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Harry SEROR

Master 2 Droit du Numérique


Droit des Données, des Administrations numériques et des Gouvernements Ouverts
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Mémoire de recherche

L’impact des Legaltech sur la profession d’avocat

Sous la direction de M. Thomas SAINT-AUBIN

Année universitaire 2016-2017

1
2
Je tiens à remercier tout particulièrement Kami HAERI, qui a pris le temps de me recevoir au
sein du cabinet AUGUST DEBOUZY.
Son expertise, notamment dans le cadre du rapport sur « L’avenir de la profession d’avocat »
qu’il a remis au Ministre de la Justice, m’a permis d’avoir un éclairage d’un spécialiste.

Je souhaite également remercier Thomas SAINT-AUBIN, qui a su m’apporter son éclairage


et son expérience pour la rédaction de mon mémoire.

Je souhaite enfin remercier Madame Irène BOUHADANA et Monsieur William GILLES,


co-directeurs du Master 2, de m’avoir permis de réaliser ce mémoire dans un domaine
passionnant.

3
Table des matières

Partie I. L’impact des Legaltech, entre dangers et opportunités pour les avocats

Chapitre 1 : Les technologies au service des avocats

Section 1. Les innovations sur la création et le stockage de documents juridiques

Section 2. Les innovations sur les règlements des litiges en ligne

Chapitre 2. L’apparition de l’intelligence juridique artificielle, une menace pour les


avocats ?

Section 1. La profession d’avocat impactée par l’apparition de la justice prédictive

Section 2. La profession d’avocat impactée par l’apparition des robots-avocats

Partie II. L’impact des Legaltech, les avocats à l’épreuve de l’innovation et du respect de
la déontologie

Chapitre 1. Une nécessaire réorganisation et modernisation des cabinets d’avocats

Section 1. Une nécessaire réorganisation et modernisation des cabinets d’avocats

Section 2. Une ouverture des avocats à des nouveaux marchés et nouvelles zones de droit

Chapitre 2. Une nécessaire règlementation du marché du droit en ligne

Section 1. Les Legaltech à l’épreuve de la déontologie

Section 2. Une possible labélisation des Legaltech par les instances représentatives de la
profession

4
Introduction

La révolution digitale est en marche et la profession d’avocat n’y fait pas exception.
La profession d’avocat connait des bouleversements liés aux transformations technologiques
et aux nouvelles habitudes des consommateurs.
Comme le résume Kami HAERI, dans le rapport sur « L’avenir de la profession d’avocat »
remis au Ministre de la Justice en février 2017, « Jamais notre profession n’aura été
confrontée à une série de changements aussi nombreux, aussi profonds et aussi simultanés. »1

La profession est en effet particulièrement ancienne, puisque c'est au XIIIème siècle que naît
en France l'actuelle profession d'avocat.2

L’avocat est un auxiliaire de justice dont la mission consiste à assister et à représenter en


justice une personne qui se présente à lui, à défendre ses intérêts devant les différentes
juridictions ou à la conseiller juridiquement.3

L'exercice du droit en France relève, actuellement des dispositions de la loi dite de 1971.4

L’activité de l’avocat est partagée selon la dichotomie traditionnelle entre l’avocat conseil et
contentieux, même si elle semble dépassée puisque l’avocat a la possibilité d’être lobbyiste,
mandataire sportif ou encore délégué à la protection des données.

Concernant la partie « contentieux » de l’activité des avocats, si ces derniers ont le «


monopole » de l'assistance ou de la représentation, de la postulation et de la plaidoirie devant
les juridictions et organismes juridictionnels, il existe de nombreuses dérogations, comme par
exemple pour les juridictions prud’homales, les tribunaux de commerce ou pour les autorités
indépendantes.

1
Kami HAERI, Rapport sur « L’avenir de la profession d’avocat » remis au Ministre de la Justice, février 2017.
2
http://www.avocatparis.org/entre-nous/culture/notre-histoire-commune/un-peu-dhistoire, Un peu d’histoire,
consulté le 10/02/2017
3
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/avocat_avocate/7134#6yufyF4JF9iZDQTg.99, Avocat, consulté le
11/02/2017
4
Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.

5
Concernant la partie « conseil » de l’activité des avocats, ces derniers sont autorisés par
l’article 56 de la loi de 1971, à réaliser des missions de consultation et de rédaction d'actes à
titre principal, tout comme une liste de professionnels limitativement énumérés, comme par
exemple les notaires, huissiers ou encore les administrateurs judiciaires.

Il faut ajouter à ces professions juridiques, les métiers qui exercent une activité autorisant la
consultation juridique à titre accessoire.5 Selon le vade-mecum de l'exercice du droit publié
par le CNB, ce groupe comprend les « architectes, experts-comptables, responsables habilités
des services comptables des centres de gestion agréés, agents généraux d'assurances,
courtiers d'assurances ou dirigeants d'une société de courtage, employés et cadres du secteur
bancaire, agents immobiliers, administrateurs de biens, conseils en propriété industrielle,
experts agricoles et fonciers, experts forestiers et géomètres experts. » 6

Les avocats font face à une concurrence accrue des autres professionnels du droit et du
chiffre. En effet, les prestations juridiques dites « à moindre valeur ajoutée », comme la
rédaction de certains contrats, ont été abandonnées par une partie de la profession.

Ces prestations ont pu être réalisées par les experts-comptables, qui ont su capter de la valeur
grâce à une plus grande disponibilité, notamment auprès des Petites et Moyennes Entreprises
(PME) et des Très Petites Entreprises (TPE).

En principe, un monopole légal constitue la protection optimale contre une concurrence


exercée par des acteurs non titulaires de ce monopole. Pourtant, la profession d’avocat
affronte une profonde mutation.

Outre cette concurrence entre professionnels du droit et du chiffre, nombre de prestations


juridiques leur échappent désormais pour tomber au profit de nouveaux acteurs qui s’appuient
sur les innovations technologiques pour proposer des services juridiques à faible coût. Il s’agit
des Legaltech.

Apparues en 2004 aux Etats-Unis, il n’existe pas de définition officielle de la Legaltech,


appelés également « start-up du droit ».

5
Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, article 59.
6
CNB, Commission exercice du droit, Vade-mecum de l'exercice du droit, 2012

6
« La charte du marché du droit en ligne et ses acteurs », signée dans le cadre du projet Open
Law, défini comme étant un acteur de la Legaltech « toute organisation qui fait usage de la
technologie pour développer, proposer, fournir ou permettre l'accès des justiciables ou des
professionnels du droit à des services facilitant l’accès au droit et à la justice. »7

Une Legaltech est donc une structure commerciale, qui a pour objectif de rendre des services
juridiques aux justiciables ou de rendre service aux avocats, et utilisant pour ce faire les
technologies de l'information les plus avancées.8

Les origines des Legaltech

Les origines du phénomène des Legaltech sont variées, il est difficile de les citer de manière
exhaustive. Toutefois, il est possible de décrire de manière schématiquement des origines
extrinsèques et des origines intrinsèques au marché du droit.9

Concernant les origines extrinsèques au marché du droit, ces dernières tiennent au


développement de l’économie numérique. Plusieurs séries d’innovations permettent
d’expliquer les progrès de la digitalisation et de la « plateformisation », qui consiste à diffuser
du contenu via des plateformes digitales, du marché du droit.

En premier lieu, le développement d’internet a permis la fourniture de services à distance et la


mise en relation d’un nombre considérables d’acteurs.
Par voie de conséquences, le développement des offres de Software as a service (SaaS), qui
consiste à commercialiser un logiciel non pas en l’installant sur un serveur interne ou un poste
de travail dans l’entreprise mais en tant qu’application accessible à distance comme un
service par le biais d’Internet, a facilité considérablement l'automatisation des tâches.10

7
http://openlaw.fr/images/4/42/Charte-MARCHEdroit-en-ligne.pdf, Charte du Marché du droit en ligne et de
ses acteurs, consulté le 30/03/2017
8
Louis-Bernard BUCHMAN, « Pourquoi il ne faut pas craindre les start-up juridiques », Dalloz avocats, n°2,
2016, p.53.
9
Rafael AMARO, « L'ubérisation » des professions du droit face à l'essor de la Legaltech », Dalloz IP/IT, 2017,
p.161
10
http://www.journaldunet.com/solutions/saas-logiciel/saas-definition.shtml, Saas : ce que veut vraiment dire le
Software as a service, consulté le 20/02/2017

7
En second lieu, d’un point de vue commercial, l'offre des entreprises des Legaltech est
marquée par une envie de rendre l’information juridique plus compréhensible.
La demande juridique a évolué avec la démocratisation d’internet, qui donné un accès
privilégié à l’information. Des sites internet d’information juridique sont apparus.
De ce fait, l’avocat n’est donc plus le « sachant », la seule personne à pouvoir donner une
information juridique actualisée à ses clients.

Enfin, les Legaltech innovent d’un point de vue communication et marketing, puisqu’elles
sont particulièrement visibles sur les réseaux sociaux et sur les moteurs de recherche,
notamment via les techniques de référencement.

Concernant les origines intrinsèques au marché du droit, il est possible de mentionner deux
raisons principales.

La première réside dans les dysfonctionnements du marché du droit traditionnel.


Ces start-up du droit sont partis d’un constat sur un constat simple. Les justiciables estiment
que les prestations des avocats sont trop onéreuses. Selon les travaux de la commission de la
Loi Macron, 96 % des justiciables et consommateurs interrogés trouvent que les prestations
des avocats sont chères, alors même que seuls 49 % d’entre eux ont déjà eu recours aux
services d’un avocat.11

Le modèle économique de ces entreprises repose donc sur la prestation de services juridiques
à faible cout, avec un tarif transparent. Un des reproches effectués à la profession, ce qui
explique certainement le fort taux de justiciables considérant le tarif des avocats élevés, est le
manque de transparence des honoraires. L’offre des Legaltech se caractérise donc par des
politiques tarifaires transparentes, les justiciables étant habitués à rechercher des
prestations « low cost » (prix bas) dans les autres secteurs comme l’hôtellerie, les compagnies
aériennes.

11
Kami HAERI, Rapport sur « L’avenir de la profession d’avocat » remis au Ministre de la Justice, février 2017.

8
La seconde origine intrinsèque concerne ce que Nicolas Molfessis a appelé «
l'autojuridication », par analogie avec l'automédication.12 Certains justiciables cherchent ainsi
à se passer des professions du droit pour les tâches répétitives à faible valeur ajoutée qui
peuvent être réalisées grâce à des informations sommaires trouvées et des modèles types
(rédaction de contrat de bail, de factures, de statuts de sociétés...).

Les manifestations du phénomène

Le développement des Legaltech est particulièrement important au cours de ces dernières


années.
L’observation du marché français permet de constater qu’il existe une centaine
de Legaltech.13 Ce chiffre augmente semaine après semaine.

Quant aux services proposés, il est délicat d'en dresser une typologie. L’objet du présent
mémoire n’est pas de faire la liste de toutes les Legaltech ou d’énumérer toutes les
technologies apportées par ces dernières, mais d’en exposer les principales pour étudier leur
impact sur la profession d’avocat en France.
Sans être exhaustif, le présent mémoire a pour objectif de comprendre ce nouveau contexte,
les nouveaux enjeux et souligner la nécessaire adaptation des avocats.

Il est tout de même possible de distinguer cinq catégories d’innovation apportées par les
Legaltech, qui seront définies et détaillées dans le corps du mémoire : la génération
automatique de documents juridiques, la Blockchain, l’Intelligence Artificielle, la gestion et le
financement de litige en ligne, la mise en relation avec les professionnels du droit.

Ces innovations au niveau des services juridiques en ligne modifient à la fois la relation que
professionnels du droit et clients entretiennent avec le domaine juridique et la relation entre
les professionnels du droit et leur client.

12
http://www.lexisnexis.fr/legaltag/Autojuridication/, Autojuridication, consulté le 25/02/2017
13
http://www.village-justice.com/articles/Les-start-up-droit,18224.html, Les start-up du droit, consulté le
26/02/2017

9
Les Legaltech proposent en effet des prestations aux différentes étapes de la chaîne de valeur
d’une prestation juridique, que ce soit par l’élaboration de nouveaux services à destination des
consommateurs de droit ou des praticiens.

Les acteurs de la Legaltech bouleversent considérablement le modèle traditionnel de


distribution des services juridiques. En proposant des services dans un délai rapide, avec une
transparence sur les prix et une simplicité d’utilisation, ces plateformes d’intermédiation
séduisent de plus en plus de justiciables.

L’arrivée massive de ces Legaltech est susceptible de bouleverser les prestations juridiques en
elles-mêmes ainsi que la manière de les commercialiser, d’où une certaine hostilité d’une
partie de la profession contre ces nouveaux entrants.

Les réactions de la profession

Les réactions à l’apparition du phénomène sont variées.


A titre liminaire, et pour justifier la réaction de certains, il faut préciser que le droit n'est pas
une marchandise mais un des fondements d'une société démocratique, et que les avocats
exercent une activité de nature civile et non commerciale.14

Ainsi, pour les avocats, leurs devoirs envers leurs clients ont et auront toujours préséance sur
la recherche d'une rémunération.

Certains parlent « d’ubérisation » de la profession avec l’arrivées des Legaltech. Ce terme


n’est pas exact voir « blessant » pour certains avocats.15
Cette notion renvoie en effet à l’utilisation des services permettant aux professionnels et aux
clients de se mettre en contact direct, de manière quasi-instantanée, grâce à l’utilisation des
nouvelles technologies en s’inscrivant dans le cadre de l’économie collaborative.
Dans ce contexte, de nombreuses plateformes de chauffeurs de voitures de transport avec
chauffeurs (VTC) et de livraisons se sont développées ces dernières années.

14
Louis-Bernard BUCHMAN, « Pourquoi il ne faut pas craindre les start-up juridiques », Dalloz avocats, n°2,
2016, p.53
15
La « Gazette du Palais », novembre 2016, p. 40

10
Pour le marché du droit, notamment, où l'offre de services est une offre qualifiée,
l'«ubérisation » ne peut avoir des effets aussi drastiques que pour des services moins qualifiés.
Il serait alors plus juste de parler de disruption du marché du droit. Les Legaltech
interviennent sur le marché du droit « à faible valeur ajoutée » et sur lequel ils concurrencent
les avocats.16

Il est également reproché aux entreprises de la Legaltech de proposer un service médiocre au


détriment du justiciable et de fragiliser la situation des professionnels du droit.

Les résistances de la profession se manifestent également sur la régularité des prestations


effectués par les Legaltech, qui se traduisent par la multiplication de procès contre les
entreprises de la Legaltech, accusées de violer les règles applicables aux professions
réglementées et taxées de « braconniers du droit » par le Conseil National des Barreaux
(CNB).
Deux infractions sont en général reprochées aux entreprises qui concurrencent les avocats :
l'exercice illégal de la profession d'avocat et l'exercice illégal du droit.17

De plus, le modèle économique du cabinet d’avocat type n’a pas fondamentalement changé au
cours des dernières décennies.

L’apparition des Legaltech a entrainé une réelle prise de conscience de la part des avocats et
de leurs instances représentatives.
Comme l’affirme justement Kami HAERI dans le rapport sur « L’avenir de la profession
d’avocat », la structure de la profession ou encore sa capacité de croissance à long terme n’ont
pas fondamentalement changé au cours des 150 dernières années.18

16
http://www.village-justice.com/articles/Uberisation-des-avocats-
Internet,21989.html#DoCzTkFlP6IW7rQh.99, Ubérisation des avocats : Internet et le renouveau de la relation
client-avocat, consulté le 01/03/2017
17
Rafael AMARO, « L'ubérisation » des professions du droit face à l'essor de la Legaltech », Dalloz IP/IT,
2017, p.161
18
Kami HAERI, Rapport sur « L’avenir de la profession d’avocat » remis au Ministre de la Justice, février 2017.

11
La réglementation relative aux conditions d’exercice de la profession d’avocat et la
déontologie ont longtemps empêché tout comportement disruptif, notamment par
l’interdiction de la publicité.

Différentes évolutions législatives sont intervenues ces dernières années et permettent


aujourd’hui aux avocats d’envisager une concurrence plus saine avec ces nouveaux acteurs.

L’innovation est désormais au cœur des préoccupation des avocats et de leurs instances
représentatives.

Avocats et Legaltech : concurrents ou partenaires ?

L’objet de ce mémoire est de comprendre les différentes innovations apportées par les
Legaltech pour faire un état des lieux actuel et prévisible de l’exercice de la profession
d’avocat avec l’arrivée de ces nouveaux acteurs.

A partir de cet état des lieux, il est possible de se demander si les Legaltech sont des
concurrentes déloyales des avocats ou des futurs partenaires, leur permettant de développer
une nouvelle clientèle ?

Une réponse tranchée à cette question serait prématurée, d’autant que les Legaltech se
développent particulièrement rapidement.

Les Legaltech se concentrent principalement sur le marché du droit dit « à faible valeur
ajoutée », pour lequel l’automatisation est la plus facile, telle que la rédaction automatique de
contrats. L’enjeux est de savoir si à terme, malgré le monopole de la profession, les Legaltech
accéderont au marché du droit à plus forte valeur ajoutée, à travers notamment l’apparition de
l’intelligence juridique artificielle qui risque de bouleverser considérablement la profession.
(Partie I)

Il est possible de dégager des pistes d’innovation que peuvent mettre en œuvre les cabinets
d’avocats pour faire face à l’arrivée des Legaltech.

12
Ainsi, une analyse des conditions concurrentielles entre avocat et Legaltech apparait
opportune afin de déterminer le cadre juridique dans lequel ces changements devront prendre
place. Toutefois, on observe une tendance à la conciliation. De récentes discussions ont
conduit à la remise au bâtonnier de Paris le 23 novembre 2016 d'une Charte éthique de
la Legaltech élaborée par plusieurs associations. (Partie II)

13
Partie I. L’impact des Legaltech, entre dangers et opportunités pour les avocats

Diverses Legaltech sont apparues ces dernières années en proposant des prestations juridiques
innovantes. Certaines Legaltech permettent d’apporter un meilleur accès à l’information et
aux documents juridiques aux justiciables, ce qui est nécessairement profitable aux avocats
qui peuvent espérer attirer une nouvelle clientèle qui s’intéresserait désormais au droit
(Chapitre 1).

D’autres Legaltech apportent des technologiques qui suscitent des inquiétudes quant à un
éventuel remplacement des avocats par une intelligence juridique artificielle (Chapitre 2).

14
Chapitre 1. Les technologies au service des avocats

Certaines Legaltech proposent des innovations sur la création et le stockage de documents


juridiques (Section 1), alors que d’autres proposent des innovations concernant le mode de
règlements des litiges en ligne (Section 2).

Section 1. Les innovations sur la création et le stockage de documents juridiques

Des fondateurs de Legaltech sont partis du constat que la rédaction des actes juridiques et de
certains contrats comporte une grande partie de standardisation et qu’ainsi, le recours à un
avocat apparait couteux et pas nécessairement obligatoire. (Paragraphe 1)
D’autres ont décidé d’utiliser une technologie révolutionnaire, la Blockchain, pour créer des
documents et les conserver de manière sécurisée. (Paragraphe 2)

Paragraphe 1. La standardisation des documents juridiques

La standardisation ou l’automatisation juridique consiste en la dématérialisation d’une


prestation juridique, qui était assuré traditionnellement par une prestation d’un avocat, qu’il
s’agisse du document, de la procédure ou de la mise en relation avec les professionnels du
droit.19
Les Legaltech se sont donc emparés de ce marché pour proposer des services juridiques
standardisés à moindre cout. 20
Les Legaltech proposent donc des services tant aux entrepreneurs (A) qu’aux consommateurs
du droit (B).

A. Les Legaltech au service des entrepreneurs

Les Legaltech proposent des services juridiques pour les entreprises, de la création des
entreprises à la gestion administrative et sociale des entreprises.

19
https://www.maddyness.com/innovation/2016/04/11/automatisation-juridique/, L’automatisation juridique,
outil de démocratisation du droit ?, consulté le 05/03/2017
20
https://www.maddyness.com/innovation/2016/09/19/legaltech-automatisation-du-droit/, Les startups
juridiques, l’aiguillon qui pousse les avocats à se mettre à l’automatisation juridique, consulté le 05/03/2017

15
Le marché de la création d’entreprise est particulièrement important. En France, on compte
plus de 3 400 000 entreprises. Sur l’ensemble de l’année 2015, ce sont 525 091 entreprises qui
ont été créées.21
Des plateformes numériques proposent ainsi aux entrepreneurs la possibilité de créer des
documents administratifs et juridiques nécessaires à la création d’une entreprise.

L’utilisation de ces plateformes est relativement simple : l’internaute remplit quelques


champs comme le nom de la société, la forme sociale, le capital ou l’adresse. Ensuite, le
moteur du site adapte automatiquement le document en fonction de ses besoins.
L’entrepreneur peut disposer de ses documents en une dizaine de minutes.22

De plus, l’avantage de ces plateformes est évidemment économique. Par exemple, concernant
la rédaction des statuts des SAS, SARL, SASU, EURL, les honoraires des avocats parisiens
sont compris entre 1500 et 2500 €. A titre comparatif, la plateforme « Captain Contrat »
propose la rédaction des statuts, par des avocats, pour un tarif de 400 euros. 23

Ainsi, certaines plateformes proposent des tarifs encore plus compétitifs sans l’intervention
d’un avocat, comme « Legal Acte » qui met permet la rédaction standardisée des statuts d’une
SAS dès 85 euros hors taxes.24

Certains sites se chargent également d’effectuer les démarches administratives à la place de


l'entrepreneurs, comme la rédaction des contrats de travail. 25

21
http://1001startups.fr/chiffres-cles-entreprises-en-france/, Les chiffres clés des entreprises en France
consulté le 06/03/2017
22
http://www.capital.fr/carriere-management/entreprendre/creation-d-entreprise/les-meilleures-plate-formes-
juridiques-pour-les-createurs-d-entreprise-1018978, Les meilleures plate-formes juridiques pour les créateurs
d'entreprise, consulté le 06/03/2017
23
https://www.captaincontrat.com/articles-creation-entreprise/cout-creation-de-societe, Combien coûte une
création de société , consulté le 07/03/2017
24
http://www.legalacte.fr/, Légalacte dématérialise vos formalités juridiques, consulté le 07/03/2017
25
http://www.capital.fr/carriere-management/entreprendre/creation-d-entreprise/les-meilleures-plate-formes-
juridiques-pour-les-createurs-d-entreprise-1018978, consulté le 07/03/2017

16
B. Les Legaltech au service du grand public

Certaines plateformes sont également destinées au grand public.


Par exemple, la start-up « Le Bon Bail » permet de rédiger gratuitement, grâce à un
formulaire en ligne, un contrat de bail, un formulaire d’état des lieux sur-mesure et des actes
de cautionnement.26
Ces différents contrats ont été rédigés par des avocats spécialisés et tiennent compte des
normes et lois en vigueur.27

Une autre plateforme, « Flightrigh »28, permet à̀ toute personne de se faire indemniser des
préjudices résultant de retard ou d’annulation de vol. La plateforme assume les risques
financiers en cas d’échec et facture une commission de 25% en cas de succès.

Enfin, « Justice Express »29 est un service en ligne de gestion des litiges de la vie courante. Il
se charge de l’envoi en recommandé et permet de signer électroniquement.

Il est alors possible de penser que les cabinets d’avocats perdent nécessairement une part de
marché considérable avec l’apparition de ces nouveaux acteurs, qui prennent une part de
marché considérable sur les petits litiges sans représentation obligatoire et sur le conseil via la
rédaction de certains contrats.

Les Legaltech ont alors fait l’objet de critiques de la part de certains professionnels du droit,
notamment des avocats.30

Jean-Louis BESSIS, candidat au bâtonnat, a d’ailleurs estimé que ces Legaltech « risquent de
déstabiliser l’équilibre économique fragile de nombreux cabinets. »31

26
https://www.lepetitjuriste.fr/conseils-et-orientation/legal-start-up-prometteuses/, Ces Legal start-ups
prometteuses, consulté le 09/03/2017
27
https://www.lebonbail.fr/pages/qui-sommes-nous, Qu’est-ce que le bon bail.fr, consulté le 09/03/2017
28
https://www.flightright.fr/?adgroupid=34950638397&campaignid=683697575&gclid=CLqcj66F4NMCFcluG
wodJhcIjg, consulté le 10/03/2017
29
http://www.justice-express.com/fr/public/accueil/, Service de gestion en ligne des litiges de la vie quotidienne,
consulté le 10/03/2017
30
http://www.village-justice.com/articles/Futur-juridique-LegalTech-Uberisation,23258.html, Futur du
juridique : legaltech ou uberisation ?, consulté le 10/03/2017
31
https://www.carrieres-juridiques.com/actualites-et-conseils-emploi-juridique/-le-conseil-devra-resister-a-la-
tentation-de-fournir-un-kit-ou-un-pack-aux-cabinets-parisiens-rencontre-avec-jean-louis-bessis-candidat-au-

17
En effet, certains d’entre eux remettent notamment en question leur fiabilité, en estimant que
ces services juridiques proposés en ligne, avec un tarif fixe ou gratuits, ne peuvent avoir la
même valeur que lorsqu’il est géré par un avocat en contact physique avec ses clients.

Toutefois, ces Legaltech ne permettent pas de remplacer ce qui constitue la valeur ajoutée
essentielle à la prestation d’un juriste ou d’un avocat, à savoir ses conseils, son expertise et
son expérience.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle certaines Legaltech proposent de recourir


accessoirement à une prestation d’un avocat, notamment par le biais d’une communication
téléphonique, afin que le client puisse bénéficier des avantages économiques d’une Legaltech
tout en accédant à l’expertise juridique de l’avocat.32

Ces Legaltech proposent un service de qualité relative puisqu’ils utilisent des algorithmes
pour obtenir des documents juridiques. Les prestations offertes par les Legaltech consistent
dans la standardisation de certaines prestations juridiques. A l’inverse, les prestations des
avocats apparaissent d’avantage comme des prestations juridique dites « sur-mesure ».

La différence entre les différentes Legaltech se fait alors sur une éventuelle relecture du
document par un juriste ou un avocat.

Par conséquent, la standardisation juridique ne va pas remettre en cause le rôle des avocats au
sein du paysage juridique français sur le terrain du conseil juridique.

L’apparition des Legaltech offre même des perspectives exceptionnelles pour les avocats
puisqu’elles bouleversent la manière “consommer du droit”, c’est à dire d’accéder à la loi et
de rentrer en relation éventuellement avec un professionnel du droit. Elles apportent des
clients potentiels qui ne seraient pas aller spontanément devant un avocat mais qui, grâce à
l’usage de ces Legaltech, vont pouvoir prendre connaissance de leurs droits de manière plus
lisible et plus accessible.

batonnat-de-paris/1412, « Le Conseil devra résister à la tentation de fournir un kit ou un pack aux cabinets
parisiens » : rencontre avec Jean-Louis Bessis, candidat au bâtonnat de Paris, consulté le 10/03/2017
32
https://www.captaincontrat.com/avantages-avocats, Développez votre business, vous êtes accompagné dans
votre juridique, consulté le 11/03/2017

18
Paragraphe 2. La Blockchain, une technologie révolutionnaire dans le monde juridique

La Blockchain peut se définir comme une technologie de stockage et de transmission


d'informations, transparente, sécurisée.33 Son contrôle ne dépend d’aucun organe central tiers
puisqu’il est assuré collectivement par l’ensemble des participants.

Cette technologie constitue ainsi une base de données, qui détient l’historique de tous les
échanges effectués entre ses utilisateurs.

Pour qu’une transaction soit effectuée sur la Blockchain, ses informations doivent être
intégrées à un bloc. Ainsi, la transaction doit être validée par plusieurs « nœuds » du réseau
(ou mineurs en français) qui vérifient sa conformité en résolvant un problème
cryptographique complexe.

L’ensemble de cette opération s’appelle le « mining » (ou minage en français). Une fois que
l’ensemble des mineurs s’accordent sur la validité de l’opération, la transaction est intégrée à
un bloc. Celui-ci vient s’ajouter à la « chaine de blocs ».

L’échange est inscrit sur le registre une fois qu’il a été validé par des mineurs. En pratique, le
registre ne peut être modifié que par une majorité de plus de 51% des mineurs ; ainsi le réseau
est donc inviolable.34

Concernant la validation des opérations, la Blockchain peut revêtir trois formes.35

En premier lieu, il existe la Blockchain publique. Ce type de Blockchain est utilisé pour la
devise numérique « bitcoin », moyen par lequel une sauvegarde vérifiable et sécurisée de
chaque transaction est stockée. Dans ce type d’échange, chaque internaute peut participer
librement à la validation des opérations et il n’est pas nécessaire de demander une autorisation
pour effectuer une transaction.

33
https://blockchainfrance.net/decouvrir-la-blockchain/c-est-quoi-la-blockchain/, Qu’est-ce que la blockchain ?
consulté le 11/03/2017
34
http://www.haas-avocats.com/data/blockchain-machine-preuve/, La Blockchain, machine à preuve, consulté le
11/03/2017
35
http://www.journaldunet.com/economie/finance/1179949-blockchain-publique-privee-consortium-quelles-
differences/, Blockchain publique, privée, consortium… Quelles différences ?, consulté le 12/03/2017

19
En second lieu, il existe la technologie Blockchain que l'on pourrait qualifier de « contrôlée »,
car le processus de validation est contrôlé par un nombre restreint de personnes. Les
participants possèdent certains droits et les décisions prises sur la Blockchain le sont par la
majorité d'entre eux.

Enfin, il y a la technologie Blockchain basée sur un système privé. Ainsi, le processus


d'approbation est effectué par une personne ; la lecture peut toutefois être effectuée par tout le
monde.

Si le régime juridique de la Blockchain reste à définir, une première définition légale a été
donnée récemment donnée.

La définition légale de la Blockchain

Une première référence directe à la Blockchain a été effectuée dans l’Ordonnance n°2016-520
du 28 avril 2016 relative aux bons de caisse qui peuvent désormais faire l’objet d’un
financement participatif : les minibons.36

L’article L. 223-12 du Code monétaire et financier en donne une première définition, il s’agit
d’«un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant l’authentification de ces
opérations, dans des conditions, notamment de sécurité »37.

L’article L. 223-13 du Code monétaire et financier lui reconnait une valeur légale. En effet cet
article dispose : « Le transfert de propriété de minibons résulte de l’inscription de la cession
dans le dispositif d’enregistrement électronique mentionné à l’article L. 223-12, qui tient lieu
de contrat écrit pour l’application des articles 1321 et 1322 du code civil »38.

36
Ordonnance n° 2016-520 du 28 avril 2016 relative aux bons de caisse
37
Article L223-12 du Code monétaire et financier
38
Article L223-13 du Code monétaire et financier

20
Différentes Legaltech, conscientes des enjeux économiques liés à l’utilisation de la
Blockchain, se positionnent déjà sur le marché. En effet, technologie pourrait avoir des
impacts sur le droit et les professions juridiques dans un avenir proche, tant sur les modes de
preuves (A) que sur les smart-contacts (B).39

A. La Blockchain, une révolution en marche pour les modes de preuve

La preuve, dans un sens large, permet l’établissement de la réalité d’un fait ou de l’existence
d’un acte juridique. Dans un sens plus restreint, c’est un procédé utilisé à cette fin comme un
écrit ou un témoignage.40

L’article 1366 du Code civil dispose que « l’écrit électronique a la même force probante que
l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il
émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité ».

Cet article pourrait ainsi être transposé à la technologie Blockchain. Lorsqu’une personne
propose une transaction dans la Blockchain, elle signe électroniquement sa demande en
utilisant une clé privée.

Le destinataire de la transaction possède quant à lui une clé publique qui sera connue de tous
et qui va permettre de garantir l’intégrité de la transaction.

En assemblant la clé privé et la clé publique, la transaction sera publiée dans la Blockchain.

Conservées dans le registre de la Blockchain, ces transactions peuvent constituer des moyens
de preuve aussi sécurisés que ceux sous format papier. Le registre est stocké de manière
décentralisée et tous les utilisateurs du système en possèdent une copie permettant de garantir
la sécurité et l’authenticité des opérations.41

39
http://www.village-justice.com/articles/blockchain-une-technologie-passe,22071.html, La "blockchain" : une
technologie en passe de bouleverser le monde du droit, le 15/03/2017
40
« Lexique des termes juridiques », Edition Dalloz, 19ème édition, 2012, p.672.
41
Vincent FAUCHOUX, « La technologie Blockchain comme mode de preuve », Actualité du droit de
l’internet, Revue Lamy Droit Civil, avril 2016 - janvier 2017.

21
La Blockchain, en permettant une décentralisation et authentification des données, pourrait
ainsi être juridiquement consacré comme mode de preuve.

De plus technologie repose sur des outils cryptographiques qui sont les mêmes que ceux de la
signature électronique. Ainsi, elles utilisent toutes deux la fonction de hash SHA-2 et
l’algorithme de chiffrement asymétrique RSA.42

Gérard HAAS, avocat spécialisé en droit des nouvelles technologies s’interroge : « Puisque la
signature, la preuve et la Blockchain utilisent le même algorithme de chiffrement et les mêmes
outils, pourquoi ne pas utiliser cette dernière comme « une machine à prouver » ? ».43

Si la technologie de la Blockchain a pu être pensée pour des transactions en Bitcoin dans un


premier temps, ses possibilités pratiques paraissent sans limites désormais.

En effet la Blockchain pourrait permettre de certifier non seulement de la preuve de


l'existence d'un contrat ou d'un document, de façon horodatée et infalsifiable, mais également
son enregistrement et donc sa forme.

Les avantages de l’admission de la Blockchain comme mode de preuve sont de plusieurs


ordres.
Le premier est d’ordre économique, puisque le code de la Blockchain est en « open source »,
c’est à dire en libre accès. De plus, d’une information sur la Blockchain ne coûte que quelques
centimes.
Le second est d’ordre pratique puisque la Blockchain repose sur un système sécurisé,
accessible partout.

La signature électronique consiste, en pratique, à envoyer un document et son empreinte


chiffrée au destinataire.

42
http://www.haas-avocats.com/data/blockchain-machine-preuve/, La Blockchain, une machine à preuve,
consulté le 20/03/2017
43
http://www.haas-avocats.com/data/blockchain-machine-preuve/, La Blockchain, une machine à preuve
consulté le 20/03/2017

22
La dématérialisation de la signature est conditionnée par les clefs de chiffrement et l’identité
des personnes. Dans cette perspective, l’Ordonnance du 8 décembre 2005 a prévu des
organismes de certification agréés par l’Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes
d’Information (ANSSI) qui vérifient l’identité des personnes avant de leur délivrer un
certificat et donc de permettre au destinataire de vérifier l’identité du signataire.44

Des applications concrètes de cette technologie existent déjà. Une start-up, « Woleet »,
propose un mécanisme de signature électronique mis à disposition par Bitcoin et offre la
possibilité d’authentifier les données ancrées dans la Blockchain.45

Cette société propose un système de signature électronique innovant et diffère de la signature


électronique classique car il ne requiert pas de certificat mais « uniquement un couple de clés
Bitcoin ». Les signataires sont identifiés par une clé publique qu’ils contrôlent au sein d’un
portefeuille Bitcoin physique hyper sécurisé.

La technologie Blockchain pourrait servir de registre de preuve d’antériorité de document.


Ainsi, différentes initiatives sont apparues ayant pour ambition d’apporter une
preuve universelle et interopérable.

Par exemple, cette même start-up Woleet a lancé service visant à remplacer l'enveloppe
Soleau de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) par la génération d'une preuve
d'existence et d'une certification dans un registre Blockchain.

Dans un autre registre, les élèves-ingénieurs diplômés de l'ESILV, école privée française,
peuvent certifier leurs diplômes sur la Blockchain, en inscrivant sur leur curriculum vitae un
identifiant composé de chiffres et de lettres.46

Autre exemple, la société « Artprice » utilise cette technologie dans le domaine du marché de
l’art, ce qui permet d’enregistrer l'intégralité des échanges et transactions entre les acteurs
dans une base de données sécurisé.47

44
Ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les
autorités administratives et entre les autorités administratives.
45
https://woleet.io/tech, consulté le 20/03/2017
46
http://www.letudiant.fr/educpros/actualite/blockchain-l-authentification-des-diplomes-a-la-mode-bitcoin.html,
Après la révolution bitcoin, la blockchain s’attaque à l’éducation, consulté le 21/03/2017

23
D’autres applications peuvent être envisagées, notamment en matière de certification
d’identité ou encore pour l’enregistrement des cadastres. En effet, l’empreinte déposée sur la
Blockchain permet, outre de vérifier l’intégrité du document, de l’horodater et de créer un lien
entre le signataire et le document.

Ces quelques exemples traduisent le recours accéléré à cette technologie comme mode de
preuve en raison de ses propriétés intrinsèques. Ils montrent aussi comment
la Blockchain peut être très utile pour authentifier des transactions ou des opérations, dans
quelque domaine que ce soit.

Si la Blockchain apparait comme registre public, ouvert, transparent et sécurisé, de nombreux


défis juridiques et limites technologiques apparaissant. Le développement de technologie
montre certaines limites et nécessite d’adapter son mode de fonctionnement à la vie des
affaires ou au cadre contractuel pour un réel impact sur les cabinets d’avocats.

La principale limite est relative à la qualification juridique du réseau. Le juge peut-il accorder
une valeur juridique à une preuve fournie par une technologie non agréée par l’ANSSI ? Une
réponse pourra être apportée par les décrets du Conseil d’Etat qui expliqueront les conditions
de recours à la Blockchain.48

En l’absence de règlementation spécifique, la preuve d’inscription dans la Blockchain étant


sécurisée, les juges lui reconnaîtront très probablement dans l’avenir la valeur d’une preuve
simple.

La difficulté principale résultera donc dans la reconnaissance des inscriptions complexes et


techniques figurant sur les certificats par les tribunaux. Il incombera alors au demandeur à une
action en contrefaçon d’expliquer ce mécanisme, ce qui pourrait conduire à terme à une
généralisation de cette technologie en tant que mode de preuve.

47
http://www.societe.com/actualites/artprice_veut_appliquer_la_blockchain_au_marche_de_l_art-8526.html,
ARTPRICE veut appliquer la blockchain au marché de l'art, consulté le 22/03/2017
48
https://bitcoin.fr/la-france-donne-une-valeur-legale-a-la-blockchain/, La France donne une valeur légale à la
Blockchain, consulté le 22/03/2017

24
Si cette nouvelle mode de preuve venait à s’imposer devant les tribunaux français, l’activité
des avocats serait nécessairement impactée. Ces derniers devraient alors appréhender cette
nouvelle technologie.

B. La Blockchain, une révolution en marche pour les « smart-contracts »

L’exigence de sécurisation des transactions et de protection des données est devenue un


impératif pour les entreprises et les particuliers ; la technologie Blockchain apparait comme
une solution adaptée et utile pour répondre à ces besoins.

Cette technologie offre donc la possibilité d’échanger des documents, dans le but de conclure
de façon automatisée des « smart contracts » ou « contrats intelligents ».

Un « smart contract » réside donc sur la conclusion automatique du contrat si des conditions,
qui ont fait l’objet d’un accord préalable entre les parties, sont vérifiées par la Blockchain.

Cette technologie permet donc d’exécuter automatiquement les termes du contrat conclu dès
lors qu'une clause trouve à s'appliquer ou au contraire à rompre le contrat dès qu’une clause
n’est plus respectée.

Le « smart contract » se différencie d’un contrat classique en prenant en considération des


données externes au contrat, les traiter en fonction des règles énoncées dans le contrat et ainsi
prendre des mesures préprogrammées adéquates.

Par exemple, une Legaltech allemande, Slock.it, a pour ambition de concurrencer Airbnb en
installant dans le verrou des appartements un « smart contract », qui permettrait de gérer
l’ouverture à distance des appartements. Ainsi, cette technologie offre la possibilité au
propriétaire de verrouiller automatiquement à distance son logement lorsque son loueur
n’exécute pas ses engagements, à l’image d’un non-règlement ou d’un règlement partiel d’un
loyer.49

49
https://www.actualitesdudroit.fr/browse/vie-des-professions-juridiques-et-judiciaires/legaltech/5721/arnaud-
touati-avocat-associe-alto-avocats-tous-les-contrats-ne-peuvent-pas-etre-des-smart-contracts, «Tous les contrats
ne peuvent pas être des smart contracts », consulté le 20/03/2017

25
Ainsi, les « smart contracts » pourraient bien contribuer à une diminution importante des
contentieux. Par exemple, il ne serait plus nécessaire pour une partie de faire constater que
son cocontractant n'a pas effectué le paiement puisque c'est le « smart contract » qui
certifierait le non-paiement et qui activerait automatiquement la clause correspondante.

Par conséquent, les « smart contracts » entraineraient selon Arnaud TOUATI, avocat
spécialisé dans l’accompagnement des starts-up, une désintermédiation des professionnels
dans les processus de rédaction et d’exécution contractuelle.50

Il est alors opportun de penser que cette activité pourrait entrainer un manque à gagner
conséquent pour les avocats, qui perdraient deux missions essentielles de leurs activités à
savoir le conseil concernant la rédaction de contrats et le contentieux concernant l’exécution
contractuelle.

Néanmoins, cette technologie pourrait engendrer un gain de productivité pour les cabinets
d’avocats, qui auront nécessairement un avantage compétitif par rapport à ceux qui ne
l’utilisent pas. Selon Matthieu PACAUD, avocat, il est préférable pour les avocats
d’accompagner le mouvement plutôt que d’y mettre un frein et de se retrouver dépassé.51

La Blockchain, un régime juridique à définir

Les cabinets d’avocats doivent préparer en amont une stratégie d’adaptation pour être prêts
lorsque cette technologie sera suffisamment développée et lorsque le cadre législatif sera
adéquat. En effet, se pose nécessairement la question de la légalité de la mise en œuvre
automatique de dispositions figurant dans un contrat.52

50
http://www.village-justice.com/articles/blockchain-une-technologie-passe,22071.html, La "blockchain" : une
technologie en passe de bouleverser le monde du droit, consulté le 20/03/2017
51
https://www.legavox.fr/blog/maitre-matthieu-pacaud/blockchain-terra-incognita-juridique-21313.htm, La
blockchain, terra incognita juridique ?, consulté le 01/05/2017
52
Sébastien DRILLON, « La révolution Blockchain : la redéfinition des tiers de confiance », R.T.D. COM.,
01/10/16, n°4, p.893.

26
En effet, si la Blockchain a fait l’objet d’une définition légale, son régime juridique reste
encore à définir. La complexité de la Blockchain se traduit par la difficulté d'une régulation
adéquate, qui apparait de surcroit incompatible avec la nature même de cette technologie.53

Aujourd’hui, aucun dispositif ne vient règlementer cette technologie. Le droit commun a


donc vocation à s’appliquer.

Si les notions de Blockchain et de régulation peuvent sembler contradictoires, cette


technologie devra assurer des garanties pour pouvoir s’installer durablement au sein des
cabinets d’avocats. Parmi ces questions, figurent celles de la vérification et de la surveillance
de la non-falsifiabilité des chaînes de consensus comme celle de l'intégrité de l'historique ou
du rôle des mineurs.

Conformément à la philosophie de la Blockchain publique, il paraitrait opportun de laisser


aux nœuds du réseau le rôle de régulateur.

Toutefois, la solution pourrait être différente dans le cas de Blockchain privées. L'efficacité et
la sécurité de ces types de Blockchain permettront, dans un futur proche, de déterminer leurs
fiabilités et leurs capacités à intégrer les cabinets d’avocats.

De plus, la régulation de l'innovation est rarement neutre d'un point de vue technologique et,
s'agissant de la Blockchain, elle paraît singulièrement complexe.54

La Blockchain constitue aujourd'hui un terrain d'expérimentation privilégié en matière de


droit de la preuve, du fait des nombreuses applications qu'elle suscite. Les Legaltech qui ont
pour ambition d’utiliser la Blockchain dans leur offre de services pourraient ainsi largement
modifier à moyen terme de nombreuses pratiques juridiques, dans la plupart des domaines
juridiques.

53
https://www.legalis.net/legaltech/regulation-de-la-blockchain/#_ftn10, Régulation de la blockchain, consulté
le 25/03/2017
54
« La régulation à l'épreuve de l'innovation : les pouvoirs publics face au développement des monnaies
virtuelles », rapp. d'information Sénat (2013-2014) n° 767, 23 juillet 2014.

27
Cette technologie et les Legaltech qui la mettront à disposition du grand public, auront
certainement vocation à changer la manière dont les avocats travaillent. Ces derniers devront
nécessairement appréhender cette technologie, en connaitre les forces et les faiblesses, s’ils
doivent contester un mode de preuve par Blockchain devant les juges.

Cette technologie doit dès lors faire l'objet d'un suivi attentif et rigoureux au vu des promesses
comme des ambitions qu'elle a fait naître.

Section 2. Les innovations sur les règlements des litiges en ligne

Le règlement des litiges en ligne par la technologie est possible dans les cas où la
représentation d’un avocat n’est pas obligatoire.

Lorsque la procédure est écrite, en principe devant le Tribunal de Grande Instance et la Cour
d’appel, la représentation ad litem est normalement obligatoire. Le justiciable doit alors être
obligatoirement représenté par un avocat postulant, inscrit au barreau du Tribunal de Grande
Instance compétent (ou d’un TGI dans le ressort de la Cour d’appel compétente en cas
d’appel).

A l’inverse lorsque la procédure est orale, devant le tribunal d’instance, les prud’hommes ou
le juge de proximité), la représentation n’est pas obligatoire. C’est justement devant ces
juridictions que des plateformes sont apparues au cours des dernières années, pour
accompagner les justiciables dans le règlement d’actions individuelles et n’ont pas manqué de
susciter un débat sur la légalité de ces plateformes au sein de la profession puis devant les
tribunaux. (Paragraphe 1)

Aussi, face aux limites de la loi Hamon de 2014, des plateformes permettent désormais
regrouper des justiciables victimes de préjudices analogues pour porter devant les juridictions
des actions collectives. (Paragraphe 2)

28
Paragraphe 1. L’impact des Legaltech sur les actions en justice individuelles

Diverses Legaltech comme « Demander Justice »55 ou « SaisirPrud’hommes »56 mettent à la


disposition des justiciables une plateforme pour saisir directement une juridiction en ligne,
dans le cadre des petits litiges de la vie quotidienne.

Les deux sites proposent en effet aux internautes un logiciel en ligne qui permet, grâce à un
système de traitement automatisé des données, de rédiger une lettre de « mise en demeure » et
de saisir le greffe du tribunal d'instance ou le conseil des prud'hommes.

Le dossier, rempli en ligne par l'internaute est adressé à la juridiction via un centre de
traitement postal, une signature électronique, au nom de l'internaute, étant apposé au bas de
l'acte introductif d'instance.

La déclaration au greffe comporte en effet une signature électronique validée par la société
« Certeurop » 57
, qui travaille notamment pour la Cour de cassation et pour l’Ordre des
Avocats du Barreau de Paris. La validité de ce mode de signature est notamment prévue dans
le nouveau Code Civil à l’article 1367, qui définit la signature électronique comme « un
procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte ».58

La plateforme se charge alors d’envoyer au greffe du tribunal compétent l’entier dossier,


accompagné des documents nécessaires pour démarrer la procédure judiciaire.

Pour le cofondateur de la société « Demander Justice », Jérémy OININO, cette « ubérisation »


questionne le monopole dont bénéficient les avocats. Pour lui, il est normal de se positionner
sur ce marché « alors que la dématérialisation permet des gains d’efficacité

55
https://www.demanderjustice.com, consulté le 25/03/2017
56
https://www.saisirprudhommes.com, consulté le 25/03/2017
57
https://www.certeurope.fr, consulté le 25/03/2017
58
Article 1367 du Code civil.

29
59
importants ». En effet, le site « DemanderJustice.com » propose ainsi des procédures
amiables et judiciaires pour un prix compris entre 39,90 euros et 89,90 euros, soit un coût
d’accès à la justice « divisé par dix », selon ses estimations, par rapport à une prestation d’un
avocat traditionnel.

Sur la légalité des services de « demanderjustice.com »

Sur le plan pénal, le dirigeant de la société « Demander Justice », Jérémy OININO, en sa


qualité de dirigeant des deux sites exploités par la société, « Demanderjustice.com» et
« saisirprudhommes.com » était prévenu du chef d'exercice illégal de la profession d'avocat.

En effet, pour certains avocats, ces services sont illégaux car s'apparentent à des consultations
juridiques. Ces avocats s’appuient, pour affirmer l’illégalité de l’activité du site, sur la loi du
31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques60, et plus
précisément en son article 4 qui dispose que « Nul ne peut, s'il n'est avocat, assister ou
représenter les parties, postuler et plaider devant les juridictions et les organismes
juridictionnels ou disciplinaires de quelque nature que ce soit, (…) »61

L'Ordre des avocats et le CNB se sont portés parties civiles dans ce dossier. Ils estiment
notamment que la société se livre à une mission d’assistance et de conseil juridique, en
s’appuyant notamment sur des témoignages d’un client.

Patrick BARRET, membre du CNB, assure ainsi à avoir eu des témoignages de clients qui ont
« conseillés » et estiment d’ailleurs que « des personnes ayant fait des études de droit ont été
62
embauchées ». De plus, ils affirment que la signature électronique pour la saisine des
juridictions est réservée aux seuls auxiliaires de justice et qu’un particulier ne peut pas saisir
une juridiction par une signature électronique.

59
https://www.maddyness.com/entrepreneurs/2017/02/02/legaltech-demander-justice-avocats/, Demander
Justice, la startup que les avocats veulent liquider, consulté le 01/04/2017
60
Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques
61
Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques
62
http://www.europe1.fr/france/demanderjustice-com-vraie-machine-ou-faux-avocat-1793587,
Demanderjustice.com, vraie machine ou faux avocat ?, Consulté le 02/04/2017

30
Pour sa défense, la société « Demander Justice » affirme qu’elle ne fournit aucune
consultation juridique ni aucun conseil à ses clients qui sont totalement autonomes dans la
rédaction de leurs demandes et lors des audiences au tribunal.

Le tribunal correctionnel de Paris a relaxé la société, par jugement du 13 mars 2014.63 Le


procureur de la République avait fait appel, ainsi que l'Ordre des avocats de Paris et le CNB.

Le 21 mars 2016, la cour d'appel a rendu sa décision.64 La cour a constaté que la société n'a
pas plaidé ou postulé pour le compte de ses clients lors des audiences devant le tribunal
d'instance ou devant le conseil des prud'hommes et n'a pas non plus exercé de mission de
représentation des justiciables en justice.

L'arrêt a relevé que les déclarations de saisine sont établies et validées par l'internaute lui-
même, en ligne, à son seul nom. Il ne fait aucune mention de l'intervention de la société
« Demander justice » ou de l'un des deux sites dont le nom, ni le logo ne figurent sur le
courrier. Il ne peut donc pas être allégué qu'il y a un mandat tacite.

De plus, la cour a ainsi considéré que le rôle de la société prestataire de services était
purement matériel, la question de la validité de la signature électronique étant, à cet égard,
indifférente. En effet, elle estime que même si cette signature n'était pas valide, il ne pourrait
être soutenu qu'un mandat ad litem a été confié à la société. Cet arrêt bouleverse donc
fondamentalement la question de la saisine judiciaire.

Aussi, la cour a jugé que le fait de mettre à la disposition des clients des modèles de lettres de
mise en demeure ou des modèles d'actes de saisine des juridictions ne pouvait être considéré
comme une assistance juridique similaire à celle d'un avocat.

Les juges d'appel ont ensuite considéré, s'agissant de la ligne téléphonique « d'assistance »,
mise en place par la Legaltech, que conformément à ce qu'affirmait le prévenu, seule une
assistance purement « technique et documentaire » était fournie. Ainsi, l'unique attestation

63
Tribunal de grande instance de Paris 30ème chambre correctionnel Jugement du 13 mars 2014, Affaire n° :
13248000496
64
Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – Ch.12, décision du 21 mars 2016 Affaire n° : 13248000496

31
d'une personne qui indique que son interlocuteur lui aurait conseillé de demander la résiliation
judiciaire de son contrat de travail ne suffit pas à rapporter la preuve de conseils juridiques
prodigués par la société.

Pour la cour, la preuve de l'exercice illégal de la profession d'avocat par le prévenu n'est pas
rapportée. Le jugement de relaxe est confirmé et les parties civiles sont déboutées de leurs
demandes.

Le CNB et l'Ordre des avocats de Paris ont formé un pourvoi en cassation.


Le 21 mars 2017, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi du CNB de
l’Ordre des Avocats de Paris et a affirmé, en reprenant les arguments de la cour d’appel, que
l’activité ces deux Legaltech ne relève pas de l’exercice illégal de la profession d’avocat.65
Plus précisément, la Cour de cassation a affirmé que cette activité « ne saurait constituer
l'assistance juridique que peut prêter un avocat à son client, à défaut de la prestation
intellectuelle syllogistique consistant à analyser la situation de fait qui lui est personnelle,
pour y appliquer la règle de droit abstraite correspondante». Et la Cour conclut : « Il résulte
que les activités litigieuses ne constituent ni des actes de représentation, ni des actes
d'assistance ».66

L’argumentation de la Cour de cassation est contestable.


En effet, la Cour de cassation s’appuie une conception traditionnelle du syllogisme juridique,
en affirmant que ce dernier fait défaut dans la prestation de la société « Demander Justice ».
La Cour semble affirmer que seule une personne physique peut accomplir une telle prestation
et qu’en l’espèce aucune personne physique ne pratique une telle activité au sein de la société
« Demander Justice ».

Or, la Cour de cassation semble écarter, volontairement ou non, l’hypothèse selon laquelle
cette prestation de syllogisme juridique pourrait être effectué par un logiciel ou un site
internet.

65
Cour de cassation - Chambre criminelle, Arrêt 21 mars 2017, n° 15-82437
66
https://www.carrieres-juridiques.com/actualites-et-conseils-emploi-juridique/legaltech-pas-dexercice-illegal-
de-la-profession-davocat/1481, Legaltech : pas d’exercice illégal de la profession d’avocat, consulté le
10/04/2017

32
Sur le site internet de la plateforme, avant débuter une quelconque procédure, il faut remplir
les champs concernant les données personnelles du client puis cliquer sur un type de litige.

Une fois que le client a cliqué sur « démarrer la procédure », une seconde page apparait.
Le client doit alors donner ses coordonnées données personnelles et préciser s’il souhaite agir
contre une personne physique ou morale, puis remplir le champ concernant le montant qu’il
réclame, ce qui aura nécessairement des conséquences sur la compétence du tribunal.

De plus, le client doit remplir des champs concernant les faits de son litige. Ainsi, les
informations de fait que le client donne auront nécessairement des conséquences de droit. Le
client pourra ensuite payer pour que la société prenne en charge le lancement de la procédure.

Or cette prestation semble contredire l’article 54 de la loi de 1971 qui affirme que « Nul ne
peut, directement ou par personne interposée, à titre habituel et rémunéré, donner des
consultations juridique » 67
. Certes, ce n’est pas une personne physique qui donne des
consultations juridiques, bien que la société emploie des juristes et qu’elle dispose d’une ligne
d’assistance téléphonique, mais le site internet semble guider le client et ainsi donner
indirectement des conseils juridiques.

Toutefois, la société « Demander Justice » a remporté cette bataille judiciaire, bien qu’une
action au civil soit encore en cours. Ainsi les avocats n’ont d’autres choix que d’accepter ce
type de concurrence sur la saisine judiciaire des tribunaux.68

Kami HAERI affirme, dans le rapport sur « L’avenir de la profession d’avocat » remis au
Ministre de la Justice en février 2017, que : « Le témoignage répété, dans de très nombreux
colloques, de créateurs de Legaltech qui ont vu certains
Ordres interdire leur développement avant d’obtenir cette autorisation devant la cour d’appel
est dévastateur en termes de réputation ».69

67
Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971
68
Julien MUCCHIELLI, « Demanderjustice.com : pas d'exercice illégal de la profession d'avocat, selon la Cour
de cassation », Dalloz Actualité, 23 mars 2017.
69
http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/02/15/les-avocats-frileux-face-au-virage-
numerique_5079858_4355770.html, Les avocats frileux face au virage numérique, Consulté le 11/04/2017

33
En effet, le marché du droit connaît de véritables bouleversements et les avocats sont
indéniablement bousculés, principalement sur le terrain de l'accès au droit et également sur
celui de la saisine des juridictions.

Néanmoins, l’accès au droit et à l’avocat n’était pas optimal avant l'apparition de ces
nouveaux acteurs. Pour Kami HAERI, ces Legaltech aideront des justiciables qui ne savaient
pas qu'ils avaient besoin d'un avocat, y compris pour des procédures dans lesquelles la
représentation par un avocat n’est pas obligatoire, à en solliciter un.

De fait, selon cette argumentation, il est alors légitime qu'elles puissent capter une partie de la
valeur de ce circuit économique.

La question d’une coopération entre les avocats et les Legaltech apparait donc opportune et
nécessaire.

Sur le terrain de la saisine des juridictions pour des actions individuelles, les Legaltech offrent
donc une opportunité certaine aux justiciables de connaître de leurs droits et par conséquent,
offrent une possibilité aux avocats de diversifier leur clientèle.

Paragraphe 2. L’impact des Legaltech sur les actions en justice collectives

Les Legaltech ont un impact tant sur l’introduction de nouvelles actions collectives par les
Legaltech (A) que par le financement participatif d’actions collectives. (B)

A. L’introduction de nouvelles actions collectives par les Legaltech

L’action de groupe, ou « class action », suppose qu’à la suite de l’action d’une ou de


plusieurs personnes ou d’une association, le jugement ait des effets à l’égard de tous ceux qui,
inorganisés, seraient dans une situation identique. La question de l’introduction d’une action
de groupe en droit français a, depuis plusieurs années, régulièrement été évoquée et
régulièrement repoussée.70

70
Christophe Lefort, Procédure civile, Dalloz, 5e édition, 2014

34
Les consommateurs doivent être identifiés, ce qui permet de distinguer cette action de la
« class action » américaine.

La réforme a finalement vu le jour avec la loi Hamon du 17 mars 2014.71 La nouvelle action
créée vise à rendre recevable, une association de défense des consommateurs représentative
au niveau national et agrée, à agir en réparation de préjudices individuels subis par des
consommateurs placés dans une situation similaire et ayant pour cause un manquement d’un
ou des mêmes professionnels à leurs obligations.

Toutefois, la réforme présente bien de limites. Dans les faits, seule une quinzaine
d'associations sont autorisées à agir, et ce, initialement que pour les dommages matériels. Plus
récemment, l’action de groupe a fait son entrée dans le domaine de la santé, grâce à l’article
184 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, dite
loi « Santé ».72

L’objectif de l’action de groupe étant de réparer et non de punir, il n’est pas possible de
réclamer des dommages et intérêts, seul le préjudice peut être remboursé.

De plus, ces associations ne sont pas toujours équipées en moyens financiers, humains et
technologiques pour engager tous les litiges. De fait, elles ne sont amenées à ne se saisir que
de quelques dossiers.

En parallèle des start-up, conscientes des enjeux économiques liés aux litiges de masse,
utilisent des plateformes web pour développer des actions collectives, convaincues de pouvoir
faire bien mieux que les associations de consommateurs.

Par exemple, il existe des plateformes comme « Weclaim » ou « ActionCivile.com », qui ont
pour objectif de regrouper des victimes autour d’une action montée par un avocat ou une
association, et ce, dans le cadre de procédures de droit commun, individuelles ou collectives.

71
Articles L. 623-1 et suivants du Code de la consommation
72
http://www.village-justice.com/articles/action-groupe-sante-une-action-
complexe,23357.html#UvuPBIpiMAzUFFFK.99, Action de groupe en santé : une action complexe, consulté le
15/04/2017

35
Ainsi l’avocat, qui a été exclu de l'action de groupe par la loi Hamon, devient un acteur à part
entière de l'action de masse.

En effet, paradoxalement la loi Hamon autorise le démarchage et la sollicitation personnalisée


pour les avocats, lesquels étaient auparavant prohibés.73 Par cette autorisation législative, les
avocats peuvent désormais regrouper un nombre considérable de victimes intenter une action
contre une société.

Par exemple, cette plateforme a lancé un contentieux pour les Français ayant consenti un
contrat de prêt ne répondant pas aux exigences légales et règlementaires concernant le Taux
Effectif Global.74

Ainsi, dans cet exemple, l'action de groupe est exclue, faute pour les personnes concernées
d'être dans une situation similaire ou d'avoir signé le même contrat.

Pour rejoindre cette action, les victimes doivent remplir un questionnaire et soumettre leur
dossier en ligne à l’avocat qui conduira la procédure. Par cette démarche, ils donnent mandat
à l'avocat de les représenter en justice, sans pour autant avoir à régler ses honoraires, qui sont
avancés par la plateforme.

Si l’action se poursuit en justice, un avocat est proposé par la plateforme pour représenter
l’ensemble des justiciables. Le choix de cet avocat est notifié à chaque justiciable qui pourra
toujours s’il le souhaite mandater un autre avocat.

En cas de succès judiciaire ou de transaction amiable, Weclaim se paie en prélevant en


moyenne 25% des sommes récupérées. En cas d’échec, la société prend en charge les frais de
justice, aucun frais n’est à la charge du plaignant.75

73
http://cnb.avocat.fr/Le-nouveau-dispositif-reglementaire-relatif-aux-modes-de-communication-des-
avocats_a2081.html, Le nouveau dispositif règlementaire relatif aux modes de communication des avocats,
consulté le 15/04/2017
74
https://www.weclaim.com/actions/erreur_taux_interet_bancaire_teg, consulté le 15/04/2017
75
https://www.weclaim.com/how-it-works, consulté le 15/04/2017

36
La différence avec les cabinets d’avocats est importante, car le montant des honoraires
d'un avocat ne dépassera pas 10 % du bénéfice final. De plus en cas de litiges, un avocat est
assuré contrairement aux Legaltech.

Ces plateformes ont bien compris les limites de la loi Hamon et ont saisi l’enjeu lié aux litiges
de masse. Ainsi, elles proposent une mise en relation entre avocats et justiciables et se
positionnent sur un marché qui n’était pas encore exploité.

La réponse du Barreau de Paris

Face à cette offre des Legaltech, le Barreau de Paris a lancé la plateforme « Avocats Actions
Conjointes ». Cette plateforme a pour objectif de permettre aux avocats du Barreau de Paris
de pouvoir faire une action groupée et de permettre la mise en relation des avocats parisiens
avec les justiciables.76

L’action peut être proposée par les avocats, les justiciables ou par une association de
consommateur. Une fois l’action proposée, un comité ad hoc déontologique vérifie la
conformité de l’action au cahier des charges.

Le Barreau de Paris n’étant pas une société commerciale, cette plateforme est gratuite.
En revanche, le justiciable souhaitant prendre part à une action devra s’acquitter de frais
d’avocats qui sont décrits de manière transparente sur la plateforme.77

Cette démarche est louable car démontre la volonté de l’Ordre des Avocats de concurrencer
directement les Legaltech.

Pour le cofondateur d’ActionCivile, Jeremie ASSOUS, « Il était trop tentant pour l'Ordre des
avocats de Paris de nous imiter sans cependant parvenir à nous égaler. La création et la

76
http://www.village-justice.com/articles/plate-forme-Avocats-Actions-
conjointes,20848.html#RFFOdcl0ZMZMBKbE.99, La plate-forme avocats-actions-conjointes.com est ouverte !,
consulté le 16/04/2017
77
http://avocats-actions-conjointes.com/, consulté le 16/04/2017

37
gestion d'un tel site internet, d'une complexité technique insoupçonnée, est un métier en soi et
ne relève pas de la compétence limitée des avocats. »78

La bataille entre l’Ordre des avocats de Paris et les Legaltech ne semble que débuter mais il
est d’ores et déjà possible d’affirmer que les gagnants sont les justiciables, qui disposent
d’autant plus de moyens de faire valoir leurs droits sur des litiges qui n’auraient certainement
pas fait l’objet d’une contestation en justice s’ils avaient dû être porté de manière individuelle.

B. Le financement participatif d’actions collectives

Le financement participatif, ou crowdfunding, peut se définir comme la possibilité offerte à


des particuliers, des associations ou des entreprises de financer leur projet en faisant appel au
soutien financier du public au travers d’une plateforme web.

L’épargnant qui souhaite investir dans un projet permet à un porteur de projet, ne possédant
pas des fonds nécessaires, de débuter une activité.

Ainsi, des Legaltech sont parti du constat que la justice est excessivement couteuse et
proposent une plateforme de crowdfunding pour financer des actions en justices.

Par exemple, « Wejustice.com » est une plateforme web de financement participatif


spécialisée dans les actions judiciaires. Elle offre à tous les justiciables une possibilité de
financer leur action judiciaire, à travers le concours du grand public.79 L’objectif est, selon
ses créateurs, de « favoriser l’accès au droit dans des situations où les rapports de force sont
déséquilibrés ». 80

78
Caroline Fleuriot, « Actions de masse sur internet : les avocats veulent gagner du terrain », Dalloz actualité,
novembre 2015
79
https://www.wejustice.com, consulté le 15/04/2017
80
https://www.lepetitjuriste.fr/conseils-et-orientation/orientation/les-metiers-du-droit/le-crowdfunding-un-
nouveau-moyen-de-lutter-contre-les-desequilibres-dans-les-rapports-juridiques/, Le crowdfunding : un nouveau
moyen de lutter contre les déséquilibres dans les rapports juridiques, consulté le 15/04/2017

38
Concrètement, une cause est proposée par un justiciable. La société étudie cette cause et si
elle répond aux critères de sélection, elle sera présentée sur le site qui affiche un objectif de
fonds à collecter.

L’argent permet ainsi de payer les avocats qui mèneront un combat judiciaire qui sera
potentiellement long et coûteux. La société « WeJustice » prend alors 5% des recettes lorsque
l’objectif de la collecte a été atteint, auxquelles il faut ajouter 3% de frais bancaires.
Par exemple, cette plateforme propose actuellement la cause de l’association, Actif VTC, qui
rassemble plus de 350 chauffeurs Uber.81 Cette dernière souhaite engager une action auprès
du Conseil des prud’hommes pour obtenir la requalification des contrats de travail des
chauffeurs Uber. Pour financer cette action, elle souhaite recueillir 5 000 euros, l’association
fait appel aux internautes via la plateforme WeJustice.82

Concernant la désignation de l’avocat, le choix est totalement libre. La plateforme n’a pas
vocation à choisir l’avocat à la place du porteur du litige ou encore à le représenter. Toutefois,
l’avocat choisi pour défendre cette cause devra accepter d’être rémunéré grâce au financement
participatif. La plateforme peut toutefois mettre en relation le porteur du litige avec un des
avocats de son réseau.83

Néanmoins, se pose la question de la croissance de ce secteur du financement des contentieux,


qui semble restreinte à cause de l’interdiction des dommages et intérêts punitifs, qui
consistent en une indemnité qui a pour objectif - en sus de la réparation du préjudice subie -
de sanctionner le comportement de l'auteur fautif du dommage.

En droit de la responsabilité en France, en vertu du principe de la réparation intégrale, les


dommages et intérêts doivent correspondre uniquement à la réparation du préjudice.

Les réactions des avocats sont partagées. Selon Julien ZANATTA et co-fondateur de
WeJustice, « Il y a une véritable fracture générationnelle sur le sujet de l’innovation

81
http://www.numerama.com/politique/174287-350-chauffeurs-vtc-lancent-un-crowdfunding-pour-attaquer-
uber-en-justice.html, 350 chauffeurs VTC lancent un crowdfunding pour attaquer Uber en justice, consulté le
16/04/2017
82
https://www.wejustice.com/causes/les-chauffeurs-comptent-pas-pour-d-uber, Les chauffeurs comptent pas
pour d'UBER, consulté le 17/04/2017
83
https://www.wejustice.com/comment-ca-marche#20, consulté le 17/04/2017

39
juridique en France. »84 Il estime que les avocats ayant un nombre important d’années de
barreau voient d’un mauvais œil l’arrivée d’une nouvelle forme d’exercice, alors que les
avocats un peu plus « jeunes » voient dans ce projet – et dans l’innovation juridique - une
véritable opportunité de réinventer le métier.

En effet, cette plateforme permet d’apporter des porteurs de litige aux avocats et leur assure
une rémunération via le mécanisme de collecte.

Cette Legaltech ont donc pour objectif de mettre relation avocats et clients. C’est un moyen
innovant de développer une nouvelle clientèle pour les avocats.
Elle illustre parfaitement l’idée que Legaltech et avocats ne sont pas forcément des
concurrents mais également des partenaires.

84
Florent GASSIES, « Lumière sur... «l'économie collaborative» un nouveau paradigme ? », Le
baromaître Le journal des é lè ves avocats, numéro 3, juin 2016

40
Chapitre 2. L’apparition de l’Intelligence Artificielle, une menace pour les avocats ?

La norme ISO 2382-28 définit l’intelligence artificielle comme la « capacité d’une unité
fonctionnelle à exécuter des fonctions généralement associées à l’intelligence humaine, telles
que le raisonnement et l’apprentissage »85.

Cette technologie, souvent qualifiée de prochaine révolution informatique, est au cœur de tous
les sujets d’actualité. Le monde du droit n’échappe pas à l’apparition de l’intelligence
artificielle, tant le domaine des prédictions des décisions de justice (Section 1) que dans le
développement de robots-avocats capable d’effectuer des recherches juridiques et de
communiquer de façon autonome (Section 2).

Section 1. La profession d’avocat impactée par l’apparition de la justice prédictive

La justice prédictive est définie, selon Bruno DONDERO, comme « des instruments
d’analyse de la jurisprudence et des écritures des parties, instruments qui permettraient de
prédire les décisions à venir dans des litiges similaires à ceux analysés, c’est-à-dire
d’identifier quelle solution sera donnée à un litige X par un juge Y, soit au vu des données du
litige X, soit par une analyse des écritures des parties »86.

Différents facteurs permettent de favoriser l’émergence de la justice prédictive.

Un des facteurs essentiels est l’ouverture des données jurisprudentielles, mouvement dit de
l’Open Data, consacré en France par la loi Lemaire.87 En effet, la loi pour une république
numérique88 a ajouté au Code de l’organisation judiciaire un article L. 111-13 qui prévoit que
« les décisions rendues par les juridictions judiciaires sont mises à la disposition du public à
titre gratuit dans le respect de la vie privée des personnes concernées ».89

85
https://www.alain-bensoussan.com/avocats/droit-civil-europeen-intelligence-artificielle/2017/03/28/, Vers un
droit civil européen de l’intelligence artificielle, consulté le 20/04/2017
86
https://brunodondero.com/2017/02/10/la-justice-predictive/, La justice prédictive, consulté le 20/04/2017
87
http://www.economie.gouv.fr/republique-numerique , consulté le 20/04/2017
88
Loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016
89
Article L111-13 du Code de l'organisation judiciaire

41
Si les jugements étaient déjà en principe publics, seule une partie était disponible pour les
justiciables. Par exemple, le site LegiFrance propose sur son site internet environ 15 000
décisions de justice par an, émanant principalement de la Cour de cassation.90

Avec cette loi, la base de données juridiques disponibles va considérablement augmenter.


Ainsi, ce sont plus de 2 millions de décisions judiciaires qui vont être anonymisés puis
diffusés auprès du grand public.

Les autres facteurs du développement de cette justice prédictive sont le développement de


l'Intelligence Artificielle ou encore la capacité croissante à analyser des masses de données.
L'intelligence artificielle et plus généralement les nouvelles technologies de l'information et
de la communication ont déjà fait leur apparition dans les cabinets d'avocats.

Elles permettent par exemple, comme il a déjà été souligné, de générer rapidement certains
documents de manière automatisée. Elles permettent aussi de réaliser certaines activités,
chronophages, souvent confiées aux stagiaires, comme le classement, la recherche juridique
dans des bases juridiques.

Dans l’avenir, l’Intelligence Artificielle permettra d'obtenir des prédictions relativement


fiables quant à l'issue des litiges s'ils venaient à être présentés devant la justice, en fonction
des précédents litiges similaires et des juridictions.

Le dernier facteur est à la fois humain et plus général. Il tient au développement des
Legaltech, qui commencent à commercialiser à destination des juristes et des avocats, des
solutions logicielles d’Intelligence Artificielle. En effet, la masse de données juridique ne
pourra être traité avec les outils logiciels classiques.

Ces Legaltech offrent des solutions en matière des solutions de justices prédictives à travers
l’utilisation d’algorithmes, offrant des perspectives pour la justice et les professionnels du
droit.

90
http://www.liberation.fr/france/2017/02/23/justice-predictive-l-augure-des-procedures_1550628, Justice
prédictive, l’augure des procédures, consulté le 20/04/2017

42
En permettant l’analyse des bases de données, ces algorithmes constituent des outils d’aide à
la prise de décision innovants. Les applications de cette technologie sont multiples, tant dans
l’évaluation des dommages et intérêts que dans l’identification des arguments les plus
pertinents devant les juges. Les services de justice prédictive permettent un gain de temps
pour les avocats et apportent une valeur ajoutée considérable. (Paragraphe 1)

Néanmoins, l’apparition de l’Intelligence Artificielle peut également susciter quelques


inquiétudes chez les avocats à plusieurs niveaux, avec le risque d'une possible « ubérisation »
du métier d'avocat dès lors que de tels services en viendraient à être mis directement à
disposition des justiciables, ou dès lors que l’intelligence artificielle inciterait à une
« automatisation » des prestations juridiques sans prise en compte des valeurs essentielles de
la profession d’avocat à savoir l’indépendance et l’humanité. (Paragraphe 2)

Paragraphe 1. La justice prédictive, un outil au service des avocats

Les Legaltech mettent au point des plateformes efficaces en matière de recherche juridique et
prometteuses en matière de prédiction.

Dans cette marche vers le progrès technique, des éditeurs de documentation juridique comme
LexisNexis, Dalloz, mais également des start-up comme Doctrine, Supra Legem, Predictice
Case Law Analystics ou encore Tyr-Legal proposent depuis peu des solutions de justice
prédictive pour les juristes et avocats.91

Ces plateformes analysent les milliers de décisions de justice rendues au cours des dernières
années par les tribunaux français mais aussi les textes législatifs et réglementaires ainsi que
certains commentaires de doctrine.
Cette technologie, si elle s’avère fiable, permettrait de savoir à l’avance, en entrant dans un
ordinateur les faits de l’espèce, quelle serait la décision rendue par les juges. Ainsi, ces outils
utilisent des algorithmes qui se chargent de comparer la situation du client de l’avocat avec
les décisions de justice passées et fournissent directement la solution probable du litige dans
toutes les branches du droit.
91
www.gazettedupalais.com/e-
docs/00/00/30/BC/telecharge_doc_attach.phtml%3Fcle_doc_attach%3D908+&cd=5&hl=fr&ct=clnk&gl=fr,
consulté le 20/04/2017

43
Il existe toutefois des domaines qui ne sont pas régis par la prédiction, pour le moment : le
droit pénal, car les faits et enjeux liés à ce domaine compliquent la prédiction, et le droit
social.

Ces instruments permettraient ainsi de d’aider à déterminer s'il est opportun de porter son
litige devant les tribunaux, ou de chercher plutôt un accord amiable.

De plus, certaines plateformes de justice prédictive permettraient de perfectionner les


stratégies judiciaires en identifiant et hiérarchisant les éléments de faits ou de droit pouvant
influencer positivement l'issue d'un litige. Les avocats peuvent alors se concentrer sur un
point précis susceptible de convaincre le juge.

Aussi, certains services de justice prédictive proposent de mesurer les montants des
dommages et intérêts, pensions ou autres indemnités qu'un client peut raisonnablement
espérer obtenir eu égard à sa situation particulière.

Les applications concrètes de cet outil technologique sont multiples. Par exemple, les avocats
auraient une visibilité sur le montant des indemnités susceptibles d’être octroyé. Un tel outil
permettrait notamment aux avocats de convaincre leurs clients du bien-fondé de leur
expertise.

Cette technologie permettrait également d’effectuer des prévisions sur des éléments de fait ou
de droit qui seront susceptibles de convaincre une juridiction.

Enfin, elle offre la possibilité de connaître précisément la position de chaque tribunal sur un
sujet et ainsi de profiler les magistrats en fonction des décisions rendues. 92
L'aléa de l'avocat, qui peut se définir comme le sentiment, à la suite d'une étude précise du
dossier, que ses arguments sont juridiquement fondés, serait alors diminué de manière
significative.

92
http://www.daniel-mainguy.fr/2017/02/regard-predicitf-sur-la-justice-predictive.html, Regard prédictif sur la
justice prédictive, consulté le 20/04/2017

44
L’aléa judiciaire, qui peut se définir comme la discordance entre ce que l’on peut
raisonnablement déduire des faits de l’espèce et du droit applicable, et ce que sera la solution
retenue par le juge, serait ainsi également réduite.93

La justice prédictive, une opportunité à saisir pour les avocats ?

La justice prédictive peut permettre de mieux conseiller juridiquement les clients, d’établir
des stratégies en fonction du tribunal ou du juge qui siège.

De plus, la justice prédictive simplifie une partie de l’activité des avocats en les dispensant de
faire des recherches de jurisprudence.

En effet, les algorithmes permettent certaines tâches, notamment de recherche, en quelques


secondes, alors que ces mêmes activités peuvent prendre plusieurs heures pour les avocats.

Le gain de temps généré par la justice prédictive permettrait alors aux avocats de se
concentrer sur la préparation des plaidoiries ou d’améliorer la communication du cabinet par
exemple.

La justice prédictive est une source de réductions des coûts et de gains de performance dans le
traitement des dossiers. Ainsi, il est possible de penser que les cabinets qui utilisent cette
technologie auront un avantage concurrentiel certain par rapport aux cabinets qui ne l’utilisent
pas.

La justice prédictive constituerait alors un progrès considérable pour la profession.

Toutefois, le véritable avantage qu’apporterait la justice prédictive réside dans la possibilité


pour les avocats de réduire la durée des procédures en proposant des accords amiables.

93
https://brunodondero.com/2017/02/10/la-justice-predictive/, La justice prédictive, consulté le 20/04/2017

45
Vers la création de l’acte authentique d’avocat ?

Un des atouts majeurs de la justice prédictive pour les avocats réside dans la possibilité de de
convaincre la partie adverse dans le cadre d'un mode amiable de résolution du litige.

Les avocats ont la possibilité, depuis une loi de 201194, de contresigner des actes. L’acte
contresigné par avocat est une avancée en terme de sécurité juridique et en matière probatoire.

Toutefois, et contrairement à un acte authentique, l’acte contresigné par avocat ne possède pas
la force exécutoire. Ainsi, l’acte contresigné par avocat ne dispense pas le créancier de devoir
solliciter du juge un titre exécutoire, pour engager une procédure de saisie par exemple.

Pour que l’avocat puisse remplir ces fonctions juridictionnelles, « l’acte authentique
d’avocat » devrait être consacré.

Cette consécration permettrait d’accélérer le développer les modes amiables de règlement des
conflits et donc de désengorger les tribunaux. Le recours à la justice prédictive permettrait
donc aux juridictions « d’être déchargées du poids de contentieux pour lesquels la voie
judiciaire n’apparaîtra plus la mieux adaptée », a en effet estimé le Premier président de la
Cour de cassation Bertrand Louvel le 14 octobre 2016, lors de l'ouverture du colloque « La
jurisprudence dans le mouvement de l'open data ». 95

L’avocat aurait alors un réel de médiateur et de conciliateur.

En effet, l’acte sous signature privée contresignée par avocats, et notamment sa version
électronique l’e-acte d’avocats, ne constitue pour l’heure qu’un simple acte de sécurité
juridique en matière probatoire.

Donner force exécutoire dans certains cas à cet acte inciterait les avocats à y recourir et
permettrait de désengorger les tribunaux.

94
La loi du 28 mars 2011 dite « de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et de certaines
professions règlementées »
95
https://www.courdecassation.fr/publications_26/discours_entretiens_2039/discours_2202/premier_president_7
084/jurisprudence_mouvement_open_data_35268.html, La jurisprudence dans le mouvement de l’open data,
consulté le 22/04/2017

46
Une telle révolution nécessite une réflexion des différents acteurs de la Justice et implique des
choix politiques importants, comme l’affirme Kami HAERI : « Si demain on peut avoir un
acte d’avocat enterinable et authentique, alors nous nous transformons en ‘magistrat de
proximité’. Ça serait extraordinaire mais ça soulève des questions politiques très
complexes. »96

Ces questions politiques seront certainement soulevées par le nouveau Garde des Sceaux,
François BAYROU, dans les mois à venir.

Paragraphe 2. La justice prédictive, une simple assistance pour les avocats.

Les limites de cette technologie sont de plusieurs ordres.

En premier lieu, la spécificité, le contexte factuel et la complexité de chaque litige implique


que l’analogie entre différents cas est peu opportune.

Plusieurs questions sont alors soulevées par l’utilisation de cette technologie. Comment faire
comprendre à un algorithme des arrêts de principe ou des revirements de jurisprudence ?
Comment cet algorithme peut analyser une décision de justice erronée ? Les juges ayant un
fort pouvoir d’appréciation souverain dans leur jugement, comment l’intégrer dans un
algorithme ?

L'algorithme devra alors être parfaitement développé pour limiter ces différents risques. On
peut toutefois douter qu’un tel outil sera capable d’intégrer et d’appréhender tous ces facteurs.

La justice est intimement liée à la question d’humanité. Les avocats auront donc un rôle pour
interpréter les travaux des algorithmes. Ainsi certains aspects, comme la psychologie, ne
pourront jamais être pris en considération par les algorithmes.

En second lieu, le risque pour les avocats et pour les magistrats de l’utilisation de cette
technologie est celui de l’automaticité. Selon Chantal ARENS, première présidente de la cour
96
Interview de Kami HAERI, réalisée par Harry SEROR le 24 février 2017

47
d’appel de Paris, cette justice prédictive comporte un «risque pour la liberté, risque de
pression sur les magistrats, risque de décontextualisation des décisions, risque
d’uniformisation des pratiques ».97

L’un des risques de ces logiciels de prédictibilité réside dans l’« effet performatif », qui se
traduit que le fait d’avancer un résultat contribue à son avènement.

L’utilisation de ces outils pourront donc amener à une sorte d’automatisation et


d’harmonisation de la jurisprudence. Les professionnels du droit et les avocats pourraient
ainsi être tentés d’apporter un conseil juridique similaire à celui émis par l’outil
technologique, en délaissant le raisonnement, la prise en comptes des facteurs humains et les
spécificités de chaque situation.

Le travail créatif de l’avocat avec son client a permis la plupart des revirements de
jurisprudence. Les avocats devront utiliser cet outil en prenant en compte la valeur ajoutée
inhérente à leur profession.

Ainsi, malgré les statistiques, les avocats devront trouver des moyens de droit innovants. Les
outils de justice prédictive seront donc une aide précieuse pour le travail d’analyse de
l’avocat, mais ne se substituera pas à son rôle de conseil.

Les outils de justice prédictive ne font que traduire ce qui existe déjà. Le rôle de l’avocat est
d’interpréter ces résultats et de rester critique face aux résultats de cet outil. Les informations
fournies par les algorithmes vont devoir faire l’objet d’un contrôle et ne pourront être utilisées
sans une analyse de leur pertinence et de leurs conséquences par les avocats.

De plus, se pose nécessairement la question d’une future « ubérisation » des métiers de la


justice par l’utilisation de cette technologie directement par les justiciables sans l’intervention
d’un professionnel du droit. Les Legaltech de la justice prédictive s’adressent pour le moment
aux cabinets d’avocats, mais il est probable que dans un futur proche ces entreprises
chercheront à viser un public plus large pour augmenter leur visibilité et leur chiffre d’affaire.

97
http://www.liberation.fr/france/2017/02/23/justice-predictive-l-augure-des-procedures_1550628, Justice
prédictive, l’augure des procédures, consulté le 20/04/2017

48
Or si la justice prédictive devenait aisément accessible à tout individu, le risque serait élevé
que les justiciables suivent uniquement les prévisions de cet outil sans aller voir un avocat
pour donner une suite à leur litige.

Cette « autojuridication » serait nécessairement préjudiciable pour le justiciable, ce dernier


serait alors entretenu dans une illusion de maîtrise de la chose technique.98

Les avocats exercent leur profession dans respect des valeurs déontologiques, notamment
celle d’indépendance. L'indépendance de l'avocat est inscrite dans le serment que celui-ci
prononce à son entrée dans la profession. Si l’indépendance de l’avocat a été définie
principalement par rapport aux juges et à son client, il convient de préciser que les avocats
devront utiliser cette technologie en toute indépendance, pour que les justiciables ne puissent
pas reprocher aux avocats de s’être écartés des statistiques de justice prédictive.

La formation des futurs avocats devra être adaptée à ces différents changements à venir pour
qu’ils puissent s’adapter avec cette nouvelle façon d’exercer. Les compétences numériques
devront ainsi être enseignées pour les cabinets soient en phase avec les attentes des clients.

Il convient également de s’interroger sur la cadre juridique applicable à la justice prédictive.


Dans son rapport annuel pour 2014, le Conseil d’État a émis des propositions pour encadrer
l’utilisation des algorithmes prédictifs99. La Haute juridiction administrative a ainsi affirmé
que les algorithmes prédictifs sont une source de risques pour l’exercice des droits
fondamentaux. Il conviendrait alors de définir un « droit pour les algorithmes prédictifs », qui
n’est que pour le moment qu’un à l’état de projet.

Si cette technologie constitue à la fois une opportunité à saisir et un danger dont il faut se
douter, les services de justice prédictive pourraient bien engendrer un renouveau du métier
d'avocat. Toutefois, les applications concrètes pourraient favoriser un affaiblissement du
prestige, de l'aura et du rôle de l'avocat.

98
hhttp://www.lexisnexis.fr/legaltag/Autojuridication/, Autojuridication, consulté le 25/02/2017
99
Conseil d’État, étude annuelle 2014, Le numérique et les droits fondamentaux

49
Section 2. La profession d’avocat impactée par l’apparition des robots-avocats

L’apparition des « robots-avocats » est dû au développement de la technique du


« machine learning » ou « apprentissage automatique », qui consiste à l’apprentissage des
algorithmes par leur utilisation et du « deep learning », qui est un système de reconnaissance
vocale qui parvient à traduire les demandes avec une grande précision et d’apporter
une réponse adéquate. L’exemple le plus connu est la technologie Siri, le système de
reconnaissance vocal développé par Apple.

Si les robots n’ont pas vocation à remplacer la totalité des fonctions remplies par les
avocats (Paragraphe 1), ils ont vocation à devenir les futurs assistants des avocats (Paragraphe
2).

Paragraphe 1. Les robots-avocats, les remplaçants progressifs des avocats ?

Les avocats vont-ils être remplacés par les robots ? Le sujet est pris très au sérieux par
les instances représentatives, puisque le 30 mars 2017, la commission de la prospective du
CNB a organisé la 2e édition des États généraux de la prospective et de l’innovation, sur le
thème « Robes et robots ».100
Le sujet est d’autant plus d’actualité que le cabinet américain Baker Hostetler a acquis
le premier robot-avocat, dénommé Ross, en mai 2016. D’autres robots-avocats ou agents
conversationnels ont également fait leur apparition (A). Se pose alors nécessairement la
question de la future disparition des avocats au profits des robots avocats (B).

A. L’apparition progressive des robots-avocats ou agents conversationnels

Les premiers robots ont fait une entrée remarquée au sein des cabinet d’avocats.

Ross, le premier d’entre eux, a été créé en 2014 par une start-up canadienne, puis développé
par IBM à partir de l’ordinateur surpuissant Watson. Ce robot a été conçu pour lire,
comprendre, effectuer des recherches de textes juridiques et de jurisprudence. Grace à son
intelligence artificielle, ce robot est capable de développer des hypothèses. Le site officiel du
robot explique Ross « aide à réaliser de la recherche juridique. »

100
http://cnb.avocat.fr/Robes-Robots-2e-edition-des-Etats-generaux-de-la-Prospective-et-de-l-
Innovation_a2938.html, Robes & Robots, 2e édition des Etats généraux de la Prospective et de l’Innovation,
consulté le 25/04/2017

50
Concernant l’utilisation de Ross, il suffit de poser une question « en anglais courant (… ) et
Ross parcourt alors l’ensemble de la documentation juridique et retourne une réponse
sourcée et des lectures topiques de la législation, de la jurisprudence et de sources
secondaires pour vous permettre d’y arriver rapidement ».101

Il ne s’agit pas d’une simple recherche juridique par mots clés, l’intelligence artificielle
permet l’analyse des données légales et en tire les éléments pertinents pour construire un
raisonnement.

L’intelligence artificielle de ce robot permet de développer une réponse structurée et


argumentée, comportant les sources légales de la réponse à la problématique juridique du
102
dossier. Pour le moment, ce robot-avocat a une seule spécialisation, les faillites
d'entreprises.

Il analyse ainsi les milliers de jurisprudences concernant les faillites d’entreprises et apporte
des réponses précises et contextuelles en vérifiant toutes les modifications de la loi pour en
avertir les avocats et ses collaborateurs.

Ross apprend avec l’expérience : « nous travaillons avec des avocats afin que l’ordinateur
puisse penser comme eux », confirme son créateur.103

L’utilisation de ce robot le rend donc plus efficace grâce à un apprentissage automatique.


Andrew M.J. Arruda, CEO et Co-fondateur de Ross Intelligence, ambitionne d’ailleurs de
créer l’avocat le plus intelligent du monde.

Comme Ross, plusieurs « legal bots » ont été créés ces dernières années utilisant les avancées
du machine learning (apprentissage des machines) et de l’intelligence artificielle.104

101
http://www.rossintelligence.com/, consulté le 26/04/2017
102
https://www.lepetitjuriste.fr/lgj/ross-lintelligence-artificielle-service-avocats/, Ross : l’intelligence artificielle
au service des avocats, consulté le 01/05/2017
103
https://www.carrieres-juridiques.com/actualites-et-conseils-emploi-juridique/lintelligence-artificielle-
debarque-dans-les-cabinets-davocats-americains/1253, L'intelligence artificielle débarque dans les cabinets
d'avocats américains, consulté le 01/05/2017

51
Un jeune français, Louison Dumont, vient de créer Peter, un avocat virtuel spécialisé dans la
création de start-up. L’objectif de Peter est de simplifier les démarches juridiques des
entreprises. Les entreprises qui ont besoin de conseils juridiques lui envoient un e-mail. Une
réponse automatisée leur parvient dans les minutes qui suivent.105

Se pose toutefois la question de la qualité juridique de ces prestations, aucune précision


n’apparait quant à l’intervention d’un juriste dans le fonctionnement de Peter.

Peter, en utilisant l’intelligence artificielle, analyse l’information juridique sous ses


différentes formes – textes de loi, jurisprudence, doctrine - pour en déduire des réponses.
Le problème est qu’une question juridique ne reçoit pas nécessairement une réponse simple.

L'entreprise française Yperlex a également annoncé la naissance de LiZa, « une intelligence


artificielle créée et supervisée par des avocats » qui « rend le droit financièrement et
intellectuellement accessible à tous ».106

LiZa a également pour objectif de régler toutes questions ou litiges pour lesquels la
représentation par avocat n’est pas obligatoire et de générer des document et courriers
juridiques.

Ces différentes formes d’intelligence artificielles auront évidemment un impact sur la


profession d’avocat.

104
http://www.lemonde.fr/o21/article/2016/11/29/les-robots-ebranlent-le-monde-des-
avocats_5039852_5014018.html#zATjjtmFdE8YdExH.99, Les robots ébranlent le monde des avocats, consulté
le 01/05/2017
105
https://business.lesechos.fr/entrepreneurs/startup/021701204063-louison-dumont-l-adolescent-francais-qui-
veut-uberiser-les-avocats-207479.php, Louison Dumont, l'adolescent français qui veut ubériser les avocats,
consulté le 01/05/2017
106
http://www.yperlex.com/ , consulté le 01/05/2017

52
B. Les robots-avocats, vers une substitution des collaborateurs humain au profit des
collaborateurs électroniques ?

Une des problématiques posées par l’apparition des robots-avocats est celle de la substitution
de l'Intelligence Artificielle à l'intelligence humaine et donc l’abandon des collaborateurs
humains au profit des collaborateurs électroniques.

Le cabinet de conseil américain Altman Weil a réalisé une étude en 2015 auprès de 320
cabinets d’avocats américains sur l’impact potentiel du développement des technologies
issues de l’intelligence artificielle appliquées aux problématiques juridiques, notamment sous
la forme d’une déclinaison du superordinateur d’IBM Watson.107

L’enquête révèle que 47 % des avocats interrogés estiment pouvoir remplacer


les « paralegal », qui constituent le personnel administratif qui travaille sous la responsabilité
d’un juriste ou d’un avocat, par des outils d’intelligence artificielle d’ici 10 à 15 ans. Un
chiffre en augmentation de 12 % depuis la première étude réalisée en 2011.108 De plus, 35%
d’entre eux estiment pouvoir remplacer les collaborateurs de première année par cette
machine.

Denis CRITON, avocat associé chez Latham & Watkins France, cabinet qui teste les
compétences de Ross, affirme que « Ce sont principalement les jeunes collaborateurs et les
stagiaires qui effectuent les tâches répétitives et ingrates. Si Ross le fait à leur place, ils
pourront se consacrer exclusivement aux heures de travail à grande valeur ajoutée, les
heures qui comptent dans leur carrière ».109

La recherche juridique est toutefois une étape nécessaire pour la formation des avocats.110

Si la recherche est effectuée une machine, certains cabinets avocats ne verront alors pas la
nécessité de recruter des stagiaires.

107
https://business.lesechos.fr/directions-juridiques/avocats-et-conseils/actualite-des-cabinets/les-avocats-face-a-
une-nouvelle-concurrence-203242.php, Les avocats face à une nouvelle concurrence, consulté le 02/05/2017
108
http://www.altmanweil.com/LFiT2016/, consulté le 02/05/2017
109
http://www.lemonde.fr/o21/article/2016/11/29/les-robots-ebranlent-le-monde-des-
avocats_5039852_5014018.html, Les robots ébranlent le monde des avocats, consulté le 02/05/2017
110
Interview de Kami HAERI, réalisée par Harry SEROR le 24 février 2017

53
Les concepteurs de ces outils technologiques répondent à ces inquiétudes en affirmant que
l’objet de ces machines n’est pas de remplacer les humains et de prendre la place des avocats,
mais au contraire de les assister dans leurs différentes tâches.

Il faudrait alors également revoir la formation des étudiants en Master et des élèves-avocats
pour qu’ils puissent appréhender ces machines et savoir interpréter les résultats qui pourraient
en résulter.

La documentation, le « paralegal » et les jeunes collaborateurs sont donc les secteurs les plus
facilement industrialisables qui risquent donc d’être impactés les premiers par cette révolution
technologique.

Il est encore difficile à ce stade d’apprécier l’impact de l’introduction de l’intelligence


artificielle sur le mode de travail des juristes et des avocats.
L’intelligence artificielle permet certes de déterminer la pertinence d’un texte au regard d’une
situation donnée. Toutefois, elle ne permet de procéder à un véritable traitement cognitif de
l’information juridique. Une automatisation complète des réflexions juridiques que suscite un
cas n’est pas non plus à l’ordre du jour, du moins pour le moment.

Paragraphe 2. Les robots-avocats, les partenaires de l’avocats 3.0

Les robots-avocats constituent les futurs partenaires des avocats en ce qu’ils pourront les aider
dans leurs prises de décision (A) et pour la réalisation de certaines prestations (B).

A. Les robots-avocats, une simple machine d’aide à la prise de décision

En Europe, les robots ne menacent pas, du moins dans l’immédiat, l’avenir des avocats.
Comme le précise Thomas SAINT-AUBIN, « Les robots-avocats actuels sont des
intelligences formées à la Common law qui est plus facile à assimiler pour une intelligence
artificielle. En Europe, nous sommes au stade de l’éducation des machines ».111

111
Thomas Saint-Aubin in «Les robots sont-ils nos ennemis ?», par Delphine Iweins, Gaz. Pal., juin 2016, n°
24, p. 10.

54
De plus, une des limites principales au développement des robots est, pour le moment, son
absence de raisonnement parfaitement cognitif, qui constitue la véritable valeur ajoutée des
juristes et des avocats. Par exemple, Ross est pour le moment cantonné à des taches de
recherches juridiques, confiées traditionnellement aux jeunes diplômés, et nécessaires au bon
traitement des dossiers par les avocats.

Contrairement à un avocat, ce robot n’est pour le moment pas en mesure de répondre de façon
autonome à des questions précises, ouvertes.

Ainsi, le robot n’a pas vocation à remplacer l’avocat, mais plutôt à le soutenir dans ses tâches
quotidiennes. Frédéric Sicard, le bâtonnier de Paris, dit se réjouir de cette innovation. Selon
lui, les avocats vont pouvoir se recentrer sur la partie « noble » de leur métier : la stratégie et
le conseil. « Si vous êtes un pisse-copie de contrats, vous avez perdu la grande course
technologique : les robots le feront mieux que vous et plus vite. Les confrères américains sont
angoissés avec l’arrivée de Ross. Mais je crois que, in fine, c’est une chance pour nous »,
estime-t-il.112

De plus, le droit ne relève pas que d’un simple systématisme. La mission de l’avocat est avant
tout de conseiller son client, de le représenter, et de l’accompagner.

Fréderic Sicard affirme notamment : « Vous pouvez avoir tous les outils technologiques les
plus perfectionnés, l’art de la justice n’est pas mathématique. Le sens de l’autre, l’écoute, la
psychologie, l’étude de l’âme sont les ressorts du travail profondément humain de l’avocat.
Ross le robot ne pourra jamais plaider au pénal. »113

Par définition, les termes de robots et d’avocats sont antinomiques. Le serment de la


profession dispose, en son article 1er relatif aux principes essentiels de la profession d’avocat,
que l’avocat exerce ses fonctions avec conscience.114

112
http://www.lemonde.fr/o21/article/2016/11/29/les-robots-ebranlent-le-monde-des-
avocats_5039852_5014018.html, Les robots ébranlent le monde des avocats, consulté le 05/05/2017
113
https://fr.linkedin.com/pulse/lalgorithme-est-il-d%C3%A9mocratique-vincent-edin, L'algorithme est-il
démocratique ?, consulté le 05/05/2017
114
Réglement Intérieur National de la profession d'avocat - RIN

55
Or la conscience est justement ce qui distingue l’Homme de la machine. Malgré les progrès
technologiques et le Machine Learning, aucun robot ne pourra développer une conscience.

Si le robot est amené à intégrer progressivement les cabinets d’avocats, il sera uniquement
considéré comme un outil par ses propriétaires, qui ne pourront se reposer aveuglement sur
ses prédictions ou sur ses recherches. La marge d’erreur sera alors proportionnelle à la qualité
dudit robot.

Même si cette automatisation tend à faire disparaître certaines professions « subalternes » du


droit ou « paralegal » d’ici 15 à 20 ans, le droit est avant tout une science humaine que le
robot ne pourra jamais totalement apprivoiser.

B. Les robots-avocats, un renouvellement progressif de certaines prestations

Si les robots n’ont pas vocation à se substituer aux avocats, ils vont toutefois permettre de
proposer de nouveaux services. L’utilité et la pertinence des juristes ne sont pas remises en
question, mais le contenu de leurs services est amené à évoluer.

D’ailleurs, certaines tâches réalisées aujourd’hui par des professionnels du droit sont
devenues complètement obsolètes par l’apparition de logiciels dotés d’intelligence artificielle.

La recherche juridique, activité particulièrement chronophage est considérée comme étant


trop coûteuse par les clients.

En France, plusieurs Legaltech se sont emparés du marché de la recherche juridique en


utilisant de l’intelligence artificielle comme « Doctrine.fr » ou « Supra Legem ».

Ces Legaltech proposent diverses offres, en proposant une présentation des résultats organisés
selon un argumentaire ou sous forme analytique avec par exemple des statistiques selon les
années ou les juridictions.

56
Ces services permettent de faciliter la recherche des avocats et des juristes. Ainsi, les
recherches, aujourd’hui confiées aux stagiaires et aux jeunes collaborateurs et juristes
prendront moins de temps, notamment lorsqu’elles seront effectuées en langage naturel.

Mais plus globalement, ces offres s’adressent aussi aux entreprises qui pourront effectuer des
recherches en contractant avec une de ces Legaltech, en internalisant cette fonction et en la
confiant au service juridique par exemple, sans passer par les services d’un avocat.

Les avocats ne pourront plus facturer des prestations de « Newsletter » ou d’actualité


juridique comme avant. Le service va nécessairement évoluer sans pour autant disparaitre.
Les avocats pourraient alors personnaliser d’avantage leur offre d’actualité jurisprudentielles
en utilisant ces outils en fonction des besoins et de l’activité de l’entreprise cliente.

Une des autres activités principales des juristes est la lecture ou relecture de contrats.
L’aide à la revue de contrats proposée par les Legaltech précédemment citées comprend
plusieurs aspects.

Certaines Legaltech étrangères proposent notamment de trouver et de corriger les erreurs dans
la rédaction de contrats comme Legal Robot115 ou Paper software116.
D’autres Legaltech, comme Thought River117, proposent même d’effectuer une analyse du
risque avant toute signature du contrat en analysant les différentes clauses.

L’avantage de ces différents services est d’abord un gain de temps. De plus, ces outils
permettent de trier et d’analyser l’information juridique.

Si ces derniers services ne sont pas encore commercialisés en France, tout laisse à penser qu’il
ne s’agit que d’une question de temps.
Ces services n’ont pas vocation à remplacer le juriste ou l’avocat mais vont leur permettre
d’une part de rentabiliser d’avantage leur temps et d’autre part de se concentrer d’avantage
sur des activités à plus haute valeur ajoutée.

115
https://www.legalrobot.com/, consulté le 05/05/2017
116
https://papersoftware.com/turner.html, consulté le 05/05/2017
117
https://thoughtriver.com/, consulté le 05/05/2017

57
Partie II. L’impact des Legaltech, les avocats à l’épreuve de l’innovation et du respect de
la déontologie

L’apparition des Legaltech oblige les cabinets d’avocats à innover tout en respectant les
principes déontologiques (Chapitre 1).

A cet égard, des Legaltech, conscientes qu’elles ont besoin d’avoir une légitimité auprès du
grand public, ont décidé d’adhérer à une « Charte éthique » (Chapitre 2).

58
Chapitre 1. L’entrée des avocats dans l’ère du numérique, le nécessaire équilibre entre
innovation et respect de la déontologie

Les avocats, dans leur grande majorité, ont gardé une organisation de travail très
traditionnelle, avec notamment une opacité tarifaire sur leur site internet, quand ils en ont un,
et une relation client marquée par une distance de circonstance relative au statut de l’avocat
qui reste un “notable” dans l’esprit du public.

Si certains avocats innovent en modernisant l’exercice de la profession, beaucoup d’autres ne


le font pas. Selon Richard SUSSKIND118, avocat anglais et auteur de plusieurs ouvrages sur
l’avenir de la profession d’avocat, il existe trois explications : la résistance naturelle au
changement (particulièrement marquée au sein de la profession d’avocat), l’absence de
volonté de se remettre en cause pour les cabinets qui se portent bien et l’absence de temps et
d’organisation pour une profession qui privilégie ses clients avant de se préoccuper de son
organisation interne.

Mais cet exercice immuable est aujourd’hui fortement chamboulé par différents facteurs, et
notamment par l’arrivée sur le marché des Legaltech innovantes qui ont su anticiper les
besoins en droit par des avancées technologiques qui automatisent les activités autrefois
rentables et la pression des justiciables qui demandent des services juridiques à moindre cout.

Ainsi, l’arrivée des Legaltech a incité les cabinets d’avocats à moderniser leur business model
(Section 1), et à ouvrir leur champ d’activité à de nouveaux marchés et nouvelles zones du
droit (Section 2)

Section 1. Une nécessaire réorganisation et modernisation des cabinets d’avocats

Face à l’arrivée des Legaltech, la profession a le devoir de réagir et de s’adapter.

Les avocats doivent transformer les défis imposés par ces start-up juridiques en opportunités.
Ainsi, les avocats se doivent de repenser leurs activités au vu de réalité économique du
nouveau marché juridique et des attentes des justiciables.

118
Richard Susskind, “Tomorrow’s Lawyers, an introduction to your future”, Oxford University Press, 2014.

59
Le thème de l'innovation est omniprésent et enfin à l'ordre du jour de la profession d'avocat.
Innover, c'est « introduire quelque chose de nouveau dans l'usage, dans une pratique, dans un
domaine particulier »119.
L'innovation correspond donc à un changement. Il s'agit d'abandonner une méthode ou un
outil ancien pour un nouveau, de le renouveler. À ce premier élément s'ajoute la notion de
risque : innover, c'est modifier, mais en prenant nécessairement un risque, celui de commettre
une erreur.

Les avocats, pour pouvoir appréhender les changements que subissent leur profession, ont le
devoir d’innover.

Une des pistes pour que les avocats puissent moderniser leurs activités réside dans la
modernisation de leurs business models. Une autre réside dans la dématérialisation de leurs
cabinets (Paragraphe 1). Les cabinets ont le devoir d’avoir un site internet et de proposer des
solutions en ligne pour leurs clients (paragraphe 2).

La création en 2014 de l'incubateur du Barreau de Paris ou les nombreuses conférences sur le


thème de l'innovation chez les avocats, dont celle organisée par le CNB, démontrent
également une prise de conscience par les institutions représentatives de la profession.

Paragraphe 1. La nouvelle organisation des cabinets : vers un nouveau business model

Un « business model », également appelé modèle économique, est un document qui a pour
objet de décrire la situation d’une société sur un marché donné, en apportant des précisions
sur le positionnement de l’entreprise et ses activités.120

L’intérêt du business model est d’énoncer les principes de fonctionnement ainsi que les règles
d'organisation d'une entreprise. Outre la description de sa stratégie, le business model permet
d’établir les ressources déployées pour les atteindre.

119
Dictionnaire de l'Académie française.
120
http://www.journaldunet.com/business/pratique/dictionnaire-economique-et-financier/16514/business-model-
definition-traduction.html, consulté le 10/05/2017

60
Face à l’apparition des Legaltech, les cabinets d’avocats vont devoir faire évoluer leur
business model.
Ce changement de stratégie concerne quatre grands secteurs : la proposition de valeur (A), la
clientèle (B) et l’infrastructure du cabinet (C).121

Pour revoir leurs business model, les avocats doivent innover sur ces trois points pour pouvoir
être compétitifs. Ainsi, les avocats ont le devoir de s’adapter aux besoins des justiciables et
d’analyser le marché pour construire une offre qui puisse répondre à une demande précise.

Certains cabinets d’avocats ont déjà innové et proposent des offres adaptées au marché qu’ils
visent. Bien que chaque cabinet soit différent, que ça soit par la taille, le domaine de
spécialité, le secteur, les stratégies d’innovation de ces cabinets permettent de dégager des
pistes pour redéfinir le futur « business model type » des cabinets.

A. L’innovation sur la proposition de valeur

Un des leviers d’innovation est la proposition de valeur, c’est-à-dire ce que les avocats offrent
aux clients et qui justifie le choix par le client de cette offre.

Pour modifier la proposition de valeur, les cabinets peuvent décider de baisser leurs tarifs.
L’honoraire de l’avocat est aujourd’hui remis par les services à bas coût des start-up du droit
et le budget réduit des clients.

Selon Richard SUSSKIND, il existe cinq catégories de prestations juridiques : la prestation


personnalisée, standardisée, systématisée, conditionnée et banalisée122.

En partant de ce constat, il démontre que le travail « sur-mesure » des avocats n’est pas
toujours justifié et que le « prêt-à-porter », représenté par les offres des Legaltech, peut être
pertinent dans certains cas.

121
ERAGE. Rapport post révolution numérique, septembre 2016
122
http://www.affiches-parisiennes.com/entreprises-et-cabinets-d-avocats-le-new-deal-4371.html; Entreprises et
Cabinets d'avocats : le New Deal, consulté le 10/05/2017

61
Il préconise de diviser les prestations juridiques en taches distinctes et d’assigner chaque
tache aux types de services les moins chers, en s’assurant que cette assignation n’altère pas la
qualité de la prestation.

De plus, la facturation est traditionnellement réalisée par les cabinets d’avocats de deux
manières : le forfait et le taux horaire. Dans ces deux types de facturation, le critère de
transparence est rarement atteint.

L’opacité tarifaire des cabinets d’avocats est une des raisons de l’apparition et de la réussite
des Legaltech. Cette méthode de tarification trouve ses limites face aux attentes des
justiciables qui ont besoin d’avoir une visibilité sur leurs dépenses juridiques et aux nouvelles
habitudes de consommation du droit des clients.

De la même manière que les avocats ne pourront plus facturer certaines prestations, comme la
recherche juridique, les avocats auront la possibilité, ou l’obligation, de revoir à la baisse le
prix de certaines prestations.

En se positionnant sur Internet avec notamment une offre tarifaire transparente, voir en
proposant des services juridiques gratuits, certains cabinets d’avocats font déjà preuve
d’innovation.

Par exemple, le cabinet 11.100.34123 propose, dans le cadre du projet « Jurismatic »124, des
contrats types en libre accès en mode open source sous licence "Creative Commons BY-NC-
SA 3.0 FR" et gratuitement. Le cabinet concentre son activité « rémunérée » sur les conseils à
plus forte valeur ajoutée. Ce projet a été lancé conjointement avec « TheFamily », qui est un
incubateur et un investisseur dans des startups, en échange d’une participation au capital.

Les cabinets peuvent également décider de redimensionner leurs offres, en simplifiant la


compréhension de la prestation pour le client et en proposant une offre transparente tant dans
son prix que dans son contenu.

123
https://11-100-34.com/, consulté le 10/05/2017
124
http://www.jurismatic.com, consulté le 10/05/2017

62
Par exemple, « Pomelaw » est le premier cabinet d’avocats d’affaires 100% en ligne, qui
propose des services juridiques pour les entrepreneurs.
Le business modèle du cabinet repose sur des tarifs forfaitaires et transparents, les services
juridiques sont proposés de manière claire et visible.

Les prestations juridiques proposées sont réalisables du début à la fin sur la plateforme
internet du cabinet, avec un contact direct et à tout moment avec un avocat. Le client peut
ainsi commander en quelques clics l’opération juridique souhaitée.

Puis, un avocat en charge du dossier contacte e client dans les 48 heures et la mission est
réalisée dans un délai de « 2 à 5 jours »125. Les prestations juridiques, qui comprend le conseil
juridique d’un avocat, sont inclues dans le forfait. Le prix est connu à l’avance, ce qui rassure
l’entrepreneur et permet une certaine visibilité sur les dépenses juridiques.

Le client dispose d’un espace client à partir duquel il peut accéder à tout moment à ses
documents et informations juridiques mis à jour par son avocat.

Le cabinet peut également décider de modifier le modèle de revenu, en proposant notamment


des prestations sous forme de forfait mensuel, lequel comprend un nombre prédéfini d’actes et
de consultations, à l’image du modèle proposé par le cabinet Alto Avocats.126

B. L’innovation sur l’identification d’une nouvelle clientèle

Le business model concerne également la clientèle. Les cabinets d’avocats doivent cibler les
personnes qui sont concernées par leurs offres. En identifiant de nouveaux clients, les avocats
peuvent décider d’avoir une attitude « active » et ainsi viser des justiciables qui n’iraient pas
spontanément recourir les services d’un avocat.

125
http://www.village-justice.com/articles/Prix-des-Avocats-Pomelaw-cabinet-avocats-100-
ligne,24045.html#QJ6M9k6uL1Vtl5OW.99, [Prix des Avocats] Pomelaw.fr, un cabinet d’avocats 100 % en
ligne, consulté le 10/05/2017
126
https://www.altoavocats.com/, consulté le 10/05/2017

63
Par exemple, le cabinet AGN Avocats a créé la première « agence d’avocats », visible depuis
la rue et avec des tarifs affichés clairement. Cette boutique offre la possibilité d’avoir un accès
à un avocat de proximité rapidement. La boutique propose ses services sans rendez-vous.

Les fondateurs de ce cabinet sont partis du constat qu’un marché de potentiels «


consommateurs du droit » demeure hors des préoccupations d’une grande partie des avocats.
Il s’agirait principalement d’une clientèle de particuliers de classe moyenne, qui ne constitue
pas le cœur de cible des grandes structures.

Cette offre constitue une alternative pour les justiciables entre le cabinet d’avocat « traditionnel
» et les offres présentes sur internet. Le traditionnel cabinet d’avocats peut constituer une «
barrière » pour certains justiciables, pensant que les tarifs pratiqués sont trop élevés. Ce cabinet
offre ainsi une structure plus accueillante et moins intimidante.

D’autres justiciables ne souhaitent pas régler leurs litiges sur internet et souhaitent avoir un
contact « physique » avec un avocat.

C. L’innovation sur le type d’infrastructure

Un des leviers d’innovation et de modernisation du business model des avocats concerne


l’infrastructure. A l’image du cabinet AGN, présenté ci-dessus, des cabinets proposent des
solutions nouvelles pour optimiser leurs infrastructures. Un des moyens est l’introduction de
nouvelles technologies.
Par exemple, des avocats proposent leurs services via une application mobile gratuite, « Flash
avocat », spécialisée dans les contraventions.127 Il suffit de photographier son amende et sa
pièce d'identité, à partir de l'application. Un devis gratuit est alors envoyé par mail.

L’élaboration d’un nouveau business model se fait progressivement, en fonction du type de


clientèle du cabinet et de leurs attentes. Elle passe nécessairement par une phase
d’expérimentation à petite échelle ou sur un temps limité, afin de constater si la nouvelle offre
correspond au marché ou non.

127
http://flash-avocat.fr/Yohan-Dehan-avocat.php, consulté le 12/05/2017

64
Paragraphe 2. La nouvelle organisation des cabinets : vers une dématérialisation complète.

La plupart des cabinets d’avocats ont gardé une organisation de travail relativement
traditionnelle. Le numérique et la dématérialisation n’ont pas encore bouleversé leur manière
de gérer les dossiers.

Les Legaltech vont nécessairement avoir un impact sur la manière dont les avocats
appréhendent le numérique. En effet cette organisation de travail ne correspond plus à̀ la
demande de réactivité et de baisse de prix des clients. De fait, les avocats ont l’occasion, avec
l’arrivée des Legaltech, de réfléchir à la rationalisation des supports d’information, en passant
par la dématérialisation de leurs cabinets.

La dématérialisation d’un document consiste à transférer, souvent grâce à la numérisation, un


document d'un support papier à un support informatique.128 Face aux Legaltech qui proposent
un service en ligne dynamique, l’avocat accuse un certain retard.

Selon une enquête de MyCercle auprès de 1840 cabinets dans 13 barreaux129, seul un cabinet
individuel sur trois dispose d’un site internet. De plus, seul un site internet sur cent offre des
fonctionnalités dédiées aux clients et est équipé d’un espace client sécurisé.
La mise en place d’un site internet moderne et interactif avec un espace dédié aux clients est
aujourd’hui essentielle.
Cet espace peut avoir des fonctionnalités plus ou moins avancées comme une messagerie
dédiée, espace de dépôt de document, accès au suivi du dossier ou encore un accès à
l’historique de la facturation.

La dématérialisation des cabinets d’avocats s’est faite progressivement, avec notamment


l’arrivée de e-Barreau, qui est une plateforme d’échanges entre avocats et greffes des
juridictions civiles.130 Toutefois, la dématérialisation reste limitée à cette seule fonction.

128
http://ged.prestataires.com/conseils/dematerialisation-de-documents, consulté le 12/05/2017
129
https://www.mycercle.net/L-actualite-de-MyCercle/LE-DIALOGUE-NUMERIQUE-DES-CABINETS-D-
AVOCATS-AVEC-LEURS-CLIENTS-UNE-FRACTURE-NUMERIQUE, consulté le 12/05/2017
130
http://www.ebarreau.fr/index.php, consulté le 12/05/2017

65
Il serait opportun pour les cabinets d’avocats d’envisager une complète des données du
cabinet, comme les dossiers ou la documentation. De plus, le développement gestion
électronique des documents (GED) peut être une vraie stratégie pour impulser une nouvelle
dynamique à son cabinet.

Cette solution permet de repenser la notion de territorialité, car le contact physique entre
l’avocat et son client n’est plus nécessaire.

De plus, la dématérialisation peut attirer des clients, le premier contact entre un nouveau
client et son avocat passe par Internet. En effet, les clients passent de plus en plus par internet
pour identifier et trouver un cabinet d’avocats. Ainsi, pour l’avocat, Internet via les réseaux
sociaux comme LinkedIn notamment, peut être générateur de contacts voire de prise de
rendez-vous.131

Enfin, les clients peuvent disposer d’un espace dédié sur lequel ils s’informent de l’état
d’avancement de la procédure ou accèdent aux documents déposés par l’avocat.

L’intérêt pour les cabinets d’avocats est multiple : la sécurité des échanges, le respect de la
confidentialité mais surtout le gain de temps pour l’avocat qui peut se focaliser sur son
activité.
Le principal frein au développement d’une dématérialisation complète est le cout, mais cet
investissement pourrait s’avérait rentable sur le long terme ou s’il est mutualisé par les
cabinets d’avocats.

131
http://www.dayone-consulting.com/fr-actualites-paris/limpact-du-digital-sur-les-cabinets-davocats-daffaires/,
L’impact du digital sur les cabinets d’avocats d’affaires, consulté le 12/05/2017

66
Les instances représentatives des avocats face au défi de l’innovation

Si une partie de la profession d'avocat se montre très méfiante vis-à-vis des Legaltech, les
instances représentatives s’efforcent de créer activement à créer une collaboration.

Face à la digitalisation inévitable de leur profession, les instances représentatives entendent


rester les garants des bonnes pratiques en la matière.

L’Incubateur du barreau de Paris, premier incubateur dédié aux prestations de services


juridiques en Europe, a été officiellement créé le 1er janvier 2014 par le Barreau de Paris et a
pour vocation de piloter un travail de réflexion et d’action en matière d’innovation au sein de
la profession d’avocat et plus généralement dans le monde du Droit.132

A cette fin, deux structures ont été mises en place.

La première est « l’Incubateur de Projets » qui récompense lors de la remise annuelle du Prix
de l’Innovation Juridique les initiatives et les projets les plus innovants. Un premier Prix
récompense un projet porté par des avocats et un second Prix récompense un projet d’un
« acteur économique évoluant sur le marché du droit », autrement dit d’une Legaltech.

Au cours des deux premières éditions de l'Incubateur, les projets initiés par des personnes
extérieures à la profession étaient cinq fois plus nombreux que les projets portés par
des avocats en exercice. Cet écart se resserre, ce qui montre la volonté des avocats de prendre
très au sérieux le défi de l’innovation.

La procédure consiste en un dépôt des candidatures online, l'examen par un jury et la remise
de Prix de l'innovation cofinancés par des sponsors. Les lauréats sont sélectionnés par vote de
l’ensemble des avocats du barreau de Paris et se voient proposer un accompagnement par une
équipe d'avocats, entrepreneurs, économistes et professeurs de droit ainsi que des partenariats
de développement pour leurs projets.

132
http://incubateur-barreaudeparis.com/, consulté le 14/05/2017

67
Les projets récompensés devront impérativement respecter les règles régissant la profession
d’avocat et notamment les règles déontologiques.

La seconde structure mise en place est « Les Pôles d’activité » dont l’objectif est
d'accompagner la réforme des règles gouvernant la profession pour permettre aux avocats
d'être plus compétitifs en créant de nouveaux services juridiques et d’être une nouvelle force
de lobbying.

Enfin, l'incubateur s'inscrit dans une stratégie européenne et internationale de partenariat avec
des universités et grandes écoles en France, en Belgique et aux États-Unis.

L’impact Legaltech sur le marché du droit incite les instances représentatives des avocats à
innover.

Section 2. Une ouverture des avocats à des nouveaux marchés et nouvelles zones de droit

Parmi les Legaltech, des « intermédiaires juridiques » proposent une intermédiation entre le
consommateur de droit (particulier ou entreprise) et les praticiens ou entre les praticiens eux-
mêmes, par le biais notamment de plateformes de mises en relation.

L’arrivée des Legaltech est susceptible de bouleverser la manière dont sont commercialisés
les prestations juridiques.

L’analyse de la situation concurrentielle entre avocats et Legaltech est nécessaire, d’autant


plus que la profession d’avocat est régi par une réglementation stricte, notamment en ce qui
concerne la publicité et le démarchage, même si cette dernière a fait l’objet d’une récente
évolution législative qui a modifié le rapport clientèle traditionnel. (Paragraphe 1)

Toutefois, les récentes évolutions législatives permettent aux avocats de concurrencer les
Legaltech voir de collaborer avec elles. (Paragraphe 2)

68
Paragraphe 1. Une remise en cause du rapport clientèle traditionnel

La remise en cause du rapport qu’a un avocat avec son client se traduit en pratique par les
nouvelles offres de mises en relation avec des avocats offertes par des Legaltech (A) et par les
récentes évolutions législatives qui ont modifié la règlementation de la publicité des avocats
(B).

A. Les nouvelles offres de mises en relation avec des avocats

Les Legaltech proposent des sites de courtage ou d’intermédiation qui mettent en relation
l’internaute et l’avocat en percevant éventuellement une rémunération pour négocier les
honoraires.

Les services « d’intermédiation juridique » se situent à une étape différente de la chaîne de


valeur d’une prestation juridique que les services analysés dans le chapitre 1, lesquels étant
créateur de valeur.133

Cette intermédiation, même si elle revêt une dimension technologique, n’est pas spécifique au
domaine juridique. Ces intermédiaires tentent ainsi de pénétrer le marché du droit en
proposant un service de relation-client ou de relation-inter praticiens qui était jusqu’à présent
internalisé par les cabinets d’avocats.

Diverses Legaltech proposent ces services d’intermédiation.


Par exemple, « Avostart » est une plateforme qui permet de trouver un avocat en France en
134
fonction de sa géolocalisation et son domaine de compétences. Une autre plateforme, «
Solulaw » permet de mettre en relation des particuliers avec des avocats avec un tarif
préférentiel négocié.135

133
http://www.village-justice.com/articles/Les-annuaires-intermediation-premier-outil-communication-pour-les-
avocats,23248.html, Les annuaires d’intermédiation, un premier outil de communication pour les avocats,
consulté le 15/05/2017
134
https://www.avostart.fr/, consulté le 15/05/2017
135
https://www.solulaw.com/, consulté le 15/05/2017

69
A priori, ces sites pourraient ne pas soulever de critiques directes sur le plan de la
règlementation de l’exercice du droit puisque les prestations juridiques sont fournies par des
avocats justifiant d’une inscription à un barreau.

Ainsi, les plates-formes d'intermédiation sont déclarées légales dès lors qu'elles ne
contreviennent pas à la règle interdisant le partage d'honoraires entre un avocat et un non-
avocat.136

Toutefois, cette pratique peut mettre en danger le respect du secret professionnel. Le choix de
l’avocat suppose également de la part du site qu’il obtienne des informations précises sur la
nature du litige et les honoraires que l’usager acceptera de verser à l’avocat.

L’article 6.6.4.3 du RIN137 dispose que l’avocat « (…) peut donner mandat à l’entreprise
télématique de percevoir pour son compte les honoraires qui lui reviennent. Les frais
forfaitaires dont le paiement a été convenu avec l’entreprise précitée peuvent être, à cette
occasion, déduits de ses honoraires ».

La réponse du Conseil National des Barreaux

Lors des Etats généraux de l’innovation, de la prospective et du numérique, le CNB a présenté


en juin 2016 une plateforme web de consultations juridiques ouverte gratuitement à tous les
avocats.

La plateforme de consultation juridique en ligne du CNB, « avocat.fr », propose trois types de


service pour le justiciable particulier ou entreprise : une prise de rendez-vous, une
consultation téléphonique ou par écrit et le dépôt d’un dossier pour une étude juridique
complète. 138

Pour l’avocat, la connexion se fait grâce à leur clé Réseau Privé Virtuel des Avocats (RPVA)
ou à leur login / mot de passe pour accéder au RPVA. Il convient de préciser que le RPVA est
un dispositif qui fonctionne sur la base d’une plateforme appelée « e-barreau » qui permet aux

136
RIN, article 11.4.
137
L’article 6.6.4.3 du RIN
138
http://www.avocat.fr/, consulté le 12/05/2017

70
avocats de communiquer entre eux par voie électronique d'une manière sécurisée mais
également avec les juridictions.139

Les avocats gardent la maîtrise des informations qu’ils souhaitent communiquer, comme leurs
spécialités ou sites internet. Le site propose également les différentes offres proposées par les
avocats, le type de service et la tarification associée.

Ainsi, contrairement à certaines start-up, la plateforme CNB offre toutes les garanties d’un
point de vue déontologique (confidentialité, conflit d’intérêt, partage d’honoraires).

Pour les justiciables, la plateforme permet de mettre en relation avec un avocat compétent,
géographiquement proche et dans le domaine recherché.

Cette plateforme montre bien la réaction des instances représentatives face à l’arrivée des
Legaltech dans le domaine de l’intermédiation juridique. Cette stratégique conquérante des
instances représentatives des avocats est d’autant plus louable qu’elle est la démonstration que
la profession peut innover et par la même occasion inciter les avocats à construire une offre en
ligne.
Cette plate-forme est une réelle opportunité saisie par la profession pour optimiser la gestion
de son cabinet et le développement de sa clientèle.

B. La réforme de la publicité des avocats, vers une concurrence saine avec les Legaltech?

L’autorisation de la publicité des avocats date de 1971140, mais avec une interdiction générale
du démarchage.141 En effet le RIN définit la publicité à l’article 10.1 comme « toute forme de
communication destinée à promouvoir ses services. »142

L’article 161 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 était ainsi rédigé : « La publicité est
permise à l’avocat dans la mesure où elle procure au public une nécessaire information. Les

139
http://www.dictionnaire-juridique.com/definition/reseau-prive-virtuel-avocat-rpva.php, consulté le
12/05/2017
140
Décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat
141
Décret n° 72-785 du 25 août 1972 relatif au démarchage et à la publicité en matière de consultation, de
rédaction d’actes juridiques.
142
Article 10.1 du RIN

71
moyens auxquels il est recouru à cet effet sont mis en œuvre avec discrétion, de façon à ne
pas porter atteinte à la dignité de la profession, et communiqués au conseil de l’ordre. Tout
acte de démarchage ou de sollicitation est interdit à l’avocat ».

Cette lourde contrainte à conduit les avocats à limiter leur publicité à un papier à entête et une
plaque professionnelle durant plusieurs décennies.

Suite à un arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 5 avril 2011 qui a affirmé
qu’une règlementation nationale ne pouvait pas interdire totalement toute forme de
démarchage143, la publicité et le démarchage des avocats ont fait l’objet d’une évolution
législative.

La loi n°2014-344 du 17 mars 2014 a en effet autorisé les avocats à recourir à la publicité et à
la sollicitation personnalisée.144 Le décret n°2014-1251 du 28 octobre 2014 a fixé les modes
et conditions de communication des avocats.145A cet égard, la publicité et la sollicitation
personnalisée sont permises à l'avocat si elles procurent une information sincère sur la nature
des prestations de services proposées et si leur mise en œuvre respecte les principes essentiels
de la profession.

Une autre évolution majeure est intervenue avec une décision du Conseil d’Etat du 9
novembre 2015146 qui a annulé l’interdiction faite aux avocats de diffuser de la publicité par
voie de tracts, affiches, films, radio ou télévision. La Haute juridiction a estimé que cette
interdiction était non justifiée au regard du droit communautaire.

Aux termes de l’article 10.1 du RIN, la sollicitation personnalisée est un mode de publicité
personnelle qui « s’entend de toute forme de communication directe ou indirecte, dépassant la
simple information, destinée à promouvoir les services d’un avocat à l’intention personne
physique ou morale déterminée ».

143
CJUE, 5 avril 2011, n° C-119/09
144
http://cnb.avocat.fr/La-loi-n-2014-344-du-17-mars-2014-relative-a-la-consommation-autorise-l-avocat-a-
recourir-a-la-publicite-et-a-la_a1942.html, La loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation
autorise l’avocat à recourir à la publicité et à la sollicitation personnalisée et alourdit les sanctions pénales
encourues par les illégaux du droit, Consulté le 15/05/2017
145
Décret n° 2014-1251 du 28 octobre 2014 relatif aux modes de communication des avocats
146
Décision n°89296 du 9 novembre 2015 du Conseil d'Etat statuant au contentieux

72
La sollicitation personnalisée doit prendre la forme d’un message exclusif de toute démarche
physique ou téléphonique.

Ainsi, doivent être exclus les messages textuels envoyés par un terminal de téléphonie mobile
(ou SMS). Il est également interdit à l’avocat d’utiliser les services d’un tiers dans le but de
contourner cette interdiction.
Le contrôle est exercé par le conseil de l’Ordre147 et l’Autorité de régulation professionnelle de
la publicité (ARPP), qui rend des recommandations applicables à l’ensemble des publicités,
tous secteurs confondus.

Cette évolution législative est une réelle avancée pour la communication des avocats. Ces
derniers ont désormais diverses possibilités pour s’adresser aux justiciables, que ca soit par les
réseaux sociaux, les médias, les revues professionnelles ou par des opérations de sponsoring
sur des tenues de sportifs par exemple.

Il faut noter que la première publicité d’un cabinet d’avocats à la télévision, en l’occurrence le
cabinet COLL, a été diffusé le 6 avril 2016 sur la chaine BFM Business.148

Les avocats disposent désormais d’un large choix de moyens de communications pour se faire
connaitre. Toutefois les restrictions imposées par le RIN et le conseil de l’Ordre risquent de
créer un avantage au profit des Legaltech, qui ne sont pas réglementées.

Parmi ces restrictions, le RIN limite le libre choix du nom de domaine du site internet, qui
selon l’article 10.5 du RIN « doit comporter le nom de l’avocat ou la dénomination du
cabinet en totalité ou en abrégé, qui peut être suivi ou précédé du mot « avocat » ».

Les noms de domaines des avocats sont donc moins explicites que ceux des Legaltech comme
« Captain Contrat » ou « Litiges.fr ». Malgré ces restrictions, les avocats ont le devoir de
s’adapter en élaborant une nouvelle stratégie de communication.

147
Article 10.3 du RIN
148
http://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/coll-le-premier-cabinet-d-avocats-a-avoir-realise-un-spot-
publicitaire-0604-789402.html, consulté le 15/05/2017

73
La nouvelle stratégie de communication des avocats : l’étape incontournable du
référencement

Face à la concurrence des Legaltech, les cabinets d’avocats doivent élaborer et mettre en
œuvre une stratégie de communication.

En s’appuyant sur un nouveau business model, le cabinet peut élaborer une stratégie de
communication vers une clientèle ciblée, avec un budget établi et sur des supports appropriés.

En assurant une meilleure promotion de leurs services, basés sur leurs connaissances
spécifiques et techniques, et en formulant des offres plus lisibles, de très nombreux cabinets
pourraient capter une clientèle qui, actuellement, leur échappe.

Si la réputation des avocats se fait toujours grâce aux outils de communication traditionnels
comme la carte de visite ou la notoriété, avec la concurrence des Legaltech, les avocats ont le
devoir de créer une identité numérique.

Les avocats ont non seulement le devoir de créer un site internet, mais également de le rendre
visible par le biais du référencement.

Le travail sur le référencement naturel consistant à mettre en ligne des contenus utiles qui
apportent des débuts de réponse concrets aux questions des clients potentiels est une manière
à la fois efficace et gratuite d'aller à la rencontre de son marché.

Une autre solution passe par des agences de communications spécifique à la profession
d’avocats, comme l’agence AZKO.149 Cette étape du développement des cabinets sur internet
et sur les réseaux sociaux est devenue incontournable. Cette communication passe par l’achat
de mots clés et un bon référencement sur les moteurs de recherche, par une stratégie ciblée en
fonction de sa clientèle.

149
https://www.azko.fr/accueil.htm, consulté le 20/05/2017

74
La notation des avocats en ligne : un danger pour la profession ?

Jusqu’à présent, l’avocat était privé d’une forme de publicité efficace et qui influence
fortement les consommateurs, à savoir l’avis ou la notation des services.

Cette notation est au contraire décriée par la commission Règles et Usages du Conseil
National des Barreaux qui la juge incompatible avec le statut et les obligations déontologiques
de l’avocat notamment celle régissant la publicité de l’avocat.150

Cette vision était partagée par la jurisprudence, puisqu’il a été jugé que la pratique consistant
à évaluer anonymement les prestations de l’avocat de manière chiffrée ou sous la forme
d’appréciation générale ne paraît pas acceptable d’autant plus que la prestation de l’avocat
n’est pas réductible à un service marchand.151

Dans une autre affaire, une société commerciale exploitait le site « avocat.net » (devenu
alexia.fr) qui proposait la notation d'avocats. Elle se targuait d'ailleurs d'être le « comparateur
d'avocats n° 1 en France ».152

La cour d’appel de Paris a récemment considéré comme trompeuse la pratique de la notation


des avocats lorsqu’elle se fonde sur des critères subjectifs laissés à l’appréciation du seul
usager.153

Cet arrêt a été partiellement cassé par la première chambre civile de la Cour de cassation qui
autorise la comparaison et la notation d’avocats par des sites internet au visa des articles 15 du
décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 et L. 121-1 du Code de la consommation (dans sa
rédaction issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008).

La Cour de cassation précise que les sites internet devront, lors de la notation ou de la
comparaison des avocats, délivrer au consommateur une information loyale, claire et
transparente.154

150
Avis CNB n° 015/019, « Communication des règles et usages », 18 mai 2015
151
CA Paris, 18 sept. 2013, n° 10/25413,
152
http://www.alexia.fr/, consulté le 20/05/2017
153
CA Paris, 18 déc. 2015, n° 15/03732

75
La prestation juridique de l’avocat devient un objet de consommation comme un autre. La
comparaison et notation d’avocats peut devenir un moyen de communication si les avis sont
positifs. Cette comparaison peut également devenir un nouveau service des Legaltech. A cet
égard, il est fort probable qu’une Legaltech spécialisée dans la notation des avocats apparaisse
prochainement.

Toutefois, l’apparition de site de notation n’est pas sans risques.

En premier lieu, se pose la question du type de notation des avocats, qui devront
nécessairement reposer sur des critères objectifs. Il est possible de penser que le prestige et
l’aura de l’avocat ressortent affaibli, puisque la réputation d’un avocat serait réduite à des
« likes » ou des étoiles alloués sur la plateforme par le client.

En second lieu, à l’image des sites de notation existants, il est possible que des « faux avis »
apparaissent.155 Les dénigrements, les injures, les diffamations contre les avocats pourraient
alors se multiplier. L’avocat devraient veiller à leur e-réputation.

De plus, la réponse négative des clients pourrait être motivée par un mauvais résultat causé
par un mauvais dossier et non par un mauvais avocat. Le client, étant par définition profane en
matière de procédure judiciaire, ne semble pas à même de « juger » la prestation des avocats.

Aussi, un des enjeux majeurs serait la possibilité pour l’avocat de restaurer une vérité établie
par client, qui manque nécessairement d’objectivité et de compétences juridiques pour
reconnaitre ou non la qualité du travail juridique fourni par l’avocat. La question d’un droit de
réponse de l’avocat se pose d’autant plus qu’elle semble limitée par le secret professionnel qui
interdit d’évoquer le contenu, les risques et les difficultés soulevées par un dossier.

154
https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/premiere_chambre_civile_568/561_11_36727.html ,
consulté le 20/05/2017
155
http://www.village-justice.com/articles/Notations-commentaires-sur-
avocats,20862.html#2AyMEd1WiEvtlahb.99, Notations et commentaires sur les avocats : pour ou contre ?
consulté le 21/05/2017

76
Paragraphe 2. Les nouvelles conditions de la concurrence entre avocats et Legaltech

Face notamment à la concurrence des Legaltech, la profession d’avocat a fait l’objet de


transformations majeures à travers diverses modifications législatives.

Les changements concernant tant les conditions d’exercice de la profession, les modes de
communication des avocats, la postulation, l’ouverture des bureaux secondaires, les formes
sociales d’exercice, la détention du capital social du cabinet ainsi que l’inter-professionnalité
d’exercice.

Sans rentrer dans le détail de chacune de ces réformes, il convient de s’intéresser aux
évolutions qui vont avoir un impact sur la concurrence entre les Legaltech et la profession
d’avocat (A), et d’envisager une éventuelle collaboration entre les avocats et les Legaltech
(B).

A. L’égalité des armes entre avocats et Legaltech

Cette égalité des armes a été rendue possible par l’inter-professionnalité (1) et par
l’autorisation des avocats à commercialiser, à titre accessoire, des biens ou services connexes
à l’exercice de la profession d’avocat (2).

1. L’inter-professionnalité : une possible création d’un « guichet unique » du droit

L’inter-professionnalité a été rendue possible récemment par des évolutions législatives. Elle
concerne à la fois l’inter-professionnalité capitalistique et structurelle.

La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 a procédé à l’ouverture du capital des structures d’exercice
des professions juridiques et judiciaires.156 Ainsi, la majorité du capital et des droits de vote
des sociétés d’exercice libéral (SEL) d’avocats peut être détenue par toute personne physique
ou morale qui exerce la profession d’avocat ou l’une quelconque des professions juridiques
ou judiciaires.

156
Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques

77
L’inter-professionnalité structurelle a été rendue possible par l’ordonnance n°2016-394 du 31
mars 2016 157
relative aux sociétés constituées pour l’exercice en commun de plusieurs
professions libérales à un statut législatif ou règlementaire ou dont le titre est protégé.

Cette ordonnance ouvre aux avocats la possibilité de constituer une société dont l'objet est
l'exercice en commun de deux ou plusieurs professions parmi les huit autres professions
qu'elle énumère : avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, commissaire-priseur
judiciaire, huissier de justice, notaire, administrateur judiciaire, mandataire judiciaire, conseil
en propriété industrielle et expert-comptable.158

Une telle société doit être dénommée "société pluri-professionnelle d'exercice" (SPE)159 .
Cette société pluri-professionnelle d'exercice doit comprendre, parmi ses associés, au moins
un membre de chacune des professions qu'elle exerce.

Concernant les statuts de la société, ils doivent comporter des stipulations propres à garantir,
d'une part, l'indépendance de l'exercice professionnel des associés et des salariés et, d'autre
part, le respect des dispositions réglementaires encadrant l'exercice de chacune des
professions qui constituent son objet social, notamment celles relatives à la déontologie.

Cette société informe le client qui envisage de contracter avec elle de la nature de l'ensemble
des prestations qui peuvent lui être fournies par les différentes professions qu'elle exerce et de
la possibilité dont il dispose de s'adresser à l'une ou plusieurs de ces professions pour les
prestations qu'elles offrent.160 Le client désigne explicitement les professionnels exerçant au
sein de la société auxquels il entend confier ses intérêts.

Concernant les obligations déontologiques, le professionnel exerçant au sein de la société une


des professions qui en constituent l'objet social est tenu aux obligations de loyauté, de

157
Ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016 relative aux sociétés constituées pour l'exercice en commun de
plusieurs professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé
158
http://cnb.avocat.fr/Creation-des-societes-pluri-professionnelles-d-exercice%C2%A0-une-nouvelle-
opportunite-pour-les-avocats-a-l-horizon-du-1er_a2589.html, Création des sociétés pluri-professionnelles
d’exercice : une nouvelle opportunité pour les avocats à l’horizon du 1er juillet 2017, Consulté le 22/05/2017
159
http://www.editions-legislatives.fr/content/interprofessionnalit%C3%A9-et-exercice-en-commun-des-
professions, Interprofessionnalité et exercice en commun des professions, consulté le 23/05/2017
160
Article 31-9.-I. de l’ordonnance n°2016-394 du 31 mars 2016

78
confidentialité ou de secret professionnel conformément aux dispositions encadrant l'exercice
de sa profession.

Un décret d’application doit paraitre avant le 1er juillet 2017 pour lever quelques incertitudes
pratiques d’une telle forme de société.

L’inter-professionnalité existait déjà avant cette ordonnance avec des partenariats associatifs
tels que « Eurojuris » qui rassemble avocats, huissiers et notaire.161

Toutefois, ce décret apporte un cadre juridique sécurisé pour permettre que les professionnels
s’associent et proposent des nouvelles offres pour une clientèle commune.

Cette offre constitue un guichet unique, centralisé, offrant des services juridiques très variés.
Outre les avantages liés à la mutualisation des locaux, outils, services, l’inter-professionnalité
va constituer un réel avantage concurrentiel par rapport aux Legaltech.

Pour illustrer cet avantage, il est opportun de comparer les offres d’une Legaltech et des SPE
dans le domaine des loyers impayés.

Par exemple, la Legaltech « Demander Justice » propose une procédure judiciaire pour
assigner le locataire au tarif de 399 euros (si le locataire n’a pas de garant) et de 499 euros (si
le locataire a un garant). La société propose également une procédure d’expulsion du locataire
à 989 euros (si le locataire n’a pas de garant) et de 1289 euros (si le locataire a un garant).162
Ces différentes procédures devant le Tribunal d’instance font intervenir différents acteurs, à
savoir les avocats, même si la représentation par avocats n’est pas obligatoire devant le
Tribunal d’instance, et des Huissiers de justice.

Si cette offre présente des avantages indéniables en matière de visibilité tarifaire, elle
implique toutefois l’intervention de plusieurs acteurs. Cette offre implique que la société
Demander Justice missionne des professionnels de justice, avocats et Huissiers de justice pour
accomplir la prestation.

161
https://www.eurojuris.fr/, consulté le 23/05/2017
162
https://www.demanderjustice.com/litige-location-immobilier/procedure-loyers-impayes.html, consulté le
23/05/2017

79
La société Demander Justice élabore des partenariats avec ces professionnels pour proposer
un tarif unique et prend nécessairement une commission.

Comparativement, une SPE pourra proposer une solution à travers un guichet unique, puisque
les avocats et les Huissiers de justice seront réunis dans une seule et même structure. Sans la
présence d’un tiers dans la prestation, comme la société Demander Justice, le tarif sera moins
élevé.

Ces avancées législatives rééquilibrent la concurrence entre Legaltech et avocats. Une autre
avancée offre la possibilité aux avocats d’exercer une activité commerciale accessoire.

2. La possibilité d’exercer une activité commerciale accessoire et connexe

La profession d’avocats était jusqu’à récemment interdite d’exercer toute activité


commerciale. Cette nouvelle règlementation, qui révolutionne la profession, est évidemment
de nature à avoir des conséquences sur les conditions de concurrence entre avocats et
Legaltech.

L’interdiction d’exercer toute activité commerciale privait la profession de la possibilité de


transformer leur activité et de la moderniser en cantonnant les avocats à des structures
d’exercices libérales. Toutefois cette interdiction a été levée par une récente évolution
législative.

Le décret de la loi Macron modifie l'article 111, alinéa 3, du décret du 27 novembre 1991 qui
posait le principe de l'incompatibilité de l'activité d'avocat avec une activité commerciale.163

Ce décret prévoit un élargissement des structures d’exercices permettant désormais aux


avocats d’exercer sous des formes sociales de droit commun. Il autorise également les avocats
ou sociétés d’avocats à commercialiser, directement ou par personne interposée, à titre
accessoire, des biens ou services connexes à l’exercice de la profession d’avocat à condition
que ces biens ou services soient destinés à des clients ou à d’autres membres de la profession.

163
Décret n° 2016-882, 29 juin 2016.

80
L’article 4 du décret conditionne l’exercice d’une activité commerciale à une déclaration au
conseil de l’ordre.

Cette disposition rapproche le régime des avocats sur celui des experts-comptables ont la
possibilité d'exercer des activités commerciales et d'intermédiaire à titre accessoire depuis
2010.164

Le décret propose des exemples d’activités commerciales autorisées, comme l’édition


juridique, la formation professionnelle et la mise à disposition de moyens matériels ou de
locaux au bénéfice d’autres avocats.

De plus, ce décret adapte le régime des sociétés de droit commun en leur appliquant des
dispositions réservées jusqu’à présent aux seules SEL.

Désormais, l’avocat peut exercer sous toutes les formes d’entités dotées de la personnalité
morale, y compris les sociétés commerciales, à l’exception des formes juridiques qui
confèrent à leurs associes la qualité de commerçant.

Peuvent ainsi être constituées pour l’exercice de la profession d’avocat, des sociétés
anonymes (SA), des sociétés à responsabilité limitée (SARL), des sociétés par actions
simplifiées (SAS) ou des sociétés européennes.

L’avocat peut par ailleurs librement exercer des mandats sociaux (gérant, président du conseil
d’administration, membre du directoire ou directeur général) dans une société civile, une
SARL ou une SA ayant pour objet l’exercice de la profession d’avocat, à la condition
d’informer par écrit le conseil de l’ordre.

Aussi, l’avocat peut, sans formalité, être élu membre d’un conseil d’administration ou de
surveillance d’une société exerçant la profession d’avocat.

164
Loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services

81
Avec cet assouplissement du régime des incompatibilités, l'avocat se voit offrir de nouvelles
possibilités d'exercer des activités qualifiées de commerciales et ainsi concurrencer les
Legaltech de manière plus loyale.

La réforme est récente mais de nombreux cabinets s'interrogent sur l'impact de celle-ci et la
manière dont les nouveaux textes pourraient contribuer à un élargissement de leurs activités,
notamment dans le domaine de l'innovation technologique.

Des doutes subsistent également concernant la notion « d’activité commerciale accessoire et


connexe », qui peut revêtir une conception économique (proportion du chiffre d’affaires), une
conception temporelle (répartition du temps passé entre l’activité d’avocat et l’activité
commerciale) et une conception fonctionnelle (le lien entre l’activité et la sphère juridique).

Cette réforme emporte des enjeux pour les Ordres qui devront nécessairement intégrer ces
nouvelles règles et inciter les avocats à l’entrepreneuriat. Désormais les avocats sont des
agents économiques, qui sont dans certains domaines du droit en concurrence avec les
Legaltech.

B. Vers un partenariat Legaltech-cabinet d’avocats

Il est possible d’envisager un partenariat entre les avocats et les Legaltech. Ce partenariat
pourrait permettre aux avocats d'utiliser ces prestataires pour le compte de leurs dossiers et
leurs propres clients, lorsque ces services sont susceptibles de leur faire gagner du temps et
donc de réduire le coût de leur prestation pour le client. L’avocat pourrait alors se concentrer
sur sa valeur ajoutée quand celle-ci est nécessaire.

L’utilisation de ces Legaltech s’exercerait sous la propre responsabilité professionnelle des


avocats.

82
Par exemple, le réseau d'avocats Eurojuris France a scellé un partenariat avec eJust, une plate-
forme d'arbitrage en ligne dont l'objectif affiché est de faire baisser le coût et la durée de
traitement des litiges commerciaux.165

Ce réseau, qui réunit plus de 1000 professionnels du droit dans toute la France, et la start-up à
l’origine de la première plateforme d’arbitrage 100% digitale, ont décidé de s’associer pour
développer une offre de résolution des litiges dans l’intérêt des entreprises. L’objectif est de
leur faciliter l’accès au droit et à une solution simple, et plus rapide, lorsqu’elles sont
confrontées à des litiges commerciaux.

Ce réseau France a également conclu un partenariat avec « legalstart.fr », une société


spécialisée dans les démarches en ligne en matière de droit des sociétés. Comme il a été
évoqué précédemment, les services de « legalstart.fr » consistent à vendre des actes et les
formalités y afférentes. Le client a ensuite la possibilité de se faire accompagner par
un avocat référencé par le site s'il en ressent la nécessité.
Ce partenariat permettra donc aux avocats membres d'Eurojuris France d'être référencés par
legalstart.fr, mais permettra aussi d'offrir des « offres packagées » à destination des PME.

Ces partenariats montrent les limites de l’adversité entre avocats et Legaltech. Les avocats, en
s’investissant dans la transformation inéluctable de leurs activités, deviendront des partenaires
des Legaltech.

Les règles de déontologie qui encadrent la profession d’avocats empêchent la proposition


d’un service « low cost », notamment en raison du fait d’une responsabilité civile
professionnelle qui peut être engagée pour tout acte, même effectué à titre gratuit.

La standardisation et la rationalisation des actes juridiques sont indéniablement un gain de


temps (et d’argent) pour l’avocat, qui peut profiter des avancées technologiques lui permettant
de consacrer du temps à des taches à plus forte valeur ajoutée.

165
http://www.village-justice.com/articles/Eurojuris-France-eJust-concluent-partenariat-pour-promouvoir-une-
resolution,22973.html#3SXuqU2HscyvuQlo.99, Eurojuris France et eJust concluent un partenariat pour
promouvoir une résolution des litiges commerciaux, consulté le 24/05/2017

83
Toutefois, cette tentation de la standardisation et de la rationalisation ne doit pas s’effectuer
au détriment de la qualité du service juridique dispensé par l’avocat. Ce dernier demeure en
effet tenu par son devoir de conseil et d’assistance envers son client, que les Legaltech ne
sauraient remplacer.

C’est d’ailleurs l’enjeu majeur de la profession : savoir innover en offrant un meilleur service
pour les clients tout en gardant à l’esprit le serment de l’avocat.

A ce titre, les Legaltech tentent d’obtenir une certaine légitimité auprès des instances
représentatives et des professionnels du droit, notamment par la signature d’une « charte du
marché du droit en ligne ».

84
Chapitre 2. Une nécessaire règlementation du marché du droit en ligne

Afin d’apporter une garantie éthique à leurs utilisateurs, une Charte éthique a été récemment
signée par certains acteurs du monde du droit et des Legaltech (Section 1), qui doit constituer
le point de départ d’une possible « labélisation » des Legaltech (Section 2).

Section 1. Les Legaltech à l’épreuve de la déontologie

Afin de favoriser une collaboration durable entre les Legaltech et les professions
166
réglementées, deux associations, Open Law* le droit ouvert (qui est un projet de co-
création destiné à mettre en valeur le droit ouvert, accompagner globalement l'ouverture des
données juridiques et stimuler l'innovation collaborative autour des données juridiques
ouvertes) et l’ADIJ167 (association pour le développement de l’informatique juridique) ont
lancé une réflexion sur la déontologie en 2016.

L’absence d’engagement éthique des Legaltech constitue une des principales réserves des
professions du droit face à l’arrivée de ces nouveaux acteurs.

Une charte a été récemment signé par certaines Legaltech, « la charte éthique pour un marché
du droit en ligne et ses acteurs » (Paragraphe 1), et montre déjà quelques limites. (Paragraphe
2)

Paragraphe 1. La signature de la charte éthique pour un marché du droit en ligne et ses


acteurs

La « charte éthique du marché du droit en ligne et ses acteurs » a été élaboré après plusieurs
mois de travail et de consultation publique. Une version finalisée a été remise le 23 novembre
2016 à Frédéric Sicard, bâtonnier du Barreau de Paris, lors de l’ouverture des 4ème Journées
européennes d’informatique juridique.

166
http://openlaw.fr/index.php?title=Open_Law,_le_Droit_Ouvert, consulté le 25/05/2017
167
http://www.adij.fr/ consulté le 25/05/2017

85
Celle-ci donne une définition de l’expression « Legaltech » en mentionnant qu’il s’agit de «
toute organisation qui fait usage de la technologie pour développer, proposer, fournir ou
permettre l’accès des justiciables ou des professionnels du droit à des services facilitant
l’accès au droit et à la justice ».

Elle constitue un argument marketing de poids pour les Legaltech, (A) mais n’est qu’une
reprise des dispositions légales (B).

A. Un argument marketing pour les Legaltech

Cette Charte, qui peut être signée par tout acteur répondant à la définition de Legaltech et par
les professionnels du droit qui proposent ce type de technologies, est composée d’un
préambule et de huit articles.

Elle propose un « ensemble de règles visant à donner à tous les usagers du droit des
garanties de compétence, de confidentialité et de responsabilité afin de stimuler l’innovation
de la LegalTech dans un cadre harmonieux et respectueux de la diversité des acteurs tout en
renforçant la confiance du public dans ses produits et services ».168

Cet ambitieux programme a pour objectif d’exiger de la part de ces nouveaux acteurs du droit
une certaine éthique. La charte définit les règles et principes à respecter afin d'apporter un
maximum de garanties aux consommateurs.
Les signataires de cette charte s'accordent en effet sur le fait que le droit et la justice exigent
une éthique particulière dans l'intérêt du justiciable.
Ils reconnaissent également la nécessité d'une concurrence saine pour le développement du
secteur. A cet égard, la charte symbolise l'engagement de ses signataires à contribuer tant à la
promotion des nouvelles technologies qu'à la qualité de la transition vers ces nouvelles
technologies.

Cette charte permet donc aux Legaltech de s’engager à respecter certaines valeurs essentielles
pour proposer des prestations juridiques en ligne, notamment en s'engageant en particulier sur
la qualité de service que peuvent attendre les acteurs économiques qui recourent aux services
d'une Legaltech.

168
Charte éthique du marché du droit en ligne et ses acteurs

86
Un élément essentiel est également prévu dans cette charte, à savoir le respect des périmètres
d'intervention de chaque profession.

L’article 5 de cette charte prévoit que « Les signataires s’engagent à respecter le périmètre
d’intervention des professions réglementées du droit conformément à leurs statuts
respectifs. » Comme il a pu être évoqué précédemment, notamment avec l’affaire « Demander
Justice », les professions réglementées craignent l’arrivée des Legaltech en ce qu’elles
pourraient empiéter sur leur périmètre d’intervention.

Ces Legaltech s’engagent également à respecter des obligations en matière de sécurité et de


confidentialité. L’article 6 de la charte prévoit à cet égard que « les données des clients finaux
qu’ils leur seront confiées ne sauraient être stockées, échangées ou traitées hors d’un cadre
sécuritaire adéquat. »

La responsabilité des acteurs de la Legaltech est également abordée dans cette charte.
L’article 7 de cette charte traite la question des conflits d’intérêts. Ainsi, les signataires
s’abstiennent de « travailler directement ou indirectement pour plusieurs clients finaux ayant
un litige entre eux », mais également dans toute situation « où l’acteur, du fait de sa position
ou de ses prestations antérieurement réalisées, détiendrait une information confidentielle
obtenue auprès d’un client ou utilisateur qui pourrait favoriser le traitement de la situation
d’un autre client, ou plus généralement compromettre la neutralité de ses prestations. »

Dans leurs relations avec les autres acteurs de la Legaltech ainsi qu’avec des professionnels
du droit, les signataires s’engagent à procéder, avant toute collaboration entre eux, à la
vérification préalable des éventuels risques de conflits d’intérêts.

Enfin, si les avocats disposent d’une assurance en responsabilité professionnelle, dont le


montant est de minimum 4 millions d’euros pour les avocats parisiens169, l’article 8 de cette
charte que « Les signataires s’engagent à souscrire une assurance de responsabilité civile
professionnelle adaptée à leurs activités afin de garantir et d’indemniser les dommages que

169
https://www.captaincontrat.com/articles-creation-entreprise/rcp-avocat, La responsabilité civile
professionnelle de l'avocat: 3 points essentiels à retenir, consulté le 20/05/2017

87
leurs activités seraient susceptibles de causer, tant s’agissant de prestations de service
techniques qu’en matière de conseil ».

Au-delà de l'effet d'annonce, cette charte est un véritable atout marketing pour les Legaltech.
Un de leurs principaux défauts, à savoir l’offre de prestations juridiques sans le respect de
valeurs déontologiques, est à présent gommé.

B. Une reprise d’obligations légales

D’une manière générale, l’article 4 intitulé « Respect du cadre légal et réglementaire »


dispose que « Les signataires s’engagent à respecter le droit applicable à leurs activités et en
particulier les dispositions pertinentes du droit de la consommation, du droit du commerce et
des communications électroniques, de la protection des données personnelles et de la
propriété intellectuelle. »
Ce rappel de la loi interpelle car il peut signifier qu’habituellement les acteurs de la Legaltech
ne respectent pas leurs obligations légales.

L’article 2 de la charte prévoit que les signataires de la charte s’engagent à « délivrer au client
une information loyale, claire et transparente sur la nature des prestations assurées, leurs
performances et leurs risques d’erreur, leur coût et leur conformité juridique. »
Or, ces informations ne sont que l’application de l’obligation précontractuelle d’information,
mise à la charge des professionnels prévue par le code de consommation.170

De plus l’article 4 dispose également que « Lorsque les services qu’ils proposent concernent
directement ou indirectement la gestion de procédures contentieuses ou pré-contentieuses, les
signataires s’engagent également au strict respect des dispositions procédurales applicables
à chacun des types de contentieux concernés, ainsi qu’à celui du droit au procès équitable. »
Cet article a une portée particulièrement incertaine au regard des procédures judiciaires en
cours entre l’Ordre des avocats et le CNB contre la plateforme « Demander Justice ».

170
Article L111-1 du Code de la consommation

88
L’article 6 intitulé « Sécurité et confidentialité » dispose que « Les signataires s’engagent à la
confidentialité de leurs rapports avec leur clientèle. Ils reconnaissent l’absolue nécessité de
garantir le secret professionnel dans un État de droit ».

C’est une reprise de l’article 226-13 du Code pénal qui énonce que le secret professionnel
concerne toute personne qui, dans son état ou sa profession, ou en raison d’une fonction ou
d’une mission temporaire, a recueilli des informations dont le caractère est considéré secret.

Cet article continue en disposant que « les données des clients finaux qu’ils leur seront
confiées ne sauraient être stockées, échangées ou traitées hors d’un cadre sécuritaire
adéquat. » Cette disposition reprend les principes de la loi informatique et libertés et du
Règlement européen en matière de protection des données171.

La plupart des dispositions de cette charte ressemblent d’avantage à un rappel général à la loi
plutôt qu’à un corpus de règles déontologiques applicables aux nouveaux acteurs du droit.

Paragraphe 2. Les limites inhérentes à cette charte

Deux limites peuvent d’ores et déjà être évoquées, l’absence de force contraignante qui rend
l’application de cette charte incertaine (A) et la perte de l’avantage concurrentiel concernant
la déontologie pour les avocats (B).

A. Une application incertaine de la charte

Contrairement au Règlement Intérieur National qui régit la profession d’avocat qui constitue
le socle de la déontologie commune des avocats, cette charte ne revêt aucune force obligatoire
pour ses signataires.

Cette charte constitue un engagement moral, visant à rassurer les consommateurs de droit
lorsqu’ils recourent aux services d’une Legaltech.

171
Règlement (UE) 2016/679 du Parlement Européen et du Conseil du 27 avril 2016

89
Se pose alors nécessairement la question du non-respect de la charte, puisqu’aucun article ne
prévoit une possible « exclusion » d’un acteur signataire de la charte qui ne la respecterait
pas.

De plus, des remarques peuvent être émises concernant l’application concrète de cette charte,
qui reprend les principes essentiels de la profession d’avocat.

Outre les dispositions reprenant les obligations légales, il est légitime de se demander si en
pratique une Legaltech va respecter les dispositions concernant le conflit d’intérêt. Les
signataires disposent-elles de ressources logistiques pour s’assurer qu’elles ne sont pas en
conflit d’intérêt ?

Quand bien même une Legaltech aurait connaissance d’un éventuel conflit d’intérêt, les
dispositions n’étant pas obligatoires, il est difficile de croire que cette dernière redirigerait les
justiciables vers d’autres Legaltech.

B. Un argument en moins pour les avocats

Les avocats sont tenus par des règles déontologiques qui constituent un atout indéniable
pouvant être mis en avant par la profession. En effet, les avocats sont tenus par le secret
professionnel et ont une assurance en responsabilité civile professionnelle. Ces éléments sont
autant d’avantages concurrentiels permettant de convaincre le justiciable de recourir aux
services d’un avocat plutôt qu’à ceux d’une Legaltech.

Bien que cette charte ne revêt aucune force obligatoire pour ses signataires, elle peut atténuer
l’avantage concurrentiel dont peuvent se revendiquer les avocats en raison de leur
déontologie.

En effet, les avocats se voient désormais privés d’un argument qualitatif et différenciateur. Il
sera probablement plus difficile d’expliquer aux justiciables que la déontologie est plus
protectrice qu’une charte, qui n’est qu’un engagement moral.

Toutefois, si l’argument déontologique a certainement une importance dans certains domaines


du droit ou pour une certaine catégorie de justiciables, il n’est pas certain que cet argument

90
soit convaincant pour l’ensemble des consommateurs de droit ciblés par les Legaltech, à
savoir les particuliers et les TPE/PME.

En effet, pour ces dernières catégories, peu habitués à recourir aux services d’un avocat, la
déontologie risque d’être un critère parmi d’autres, comme le prix, la simplicité du site
internet ou la rapidité de la prestation.

Section 2. Une possible labélisation des Legaltech par les instances représentatives de la
profession

Si les avocats cherchent à voir leur territoire respecté, les nouveaux entrants sont en quête de
légitimité et savent que celle-ci passe par une pacification de leurs relations avec les
représentants des professions réglementées.

Cette « Charte éthique pour un marché du droit en ligne et ses acteurs » a fait l'objet de sa
première séance de signature officielle lors du congrès Eurojuris le 20 janvier 2017, dédié à
l'avenir du droit à l'aune de l'avènement des Legaltech.

Soixante-dix-sept acteurs, dont un certain nombre de structures représentatives du marché du


droit, se sont engagés à appliquer ses principes directeurs.

Il est possible de se poser la question de la pérennité de la relation entre les avocats et les
Legaltech, cette charte est néanmoins la manifestation d'une volonté manifeste de
coopération.

Selon Alexis DEBORDE, membre d'Open Law qui a coordonné le projet affirme que cette
charte pourra être une source d'inspiration dans le cadre du débat actuel sur les projets de
172
labellisation des Legaltech par certaines instances (Paragraphe 1). Cette labélisation,
fortement symbolique, serait lourde de conséquences pour la professions (Paragraphe 2).

172
Dominic JENSEN, « Avocats et legaltech : forcément adversaires ou peut-être alliés ? », Dalloz avocats,
2017. P.158

91
Paragraphe 1. Une labélisation incertaine par les instances représentatives de la profession

Si la remise de la Charte devait constituer le point de départ d’une procédure de labélisation


(A), cette procédure n’a pas encore abouti. (B)

A. Une remise de la Charte au Bâtonnier de Paris, le début d’une procédure de


labélisation ?

La Charte a en effet été remise au Bâtonnier de Paris, Frédéric SICARD, par l’ADIJ et Open
Law en ouverture des 4èmes Journées Européennes d’Informatique Juridique, en novembre
dernier.

En vue de cette possible labellisation, le Bâtonnier de Paris a qualifié la charte de texte


"équilibré" et « d’indispensable », lors de cette remise.173

Concernant le respect de la déontologie, le Bâtonnier rappelle que la première déontologique


de la profession est l’humanité. A cet égard, les propos de Frédéric Sicard ont une résonnance
particulière puisqu’il affirme, en s’adressant aux rédacteurs de la Charte : « Or, ce que vous
avez écrit là, c'est comment conserver les règles d'humanité. Comment respecter celui qui va
interroger en lui la Legaltech. Il y aura de la technologie, il y aura des accords avec les
Legaltech mais il y aura toujours une part d'humanité. Vous avez commencé par écrire votre
part d'humanité. Je reçois cette charte pour ce qu'elle est : cet engagement éthique que vous
proposez à l'ensemble des sociétés Legaltech. » 174

Il semble compliqué pour le Bâtonnier de Paris de refuser une future labellisation au regard de
son discours. Ce projet de labellisation a été confié aux membres de l'Incubateur du Barreau
de Paris.

Un label permettrait de rassurer le client sur le sérieux et la qualité des prestations d'un
prestataire. Toutefois, la procédure de labélisation n’a pas encore abouti.

173
http://lemondedudroit.fr/unes/222975-charte-ethique-pour-un-marche-du-droit-en-ligne-et-ses-acteurs.html,
Charte éthique pour un marché du droit en ligne et ses acteurs, consulté le 25/05/2017
174
http://lemondedudroit.fr/unes/222975-charte-ethique-pour-un-marche-du-droit-en-ligne-et-ses-acteurs.html,
Charte éthique pour un marché du droit en ligne et ses acteurs, consulté le 25/05/2017

92
B. Une procédure tardive de labélisation

Le Bâtonnier de Paris avait indiqué qu'il y apporterait une réponse lors du premier trimestre
2017, en juin 2017 aucune réponse n’a été apportée.

L'Ordre des avocats du Barreau de Paris estime, de son côté, que certains avocats attendent
une forme de validation déontologique pour travailler plus amplement avec ces structures.175

Le bâtonnier Frédéric SICARD a indiqué que l'Ordre travaillait également sur des procédures
d'audit permettant de vérifier que les règles de sécurité, de confidentialité et de périmètre de
l'activité seront appliquées par ces acteurs. Ainsi, selon le bâtonnier, « les avocats et clients
sauront qu'ils pourront aller vers telle start-up qui est conforme aux règles déontologiques
»176, même si le bâtonnier a reconnu que rien ne les empêcherait de se tourner vers celles qui
ne les appliqueront pas.

Paragraphe 2. Les conséquences inhérentes à une possible labélisation

Cette possible labélisation emporte de lourdes conséquences.

Elle permettrait la validation, par les avocats, des pratiques des Legaltech ayant adhéré à cette
convention.

Elle est souhaitée par certains, comme les candidats au Bâtonnat de Paris pour la période
2018-2019, Nathalie RORET et Olivier COUSI. Leur programme prévoyait une labellisation
« permettant aux cabinets d’avocats qui le souhaitent de nouer des partenariats avec les
Legaltech, et par un accord entre l’ordre des avocats et les prestataires de services juridiques
en ligne afin de s’assurer que les Legaltech ne franchissent pas la ligne rouge du conseil
juridique. »177

175
http://www.affiches-parisiennes.com/avocats-et-legaltech-apprennent-a-travailler-ensemble-a-l-incubateur-
du-barreau-6610.html, Avocats et Legaltech ensemble au sein de l'Incubateur, consulté le 25/05/2017
176
http://www.affiches-parisiennes.com/avocats-et-legaltech-apprennent-a-travailler-ensemble-a-l-incubateur-
du-barreau-6610.html, Avocats et Legaltech ensemble au sein de l'Incubateur, consulté le 25/05/2017
177
La Gazette du Palais : Novembre 2016 - Gaz Pal p. 40

93
Ces derniers ont débattu notamment face à Elizabeth OSTER, également candidate, qui
estime qu’un label contesté juridiquement, car les avocats ne sont pas habilités à labelliser des
tiers.178

De plus, il est possible de se demander comment la société « Demander Justice » pourrait être
labélisée alors le CNB et l’Ordre des avocats sont actuellement en procédure contre cette
Legaltech et ses dirigeants ?

Outre une possible confusion dans l’esprit des justiciables, cette labélisation serait
probablement irrémédiable.

Elle apporterait un crédit certain à des sociétés qui fournissent du conseil juridique sans en
employer le terme. L’approche retenue par la Cour de cassation sur la notion de conseil
juridique en ligne étant critiquable.

Plusieurs questions restent sans réponses.


En premier lieu, comme le souligne Louis-Bernard BUCHMAN, il est possible de se
demander si les avocats sont-ils les mieux placés pour « délivrer un label de sérieux et de
qualité pour des prestations qu'ils n'assurent pas ou peu, à des prestataires dont ils ne
comprennent pas forcément le modèle économique ? »179

Aussi, il est illusoire de croire qu'il serait possible d'imposer à des non-avocats les principes
déontologiques de la profession ou les principes essentiels de celle-ci, comme condition
d’exercice.

Se pose également la question du non-respect des valeurs éthiques des Legaltech qui seraient
labélisées. Il faudrait alors nécessairement prévoir une procédure de sanction qui aboutirait
progressivement à une « dé-labélisation ».

Le sujet est important, les conséquences sont graves. Ce sont ces raisons pour lesquelles la
procédure de labélisation, avancée un temps par Frédéric SICARD, n’a pas encore aboutie.

178
La Gazette du Palais : Novembre 2016 - Gaz Pal p. 40
179
Louis-Bernard BUCHMAN, « Pourquoi il ne faut pas craindre les start-up juridiques », Dalloz avocats, n°2,
2016, p.53

94
Toutefois, le binôme gagnant des élections du Bâtonnat est Basile ADER et Marie-Aimée
PEYRON. Cette dernière, qui sera la prochaine vice-bâtonnière, estime qu’« Un label et une
charte ne suffisent pas », en précisant qu’elle souhaite que ce soit les avocats qui créent des
plateformes juridiques, aidées par l’Ordre, et non les Legaltech.180

180
La Gazette du Palais : Novembre 2016 - Gaz Pal p. 40

95
Conclusion

Un bouleversement économique s’ouvre pour la profession avec l’arrivée des Legaltech, à


travers la proposition de prestation juridique qui concurrencent directement certains services
traditionnellement proposés par les avocats.

Cette concurrence va progressivement s’accentuer et s’étendre à des prestations juridiques « à


moyenne ou forte valeur ajoutée », grâce au développement des nouvelles technologies.

Ces changements, s’ils constituent des opportunités pour les membres de la profession,
doivent s’inscrire dans un cadre juridique stable et loyal pour la profession.

A cet égard, Marie-Aimée PEYRON, prochaine bâtonnière du Barreau de Paris, a déclaré lors
de la campagne : « Nous voulons poursuivre et sanctionner tous les braconniers du droit.
Lorsque les Legaltech hors avocat proposent des prestations de conseil, elles doivent être
poursuivies. »181

Une régulation est nécessaire pour que les acteurs de la Legaltech respectent les principes
éthiques et les différents monopoles de la profession.

Toutefois, une coopération entre les différents acteurs est souhaitable. Si la « Charte éthique
du marché du droit en ligne et ses acteurs » constitue une première base de travail, elle
nécessite d’être revue pour imposer de réelles obligations éthiques et déontologiques aux
Legaltech. De plus, le sort des Legaltech qui n’y adhèrent pas doit être étudié.

Différents changements législatifs doivent intervenir pour moderniser la profession et amener


les avocats à concurrencer les Legaltech à armes égales.

La profession doit s’adapter à ces enjeux d’innovation. Le marché du droit en ligne, inauguré
par les Legaltech, n’est pas fermé à la profession d’avocat.

181
La Gazette du Palais : Novembre 2016 - Gaz Pal p. 40

96
Si les avocats sont confrontés à une concurrence plus importante, ils ont le devoir d’investir le
marché du droit en ligne, au risque que la profession d’avocat pâtisse d’une image d’une
profession dépassée.

Les avocats doivent donc approprier ces technologies dans leurs activités tant juridiques que
judiciaires, dans le respect et la garantie de la déontologie.

Ce marché du droit en ligne est susceptible d’amener une nouvelle clientèle vers les cabinets
d’avocats.

Les avocats et leurs instances représentatives prennent progressivement conscience de ces


enjeux d’innovation.
Le marché du droit en ligne ouvre de nouvelles perspectives pour la profession, qui devra
cependant s’adapter et changer la manière de proposer et de réaliser les services juridiques.

Il ne fait aucun doute que la profession saura affronter ce nouveau défi.

97
Bibliographie (par ordre d’apparition dans le mémoire)

• Kami HAERI, Rapport sur « L’avenir de la profession d’avocat » remis au Ministre de


la Justice, février 2017.
• CNB, Commission exercice du droit, Vade-mecum de l'exercice du droit, 2012
• Louis-Bernard BUCHMAN, « Pourquoi il ne faut pas craindre les start-
up juridiques », Dalloz avocats, n°2, 2016, p.53.
• Rafael AMARO, « L'ubérisation » des professions du droit face à l'essor de la
Legaltech », Dalloz IP/IT, 2017, p.161
• Code monétaire et financier
• Code de procédure civile
• Code civil
• « Lexique des termes juridiques », Edition Dalloz, 19ème édition, 2012, p.672.
• Sébastien DRILLON, « La révolution Blockchain : la redéfinition des tiers de
confiance », R.T.D. COM., 01/10/16, n°4, p.893
• « La régulation à l'épreuve de l'innovation : les pouvoirs publics face au
développement des monnaies virtuelles », rapp. d'information Sénat (2013-2014) n°
767, 23 juillet 2014.
• Julien MUCCHIELLI, « Demanderjustice.com : pas d'exercice illégal de la profession
d'avocat, selon la Cour de cassation », Dalloz Actualité, 23 mars 2017.
• Christophe LEFORT, Procédure civile, Dalloz, 5e édition, 2014
• Caroline FLEURIOT, « Actions de masse sur internet : les avocats veulent gagner du
terrain », Dalloz actualité, novembre 2015
• Florent GASSIES, « Lumière sur... «l'économie collaborative» un nouveau paradigme
? », Le baromaî tre , Le journal des élèves avocats, numéro 3, juin 2016
• Conseil d’État, étude annuelle 2014, Le numérique et les droits fondamentaux
• Thomas SAINT-AUBIN, «Les robots sont-ils nos ennemis ?», par Delphine IWEINS,
Gazette du Palais, juin 2016, n° 24, p. 10.
• Réglement Intérieur National de la profession d'avocat
• Richard SUSSKIND, “Tomorrow’s Lawyers, an introduction to your future”, Oxford
University Press, 2014.
• ERAGE. Rapport post révolution numérique, septembre 2016

98
• Code de la consommation
• Dominic JENSEN, « Avocats et legaltech : forcément adversaires ou peut-être alliés ?
», Dalloz avocats, 2017. P.158

99
Index

Action de groupe ...................................................................................................................... 35

Avocats….3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 21, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30,
31, 32, 33, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55,
56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 79,
80, 81, 82, 86, 87, 88, 89, 90, 92, 93, 94, 95, 96, 97, 101

Blockchain.................................... 8, 14, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 97, 99, 100, 103

Intelligence Artificielle ............................................................... 8, 40, 42,50, 51, 52, 53, 55, 96

Justice prédictive ...................................................... 3, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 96, 97

Legaltech….1, 3, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 16, 17, 20, 24, 28, 30, 31, 32, 33, 36, 37, 41,
42, 47, 55, 56, 57, 58, 60, 61, 64, 66, 67, 68, 70, 72, 73, 75, 76, 78, 79, 81, 82, 83, 84, 85,
86, 87, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 94, 95, 97, Voir

100
Glossaire

• Avocat : auxiliaire de justice dont la mission consiste à assister et à représenter en


justice une personne qui se présente à lui, à défendre ses intérêts devant les différentes
juridictions ou à la conseiller juridiquement.

• Blockchain : technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente,


sécurisée, et fonctionnant sans organe central de contrôle.

• Deep learning : système de reconnaissance vocale qui parvient à traduire les demandes
avec une grande précision.

• Financement participatif (ou crowdfunding) : possibilité offerte à des particuliers, des


associations ou des entreprises de financer leur projet en faisant appel au soutien
financier du public au travers d’une plateforme web.

• Intelligence artificielle : capacité d’une unité fonctionnelle à exécuter des fonctions


généralement associées à l’intelligence humaine, telles que le raisonnement et
l’apprentissage.

• Justice prédictive : instrument d’analyse de la jurisprudence et des écritures des


parties, instrument qui permet de prédire les décisions à venir dans des litiges
similaires à ceux analysés.

• Legaltech : structure commerciale, qui a pour objectif de rendre des services


juridiques aux justiciables ou de rendre service aux avocats, et utilisant pour ce faire
les technologies de l'information les plus avancées.

• Machine learning : consiste à l’apprentissage des algorithmes par leur utilisation.

• « Paralegal » : personnel administratif qui travaille sous la responsabilité d’un juriste


ou d’un avocat.

101
• Société pluri professionnelle d’exercice : société ayant pour objet l’exercice en
commun de plusieurs des professions d’avocat, d’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour
de cassation, de commissaire-priseur judiciaire, d’huissier de justice, de notaire,
d’administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire, de conseil en propriété
industrielle et d’expert-comptable.

• Standardisation (ou automatisation) juridique : consiste en la dématérialisation d’une


prestation juridique, qui était assuré traditionnellement par une prestation d’un avocat,
qu’il s’agisse du document, de la procédure ou de la mise en relation avec les
professionnels du droit.

102
Personne interviewée

• Kami HAERI, avocat au département contentieux du cabinet AUGUST DEBOUZY.


Interview réalisée le 24/02/2017, au cabinet AUGUST DEBOUZY.

103
Table des matières

Introduction .............................................................................................................................. 4
Partie I. L’impact des Legaltech, entre dangers et opportunités pour les avocats......... 14

Chapitre 1. Les technologies au service des avocats ................................................. 15

Section 1. Les innovations sur la création et le stockage de documents juridiques ...................... 15


Paragraphe 1. La standardisation des documents juridiques ................................................................... 15
Paragraphe 2. La Blockchain, une technologie révolutionnaire dans le monde juridique ...................... 19

Section 2. Les innovations sur les règlements des litiges en ligne ................................................ 28
Paragraphe 1. L’impact des Legaltech sur les actions en justice individuelles ...................................... 29
Paragraphe 2. L’impact des Legaltech sur les actions en justice collectives ........................................... 34

Chapitre 2. L’apparition de l’Intelligence Artificielle, une menace pour les avocats ? ... 41

Section 1. La profession d’avocat impactée par l’apparition de la justice prédictive .................. 41


Paragraphe 1. La justice prédictive, un outil au service des avocats ....................................................... 43
Paragraphe 2. La justice prédictive, une simple assistance pour les avocats .......................................... 47

Section 2. La profession d’avocat impactée par l’apparition des robots-avocats.......................... 50


Paragraphe 1. Les robots-avocats, les remplaçants progressifs des avocats ? ......................................... 50
Paragraphe 2. Les robots-avocats, les partenaires de l’avocats 3.0 ......................................................... 54

Partie II. L’impact des Legaltech, les avocats à l’épreuve de l’innovation et du respect de
la déontologie ......................................................................................................................... 58

Chapitre 1. L’entrée des avocats dans l’ère du numérique, le nécessaire équilibre entre
innovation et respect de la déontologie................................................................... 59

Section 1. Une nécessaire réorganisation et modernisation des cabinets d’avocats...................... 59


Paragraphe 1. La nouvelle organisation des cabinets : vers un nouveau business model........................ 60
Paragraphe 2. La nouvelle organisation des cabinets : vers une dématérialisation complète. ................. 65

Section 2. Une ouverture des avocats à des nouveaux marchés et nouvelles zones de droit ........ 68
Paragraphe 1. Une remise en cause du rapport clientèle traditionnel ...................................................... 69
Paragraphe 2. Les nouvelles conditions de la concurrence entre avocats et Legaltech ........................... 77

Chapitre 2. Une nécessaire règlementation du marché du droit en ligne ..................... 85

Section 1. Les Legaltech à l’épreuve de la déontologie ................................................................ 85


Paragraphe 1. La signature de la charte éthique pour un marché du droit en ligne et ses acteurs ........... 85
Paragraphe 2. Les limites inhérentes à cette charte ................................................................................. 89

Section 2. Une possible labélisation des Legaltech par les instances représentatives de la
profession...................................................................................................................................... 91
Paragraphe 1. Une labélisation incertaine par les instances représentatives de la profession ................. 92
Paragraphe 2. Les conséquences inhérentes à une possible labélisation ................................................. 93

Conclusion .............................................................................................................................. 96

104

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