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A-dministrateur gérant
M. PAJUT-, HTMANS,
9, rue d'Bgmont, à Bruxelles.
BRUXELLES
BUREAU DE LA REVUE : 9, RUE D'EGMOMT
LA HAYE PARIS
BELINFANTE FRÈRES A'. PEDONE
BERLIN, PUTTKAMMER & MÙHLBRECHT.
PAR
GEORGES CORNIL.
(!) Ces quelques pages sont extraites d'un livre, qui paraîtra prochainement chez
l'éditeur Fontemoing de Paris, sous le titre : Traité de la possession dans le droit-
romain, pour servir de base à une étude comparative des législations modernes.
(2) JHERING, Du rôle de la volonté dans la possession, trad.
par DE MEULENAERE
1891), p. 390-400
LA DISTINCTION ENTRE LA POSSESSION ET LA DÉTENTION. 6i7
que les théories. Sans doute le fétichisme général pour ce dogme de
Yanimus domini faisait maintenir intacte la distinction de principe entre
la possession et la détention. Mais nous aurons l'occasion de constater
que si d'une part on sauvait les apparences en respectant le critérium
de la distinction, d'autre part on ne se faisait pas faute de détruire la
portée de cette distinction théorique, en étendant de plus en plus la
protection possessoire aux cas de détention. Dès lors on pourrait dire
que, en fait, la possession avait crevé la vessie de Yanimus domini, dans
laquelle les théoriciens prétendaient la tenir enserrée, et qu'elle s'était
largement répandue sur le terrain réservé par ceux-ci à la détention.
Mais il y a plus : parmi les législateurs modernes, s'affirme et se
propage la tendance à s'affranchir complètement du dogme néfaste de
Yanimus domini, à rompre en visière avec la doctrine traditionnelle.
Dès lors tout rapport possessoire apparaît comme une possession propre-
ment dite, et la détention n'est plus qu'une institution exceptionnelle et
résiduaire.
Dans cette voie, la brèche a été ouverte par le code civil prussien de
1794. L'importante innovation du code prussien consiste à étendre
considérablement la notion de la possession, au point d'y comprendre,
non seulement les catégories que Savigny allait bientôt qualifier de pos-
session originaire et de possession dérivée, mais en outre la catégorie
que nous qualifions avec Jhering de détention intéressée (rapport pos-
sessoire des fermier, locataire, commodataire, etc.). Sans doute Svarez,.
l'auteur du Lindrecîit prussien, ne pouvait faire brusquement table rase
d'une théorie traditionnelle aussi solidement ancrée que celle de Yani-
mus domini; mais en réalité il lui a porté un coup mortel. Le code
prussien (J) distingue trois espèces de rapports possessoires : 1° la
possession parfaite, qui correspond à la possession originaire de Savigny
et implique par conséquent Yanimus domini (c. civ., pruss., 1, 7, § 7) :
2° la possession imparfaite, qui s'entend' de tout rapport possessoire
dans lequel le possesseur tout en reconnaissant un droit supérieur,
dispose delà chose dans son propre intérêt : ceci comprend donc tous
les cas de détention intéressée (c. civ. pruss., eodém, § 6); 3° enfin la
détention, qui correspond à notre catégorie de la détention par procu-
ration (c. civ. pruss., eodem, § 2).
(i)Le code civil prussien, Allgemeines Landrecht fur die preussischen Staaten, du
5 février 1794, consacre à la détention et la possession un titre qui ne comprend pas
moins de 250 paragraphes, le titre VII de la partie I".
648 GEORGES CORNIL.
(*) § 836. — Si l'écroulement d'un bâtiment ou d'un ouvrage uni à un fonds .ou la
chute de parties isolées de ce bâtiment ou de cet. ouvrage causent la mort d'un
homme, lèsent le corps, nuisent'à la santé d'un homme ou endommagent une chose, le
possesseur du fonds, en tant que l'écroulement ou la chute est la suite d'un vice de
construction ou d'un défaut d'entretien, est obligé de réparer le dommage causé à la
personne lésée. L'obligation de réparer le dommage n'a pas lieu lorsque, en vue
d'écarter le danger, le possesseur a pris les soins requis dans la vie ordinaire.
Le possesseur antérieur du fonds est responsable du dommage lorsque l'écroulement
ou.la chute se produit dans l'année qui suit la fin dé sa possession, à moins que, pendant
la durée de cette dernière, il n'ait pris les. soins requis dans la vie ordinaire ou qu'un,
subséquent eût pu écarter le danger au moyen des mêmes soins.
.possesseur
Est possesseur dans le sens de ces dispositions,, celui.qui possède, à titre de proprié-
.
taire. ...
(2j Quant au projet.de. code civil hongrois, il est .semblable en tous points.au code civil-
allemand : la notion de la détention y est conservée dans l'intérieur de la maison; le
652 GEORGES COKNIL.
.
paragraphe 510 du projet de code civil hongrois est la reproduction presque textuelle
du paragraphe 855 du code civil allemand.
(*) Sur l'innovation du code allemand, voir notamment VVINDSCHEID, Lehrbuch des
;
Pandektenrechts, 8e édition, t. I (1900), p. 691 et suiv.; BEKKER, dans les Jahr-
bucher fur die Dogmatih, t. XXX (1891), p. 236 et suiv., 311 et suiv. Le pro-
—
jet de code civil hongrois (§§ 505, 508; et le projet de code civil suisse (art. 961V à
s'en tenir à la lettre de leur teste, semblent également faire abstraction de tout élément
intentionnel ou volontaire dans la possession. Mais il faut ajouter pounant
que, suivant
l'exposé des motifs de l'avant-projet suisse, si Yanimus domini est écarté, la volonté
«
d'exercer un pouvoir effectif sur la chose,
- reste toujours requise. Voir l'Exposé
des motifs, rédigé par le professeur Dr EUGÈNE HUBER, t. III (1902,
p. 290 et 299.