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Contents
I Les sources relatives à Abraha et ce qu'elles rapportent
sur ce souverain 4
IV Conclusion 47
V Bibliographie 52
VI Sigles d'inscriptions 66
*L'inscription a été revue par la Mission Najran (Christian Robin, Mounir Ar-
bach, Guillaume Charloux et Jérémie Schiettecatte) lors d'une visite exploratoire à
Murayghan le 25 avril 2009.
1
2 Christian Julien Robin
IX Illustrations 77
Bien que le roi Abraha soit l'une des figures les plus marquantes de
l'Arabie l).ntique à la veille de l'Islam, qu'il soit connu par des sources
relativement nombreuses et variées et, ·plus encore, que la 'Ifadition
arabo-islamique ait fait de lui l'archétype de l'ennemi acharné du sanc-
tuaire mecquois, peu d'études lui ont été consacrées 1 . Plus étonnant
encore, les inscriptions qu' Abraha a composées ou qui le mentionnent
sont mal éditées. La plus importante, CIH 541, est un long texte gravé
sur les quatre faces d'un pilier de section rectangulaire, qui se dressait
à proximité de la Digue de Marib, au Yémen. Dans ce document, dont
la date correspond à mars 548, Abraha commémore la consolidation
de son pouvoir en relatant la réduction d'une révolte dans le Yémen
oriental et - à Marib - la consécration d'une église, la tenue d'une
conférence diplomatique et la remise en état de la Digue qui venait de
se rompre. L'inscription a été soigneusement publiée et commentée à
la fin du XIXe siècle par Eduard Glaser (Gl 618) 2 , mais sans aucune
illustration. Le Corpus Inscriptionum Semiticarum, IV. Inscriptiones
sabaeas et IJ,imyariticas continens (en abrégé' CIH) se contente de repro-
duire l'édition de Glaser traduite en latin, avec un commentaire abrégé.
Aujourd'hui, le besoin se fait sentir d'une réédition de CIH 541 qui
prenne en compte les grands progrès réalisés depuis quarante ans par
l'épigraphie et l'archéologie sudarabiques 3 . En particulier, on dispose
désormais, grâce aux archéologues allemands, de descriptions précises de
diverses parties de la Digue de Marib, qui devraient permettre de mieux
cerner la nature et l'ampleur des travaux d'Abraha4 . Faute d'une telle
réédition, il faut se contenter de trois traductions récentes, en français
et en allemand, à visées pédagogiques5 , ainsi que d'une transcription et
1 En dehors de Smith 1954, pp. 431-441, et de Gajda 2009, pp. 116-147, ce
sont des articles d'encyclopédie, notamment Beeston 1960; Dictionary of Ethiopian
biography, 1975, p. 7 ("Abraha" par A.K. Irvine et Belaynesh Michael); McAuliffe
2001; Sima 2003 a; Rubin 2009.
2 Glaser 1897 (voir notamment pp. 390 et suiv.).
3 Voir la bibliographie de ce long texte dans Müller 2010, p. 110 (et précédemment
dans Kitchen 2000, pp. 123-124, et Arbach 2002, p. 59).
4 Voir en dernier lieu Brunner 2000; Vogt 2003; Vogt et alii 2003; Vogt 2004 a;
Vogt 2004 b; Vogt 2004 c; Hitgen-Puig-Abbs 2005, pp. 49-59; Vogt 2005.
5 Gajda dans Robin-Vogt 1997, p. 219; Müller 1999; Nebes 2005 (9. Die grosse In-
schriftenstele des' Abraha, pp. 362-367). Des années 1960 aux années 1990, le projet
d'une réédition de CIH 541 a été contrarié par la disparition du pilier, heureuse-
ment retrouvé à la veille de l'exposition consacrée au Yémen antique par l'Institut
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1
Abmha et la reconquête de l'Ambie déserte 3
1·
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l
·~
'! la tête de deux tribus de l'Arabie du nord-est, Bakr et Taghlib 16 .
1
De façon assez logique, quelques pièces poétiques, attribuées à Labîd,
Qays b. al-Kliatîm, al-Mukhabbal al-Sa'dî ou Abu Qays $ayfi b. al-Aslat
évoquent Abraha, appelé aussi al-Ashram ou Abu Yaksum ("le père de
saba'ique "Aksüm" ('ks 1 m): voir CIH 541/82, "son fils Aksüm dhü-Ma'ahir, le fils
du roi,'' bn-hmw 'ks 1 m fi,-M'h 83 r bn mlkn). Le fils d'Abraha porte donc un nom dont
la graphie est identique à celle de la ville d'Aksüm (capitale du royaume d'Aksüm
en Éthiopie) et on peut supposer que l'anthroponyme dérive du toponyme. Le choix
d'un tel nom est certainement un geste politique, soulignant les liens qu'Abraha veut
conserver avec son pays d'origine. D'après la Tradition, Yaksüm succède à son père
sur Je trône de l:Iimyar.
l8 Dans l'épigraphie éthiopienne ancienne, l'anthroponyme Abroha se trouve deux
fois: voir RIÉth 268 et 387 (lecture A.J. Drewes inédite).
19 Al-Tïjan, p. 136/11-12: wa-inna-mii summiya Abraha bi-'l-lisan al-Q.abashïwa-
6 Christian Julien Robin
25 L'inscription CIH 541/ 14-18 mentionne "les princes de Saba', les SaJ:iarides
Murrat, 1 Thumamat, I:Ianashum et Marthadum, ainsi que I:Iajnïfllm dhü-Khaln et
les Yaz'anides, les princejs Ma'dîkarib fils de Sumüyafa' et Ha'an et ses frères banü
Aslam."
8 Christian Julien Robin
Comme dans DAI GDN 2002/20, le texte est orné par les mono-
grammes du roi (de droite à gauche Rml_is 3 , 'brh et Zbymn) et par les
emblèmes dynastiques 1).imyarites (voir Fig. 4).
Noter la graphie Zybmn, alors que les deux textes précédents avaient
Zbymn. Ce n'est pas une faute puisque l'inscription Murayghan 3 fait
de même (voir ci-après).
qyzn M 2 ns 1 d-Drnl_i 3
gzy 'm m 4 r'-hw mlk 5 (") 'brh 6
M'd"'
1
"Le prince Mns (Manassé?) dhü-Dharanil). a participé à
l'expédition de son seigneur le roi Abraha contre Ma'addum ."
- Murayghan 3
Inscription inédite, non datée, probablement immédiatement postérieure
à Ry 506 = Murayghan 1. Le roi qui en est l'auteur, porte le titre:
L'écriture de cette inscription est très surprenante, avec des lettres mal-
adroitement incisées et très irrégulières (forme, taille et disposition), mais
aussi souvent empruntées à des graphies ornementées. Le nom du roi ap-
paraît dans les invocations.
w-b-rd' mr'-hmw mlkn 'brh mlk S 1 b' w-ld-R~ w-Ifrf,rmt w-
Ymnt w-"rb-hmw Td"' 1 w-Thmt Rm/µ;3 (11. 8-10). i'
i
qui a envoyé Abraha en Arabie, Klb 'l ':;bf:i wld Tzn b's Lzn ("Kalëb
Ella Aeybal).a fils de Tzn, l'homme de Lzn,'' RIÉth 191/7-8) offre un
parallèle intéressant: il se compose du nom de baptême (Klb), du nom
de naissance (' l ':;b!;,), du patronyme ( wld Tzn) et de l'ethnique ( b' s
Lzn). Si le nom complet d'Abraha était composé des mêmes éléments,
on pourrait supposer que 'brh 'zly est le nom de baptême, Rm/:is3 le nom
de naissance, Zbymn le patronyme et 'g'zyn l'ethnique 28 •
Malgré les multiples données transmises par ces sources, le rôle d'Ab-
raha dans les événements d'Arabie est encore peu clair. De nombreuses
questions se posent. Je me limiterai ici à l'Arabie déserte. Une première
interrogation concerne la chronologie (voir l'Annexe B): à partir de
quand et pendant combien de temps Abraha est-il en mesure d'intervenir
dans l'Arabie déserte? Une seconde interrogation se rapporte à l'exten-
sion territoriale de cette intervention. Enfin, quelle est la nature de
cette intervention, simples "incursions" 29 sans lendemain comme on le
suppose d'ordinaire ou bien mise en place de divers relais administratifs,
militaires et fiscaux?
La réponse à ces questions n'est pas sans conséquences sur la contex-
tualisation de la formation de l'islam. Dans le royaume d'Abraha, qu'on
peut encore appeler l;limyar, le christianisme est la religion officielle. Or,
si Abraha étend durablement son contrôle sur Makka et Yathrib (qui
devient al-Madîna quand Mul).ammad s'y établit), faut-il s'étonner de ce
que les habitants de ces villes possèdent une certaine familiarité avec les
enseignements du christianisme?
La thèse dominante est qu'Abraha ne joue qu'un rôle marginal en
Arabie déserte et que ce rôle prend fin vers 552. Elle se fonde sur
l'interprétation de l'inscription Ry 506 = Murayghan 1, datée de 552. À
la suite de Jacques Ryckmans, A.F.L. Beeston et M.J. Kister, on com-
prend ce texte comme la commémoration de,succès militaires d'Abraha
en Arabie occidentale (contre les banil 'Amirum b. $a'eya'a) et centrale
(contre Ma'addum), mais de succès sans lendemain: d'une part, Abraha
doit accepter que Ma'addum soit gouvernée par 'Amr fils d'al-Mundhir III
(le fils de son principal ennemi); d'autre part, l'inscription Ry 506 =Mu-
rayghan 1 n'est pas gravée sur les lieux des prétendues victoires, mais
à Murayghan, à proximité du Yémen, comme si Abraha n'avait pas la
maîtrise du terrain. On en a conclu que Ry 506 = Murayghan 1 rap-
portait une ultime tentative - avortée - de l;limyar pour reprendre
le contrôle de l'Arabie déserte. Selon M.J. Kister, suivi par les sudara-
bisants,30 cette interprétation paraissait d'autant plus vraisemblable que
28 Pour un survol des hypothèses d'interprétation de la titulature d'Abraha, voir
Kropp 1991.
2 9 J'emprunte le terme à Lawrence Conrad (1987, p. 226 etc.).
30 Voir en dernier lieu Gajda 2009, pp. 142-146.
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 11
1
1
31 Pour une relation de cette expédition, se reporter à Lippens 1956, pp. 76-77.
j.
12 Christian Julien Robin
A Le texte
Bibliographie32 :
1953 Ryckmans Gonzague 1953, pp. 275-284 et pl. II (pho-
tographies du haut et du centre); Ryckmans Jacques 1953,
pp. 339-342;
1954 Beeston 1954; Caskel 1954, pp. 27-31; Smith 1954, pp. 434-
437;
1957 Ryckmans Jacques 1957;
1961 Lundin 1961, pp. 73-84;
1965 Kister 1965;
1967 Simon 1967;
1987 Conrad 1987;
1988 Sayed 1988;
2003 Silsjlat âthâr al-Mamlaka al-'arabiyya al-sa'üdiyya
(Wizarat al-Ma'ari~, Wikalat al-Athar wa-'l-Matal;lif),
6. Athâr mintaqat 'Asïr, 2003, pp. 102-105;
2009 Gajda 2009, pp. 137-142;
2010 Müller 2010, pp. 118-119.
Provenance: Murayghan (lat.: 19,53052 ; long.: 43,78033 ; alt.:
1222 m), à 2~0 km au nord de Najran et à 480 km au sud-est de Makka
(Carte 1).
Transcription:
1 (croix).b-!J,yl RJ:imnn w-Ms 1 J:i-hw mlkn 'brh Zybmn mlk S 1 b' w-d~
Ryd"" w-Ifç/,rmw(t)
2 w-Ymnt w-<r>"rb-hmw 'fwd"' w-Thmt s1 trw dn s 1 trn k-g(z)yw
3 M'd"' gzwtn rb'tn b-wrlJ,n d-ibtn k-qs 1 dw kl bny-'mrr'
4 w-dky mlkn 'bgbr b-'m.Kdt w-'l w-Bs 2 rm bn-If~nm b-'m
5 S 1 'd"' w-M(r)[d"'j w-(hrj,)rw qdmy gys 2 n 'ly bny-'mrm Kdt w-'l b-
wd(.. )Mr(lJ,) w-Mrd"' w-S1 'd"' b-wd(.)
. 6 b-mnhl Trbn
w-hrgw w-'s 3 rw w-gnmw d-'s 1 m w-m(r) mlkn b-Iflbn w-dnw
7 k~(m) M'd"' w-rhnw w-b'dn-hw ws3 '-hmw 'mrm bn Md~
8 w-rhn-hmw bn-hw w-s 1 t!J,lf-hw 'ly M'dm w-qftw bn Ifl=
9 {bj(") {b-J(fJ,)y(l) RJ:imnn wrlJ,-hw d-' zn d-l-tny w-s 1 j;y w-s 1 =
10 . i m'tm
Traduction:
Composition du texte:
- Invocation
Avec la puissance de Ral:imanan et de son Messie.
- Autorité
Le roi Abraha Zybmn, roi de Saba', de dhü-Raydan, du I;Iaçlramawt
2
et du Sud, et de leurs Arabes dans le Haut-Pays et sur le Littoral, a
inscrit ce texte,
- But et cause de la guerre
quand il a lancé 3 contre Ma'addum une quatrième expédition, au
mois de dhü-thabatan (=avril), alors que s'étaient révoltés tous les banü
'Amrum 4;
- Détail des opérations
le roi a envoyé Abïgabr avec Kiddat et 'Ula, et Bishrum fils de l;Ii!?num
avec 5 Sa'dum et Mu[radum]; (ceux-ci) ont combattu à la tête de l'armée
contre les banü 'Amrum, Kiddat et 'Ula dans le wadï Murakh, et Mu-
radum et Sa'dum dans le wadï 6 à l'aiguade de Turaban, et ils ont mas-
sacré, fait des prisonniers et pillé abondamment;
- Soumission des révoltés
le roi s'est rendu à I;Ialiban où se sont soumis 7 les rebelles de Ma'ad-
dum qui ont remis des otages ;
- Conséquences politiques
à la suite de cela, s'est livré à lui(= Abraha) 'Amrum fils de Mudh-
dhiran 8 qui lui a remis en otage son fils alors qu'il (= 'Amrum) l'avait
établi comme gouverneur sur Ma'addum;
- Retour après six mois de campagne
14 Christian Julien Robin
B Commentaire philologique
1. 1, ("croix"): la croix en début de ligne se devine plus qu'elle
ne se voit. Elle est cependant très plausible puisque les deux autres
textes rupestres d' Abraha (Murayghan 3 et Ja 547 + 546 + 544 + 545)
sont accompagnés de croix.
l. 2, s1 trw: les verbes qui ont Abraha comme sujet sont au pluriel de
majesté (1. 2, s1 trw, fjzwy; 1: 8f qfiw). Deux font exception (1. 4, dky ;
l. 6, m(t) parce qu'ils s'accordent probablement avec le substantif mlkn,
"le roi": dans ce cas, le pluriel de majesté serait abandonné pour un
accord avec le sujet exprimé. Les pronoms suffixes renvoyant au roi sont
systématiquement au pluriel (1. 7, ws 3 '-hmw; l. 8, rhn-hmw).
Le verbe qs 1 dw (1. 3) a pour sujet kl bny-'mr'1'. Les verbes (h)<;J,rw
(1. 5), hrgw, 's 3 rw et fjnmw (1. 6) ont pour sujet les deux commandants
des auxiliaires arabes, 'bgbr et Bs2 rm bn-Ifl}nm. Enfin, les verbes dnw et
rhnw ont pour sujet k?(m) M'~.
g(z)yw: on a d'abord estimé que le sujet de ce verbe était la tribu
de Ma'addum (editio princeps, "lorsque entreprirent Ma'addum la razzia
printanière"; Jacques Ryckmans 1953, p. 340; Caskel 1954, p. 27). Mais,
dès 1954, A.F.L. Beeston donnait la préférence au roi (p. 391), suivi
en 1957 par Jacques Ryckmans (p. 94). En effet, il est invraisemblable
que le roi ait gravé l'inscription "quand Ma'addum effectua sa quatrième
razzia"; il le fait évidemment quand il revient des opérations lancées
contre Ma'addum.
L'emploi du verbe fjzw/gzy, si on se fonde sur les attestations en
saba'ique et sur l'arabe, suggère qu'il s'agit d'une expédition de pillage
ou de représailles, plutôt que d'une conquête. Walter Müller (2010,
p. 163), le traduit "einen Streifzug unternehmen."
l. 3, M'dm (également 11. 7 et 8): voir ci-après "II. C. Essai d'identi-
fication des ethnonymes et toponymes."
rb't: Gonzague Ryckmans avait traduit "razzia printanière," renvoy-
ant à CIH 562/4 (b-dbly, rb'm). En fait, en saba'ique, le printemps ne
se dit pas rb't (arabe mb'i'a), mais df. Dès 1957, Jacques Ryckmans
(p. 94) avait proposé de traduire le syntagme fjzwtn rb'tn par "la qua-
trième campagne," traduction admise unanimement depuis lors.
d-lbtn: mois du calendrier solaire J:iimyarite, correspondant approxi-
mativement à "avril"; voir Robin 1998, pp. 124-125.
kl bny-'mr'1' (également l. 5, sans kl): nous identifions ces bny-'mr'1'
avec les descendants de 'Amr, père de ij:ujr Akil al-Murar (voir ci-dessous
"III. Une nouvelle identification des bny-'mrm"). Il est inhabituel qu'un
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 15
nom de lignage soit précédé par kl. C'est sans doute pour souligner que
les divers rameaux de ces bny-'mrm, d'ordinaire divisés, sont pour une
fois unanimes. La lecture bn-Y'mrm, au lieu de bny-'mrm, paraît peu
vraisemblable parce qu'une forme verbale comme y'mr ne prend pas la
mimation.
l. 4, 'bgbr: voir ci-dessous " III. Une nouvelle identification des bny-
'm~ ."
Kdt (également l. 5): voir ci-après "IL C. Essai d'identification des
ethnonymes et toponymes."
w-'l (également l. 5): voir ci-après "Il. C. Essai d'identification des
ethnonymes et toponymes."
Bs2 ~ bn-If§nm: ce personnage est inconnu par ailleurs.
1. 5, S 1 'dm w-M(r)[~j (Fig. 12 B): la restitution, proposée par
'Abd al-Mun'im Sayyid (Sayed 1988, pp. 132 et 140), qui se fonde sur la
mention de Mr~ w-S'~ à la fin de la même ligne, et sur la répétition
parallèle de Kdt w-'l (11. 4 et 5), est assurée. Gonzague Ryckmans avait
lu 81 '~ w-m(b,ç!,)w.
S 1 'dffl (deux fois): voir ci-après "IL C. Essai d'identification des eth-
nonymes et toponymes."
M{r)[~J (deux fois): voir ci-après "Il. C. Essai d'identification des
ethnonymes et toponymes."
w-(hrf)rw (Fig. 13 B): il s'agit très vraisemblablement d'un verbe au
pluriel, construit avec la préposition 'ly. La lecture du <f,ad est vraisem-
blable sans être sûre, puisqu'il est également possible de reconnaître un
ba' ou même un mïm. Le Dictionnaire sabéen retient la lecture <f,rw qui
n'est pas satisfaisante puisqu'il subsiste les traces d'une lettre entre le w
et le <f,. La lettre qui précède le <f,ii,d n'est plus lisible. La restitution la
plus vraisemblable est {h}<f,rw. Mais, si la racine l!RR est bien attestée,
et notamment le verbe <f,rr, "guerroyer," ce n'est pas le cas du verbe à
la forme factitive h<f,r.
'Abd al-Mun'im Sayyid (Sayed 1988, pp. 132 et 134-135), déchiffre:
w-IJ,<f,rw, lecture retenue par Müller 2010, p. 118. Cette proposition
n'emporte pas l'adhésion puisque le verbe 'IJ,<f,r (que Walter Müller rend
par "teilnehmen, anwesend sein") n'est pas attesté en contexte militaire.
'Abd al-Mun'im Sayyid traduisait w-IJ,<f,rw qdmy gys 2 n 'ly bny-'mrm Kdt
w-' l par "They (i.e. the two commanders) presented themselves in front
of the main army. Against Bani 'Amir were Kinda and 'Alï," considérant
'ly bny-'mrm Kdt w-'l comme le début d'une nouvelle phrase. Cette in-
terprétation ne s'accorde pas avec les pratiques stylistiques du saba'ique,
qui réclame une conjonction de coordination devant 'ly (observation déjà
faite par A.F.L. Beeston dans une "Supplementary note" à Sayed 1988,
p. 137); elle ne peut pas être retenue.
1
16 Christian Julien Robin
parvenue,! il a envoyé les messagers pour quel les Arabes qui 1 n'étaient
pas retournés avec Yazïd se soumettent."
M.J. Kister cite un emploi parallèle de ce verbe en arabe. En con-
traste avec les Arabes qui coopèrent avec la Perse ou avec les rois d'al-
I;lïra, ceux qui refusent sont appelés laqâly,, avec ce commentaire: lâ
yadïnüna li-l-mulük, "ils ne se soumettent pas (K.: ne prêtent pas allé-
geance) aux rois" (1968, p. 150).
Iflbn (également 11. 8-9): voir ci-après "II. C. Essai d'identification
des ethnonymes et toponymes."
1. 7, k~{m} (Fig. 17 B): la lecture k-~l proposée par Gonzague Ryck-
18 Christian Julien Robin
mans, et retenue depuis lors (sauf par Caskel 1954, p. 27 qui choisit
k'.) ne donne pas un sens très satisfaisant. Sur la pierre, le kaf et le
?a' sont sûrs; s'il y a place pour une lettre supplémentaire entre le kaf
et le ?a', aucune trace n'en subsiste. La troisième lettre est apparem-
ment un lam, mais ce peut être aussi un mïm partiellement effacé. Il
est donc possible de lire k?m, avec une racine bien attestée en arabe. Le
verbe ka?ama prend les sens de "suspendre, arrêter la rumination (se
dit d'un ch~meau),'' "intercepter (la respiration)"; "étouffer, comprimer
(sa colère)"; "fermer (la porte), boucher (un passage)" etc. Le substan-
tif k?m pourrait être l'arabe ku??am (pluriel de ka?im), "qui bouche,
obstrue un passage,'' "qui se tait"; de manière hypothétique, nous le
rendons par "rebelles."
ws 3 ' -hmw: le sens du verbe ws 3 ' est incertain. Il n'est établi que
par le contexte de cette inscription. Le Dictionnaire sabéen donne trois
interprétations: "donner des garanties à qqn" (d'après Gonzague Ryck-
mans 1953, pp. 278 et 283; voir aussi Müller 2010, p. 231), "négocier
avec" (d'après Beeston 1954, p. 392) ou "faire une proclamation à"
(d'après Pirenne 1968, p. 34). Le verbe tws 3 ', dans un contexte mili-
taire, signifierait "attaquer l'ennemi": voir Ja 649/29 et 30 ( w-bn-hw
f-wqh-hmw mr'-hmw S 2 m 27 r Yhr's 2 ••. l-tqdm w-tws 3 'n 's 2 30 'b 'km
w-d-S1 hrtm w-tws 3 'w w-tqdmn kl 's 2 31 'b w-'s 2 r 'km w-d-S1 hrf:m b-'qbtn
d-Rgzg 32 zn ... , "ensuite, leur seigneur Shamma\r Yuhar'ish leur ordonna
... d'affronter et attaquer les com\munes de 'Akkum et de dhü-Sahratum,
et ils attaquèrent et affrontèrent toutes les com\munes et les tribus de
'Akkum et de dhü-Sahratum dans la forteresse de dhü.-Rgzg\zn ... "). Le
sens de tws 3 ' pourrait être également "défier."
Dans ws 3 '-hmw, le pronom suffixe -hmw renvoie certainement au roi
Abraha; de ce fait le sujet du verbe ws3 ' est 'mr"' bn Mdrn. L'action
exprimée par le verbe ws 3 ' est suivie par une remise d'otages; il peut
donc s'agir de pourparlers, d'une simple soumission ou d'une reddi-
tion. Je retiens cette dernière interprétation puisque le nouveau texte
découvert en 2009 indique que 'Amrum a été expulsé d'Arabie centrale
(Murayghan 3/3, w-trdw 'mr"' bn Mdr"", "et il a chassé 'Amrum fils de
Mudhdhiran")
'mrm bn Mfl,rn: il s'agit d'un personnage considérable, le prince
'Amrum fils de Mudhdhiran, en arabe 'Amr fils d'al-Mundhir ou 'Amr
fils de Hind (d'après sa mère). Son père, al-Mundhir III, accède au trône
d'al-I:lïra entre 502 et 505 et règne jusqu'à sa mort au combat, en 554.
'Amr lui succède alors et occupe le trône jusqu'en 569. Le nom de 'mr"'
bn Mdrn se retrouve avec la même graphie dans l'inscription inédite Mu-
rayghan 3/3.
Mdrn: le nom de ce roi d'al-I:lîra était déjà attesté dans Ry 510/5-6
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 19
(où il est orthographié M!/'rm) et dans CIH 541/90 (rs 1l Mdr", "l'envoyé
de Mudhdhiran/al-Mundhir"); voir aussi Murayghan 3/3 où il est par-
tiellement restitué ([M]drn).
l. 8, w-s 1 t!ûf-hw: voir CIH 541/11, ... k-q 10 s1d w-hlûf b-gzmn Yzd 11
bn Kbs 2 t àlft-hmw d-s 112 tàlfw 'ly Kdt w-d' kn 13 l-hw b,lftn w-qs 1d w-'m-
hw 14 'qwl S 1 b' ... , "... après que s'est 1 révolté et a violé son serment
Yazîd / b. Kabshat, son gouverneur, qu'il avait / nommé sur Kiddat,
alors que (cette tribu) n'avait pas 1 de gouverneur. Il s'est révolté et,
avec lui, / les princes de Saba' ... "
Le sens du verbe s 1tb,lf n'est pas douteux: "nommer (quelqu'un)
b,lft." Le Dictionnaire sabéen rend b,lft par "vice-roi,'' sans doute in-
fluencé par la Tradition arabo-islamique qui accorde le titre royal aux
ijujrides de Kinda. Or cette même Tradition souligne que, du point de
vue des rois },iimyarites - et sans doute d'Abraha également-, le rang
de ces ijujrides ne pouvait pas égaler celui des rois (Olinder 1927, p. 40).
C'est pourquoi il me semble préférable de rendre b,lft par "gouverneur."
11. 7-8, w-b'dn-hw ws3 '-hmw 'mr"' bn Mdr" 8 w-rhn-hmw bn-hw w-
s1 tàlf-hw 'ly M' dffi. Les commentateurs varient considérablement dans
la reconstruction de la séquence d'événements qui se termine par la
désignation d'un gouverneur: cela tient au fait qu'on peut hésiter sur
le sujet des trois verbes ws 3 '-hmw, rhn-hmw et s 1tàlf-hw (qui peuvent
être au singulier, au duel ou au pluriel33 ) et que les pronoms suffixes
singulier et pluriel -hw et -hmw peuvent renvoyer à divers antécédents.
- Gonzague Ryckmans: "Et après cela, 'Amrum, fils de Muddirân
leur accorda sa garantie. Et il (Muddirân) leur délégua son fils et l'établit
comme gouverneur sur Ma'addum."
- Jacques Ryckmans 1954, p. 340: "le fils du roi de ijîra, 'Amr b.
Mundir, donna des garanties (ou fournit des otages) à Abraha, et lui
envoya son propre fils, qui fut établi sur Ma'add."
- Beeston 1954, p. 392: "After all this, 'Amr, son of al-Mundhir
negociated with Abraha and agreed to give hostages to Abraha from al-
Mundhir, for al-Mundhir had invested him ('Amr) with the governorship
over Ma'add."
- Caskel 1954, p. 28: "Spiiter loste sie 'Amrum auf Veranlassung
von Muddiran aus, / und er (Muddiran) sandte ihnen seinen Sohn als
Garanten und machte ihn zu seinem Stellvertreter über Ma'addum."
Une première discussion porte sur le sens de bn-hw. A.F .L. Beeston
a proposé de ne pas comprendre "son fils" (le fils de 'Amrum), mais "de
lui" (arabe min-hu) à savoir de la part d'al-Mundhir.
Un deuxième point fait problème: qui est nommé gouverneur de
33 Quand un pronom suffixe est attaché au verbe, les désinences -y et -w qui
Un peu avant 296, Kinda apporte son aide au I:la<;lramawt qui est
attaqué par I:Iimyar. Le roi J:timyarite Shammar Yuhar'ish (c. 287-311),
portant encore la titulature courte ("roi de Saba' et de dhu-Raydan,''
c. 287-c. 296), charge le commandant de sa cavalerie "de surveiller et
prendre en embuscade 1 les secours de Kiddat quand ceux-ci portaient
secours au I:IaQ.ramawt et il les prit en embuscade à Arak" ( l-r~d w-tibn
7 zbd Kdt brin zbdw If~rmt) (BR-M. Bayl;tan 5).
42 Chez Ibn al-Kalbî, les "fils" de Madhl;iij seraient: Lamïs, Sa'd al-'Ashïra, Jald,
Yul;iâbir (= Murâd) et Zayd (='Ans).
4 3 Voir Kister 1972, pp. 70, 72-73; Daghfous 1995, p. 127.
44 Caskel transcrit en italiques les noms de tribu.
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 27
l
r
Dans la Mawsü'at asma' al-amakin, 2003, on relève notamment Fay-
çl.at Turaban (vol. 4, p. 314); Turaba, al-Turba, Turabaou Turuba (vol. 1,
p. 561); jabal Tirban (35 ° 39' 10" E et 27 ° 53' N) dans la région de
Tabi.ïk et jabal Turban (39 ° 20' E et 24 ° 19' 20" N) dans celle d'al-
Madîna (vol. 2, p. 193); wadî Tirban dans la région de Tabük (vol. 5,
1 pp. 298-299), etc.
Le meilleur candidat à l'identification est Turaban, poin,t d'eau (man-
hal) dans le wadî '1-Surr, qui appartient aux al-Shiyabîn, près d'al-
Kha.f?ira (province d'al-Riyaçl.) (Jasir 1977 1, p. 195): voir l'Atlas, feuille
14, "Fayçl.at 46 Turaban,'' à 100 km à l'ouest-nord-ouest de I:Ialiban,
23 ° 45' N et 43 ° 26' E. Les arguments en faveur de ce choix sont que
la correspondance entre Trbn et Turaban est parfaite; que l'inscription
qualifie Trbn de mnhl tout comme la notice d'al-Jasir (manhal); et
qu'enfin les toponymes de l'Arabie déserte mentionnés dans notre texte
sont probablement assez proches les uns des autres (comparer avec ceux
d'al-'lrafa 1).
Cette identification est nouvelle. Jusqu'à ce jour, c'est une autre qui
s'était imposée, celle de Trbn avec Turaba, grand wadï et importante
bourgade à 127 km à l'est d'al-'fa'if (Atlas, 21°13'N 41°38'E; carte au
1/500 oooe TPC J-6A ou celle au 1/1 000 oooe ONC J-6). La raison en
était que Turaba relevait des banü 'Amir b. $a'f?a'a (dans lesquels on re-
connaissait les bny-'mrm de Ry 506=Murayghan1) (al-Bakrî, "Turaba,''
45
Aucun des répertoires de toponymes et aucune des cartes du royaume d'Arabie
séoudite que j'ai consultés ne mentionnent ce toponyme.
46 Groom 1983, p. 86, rend fay<f,a par "a wide, usually sandy depression into which
many wadis fiow."
30 Christian Julien Robin
Kinda avaient un fief à Ghamr dhï Kinda, à deux jours de Makka (Olinder 1927,
pp. 32, 34, 37).
48 Cet auteur renvoie également à un toponyme de la région de Marib, relevé dans
RES 4793 de Ma'rib: .. . jw-lflbn b-Ys 1 rn [. ..
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 31
d'un côté, la campagne conduite par 'bgbr et Bs2 r contre les rebelles
banü 'Amir sur la route de Trbn, décrite dans toute la séquence w-mb,rj,w
w-rj,rw . . . d-'s 1 m, et d'un autre côté les opérations du roi lui-même
contre les Ma'adènes à I:laliban. Ces deux campagnes doivent en fait
avoir été complètement distinctes si J[acques] R[yckmans] a raison (ce
qui semble probable) en plaçant I:laliban à 420 km au nord de Murayghan
dans la direction de I:Iïra, et les banü 'À.mir à l'ouest de Murayghan, le
long de la côte de la mer Rouge" (1954, p. 391).
Toutes les études postérieures - et notamment celle de M.J. Kister
et de 'Abd al-Mun'im Sayyid - reprennent l'interprétation proposée
par A.F.L. Beeston. En tenant compte des corrections et améliorations
apportées depuis 1953, voici comment se présenteraient les deux opéra-
tions:
a. La réduction d'une révolte des banü 'Amirum en Arabie occidentale
Deux colonnes formées de contingents de quatre tribus arabes yémé-
nites, l'une commandée par le [kindite] Abîgabr et l'autre par Bishrum fils
de I:Ii~num (inconnu par ailleurs), sont chargées de mater une révolte des
banü 'Amirum [b. $a'sa'a]. Elles infligent des pertes importantes (tués,
prisonniers et butin) aux révoltés lors de deux batailles qui ont lieu à
dhü-Marakh et à Tura.ban. Il n'est pas dit que les révoltés se soumettent
et remettent des otages. C'est donc une opération sans conclusion, qui
peut être considérée comme un échec.
Les quatre tribus arabes qui fournissent des auxiliaires sont Kinda
(sab. Kiddat) et trois fractions de Madhl).ij: 'Ula, Sa'd {al-'Ashîra] et
Murad.
L'identification de dhü-Marakh est discutée: ce pourrait être un wadï
du Najd septentrional (Sayed 1988, p. 132)·ou un toponyme des environs
de Makka (Yaqüt, entrée "Murakh"). Quant à Tura.ban, ce toponyme
correspondrait à la moderne Turaba, à 200 km à l'est de Makka.
b. Une victoire du roi Abraha en Arabie centrale à I:Ialiban
Pendant ce temps, Abraha défait à I:Iuluban (à 300 km au sud-ouest
d'al-Riyaçl) la tribu de Ma'addum qui se soumet et remet des otages.
Après des pourparlers avec le N~ride 'Amr fils d'al-Mundhir III qui lui
donne son fils en otage, Abraha nomme 'Amr (ou bien le fils de ce dernier)
gouverneur de Ma'add ( s1 tb,lf-hw 'ly M' d"'). Il présente cette opération
comme un succès alors, qu'en réalité, il remet le pouvoir aux Na~rides
d'al-I:Iîra. L'Arabie centrale est donc perdue au profit des N~rides et
des Perses sasanides.
Tous les commentateurs s'interrogent naturellement sur une éven-
tuelle relation entre ces opérations et la fameuse "Campagne de !'Élé-
phant,'' dirigée par Abraha contre Makka, dont on aurait un écho dans
le Coran (sourate CV, "L'éléphant"):
34 Christian Julien Robin
avec une commune ou une tribu, ils sont d'ordinaire les seigneurs ou les
princes de cette dernière. Pour l'Arabie du Sud, on se reportera par
exemple à:
- CIH 334/26, "Puisse Ta'lab leur accorder 25 la faveur et la bien-
veillance de leur seigneur Sha'rum Awtar roi de Saba' et de dhü-Raydan
et (celle) de leurs seigneurs les banü Hamdan et de leur commune I:Jashi-
dum" (w-l-s 1 'd-hw T'{lbj 25 f:i?Y w-r<f,w mr'-hmw S 2 'rm 'wtr mlk S 1 b'
[w-]2 6 [d-]Ryd" w-'mr'-hmw bny Hmd" w-s 2 'b-hmw Ifs 2 dtn]);
- Robin-al-Mashamayn 1/1-2, "Conformément à ce que se sont im-
posé et ont accepté les banü ë<f,2 bm et Drmt et la commune de la ville
de Madarum ... " (f:ign k-tqhw w-s 1 twddn bnw G{<f,j2bm w-Drmt w-s2 'bn
d-hg'f" Mdfffi ... ).
Pour l'Arabie déserte, les exemples sont moins nombreux:
- Ry 510/8, "et avec les banü Tha'labat et Muçlar" ( w-b-'m bny
Tlbt w-M<f,r);
-'Abadan 1/29-30, w-f:ir30 bw 's 2 rtn S 2 nm w-bny Nkrt, "et ils firent
à guerre à la tribu Shannum et aux banü Nukrat" 50 .
Il paraît donc assuré que les bny-'mrm ne sont pas une tribu, mais les
princes de Ma'addum. Il est possible de les identifier plus précisément:
ces bny-'mfffi sont vraisemblablement la dynastie kindite qui descend de
'Amr, le père de I:Jujr Akil al-Murar (à savoir les princes que j'ai appelés
"I:Jujrides"). La Tradition arabo-islamique rapporte que les I:Jimyarites
ont placé à la tête de Ma'addum un lignage kindite. Trois princes (con-
sidérés comme des "rois" par la Tradition) se succèdent de père en fils:
I:Jujr fils de 'Amr (surnommé "le Mangeur d'herbes amères," Â.kil al-
Murar ) 51 , son fils 'Amr (surnommé "le Limité," al-Maq~ür) et son petit-
fils al-I:Jarith (surnommé "le Roi," al-Malik). Ce dernier fut l'un des
personnages les plus marquants de l'Arabie déserte en son temps: il est
crédité d'un règne particulièrement long (60 ans ou 40 selon les sources 52 )
et il aurait réussi à occuper la capitale des Na~rides d'al-I:Jîra. Après la
mort d'al-I:Jarith al-Malik, tué par al-Mundhir III peu avant avril 528 53 ,
la discorde s'installe: Shura4bîl b. al-I:Jarith, qui avait reçu de son père
le pouvoir sur Rabra, déclare la guerre à son frère Salama, à la tête
de Tamîm: la bataille décisive, au cours de laquelle Shura4bîl est tué,
est le fameux premier Yawm K ulab, qui oppose principalement Bakr et
Taghlib. Imru' al-Qays b. I:Jujr, le célèbre poète préislamique, est un
50 Pour ces deux noms, enregistrés dans les généalogies d'lbn al-Kalbï, voir Caskel
1966-1, tableau 168.
51 C'est sans doute ce roi qui grave l'inscription lfgr bn 'mrm mlk Kdt aux environs
de Najran (Gajda 1996).
52 Ibn al-Kalbï, Nasab, pp. 168-169; Olinder 1927, p. 54.
53 Malalas, Chronographia, XVIIl.16. Avril 528 correspond au retour de
l'expédition punitive chargée de venger le meutre d'al-I;Iarith al-Malik.
36 Christian Julien Robin
petit-fils d'al-I:Iarith54 •
Un autre rameau des rejetons de 'Amr, le père de I;Iujr A.kil al-Murar,
a joué un rôle important en Arabie centrale: ce sont les descendants de
Mu'awiya al-Jawn ("à la peau sombre") fils de I;Iujr A.kil al-Murar, qui
règnent sur la Yamâma et à Hajar, sans doute sous la tutelle de la
branche aînée. Ils perdent le pouvoir après la bataille de Jabala (yawm
J abala) et se replient sur le I;Iaçl.ramawt 55 .
Un troisième rameau, qui n'a pas encore été mis en évidence par les
chercheurs ayant traité de Kinda, semble avoir également eu une position
élevée comme nous allons le voir, les descendants de Imru' al-Qays fils
de 'Amr al-Maqi;;ür et de son épouse Kabsha.
Le paragraphe dans lequel Ibn al-Kalbî traite de la généalogie de tous
ces princes est d'ailleurs intitulé "Voici les banü 'Amr b. Mu'awiya" 56 .
al-Hamdanî, à plusieurs reprises, appelle également la famille royale kin-
dite "les banü 'Amr b. Mu'awiya" 57 •
Il n'est sans doute pas inutile de rassembler l'ensemble des données
généalogiques relatives aux familles régnantes de Kinda dans un tableau
récapitulatif:
KINDA
Mu'awiya Ashras
1
Ma'dlkarib
Qays
al-Ash'ath (Ridda)
bi-hii Abü 'l-Jabr b. 'Amr. Voir aussi al-Hamdanî, al-Iklû II, p. 18, et al-Iklû VIII,
p. 90 (qui précise qu'Abü 'l-Jabr demande l'aide de Kisrà contre les banü '1-I:Iarith b.
'Amr b. Mu'awiya, à savoir les descendants d'a!-I:Iarith al-Wallada, le frère de I:Iujr
Àkil al-Murar); Lecker p. 336 et nn. 4 et 8.
40 Christian Julien Robin
Ces données éparses conduisent à conclure que les banü Kabsha con-
stituent un rameau kindite qui a joué un rôle notable vers le milieu du
v1° siècle, au Yémen semble-t-il plutôt qu'en Arabie centrale.
c. Kaïsos (arabe Qays), son fils Mauïas (Mu'awiya) et ses frères Am-
bros ('Amr) et Iezidos (Yazîd)
Après la mort du Kindite Arethas (al-I:larith al-Malik b. 'Amr b.
I:Iujr) fin 527 ou début 528 (voir ci-dessus), l'un de ses descendants
(probablement un petit-fils), nommé Kaïsos [Qays], est le candidat de
Byzance pour la succession.
Nous disposons de deux sources différentes sur ce personnage. La
première, les Guerres de l'historien Procope, nous éclaire sur le contexte
politique et militaire en Arabie au printemps 531, quand Jµstinien en-
voie une ambassade en Éthiopie et en Arabie du Sud64 . L'ambassadeur
Ioulianos, qui a pour instructions d'inciter Aksüm et I:Iimyar à s'engager
aux côtés de Byzance dans la guerre contre la Perse, doit notamment
demander au souverain J:iimyarite d'"établir (Kaïsos) comme phylarque
sur les Maddènes."
Ce Kaïsos qui est issu d'"une famille de phylarques" (c'est-à-dire de
chefs de tribus) est "extrêmement doué pour la guerre." C'est sans doute
pour cela que les Romains le choisissent. Mais il présente un sérieux in-
convénient. Il est un "fugitif" (Kaison ton phygada), en mauvais termes
avec le roi J:iimyarite dont il a "tué un des parents" de sorte qu'il "a fui
sur une terre complètement vide d'hommes."
La seconde source est le rapport de l'ambassadeur Nonnosos, qui est
connu grâce au résumé qu'en donne Photios. La mission de Nonnosos
est postérieure à celle de Ioulianos 65 . Kaïsos, "chef des Saracènes" est
alors "à la tête de deux tribus des plus en vue parmi les Saracènes,
les Chindènes et les Maadènes,'' c'est-à-dire de Kinda et de Ma'add.
Nonnosos nous éclaire sur le lien de parenté qui relie Kaïsos à Arethas,
"chef lui aussi": il en est le "descendant" ( apogonos ), ce qui implique
qu'il n'est pas l'un de ses fils.
Un "traité de paix" lie désormais Kaïsos à l'Empire. Il a été négocié
par "le père de Nonnosos, avant la désignation de ce dernier comme
ambassadeur ... sur l'ordre de Justinien." Une clause de ce traité était
l'envoi du "propre fils de Kaïsos qui s'appelait Mauïas ... auprès de Jus-
tinien à Byzance."
Quant à Nonnosos, il a pour mandat de "ramener si possible Kaïsos
auprès de l'empereur et (de) parvenir jusqu'au roi des Axoumites (Éles-
baas était alors le maître de cette peuplade) et, en outre, pousser jusque
64 Procope, Guerres, I.20.9 sv., et Annexe A. Concernant la date, voir Beaucamp
2010, pp. 205-206.
65 Photios, Bibliothèque, 3 = HENRY 1959, pp. 4-5, et Annexe A et B.
42 Christian Julien Robin
"
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 43
Al-J:lârith ne précise pas que Qays est un prince kindite. Mais deux
indices le laissent supposer: d'une part Qays est à la tête de Ma'add
et d'autre part il est curieusement qualifié de kabsh qara?ï, mot-à-mot
"bélier tannifere" (vers 71 ou 54), expression qui renvoie probablement
au Yémen 69 .
l' Le Kaïsos de Procope et Nonnosos (assimilé avec le Qays d'al-J:lârith
~,,
b. J:Iilliza) a d'abord été identifié avec le fameux poète Imru' al-Qays
b. J:Iujr b. al-J:lârith al-Malik. Deux arguments plaidaient en ce sens:
ils sont l'un et l'autre des petis-fils d'al-J:Iârith al-Malik et ont fait le
voyage de Constantinople70 . Mais le nom ne correspond pas exactement:
1
1
70-74; Ya'qüb 2004, pp. 32-33, vers 53-57; Caussin 1847-11, p. 370; Berque 1979,
pp. 94-95; Shahîd 1995 a, 1/1, pp. 164-165 et notes. Au vers 70/53, les éditions
arabes préfèrent jii'ü jamï'an, alors que la lectio difficilior jâ'at Ma'adà"n semble
préférable.
6 9 Caussin 1847-11, p. 370, "héros du Yaman"; Berque 1979, p. 95, "Bélier tan-
nifère," et n. 11, p. 169. L'arabe qarar- signifie "feuilles du bois salam employées
dans la préparation des cuirs" (Kazimirski, qui ajoute: "Bilâd al-Qarar., surnom du
Yémen, de l'Arabie Heureuse).
°
7 Caussin 1847-II, pp. 302-303, 311-312.
71 Olinder 1927, p. 115; Letsios 1989.
7 2 Olinder 1927, pp. 114-117.
7 3 Olinder 1927, p. 117.
74 Caskel 1966-1, tabl. 238. Noter qu'al-I;larith al-Malik a également un fils nommé
Qays, mais ce Qays n'est pas un bon candidat à l'identification avec Kaïsos: on
imagine mal Nonnosos - qui connaissait personnellement Kaïsos - le qualifier de
"descendant" d' Arethas s'il avait été son fils.
75 Ibn I;Iabïb, al-Mu~abbar, p. 252. Olinder savait qu'un cousin du poète lmru'
al-Qays b. I;Iujr b. al-l:iarith al-Malik s'appelait Yazïd, et que ce Yazïd pourrait être
un fils de Salama, mais il n'en avait pas la preuve (1927, pp. 108 - où ce Yazïd est
appelé "Yazïd b. al-I;larith" et 117).
76 Ibn al-Kalbï dans Caskel 1966-I, tabl. 238; Ibn I;Iabïb.
44 Christian Julien Robin
Malik77 et Yazîd78 .
Une dernière piste se présente: al-l:Iarith b. I:Iilliza qualifie curieuse-
ment Qays de kabsh qam?ï. Ce terme de kabsh pourrait être une allusion
à son ascendance, puisqu'un important rameau des I:Iujrides s'appelle
précisément les banü Kabsha (voir ci-dessus).
Ce qui donne un peu de consistance à cette hypothèse est le fait que
le Kindite qui se révolte contre Abraha au I:Ia<;l.ramawt en 547 s'appelle
Yazîd b. Kabshat (Yzd bn Kbs 2 t) (CIH 541/10-11). Si on identifiait ce
Yazîd avec le Iezidos de Nonnosos, il en résulterait que l'identité véritable
de Kaïsos est *Qays b. Kabsha.
Cette hypothèse se heurte cependant à deux difficultés. Tout d'abord,
les banü Kabsha ne sont pas les descendants d'al-I:Iarith al-Malik, mais
ceux de son frère Imru' al-Qays; il faudrait donc supposer que Nonnosos
a employé "descendant" [apogonos] dans un sens vague. Par ailleurs, Ibn
al-Kalbî ne mentionne aucun Qays parmi les banü Kabsha, alors qu'il
cite deux Yazîd.
En conclusion, dans l'état actuel de la documentation, le meilleur
candidat à l'identification avec Kaïsos est toujours Qays b. Salama b.
al-I:Iarith al-Malik. Il n'en demeure pas moins étrange que la Tradition
arabo-islamique n'ait pas ·conservé le moindre souvenir de ce person-
nage qui joua un rôle politique majeur dans les années 530, c'est-à-dire
quelques générations seulement avant Mul;tammad. C'est une nouvelle
illustration du fait que la Tradition est non seulement sélective, mais
aussi amnésique: des pans entiers de l'histoire préislamique n'ont pas
été enregistrés. Pour nourrir la mémoire, encore fallait-il qu'il y ait des
informateurs, tout particulièrement des descendants des protagonistes
puisque les anecdotes ( khabar) relatives aux événements du passé étaient
avant tout conservées et commentées au sein des familles. Or, il n'est
guère douteux que les guerres, les épidémies, les calamités climatiques
et les désordres du vie siècle ont fait disparaître une importante propor-
tion de la population de l'Arabie et du Proche-Orient. Le silence de la
Tradition sur Qays b. Salama s'explique peut-être par l'extinction de la
lignée de ce dernier.
Il importe également de relever que les généalogistes arabes ne con-
naissent ni Mu'awiya (Mauïas fils de Kaïsos) ni 'Amr (Ambras frère de
Kaïsos) ce qui rappelle utilement qu'ils n'ont enregistré qu'une infime
partie des individus ayant réellement existé. Toute identification est
donc aléatoire, d'autant plus que des noms comme Qays, Yazîd ou 'Amr
sont fort communs.
Ou encore:
IV Conclusion
Notre réinterprétation de l'inscription Ry 506 = Murayghan 1 amène à
réexaminer le rôle d'Abraha en Arabie déserte.
Au début de son règne, il est clair qu'Abraha n'a pas les moyens
d'intervenir dans les affaires de l'Arabie déserte. Il doit tout d'abord
régler son contentieux avec le négus et consolider son pouvoir au Yémen
même.
Selon Procope, Abraha renverse le roi l:Umyarite que le souverain
aksümite Hellêstheaios (= Kaleb Ella Af?bal;ta) avait placé sur le trône
après sa conquête du Yémen. Ce coup de force est quelque peu postérieur
("peu de temps après," chronô ou pollô) à la venue d'une ambassade
byzantine, sous la conduite de Ioulianos. Vu l'emplacement où Procope
traite de cette ambassade, elle serait envoyée entre avril (bataille de
Kallinikon) et septembre 531 (mort du roi sasanide Qubadh 1) 85 . Le
coup de force d'Abraha interviendrait donc dans les années qui suivent
531, peut-être vers 533.
Pendant quelque temps, Abraha est mobilisé par les tentatives de
représailles d'Hellêstheaios. Ce dernier commence par envoyer une armée
de 3 000 hommes, commandée par un de ses parents. Mais la troupe
prend langue avec Abramos (= Abraha) et, au lieu dè combattre ce
dernier, tue son chef et rejoint les rebelles. Une seconde armée envoyée
par Hellêstheaios subit un cuisant échec et se retire. Hellêstheaios "ne
fit plus d'expédition par la suite contre Abramos."
La durée de ce bras de fer entre Abraha et le négus est de plusieurs
années, sans doute au moins cinq, si on prend en compte qu'il faut
un certain temps pour mobiliser une armée et rassembler une flotte,
sans parler des conditions climatiques qui rendent difficile la traversée
de la mer Rouge en hiver. Ensuite, il s'écoule plusieurs années sans
qu'Hellêstheaios entreprenne une autre expédition. On peut donc estimer
que, de 533 à 540 pour le moins, Abraha est paralysé par la menace
aksiïmite.
L'écho de ce conflit dans la Tradition arabo-islamique 86 montre que
la crise eut un grand retentissement et pourrait confirmer qu'elle dura
84 Voir "II. C. Essai d'identification des ethnonymes et toponymes - S 1 'à"'."
85 Beaucamp et alii 1999, p. 63; Beaucamp 2010, p. 200 et n. 14 (rappel des diverses
datations déjà proposées pour cette ambassade). Certains auteurs remontent la date
de l'ambassade en 530.
86Daghfous 1995, p. 118.
48 Christian Julien Robin
Arabes de Ma'addum qui[ avaient pris le parti (?) de Mu]dhdhiran, chassé 'Amrum
fils de Mudhdhiran et 4 soumis tous les Arabes de Ma'addum[, Ha]garum, KhaH,
Tayyum, Yathrib et Guzam (ar. Judham?)," ... k-qflw bn 'r<j, M'd:"' 3 k-s 1 tqdw "rb
M'd:"' '{b)[r M}drn w-prdw 'mrm bn Md~ w-s 14 tqdw kl "rb M'd:"'( w-Hjgrm w-lft
50 Christian Julien Robin
'
plus solide possible, convint à plusieurs reprises avec l'empe-
reur Justinien d'envahir la terre de Perse; mais une seule fois
il entama le trajet, pour faire aussitôt retraite en arrière.
Pour que Procope fasse référence à la campagne d'Abraha de 552, il faut
que la rédaction de son ouvrage (ou tout au moins les dernières retouches)
soit postérieure à cette date. C'est possible sans être sûr. On considère
que la rédaction des Guerres est achevée en 550-551. Cependant, comme
je l'ai indiqué, Procope semble avoir connaissance, au moment où il écrit,
de la mort de Moundhir III, qui intervient en 554: il n'est donc pas
impossible qu'il fasse aussi allusion à la campagne d'Abraha de 552.
On objectera peut-être que Ry 506 = Murayghan 1 ne rapporte pas
une expédition contre la Perse, mais seulement une reprise en main de
l'Arabie centrale. Une telle objection ne semble pas fondée: comme le
montrent clairement Murayghan 1 et 3, l'Arabie centrale est reconquise
sur les Na.;;rides d'al-Ij[Ira qui sont des agents des Perses sasanides.
Si ce n'était pas à la campagne de 552 que Procope faisait allusion,
il faudrait supposer que c'est à l'une des trois expéditions qui précèdent,
évoquées dans Ry 506 = Murayghan 1. Comme je l'ai déjà indiqué,
ces trois expéditions sont probablement postérieures à 548, ce qui les
daterait de 549, 550 et 551. Mais nous n'en savons rien.
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,1 primerie nationale), tomes !-VIII, 1900-1967.
;,
RIÉth 5, 180, 191, 268, 277 et 387: voir Recueil des inscriptions de
.
/ l'Éthiopie des périodes pré-axoumite et axoumite (Académie des
Inscriptions et Belles-Lettres). Paris (Diffusion de Boccard) .
Tome 1: Les documents, 1991; Tome II : Les planches, 1991; Tome
III: Traductions et commentaires, A. Les inscriptions grecques, par
Étienne Bernand, 2000.
[Sumüyafa' Ashwa ']; il lui fixa de verser, chaque année, un tribut aux
Éthiopiens et se retira chez lui.
2) Beaucoup d'esclaves de cette armée des Éthiopiens et tous ceux
qui s'entendaient à l'art de malfaire n'acceptèrent aucunement de suivre
le roi et, laissés sur place, restèrent par convoitise pour le pays des
Homérites: il est, en effet, extraordinairement prospère.
3) Peu de temps après, cette populace, avec d'autres, se souleva con-
tre le roi Esimiphaios: ils l'enfermèrent dans un des fortins de là-bas et
établirent un autre roi pour les Homérites, nommé Abramos [Abrnha /
Abraha].
4) Cet Abramos était chrétien et l'esclave d'un Romain, qui s'occu-
pait d'activités maritimes dans la ville éthiopienne d' Adoulis.
5) Quand Hellêstheaios l'apprit, il eut à cœur de faire payer à Abra-
mos en même temps qu'aux insurgés qui l'entouraient l'injustice com-
mise envers Esimiphaios: il envoya contre eux une armée de trois mille
hommes et, comme chef, un de ses parents.
6) Comme cette armée ne voulait plus rentrer chez elle, mais de-
meurer sur place, dans un pays prospère, ils prirent langue avec Abramos
à l'insu de leur chef et, une fois postés pour la rencontre avec les adver-
saires, quand ils en ar~ivèrent à l'action, ils tuèrent leur chef, puis se
mélangèrent à l'armée des ennemis et demeurèrent sur place.
7) Hellêstheaios, en proie à une forte colère, envoya encore contre
eux un autre corps expéditionnaire: ils en vinrent aux mains avec les
partisans d' Abramos, subirent une grande défaite au combat et firent
aussitôt retraite chez eux. Pris de peur, le roi des Éthiopiens ne fit plus
d'expédition, par la suite, contre Abramos.
8) Après la mort d'Hellêstheaios, Abramos convint de payer tribut à
celui qui lui avait succédé au royaume des Éthiopiens et fortifia de cette
manière son pouvoir. Mais cela se produisit à une époque ultérieure.
9) À ce moment-là, l'empereur Justinien, tandis qu'Hellêstheaios
régnait chez les Éthiopiens et Esimiphaios chez les Homérites, envoya
un ambassadeur, Ioulianos, en demandant aux deux de s'associer aux
Romains en guerre contre les Perses, du fait de leur communauté de
croyance, de la façon suivante: les Éthiopiens, qui achèteraient la soie
aux Indes et la vendraient aux Romains, deviendraient, pour leur part,
maîtres de grandes richesses et procureraient aux Romains ce seul profit,
de ne plus être contraints de transférer leurs propres richesses à leurs en-
nemis (cette soie est celle dont on a l'habitude de faire les vêtements que
les Grecs appelaient autrefois médiques et que l'on nomme actuellement
sériques); quant aux Homérites, ils établiraient Kaïsos [Qays], le fugitif,
comme chef (phylarque) sur les Maddènes [Ma'add] et envahiraient la
terre des Perses avec une grande armée (composée) d'Homérites mêmes
r
1
[al-I:Iarith], qui avait été chef lui aussi, et auprès de qui le grand-père de
1
Nonnosos avait été envoyé en ambassade par Anastase [491-518] alors
~ empereur, et il avait négocié une paix. D'ailleurs, le père de Nonnosos lui
1 aussi, qui s'appelait Abramês, était allé en mission auprès d'Alamundar
1
[al-Mundhir III], un chef des Saracènes, et deux généraux romains, Timo-
strate et Jean, prisonniers de guerre, furent libérés grâce à lui; c'est
1 <
pour le service de l'empereur Justin [518-527] que cette libération des
1 •
'I Masriïq, fils d'Abraha, succéderait à son frère Aksüm selon la Tra-
dition. C'est peut-être ce roi que Théophane de Byzance, cité par
Photius (Bibliothèque, I, éd. Henry, 78, 26b), appelle Sanatourkès .
.....___ --
76 Christian Julien Robin
Avant 579 Sayf b. dhî-Yazan renverse Masrüq avec l'aide de Khusraw 1 Anü-
shirwan (531-579) selon la Tradition. Ce serait vers 570 si on
se fonde sur les allusions des sources grecques (Shahîd 1995-1,
pp. 364-372) ou vers 575 d'après les sources arabes (Smith 1954,
p. 434) 98 .
IX Illustrations
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Tableau A La dynastie des I:Iujrides ou "rois de Kinda" qui ont gouverné
l'Arabie centrale pour le compte des souverains ~imyarites (Caskel 1966-I,
tableau 238).
Abraha et la reconquête de l'Arabie déserte 79
t;3 Les tribus arabes fournissant des auxiliaires aux rois l;imyarites
C"
0
IV s. c. milieu du v" s. Ma'dikarib (521) Ytlsuf (523) Abraha (552)
'mr'" Ja660 (?)
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~ Bhf' Ir 32, Ja 665, Ja 660 ([BhJ(IT ou [Mr](d)j
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Kdt Ir 32, Ja 665, Ja 660 (?}, 'Abadan 1 Ry 509 Ry 510 Ry 508 Ja 1028 Ry 506
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::::s Autres tribus arabes, mentionnées dans des contextes divers
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œ 's1d' 's 1d', 'Abadan 1/16 (fractions: Sdl' et Rs 1n, 11. 16-17); (')l-'s 1d (Ja 635/37; Sh 31/10; 'Inân 75), 's 1d (Ja 2110/8, YM 10 703/4-5); 's 1dy, Ja 939/2,
p. 957/1-2 et 96212 8'
g; O'
'yç/" 'Abadan 1114
0
UJ ;:;·
'bdqys" Abadân 1129
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UJ Dw't CJH 407/19; Ir 17 par. 3; Ja 616/19 et 23. Selon Ja616, la tribu se compose de 'b's 1, 'yd"', lfkmm. Jjdgnt, Gmd", Khf', 'hlny, Gdlt, S1bs"", lfrl11",
~· Jjgr Lmd, 'wmm et R(lbl' bn /frt
0 Gr'" Ja 660/13, 16; gry, Ja 660112
!:l. Gs" 'Inân 75 ; 'Abadân 1/29
'O
füsf Ja 576/2
g·°'" M'd" 'Abadân 1/19, 27-28, 29; Ry 50613, 7, 8; Ry 509/6; Sayed, PSAS 18, 1988, p. 136
UJ M(ir Ry 510/6; Gajda-al-'Iriifa 1/4
·P" Nb"' Ja 660113, 16
§" N::r'" 'Inân 75 ; 'Abadân 1129
Qbl' Ja 635/26-27; DAI-Bar'ân 2000-1; al-Ansary 1981, p. 144
Gajda-al-'Iriifa 111 ; Sharaf31/11
~;:;: Tnb
~ Ti" Murayghân2
,.1bmJ1u fi la 1H·o11q11tf <- dt· l'. l mb11 d(.'if ri 1
Fig. 1 L'inscription d'Abraha DAI GDN 2002 / 20, face B (février 548)
(photographie DAI / Burkhard Vogt).
2 Clll'islion .f11lin1 Hobi11
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Fig. 13 A et B L'inscription d' Abraha Ry 506 = Murayghan 1 (septembre
552), centre 1; détail de la!. 5.
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JERUSALEM STUDIES IN
i
•
ARABIC AND ISLAM
t1 39
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2012