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Les années 1530 furent pour l'Angleterre particulièrement fécondes et décisives. Dans le
domaine religieux, la rupture avec Rome fut consommée, tandis que s'élaboraient les lois
essentielles régissant les rapports de l'Eglise et de l'Etat.
Réforme «venue d'en bas», populaire, attendue et soutenue par le peuple, ou Réforme
«venue d'en haut», imposée par le gouvernement ? Transformation rapide du visage ecclésiastique
anglais ou au contraire, processus lent ? = Historiens divisés.
On peut penser que le protestantisme a bien été imposé par le gouvernement, mais sans
beaucoup de succès. Dans l'ensemble, les Anglais ne voulaient pas de la Réforme et furent lents à
l'accepter lorsqu'elle vint. En effet, la religion médiévale n'avait en rien perdu de son influence dans
les masses populaires, les moines et les religieuses ne suscitaient pas d'hostilité particulière, et il
fallut plus de dix ans pour que les ordonnances royales contre le culte de saints et la croyance au
purgatoire soient appliqués. Mais il y a des différences régionales: Lenteur du processus dans les
régions éloignées de Londres, cloisonnées par leur relief et leur archaïsme. Le processus fut plus
rapide dans les régions proches de la capitale -d'où venaient les ordonnances du gouvernement- et
dans les régions proches de ports maritimes -où aboutissaient les influences des protestants du
continent. Mais partout, la Réforme fut un long combat, au début du règne d'Edouard VI aucun
comportement ou courant protestant ne se dessinait nettement. Ce sont sans doute ces difficultés et
ces contrastes locaux qui ont, deux décennies après le schisme d'Henri VIII, amené Elisabeth et ses
conseillers à adopter une via media écartée des solutions extrêmes, autant de Rome que de Genève.
1. Le schisme henricien.
1.1. Le divorce du roi.
Célébré en 1509, à l'avènement du jeune roi succédant à son père Henri VII, le
mariage d'Henri VIII et de Catherine d'Aragon avait été autorisé en 1503 par une bulle de
dispense du pape Jules II, que nécessitait une première union entre la princesse espagnole et
le prince de Galles Arthur, frère d'Henri VIII mort prématurément. Ce second mariage
paraissait alors souhaitable pour des raisons financières (la dot de Catherine d'Aragon) et
diplomatiques (l'alliance entre l'Angleterre et l'Espagne). S'il fut satisfaisant à ses débuts, il
se révéla toutefois une source de désillusions: la reine ne peut donner de fils à Henri VIII,
plusieurs enfants naquirent (dont des fils) mais tous décédèrent en bas âge, sauf une fille
(Marie). Un problème grave se posait à la jeune dynastie des Tudor: aucune femme n'avait
jamais régné en son nom propre en Angleterre ou en Europe, à quelques exceptions
lointaines qui s'étaient révélées malheureuses. En se mariant, la princesse héritière risquait
soit de placer le pays sous la coupe d'un souverain étranger, soit d'occasionner une nouvelle
guerre des Deux-Roses en épousant un noble anglais. Le manque d'héritier mâle poussa le
roi à penser que son union n'était pas bénie par Dieu, parce qu'il avait été sacrilège d'épouser
la veuve de son frère, et à en espérer l'annulation en vue d'un second mariage plus heureux.
Il est probable que son projet ait pris corps en 1526. En 1527, après en avoir tout d'abord
appelé au cardinal Wolsey, le roi s'adressa directement au pape. Le souverain avançait deux
arguments: deux textes du Lévitique interdisaient à un homme de prendre la femme de son
frère, cette interdiction relevait du droit divin. Deuxièmement, la dispense accordée par
Jules II était en tout état de cause insuffisante.
Mais la papauté (Clément VII) était défavorable à la demande du roi. En 1529, le roi
renvoya Wolsey et le remplaça par Thomas More, un laïc érasmien. Il convoqua un
Parlement pour réformer les abus du clergé.
2. Le compromis élisabéthain.
Les évêques mirent au point les Articles de foi qui assuraient la continuité du
règlement religieux de 1559. On peut diviser les 39 Articles en 4 thèmes:
- des professions de foi générales sur le christianisme, dont la formulation se rapproche de
celles du luthéranisme mais qui pouvaient aussi bien être acceptées par Rome.
- des «articles évangéliques», protestants, mais plus proches de Luther que de Calvin,
comme sur la prédestination et les cinq sacrements distincts de ceux de l'Evangile.
- des articles sur la présence eucharistique, qui ne reposent pas sur les écrits de
Calvin de façon stricte, mais qui réfutent aussi bien Rome que les anabaptistes,
Luther et Zwingli.
- des articles applicables à l'Angleterre seule, comme la suprématie royale ou
l'interdiction de modifier des cérémonies traditionnelles compatibles avec la parole
de Dieu.