Université qui s'IUTise chaque jour davantage, sommée
quel1e est de répondre par des formations profession-
nel1es toujours plus adaptées, au probleme social de
l'emploi.
Entre psychanalyse et Université, il y a donc bien des
La présence de Ia psychanalyse à l'Université n'7st qu'une
« maldonnes I), provenant, du côté des analystes, de
conséquence de cet impératif majeur : sa reconnalssance de
l'absence de reperes précis et, du côté de l'Université, plein droit au sein de Ia communaut~ s~ientifiqu,e, comme
de ses rapides dérives. ]'ai exposé, trop succinctement, théorie de l'inconscient. Une telle theone (Ia metapsyc~o-
certains de mes reperes comme analyste. Quant aux logie) ne saurait se dérober à Ia confrontation, à Ia réfutatlOn
dérives de l'Université, elles sont tout à fait hors de et à Ia falsification possibles.
Tout autre est le probleme de Ia soi-disant « transmissi?n I),
notre pouvoir; contentons-nous d'en tenir compte avec
voire « filiation I). Avec ces deux termes douteux, on essale de
vigilance.
nous refiler, sous le prétexte de Ia formation analytique,
I'influence exercée par Ies idéoIogies prétendument anaIyti-
ques, dont Ia Castration, Ie Pere ou Ia Loi sont Ies derniers
avatars à Ia mode.
Quant à l'anaIyse personnelle, indispensabIe pour qui veut
pratiquer Ia psychanaIyse, elle ne saurait être inféodée à
aucune institution psychanaIytique. Si, à l'Association psycha-
naIytique de France, nous avons définitivement éradiqué Ia
« psychanaIyse didactique », ce n'est pas pour accepter de Ia
voir réapparaítre dans Ie cadre d'institutions étatiques !