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JSAI 39 (2012)

ABRAHA ET LA RECONQUÊTE DE L'ARABIE


DÉSERTE: UN RÉEXAMEN DE L'INSCRIPTION
RYCKMANS 506 = MURAYGHAN 1*

Christian Julien Robin


CNRS, Paris, Membre de l'Institut

Contents
I Les sources relatives à Abraha et ce qu'elles rapportent
sur ce souverain 4

II Un réexamen de l'inscription J,iimyarite Ry 506 =


Murayghan 1 (Fig. 9-19) 11
A Le texte . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
B Commentaire philologique . . . . . . . . 14
C Essai d'identification des ethnonymes et
toponymes . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

III Une nouvelle identification des bny-'mrm 31


A L'hypothèse de Jacques Ryckmans: les bny-'mrm sont les
banü '.À.mir b. $a':;;a'a . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
B Une nouvelle interprétation: les bny-'mrm sont les descen-
dants de J:Iujr A.kil al-Murar b. 'Amr . . . . . . . . . . . . 34
C Si les bny-'mr171 sont les descendants de J:Iujr .À.kil al-Muriir
b. 'Amr, l'hypothèse d'une bataille à J:Ialibiin perd tout
fondement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

IV Conclusion 47
V Bibliographie 52
VI Sigles d'inscriptions 66
*L'inscription a été revue par la Mission Najran (Christian Robin, Mounir Ar-
bach, Guillaume Charloux et Jérémie Schiettecatte) lors d'une visite exploratoire à
Murayghan le 25 avril 2009.

1
2 Christian Julien Robin

VII Annexe A: Les sources byzantines 67

VIII Annexe B: La chronologie du règne d'Abraha 70

IX Illustrations 77

Bien que le roi Abraha soit l'une des figures les plus marquantes de
l'Arabie l).ntique à la veille de l'Islam, qu'il soit connu par des sources
relativement nombreuses et variées et, ·plus encore, que la 'Ifadition
arabo-islamique ait fait de lui l'archétype de l'ennemi acharné du sanc-
tuaire mecquois, peu d'études lui ont été consacrées 1 . Plus étonnant
encore, les inscriptions qu' Abraha a composées ou qui le mentionnent
sont mal éditées. La plus importante, CIH 541, est un long texte gravé
sur les quatre faces d'un pilier de section rectangulaire, qui se dressait
à proximité de la Digue de Marib, au Yémen. Dans ce document, dont
la date correspond à mars 548, Abraha commémore la consolidation
de son pouvoir en relatant la réduction d'une révolte dans le Yémen
oriental et - à Marib - la consécration d'une église, la tenue d'une
conférence diplomatique et la remise en état de la Digue qui venait de
se rompre. L'inscription a été soigneusement publiée et commentée à
la fin du XIXe siècle par Eduard Glaser (Gl 618) 2 , mais sans aucune
illustration. Le Corpus Inscriptionum Semiticarum, IV. Inscriptiones
sabaeas et IJ,imyariticas continens (en abrégé' CIH) se contente de repro-
duire l'édition de Glaser traduite en latin, avec un commentaire abrégé.
Aujourd'hui, le besoin se fait sentir d'une réédition de CIH 541 qui
prenne en compte les grands progrès réalisés depuis quarante ans par
l'épigraphie et l'archéologie sudarabiques 3 . En particulier, on dispose
désormais, grâce aux archéologues allemands, de descriptions précises de
diverses parties de la Digue de Marib, qui devraient permettre de mieux
cerner la nature et l'ampleur des travaux d'Abraha4 . Faute d'une telle
réédition, il faut se contenter de trois traductions récentes, en français
et en allemand, à visées pédagogiques5 , ainsi que d'une transcription et
1 En dehors de Smith 1954, pp. 431-441, et de Gajda 2009, pp. 116-147, ce
sont des articles d'encyclopédie, notamment Beeston 1960; Dictionary of Ethiopian
biography, 1975, p. 7 ("Abraha" par A.K. Irvine et Belaynesh Michael); McAuliffe
2001; Sima 2003 a; Rubin 2009.
2 Glaser 1897 (voir notamment pp. 390 et suiv.).
3 Voir la bibliographie de ce long texte dans Müller 2010, p. 110 (et précédemment
dans Kitchen 2000, pp. 123-124, et Arbach 2002, p. 59).
4 Voir en dernier lieu Brunner 2000; Vogt 2003; Vogt et alii 2003; Vogt 2004 a;
Vogt 2004 b; Vogt 2004 c; Hitgen-Puig-Abbs 2005, pp. 49-59; Vogt 2005.
5 Gajda dans Robin-Vogt 1997, p. 219; Müller 1999; Nebes 2005 (9. Die grosse In-
schriftenstele des' Abraha, pp. 362-367). Des années 1960 aux années 1990, le projet
d'une réédition de CIH 541 a été contrarié par la disparition du pilier, heureuse-
ment retrouvé à la veille de l'exposition consacrée au Yémen antique par l'Institut
,,'
·~
~
1
Abmha et la reconquête de l'Ambie déserte 3

~\

,, d'une bibliographie mises à jour6 .


Le besoin d'une meilleure édition est également manifeste pour l'ins-
cription Ja 544-547, gravée sur un rocher aux abords de la Digue de
Marib et publiée en 1955 par son inventeur, Albert Jamme, sans la moin-
dre photographie 7 . Ce document, dont la date correspond à novembre
558 de l'ère chrétie_nne, a pour auteurs des chefs communaux qui invo-
quent "leur seigneur, le roi Abraha," dont c'est la mention la plus tardive,
et commémorent les derniers travaux connus sur la Digue. Pendant près
de 50 ans, personne n'est parvenu à retrouver cette inscription parce que
Jamme donnait des indications topographiques contradictoires: "sur une
paroi verticale orientée vers le Sud; dans la montagne, à 200 mètres envi-
ron au Nord-Ouest de la grande inscription de 'Abraha" (Jamme 1955,
p. 275). Finalement, c'est Burkhard Vogt qui a retrou".:é Ja 544-547 au
début des années 20008 . L'inscription, que j'ai pu examiner en février
2008, est gravée sur la tranche d'une croupe rocheuse en bordure d'une
ravine, à proximité de la Digue.
Quant à l'incription Ry 506 = Murayghan 1, gravée sur un rocher
dominant les puits de Murayghan dans le sud-ouest de l'Arabie séoudite,
l'absence d'une bonne publication est encore plus criante. L'édition
princeps donnée par Gonzague Ryckmans en 1953 présente de nom-
breuses imperfections: elle ne comporte que deux photographies - ce
qui s'explique par la quantité limitée de films dont l'expédition Philby-
Ryckmens-Lippens disposait - de sorte qu'il est souvent impossible de
vérifier la lecture; le déchiffrement de plusieurs termes est manifeste-
ment incorrect ou infondé; enfin, certains passages n'ont pas été lus.
Il a fallu attendre trente-cinq ans pour que de nouvelles photographies
du texte, permettant de substantielles améliorations, soient publiées par
un chercheur égyptien qui avait eu la possibilité de retourner sur le site
(Sayed 1988). Aujourd'hui, alors que l'inscription Ry 506, désormais
aisément accessible, a été vue par des milliers de visiteurs, alors qu'il
s'agit d'un texte jouissant d'une immense notoriété sur la Toile parce
qu'il est souvent considéré comme faisant allusion à la fameuse expédition
d'Abraha contre Makka, on peut s'étonner de ne pas disposer d'une
édition complète comportant un commentaire et de bonnes reproduc-
tions. C'est précisément mon intention dans cette contribution. J'en
profiterai pour proposer une nouvelle interprétation du texte: loin de
marquer la fin du pouvoir J:iimyarite sur l'Arabie déserte, Ry 506 =Mu-

du Monde arabe à Paris (Robin-Vogt 1997).


6 Müller 2010, pp. 110-117.
7 Jamme 1955, pp. 265--266, 275--279, 280-281 et pl. II (fac-similé); Müller 2010,
pp. 120-121 (voir aussi Kitchen 2000, pp. 277-278, pour la bibliographie).
8 Il a eu l'amabilité de me signaler sa découverte et de me donner de bonnes
photographies. Qu'il trouve ici l'expression de ma gratitude.
4 Christian Julien Robin

rayghan 1 célèbre sa restauration et son extension.

I Les sources relatives à Abraha et ce


qu'elles rapportent sur ce souverain
Avant d'entrer dans le vif du sujet, il n'est pas ïnutile de rappeler ce
que l'on sait d'Abraha. L'historien byzantin Procope de Césarée, qui
a composé à la manière de Thucydide un récit des guerres conduites
par l'empereur Justinien (527-565) rapporte que, peu après 531, l'armée
éthiopienne occupant le Yémen se révolte contre le roi Esimiphaios et
porte au pouvoir Abramos (Abraha). À deux reprises, le roi éthiopien
Hellêstheaios (Kalëb Ella Asba:tia) essaie de reprendre le contrôle du
Yémen, mais il échoue; finalement, Abramos accepte de payer tribut
à son successeur. Sur l'insistance de Justinien, Abramos promet à plu-
sieurs reprises d'envahir la Perse, mais n'en fait rien, n'esquissant qu'une
unique tentative, "pour faire aussitôt retraite en arrière" (Guerres, I, 20:
voir Annexè A).
La publication de L'histoire des guerres de Justinien daterait de
550--551 9 . Cependant, pour l'Arabie, Procope semble avoir introduit
des compléments à une date un peu plus tardive: il indique qu'al-
Mundhir III, le souverain n~ride d'al-I;lïra, a été une menace perma-
nente pour les Romains "pendant cinquante ans,'' et non pas "depuis
cinquante ans,'' suggérant que ce roi est mort au moment où il écrit 10 .
Or al-Mundhir III est tué en 554. On aJoutera que le chiffre de 50 ans
correspond de manière assez précise à la durée du règne, évaluée à 49
ans par Ibn al-Kalbï11 •
La deuxième source importante sur Abraha est la Tradition arabo-
islamique, appellation commode pour désigner les données de toute na-
ture que les savants musulmans ont collectées pendant les premiers siècles
de l'Islam sur les circonstances de la Révélation, sur la naissance de
la Communauté et sur le passé de l'Arabie. Deux épisodes de la vie
d'Abraha ont particulièrement retenu l'attention des traditionnistes. Le
premier est son accession au pouvoir. On rapporte qu'il aurait affronté
en combat singulier le général de l'armée abyssine occupant le Yémen et
l'aurait emporté, non sans perdre l'extrémité de son nez, d'où le surnom
d'al-Ashram, "au nez coupé." Le second épisode est la célèbre Expédition
de l'éléphant, lancée contre Makka, afin de détruire la Ka'ba et d'amener
les Arabes à se rendre en pèlerinage à la fastueuse église de $an'a', tout
9 Evans1999.
10
Guerres, I.19.40, "a man who for a space of fifty years forced the Roman state
to bend the knee."
11 Cité par al-'fabarï, History V, p. 163.
I'
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 5

juste achevée 12 . Cette expédition, dont on prétend qu'elle se termina par


un désastre, aurait un écho dans la sourate CV du Coran, "L'Éléphant,"
si l'on en croit l'interprétation la plus courante, qui n'est pas unanime-
ment acceptée 13 .
Lors de cette expédition, Abraha aurait eu pour adversaires les tribus
de Fahm, Kinana (et sa fraction Quraysh), Thaqîf et Hudhayl; on connaît
même le nom d'otages remis par Quraysh et Thaqîf14 • Mais tous les
Arabes ne se seraient pas opposés à Abraha dont l'armée aurait reçu des
renforts de tribus arabes non seulement du sud de la péninsule, ce qui
est logique, comme Khawlan, al-Ash'ar, 'Akk ou Banu '1-I:Iarith (chef,
Munabbih b. Ka'b), mais aussi de l'Arabie déserte comme Khath'am
(chef, Nufayl b. I:Iabîb), Khindif, Sa'd de Tamîm ou I:Iarb b. I:Iumays
b. Udd 15 . La Tradition indique également que des chefs arabes auraient

l été investis par Abraha: ce sont Mul;tammad b. Khuza'î '1-Sulamî -


qui était chrétien - à la tête de Muçlar (la confédération des tribus de
l'Arabie du nord-ouest) et Zuhayr b. Janab, le chef (sayyid) de Kalb, à

l
·~
'! la tête de deux tribus de l'Arabie du nord-est, Bakr et Taghlib 16 .
1
De façon assez logique, quelques pièces poétiques, attribuées à Labîd,
Qays b. al-Kliatîm, al-Mukhabbal al-Sa'dî ou Abu Qays $ayfi b. al-Aslat
évoquent Abraha, appelé aussi al-Ashram ou Abu Yaksum ("le père de

~ Yaksum," d'après le nom de son fils aîné) 17 .


Le nom "Abraha" n'est pas arabe, mais éthiopien 18 . Wahb b. Munab-
bih (mort en 110/728 ou en 114/732), un savant yéménite spécialiste en
Isrii'ïliyyiit, est le seul auteur ancien qui le sache; selon lui, "Abraha"
signifierait "Visage de couleur blanche" 19 . C'est une approximation,
12 Serjeant-Lewcock 1983; Finster-Schmidt 1994; Yule 2007, pp. 106-109.
13 Selon de Prémare 2000, par exemple, la sourate CV ferait écho à un épisode
légendaire de l'histoire des Ptolémées, tiré du troisième livre des Macchabées.
14 Kister 1965, pp. 428--431.
15 Daghfous 1995, p. 127; Kister 1965, p. 433. Le nom de I:Iarb b. I:Iumays b. Udd
est associé à une légende: les survivants du "Peuple de l'éléphant," au nombre de
soixante, auraient appartenu à cette tribu, et le nombre de leurs descendants serait
également limité à soixante (Rubin 2009, p. 30, d'après Balâdhurï 11, 4935).
16 Lecker 1989, pp. 108 et suiv.; Kister 1986, pp. 45-46, 50; Lecker 2005-XI, p. 31;
de Prémare 2000, pp. 302-310.
17 Kister 1965, pp. 431--434; Rubin 2009, p. 30. "Yaksüm" est la déformation du

saba'ique "Aksüm" ('ks 1 m): voir CIH 541/82, "son fils Aksüm dhü-Ma'ahir, le fils
du roi,'' bn-hmw 'ks 1 m fi,-M'h 83 r bn mlkn). Le fils d'Abraha porte donc un nom dont
la graphie est identique à celle de la ville d'Aksüm (capitale du royaume d'Aksüm
en Éthiopie) et on peut supposer que l'anthroponyme dérive du toponyme. Le choix
d'un tel nom est certainement un geste politique, soulignant les liens qu'Abraha veut
conserver avec son pays d'origine. D'après la Tradition, Yaksüm succède à son père
sur Je trône de l:Iimyar.
l8 Dans l'épigraphie éthiopienne ancienne, l'anthroponyme Abroha se trouve deux
fois: voir RIÉth 268 et 387 (lecture A.J. Drewes inédite).
19 Al-Tïjan, p. 136/11-12: wa-inna-mii summiya Abraha bi-'l-lisan al-Q.abashïwa-
6 Christian Julien Robin

ou plutôt une libre interprétation du verbe guèze abraha qui signifie


"(Dieu) a éclairé/rendu clair/illuminé." D'ordinaire, le nom d'"Abraha"
est interprété comme une déformation d' "Abraham." L'encyclopédiste
yéménite al-I:lasan al-Hamdanï (mort semble-t-il après 360/970-971)
l'indique explicitement dans son chapitre des Sépultures célèbres ( Qubü-
riyyat) à la fin dU'. livre, YIIl d' al-Iklïl: il suppose que le nom "Abraha"
vient du syriaque et correspond à l'arabe Ibrahïm20 . L' Arménien Abü
$alil;i, qui compose son répertoire des églises et monastères d'Égypte au
début du xme siècle, considère de même qu' Abraha équivaut à Ibrahîm21 •
En grec, Je roi Abraha est appelé "Abramos" par Procope (Guerres,
I.20.3) et "Abraam" par l'auteur du Martyrion grec (par. 38). Malgré
cette origine étrangère, l'anthroponyme "Abraha" a été adopté par les
Yéménites: aµx VIe et VIIe s., on compte une dizaine de personnages qui
se nomment ainsi 22,.
La troisième source majeure sur le règne d' Abraha est constituée par
six inscriptions, qui s'étagent entre 548 et 558. Ce sont dans l'ordre
chronologique:

- DAI GDN 2002/20 23 (Fig. 1 et 2)


Date: février 548 (d-filtn ''!J{r)fj 658 l;iim.)
Cette première inscription d'Abraha, découverte à Ma'rib, 24 com-
mémore une réfection sur la célèbre Digue. Elle est écrite sur les quatre
faces d'un pilier de section rectangulaire, identifiées par les lettres A,
B, C, et D. Sa gravure est inachevée. On peut supposer qu'Abraha l'a
remplacée par la suivante, beaucoup plus détaillée. Le roi porte le titre
suivant:

mlkJn 'b(r)h ZbJymn mlk S 1 J[bj(') w-d-Ryd"' J(w-)[Ifj(çl,)rmwt


w-1 (Y}m(n)t w-"rJ[b-j(h}mw J'wdJ["' w-j(T}h<m>t (face A/
5-11)
"Le roi Abraha Zbymn roi de Saba', de dhü-Raydan, du
I:Iaçlramawt et du Sud, et de leurs Arabes dans le Haut-Pays
et sur le Littoral."

Comme souvent dans les inscriptions royales monumentales, le texte


est orné par les monogrammes royaux et les symboles dynastiques qui
tafsfru-hu "wajh abya1J!'.
2o Iklrl VIII, p. 200.
21 Evetts-Butler, p. 300 de la traduction et p. 139 du texte arabe.
22 Caskel 1966-11, p. 135; al-Hamdanï, Mushtabih, p. 55 etc

23 Nebes 2004; Müller 2010, pp. 107-109.


24 La ville moderne s'appelle Ma'rib; quand il s'agit de la ville antique, nous or-
thographions Marib (saba'ique Mrb).
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 7

se trouvent sur la face D du pilier (Fig. 2). On reconnaît en haut, de


droite à gauche:
1. un monogramme érodé dont il subsiste les lettres r, lJ, et peut-être
s3 , à lire R[m)IJ,(s3 ); bien que ce nom ne se trouve pas dans notre texte,
sa lecture est assurée grâce au texte suivant;
2. un monogramme de lecture malaisée, dans lequel on reconnaît les
lettres r, h, peut-être b et'; il s'agit bien évidemment de 'brh, "Abraha";
3. un monogramme composé des lettres n, y, z, b et m; c'est l'énig-
matique Zbymn (qui peut être lu aussi z-Bymn) de la titulature.
En dessous, ce sont les trois symboles dynastiques J:iimyarites qui sont
représentés.

- CIH 541 (déjà mentionnée) (Fig. 3 et 4)

Date: mars 548 (d-m'n 658 J:iim.)


Ce texte fort long, réalisé avec soin, est gravé sur un pilier qui se
dressait sur la colline à l'ouest du môle septentrional de la Digue de
Marib, à côté d'un pilier semblable qui portait l'inscription CIH 540
du roi Shuril).bi'ïl Ya'fur (c. 450-468), commémorant une importante
réfection de la Digue. Il est manifeste qu' Abraha cherche à se présenter
comme l'émule et le continuateur d'un grand roi J:iimyarite, auquel il se
réfère explicitement dans DAI GDN 2002/20, 11. 14-15 ([S2 rlJ,b}'l Y'f[r))
et dans CIH 541/98 ( Y'fr). Il a besoin de cet illustre pa~ronage parce
que la légitimité de son accession au trône a été contestée aussi bien à
l'intérieur (où il a dû affronter la révolte de Kinda et d'autres groupes 25 )
qu'à l'étranger (voir Annexes A et B). Dans son texte, Abraha relate
tout d'abord sa campagne contre Kinda au I:Ia9ramawt et la soumission
des révoltés; il détaille ensuite les travaux qu'il a effectués sur la Digue;
il mentionne enfin de façon incidente que, toujours à Marib, il a con-
sacré une église et réuni (à l'automne 547) une conférence diplomatique
avec des représentants de Rome, de l'Éthiopie, de la Perse et de trois
princes arabes. Le roi porte ici la titulature la plus détaillée que nous
connaissions:

'brh 'zlJy mlkn 'g'zyn RmlJ,s3 Zbymn mlk S 1 b' w-d-RJy~


J

w-If<f,rmwt w-Ymnt 1 w-"rb-hmw 'fwd"' w-Thmt (11. 4-9)


"Abraha 'zly le roi 'g'zyn Rm!;,s3 Zbymn, roi de Saba' etc."

25 L'inscription CIH 541/ 14-18 mentionne "les princes de Saba', les SaJ:iarides
Murrat, 1 Thumamat, I:Ianashum et Marthadum, ainsi que I:Iajnïfllm dhü-Khaln et
les Yaz'anides, les princejs Ma'dîkarib fils de Sumüyafa' et Ha'an et ses frères banü
Aslam."
8 Christian Julien Robin

Comme dans DAI GDN 2002/20, le texte est orné par les mono-
grammes du roi (de droite à gauche Rml_is 3 , 'brh et Zbymn) et par les
emblèmes dynastiques 1).imyarites (voir Fig. 4).

- Ry[ckmans] 506 = Muryaghan 1 (déjà mentionnée)


Date: septembre 552 (d-' zn 662 1).im.)
Grande inscription rupestre gravée sur un rocher, aux puits de Mu-
rayghan, qui va être analysée en détail et réinterprétée dans cette contri-
bution. Le roi y commémore des opérations militaires victorieuses contre
des tribus d'Arabie centrale. Il porte le titre:

mzkn 'brh Zybmn mlk S 1 b' w-d-Ryà" w-lf~rmw(t) 1 w-Ymnt


w-<r>"rb-hmw Twd"' w-Thmt (11. 1-2), "le roi Abraha Zybmn,
roi de Saba' etc."

Noter la graphie Zybmn, alors que les deux textes précédents avaient
Zbymn. Ce n'est pas une faute puisque l'inscription Murayghan 3 fait
de même (voir ci-après).

- Sayyid PSAS 1988, p. 136 = Murayghan 2 (Fig. 5) 26


Date: comme Ry 506 = Murayghan 1.
Graffite gravé par un prince yéménite à gauche de Ry 506 = Mu-
rayghan 1:

qyzn M 2 ns 1 d-Drnl_i 3
gzy 'm m 4 r'-hw mlk 5 (") 'brh 6
M'd"'
1
"Le prince Mns (Manassé?) dhü-Dharanil). a participé à
l'expédition de son seigneur le roi Abraha contre Ma'addum ."

- Murayghan 3
Inscription inédite, non datée, probablement immédiatement postérieure
à Ry 506 = Murayghan 1. Le roi qui en est l'auteur, porte le titre:

mlkn 'brh Zybmn mlk S 1 b' w-d-Ryà" w-lf~rmt w-Ymnt 1 w-


"rb-hmw Twd"' w-Thmt (11. 1-2)

- Ja[mme] 547 + 546 + 544 + 545 (déjà mentionnée) (Fig. 6, 7 et 8)


Date: nov~mbre 558 (d-mhltn 6681).im.)
Commémoration de travaux sur la Digue de Marib par des com-
munes des Hautes-Terres, gravée sur un rocher au voisinage de la Digue.
26 Ce sigle est donné par Müller 2010, p. 119.
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 9

L'écriture de cette inscription est très surprenante, avec des lettres mal-
adroitement incisées et très irrégulières (forme, taille et disposition), mais
aussi souvent empruntées à des graphies ornementées. Le nom du roi ap-
paraît dans les invocations.
w-b-rd' mr'-hmw mlkn 'brh mlk S 1 b' w-ld-R~ w-Ifrf,rmt w-
Ymnt w-"rb-hmw Td"' 1 w-Thmt Rm/µ;3 (11. 8-10). i'
i

Le roi Abraha est donç appelé:


mlkn 'b(r}h Zbymn Tlf
'brh 'zly mlkn 'g'zyn RmJ:is 3 Zbymn TIJ
mzkn 'brh Zybmn TIJ
mlkn 'brh
mlkn 'brh Zybmn TIJ
mlkn 'brh Tlf RmJ:is 3
TI:I: titulature J:.iimyarite
- mlkn: Abraha ('brh ou 'brh 'zly) place systématiquement avant
ou après son nom l'appellatif "le roi,'' comme s'il voulait répondre à
l'accusation d'illégitimité.
- 'zly: Manfred Kropp (1991, pp. 135-137) a proposé d'analyser
Abraha comme un nom théophore; dans ce cas, 'zly pourrait être un
complément (exprimé dans CIH 541 et sous-entendu ailleurs) du verbe
guèze abroha. Kropp vocalise donc abroha '<îza!Eya qui signifierait "(Dieu)
a illuminé mon ombre." Cette interprétation, encore hypothétique, sem-
ble préférable à celle du Dictionnaire sabéen qui traduit ~zly par "vice-
roi."
- 'g'zyn: ce serait l'ethnique d'Abraha, renvoyant à la principale
composante du royaume d'Aksüm, dont le nom se retrouve dans celui de
"Pays des Ag'azï'' (région mal identifiée mentionnée dans les hagiogra-
phies des saints qui auraient évangélisé l'Éthiopie 27 vers la même époque)
et survivrait dans le nom de la langue liturgique de l'Église d'Éthiopie
(!Essiina g<î'z, "la langue guèze); ce mot a été rapproché du mystérieux
yg'dyn qu'on relève dans la titulature des souverains de D'mt, quelque
sept ou six siècles avant l'ère chrétienne (RIÉth 5 etc; Kropp 1991,
p. 137 et n. 18), et du grec Gazê, nom d'un peuple contre lequel un
roi aksümite des ne-me siècles (dont le nom est perdu), auteur du Mon-
umentum adulitanum ( RIÉth 277), lance une expédition (Sima 2003 b).
L'expression mlkn 'g'zyn pourrait signifier "le roi guèze" ou "le roi, le
Guèze."
- RmJ:is3 et Zbymn/Zybmn sont apparemment deux autres noms
d' Abraha, puisque ces deux termes se trouvent avec 'brh sous forme de
monogrammes dans DAI GDN 2002/20 et CIH 541. Le nom du négus
27 Brita 2010, pp. 33 et 150.
10 Christian Julien Robin

qui a envoyé Abraha en Arabie, Klb 'l ':;bf:i wld Tzn b's Lzn ("Kalëb
Ella Aeybal).a fils de Tzn, l'homme de Lzn,'' RIÉth 191/7-8) offre un
parallèle intéressant: il se compose du nom de baptême (Klb), du nom
de naissance (' l ':;b!;,), du patronyme ( wld Tzn) et de l'ethnique ( b' s
Lzn). Si le nom complet d'Abraha était composé des mêmes éléments,
on pourrait supposer que 'brh 'zly est le nom de baptême, Rm/:is3 le nom
de naissance, Zbymn le patronyme et 'g'zyn l'ethnique 28 •
Malgré les multiples données transmises par ces sources, le rôle d'Ab-
raha dans les événements d'Arabie est encore peu clair. De nombreuses
questions se posent. Je me limiterai ici à l'Arabie déserte. Une première
interrogation concerne la chronologie (voir l'Annexe B): à partir de
quand et pendant combien de temps Abraha est-il en mesure d'intervenir
dans l'Arabie déserte? Une seconde interrogation se rapporte à l'exten-
sion territoriale de cette intervention. Enfin, quelle est la nature de
cette intervention, simples "incursions" 29 sans lendemain comme on le
suppose d'ordinaire ou bien mise en place de divers relais administratifs,
militaires et fiscaux?
La réponse à ces questions n'est pas sans conséquences sur la contex-
tualisation de la formation de l'islam. Dans le royaume d'Abraha, qu'on
peut encore appeler l;limyar, le christianisme est la religion officielle. Or,
si Abraha étend durablement son contrôle sur Makka et Yathrib (qui
devient al-Madîna quand Mul).ammad s'y établit), faut-il s'étonner de ce
que les habitants de ces villes possèdent une certaine familiarité avec les
enseignements du christianisme?
La thèse dominante est qu'Abraha ne joue qu'un rôle marginal en
Arabie déserte et que ce rôle prend fin vers 552. Elle se fonde sur
l'interprétation de l'inscription Ry 506 = Murayghan 1, datée de 552. À
la suite de Jacques Ryckmans, A.F.L. Beeston et M.J. Kister, on com-
prend ce texte comme la commémoration de,succès militaires d'Abraha
en Arabie occidentale (contre les banil 'Amirum b. $a'eya'a) et centrale
(contre Ma'addum), mais de succès sans lendemain: d'une part, Abraha
doit accepter que Ma'addum soit gouvernée par 'Amr fils d'al-Mundhir III
(le fils de son principal ennemi); d'autre part, l'inscription Ry 506 =Mu-
rayghan 1 n'est pas gravée sur les lieux des prétendues victoires, mais
à Murayghan, à proximité du Yémen, comme si Abraha n'avait pas la
maîtrise du terrain. On en a conclu que Ry 506 = Murayghan 1 rap-
portait une ultime tentative - avortée - de l;limyar pour reprendre
le contrôle de l'Arabie déserte. Selon M.J. Kister, suivi par les sudara-
bisants,30 cette interprétation paraissait d'autant plus vraisemblable que
28 Pour un survol des hypothèses d'interprétation de la titulature d'Abraha, voir
Kropp 1991.
2 9 J'emprunte le terme à Lawrence Conrad (1987, p. 226 etc.).
30 Voir en dernier lieu Gajda 2009, pp. 142-146.
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 11

..' les opérations militaires de Ry 506 = Murayghân 1 en Arabie occidentale


pouvaient être identifiées avec la calamiteuse Campagne de !'Éléphant:
une tradition, transmise par Ibn al-Kalbï, ne date-t-elle pas précisément
cette Campagne de l'année 552?

1 II Un réexamen de l'inscription 1).imyarite


Ry 506 =
Murayghan 1 (Fig. 9-19)
L'inscription Ry 506 a été découverte et copiée par l'expédition Ryck-
mans-Philby-Lippens le 7 décembre 1951. 31 Gonzague Ryckmans l'a
publiée en 1953, dans la dixième série de ses "Inscriptions sud-arabes,"
avec deux photographies de petites dimensions qui ne permettaient pas
de vérifier la lecture de la gauche du texte. Le déchiffrement de plusieurs
passages restait problématique.
L'importance du texte a suscité immédiatement de nombreux com-
mentaires, notamment. de Jacques Ryckmans, A.F.L. Beeston, Werner
Caskel, A.G. Lundin, Sydney Smith ou M.J. Kister. Quelques améli-
orations de lecture ont été apportées par la critique interne: on a ainsi
remplacé une lettre qui ne donnait aucun sens par une autre de forme
comparable. L'interprétation s'est progressivement précisée, notamment
par de nouvelles identifications des noms propres. L'écho a été impor-
tant dans le monde arabe grâce à des traductions proposées par Il;tsân
'Abbas et Jawâd 'Alï.
Malgré l'intérêt que suscitait ce texte, il a fallu attendre 1988 pour
qu'un chercheur, !'Égyptien 'Abd al-Mun'im Sayyid, retourne voir l'ins-
cription et réexamine les lectures proposées. Il a apporté des améliora-
tions notables, mais sous une forme décousue, sans rééditer le texte et
sans donner de photographies, sinon de détail. C'est donc un texte qui
n'a pas encore été publié de façon satisfaisante, situation d'autant plus
paradoxale que de très nombreux visiteurs se rendent à Murayghân.

1
1

31 Pour une relation de cette expédition, se reporter à Lippens 1956, pp. 76-77.

j.
12 Christian Julien Robin

A Le texte
Bibliographie32 :
1953 Ryckmans Gonzague 1953, pp. 275-284 et pl. II (pho-
tographies du haut et du centre); Ryckmans Jacques 1953,
pp. 339-342;
1954 Beeston 1954; Caskel 1954, pp. 27-31; Smith 1954, pp. 434-
437;
1957 Ryckmans Jacques 1957;
1961 Lundin 1961, pp. 73-84;
1965 Kister 1965;
1967 Simon 1967;
1987 Conrad 1987;
1988 Sayed 1988;
2003 Silsjlat âthâr al-Mamlaka al-'arabiyya al-sa'üdiyya
(Wizarat al-Ma'ari~, Wikalat al-Athar wa-'l-Matal;lif),
6. Athâr mintaqat 'Asïr, 2003, pp. 102-105;
2009 Gajda 2009, pp. 137-142;
2010 Müller 2010, pp. 118-119.
Provenance: Murayghan (lat.: 19,53052 ; long.: 43,78033 ; alt.:
1222 m), à 2~0 km au nord de Najran et à 480 km au sud-est de Makka
(Carte 1).
Transcription:
1 (croix).b-!J,yl RJ:imnn w-Ms 1 J:i-hw mlkn 'brh Zybmn mlk S 1 b' w-d~
Ryd"" w-Ifç/,rmw(t)
2 w-Ymnt w-<r>"rb-hmw 'fwd"' w-Thmt s1 trw dn s 1 trn k-g(z)yw
3 M'd"' gzwtn rb'tn b-wrlJ,n d-ibtn k-qs 1 dw kl bny-'mrr'
4 w-dky mlkn 'bgbr b-'m.Kdt w-'l w-Bs 2 rm bn-If~nm b-'m
5 S 1 'd"' w-M(r)[d"'j w-(hrj,)rw qdmy gys 2 n 'ly bny-'mrm Kdt w-'l b-
wd(.. )Mr(lJ,) w-Mrd"' w-S1 'd"' b-wd(.)
. 6 b-mnhl Trbn
w-hrgw w-'s 3 rw w-gnmw d-'s 1 m w-m(r) mlkn b-Iflbn w-dnw
7 k~(m) M'd"' w-rhnw w-b'dn-hw ws3 '-hmw 'mrm bn Md~
8 w-rhn-hmw bn-hw w-s 1 t!J,lf-hw 'ly M'dm w-qftw bn Ifl=
9 {bj(") {b-J(fJ,)y(l) RJ:imnn wrlJ,-hw d-' zn d-l-tny w-s 1 j;y w-s 1 =
10 . i m'tm
Traduction:

Avec la puissance de Ra};lmanan et de son Messie, le roi Ab-


raha Zybmn, roi de Saba', de dhü-Raydan, du ij:açlramawt
2
et du Sud, et de leurs Arabes dans le Haut-Pays et sur le
3 2 Pour une liste plus complète, voir Kitchen 2000, p. 617.
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 13

Littoral, a inscrit ce texte quand il a lancé 3 contre Ma'addum


une quatrième expédition, au mois de dhü-thabatan (=avril),
alors que s'étaient révoltés tous les banü 'Amrum; 4 le roi
a envoyé Abïgabr avec Kiddat et 'Ula, et Bishrum fils de
l;Iif?num avec 5 Sa'dum et Mu[radum]; (ceux-ci) ont combattu
à la tête de l'armée contre les banü 'Amrum, Kiddat et 'Ula
dans le wadï Murakh, et Muradum et Sa'dum dans le wadï 6 à
l'aiguade de Turaban, et ils ont massacré, fait des prisonniers
et pillé abondamment; le roi s'est rendu à I;Ialiban où se sont
soumis 7 les rebelles de Ma'addum qui ont remis des otages;
à la suite de cela, s'est livré à lui (Abraha) 'Amrum fils de
Mudhdhiran (= al-Mundhir) 8 qui lui a remis en otage son fils
alors qu'il (= 'Amrum) l'avait établi comme gouverneur sur
Ma'addum; (le roi) est revenu de I;Iali9 [ba]n [avec] la puis-
sance de Ral)manan, au mois de dhü- 'allan ( = septembre)
662

Composition du texte:
- Invocation
Avec la puissance de Ral:imanan et de son Messie.
- Autorité
Le roi Abraha Zybmn, roi de Saba', de dhü-Raydan, du I;Iaçlramawt
2
et du Sud, et de leurs Arabes dans le Haut-Pays et sur le Littoral, a
inscrit ce texte,
- But et cause de la guerre
quand il a lancé 3 contre Ma'addum une quatrième expédition, au
mois de dhü-thabatan (=avril), alors que s'étaient révoltés tous les banü
'Amrum 4;
- Détail des opérations
le roi a envoyé Abïgabr avec Kiddat et 'Ula, et Bishrum fils de l;Ii!?num
avec 5 Sa'dum et Mu[radum]; (ceux-ci) ont combattu à la tête de l'armée
contre les banü 'Amrum, Kiddat et 'Ula dans le wadï Murakh, et Mu-
radum et Sa'dum dans le wadï 6 à l'aiguade de Turaban, et ils ont mas-
sacré, fait des prisonniers et pillé abondamment;
- Soumission des révoltés
le roi s'est rendu à I;Ialiban où se sont soumis 7 les rebelles de Ma'ad-
dum qui ont remis des otages ;
- Conséquences politiques
à la suite de cela, s'est livré à lui(= Abraha) 'Amrum fils de Mudh-
dhiran 8 qui lui a remis en otage son fils alors qu'il (= 'Amrum) l'avait
établi comme gouverneur sur Ma'addum;
- Retour après six mois de campagne
14 Christian Julien Robin

(le roi) est revenu de ij:ali9 [ba]n [avec] la puissance de Ral).manan, au


mois de dhü-'allan 662 (=septembre 552 de l'ère chrétienne).

B Commentaire philologique
1. 1, ("croix"): la croix en début de ligne se devine plus qu'elle
ne se voit. Elle est cependant très plausible puisque les deux autres
textes rupestres d' Abraha (Murayghan 3 et Ja 547 + 546 + 544 + 545)
sont accompagnés de croix.
l. 2, s1 trw: les verbes qui ont Abraha comme sujet sont au pluriel de
majesté (1. 2, s1 trw, fjzwy; 1: 8f qfiw). Deux font exception (1. 4, dky ;
l. 6, m(t) parce qu'ils s'accordent probablement avec le substantif mlkn,
"le roi": dans ce cas, le pluriel de majesté serait abandonné pour un
accord avec le sujet exprimé. Les pronoms suffixes renvoyant au roi sont
systématiquement au pluriel (1. 7, ws 3 '-hmw; l. 8, rhn-hmw).
Le verbe qs 1 dw (1. 3) a pour sujet kl bny-'mr'1'. Les verbes (h)<;J,rw
(1. 5), hrgw, 's 3 rw et fjnmw (1. 6) ont pour sujet les deux commandants
des auxiliaires arabes, 'bgbr et Bs2 rm bn-Ifl}nm. Enfin, les verbes dnw et
rhnw ont pour sujet k?(m) M'~.
g(z)yw: on a d'abord estimé que le sujet de ce verbe était la tribu
de Ma'addum (editio princeps, "lorsque entreprirent Ma'addum la razzia
printanière"; Jacques Ryckmans 1953, p. 340; Caskel 1954, p. 27). Mais,
dès 1954, A.F.L. Beeston donnait la préférence au roi (p. 391), suivi
en 1957 par Jacques Ryckmans (p. 94). En effet, il est invraisemblable
que le roi ait gravé l'inscription "quand Ma'addum effectua sa quatrième
razzia"; il le fait évidemment quand il revient des opérations lancées
contre Ma'addum.
L'emploi du verbe fjzw/gzy, si on se fonde sur les attestations en
saba'ique et sur l'arabe, suggère qu'il s'agit d'une expédition de pillage
ou de représailles, plutôt que d'une conquête. Walter Müller (2010,
p. 163), le traduit "einen Streifzug unternehmen."
l. 3, M'dm (également 11. 7 et 8): voir ci-après "II. C. Essai d'identi-
fication des ethnonymes et toponymes."
rb't: Gonzague Ryckmans avait traduit "razzia printanière," renvoy-
ant à CIH 562/4 (b-dbly, rb'm). En fait, en saba'ique, le printemps ne
se dit pas rb't (arabe mb'i'a), mais df. Dès 1957, Jacques Ryckmans
(p. 94) avait proposé de traduire le syntagme fjzwtn rb'tn par "la qua-
trième campagne," traduction admise unanimement depuis lors.
d-lbtn: mois du calendrier solaire J:iimyarite, correspondant approxi-
mativement à "avril"; voir Robin 1998, pp. 124-125.
kl bny-'mr'1' (également l. 5, sans kl): nous identifions ces bny-'mr'1'
avec les descendants de 'Amr, père de ij:ujr Akil al-Murar (voir ci-dessous
"III. Une nouvelle identification des bny-'mrm"). Il est inhabituel qu'un
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 15

nom de lignage soit précédé par kl. C'est sans doute pour souligner que
les divers rameaux de ces bny-'mrm, d'ordinaire divisés, sont pour une
fois unanimes. La lecture bn-Y'mrm, au lieu de bny-'mrm, paraît peu
vraisemblable parce qu'une forme verbale comme y'mr ne prend pas la
mimation.
l. 4, 'bgbr: voir ci-dessous " III. Une nouvelle identification des bny-
'm~ ."
Kdt (également l. 5): voir ci-après "IL C. Essai d'identification des
ethnonymes et toponymes."
w-'l (également l. 5): voir ci-après "Il. C. Essai d'identification des
ethnonymes et toponymes."
Bs2 ~ bn-If§nm: ce personnage est inconnu par ailleurs.
1. 5, S 1 'dm w-M(r)[~j (Fig. 12 B): la restitution, proposée par
'Abd al-Mun'im Sayyid (Sayed 1988, pp. 132 et 140), qui se fonde sur la
mention de Mr~ w-S'~ à la fin de la même ligne, et sur la répétition
parallèle de Kdt w-'l (11. 4 et 5), est assurée. Gonzague Ryckmans avait
lu 81 '~ w-m(b,ç!,)w.
S 1 'dffl (deux fois): voir ci-après "IL C. Essai d'identification des eth-
nonymes et toponymes."
M{r)[~J (deux fois): voir ci-après "Il. C. Essai d'identification des
ethnonymes et toponymes."
w-(hrf)rw (Fig. 13 B): il s'agit très vraisemblablement d'un verbe au
pluriel, construit avec la préposition 'ly. La lecture du <f,ad est vraisem-
blable sans être sûre, puisqu'il est également possible de reconnaître un
ba' ou même un mïm. Le Dictionnaire sabéen retient la lecture <f,rw qui
n'est pas satisfaisante puisqu'il subsiste les traces d'une lettre entre le w
et le <f,. La lettre qui précède le <f,ii,d n'est plus lisible. La restitution la
plus vraisemblable est {h}<f,rw. Mais, si la racine l!RR est bien attestée,
et notamment le verbe <f,rr, "guerroyer," ce n'est pas le cas du verbe à
la forme factitive h<f,r.
'Abd al-Mun'im Sayyid (Sayed 1988, pp. 132 et 134-135), déchiffre:
w-IJ,<f,rw, lecture retenue par Müller 2010, p. 118. Cette proposition
n'emporte pas l'adhésion puisque le verbe 'IJ,<f,r (que Walter Müller rend
par "teilnehmen, anwesend sein") n'est pas attesté en contexte militaire.
'Abd al-Mun'im Sayyid traduisait w-IJ,<f,rw qdmy gys 2 n 'ly bny-'mrm Kdt
w-' l par "They (i.e. the two commanders) presented themselves in front
of the main army. Against Bani 'Amir were Kinda and 'Alï," considérant
'ly bny-'mrm Kdt w-'l comme le début d'une nouvelle phrase. Cette in-
terprétation ne s'accorde pas avec les pratiques stylistiques du saba'ique,
qui réclame une conjonction de coordination devant 'ly (observation déjà
faite par A.F.L. Beeston dans une "Supplementary note" à Sayed 1988,
p. 137); elle ne peut pas être retenue.

1
16 Christian Julien Robin

qdmy gys 2 n: A.F.L. Beeston voyait dans qdmy un substantif au duel


suivi d'un complément, "these two commanders of the army" (1954,
p. 390), remarquant qu'un sujet au duel peut s'accorder avec un verbe
au pluriel.
Jacques Ryckmans a proposé de rendre qdmy gys 2 n par "avant la
campagne (contre Ma'addum à J:Ialiban),'' mais cette hypothèse se heur-
te au fait que gys 2 signifie toujours "troupe, détachement."
Il semble préférable de reconnaître une préposition gouvernant un
substantif: "en avant de l'armée" ( editio princeps; Caskel 1954, p. 28;
Müller 2010, p. 194).
Kdt w-'l: Kdt w-'ly dans l'editio princeps. Dès 1957 (p. 94), Jacques
Ryckmans suggérait de lire Kdt w-'l, comme à la 1. 4. Cette lecture est
confirmée (Fig. 17 A, début de la 1. 5).
b-wd(.. )Mr{!J,): la lecture Mr!J,, proposée par Sayed 1988, pp. 132 et
135, paraît plausible (Fig. 17 B). En revanche, les deux ou trois carac-
tères qui précèdent sont incertains. 'Abd al-Mun'im Sayyid a proposé
b-w(d fi,)-Mi:(!J,); une autre possibilité serait b-w{dyn) Mr(!J,). Ces deux
déchiffrements donnent le même sens.
b-wd{.) (Fig. 18 A, à gauche, fin de la première ligne): Gonzague
Ryckmans lisait b-wd/. Mais aucune autre ligne ne se termine par un
trait de séparation; par ailleurs, il y a place pour deux ou plusieurs lettres
(qui, il est vrai, ne se voient pas) après le dal. Entre b-wd/ et b-wd{y) r },
il est difficile de trancher. Quoi qu'il en soit, la signification est la même.
1. 6, b-mnhl Trbn: cette lecture a été proposée par Philby, de pré-
férence à b-mnhg Trbn (Beeston 1956, p. 302). Elle s'impose d'autant
plus qu'il existe aujourd'hui en Arabie centrale un 'Turaban qualifié de
manhal, "point d'eau" (Jasir 1977 I, p. 195).
Trbn: voir ci-après "II. C. Essai d'identification des ethnonymes et
toponymes."
w-gnmw: w-mnmw dans l'editio princeps. Jacques Ryckmans a im-
médiatement proposé de lire w-§nmw (1953, p. 340, n. 28), correction ac-
ceptée par Werner Caskel 1954 (p. 29) et confirmée par 'Abd al-Mun'im
Sayyid (Sayed 1988, p. 142). Dans ce texte, le ghayn présente une forme
particulière - propre aux inscriptions des ye et VIe siècles-, qui évoque
une potence (Fig. 17 A) et le fait souvent confondre avec un gïm. Voir
les deux autres occurrences de ce ghayn dans k-§{z)yw (1. 2, Fig. 17 A)
et gzwtn (1. 3, Fig. 12 A).
w-m(j') (Fig. 18 B): Gonzague Ryckmans avait lu sans hésitation
w-m!J,<f,, verbe qu'il reconnaissait également - à tort - à la 1. 5 (voir
ci-dessus). Cette lecture est peu vraisemblable pour trois raisons:
- la dernière lettre présente l'appendice sommital d'un alif, ce qui
rend la lecture <f,ad peu vraisemblable, à moins de supposer un alif mal-
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 17

adroitement corrigé en rj,ârj,; le socle est fermé en bas par un segment


horizontal, comme le dhâl de dn (1. 2), ce qui explique sans doute la
lecture de l'éditeur.
- le verbe mb,rf, est transitif et se construit toujours avec un complé-
ment direct; ce peut être un aménagement (m'b,d, "bassin,'' CIH 622/2,
CIH 623/2, RES 3943/5; mnql, "col,'' RES 3550/3; nqz, "fosse,'' CSAI
I, 29 =RES 4330/1) quand le verbe conserve le sens concret de "creuser
dans le roc"; ce peut être un peuple ou une commune quand il prend la
signification métaphorique de "frapper, battre un ennemi" (RES 3943/1;
RES 3945/3, 4, 5, 7, 13, 14, 17, 18, 19; CSAI I, 31 = RES 4932/4).
- le verbe mlJ,rj, n'est attesté que dans l'épigraphie sabéenne et qata-
bânite; il n'appartient pas à la phraséologie des textes lfimyarites.
Si la lecture m(b,rJ,) paraît exclue, il est difficile d'en proposer une
qui soit raisonnablement assurée. La lecture de la lettre centrale, qui
évoquerait un yâ' ou un hâ', est bien incertaine.
Parmi les verbes attestés dans les inscriptions commençant par mïm
et se terminant par alif, un seul, mj ("aller vers, atteindre"), donne
un sens acceptable. Cependant, il ne se construit pas d'ordinaire avec
b- suivi d'un nom de lieu, mais avec 'dy (Ja 576/6, 'dy 6 dt mjw 'dy
brrn d-Drg'n; Sharaf 31/11, w-wz' mj 'dy Qtw§f w-Kwk) ou avec un
complément direct (RES 3945/5, 'd mj bly:rm; Ja 576/16, 'dy dt mjw
b,lf fhg}rf }; Umm Laylà 1/6, bn-Ifbs2 n l-6 mjw 'rrj,-hmw). Je le retiens
faute de mieux, mais cette lecture doit être considérée comme très hy-
pothétique.
dnw: ce verbe se trouve deux fois dans une autre inscription
d'Abraha:
- CIH 541/64: w-b'dn dk 64 yw '[J,tn w-dn 'r 65 bn 'dyw hg~ M 66 rb
w-qds 1 w b't 67 Mrb ... , "après qu'il a lanlcé l'appel alors que les Arabes
s'étaient soumis,! il est retourné dans la ville de Marib 1 et a consacré
l'église 1 de Marib ... "
- CIH 541/48: w-b'dn 46 w9!y,-hmw dn 'h~ 47 hqdmw brdnn br!,
48 ydnn 'rbn 'lht 49 d' gb'w 'm Yzd, "après que 1 cette missive lui est

parvenue,! il a envoyé les messagers pour quel les Arabes qui 1 n'étaient
pas retournés avec Yazïd se soumettent."
M.J. Kister cite un emploi parallèle de ce verbe en arabe. En con-
traste avec les Arabes qui coopèrent avec la Perse ou avec les rois d'al-
I;lïra, ceux qui refusent sont appelés laqâly,, avec ce commentaire: lâ
yadïnüna li-l-mulük, "ils ne se soumettent pas (K.: ne prêtent pas allé-
geance) aux rois" (1968, p. 150).
Iflbn (également 11. 8-9): voir ci-après "II. C. Essai d'identification
des ethnonymes et toponymes."
1. 7, k~{m} (Fig. 17 B): la lecture k-~l proposée par Gonzague Ryck-
18 Christian Julien Robin

mans, et retenue depuis lors (sauf par Caskel 1954, p. 27 qui choisit
k'.) ne donne pas un sens très satisfaisant. Sur la pierre, le kaf et le
?a' sont sûrs; s'il y a place pour une lettre supplémentaire entre le kaf
et le ?a', aucune trace n'en subsiste. La troisième lettre est apparem-
ment un lam, mais ce peut être aussi un mïm partiellement effacé. Il
est donc possible de lire k?m, avec une racine bien attestée en arabe. Le
verbe ka?ama prend les sens de "suspendre, arrêter la rumination (se
dit d'un ch~meau),'' "intercepter (la respiration)"; "étouffer, comprimer
(sa colère)"; "fermer (la porte), boucher (un passage)" etc. Le substan-
tif k?m pourrait être l'arabe ku??am (pluriel de ka?im), "qui bouche,
obstrue un passage,'' "qui se tait"; de manière hypothétique, nous le
rendons par "rebelles."
ws 3 ' -hmw: le sens du verbe ws 3 ' est incertain. Il n'est établi que
par le contexte de cette inscription. Le Dictionnaire sabéen donne trois
interprétations: "donner des garanties à qqn" (d'après Gonzague Ryck-
mans 1953, pp. 278 et 283; voir aussi Müller 2010, p. 231), "négocier
avec" (d'après Beeston 1954, p. 392) ou "faire une proclamation à"
(d'après Pirenne 1968, p. 34). Le verbe tws 3 ', dans un contexte mili-
taire, signifierait "attaquer l'ennemi": voir Ja 649/29 et 30 ( w-bn-hw
f-wqh-hmw mr'-hmw S 2 m 27 r Yhr's 2 ••. l-tqdm w-tws 3 'n 's 2 30 'b 'km
w-d-S1 hrtm w-tws 3 'w w-tqdmn kl 's 2 31 'b w-'s 2 r 'km w-d-S1 hrf:m b-'qbtn
d-Rgzg 32 zn ... , "ensuite, leur seigneur Shamma\r Yuhar'ish leur ordonna
... d'affronter et attaquer les com\munes de 'Akkum et de dhü-Sahratum,
et ils attaquèrent et affrontèrent toutes les com\munes et les tribus de
'Akkum et de dhü-Sahratum dans la forteresse de dhü.-Rgzg\zn ... "). Le
sens de tws 3 ' pourrait être également "défier."
Dans ws 3 '-hmw, le pronom suffixe -hmw renvoie certainement au roi
Abraha; de ce fait le sujet du verbe ws3 ' est 'mr"' bn Mdrn. L'action
exprimée par le verbe ws 3 ' est suivie par une remise d'otages; il peut
donc s'agir de pourparlers, d'une simple soumission ou d'une reddi-
tion. Je retiens cette dernière interprétation puisque le nouveau texte
découvert en 2009 indique que 'Amrum a été expulsé d'Arabie centrale
(Murayghan 3/3, w-trdw 'mr"' bn Mdr"", "et il a chassé 'Amrum fils de
Mudhdhiran")
'mrm bn Mfl,rn: il s'agit d'un personnage considérable, le prince
'Amrum fils de Mudhdhiran, en arabe 'Amr fils d'al-Mundhir ou 'Amr
fils de Hind (d'après sa mère). Son père, al-Mundhir III, accède au trône
d'al-I:lïra entre 502 et 505 et règne jusqu'à sa mort au combat, en 554.
'Amr lui succède alors et occupe le trône jusqu'en 569. Le nom de 'mr"'
bn Mdrn se retrouve avec la même graphie dans l'inscription inédite Mu-
rayghan 3/3.
Mdrn: le nom de ce roi d'al-I:lîra était déjà attesté dans Ry 510/5-6
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 19

(où il est orthographié M!/'rm) et dans CIH 541/90 (rs 1l Mdr", "l'envoyé
de Mudhdhiran/al-Mundhir"); voir aussi Murayghan 3/3 où il est par-
tiellement restitué ([M]drn).
l. 8, w-s 1 t!ûf-hw: voir CIH 541/11, ... k-q 10 s1d w-hlûf b-gzmn Yzd 11
bn Kbs 2 t àlft-hmw d-s 112 tàlfw 'ly Kdt w-d' kn 13 l-hw b,lftn w-qs 1d w-'m-
hw 14 'qwl S 1 b' ... , "... après que s'est 1 révolté et a violé son serment
Yazîd / b. Kabshat, son gouverneur, qu'il avait / nommé sur Kiddat,
alors que (cette tribu) n'avait pas 1 de gouverneur. Il s'est révolté et,
avec lui, / les princes de Saba' ... "
Le sens du verbe s 1tb,lf n'est pas douteux: "nommer (quelqu'un)
b,lft." Le Dictionnaire sabéen rend b,lft par "vice-roi,'' sans doute in-
fluencé par la Tradition arabo-islamique qui accorde le titre royal aux
ijujrides de Kinda. Or cette même Tradition souligne que, du point de
vue des rois },iimyarites - et sans doute d'Abraha également-, le rang
de ces ijujrides ne pouvait pas égaler celui des rois (Olinder 1927, p. 40).
C'est pourquoi il me semble préférable de rendre b,lft par "gouverneur."
11. 7-8, w-b'dn-hw ws3 '-hmw 'mr"' bn Mdr" 8 w-rhn-hmw bn-hw w-
s1 tàlf-hw 'ly M' dffi. Les commentateurs varient considérablement dans
la reconstruction de la séquence d'événements qui se termine par la
désignation d'un gouverneur: cela tient au fait qu'on peut hésiter sur
le sujet des trois verbes ws 3 '-hmw, rhn-hmw et s 1tàlf-hw (qui peuvent
être au singulier, au duel ou au pluriel33 ) et que les pronoms suffixes
singulier et pluriel -hw et -hmw peuvent renvoyer à divers antécédents.
- Gonzague Ryckmans: "Et après cela, 'Amrum, fils de Muddirân
leur accorda sa garantie. Et il (Muddirân) leur délégua son fils et l'établit
comme gouverneur sur Ma'addum."
- Jacques Ryckmans 1954, p. 340: "le fils du roi de ijîra, 'Amr b.
Mundir, donna des garanties (ou fournit des otages) à Abraha, et lui
envoya son propre fils, qui fut établi sur Ma'add."
- Beeston 1954, p. 392: "After all this, 'Amr, son of al-Mundhir
negociated with Abraha and agreed to give hostages to Abraha from al-
Mundhir, for al-Mundhir had invested him ('Amr) with the governorship
over Ma'add."
- Caskel 1954, p. 28: "Spiiter loste sie 'Amrum auf Veranlassung
von Muddiran aus, / und er (Muddiran) sandte ihnen seinen Sohn als
Garanten und machte ihn zu seinem Stellvertreter über Ma'addum."
Une première discussion porte sur le sens de bn-hw. A.F .L. Beeston
a proposé de ne pas comprendre "son fils" (le fils de 'Amrum), mais "de
lui" (arabe min-hu) à savoir de la part d'al-Mundhir.
Un deuxième point fait problème: qui est nommé gouverneur de
33 Quand un pronom suffixe est attaché au verbe, les désinences -y et -w qui

marquent le duel et le pluriel disparaissent d'ordinaire de la graphie.


20 Christian Julien Robin

Ma'addum, le fils de 'Amrum ou 'Amrum lui-même?


Enfin, cette nomination est-elle antérieure à la campagne d' Abraha et
annulée par cette dernière ("alors qu'il l'avait établi comme gouverneur
sur Ma'addum"), ou bien en est-elle la conséquence ("et il l'établit alors
comme gouverneur sur Ma'addum")?
Selon la réponse qui est donnée à ces interrogations, l'image de la
situation politique en Arabie centrale varie considérablement. Soit Ab-
raha triomphe en l'emportant sur 'Amrum qui doit remettre en otage
le fils qu'il avait placé à la tête de Ma'addum. Soit, au contraire, Ab-
raha avoue son impuissance à rétablir l'autorité de I.Jimyar en Arabie
centrale, en reconnaissant 'Amrum comme son gouverneur, contre une
remise d'otages.
Entre ces deux options, ni la syntaxe du texte ni la Tradition arabo-
islamique ne permettent de trancher de façon assurée. Mais d'autres
données le permettent. Il s'agit tout d'abord de l'emplacement de Ry 506
= Murayghan 1. Cette inscription n'est pas gravée en Arabie centrale,
mais non -loin du Yémen, dans une région qu'Abraha contrôle bien.
Peut-on imaginer qu' Abraha fasse graver chez lui une inscription pour
y proclamer qu'il remet le pouvoir en Arabie centrale à son principal
ennemi?
Mais l'argument décisif réside dans l'inscription Murayghan 3, déjà
évoquée, qui mentionne l'expulsion de 'Amr fils d'al-Mundhir III. La
traduction que je propose est donc: "À la suite de cela, s'est livré à lui
(= Abraha) 'Amrum fils de Mudhdhiran (= al-Mundhir) 8 qui lui remit
en otage son fils alors qu'il(= 'Amrum) l'avait établi comme gouverneur
sur Ma'addum."
Si mon interprétation est correcte, elle pose un problème institu-
tionnel: à quel titre 'Amrum peut-il nommer un gouverneur en Arabie
centrale? Est-il investi d'une vice-royauté sur les territoires arabiques du
royaume d'al-l_Iîra (Golfe et Arabie centrale)? Ou bien a-t-il été associé
au trône par son père al-Mundhir III, qui règne depuis près de cinquante
ans et est donc très âgé? La Tradition arabo-islamique ne répond pas,
mais confirme que 'Amr joue un rôle éminent dans les affaires de l'Arabie
déserte, puisqu'il aurait patronné un traité de paix entre Bakr et Taghlib
au marché de dhü 'l-Majaz, à 35 km à l'est de Makka (Lecker 2005-XI,
p. 39). Si cette médiation est historique, il me paraît plausible qu'elle
remonte à une date antérieure à la reconquête de l'Arabie déserte par
Abraha en 552. Cependant, on ne saurait exclure qu'elle soit postérieure
à l'effondrement du pouvoir d'Abraha en Arabie déserte (après 558, voir
l'Annexe B), même s'il est peu vraisemblable que 'Amr se rendre dans
un marché d'Arabie occidentale après son accession au trône d'al-l_Iîra
en 554.
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 21

1. 9, d-'f': dhü-'allan, mois du calendrier solaire ~myarite correspon-


dant approximativement à "septembre" (voir Robin 1998, pp. 124-125).
Ce nom de mois, omis par Gonzague Ryckmans, a été rétabli par 'Abd
al-Mun'im Sayyid (Sayed 1988, pp. 132 et 135).
11. 9-10, d-l-:tny w-s 1:ty w-s 110:t m'tm: l'ère l).imyarite a pour point de
départ l'année 110 avant l'ère chrétienne (Robin 1998, pp. 124-128) et
le premier mois de l'année - en tout cas aux ye et vre s. è. chr. - est
le mois dhü-1).illatân (d-~ltn) (Nebes 2004). L'inscription porte donc la
date de septembre 552.

C Essai d'identification des ethnonymes et


toponymes
L'identification des ethnonymes et toponymes est cruciale pour compren-
dre la nature et l'importance des événements relatés. Elle présente de
grandes difficultés parce que les homonymies sont nombreuses. Ce ne
sont pas des certitudes qui peuvent être atteintes, mais seulement des
vraisemblances plus ou moins grandes. Nous examinons ci-dessous les
ethnonymes, puis les toponymes, dans l'ordre d'apparition dans le texte.
M'~ (11. 3, 7 et 8), Ma'addum, arabe Ma'add (selon Ibn al-Kalbï,
Ma'add b. 'Adnân, tribu 'adnânite) 34
Tous les commentateurs s'accordent à identifier M'~ avec Ma'add
(ainsi en arabe, Ma'addum en saba'ique), la vaste confédération tribale
d'Arabie centrale, mentionnée dans diverses sources, épigraphiques et
manuscrites. En dehors de Ry 506 = Murayghan 1, les attestations
sont:
- L 205 /3 ( M' dw), inscription en langue vieil-arabe et en écriture de
type nabatéen, datée de 328 è. chr. (223 de l'ère de la province romaine
d'Arabie, le 7e jour de Kislül), trouvée à al-Namâra en Syrie du Sud;
son auteur, le roi Imru' al-Qays fils de 'Amr, prétend avoir étendu son
règne sur cette tribu:
"il fit la guerre à Madhl).igü jusqu'à frapper 1 de sa lance aux portes
de Nagran, la ville de Shammar, devint roi de Ma'addu et partagea entre
ses fils j les tribus" ( w-~rb M(d)~gw 'kdy wg' 3 b-zg-h fy rtg Ngrn mdynt
Smr w-mlk M'dw w-n~l bny-h 4 'l-s'wb).
-'Abadan 1 (M'~), texte l).imyarite de la région de Ni:;;ab au Yé-
men, daté de juillet 360 (d-mdr'n 460 de l'ère ~myarite), trois mentions:
1. 19, "(les princes Yaz'anides) firent la guerre à '~ms 1 n Hrgt et à
une tribu de Ma'addum,, ( w-~rbw '~ms 1 n Hrgt w-'s 2 rn bn M'~). Deux
34 Sur cette confédération tribale, voir aussi Zwettler 2000; Shahîd 1995-1,

pp. 160-166 ("Byzantium and Ma'add (the Maddenoi)" et 175-177). Concernant


!"'ascendance" de Ma'add selon Ibn al-Kalbï, voir Caskel 1966-I, tableau 1.
22 Christian Julien Robin

lignes auparavant, 1. 17, le texte mentionne Khargân (Hrgn), aujourd'hui


al-Kharj, une oasis à 100 km au sud-est d'al-Riyaçl..
11. 27-28, "ensuite, Ma'dïkarib et Marthadum partirent en expédition
contre Ma'addum après que leur frère Shuril;ibi'îl ait quitté le service
armé" (w-b'dn hwt s 1 b' M'dkrb w-MrJ;<F 'ly M' 28 <F b'dn k-htqf 'IJ,-hmy
S 2 rl},b'l).
1. 29, "... ] Ma'addum et ils se heurtèrent à la tribu 'Abdqaysân
(arabe 'Abd al-Qays) à Siyyan (arabe al-Siyy)" (. .. ] M'<F w-hwkbw
's 2 rtn 'bdqys 1 n b-S1 yn).
-- Ry 509/6, texte J;iimyarite remontant à la fin du règne du roi
Abïkarib As'ad (c. 440-445), gravé à Ma'sal al-Juml;i, à 205 km à l'ouest
d'al-Riyaçl.:
"(les rois) ont gravé cette inscription dans le wadî 1 Ma'sal Gum};lan,
quand ils sont venus et ont pris possession du Pays 1 de Ma'addum" (rqdw
dn mrq~ b-wd 5 yn M's 1 l Gml},n k-s 1 b'w w-1},llw 'nj, 6 M'<F).
- Sayyid PSAS 1988, p. 136, "Le prince Mns 1 (Manassé?) dhü-
Dharanil;i a participé à l'expédition de son seigneur le roi Abraha contre
Ma'addum" (qyzn M2ns 1 d-Drnl}, 3 gzy 'm m 4 r'-hw mlk 5 (") 'brh 6 M'<F).
- L'inscription inédite Murayghan 3/2, 3 et 4.
L'extension du territoire de la confédération Ma'addum est considér-
able, mais difficile à cerner précisément. Une seule inscription,
Murayghân 3/4 (inédite), énumère peut-être une série de régions et
de tribus qui en feraient partie: "... et (Abraha) a soumis tous les
Arabes de Ma'addum[, Ha]garum, Khaft, Tayyum, Yathrib et Guzam
(ar. Judham?)" (w-s 14 tqdw kl "rb M'<F[ w-Hjgrm w-Ht w-'!'ym w-Ylrb
w-Gz(m)). Hagarum (Hajar) et KhaH sont dans la région du golfe Arabo-
persique, Tayyum en Arabie du Nord, Yathrib (aujourd'hui al-Madîna) et
Judham en Arabie du Nord-Ouest. Mais l'inscription peut être comprise
autrement: non pas "tous les Arabes de Ma'addum, (à savoir) Hagarum
etc.," mais "tous les Arabes de Ma'addum (d'une part), Hagarum etc.
(d'autre part)."
L'inscription 'Abadan 1, malheureusement en partie érodée, men-
tionne la tribu 'Abdqaysan (arabe 'Abd al-Qays) et sa fraction Shannum
(arabe Shann) (1. 30) dans la relation d'une expédition qui est dirigée
contre Ma'addum.
Toujours d'après les inscriptions, on connaît trois sites dépendant
de Ma'addum, tous en Arabie centrale et relativement proches les uns
des autres: Ma'sal Gum};lân (arabe Ma'sal al-Juml;i, Ry 509), I;Ialibân
(Ry 506=Murayghan1) et probablement Khargan, arabe al-Kharj (nom
de l'oasis dont le chef-lieu est Yamamatan, 'Abadan 1) (Carte 1).
Les sources manuscrites suggèrent que Ma'add s'étend jusqu'aux
abords d'al-I;Iîra et jusqu'aux rivages de la mer Rouge, à la hauteur
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 23

d'al-Madïna, ce qui s'accorde avec l'énumération de Murayghan 3. La


Lettre de Siméon de Beth Arsham publiée par Ignazio Guidi (ou Lettre
Guidi), en langue syriaque, rapporte que, en janvier 524, Siméon quitte
al-I:Iïra pour se rendre auprès du Na~ride al-Mundhir III:

Quand nous eûmes cheminé dans le désert vers le sud-est


pendant dix jours, nous rencontrâmes le roi Mundhir, de-
vant les montagnes qui sont appelées "Monts de Sables," en
arabe Ramla. Et quand nous entrâmes dans le campement de
Mundhir, des Arabes païens et Ma'addites [Ma'addj vinrent
à notre rencontre 35 •

Quant à l'extension de Ma'addum jusqu'à la mer Rouge, elle est men-


tionnée par Procope (Guerres, I.XIX.14) qui rapporte que, à la fin
des années 520, le territoire byzantin inclut la "Palmeraie" (en grec
Phoinikôn, désignation des grandes oasis du I:Iijaz-Nord) 36 et qu'immé-
diatei:nent après:

d'autres Saracènes, voisins de ces hommes, occupent la côte:


ils s'appellent Maddènes [Ma'addj et sont sujets des Homé-
rites [Ifimyarj.

Le rapport rédigé par l'ambassadeur byzantin Nonnosos dont le pa-


triarche Photios a transmis quelques extraits (Annexe A) souligne enfin
que, au début du règne de Justinien (527-565), Ma'add est liée à Kinda:
Quant à Kaïsos, chez qui on envoyait Nonnosos, il était à la tête de deux
tribus des plus en vue parmi les Saracènes: les Chindènes [Kindaj et les
Maadènes [Ma'add} (Photios, Bibliothèque, 3 =Henry 1959, p. 4).
La Tradition arabo-islamique a également gardé la mémoire de
Ma'add, mais uniquement en relation avec des événements anciens. Elle
se souvient que les rois de I:Iimyar en confièrent le gouvernement à une
35 Lettre Guidi, texte syriaque p. 501 et 502, traduction p. 480 et 481. Cette
traduction est empruntée à Françoise Briquel-Chatonnet, qui a bien voulu la mettre
à notre disposition.
36 Procope, Guerres, I.XIX.9 et 13, indique: la Palmeraie s'étend à l'intérieur des
terres sur un grand espace, où absolument rien d'autre ne pousse sinon les seuls
palmiers, et, plus loin, car une terre complètement vide d'hommes et absolument
dépourvue d'eau s'étend, dans l'intervalle, sur dix jours de marche. La Palmeraie se
trouve donc à "dix jours de marche" de l'Empire et "s'étend ... sur un grand espace."
Il ne semblerait pas que ce soit une oasis précise, mais plutôt une vaste région, proba-
blement celle qui compte les quatre oasis majeures de l'Arabie du nord-ouest, Taymâ.',
Madâ.'in $â.liJ:t-al-'Ulâ., Khaybar et Yathrib/al-Madîna. Cette Palmeraie (Phoinikôn)
doit être distinguée d'une autre qui se trouve dans le Sinai (Diodore de Sicile III.42.2
et 5). La traduction des sources byzantines a été revue par Joëlle Beaucamp, que je
remercie pour son aide.
24 Christian Julien Robin

dynastie de princes arabes, originaires de la tribu de Kinda, d'où les ap-


pellations de "royaume de Kinda" ou de "rois de Kinda" qu'on relève sou-
vent dans la littérature savante 37 (sur ces rois, voir ci-dessous "III. Une
nouvelle identification des bny-'mrn").
La confédération Ma'addum disparaît des sources à partir du mi-
lieu du vie siècle. Une nouvelle confédération tribale, Rabra, s'impose
désormais en Arabie du Centre et du Nord-Est, à laquelle les généalo-
gistes donnent comme ascendance Nizar b. Ma'add b. 'Adnan38 . Elle
regroupe plusieurs des tribus qui comptent à la veille de l'Islam, I:Ianîfa
au centre du Najd, 'Abd al-Qays à proximité du golfe Arabo-persique,
Bakr b. Wa'il plus au nord ou Taghlib du côté du Bas-'Iraq.
bny-'mrm: voir "III. Une nouvelle identification des bny-'mrn," ci-
dessous.
Kdt (ll. 5 et 5), Kiddat, arabe Kinda (selon Ibn al-Kalbî, Thawr
[qui est Kinda] b. 'Ufayr [frère de 'Âmila, Judham et Lakhm] b. 'Adï
b. al-I:Iarith b. Murra [frère de 'fayyi', MadJ:.iJ:.iij et al-Ash'ar], tribu
qaJ:.itanite) 39
Tous les commentateurs s'accordent à identifier Kdt, Kiddat, avec
Kinda. Au VIe s., Kiddat est établie - en totalité ou en partie - dans
le I:laçlramawt occidental. La tribu fournit régulièrement des troupes
auxiliaires aux souverains J:.iimyarites (Tableau B).
Comme les sources byzantines et la Tradition arabo-islamique rap-
portent que des Kindites ont régné en Arabie centrale (voir "III. Une nou-
velle identification des bny-'mrn," ci-dessous), il est fréquent de trouver,
dans la littérature savante, l'affirmation que la tribu Kinda s'est déplacée
du Yémen vers le I:Iijaz (à Ghamr dhïKinda), puis du I:Iijaz vers le Najd,
avant de revenir au Yémen. Cette migration de Kinda n'a aucune réalité:
Kinda/Kiddat a toujours été une tribu du sud de la péninsule.
Vers 220, elle a son centre à Qaryat al-Faw, à quelque 280 km au nord-
nord-est de Najran: le roi sabéen Sha'rum Awtar mène ainsi "dans la ville
de Qaryatum dhat-Kahlum deux attaques contre Rabrat du lignage de
Thawrum, roi de Kiddat et de QaJ:.itan, et contre les citoyens de la ville de
Qaryatum" (w-'dy hgrn Qrytm dt Khllm J;ty <f,b'tn b-'ly Rb't d-'l I Twrn
mlk Kdt w-QJ:itn w-b-'ly 1 'b'l hgrn Qrytm, Ja 635/25-28).
Vers 235-250, une inscription révèle que le roi de Kinda a modifié
sa titulature qui est désormais "roi de Kiddat et de MadhJ:.iigum" (Ja
2110/8-9). La tribu est toujours indépendante parce que les rois sabéens
lui envoient une ambassade.
3 7 Voir par exemple Ibn l:'labïb, al-Munammaq (pp. 368-370, "Rois de Kinda,"
Mulük Kinda), ou Olinder 1927 (ouvrage intitulé The Kings of Kinda of the Family
of A.kil al-Murar).
38 Caskel 1966-I, tabl. 141 et 1; Madelung 2003.
39 Voir Caskel 1966-I, tableau 176; Shahîd 1995-1, pp. 148-160.
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 25

Un peu avant 296, Kinda apporte son aide au I:la<;lramawt qui est
attaqué par I:Iimyar. Le roi J:timyarite Shammar Yuhar'ish (c. 287-311),
portant encore la titulature courte ("roi de Saba' et de dhu-Raydan,''
c. 287-c. 296), charge le commandant de sa cavalerie "de surveiller et
prendre en embuscade 1 les secours de Kiddat quand ceux-ci portaient
secours au I:IaQ.ramawt et il les prit en embuscade à Arak" ( l-r~d w-tibn
7 zbd Kdt brin zbdw If~rmt) (BR-M. Bayl;tan 5).

Le passage de Kinda sous le contrôle de I:Iimyar est officialisé par une


inscription encore inédite (MB 2006 I-54) 40 , sans doute immédiatement
postérieure à BR-M. BayJ:tan 5, mais toujours antérieure à c. 296. Il s'agit
de la dédicace d'une statue de bronze dans le temple Awam, le grand
sanctuaire de Saba', consacré au dieu Almaqah Thahwan. L'auteur,
"[Malikum b. Mu'awi]yat roi 1 de Kiddat et de MadhJ:tigum " ([Mlkm bn
M'w]yt mlk Kdt w-Mdly,gm) 41 , a fait cette offrande "quand il s'est mis
en route 1 et est venu se soumettre à la main de leur seignJeur Shammar
Yuhar'ish, roi 1 de Saba' et de dhu-Raydan, fils de Yasirum 1 Yuhan'im,
roi de Saba' et de dhü-RaydJan, dans la ville de Marib" (b-kn mt 5 w-
nh l-s 1 tlmn b-yd mr 6 '-hmw S2 mr Yhr's 2 mlk 7 S 1 b' w-d-Ryd!2 bn Ys 1 ~
8 Yhn'm mlk S 1 b' w-d-Ryd 9 nb-hgrn Mrb).

C'est apparemment vers cette époque que Kinda migre de Qaryatum


dhat-Kahlum vers le I:IaQ.ramawt (où elle est explicitement attestée à par-
tir du VIe s.), apparemment parce que les puits de Qaryatum se tarissent.
Les inscriptions sudarabiques établissent donc de manière incontes-
table que Kinda est une tribu de l'Arabie méridionale et _que le centre
de la Péninsule est occupé par une confédération tribale qui s'appelle
Ma'addum. S'il y a eu des Kindites en Arabie centrale, c'est en petit
nombre, à savoir une famille princière et les personnes à son service.
'l (11. 4 et 5), probablement 'Ula, fraction de MadhJ:tij (selon Ibn
al-Kalbî, 'Ula b. Jald b. Malik [qui est Madhl;tij], qaJ:ttanite)
- Gonzague Ryckmans, '"Al" (traduction, p. 278), sans commen-
taire;
- A.F.L. Beeston 1953, p. 392, '"Alites," sans commentaire;
- Werner Caskel 1954, p. 27 "Kinda von Wa'l," d'après un toponyme
du Yémen;
-'Abd al-Mun'im Sayyid (Sayed 1988, p. 132): 'Alî descendant de
Sa'd al-'Ashîra ou bien 'Alî descendant de I:Iarb.
'lest une tribu qui fournit des troupes auxiliaires à l'armée J:timyarite.
Un inventaire de ces troupes montre qu'elles proviennent toujours de
tribus arabes sur les marches de la montagne yéménite en direction du
40 Je remercie vivement M. Mohamed Maraqten d'avoir bien voulu me donner une
transcription de ce texte capital.
41 Le nom du roi, incomplet à la 1. 1, est restitué d'après la 1. 11.
26 Christian Julien Robin

désert central (voir Tableau B).


Notre 'lest probablement une graphie défective de 'lh, dont le nom
apparaît dans Ry 509/10: w-b-"rb-h 10 mw Kdt w-S1 (')d w-{')lh w-H.['?j.
On peut retenir deux arguments en faveur de cette identification: d'une
part la mention de 'l/'lh en compagnie de S'd("') dans les deux textes;
d'autre part, toujours dans les deux mêmes textes, l'absence de Madh-
l_iigum - systématiquement mentionnée dans les listes de troupes aux-
iliaires de l'époque - , suggérant que 'lh et si·a;n en prennent la place
(voir Tableau B).
Cette dernière observation nous amène à considérer que 'l/' lh est
la tribu arabe 'Ula b. Jald b. Malik [MadhQ,ij] (Caskel 1966-I, tableau
258) 42 . La variation dans la graphie s'explique par la difficulté du saba-
'ique à noter la voyelle /a/, longue ou brève, en position finale. Comparer
avec:
- arabe Badda', écrit Bdy (Ir 16/1 et 3) ou Bd (Ja 2110/9);
- arabe Af'à, écrit 'f' (Ja 547/1);
-- arabe I:Iujayya, écrit Jfgy (Ry 512/1) ou Jfgyt (Ja 1031 a/1);
- guèze Gadara, écrit en guèze consonantique Gdr (RIÉth 180) et
en saba'ique Gdrt ( CJH 308/11, 12 et 14);
- guèze Abraha, écrit 'brh (arabe Abrahah) alors que le guèze Ella
Af?bal_ia est transcrit 'l'bQ,h (Ist. 7608 bis = RÉS 3904/6).
Les banü 'l-I:Iarith b. Ka'b (b. 'Amr b. 'Ula) de Najran relèvent
de cette tribu, de même qu'al-Nakha' (saba'ique N/J,' 11'). On notera à
ce propos que les traditionnistes arabes mentionnent les banü 'l-I:Iarith
parmi les tribus qui fournissent des troupes à Abraha43 .
Dans notre texte, de même que dans Ry 509, il semblerait que 'l/'lh et
si' a;n /Si' d prennent la place de Madhl_iij, qui est ailleurs régulièrement
mentionnée avec Kinda dans les listes de troupes auxiliaires ('Abadan 1,
Ry 510, Ry 508 et Ja 1028; voir le Tableau B). Cela se comprend
mieux si on jette un œil sur la généalogie de Madhl_iij (Caskel 1966-I,
tableau 258):
Miilik [Madh!tif]

lamîs Sa'd la Tribu Jald Yui;iabir [Muriid] Zayd['Ans]


1
'Ula
1
(al-l;Iiirithb. Ka'b; al-Nakha') 44

42 Chez Ibn al-Kalbî, les "fils" de Madhl;iij seraient: Lamïs, Sa'd al-'Ashïra, Jald,
Yul;iâbir (= Murâd) et Zayd (='Ans).
4 3 Voir Kister 1972, pp. 70, 72-73; Daghfous 1995, p. 127.
44 Caskel transcrit en italiques les noms de tribu.
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 27

Sa'd et 'Ula sont de fait deux composantes importantes de Madhl:_iij.


L'identification de 'l/'lh avec 'Ula n'avait pas encore été reconnue.
S'd"' (11. 5 et 5), Sa'dum, probablement Sa'd (dit Sa'd al-'Ashîra,
"Sa'd la Tribu") fraction de Madhl:_iij (selon Ibn al-Kalbî, Sa'd al-'Ashîra
b. Malik [qui est Madhl:_iij], tribu qal:_itanite45 )
- Gonzague Ryckmans 1953, p. 281: "Philby signale une tribu
Sa'idi, section des Bani Malik à la frontière sa'udite-yéménite, sur les
contreforts du haut plateau en bordure de la Tihama" (Arabian High-
lands, 1952, p. 537);
- Jacques Ryckmans 1953, p. 341: "Les Sa'd, envoyés avec Murad
vraisemblablement contre les Ma'add, ne peuvent être identifiés par
le grand nombre des groupes ethniques qui portent un nom de cette
racine";
- A.F.L. Beeston 1953, p. 392, "Sa'dites";
- Werner Caskel, 1954, p. 29: Sa'd al-'Ashîra;
- Sydney Smith 1954, p. 436: le lignage ("sept") de Quraysh;
- M.J. Kister 1965: Sa'd de Tamîm, qui participerait dans les rangs
de l'armée d'Abraha à la bataille de J:Ialiban;
-'Abd al-Mun'im Sayyid (Sayed 1988, p. 132), estime que l'identi-
fication la plus vraisemblable est Sa'd al-' Ashîra, fraction de Madhl:_iij.
Les arguments donnés pour l'identification de 'l/'lh plaident en fa-
veur d'une identification de S 1 'd("') avec Sa'd al-'Ashîra, proposée dès
1954 par Werner Caskel.
Mrd"' (11. 5 et 5), Muraaum, arabe Murad (selon Ibn al-Kalbî, Yul:_iabir
[qui est Murad] b. Malik [qui est Madhl:_iij], tribu qal:_itanite4 4 )
Comme pour Kiddat, il y a unanimité des commentateurs en faveur
d'une identification de Mrd"' avec Murad. Pour les généalogistes arabo-
islamiques, Murad serait une fraction de Madhl:_iij. Dans les inscriptions,
cette dépendance n'apparaît pas.
On ne dispose d'aucune donnée permettant de localiser Murad avec
précision au VIe s. De manière hypothétique, on peut situer cette tribu
vers Najran ou à l'est de $a'da. On sait seulement que, dans les siècles
qui suivent, Murad se trouve dans le Jawf du Yémen et au sud de Ma'rib.
Le nom de Muradum apparaît quatre ou cinq fois dans les inscriptions,
toujours dans l'énumération de troupes arabes auxiliaires qui renforcent
l'armée l:_iimyarite. Sa plus ancienne attestation épigraphique remonte à
360 (Tableau B).
w(d.. )Mr(b) (1. 5), Marakh ou dhü Marakh (peut-être le wadî
Marakh à 300 km au nord de J:Ialiban)
45 Caskel 1966-I, tableau 258.
44 Caskel 1966-I, tableau 258.
28 Christian Julien Robin

La localisation de ce wadï (dont le nom n'est pas lu de façon certaine)


présente de sérieuses difficultés parce les toponymes médiévaux et mo-
dernes avec une graphie comparable ou approchantè sont innombrables.
Cela tient sans doute au fait que markh (dialecte marakh) est le nom
d'un arbuste commun (cynandum vinimale selon Kazimirski), qui donne
un charbon de bois très apprécié dans la préparation des viandes grillées.
Dans la Mawsu'at q,sma' al-amakin, 2003, on relève notamment:
- "ab'ar Murakh": vol. 1, p. 333 (3 entrées);
- "jibal Murakh": vol. 2, pp. 122-123 (5 entrées);
- "jibal Marakh": vol. 2, p. 123 (2 entrées);
- "jabal Murakh": vol. 2, p. 354 (1 entrée);
- "sha'ïb dhî Markh": vol. 3, p. 383 (1 entrée);
- "sha'ïb Murakh": vol. 3, p. 564 (7 entrées);
- "sha'ïb Markh": vol. 3 p. 566 (7 entrées);
- "wadî Murakh": vol. 5, p. 491 (6 entrées; ces wadî sont situés
dans les émirats de Tabük et d'al-Madïna al-munawwara)
- "wadî Marakh": vol. 5, pp. 492-493 (15 entrées; ces wadï sont
situés dans les émirats de Tabük, 'Asïr, Najran, Makka al-mukarrama et
al-Riyaçl);
Comme la Mawsu'at asma' al-amakin classe les toponymes sous les
entrées ab'ar, jabal, jibal, wadï etc., il n'est pas sûr que cette liste soit
complète. Elle suffit en tout cas à montrer que la racine MR:S: est fort
commune dans la toponymie. On trouve donc des vallées ou des ravines
nommées Markh/Murakh/Marîkh (dans la Sharqiyya: Jasir 1977 II,
p. 1142) un peu partout en Arabie.
Chez les géographes médiévaux, on relève encore:
- dhü Murîkh (al-Bakrî, sous "Qiçla");
- Murakh/dhü-Murakh (Yaqüt s.v.), dans la région de Makka;
- Markh/dhü-Markh (Yaqüt s.v.), dans le I:Iijaz septentrional et la
Yamama.
Si on retient notre hypothèse que l'armée d'Abraha attaque les des-
cendants de 'Amr, père de I:Iujr Akil al-Murar (voir "III. Une nou-
velle identification des bny-'mrm"), le lieu de l'affrontement est plutôt à
rechercher en Arabie centrale. Dans l'émirat d'al-Riyaçl, on trouve au
moins deux wadï Marakh, le premier non loin de Najran et le second
dans la région d'al-Zilfi:
1. wadî Marakh: 45 • 17' 00" E, 19 ° 58' OO" N (voir aussi wadî
Marakh: 45 ° 14' OO" E, 19 ° 58' OO" N)
2. wadî Marakh: 45 ° 07' 00" E, 25 ° 57' 30" N (voir aussi wadî
Marakh: 44 ° 57' OO" E, 26 ° 18' OO" N; wadî Marakh: 44 ° 59' 30" E,
26 ° 13' 10" N; wadî Marakh: 45 ° 05' OO" E, 26 ° 06' 20" N). Il se trouve
à une vingtaine de kilomètres au sud-est d'al-Zilfi, à 250 km au nord-
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 29

ouest d'al-Riyaçl. et à 300 km au nord de I:Ialiban. C'est lui que 'Abd


al-Mun'im Sayyid (Sayed 1988, p. 132) identifie avec son w(d d-)Mrb,.
mnhl Trbn (1. 6), probablement "Fayçl.at Turaban,'' à 100 km à
l'ouest-nord-ouest de I:Ialiban
- Gonzague Ryckmans 1953, p. 282: "on connaît plusieurs localités
dont le nom appartient au même radical, notamment Turaba à 130 km
au sud-est d'al-'fa'if (cf. Philby, Arabian Highlands, pp. 57-59)";
- Jacques Ryckmans 1953, p. 341: "le nom représenté par Trbn nous
est inconnu";
- Werner Caskel 1954, p. 29: "bekannt," avec un renvoi à al-Bakrî;
-Jacques Ryckmans 1957, p. 94: "nous avons en effet trouvé presque
à mi-chemin et sur la droite imaginaire reliant Murayghan à I:Ialiban un
cône de granit rose très caractéristique du nom de Turban, que nous
identifions au Trbn de l'inscription" (voir aussi Lippens 1956, p.178 et
carte en fin de volume) 45 ;
-'Abd al-Mun'im Sayyid (Sayed 1988, p. 133): la moderne Turaba,
à 120 km à l'est d'al-'fa'if.

l
r
Dans la Mawsü'at asma' al-amakin, 2003, on relève notamment Fay-
çl.at Turaban (vol. 4, p. 314); Turaba, al-Turba, Turabaou Turuba (vol. 1,
p. 561); jabal Tirban (35 ° 39' 10" E et 27 ° 53' N) dans la région de
Tabi.ïk et jabal Turban (39 ° 20' E et 24 ° 19' 20" N) dans celle d'al-
Madîna (vol. 2, p. 193); wadî Tirban dans la région de Tabük (vol. 5,
1 pp. 298-299), etc.
Le meilleur candidat à l'identification est Turaban, poin,t d'eau (man-
hal) dans le wadî '1-Surr, qui appartient aux al-Shiyabîn, près d'al-
Kha.f?ira (province d'al-Riyaçl.) (Jasir 1977 1, p. 195): voir l'Atlas, feuille
14, "Fayçl.at 46 Turaban,'' à 100 km à l'ouest-nord-ouest de I:Ialiban,
23 ° 45' N et 43 ° 26' E. Les arguments en faveur de ce choix sont que
la correspondance entre Trbn et Turaban est parfaite; que l'inscription
qualifie Trbn de mnhl tout comme la notice d'al-Jasir (manhal); et
qu'enfin les toponymes de l'Arabie déserte mentionnés dans notre texte
sont probablement assez proches les uns des autres (comparer avec ceux
d'al-'lrafa 1).
Cette identification est nouvelle. Jusqu'à ce jour, c'est une autre qui
s'était imposée, celle de Trbn avec Turaba, grand wadï et importante
bourgade à 127 km à l'est d'al-'fa'if (Atlas, 21°13'N 41°38'E; carte au
1/500 oooe TPC J-6A ou celle au 1/1 000 oooe ONC J-6). La raison en
était que Turaba relevait des banü 'Amir b. $a'f?a'a (dans lesquels on re-
connaissait les bny-'mrm de Ry 506=Murayghan1) (al-Bakrî, "Turaba,''
45
Aucun des répertoires de toponymes et aucune des cartes du royaume d'Arabie
séoudite que j'ai consultés ne mentionnent ce toponyme.
46 Groom 1983, p. 86, rend fay<f,a par "a wide, usually sandy depression into which
many wadis fiow."
30 Christian Julien Robin

wa-huwa maw~i' fi biliid ban'f 'Amir). Il est vrai que la correspondance


entre Trbn et Turaba n'était pas parfaite, mais ce n'est pas sans parallèle
quand il s'agit de noms étrangers transposés en saba'ique47 .
L'identification de Trbn avec Fayçlat Turaban, aussi convaincante
soit-elle, n'est qu'une. hypothèse puisque plusieurs Turaban, Turban ou
Tirban existent en Arabie: voir ci-dessus et Jasir 1977 I, pp. 195-196,
notamment Turaban (aiguade [min mawiirid] des al-Shiyabîn et des
Quthma, dans la région de 'Afif, dans un wadî de même nom, à l'ouest
d'al-Nîr, province d'al-Riyaçl) et Trbiin (dans la province de Makka).
On se reportera également aux répertoires des géographes arabes
médiévaux:
- al-Hamdanî, jabal Turban, dans le paragraphe intitulé Diyiir Ta-
m'fm: "Turban, un,jabal qui leur appartient dans le district de dhat
A'shar et les hauteurs de Qanawnà" ( wa-Turbiin jabal la-hum min niif.iiya
dhiit A'shiir wa-a'là Qanawnà, $ifa, p. 181/14).
- Yaqüt, sous "Turban,'' qui mentionne deux toponymes en Arabie,
un premier "à une nuit d'al-Madîna" et un second dont la localisation
est discutée.
lflbn (11. 8-9), probablement J:Ialiban, à 275 km au sud-ouest d'al-
Riyaçl
- Gonzague Ryckmans: "village d' Ikhwiin au sud de la piste de
Makka à al-Riyaçl." 48 •
- Selon Jacques Ryckmans 1953, c'est aujourd'hui la bourgade, le
puits, le wadî et les collines de ce nom, qui se situent à 420 km au nord de
Murayghan et à moins de 100 km au sud-ouest de Ma'sal; il fonde cette
localisation sur la mention de 'Amr b. al-Mundhir (p. 339) et remarque
- à tort - qu'al-Hamdanî, Yaqüt et al-Bakrî ne mentionnent pas cet
endroit (p. 341) (voir aussi Lippens 1956, pp. 191-192).
Plusieurs sites actuels de l'Arabie déserte porte un nom correspon-
dant à lflbn. Dans la Mawsü'at asmii' al-amiikin, 2003, on relève no-
tamment:
-J:Ialaban: vol. 2, p. 529, 2 entrées (al-Riyaçl, 44 • 23' 20" E et 23 °
29' 30"; al-Riyaçl., 44 ° 26' OO" E et 23 ° 31' OO");
- jabal J:Ialiban: vol. 2, p. 216 (N ajran, 44 • 21' 10" E, 17 • 47' 30"
N; vers J:Iubüna);
- fayçlat J:Ialaban: vol. 4, p. 315, 2 entrées (al-Riyaçl, 44 • 15' 20"
E, 23 ° 23' OO" N; al-Riyaçl, 44 ° 15' OO" E, 23 ° 23' OO" N).
47 L'identification de Trbn avec Turaba rappelle évidemment que les princes de

Kinda avaient un fief à Ghamr dhï Kinda, à deux jours de Makka (Olinder 1927,
pp. 32, 34, 37).
48 Cet auteur renvoie également à un toponyme de la région de Marib, relevé dans
RES 4793 de Ma'rib: .. . jw-lflbn b-Ys 1 rn [. ..
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 31

On peut encore mentionner lflbiin, "sakaniyya wa-munsha'at,'' 44 °


24 E, 23 ° 30 N (Atlas).
Dans le dictionnaire géographique de l'Arabie sa'üdite composé par
I.Jamad al-Jasir (Jasir 1977 I, pp. 343-344), deux toponymes correspon-
dent à I.llbn:
l. I.Jalaban, dialecte "I.Jliban," village de la province d'al-Riyaçl.;
2. Sans vocalisation, village de la province de Jazan.
L'identification avec le bourg et le wad.I (ou sha'îb) I.Jaliban, dans
le Najd (Atlas, 23 ° 30'N, 44 ° 24'E), paraît vraisemblable. C'est à Iflbn
qu'Abraha reçoit la soumission de la tribu Ma'addum. Or le centre de
cette tribu se trouve à Ma'sal al-Juml)., à quelque 85 km au nord. Tous
les commentateurs ont accepté cette solution.
Selon les ouvrages, ce toponyme du Najd est vocalisé I.Jaliban, I.Jala-
ban ou I.Jalban. La vocalisation "I.Iuluban" (Kister 1965) vient d'al-
I.Jasan al-Hamdanï et d'al-Bakrï. Selon ces deux auteurs, qui se fondent
sur les vers de Mukhabbal al-Sa'dï réexaminés ci-dessous ("III. Une nou-
velle identification des bny-'mrm"), I.Juluban se trouverait au Yémen, au
pied du jabal I.Jaçl.ür (Iklfl II, p. 158), localisation que M.J. Kister ne
discute pas (1965, p. 433). Ibrahîm al-Maql).afï (2002, p. 490) mentionne
ce toponyme, ainsi qu'un I.Jalaban (à l'ouest de $a'da) et deux I.Jilban
(régions d'Ibb et de Shabwa). Selon Yaqüt, "Iflbiin" est "un endroit au
Yémen, au voisinage de Najran"; selon une autre opinion, c'est un point
d'eau des banü Qushayr. ·
Le toponyme relevé dans un poème de J arïr est identifié par Thilo
(1958, sous ("I.Jalaban/I.Jaliban,'' Jarïr Naq XCV, 33) avec le I.Jaliban
du Najd.

III Une nouvelle identification des bny-


cmrm

Comme on vient de le voir, la signification de plusieurs passages et


l'identification des toponymes et des ethnonymes reposent sur l'inter-
prétation d'ensemble du texte, qui dépend elle-même, dans une certaine
mesure, de l'identification des lieux et des acteurs. Parmi ces derniers,
ce sont les bny-'mi"' (11. 3 et 5) qui présentent une importance cru-
ciale, puisque leur révolte déclenche les opérations militaires. La diffi-
culté réside dans le fait que 'mi"' (qui peut se lire 'Amr, 'À.mir, 'Amar,
'Ammar ou même 'Umar) est un anthoponyme/ethnonyme très commun.
32 Christian Julien Robin

A L'hypothèse de Jacques Ryckmans: les bny-'mrm


sont les banü 'Amir b. $a'l?a'a
Dans l' editio princeps Gonzague. Ryckmans se contentait de faire un
rapprochement peu significatif avec une tribu contemporaine: "lors de
la délimitation de la frontière entre l'Arabie sa'üdite et le Yémen, 'Khaw-
lan' et 'QaJ.itan' furent attribués aux bani 'Âmir (Philby, Arabian High-
lands, 1952, p. 405)" (p. 280).
Mais la même année 1953, Jacques Ryckmans faisait une proposition
plus argumentée: "On pourrait identifier les ,banü 'mrm aux banü 'Âmir
b. $a'~a'a, nom générique des Hawazin. Ils h~bitaient le long de la mer
Rouge, et jusqu'au Tathlîth (la région de Murayghan) et au Najran"
(1953, p. 341). Cette proposition a été acceptée depuis lors - fait très
exceptionnel - de façon unanime. Elle permettait de proposer une in-
terprétation vraisemblable tles événements, articulée avec une identifica-
tion satisfaisante des toponymes. On notait ainsi que Turaba, qui serait
le nom arabe du Trbn de l'inscription (1. 6), appartenait précisément
aux Banü 'Â.mir b. $a\:;a'a, comme le rapporte al-Bakrî, déjà cité (s.v.:
wa-huwa mawçf,i' fi biliid banï 'A mir).
Cette identification des bny-'mrm avec une grande tribu de l'Arabie
occidentale a déterminé l'interprétation du texte. Abraha mentionnait
donc deux adversaires, un en Arabie centrale (Ma'addum, dont le centre
se trouve à Ma'sal, à quelque 200 km à l'ouest de la moderne al-Riyaçl.) 49
et un second en Arabie occidentale. On pouvait en déduire qu'il y avait
deux armées, opérant dans ces deux directions.
Voici comment Jacques Ryckmans comprenait la séquence des opé-
rations en 1953: "L'expédition est présentée comme une campagne de
répression, à la suite d'une razzia de la tribu de Ma'add, qui profitait
d'un soulèvement des banü 'Â.mir. Le roi envoie Abgabar, à la tête de
Kinda et 'Al (?), contre les banü 'Âmir, tandis qu'un autre général, à
la tête des tribus de Sa'd et Murad, combat vraisemblablement contre
Ma'add. Un engagement & lieu •à Tr;bn, et le roi frappa les fuyards à
~aliban" (p. 340). Il en concluait que "la tribu de Ma'add se trouvait,
au moins en partie, en dehors de l'influence l;limyarite, tandis que les
banü 'Âmir avaient tenté de s'y soustraire" (p. 340).
L'année suivante, A.F.L. Beeston poussait un peu plus loin la logique
de cette interprétation en observant: "Il y a une claire distinction entre,
49 C'est à Ma'sal que sont gravées les trois inscriptions royales J:iimyarites
commémorant l'instauration de la domination J:iimyarite sur Ma'addum (Ry 509,
c. 445) et son renouvellement (Ma'sal 3 inédite, 584 J:iim. soit 474-475 è. chr.; Ry 510,
dhü-qay~ân 631 J:iim., soit juin 521). C'est également à Ma'sal que Nu'mânân et
Muçlar sont reçus, apparemment par un roi de J:Iimyar (al-'Irâfa 1/4). L'importance
de Ma'sal est confirmée par la poésie préislamique (Thilo 1958, pp. 68-69, quatre
mentions).
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 33

d'un côté, la campagne conduite par 'bgbr et Bs2 r contre les rebelles
banü 'Amir sur la route de Trbn, décrite dans toute la séquence w-mb,rj,w
w-rj,rw . . . d-'s 1 m, et d'un autre côté les opérations du roi lui-même
contre les Ma'adènes à I:laliban. Ces deux campagnes doivent en fait
avoir été complètement distinctes si J[acques] R[yckmans] a raison (ce
qui semble probable) en plaçant I:laliban à 420 km au nord de Murayghan
dans la direction de I:Iïra, et les banü 'À.mir à l'ouest de Murayghan, le
long de la côte de la mer Rouge" (1954, p. 391).
Toutes les études postérieures - et notamment celle de M.J. Kister
et de 'Abd al-Mun'im Sayyid - reprennent l'interprétation proposée
par A.F.L. Beeston. En tenant compte des corrections et améliorations
apportées depuis 1953, voici comment se présenteraient les deux opéra-
tions:
a. La réduction d'une révolte des banü 'Amirum en Arabie occidentale
Deux colonnes formées de contingents de quatre tribus arabes yémé-
nites, l'une commandée par le [kindite] Abîgabr et l'autre par Bishrum fils
de I:Ii~num (inconnu par ailleurs), sont chargées de mater une révolte des
banü 'Amirum [b. $a'sa'a]. Elles infligent des pertes importantes (tués,
prisonniers et butin) aux révoltés lors de deux batailles qui ont lieu à
dhü-Marakh et à Tura.ban. Il n'est pas dit que les révoltés se soumettent
et remettent des otages. C'est donc une opération sans conclusion, qui
peut être considérée comme un échec.
Les quatre tribus arabes qui fournissent des auxiliaires sont Kinda
(sab. Kiddat) et trois fractions de Madhl).ij: 'Ula, Sa'd {al-'Ashîra] et
Murad.
L'identification de dhü-Marakh est discutée: ce pourrait être un wadï
du Najd septentrional (Sayed 1988, p. 132)·ou un toponyme des environs
de Makka (Yaqüt, entrée "Murakh"). Quant à Tura.ban, ce toponyme
correspondrait à la moderne Turaba, à 200 km à l'est de Makka.
b. Une victoire du roi Abraha en Arabie centrale à I:Ialiban
Pendant ce temps, Abraha défait à I:Iuluban (à 300 km au sud-ouest
d'al-Riyaçl) la tribu de Ma'addum qui se soumet et remet des otages.
Après des pourparlers avec le N~ride 'Amr fils d'al-Mundhir III qui lui
donne son fils en otage, Abraha nomme 'Amr (ou bien le fils de ce dernier)
gouverneur de Ma'add ( s1 tb,lf-hw 'ly M' d"'). Il présente cette opération
comme un succès alors, qu'en réalité, il remet le pouvoir aux Na~rides
d'al-I:Iîra. L'Arabie centrale est donc perdue au profit des N~rides et
des Perses sasanides.
Tous les commentateurs s'interrogent naturellement sur une éven-
tuelle relation entre ces opérations et la fameuse "Campagne de !'Élé-
phant,'' dirigée par Abraha contre Makka, dont on aurait un écho dans
le Coran (sourate CV, "L'éléphant"):
34 Christian Julien Robin

N'as-tu point vu comment ton Seigneur a traité les Hommes


de l'Éléphant? 1 N'a-t-il point fait tourner leur stratagème
en confusion? 1 N'a-t-il point lancé contre eux des oiseaux,
par vols, 1 qui leur jetaient des pierres d'argile,! en sorte
que ton Seigneur en fit comme feuillage dévoré? (traduction
Blachère).

Il s'agit là de l'un des mythes fondateurs de la suprématie qurayshite


en Arabie occidentale à la veille de l'hégire. Or, comme l'a montré
M.J. Kister, la date de l'inscription, 552, est précisément l'une des
dates que la Tradition arabo-islamique attribue à cette "Campagne de
!'Éléphant." Si on ajoute que, selon l'inscription, Abraha lancerait des
opérations militaires en Arabie occidentale, il n'est pas surprenant que
certains chercheurs - principalement des spécialistes du Yémen an-
tique - ont été convaincus que les deux sources se rapportaient aux
mêmes événements. En revanche, les islamisants, comme Robert Simon,
Lawrence Conrad ou 'Abd al-Mun'im Sayyid, sont restés dubitatifs.

B Une nouvelle interprétation: les bny-'mrn sont les


descendants de I;Iujr A.kil al-Murar b. 'Amr
Notre réexamen du texte amène à la conclusion que l'identification des
bny-'mrm avec la tribu des banü 'Amir b. $a'~a'a est infondée.
Ry 506 = Murayghân 1 rapporte une expédition contre Ma'addum à
la suite de la révolte de "tous" les bny-'mrm. Deux colonnes attaquent
les bny-'mrm et leur inflige de lourdes pertes. En conséquence, Ma'addum
se soumet et remet des otages. Ce simple rappel met en évidence que
les bny-'mrm sont les chefs de Ma'addum, et non une tribu distincte de
Ma'addum comme le supposaient les commentaires antérieurs. l
Cette conclusion s'accorde parfaitement avec une pratique rédac-
tionnelle constante des ihscriptions. Les tribus, que ce soit celles du
Yémen ou celles de l'Arabie désêrte, Sont toujours désignées par un sim-
l
1
1
ple nom propre. On ne connaît aucun exemple de groupe tribal dont ~
le nom soit introduit par un terme de parenté (bnw/bny, 'wld etc.).
Pour l'Arabie déserte, les principales tribus attestées sont: 'Abdqaysân
l
('bdqys 1 n, arabe 'Abd al-Qays), Asdân ('s 1 ~, 's 1 d, l-'s 1 d, arabe al- l
Asd/al-Azd), Ghassan ( Gs 1 n), Iyad ('y!l), Kiddat (Kdt, arabe Kinda),
Ma'addum (M'd!"', arabe Ma'add), Madhl;tigum (Mdl;gm, arabe Madhl:iij),
Muçlar (Mçl,r), Muradum (Mrd!"', arabe Murad), Nakha'an (Nb.'n, arabe
al-Nakha'), Nizârum (Nzrm), Sa'dum (S1 'd17", arabe Sa'd al-'Ashîra),
Tanükh (Tn!J,), ':j:'ayyum ('J'ym) et 'Ula ('lh, 'l).
Les noms propres introduits par banü ( bnw ou bny) désignent tou-
jours des familles ou des lignages. Quand ils sont mentionnés en relation
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 35

avec une commune ou une tribu, ils sont d'ordinaire les seigneurs ou les
princes de cette dernière. Pour l'Arabie du Sud, on se reportera par
exemple à:
- CIH 334/26, "Puisse Ta'lab leur accorder 25 la faveur et la bien-
veillance de leur seigneur Sha'rum Awtar roi de Saba' et de dhü-Raydan
et (celle) de leurs seigneurs les banü Hamdan et de leur commune I:Jashi-
dum" (w-l-s 1 'd-hw T'{lbj 25 f:i?Y w-r<f,w mr'-hmw S 2 'rm 'wtr mlk S 1 b'
[w-]2 6 [d-]Ryd" w-'mr'-hmw bny Hmd" w-s 2 'b-hmw Ifs 2 dtn]);
- Robin-al-Mashamayn 1/1-2, "Conformément à ce que se sont im-
posé et ont accepté les banü ë<f,2 bm et Drmt et la commune de la ville
de Madarum ... " (f:ign k-tqhw w-s 1 twddn bnw G{<f,j2bm w-Drmt w-s2 'bn
d-hg'f" Mdfffi ... ).
Pour l'Arabie déserte, les exemples sont moins nombreux:
- Ry 510/8, "et avec les banü Tha'labat et Muçlar" ( w-b-'m bny
Tlbt w-M<f,r);
-'Abadan 1/29-30, w-f:ir30 bw 's 2 rtn S 2 nm w-bny Nkrt, "et ils firent
à guerre à la tribu Shannum et aux banü Nukrat" 50 .
Il paraît donc assuré que les bny-'mrm ne sont pas une tribu, mais les
princes de Ma'addum. Il est possible de les identifier plus précisément:
ces bny-'mfffi sont vraisemblablement la dynastie kindite qui descend de
'Amr, le père de I:Jujr Akil al-Murar (à savoir les princes que j'ai appelés
"I:Jujrides"). La Tradition arabo-islamique rapporte que les I:Jimyarites
ont placé à la tête de Ma'addum un lignage kindite. Trois princes (con-
sidérés comme des "rois" par la Tradition) se succèdent de père en fils:
I:Jujr fils de 'Amr (surnommé "le Mangeur d'herbes amères," Â.kil al-
Murar ) 51 , son fils 'Amr (surnommé "le Limité," al-Maq~ür) et son petit-
fils al-I:Jarith (surnommé "le Roi," al-Malik). Ce dernier fut l'un des
personnages les plus marquants de l'Arabie déserte en son temps: il est
crédité d'un règne particulièrement long (60 ans ou 40 selon les sources 52 )
et il aurait réussi à occuper la capitale des Na~rides d'al-I:Jîra. Après la
mort d'al-I:Jarith al-Malik, tué par al-Mundhir III peu avant avril 528 53 ,
la discorde s'installe: Shura4bîl b. al-I:Jarith, qui avait reçu de son père
le pouvoir sur Rabra, déclare la guerre à son frère Salama, à la tête
de Tamîm: la bataille décisive, au cours de laquelle Shura4bîl est tué,
est le fameux premier Yawm K ulab, qui oppose principalement Bakr et
Taghlib. Imru' al-Qays b. I:Jujr, le célèbre poète préislamique, est un
50 Pour ces deux noms, enregistrés dans les généalogies d'lbn al-Kalbï, voir Caskel
1966-1, tableau 168.
51 C'est sans doute ce roi qui grave l'inscription lfgr bn 'mrm mlk Kdt aux environs
de Najran (Gajda 1996).
52 Ibn al-Kalbï, Nasab, pp. 168-169; Olinder 1927, p. 54.
53 Malalas, Chronographia, XVIIl.16. Avril 528 correspond au retour de
l'expédition punitive chargée de venger le meutre d'al-I;Iarith al-Malik.
36 Christian Julien Robin

petit-fils d'al-I:Iarith54 •
Un autre rameau des rejetons de 'Amr, le père de I;Iujr A.kil al-Murar,
a joué un rôle important en Arabie centrale: ce sont les descendants de
Mu'awiya al-Jawn ("à la peau sombre") fils de I;Iujr A.kil al-Murar, qui
règnent sur la Yamâma et à Hajar, sans doute sous la tutelle de la
branche aînée. Ils perdent le pouvoir après la bataille de Jabala (yawm
J abala) et se replient sur le I;Iaçl.ramawt 55 .
Un troisième rameau, qui n'a pas encore été mis en évidence par les
chercheurs ayant traité de Kinda, semble avoir également eu une position
élevée comme nous allons le voir, les descendants de Imru' al-Qays fils
de 'Amr al-Maqi;;ür et de son épouse Kabsha.
Le paragraphe dans lequel Ibn al-Kalbî traite de la généalogie de tous
ces princes est d'ailleurs intitulé "Voici les banü 'Amr b. Mu'awiya" 56 .
al-Hamdanî, à plusieurs reprises, appelle également la famille royale kin-
dite "les banü 'Amr b. Mu'awiya" 57 •
Il n'est sans doute pas inutile de rassembler l'ensemble des données
généalogiques relatives aux familles régnantes de Kinda dans un tableau
récapitulatif:

54 Olinder 1927, pp. 70 et suiv. Voir aussi Caussin 1847-II, p. 265-334.


55 Voir Olinder 1931; Caussin 1847-II, pp. 472-487.
56 Nasab, p. 168: Wa-hâ'ula'i banü 'Amr b. Mu'iiwiya.
57 Al-Iklïl VIII, p. 90, ''Tarîm est l'endroit des rois issus des banü 'Amr b.
Mu'awiya" (wa-Tarïm, mawçli' al-mulük min banï 'Amr b. Mu'iiwiya) (idem dans
al-Bakrï, "Tarïm," p. 311); $ifa, 88/25-89/1-2: "ce sont les banü Mu'âwiya b. Kinda
dont sont issus les rois portant le diadème ( mutawwajün), soixante-dix dit-on, les pre-
miers, Thawr et Murti', les deux fils de 'Amr b. Mu'âwiya, et le dernier, al-Ash'ath b.
Qays al-Kindï b. Ma'dî Karib." Dans ce dernier texte, la formulation d'al-Hamdanï
est inexacte: si Thawr et Murti' (ou Muratti') sont effectivement les premiers rois de
Kinda, ils ne sont pas "les deux fils de 'Amr b. Mu'âwiya," mais deux ancêtres (voir
Caskel 1966-1, tableau 233). Voir aussi al-Hamdânï, $ifa, 88/24.
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 37

KINDA
Mu'awiya Ashras

'Amr (Muratti') al-Saktln al-Sakakik


Thawr
Mu'nwiya
Mu'liwiya b. al-l;ll!rith al-Akbar

al-I;ll!rith al-~ghar 'Amr


bana 'AMR b. Mu'A WIYA
1
Mu'awiya al-Akramün /:fujr Akil a/-Muriir al-l;l!!rith al-Walli!.da

'Amr a/-Maq$ür Mu'nwiya al-Jawn


Âlal-JAWN
a/-/jiirith al-Malik Irnru '1-Qays ép. Kabsha
banOKABSHA

1 Shural.ibfl Ma'dikarib Salama Qays l;lujr 1


bana JABALA Imru' al-Qays (poète) bana WALI'A
1

1
Ma'dlkarib
Qays
al-Ash'ath (Ridda)

Les bny-'mr"' de l'inscription d'Abraha seraient donc les descendants


de 'Amr b. Mu'awiya, le père de I:Iujr A.kil al-Murar, à savoir la famille
royale de Kinda.
Une autre hypothèse, reconnaître dans les bny-'mrm non pas tous
1 les princes kindites, mais seulement un rameau, paraît m9ins vraisem-
blable. Elle pourrait se fonder sur le rapport rédigé par l'ambassadeur
byzantin Nonnosos, déjà évoqué. Nonnosos relate que Justinien l'envoya
auprès du Kindite Kaïsos (arabe Qays) pour le convaincre d'abandonner
ses responsabilités à la tête des Maddènes (Ma'add) et des Chindènes
(Kinda). Cette première ambassade échoua, mais une seconde, dirigée
son père Abramês, fut couronnée de succès:
Kaïsos, après une seconde ambassade d'Abramês auprès de
lui, vint à Byzance; il partagea sa chefferie (phylarchie} entre
ses frères Ambras (='Amr} et Iezidos (= Yazïd} et il reçut
lui-même de l'empereur le commandement sur les Palestines;
il amenait avec lui beaucoup de ses sujets.
On apprend donc qu'un certain Ambras frère de Kaïsos ('Amr frère de
Qays) reçut le commandement sur une partie des tribus fidèles aux
I:Iujrides. La date du départ de Kaïsos n'est pas connue. On sait
seulement qu'elle est postérieure à 531, peut-être d'une dizaine d'années
(Annexe B). Je reviendrai sur l'identité de ce Kaïsos.
Si nous nous tournons vers les inscriptions d' Abraha, on relève que ce
roi réprime tout d'abord une révolte de Kiddat (Kinda) au I:Ia<;lramawt,
38 Christian Julien Robin

dont l'initiateur est Yazïd b. Kabsha ( Yzd bn Kbs 2 t, CIH 541/10-11,


daté de mars 548). Ensuite, dans l'inscription de Murayghan, datée
de septembre 552, c'est une révolte de "tous les bny-'mrm" en Arabie
déserte que le roi cherche à réduire. Les inscriptions mentionnent donc
les noms de Yazïd et de 'Amr, qui font naturellement penser aux deux
frères qui succèdent à Qays à la tête de Kinda et de Ma'addum. Les bny-
'm~ pourraient donc être les fils du 'Amr qui succède à Qays en Arabie
centrale. L'expression bny-'mrm (alors qu'on attendrait la mention de
'Amrum lui-même) s'expliquerait par le fait que ce 'Amr est mort ou
hors d'état de combattre. Cette hypothèse, cependant, explique mal le
"tout" (kl) qui qualifie les bny-'m~.
À l'identification des banu 'mrm avec des princes kindites (que ce
soit les banu 'Amr b. Mu'awiya ou les descendants de 'Amr frère de
Qays), on pourrait objecter que Kinda, sous la conduite d'Abïgabr, par-
ticipe à l'expédition aux côtés d'Abraha. Il ne semble pas qu'il y ait
là une véritable difficulté. Il est fréquent, dans le monde tribal, que
deux fractions d'une même tribu et même deux branches d'un même
lignage s'affrontent sur le champ de bataille: les descendants d'al-I;Carith
al-Malik en offrent un bel exemple, comme nous l'avons vu.
Pour compléter le tableau, il reste à examiner si les personnages men-
tionnés dans les sources antiques -Abïgabr qui commande l'une des
deux colonnes de l'armée d'Abraha (Ry 506 = Murayghan 1/4), Yazïd b.
Kabshat qui se révolte contre Abraha ( CIH 541/10-11), Kaïsos auprès
duquel Nonnosos est envoyé comme ambassadeur - sont identifiables
avec des personnages de la Tradition arabo-islamique.
a. Abïgabr ('bgbr)
L'inscription Ry 506 = Murayghan 1 n'indique pas explicitement
qu' Abïgabr est kindite, mais elle le suggère puisqu'il commande les con-
tingents de Kinda et de 'Ula. Or M.J. Kister a remarqué que le souvenir
d'un Kindite nommé Abu 'l-Jabr était conservé dans une poignée de
traditions rapportées notamment par Ibn Durayd (al-Maq~üra) 58 • Abu
'1-Jabr, un membre de la famille royale kindite, en conflit avec les siens,
aurait sollicité l'aide de Kisrà, le souverain sasanide 59 , qui lui aurait
accordé une petite force prélevée sur ses troupes montées ( al-Asawira);
mais à peine arrivés dans le désert, les hommes de cette force auraient
décidé de rentrer et auraient mis du poison dans sa nourriture. Abu '1-
Jabr, àffaibli par la souffrance, aurait accepté de les laisser partir, avec
une lettre de congé. Mais il aurait survécu au poison, aurait été traité à
al-'fa'if, puis serait mort peu après. M.J. Kister reproduit le thrène qui
aurait été composé par une tante paternelle nommée Kabsha.
58 Kister 1966, pp. 434-436; voir aussi Ca.skel 1966-II, p. 251; Gajda 2009, p. 141.
59 Selon Ca.skel, Khosraw 1 (531-579).
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 39

Toujours selon M.J. Kister, Ibn Khallikan ( Wafayiit), qui rapporte


également quelques traditions relatives à Abu 'l-Jabr, ajoute un détail
important, deux versions plus complètes de son nom: soit Yazîd b.
Shural:ibU al-Kindî soit Abu 'l-Jabr b. 'Amr. Se fondant également sur
les deux versions concernant Kabsha que donne al-Baladhurî (al-An~iib),
M.J. Kister conclut que 'bgbr peut être identifié avec l' Abu 'l-Jabr (Abu
Jabr chez Ibn Khallikan) des traditions et qu'il appartient aux Al al-
Jawn.
Les généalogies d'Ibn al-Kalbî amènent à conclure différemment. On
y relève deux Abu '1-J abr:
1. Abü '1-Jabr b. 'Amr b. Yazîd b. Shural:ibîl b. al-I:larith al-Malik
b. 'Amr al-Maq~ür b. I:Iujr Akil al-Murar b. 'Amr b. Mu'awiya (Caskel
1966-I, tableau 238, reproduit Tableau A). C'est bien lui que mentionne
Ibn Khallikan soit en l'appelant par son nom soit en le confondant avec
son grand-père. Il n'a pas de "tante paternelle" nommée Kabsha, mais
une parente éloignée: Kabsha bint Imru' al-Qays b. 'Amr b. Mu'awiya
(Tableau A), à la fois cousine paternelle et épouse de son ancêtre 'Amr
al-Maq~ur b. I:Iujr Akil al-Murar b. 'Amr b. Mu'awiya60 • Mais Abü '1-
Jabr ne descend pas de cette Kabsha dont la postérité forme un rameau
secondaire des I:Iujrides précisément appelés "banu Kabsha": voir ci-
après. Comme cette Kabsha a vécu cinq générations avant Abu '1-Jabr,
ce n'est pas elle, bien évidemment, qui a pu le pleurer.
Al-Hamdanî mentionne incidemment ce personnage à propos d'une
bourgade du I:Iac;lramawt: "Yatrab, ville au I:Iac;lramawt .dans laquelle
Kinda s'installa; Abu 'l-Jabr [dans le texte Abu '!-Khayr] b. 'Amr y
résida" 61 .
2. Abu '1-Jabr b. Wahb b. Rabra b. Mu'awiya (al-Akramun) b. al-
I:Iarith al-A~ghar b. Mu'awiya (Caskel 1966-I, tableau 237).
Contrairement à ce que conclut M.J. Kister, aucun des deux ne
descend de Mu'awiya (al-Jawn) fils de I:Iujr Akil al-Murar et frère de
'Amr al-Maq~ür.
Il reste à examiner si l'un de ces deux Abü 'l-Jabr est un candidat
sérieux à l'identification avec 'bgbr. Le premier se situe à la se génération
après l'ancêtre commun (Mu'awiya) et le second à la se. Le premier, si
sa généalogie est exacte, est un arrière-petit-fils du prince ShuraJ:ibîl b.
al-I:Iarith al-Malik, qui meurt au combat lors du premier Yawm Kuliib
60 Ibn al-Kalbî, Nasab, p. 169. Le nom de cette épouse a échappé à Olinder 1927,
pp. 48-50.
61 $ifa, p. 87 /12-13: wa-Yatrab madïna bi-.lfaçlramawt nazalat-ha Kinda wa-kiina

bi-hii Abü 'l-Jabr b. 'Amr. Voir aussi al-Hamdanî, al-Iklû II, p. 18, et al-Iklû VIII,
p. 90 (qui précise qu'Abü 'l-Jabr demande l'aide de Kisrà contre les banü '1-I:Iarith b.
'Amr b. Mu'awiya, à savoir les descendants d'a!-I:Iarith al-Wallada, le frère de I:Iujr
Àkil al-Murar); Lecker p. 336 et nn. 4 et 8.
40 Christian Julien Robin

(probablement postérieur à 528, date de la mort d'al-I:Iarith al-Malik).


Son grand-père Yazïd appartient à la même génération que le grand
poète Imru' al-Qays (b. I:Iujr b. al-I:larith al-Malik). Il semble donc peu
vraisemblable que cet Abu '1-Jabr ait l'âge de commander une armée en
552.
Le second, en revanche, appartient à la même génération que le prince
Shura}:ibïl b. al-I:larith al-Malik. Il peut être un homme d'âge mûr en
552.
On peut ajouter que le premier Abu 'l-Jabr descend de 'Amr b.
Mu'awiya (le père de I:Iujr Akil al-Murar), tandis que le second est issu
d'un frère de ce même 'Amr (al-I:larith b. Mu'awiya) dont descendent
également les derniers rois de Kinda à l'époque de Mu}:iammad.
Abu '1-Jabr b. Wahb b. Rabï'a b. Mu'awiya (al-Akramun) apparaît
comme un meilleur candidat à l'identification avec 'bgbr, le chef des Kin-
dites de l'armée d'Abraha pour des raisons chronologiques et parce qu'il
n'appartient pas aux baniî 'Amr b. Mu'awiya (identifié aux bny-'mrm)
qu'il est chargé de combattre.
b. Yazîd b. Kabshat ( Yzd bn Kbs 2 t)
Selon l'inscription CIH 541/10--11, Yazïd b. Kabshat est le gou-
verneur (bJft) qu'Abraha a nommé sur Kiddat. Il n'est pas dit que c'est
un kindite, mais cela paraît plausible. C'est au I:laçlramawt que Yazïd
se révolte en 547.
Les généalogies d'Ibn al-Kalbî appellent "banu Kabsha" - comme
nous venons de le voir - les descendants d'Imru' al-Qays fils de 'Amr
al-Maqf?ür et frère d'al-I:larith al-Malik, parce que la mère de cet Imru'
al-Qays s'appelait Kabsha bint Imru' al-Qays b. 'Amr b. Mu'awiya (Tab-
leau A) 62 . Parmi ces descendants, on compte deux Yazîd: un fils (Yazîd
b. Imru' al-Qays b. 'Amr al-Maqf?ür) et un arrière petit-fils (Yazîd b.
ShuraJ:.ibîl b. Yazîd b. Imru' al-Qays b. 'Amr al-Maqf?ür) (Nasab, p. 171 et
Tableau A). On ne saurait dire lequel des deux est le meilleur candidat
à l'identification avec l'adversaire d'Abraha.
Les banu Kabsha ne sont pas complètement ignorés par la Tradition.
L'un d'entre eux, appelé Ibn Kabsha, est mentionné dans plusieurs frag-
ments poétiques se rapportant à la bataille de dhu Najab (yawm dhü
Najab), qui serait postérieure d'une année à la bataille de Jabala (qui
mit fin au règne des Al al-Jawn en Arabie centrale). Cet Ibn Kabsha,
dont le nom complet serait I:lassan b. Kabsha, ou I:Iassan b. Mu'awiya
b. I:Iujr, serait "l'un des rois du Yémen" (ou de Kinda) 63 .
62 Nasab, p. 169.
63 Olinder 1931, pp. 225-228. Se fondant sur la généalogie d'Ibn Kabsha, Olinder
confond les lignages de Kabsha et d'al-Jawn (comme le fait ensuite Kister, à propos
d'Abü 'l-Jabr).
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 41

Ces données éparses conduisent à conclure que les banü Kabsha con-
stituent un rameau kindite qui a joué un rôle notable vers le milieu du
v1° siècle, au Yémen semble-t-il plutôt qu'en Arabie centrale.
c. Kaïsos (arabe Qays), son fils Mauïas (Mu'awiya) et ses frères Am-
bros ('Amr) et Iezidos (Yazîd)
Après la mort du Kindite Arethas (al-I:larith al-Malik b. 'Amr b.
I:Iujr) fin 527 ou début 528 (voir ci-dessus), l'un de ses descendants
(probablement un petit-fils), nommé Kaïsos [Qays], est le candidat de
Byzance pour la succession.
Nous disposons de deux sources différentes sur ce personnage. La
première, les Guerres de l'historien Procope, nous éclaire sur le contexte
politique et militaire en Arabie au printemps 531, quand Jµstinien en-
voie une ambassade en Éthiopie et en Arabie du Sud64 . L'ambassadeur
Ioulianos, qui a pour instructions d'inciter Aksüm et I:Iimyar à s'engager
aux côtés de Byzance dans la guerre contre la Perse, doit notamment
demander au souverain J:iimyarite d'"établir (Kaïsos) comme phylarque
sur les Maddènes."
Ce Kaïsos qui est issu d'"une famille de phylarques" (c'est-à-dire de
chefs de tribus) est "extrêmement doué pour la guerre." C'est sans doute
pour cela que les Romains le choisissent. Mais il présente un sérieux in-
convénient. Il est un "fugitif" (Kaison ton phygada), en mauvais termes
avec le roi J:iimyarite dont il a "tué un des parents" de sorte qu'il "a fui
sur une terre complètement vide d'hommes."
La seconde source est le rapport de l'ambassadeur Nonnosos, qui est
connu grâce au résumé qu'en donne Photios. La mission de Nonnosos
est postérieure à celle de Ioulianos 65 . Kaïsos, "chef des Saracènes" est
alors "à la tête de deux tribus des plus en vue parmi les Saracènes,
les Chindènes et les Maadènes,'' c'est-à-dire de Kinda et de Ma'add.
Nonnosos nous éclaire sur le lien de parenté qui relie Kaïsos à Arethas,
"chef lui aussi": il en est le "descendant" ( apogonos ), ce qui implique
qu'il n'est pas l'un de ses fils.
Un "traité de paix" lie désormais Kaïsos à l'Empire. Il a été négocié
par "le père de Nonnosos, avant la désignation de ce dernier comme
ambassadeur ... sur l'ordre de Justinien." Une clause de ce traité était
l'envoi du "propre fils de Kaïsos qui s'appelait Mauïas ... auprès de Jus-
tinien à Byzance."
Quant à Nonnosos, il a pour mandat de "ramener si possible Kaïsos
auprès de l'empereur et (de) parvenir jusqu'au roi des Axoumites (Éles-
baas était alors le maître de cette peuplade) et, en outre, pousser jusque
64 Procope, Guerres, I.20.9 sv., et Annexe A. Concernant la date, voir Beaucamp
2010, pp. 205-206.
65 Photios, Bibliothèque, 3 = HENRY 1959, pp. 4-5, et Annexe A et B.
42 Christian Julien Robin

chez les Amérites."


Kaïsos ne se rend pas immédiatement aux raisons de Justinien. Il
faut "une seconde ambassade,'' dirigée cette fois par Abramês, le père
de Nonnosos pour que Kaïsos accepte de se rendre à Byzance, après
avoir partagé "sa propre phylarchie entre ses frères Ambros et Iezidos."
Il reçoit alors de l'empereur "le commandement sur les Palestines ; il
amenait avec lui beaucoup de ses sujets."
Nous apprenons ainsi que Kaïsos, "descendant" (et non fils) d'Are-
thas, a des frères qui se nomment Ambros ('Amr) et Iezidos (Yazïd) et
un fils qui s'appelle Mauïas (Mu'awiya).
Le gouvernement de ce Kaïsos/Qays, qui se situe au début du règne
de Justinien, dure suffisamment de temps pour que trois ambassades lui
soient envoyées. Il s'achève par une émigration en Palestine, à une date
inconnue, qui pourrait se situer vers 540, au moment où la guerre entre
Byzance et la Perse se rallume (Annexe B).
L'identification de Kaïsos présente de13érieuses difficultés. De longue
date 66 , on l'a assimilé avec le Qays mentionné dans l'une des célèbres
"odes suspendues" (mu'allaqat), celle d'al-I:larith b. I:lilliza. On rap-
porte que cette ode a été déclamée devant le souverain naJ?ride 'Amr
b. Hind (554-569). Un conflit opposant Bakr b. Wa'il - la tribu d'al-
I:Iarith b. I:Iilliza - à la tribu Taghlib b. Wa'il avait été soumis au roi.
Le héraut de Bakr était al-I:Iarith b. I:lilliza et celui de Taghlib le poète
'Amr b. Kulthum (le futur assassin du roi 'Amr).
Al-I:Iarith, dans son ode, fait valoir les mérites de Bakr, notamment
au service des N aJ?rides. Il rappelle ainsi le rôle joué par sa tribu quand
un certain Qays, à la tête de Ma'add, attaqua un NaJ?ride et fut défait à
Thahlan, en Arabie centrale, à quelque 300 km à l'ouest de la moderne
al-Riyaçl:

"Ô toi qui nous calomnies auprès de 'Amr, mettras-tu un


terme à tes fausses imputations?
Nous avons à sa bienveillance trois titres que personne ne
saurait nous contester.
L'un, nous l'avons acquis à l'orient de Shaqïqa 67 , lorsque
parurent avec leurs drapeaux de nombreuses tribus issues de
Ma'add,
se pressant autour de Qays, fortes de la présence de ce héros
du Yémen, à l'aspect imposant" 68 •
66 Voir déjà Caussin 1847-II, p. 92, n. 1.
67 Ce toponyme est inexpliqué. Il rappelle le nom de la mère ou de l'aïeule du roi
n~ride al-Mundhir (voir Robin 2009, pp. 185).
68 Voir al-Tabrïzï, Sharl;, pp. 321-322; Ibn al-NaJ;tJ.ias, Sharl;, II, pp. 82-83, vers

"
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 43

Al-J:lârith ne précise pas que Qays est un prince kindite. Mais deux
indices le laissent supposer: d'une part Qays est à la tête de Ma'add
et d'autre part il est curieusement qualifié de kabsh qara?ï, mot-à-mot
"bélier tannifere" (vers 71 ou 54), expression qui renvoie probablement
au Yémen 69 .
l' Le Kaïsos de Procope et Nonnosos (assimilé avec le Qays d'al-J:lârith

~,,
b. J:Iilliza) a d'abord été identifié avec le fameux poète Imru' al-Qays
b. J:Iujr b. al-J:lârith al-Malik. Deux arguments plaidaient en ce sens:
ils sont l'un et l'autre des petis-fils d'al-J:Iârith al-Malik et ont fait le
voyage de Constantinople70 . Mais le nom ne correspond pas exactement:
1

Gunnar Olinder fait justement remarquer que l'anthroponyme Imru' al-


1 Qays est attesté en grec sous la forme A morkesos 71 .
~ Une solution qui paraît meilleure a été proposée par Gunnar Olin-
~ der72: Kaï1:1os serait le prince nommé Qays b. Salama b. al-J:larith al-
1 Malik qui guerroya contre le nlli?ride al-Mundhir si l'on en croit Yâqüt,
1
entrée "Dayr Barn Marïna" 73 .
1 Il est possible aujourd'hui d'apporter quelques compléments à cette
1
hypothèse, grâce à la publication de nouvelles sources. Les généalogies
d'Ibn al-Kalbï confirment que Salama b. al-J:larith al-Malik a un fils
nommé Qays 74 . Quant à Ibn J:Iabïb, il nous apprend incidemment que
1

ce Qays l'!- un frère appelé Yazïd - tout comme Kaïsos en a un nommé


Iezidos - dans une énumération des "grands guerriers du Yémen" (al-
1

jarrarun min al-Yaman): "J:!ujr b. Yazïd b. Salama le Kindite et Qays b.


1
Salama le Kindite" 75 . Salama aurait donc eu au moins trois fils: Qays 76 ,
1

1
70-74; Ya'qüb 2004, pp. 32-33, vers 53-57; Caussin 1847-11, p. 370; Berque 1979,
pp. 94-95; Shahîd 1995 a, 1/1, pp. 164-165 et notes. Au vers 70/53, les éditions
arabes préfèrent jii'ü jamï'an, alors que la lectio difficilior jâ'at Ma'adà"n semble
préférable.
6 9 Caussin 1847-11, p. 370, "héros du Yaman"; Berque 1979, p. 95, "Bélier tan-
nifère," et n. 11, p. 169. L'arabe qarar- signifie "feuilles du bois salam employées
dans la préparation des cuirs" (Kazimirski, qui ajoute: "Bilâd al-Qarar., surnom du
Yémen, de l'Arabie Heureuse).
°
7 Caussin 1847-II, pp. 302-303, 311-312.
71 Olinder 1927, p. 115; Letsios 1989.
7 2 Olinder 1927, pp. 114-117.
7 3 Olinder 1927, p. 117.
74 Caskel 1966-1, tabl. 238. Noter qu'al-I;larith al-Malik a également un fils nommé
Qays, mais ce Qays n'est pas un bon candidat à l'identification avec Kaïsos: on
imagine mal Nonnosos - qui connaissait personnellement Kaïsos - le qualifier de
"descendant" d' Arethas s'il avait été son fils.
75 Ibn I;Iabïb, al-Mu~abbar, p. 252. Olinder savait qu'un cousin du poète lmru'
al-Qays b. I;Iujr b. al-l:iarith al-Malik s'appelait Yazïd, et que ce Yazïd pourrait être
un fils de Salama, mais il n'en avait pas la preuve (1927, pp. 108 - où ce Yazïd est
appelé "Yazïd b. al-I;larith" et 117).
76 Ibn al-Kalbï dans Caskel 1966-I, tabl. 238; Ibn I;Iabïb.
44 Christian Julien Robin

Malik77 et Yazîd78 .
Une dernière piste se présente: al-l:Iarith b. I:Iilliza qualifie curieuse-
ment Qays de kabsh qam?ï. Ce terme de kabsh pourrait être une allusion
à son ascendance, puisqu'un important rameau des I:Iujrides s'appelle
précisément les banü Kabsha (voir ci-dessus).
Ce qui donne un peu de consistance à cette hypothèse est le fait que
le Kindite qui se révolte contre Abraha au I:Ia<;l.ramawt en 547 s'appelle
Yazîd b. Kabshat (Yzd bn Kbs 2 t) (CIH 541/10-11). Si on identifiait ce
Yazîd avec le Iezidos de Nonnosos, il en résulterait que l'identité véritable
de Kaïsos est *Qays b. Kabsha.
Cette hypothèse se heurte cependant à deux difficultés. Tout d'abord,
les banü Kabsha ne sont pas les descendants d'al-I:Iarith al-Malik, mais
ceux de son frère Imru' al-Qays; il faudrait donc supposer que Nonnosos
a employé "descendant" [apogonos] dans un sens vague. Par ailleurs, Ibn
al-Kalbî ne mentionne aucun Qays parmi les banü Kabsha, alors qu'il
cite deux Yazîd.
En conclusion, dans l'état actuel de la documentation, le meilleur
candidat à l'identification avec Kaïsos est toujours Qays b. Salama b.
al-I:Iarith al-Malik. Il n'en demeure pas moins étrange que la Tradition
arabo-islamique n'ait pas ·conservé le moindre souvenir de ce person-
nage qui joua un rôle politique majeur dans les années 530, c'est-à-dire
quelques générations seulement avant Mul;tammad. C'est une nouvelle
illustration du fait que la Tradition est non seulement sélective, mais
aussi amnésique: des pans entiers de l'histoire préislamique n'ont pas
été enregistrés. Pour nourrir la mémoire, encore fallait-il qu'il y ait des
informateurs, tout particulièrement des descendants des protagonistes
puisque les anecdotes ( khabar) relatives aux événements du passé étaient
avant tout conservées et commentées au sein des familles. Or, il n'est
guère douteux que les guerres, les épidémies, les calamités climatiques
et les désordres du vie siècle ont fait disparaître une importante propor-
tion de la population de l'Arabie et du Proche-Orient. Le silence de la
Tradition sur Qays b. Salama s'explique peut-être par l'extinction de la
lignée de ce dernier.
Il importe également de relever que les généalogistes arabes ne con-
naissent ni Mu'awiya (Mauïas fils de Kaïsos) ni 'Amr (Ambras frère de
Kaïsos) ce qui rappelle utilement qu'ils n'ont enregistré qu'une infime
partie des individus ayant réellement existé. Toute identification est
donc aléatoire, d'autant plus que des noms comme Qays, Yazîd ou 'Amr
sont fort communs.

77 Ibn al-Kalbï dans Caskel 1966-I, tabl. 238.


78 Ibn I;Iabïb
--- ---------------------------
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 45

C Si les bny-<mrn sont les descendants de l:iujr A.kil


al-Murar b. (Amr, l'hypothèse d'une bataille à
Haliban perd tout fondement
L'identification des bny-'mrm avec les banü 'Amir b. $a':;;a'a avait amené
Jacques Ryckmans et A.F.L. Beeston à supposer deux séries d'opérations
parallèles: une campagne des auxiliaires arabes contre les banü 'Amirum
(b. $a'~a'a) en Arabie occidentale, avec une bataille à Trbn (et à Marakh
dont le nom n'était pas encore déchiffré); une expédition du roi à la tête
de l'armée royale (gys 2 ), se concluant par une défaite de Ma'addum à
I:Ialiban.
M.J. Kister (à la suite de Jawad 'Ali) apportait alors une nouvelle
pièce au dossier: deux fragments poétiques, attribués à un certain al-
Mukhabbal, originaire de la tribu Sa 'd de Tamïm 79 , célébraient apparem-
ment le rôle de cette tribu dans une action militaire d' Abraha à I:Ialiban
(K: I:Iuluban"):

J)arabü li-abrahata 'l-umüra80 mal},allu-ha Il lfalibanu fa-


'ntalaqü ma'a 'l-aqwali
Wa-Mul},arriq"m wa-'l-lfarithani kila-huma 11 shuraka'u-na
fï 'l-§ihri wa-' l-amwali
"Ils décidèrent pour Abraha les actions (de guerre), dont
l'emplacement // est J:Ialiban. Alors ils s'élancèrent.avec les
princes
Mul,iarriq et les deux J:Iarith, tous deux // étaient nos as-
sociés, par la parenté et les richesses"

Ou encore:

Wa-yawma Abï Yaksüma wa-'l-nasu IJ,u<f,<J,ar'm ll'alà lfalibanin


idh tuqaif4à maf},amilu-h 81
Fatal},na la-hu baba 'l-lfuif,ayri wa-rabbu-hu 11 'azïz"n yu-
79 Mme Georgine Ayoub à qui j'ai soumis ces vers - je la remercie vivement pour
son aide - me fait remarquer que Mukhabbal des Sa'd de Tamïm fut un grand poète
auquel Abü '1-Faraj al-Ii;ifahanî consacra une notice dans al-Aghanï. Mukhabbal serait
mort à l'époque de 'Umar ou de 'Uthman à un âge très avancé. Voir aussi Lyall 1918,
pp. 73-74.
80 Variante donnée par le Lisan: $aramü li-Abrahata 'l-v.müm.
81 Kister signale que "Ikhtiyarayn" (al-Mufaçiçial - al-Aii!ma'ï), éd. S.H. I:Iusayn,
The University of Dacca, Bulletin, XIX, p. 204 (p. 168 pour la traduction anglaise),
donne la variante: taqatf4à ma~asilv.-h; al-Hamdanï, lklïl II, éd. al-Akwa', p. 158:
tv.qa#à ma~ii$ilv.-h.
46 Christian Julien Robin

mashshï bi-' l-suyufi arajilu-h 82


"Le jour d' Abu Yaksüm, alors que les gens étaient présents//
à I:Ialiban, quand parvenaient ses convois chargés de tributs
(quand ses objectifs étaient atteints)
Nous lui avons ouvert la porte d'al-I:Iu9ayr (al-Kha9Ir), dont
le maître est puissant; ses fantassins défilent avec les sabres
(les [chameaux] munis de selles marchaient avec les sabres)" 83 .
Les variantes signalées en note ne changent pas grand-chose aux données
qui nous intéressent ici: al-Mukhabbal mentionne Abraha (surnommé
Abu Yaksum d'après le nom de son fils aîné) et I:laliban dans un contexte
qui semble guerrier.
M.J. Kister croyait comprendre que les banu Sa'd de Tamim (iden-
tifiés avec les Sa«J:Um de Murayghan 1) avaient été le facteur décisif de
la prise d'une forteresse appartenant à un roi puissant et défendue par
des gardes bien armés à I:Ialiban (K: "I:Iuluban").
Quel q11e soit le sens que l'on donne aux vers d'al-Mukhabbal, ce
n'est pas d'une bataille d'Abraha contre Ma'add dont il est question à
I:laliban. L'inscription Murayghan 1 va dans le même sens:
- s'il y avait eu là une bataille, l'inscription ne manquerait pas de
nommer l'adversaire et d'indiquer que ce dernier a subi de lourdes pertes;
comparer avec les batailles contre les banu 'Amrum qui se concluent par:
"ils firent des tués, des prisonniers et du butin en abondance";
- la lecture qui fondait l'hypothèse d'une bataille, celle du verbe
ml!4 "frapper" dans w-ml!4 mlkn b-Iflbn, doit être révisée; d'une part, il
est difficile - sinon impossible - de reconnaître le !J,a' et le #d dans
les traces de lettres qui subsistent à cet endroit, d'autre part, le verbe
m!J,rf, se construit toujours avec complément d'objet direct qui fait défaut
dans notre texte.
L'inscription, quelles que soient les difficultés de lecture et d'inter-
prétation, rapporte deux victoires remportées sur les banu 'Amrum et
leur conséquence: la soumission de Ma'addum. Elle ne mentionne pas de
bataille à I:Ialiban, mais seulement la présence du roi en ce lieu pour une
action de nature indéterminée.
Plutôt qu'une bataille, les vers exhumés par Jawad 'Alï et M.J.
Kister pourraient commémorer une simple démonstration de force lors
de la venue d'Abraha à I:laliban. Quant à la tribu Sa'd de Tamim,
son éventuelle participation à la prise d'une forteresse dans le Najd
82 "Ikhtiyarayn" (cité à la note précédente): 'fawaynii la-hum baba 'l-1.tU{layni wa-

düna-hu 11 'azïz"n yumashshï bi-' l-1.tiriib maqiiwilu-h.


Al-Hamdanï, Iklû II, éd. al-Akwa': Fatal.tna la-hu biib al-Khuif,ayr wa-rabbu-hu 11
'azïz'Un tamashshà bi-'l-suyüf ara/i,ilu-h.
83 Kister 1965, pp. 431-433.
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 47

n'implique nullement qu'elle est identique à Sa'dum, l'une des quatre


tribus mobilisées par Abraha contre les baniï 'Amrums4 .

IV Conclusion
Notre réinterprétation de l'inscription Ry 506 = Murayghan 1 amène à
réexaminer le rôle d'Abraha en Arabie déserte.
Au début de son règne, il est clair qu'Abraha n'a pas les moyens
d'intervenir dans les affaires de l'Arabie déserte. Il doit tout d'abord
régler son contentieux avec le négus et consolider son pouvoir au Yémen
même.
Selon Procope, Abraha renverse le roi l:Umyarite que le souverain
aksümite Hellêstheaios (= Kaleb Ella Af?bal;ta) avait placé sur le trône
après sa conquête du Yémen. Ce coup de force est quelque peu postérieur
("peu de temps après," chronô ou pollô) à la venue d'une ambassade
byzantine, sous la conduite de Ioulianos. Vu l'emplacement où Procope
traite de cette ambassade, elle serait envoyée entre avril (bataille de
Kallinikon) et septembre 531 (mort du roi sasanide Qubadh 1) 85 . Le
coup de force d'Abraha interviendrait donc dans les années qui suivent
531, peut-être vers 533.
Pendant quelque temps, Abraha est mobilisé par les tentatives de
représailles d'Hellêstheaios. Ce dernier commence par envoyer une armée
de 3 000 hommes, commandée par un de ses parents. Mais la troupe
prend langue avec Abramos (= Abraha) et, au lieu dè combattre ce
dernier, tue son chef et rejoint les rebelles. Une seconde armée envoyée
par Hellêstheaios subit un cuisant échec et se retire. Hellêstheaios "ne
fit plus d'expédition par la suite contre Abramos."
La durée de ce bras de fer entre Abraha et le négus est de plusieurs
années, sans doute au moins cinq, si on prend en compte qu'il faut
un certain temps pour mobiliser une armée et rassembler une flotte,
sans parler des conditions climatiques qui rendent difficile la traversée
de la mer Rouge en hiver. Ensuite, il s'écoule plusieurs années sans
qu'Hellêstheaios entreprenne une autre expédition. On peut donc estimer
que, de 533 à 540 pour le moins, Abraha est paralysé par la menace
aksiïmite.
L'écho de ce conflit dans la Tradition arabo-islamique 86 montre que
la crise eut un grand retentissement et pourrait confirmer qu'elle dura
84 Voir "II. C. Essai d'identification des ethnonymes et toponymes - S 1 'à"'."
85 Beaucamp et alii 1999, p. 63; Beaucamp 2010, p. 200 et n. 14 (rappel des diverses
datations déjà proposées pour cette ambassade). Certains auteurs remontent la date
de l'ambassade en 530.
86Daghfous 1995, p. 118.
48 Christian Julien Robin

un temps relativement long.


Il faut attendre la mort d'Hellêstheaios pour que la situation se nor-
malise. Abraha accepte de payer un tribut à son successeur et consolide
ainsi son pouvoir. Cette réconciliation est antérieure à l'automne 547,
date d'une conférence diplomatique à Marib, au Yémen, à laquelle par-
ticipe un ambassadeur du négus ( CIH 541/88).
Selon l'inscription CIH 541, Abraha entame en juin 547 une opéra-
tion de reprise en main dans le Yémen oriental où Kinda et d'autres se
sont révoltés. On ignore si cette révolte vient d'éclater ou si elle couve
depuis des années. Je ferais volontiers l'hypothèse qu' Abraha ne pouvait
pas entreprendre cette démonstration de force avant d'avoir normalisé
ses relations avec Aksüm. On notera par ailleurs que les premières in-
scriptions connues d' Abraha datent de février et mars 548, après la mise
au pas des rebelles, la réfection de la Digue et la consécration d'une église
à Marib (dont certains princes s'étaient joints à la révolte). Il s'agit sans
doute du moment où le pouvoir d' Abraha se stabilise. La conséquence
est qu'Abraha n'a probablement pas eu les moyens d'intervenir en Arabie
déserte avant cette date.
L'inscription Ry 506 = Murayghan 1, gravée en septembre 552, en-
registre sans doute les premiers succès d'Abraha au centre de l'Arabie.
Comme elle indique que l'expédition victorieuse n'est pas la première,
mais la "quatrième," il faut supposer que les trois premières expéditions
(en 549, 550 et 551 ?) n'ont pas donné de résultats tangibles.
Quoi qu'il en soit du détail de la chtonologie, la vraisemblance est
que l'inscription Ry 506 = Murayghan 1 n'enregistre pas le déclin du
pouvoir l:iimyarite en Arabie centrale, mais au contraire son renouveau.
L'hypothèse du déclin reposait sur trois arguments:
1. On estimait qu' Abraha conférait à 'Amrum fils de Mudhdhiran la
fonction de "vice-roi" sur les tribus de Ma'addum, ce qui impliquait une
perte de contrôle de l'Arabie centrale, camouflée en décision volontaire.
Nous avons vu que ce passage petl.t être compris autrement.
2. Comme la campagne était qualifiée de "quatrième," on pouvait
supposer qu'elle concluait une période faste. L'argument peut être re-
tourné, comme je viens de l'indiquer.
3. Enfin, la date de 552 amenait certains à identifier les opérations
de Ry 506 = Murayghan 1 avec l' "Expédition de !'Éléphant" que la
Tradition présente comme un échec cinglant. Il n'en est rien. Cette
identification est invraisemblable comme je l'ai montré ailleurs87 . Tout
d'abord, les traditions qui situent l'année de !'Éléphant en 552 n'ont
aucune valeur historique parce qu'elles dérivent de reconstructions de
la biographie de Mul:iammad qui utilisent des repères et des durées à
87 Robin 2010 a.
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 49

portée symbolique88 . Par ailleurs, Ry 506 = Murayghan 1 ne peut


pas commémorer une campagne qui se termine par un désastre pour
la simple raison que les inscriptions sont des textes de propagande qui
n'enregistrent que les succès.
Si la reconquête de l'Arabie déserte par Abraha n'est pas antérieure
à 552, le rôle qu'y joue 'Amr fils de Mundhir III se comprend mieux.
Au ve s., les }:Iimyarites avaient assujetti Ma'addum dont le gouverne-
ment avait été confié aux }:Iujrides. Cette organisation fut sans doute
ébranlée quand }:Iimyar tomba sous la dépendance d'Aksüm (c. 50089 );
elle fut ruinée quand les successeurs d'al-}:Iarith al-Malik se disputèrent
l'héritage après 528. On connaît mal le détail de cette période. Les
sources byzantines (Procope et Nonnosos) mentionnent un successeur
d'al-}:Iarith al-Malik nommé Kaïsos (Qays) que la Tradition arabo-isla-
mique ignore presque totalement. Cette Tradition relate en revanche de
façon détaillée les guerres que mènent les uns contre les autres les fils
d'al-}:Iarith al-Malik: }:Iujr, Shural;ibîl, Salama et Ma'dîkarib.
On peut supposer que l'héritage d'al-}:Iârith al-Malik était également
revendiqué par 'Amr fils d'al-Mundhir III, qui avait pour mère Hind fille
d'al-}:Iarith al-Malik et était d'ailleurs appelé d'ordinaire '"Amr fils de
Hind."
Il est difficile d'imaginer comment le pouvoir est alors partagé en-
tre les }:Iujrides et 'Amr, mais il est clair que ce dernier jouit d'une
grande autorité. La Tradition arabo-islamique rapporte, comme je l'ai
déjà indiqué, que ce prince patronne un traité de paix entre deux tribus
d'Arabie du nord-est, Bakr et Taghlib, à la foire de dhü 'l-Majaz en Ara-
bie occidentale Un tel arbitrage est certainement antérieur à l'accession
au trône de 'Amr, qui intervient en 554.
Selon notre interprétation de l'inscription Ry 506 = Murayghan 1,
Abraha réprime la "révolte" des }:Iujrides (appelés collectivement "tous
les banü 'Amrum") et obtient la soumission du N~ride 'Amrum, qui
doit remettre son fils en otage. L'inscription inédite Murayghân 3, non
datée, est encore plus explicite, puisqu'elle mentionne l'expulsion de
'Amrum. Elle présente également l'intérêt d'énumérer plusieurs régions
et tribus d'Arabie orientale et septentrionale dont Abraha prétend avoir
obtenu la soumission, Hagarum (Hajar), Khatt, îayyum, Yathrib et Gzm
(Judham?) 90 . La question est de savoir quelle est la date de ce nou-

88 Robin 2010 a, pp. 218-220.


89 Robin 2010 b, pp. 69 et suiv.
90 " .•. quand (Abraha) est revenu du Pays de Ma'addum, 3 quand il a soumis les

Arabes de Ma'addum qui[ avaient pris le parti (?) de Mu]dhdhiran, chassé 'Amrum
fils de Mudhdhiran et 4 soumis tous les Arabes de Ma'addum[, Ha]garum, KhaH,
Tayyum, Yathrib et Guzam (ar. Judham?)," ... k-qflw bn 'r<j, M'd:"' 3 k-s 1 tqdw "rb
M'd:"' '{b)[r M}drn w-prdw 'mrm bn Md~ w-s 14 tqdw kl "rb M'd:"'( w-Hjgrm w-lft
50 Christian Julien Robin

veau document qui confirme l'affermissement du pouvoir d'Abraha sur


l'Arabie déserte. Comme l'inscription Murayghan 3, qui se trouve non
loin de Ry 506 = Murayghan 1, à l'entrée de la vallée, ne mentionne
aucune opération militaire, mais seulement le retour d' Abraha du Pays
de Ma'addum, elle expose certainement les conséquences politiques des
succès militaires rapportés par Ry 506 = Murayghan 1. Elle est donc
quelque peu postérieure. Il est possible que la visite d'Abraha dans le
Pays de Ma'addum, évoquée dans Murayghan 3, soit identique à l'expédi-
tion de I:Ialiban, mentionnée dans Ry 506 = Murayghan 1. Cependant, la
formulation n'est pas la même (avec référence à Ma'addum dans un texte,
à f.Ialiban dans l'autre), de sorte que nous supposons que Murayghan 3
mentionne un autre déplacement d'Abraha en Arabie centrale, peut-être
à Ma'sal Guml).an, pour recevoir la soumission de nouvelles régions et
tribus. De manière hypothétique, nous situons ce déplacement en 553.
Apparemment, Abraha met en place une nouvelle organisation poli-
tique. Selon la Tradition, il confie le pouvoir sur l'Arabie déserte à des
chefs de tribus influents, Mul).ammad Khuza'î al-Sulamî (pour Muçl.ar) et
Zuhayr b. Janab al-Kalbî (poûr Bakr et Taghlib); il n'est plus question
des f.Iujrides ni de Ma'add.
Il reste à se demander combien de temps Abraha a contrôlé la quasi
totalité de l'Arabie déserte. Il est vraisemblable que c'est pendant une
période relativement brève, au maximum une dizaine d'années, puisque
les indices d'une crise grave se multiplient à partir de 558 (date de la
dernière inscription mentionnant Abraha): fin des inscriptions 91 , arrêt
des constructions, désertion des villes et, pour finir, occupation sâsanide
et ruine de la Digue de Marib. C'est sans doute au début des années
560 que se situe la désastreuse "Expédition de !'Éléphant" qui semble
historique parce qu'elle offre une explication plausible à l'effondrement
du pouvoir l).imyarite sur l'Arabie déserte.
Un argument chronologique subsidiaire est offert par la grande église
de San 'â', appelée par la Tradition arabo-islamique al-Qalîs ("!'Église" 92 ),
qui.serait au cœur du conflit provoquant la "Campagne de !'Éléphant."
Sa construction est certainement postérieure à 548, parce que l'inscrip-
tion CIH 541 - qui dresse un bilan détaillé des réussites du roi - n'en
fait pas état; d'ailleurs, jusqu'à cette date, le contexte politique était
défavorable à une telle entreprise (voir ci-dessus). S'il est bien vrai que

w- 'fym w- Y.trb w-Gz{m).


91 La dernière inscription J:i.imyarite datée mentionne 669 J:i.im. soit 559-560 è. chr.
(Müller 2010, pp. 122-123).
9 2 al-Qalïs dérive du grec ekklêsia. La vocalisation al-Qali"s (de préférence à al-
Qullays qui se rencontre fréquemment) se fonde sur la survie de ce nom dans la to-
ponymie de ~an'a' (sous la forme Ghurqat al-Qalïs). Sur ce monument, voir Serjeant-
Lewcock 1983; Finster-Schmidt 1994; Robin 2005, pp. 10-11.
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 51

Byzance apporte son concours en envoyant des artisans, comme le rap-


porte la Tradition, l'édification de cette église - ou tout au moins la
réalisation de son décor - est vraisemblablement postérieure aux succès
d'Abraha en Arabie centrale: on peut douter que Justinien, qui aurait
demandé à plusieurs reprises d'envahir la Perse, ait été bien disposé en-
vers Abraha avant les premières victoires.
On peut donc dater avec vraisemblance l'achèvement de l'église de
San'a' après 552. Si cette Église a bien joué un rôle dans !"'Expédition
de !'Éléphant," cette dernière est également postérieure à 552.
Il reste un dernier point de détail à évoquer. Les opérations rap-
1 portées par Ry 506 = Murayghan 1 correspondent-elles à l'unique cam-
i
pagne que, selon Procope (I.20.13), Abraha aurait consenti à lancer con-
tre la Perse, sans d'ailleurs persévérer:
1
Abramos . . . lorsqu'il eut fortifié son pouvoir de la façon la

'
plus solide possible, convint à plusieurs reprises avec l'empe-
reur Justinien d'envahir la terre de Perse; mais une seule fois
il entama le trajet, pour faire aussitôt retraite en arrière.
Pour que Procope fasse référence à la campagne d'Abraha de 552, il faut
que la rédaction de son ouvrage (ou tout au moins les dernières retouches)
soit postérieure à cette date. C'est possible sans être sûr. On considère
que la rédaction des Guerres est achevée en 550-551. Cependant, comme
je l'ai indiqué, Procope semble avoir connaissance, au moment où il écrit,
de la mort de Moundhir III, qui intervient en 554: il n'est donc pas
impossible qu'il fasse aussi allusion à la campagne d'Abraha de 552.
On objectera peut-être que Ry 506 = Murayghan 1 ne rapporte pas
une expédition contre la Perse, mais seulement une reprise en main de
l'Arabie centrale. Une telle objection ne semble pas fondée: comme le
montrent clairement Murayghan 1 et 3, l'Arabie centrale est reconquise
sur les Na.;;rides d'al-Ij[Ira qui sont des agents des Perses sasanides.
Si ce n'était pas à la campagne de 552 que Procope faisait allusion,
il faudrait supposer que c'est à l'une des trois expéditions qui précèdent,
évoquées dans Ry 506 = Murayghan 1. Comme je l'ai déjà indiqué,
ces trois expéditions sont probablement postérieures à 548, ce qui les
daterait de 549, 550 et 551. Mais nous n'en savons rien.
52 Christian Julien Robin

V Bibliographie
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I,i"I~
°''
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Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 65
~
1

~ the occasion of their 60th birthdays. Napoli-$an'a, 2005, pp. 501-


r 520.
l
Vogt, Brettschneider, Brunner, Herberg et Rèiring 2003 =
Vogt, Burkhard, Brettschneider, Wulf, Brunner, Ueli, Herberg,
Werner et Rôring, Nicole. "Der Grosse Damm von Marib, Re-

1, publik Yemen. Neue archaologische und bauhistorische Forschun-


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~
Wahb b. Munabbih, al-Tïjan =
r
Kitâb al-tïjân fi muliik lfimyar, 'an Wahb b. Munabbih riwayat
1

Abï MuJ:iammad 'Abd al-Malik b. Hisham 'an Asad b. Musà 'an


1
Abï Idrïs b. Sinan 'an jaddi-hi li-ummi-hi Wahb b. Munabbih. 1e
éd. 1347 h., taJ:iqïq wa-nashr Markaz al-Dirasat wa-'l-AbJ:iath al-
yamaniyya, $an'â', s.d.
Akhbâr 'Ubayd b. Sharya al-Jurhumï. FI akhbâr al-Yaman wa-
ash 'âri-hâ wa-ansâbi-hâ 'alà '1-wafa' wa-'l-kamâl wa-'1-l_:iamd li-llâh
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wald: Linden Soft Verlag, 2007.
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66 Christian Julien Robin

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CIH 308, 334, 407, 541, 562, 621, 622, 623: Corpus lnscriptionum
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Ja 576, 616, 635, 649, 660, 665: Jamme 1962.
Ja 939, 957, 962: Jamme 1963.
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Ja 2110 (= CIASA 39.11/o2 n • 8): Doe-Jamme 1968, pp. 15-16 et
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L[ouvre] 205: Calvet-Robin 1997.
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 67

Ma'sal 3: texte inédit.

Murayghân 3: texte inédit.

RES 3550, 3943, 3945, 4330, 4793, 4932: Répertoire d'épigraphie sémi-
tique, publié par la Commission du Corpus Inscriptionum Semiti-
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.
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Inscriptions et Belles-Lettres). Paris (Diffusion de Boccard) .
Tome 1: Les documents, 1991; Tome II : Les planches, 1991; Tome
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Étienne Bernand, 2000.

Robin-al-Mashamayn 1: Robin-Ryckmans 1978.

Ry 506 = Murayghan 1: voir ci-dessus.

Ry 509: Ryckmans Gonzague 1953, pp. 303-307 et pl. V.

Ry 510: Ryckmans Gonzague 1953, pp. 307-310 et pl. VI.

Ry 512: Ryckmans Gonzague 1953, pp. 311-312 et pl. VI.

Sayyid PSAS 1988: Sayed 1988.

Sharaf 31: Müller 1974.

YM 10703: Bafaqîh 1974, p. 36 (droite).

VII Annexe A: Les sources byzantines


1. Procope, Guerres (I. 20) (traduction Joëlle Beaucamp).
"l) Vers l'époque de cette guerre-ci, comme Hellêstheaios [Kiilëb Ella
A~bal_ia], le roi des Éthiopiens (ho tôn Aithiopôn basileus), .qui était
chrétien et avait cette croyance extrêmement à cœur, avait appris que
beaucoup des Homérites du continent d'en face, qui étaient juifs, et beau-
coup (d'autres), qui vénéraient l'ancienne croyance que les hommes de
maintenant appellent hellénique, usaient de machinations sans mesure
contre les chrétiens de là-bas, il rassembla une flotte de bateaux et une
armée et marcha contre eux; après une bataille victorieuse, il tua le
roi et un grand nombre d'Homérites et installa sur place un autre roi,
chrétien, qui était homérite de naissance et avait pour nom Esimiphaios
68 Christian Julien Robin

[Sumüyafa' Ashwa ']; il lui fixa de verser, chaque année, un tribut aux
Éthiopiens et se retira chez lui.
2) Beaucoup d'esclaves de cette armée des Éthiopiens et tous ceux
qui s'entendaient à l'art de malfaire n'acceptèrent aucunement de suivre
le roi et, laissés sur place, restèrent par convoitise pour le pays des
Homérites: il est, en effet, extraordinairement prospère.
3) Peu de temps après, cette populace, avec d'autres, se souleva con-
tre le roi Esimiphaios: ils l'enfermèrent dans un des fortins de là-bas et
établirent un autre roi pour les Homérites, nommé Abramos [Abrnha /
Abraha].
4) Cet Abramos était chrétien et l'esclave d'un Romain, qui s'occu-
pait d'activités maritimes dans la ville éthiopienne d' Adoulis.
5) Quand Hellêstheaios l'apprit, il eut à cœur de faire payer à Abra-
mos en même temps qu'aux insurgés qui l'entouraient l'injustice com-
mise envers Esimiphaios: il envoya contre eux une armée de trois mille
hommes et, comme chef, un de ses parents.
6) Comme cette armée ne voulait plus rentrer chez elle, mais de-
meurer sur place, dans un pays prospère, ils prirent langue avec Abramos
à l'insu de leur chef et, une fois postés pour la rencontre avec les adver-
saires, quand ils en ar~ivèrent à l'action, ils tuèrent leur chef, puis se
mélangèrent à l'armée des ennemis et demeurèrent sur place.
7) Hellêstheaios, en proie à une forte colère, envoya encore contre
eux un autre corps expéditionnaire: ils en vinrent aux mains avec les
partisans d' Abramos, subirent une grande défaite au combat et firent
aussitôt retraite chez eux. Pris de peur, le roi des Éthiopiens ne fit plus
d'expédition, par la suite, contre Abramos.
8) Après la mort d'Hellêstheaios, Abramos convint de payer tribut à
celui qui lui avait succédé au royaume des Éthiopiens et fortifia de cette
manière son pouvoir. Mais cela se produisit à une époque ultérieure.
9) À ce moment-là, l'empereur Justinien, tandis qu'Hellêstheaios
régnait chez les Éthiopiens et Esimiphaios chez les Homérites, envoya
un ambassadeur, Ioulianos, en demandant aux deux de s'associer aux
Romains en guerre contre les Perses, du fait de leur communauté de
croyance, de la façon suivante: les Éthiopiens, qui achèteraient la soie
aux Indes et la vendraient aux Romains, deviendraient, pour leur part,
maîtres de grandes richesses et procureraient aux Romains ce seul profit,
de ne plus être contraints de transférer leurs propres richesses à leurs en-
nemis (cette soie est celle dont on a l'habitude de faire les vêtements que
les Grecs appelaient autrefois médiques et que l'on nomme actuellement
sériques); quant aux Homérites, ils établiraient Kaïsos [Qays], le fugitif,
comme chef (phylarque) sur les Maddènes [Ma'add] et envahiraient la
terre des Perses avec une grande armée (composée) d'Homérites mêmes
r
1

Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 69


1

et de Saracènes, les Maddènes.


~ 10) Le Kaïsos en question appartenait à une famille de chefs (phy-
1 larques) et était extrêmement doué pour 1
la guerre; mais, comme il avait
1· tué un des parents d'Esimiphaios, il avait fui dans un pays complètement
l vide d'hommes.
1
11) Donc chacun d'eux renvoya l'ambassadeur avec la promesse de
1
mettre la demande à exécution, mais aucun des deux n'accomplit ce qu'il
avait convenu.
1

12) Aux Éthiopiens, en effet, il était impossible d'acheter la soie


aux Indes, puisque les négociants des Perses, qui se trouvent toujours à
proximité des mouillages où les bateaux des Indes abordent en premier
li - attendu qu'ils habitent le pays limitrophe-, ont l'habitude d'acheter
IJ toutes les cargaisons; quant aux Homérites, il leur parut malaisé de
1
franchir un pays désert, qui s'étendait sur une marche de longue durée,
1
pour s'attaquer à des hommes beaucoup plus valeureux au combat.
1
13) D'ailleurs Abramos aussi, plus tard, lorsqu'il eut fortifié son pou-
1
voir de la façon la plus solide possible, convint à plusieurs reprises avec
l'empereur Justinien d'envahir la terre de Perse; mais une seule fois il en-
1

tama le trajet, pour faire aussitôt retraite en arrière. En ce qui concerne


1 ~ les affaires des Éthiopiens et des Homérites, tel fut donc l'aboutissement
1
pour les Romains."
1
2. Nonnosos, dans Photios, Bibliothèque, éd. et trad. Henry, 1959, par.
1 3, pp. 4-6.
1
"Lu de Nonnosos un Récit dans lequel il relate son ambassade chez les
1
Éthiopiens, les Amérites [l:Iimyar] et les Saracènes, peuples très puissants
1
de ce temps-là, et aussi chez d'autres peuplades du Levant.
Justinien [527-565], à cette époque, régnait sur l'Empire romain. Le
1
chef des Saracènes était Kaïsos [Qays], descendant (apogonos) d'Aréthas
1

[al-I:Iarith], qui avait été chef lui aussi, et auprès de qui le grand-père de
1
Nonnosos avait été envoyé en ambassade par Anastase [491-518] alors
~ empereur, et il avait négocié une paix. D'ailleurs, le père de Nonnosos lui
1 aussi, qui s'appelait Abramês, était allé en mission auprès d'Alamundar
1
[al-Mundhir III], un chef des Saracènes, et deux généraux romains, Timo-
strate et Jean, prisonniers de guerre, furent libérés grâce à lui; c'est
1 <
pour le service de l'empereur Justin [518-527] que cette libération des
1 •

généraux avait été négociée.


Quant à Kaïsos, chez qui on envoyait Nonnosos, il était à la tête de
deux tribus des plus en vue parmi les Saracènes: les Chindènes [Kinda]
et les Maadènes [Ma'add]. C'est aussi chez ce Kaïsos que le père de
Nonnosos, avant la désignation de ce dernier comme ambassadeur, fut
envoyé sur l'ordre de Justinien; et il avait conclu un traité de paix aux
termes duquel il reçut comme otage le propre fils de Kaïsos qui s'appelait
70 Christian Julien Robin

Mauïas [Mu'awiya] et qu'il ramena auprès de Justinien à Byzance. C'est


plus tard que Nonnosos partit lui-même en [2b] mission dans un double
but: ramener si possible Kaïsos auprès de l'empereur et parvenir jusqu'au
roi des Axoumites (Elesbaas était alors le maître de cette peuplade) et,
en outre, pousser jusque chez les Amérites.
Axoum est une ville considérable et en quelque sorte la capitale de
toute l'Éthiopie; celle-ci est située au Sud-Est par rapport à l'Empire
romain.
Pour Nonnosos, il fut en butte sur sa route à bien des embûches des
indigènes et il courut beaucoup de dangers à cause des fauves; il fut
souvent aux prises avec maintes difficultés de terrain et placé devant des
situations critiques; il réalisa néanmoins ses plans jusqu'au bout et fut
rendu sain et sauf à sa patrie.
Kaïsos, après une seconde ambassade d'Abramês auprès de lui, vint
à Byzance; il partagea sa propre province (phylarchie) entre ses frères
Ambros ['Amr] et Iezidos [Yazïd] et il reçut lui-même de l'empereur le
commandement sur les Palestines ; il amenait avec lui beaucoup de ses
sujets.
Ce que maintenant, dit-il, on appelle "sandale" s'appelait chez les
anciens "brodequins" et le "turban" s'appelait "phasôlis."
La plupart des Saracènes, ceux de la Palmeraie, comme ceux d'au-
delà de celle-ci et des monts dits Tauréniens, considèrent comme sacré
un endroit dédié à je ne sais quel dieu et ils s'y rassemblent deux fois
l'an. De ces assemblées, la première dure un mois tout entier en se
prolongeant jusque vers le milieu du printemps, où elle s'achève quand
le soleil traverse le signe du Taureau. L'autre assemblée dure deux mois;
ils la tiennent après le solstice d'été.
Tant que durent ces assemblées, ils vivent, dit Nonnosos, dans une
paix complète non seulement entre eux, mais aussi avec tous les gens
qui séjournent dans leur pays. Ils prétendent que les bêtes auvages elles-
mêmes vivent en paix avec les hommes et, qui plus est, également entre
elles. Il rapporte encore beaucoup d'autres merveilles toutes semblables
à des légendes."

VIII Annexe B: La chronologie du règne


d' Abraha (attestations épigraphiques:
juin 547-novembre 558)
Après mai 525 Conquête de I;Iimyar par le roi d'Aksüm Kalëb Ella
A~baJ;ta
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 71

L'expédition victorieuse est postérieure à la parade que le roi Eles-


baas organise à Aksfun le jour de la Pentecôte (probablement de la
troisième indiction, soit le 18 mai 525) (Martyrion grec, par. 30).
Elle est antérieure à février 530 puisque, à cette date, le roi de
~imyar (sans doute Yüsuf As'ar Yath'ar) a déjà été tué ( GIH 621).
Après sa conquête de ~irnyar, le roi Kaleb Ella A~bal;ta installe sur
le trône un ~imyarite chrétien qui se nomme Sumüyafa' Ashwa'
(Ist. 7608 bis), en grec Esimiphaios (Procope, Guerres, I.20.1) 93 ,
et rentre à Aksüm.
527-532 - Première guerre Perse-Byzance du règne de
Justinien
527 Justinien (527-565) succède à son oncle Justin I (518-527). Reprise
cette même année du conflit entre la Perse et Byzance (alors que
la paix régnait depuis 506); cette première guerre byzantino-pcrsc
du règne dure quelque 5 années (527-532).
e 528 et 531 Première ambassad~ d'Abramês, 94 père de Nonnosos, auprès
de Kaïsos [arabe Qays], "descendant d'Aréthas qui avait été chef
lui aussi, et auprès de qui le grand-père de Nonnosos avait été
envoyé en ambassade par Anastase." Ce Kaïsos est le chef "de deux
tribus des plus en vue parmi les Saracènes: les Chindènes [Kinda]
et les Maadènes [Ma'add]." Abramês conclut un traité de paix
aux termes duquel Mauïas [Mu'awiya], fils de Kaïsos, est envoyé
à Byzance comme otage auprès de Justinien (Récit de Nonnosos
dans Photios).
Date de l'ambassade: Abramês est certainement envoyé auprès de
Kaïsos pour renouveler le traité de paix qui liait Aréthas (le Kin-
dite al-~arith al-Malik fils de 'Amr al-Maq~ür fils de ~ujr Akil
al-Murar) à l'Empire. D'après Malalas, la mort d'Aréthas, qui
est tué par al-Mundhir III d'al-~îra, est vengée par un raid de
représailles qui revient en avril 528. Si la date donnée par Malalas
est exacte, l'ambassade d'Abramês est postérieure à avril 528. Par
ailleurs le traité de paix entre Kaïsos et l'Empire est un préalable
à la mission de Ioulianos (ci-après); il est donc antérieur à 531.
531 Ambassade de Ioulianos auprès d'Hellêstheaios roi des Éthio-
piens (Kaleb Ella A~bal;ta) et d'Esimiphaios roi des Homérites
93 Gajda 2009, pp. 111-115.
94
À propos des quatre ambassades connues par les sources byzantines (Abramês,
Ioulianos, Nonnosos et de nouveau Abramês), voir en dernier lieu Beaucamp 2010,
pp. 198-206 (avec un rappel des diverses datations déjà proposées); Greatrex 1998,
pp. 236--240; Shahîd 1995--1, pp. 144-160.
72 Christian Julien Robin

(Sumüyafa' Ashwa'), pour constituer une coalition contre la Perse.


Ioulianos demande aux Homérites d'établir Kaïsos "le transfuge"
(ton phygada) comme phylarque sur les Maddènes et d'envahir la
terre des Perses (Procope).
Date de l'ambassade: elle est indiquée implicitement par Procope,
qui en parle après la défaite byzantine de Kallinikon en avril 531
(I.18); par ailleurs, elle est certainement antérieure à la mort du
roi Qubadh I en septembre 531 95 •
532 Conclusion d'une "paix éternelle" entre la Perse et Byzance. 96
c. 533 "Peu de temps après" (le retour d'Hellêstheaios à Aksüm), Abra-
mos (sab. et ar. Abraha, guèze Abreha) renverse l'Homérite Es-
imiphaios et s'empare du trône (Procope I.20.3). Ce coup de force,
qui est postérieur à l'ambassade de Ioulianos (531), peut être daté
de façon plausible de l'une des années qui suivent 531. Les condi-
tions semblent plus favorables après la paix de 532. Nous retenons
donc 533.
c. 535 Hellêstheaios envoie une première armée (3 000 hommes, com-
mandée par un de ses parents) contre Abramos. Cette armée tue
son chef et se rallie à Abramos (Procope). L'expédition a lieu
au plus tôt un an après le coup de force puisqu'il faut un certain
temps pour concentrer des troupes et réunir une flotte, mais elle
peut aussi dater des années suivantes.
c. 537 Une seconde armée subit un échec cuisant et se retire. C'est au
plus tôt un an après l'expédition précédente, mais les années suiv-
antes sont également plausibles. Procope ajoute que "le roi des
Éthiopiens ne fit plus d'expédition par la suite contre Abramos"
(I.20.7) ce qui implique que son règne se prolonge au moins quel-
ques années après la seconde expédition.
c. 542 Mort d'Hellêstheaios, au moins cinq ans après la prise du pouvoir
par Abramos en Arabie et avant 547. Elle semble plus tardive
qu'on ne l'écrit habituellement (Smith 1954, p. 532, qui propose
c. 535; Fiaccadori 2007, qui suppose qu'Hellêstheaios abdique à son
retour du Yémen pour devenir ermite, accordant plus de crédit à
une source hagiographique qu'à Procope). La date proposée ici,
à mi-chemin entre 537 et 547, est purement indicative. Après la
mort d'Hellêstheaios, Abramos accepte de payer un tribut à son
successeur (Procope).
95 Beaucamp et alii 1999, p. 63; Beaucamp 2010, p. 200.
96Greatrex 1998, pp. 213-221.
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 73

540-544 - Deuxième guerre Perse-Byzance du règne de Justinien

540 Reprise du conflit entre la Perse et Byzance. La guerre dure


jusqu'en 561, avec des périodes de trêve (544: conclusion d'une
trêve de 5 ans qui est rompue la quatrième année; 551, conclusion
d'une seconde trêve de 5 ans).

c. 540 Ambassade de Nonnosos, pour "ramener si possible Kaïsos


auprès de l'empereur et parvenir jusqu'au roi des Aksümites (Éles-
baas [= Kalëb Ella A~bal:m] était alors le maître de cette peuplade)
et, en outre, pousser jusque chez les Amérites [I:Iimyar]" (Photios).
Date de l'ambassade: Irfan Shahîd suppose que l'ambassade de
Nonnosos est coordonnée avec celle de Ioulianos (531), parce que
les deux se rendent dans les mêmes pays (Aksüm et !Jimyar) et que,
pour Aksüm, il s'agit du même roi (Hellêstheaios chez Procope
et Élesbaas chez Photios). Mais les deux ambassades ont mani-
festement un but différent, comme de nombreux chercheurs l'ont
déjà souligné97 : Ioulianos doit convaincre les Homérites d'établir
Kaïsos à la tête de Saracènes, tandis que Nonnosos doit "ramener
(ce même) Kaïsos auprès de l'empereur," c'est-à-dire le conduire à
se démettre.
1 Il est clair que Kaïsos n'est plus considéré par les Romains comme
p
l'homme de la situation en Arabie centrale. Si des démarches insis-
tantes sont entreprises pour le remplacer, il doit y àvoir des raisons
impérieuses. Parmi ces dernières, on pourrait penser à la reprise
de la guerre entre la Perse et Byzance, qui intervient en 540, d'où
la date très hypothétique que nous proposons.

f Pf après 540 Seconde ambassade d' Abramês, père de Nonnosos, auprès de


;l Kaïsos. Ce dernier accepte de se rendre à Byzance. Il partage
sa "phylarchie" entre ses frères Ambros (= 'Amr) et Iezidos (=
Yazïd). Il reçoit le commandement sur les Palestines et emmène
avec lui beaucoup de ses sujets (Photios).
Date de l'ambassade: la seule certitude est que cette ambassade est
postérieure à celle de Nonnosos. Peut-on l'identifier avec "l'ambas-
sade du roi des Romains" qui participe à la conférence diploma-
tique qu'Abraha a convoquée à Marib à l'automne 547 ( CIH 541
1 /87-92)? Rien ne le permet, sinon une possible proximité chrono-
logique. Si on retenait cette hypothèse, qui établirait une rela-
i tion entre de départ de Kaïsos et la réconciliation d' Abraha avec
97 Beaucamp 2010, pp. 205-206, dresse un état de la question.
74 Christian Julien Robin

ses suzerains naturels (le négus et le basileus), il faudrait sup-


poser qu' Abramês se rend successivement auprès de Kaïsos puis
d'Abraha (ou auprès d'Abraha puis de Kaïsos)
Kaïsos, au moment de son départ, confie le pouvoir sur une partie
de sa phylarchie à un frère nommé Iezidos. Il est possible - mais
non prouvé - que ce Iezidos est identique à Yazîd b. Kabshat,
gouverneur de Kinda au }:Iadramawt, qui se révolte contre Abraha
en juin 547 ( CIH 541) et se soumet peu après (en juillet semble-t-
il).
Un dernier indice chronologique réside dans l'installation de Kaïsos
dans les Palestines, qui signifie que Justinien a renoncé à confier
au jafnide Aréthas "le commandement d'aussi nombreux clans que
possible" (Procope I.XVII.4 7). Mais ce changement de politique
peut intervenir n'importe quand après 531, date de la bataille de
Kallinikon, dans laquelle Aréthas aurait eu une attitude ambiguë.
544 Conclusion d'une trêve de 5 ans qui est rompue la quatrième année.
547-561 - Troisième guerre Perse-Byzance du règne de Justinien
547 (juin) Abraha concentre ses troupes pour réduire la révolte du Kindite
Yazîd b. Kabshat dans le }:Iaçlramawt (dhü-qiyâz;ân 657 }).im.) ( CIH
541).
On ne sait s'il faut identifier Yazîd b. Kabshat avec le Iezidos, frère
de Kaïsos, auquel ce dernier cède une partie de sa "phylarchie."
Yazîd se soumet sans combattre, dès le mois de juillet semble-t-il,
quand l'armée d'Abraha atteint le }:Iaçlramawt ( CIH 541/37-41).
547(juillet) Rupture de la Digue de Marib (dhü-madhra'ân [65]7 }).im.).
Consécration de l'église de Marib ( CIH 541).
547(octobre) Débuts des travaux sur la Digue, interrompus par la peste (dhiï-
f?Urâbân [65]7 }).im.) (CIH 541).
Arrivée des ambassadeurs du négus et du roi des Romains, de la
mission diplomatique du roi de Perse et des envoyés de Mudh-
dhirân, de }:Iârithum fils de Gabalat et d'Abikarïb fils de Gabalat
(CIH 541).
[548 (janvier)] Reprise des travaux (fin de dhü-di'âwân) (CIH 541).
548 (février) Date de l'inscription inachevée DAI GDN 2002/20.
548 (mars) Date de l'inscription CIH 541 (dhü-ma'iïn 658 }).im.), qui précise
également la durée des travaux (58 jours) et celle de toutes les
opérations accomplies jusqu'au retour chez soi (onze mois).
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 75

552 (avril) Abraha lance plusieurs opérations militaires en Arabie déserte


(qu'il qualifie de "quatrième campagne") et remporte la victoire sur
"tous les baniï 'Amrum" [apparemment les descendants de 'Amr,
père de I:Iujr A.kil al-Murar] à 'Turaban et Marakh. Ma'addum fait
acte de soumission à I:Ialiban. 'Amrum fils de Mudhdhiran (ar.
'Amr b. al-Mundhir) remet son fils (précédemment gouverneur de
Ma'addum) en otage (Ry 506 = Murayghan 1).

552 (septembre) Date de l'inscription Ry 506 = Murayghan 1.

553? Abraha se rend à nouveau dans le Pays de Ma'addum. 'Amrum b.


Mudhdhiran est chassé de l'Arabie occidentale et centrale. Soumis-
sion à Abraha de Ma'addum, Hagarum, Khatt, îayyum, Yathrib et
Gzm (Judham ?) (Murayghan 3).

Après 552 Construction d'al-Qalïs, l'église de $an'a'.

554 Mort au combat d'al-Mundhir III et accession au trône de son fils


'Amr qui est alors un homme d'âge mûr. La mère de 'Amr est une
princesse I:Iujride, Hind, donnée en mariage par son père al-I:Iarith
al-Malik (tué un peu avant avril 528): elle est donc née bien avant
528. On sait par ailleurs qu'al-Mundhir III a régné près de 50 ans.

556 Début des négociations de paix entre la Perse et Byzance.

58 (novembre) Dernière mention épigraphique d'Abraha (d-mhltn 668 J:iim.).

561 - Paix de 50 ans entre la Perse et Byzance.

u après 558 "Campagne de !'Éléphant" contre Makka, qui


n'est connue que par la Tradition arabo-islamique. Il semblerait
que cette campagne, souvent considérée comme légendaire, soit
historique puisque plusieurs poètes préislamiques y font allusion;
par ailleurs, elle offre une explication plausible à l'effondrement
de la domination J:iimyarite sur l'Arabie déserte c. 560. L'armée
d'Abraha est décimée par une épidémie dont le roi serait également
victime.
Aksüm, fils d'Abraha (mentionné comme prince héritier dans CIH
541/82, "son fils Aksiïm dhiï-Ma'ahir, le fils du roi," bn-hmw 'ks 1 m
d-M'h 83 r bn mlkn), succède à son père selon la Tradition.

'I Masriïq, fils d'Abraha, succéderait à son frère Aksüm selon la Tra-
dition. C'est peut-être ce roi que Théophane de Byzance, cité par
Photius (Bibliothèque, I, éd. Henry, 78, 26b), appelle Sanatourkès .

.....___ --
76 Christian Julien Robin

Avant 579 Sayf b. dhî-Yazan renverse Masrüq avec l'aide de Khusraw 1 Anü-
shirwan (531-579) selon la Tradition. Ce serait vers 570 si on
se fonde sur les allusions des sources grecques (Shahîd 1995-1,
pp. 364-372) ou vers 575 d'après les sources arabes (Smith 1954,
p. 434) 98 .

98 Concernant les successeurs d'Abraha et la chute finale de la dynastie, voir Gajda


2009, pp. 148-156.
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 77

IX Illustrations

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Carte 1 L'Arabie aux Ve et VI8 siècles de l'ère chrétienne.


78 Christian Julien Robin

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Tableau A La dynastie des I:Iujrides ou "rois de Kinda" qui ont gouverné
l'Arabie centrale pour le compte des souverains ~imyarites (Caskel 1966-I,
tableau 238).
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 79

- Noms entourés de rouge: les trois premiers "rois de Kinda."


- Noms entourés de bleu: les deux candidats à l'identification avec Yazïd
b. Kabshat (CIH 541/10-11).
- Noms entourés de vert: les deux candidats à l'identification avec Kaïsos,
le descendant d'Aréthas (al-J:Iârith al-Malik), à qui Justinien confie la "phy-
larchie" de son ancêtre.
- Nom entouré de noir: le candidat à l'identification avec Abïgabr (Ry 506
= Murayghân 1/4).
- Nom entouré de violet: 'Amr b. Mu'âwiya, le fondateur de la dynastie.
Les bny-'mrm de Ry 506 = Murayghân 1 seraient ses descendants.
OO
0

t;3 Les tribus arabes fournissant des auxiliaires aux rois l;imyarites
C"
0
IV s. c. milieu du v" s. Ma'dikarib (521) Ytlsuf (523) Abraha (552)
'mr'" Ja660 (?)
•;lm Ja660
r
t:tl 'li 'lh Ry509 Ry 506
~ Bhf' Ir 32, Ja 665, Ja 660 ([BhJ(IT ou [Mr](d)j
UJ
H.[?J Ry 509
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/fd"' Ja 660 (l:zd'y, Ir 16/4-5)
l;lrmm Ir 32, Ja 665
o.:>::
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Kdt Ir 32, Ja 665, Ja 660 (?}, 'Abadan 1 Ry 509 Ry 510 Ry 508 Ja 1028 Ry 506
~ Mrltirf" Ir 32, Ja 665, Ja 660 (?), 'Abadân 1 al-'Iriifa 1 Ry 510 Ry 508 Ja 1028
~ Mrd" 'Abadan 1, Ja 660 ([BhJ(IT ou [Mr](d)j Ry 508 Ja 1028 Ry506
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UJ R(iwm Ja660
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....""·
s S 1 'd/S 1 'd" Ry509 Ry506
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Zyd'l Ir32, Ja665
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s· ~
::::s Autres tribus arabes, mentionnées dans des contextes divers
::::s Cb
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(!), ;::>
œ 's1d' 's 1d', 'Abadan 1/16 (fractions: Sdl' et Rs 1n, 11. 16-17); (')l-'s 1d (Ja 635/37; Sh 31/10; 'Inân 75), 's 1d (Ja 2110/8, YM 10 703/4-5); 's 1dy, Ja 939/2,
p. 957/1-2 et 96212 8'
g; O'
'yç/" 'Abadan 1114
0
UJ ;:;·
'bdqys" Abadân 1129
ëD
UJ Dw't CJH 407/19; Ir 17 par. 3; Ja 616/19 et 23. Selon Ja616, la tribu se compose de 'b's 1, 'yd"', lfkmm. Jjdgnt, Gmd", Khf', 'hlny, Gdlt, S1bs"", lfrl11",
~· Jjgr Lmd, 'wmm et R(lbl' bn /frt
0 Gr'" Ja 660/13, 16; gry, Ja 660112
!:l. Gs" 'Inân 75 ; 'Abadân 1/29
'O
füsf Ja 576/2
g·°'" M'd" 'Abadân 1/19, 27-28, 29; Ry 50613, 7, 8; Ry 509/6; Sayed, PSAS 18, 1988, p. 136
UJ M(ir Ry 510/6; Gajda-al-'Iriifa 1/4
·P" Nb"' Ja 660113, 16
§" N::r'" 'Inân 75 ; 'Abadân 1129
Qbl' Ja 635/26-27; DAI-Bar'ân 2000-1; al-Ansary 1981, p. 144
Gajda-al-'Iriifa 111 ; Sharaf31/11
~;:;: Tnb
~ Ti" Murayghân2
,.1bmJ1u fi la 1H·o11q11tf <- dt· l'. l mb11 d(.'if ri 1

Fig. 1 L'inscription d'Abraha DAI GDN 2002 / 20, face B (février 548)
(photographie DAI / Burkhard Vogt).
2 Clll'islion .f11lin1 Hobi11

F ig . 2 L' im;nipti<Jll d'Ahraha 1 Al CD 2002 / :20. foe U lfhrier !i.J )


(photùgraphil' Dl\I / BurkJiarù Vog ).
.-l lmd111 </ la n ·rnnqtl('ft 11« l'. l mbii dt~< r/1

Fig. 3 L'inscription d'Abraha CIH 541, le haut de la face A (mars 548).


Au milieu des lignes 1-3 et à la ligne 4, une croix (très probablement) et le
nom du roi ('brh) ont été marteles.
84 Christian Julien Robin

Fig. 4 L'inscription d'Abraha CIH 541, la face C, avec les monogrammes


royaux (Rml;is 8 , 'brh et Zbymn) et les emblèmes dynastiques (mars 548).
Abraha et la reconquête de l 'Arabie déserte 85

Fig. 5 Le graffite Sayyid PSAS 1988, p. 136 = Murayghan 2, contemporain


de Ry 506 = Murayghan 1 (septembre 552); son auteur est un prince qui a
participe à l'expédition d' Abraha contre Ma'addum.
86 Christian Julien Robin

F ig . 6 Vue d'ensemble de l'inscription Ja 547 + 546 + 544 + 545 (novembre


558); ses auteurs ont participé à une réfection de la Digue de Marib, au service
du roi Abraha (photographie DAI / Burkhard Vogt).

Fig. 7 L'inscription Ja 547 + 546 + 544 + 545 (novembre 558), détail;


noter l'etrangeté de l'écriture, irrégulière, maladroite et neanmoins parfois
ornementée (photographie DAI / Burkhard Vogt).
Abmha et la reconquête de l'Arabie déserte 87

Fig. 8 L'inscription Ja 547 + 546 + 544 + 545 (novembre 558) , fac-similé


par Dan Ky.

Fig. 9 La vallée où se trouvent les puits de Murayghan (Arabie séoudite) .


88 Christian Julien Robin

Fig. 10 Dessins rupestres représentant des cavaliers, avec une légende,


près des puits de Murayghan; ce pourrait être des cavaliers appartenant à
l'armée d'Abraha.

Fig. 11 Photographie de l'inscription Ry 506 = Murayghan 1 en avril 2009


(de face, Mounir Arbach) .
Abmha et la reconquéte de l'Arabie déserte 89

Fig. 12 A t B L'in cription ri' braha Ry 506 = J\l uraygha a 1 ( pt<'mbr<'


.552). <lébu t: détail de la 1. 5.

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Fig. 13 A et B L'inscription d' Abraha Ry 506 = Murayghan 1 (septembre
552), centre 1; détail de la!. 5.
' () Ch11.,/ rn11 .fo/1111 Roli111

Fig. 1 L'in. crip11un d'i\hrnlm H~ ;( i \111r11yghan 1 (~(·p Pml r fl:i2).


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Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 91

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Fig. 15 A et B L'inscription d'Abraha Ry 506 = Murayghan 1 (septembre


552), centre 3; détail de la L 7.

Fig. 16 L'inscription d'Abraha Ry 506 = Murayghan 1 (septembre 552),


centre 4.
92 Christian Julien Robin

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Fig. 17 A et B L'inscription d'Abraha Ry 506 = Murayghan 1 (septembre


552), centre 5; détail de la 1. 5.

Fig. 18 L'inscription d'Abraha Ry 506 = Murayghan 1 (septembre 552),


fin ; détail de la 1. 6.
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 93

Fig.19 Localisation de l'inscription d'Abraha Ry 506 Murayghan 1


(septembre 552) sur la rive droite (ou orientale) de la vallée.
- --"-~-------

The Institute of Asian and African Studies


The Max Schloessinger Memorial Foundation

JERUSALEM STUDIES IN
i

ARABIC AND ISLAM
t1 39
.
2012

THE HEBREW UNIVERSITY OF JERUSALEM


THE FACULTY OF HUMANITIES

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