Our studies encompass the main religions of the world: hinduism, judaism, christianism,
buddhism, islam, taoism.
08 août 2006
Introduction
Le livre s’adresse aux histories, aux musulmans et aux chrétiens. Sur les questions
théologiques débattues entre la Chrétienté et l’Islam, l’auteur a préféré une position de
neutralité.
D’abord le Qur’ân.
c) les Maghâzî ou Histoire des campagnes de Muhammad par al-Wâqidî (m. 822/207);
- Çahîh d’al-Bukhârî;
Il se peut très bien que la Sîrah d’Ibn Hishâm soit ni plus ni moins qu’une répétition de la
Sîrah d’Ibn Ishâq (m. 768/151).
L’étude non-islamique le plus détaillée sur le Prophète est celle de Caetani dans ses Annali
dell’Islam. « […] il n’est pas difficile de corriger ses excès occasionnels de scepticisme. » (p.
14)
On évoquera la région entourant La Mecque et Médine (le Hidjâz au sens large), et le pays
steppique adjacent du Nadjd.
A vrai dire, le désert n’a joué aucun rôle déterminant dans le développement du
monothéisme de Muhammad, mais il n’en reste pas moins que le désert a eu un rôle de
première importance dans l’ensemble du phénomène de l’Islam.
La vie nomade est fondee sur la fréquentation de deux types de paysages: les pâturages
saisonniers pour les chameaux et les contrées où les arbres réussissent à se maintenir.
Le lait et les dattes constituent les éléments essentiels de l’alimentation du nomade. Les
céréales sont un luxe réservé aux puissants et aux riches.
Le nomade aime dérober les oisis et les caravanes. Comme il est bon guerrier, les marchands
et les agriculteurs sont disposés à lui payer un tribut pour la protection de leurs foyers, de
leurs troupeaux et pour le libre passage de leurs caravanes.
Yathrib (connu plus tard sous le nom de Médine) était un grand et florissant oisis à l’époque
de Muhammad.
Le Yémen, ou l’Arabie Heureuse, était une région agricole fertile où l’irigation se pratiquait
depuis les temps les plus anciens.
La Mecque était une cité commerciale, assise au milieu de rocailles dénudées. Il y avait un
haram (sanctuaire où les gens pouvaient se rendre sans redouter d’être molestés).
A la fin du VIe siècle, la Mecque avait pris en main la plus grande partie du commerce entre
le Yémen et la Syrie (route par laquelle l’Occident se procurait les marchandises de l’Inde
aussi bien que l’encens de l’Arabie du Sud).
La Mecque était aussi centre financier. « Les dirigeants de la ville à l’époque de Muhammad
étaient surtout des financiers, très expérimentés dans le maniement du crédit, extrêmement
habiles dans leurs spéculations, et attentifs à toute opportunité de placement lucratif
d’Aden à Gaza ou Damas. » (p. 21-22)
« Le Qur’ân ne fit pas son apparition dans l’atmosphère du désert, mais dans celle de la
haute finance. » (p. 22)
2. La politique à La Mecque
Le sanctuaire de La Mecque remontait à une haute antiquité. Après avoir été tenu pendant
longtemps par la tribu de Djurhum, il passa à celle des Khuzâ’ah auxquels étaient associés les
Banû Bakr ben ‘Abd Manât ben Kinânah. Les Khuzâ’ah et leurs alliés cédèrent le pouvoir à
Quçayy qui tira sa force en partie d’une alliance avec certains membres des Kinânah et des
Qudhâ’ah, en partie pour avoir réuni divers groupes de Koréishites jusqu’alors désunis et
sans influence.
Il n’existait qu’un seul organe de gouvernement à La Mecque: le sénat (mala’). C’était une
assemblée des chefs et dirigeants des divers clans, sans pouvoir executif propre.
- nasî (privilège de décider quand un mois devait être intercalé dans le calendrier lunaire
pour l’aligner sur le calendrier solaire);
- siqâyah (la surveillance des approvisionnements d’eau particulièrement en vue des besoins
des pèlerins);
L’influence d’un individu dans les affaires de La Mecque dépendait de son clan et de ses
qualités personnelles. Un riche héritage et des relations d’affaires pouvaient servir de
tremplin, mais en fin de compte ce sont les qualités personnelles qui lancent l’individu. « La
démocratie exercée par la politique mecquoise par Abû Sufyân pendant les débuts de
Muhammad ne résultaient aucunement d’une charge, mais de l’importance et de la
prospérité de son clan, ‘Abd Shams ou Umayyah, et de la possession de ces qualités
[énoncées antérieurement: sagacité commerciale et financière, tact dans les relations avec
les autres clans et tribus, aptitude à persuader ses pairs du clan et dans de plus larges cercles
de se ranger à sa conduite]. » (p. 29)
« Le mala’ mecquois était un corps beaucoup plus sage et plus responsible que l’ekklesia
d’Athènes, par voie de conséquence, ses décisions étaient beaucoup plus souvent fondées
sur de réels mérites des hommes, et non sur une rhétorique spécieuse toujours susceptible
de présenter le pire sous l’apparence du mieux. D’un autre côté, tandis que les Athéniens
donnaient la primauté aux principes moraux et tehnaient à honorer un homme parce qu’il
était honnête et droit, les Mecquois se montraient plus sensibles à ce qu’un homme ait
avant tout de l’esprit pratique et se montre dirigeant avisé. » (p. 29)
Chez les Arabes du désert, noblesse et prestige étaient en grande mesure une affaire de
puissance militaire.
Les Koréishites étaient reconnus comme ayant la prééminence sur toutes les tribus de
l’ouest et du centre-ouest de l’Arabie. En quoi consistait cette prépondérance? La théorie
conformément à laquelle cette prépondérance était basée sur une armée mercenaire
d’esclaves noirs est sans fondement. Le secret de leur prestige était la puissance militaire
qu’ils pouvaient mobiliser en face de n’importe quel adversaire. C’était le pouvoir militaire
d’une confédération édifiée sur une vaste entreprise commerciale.
« En soutenant une confédération de cette nature, l’argent jouait un rôle important, mais à
lui seul insuffisant. Des hommes d’un caractère irascible et obstiné aussi marqué ne
pouvaient être gagné que par beaucoup de tact, rendant lui-même nécessaire un réel
contrôle de soi. Ce fut cette habileté d’homme d’Etat, prudente et patiente, le hilm des
Koréishites, qui les rendit capables de maintenir leur confédération. » (p. 31)
La Mecque était dans la sphère d’intérêts de deux grandes puissances: l’Empire byzantin et
la Perse, et d’une autre de moinde importance, le royaume d’Abyssinie (l’Ethiopie).
Il semble que entre les gigants, La Mecque avait une tradition de bonne entente avec
Byzance (Ibn Qutaybah dit que « César » avait aidé Quçayy contre les Khuzâ’ah).
La conquête du Yêmen par les Abyssins aurait dû faciliter les choses aux Mecquois, à cause
des bonnes relations entre Byzantins et Abyssins.
Dans les conflits qui l’entouraient, La Mecque a préféré une politique de neutralité,
conforme à ses intérêts.
L’importance de la solidarité tribale est augmentée par les conditions de la vie au désert. Les
tribus ne constituent pas des entités permanentes, mais se trouvent en voie d’accroissement
ou de division ou de quelque sorte de dépérissement.
L’appelation arabe commune d’une tribu, d’un clan ou d’une famille est Banû (par exemple:
Banû Fulâni’ signifie « les fils de Fûlan’).
La vengeance du sang illustre la solidarité tribale. La tribu d’un meurtrier este tenue
responsable de cet acte, et la sanction est « une vie pour une vie ».
Il existait aussi une « solidarité artificielle » produite par hlif (confédération, serments
mutuels) et par djiwar (garantie définie de protection).
Les Arabes constituaient une unité basée sur la langue, la tradition poétique commune,
certaines conventions et une ascendance commune. La langue fut la base originelle de la
distinction entre Arabes et « étrangers », ‘Arab et ‘Adjan, analogue à celle entre Grecs et
barbaroi. Le mot ‘Arab veut souvent dire « nomade ». L’ascendance commune remontait à
l’un ou l’autre de deux ancêtres: ‘Adnan ou Qahthân.
La solidarité tribale n’était cependant jamais absolue, étant donné le penchant vers
l’individualisme des membres de la tribu. Les gens vivant en marge de la tribu, gens bons à
semer le trouble, s’appelaient khalî’.
b) L’idéal moral
L’idéal moral des Arabes du désert peut être appelé murûwah (virilité). Décrit ainsi par R. A.
Nicholson: « Bravoure au combat, patience dans l’adversité, ténacité dans la vengeance,
protection des faibles, défiance envers les forts. »
L’Arabe n’appréciait pas de prendre des risques sans nécessité. La ténacité dans la
vengeance est prise pour une vertu. Le fort est engagé à protégér le faible lorsque le faible
reconnaît la supériorité du fort.
Bien qu’on n’eût guère de scrupules à s’approprier le bien d’une autre tribu, on apportait
souvent la plus grande conscience à garder les choses confiées en dépôt.
« Ni avant l’Islam ni ensuite on ne vit se développer chez les Arabes l’idée abstraite de loi;
même les influences grecques ne purent l’introduire dans la théologie islamique. Au lieu
d’une loi suprême de l’univers, le Musulman croit en la volonté du Maître Divin de l’univers,
exprimée dans Ses comandements révélées. » (p. 43)
L’homme était ce qui remplaçait l’idée abstraite de loi. Pratiquer l’hospitalité, garder les
dépôts confiés, étaient les signes d’une condition honorable. Le manque de générosité ou de
courage était une marque de déshonneur. Le gardien de l’honneur était l’opinion publique.
Il n’existait pas de règle de succession par droit d’aînesse chez les Arabes pour des raisons
évidentes.
Pierres et arbres étaient parmi les objets vénérés. Ils étaient considérés comme les
demeures des divinités. La pratique du pèlerinage aux lieux sacrés dans et autour de La
Mecque persistait.
Durat la crise de l’Etat mecquois, Abû Sufyân emporta les déesses al-Lât et Al-‘Uzzâ dans la
bataille contre les Musulmans à Uhud.
b) « L’humanisme tribal »
« L’humanisme tribal » est une mentalité illustrée par les poètes de Djâhilîyah. Ce qui donne
un sens à la vie c’est d’appartenir à une capable de se prévaloir d’exploits de bravoure et de
générosité. La réalisation en actes des meilleurs qualités humaines est une fin en soi, tout en
contribuant en même temps à la pérénité de la tribu.
Si le Qur’ân s’abstient dans ses premiers passages d’attaquer l’ancien paganisme, il s’oppose
à cet humanisme dans son aspect religieux.
Les quatre points principaux pour lesquels la vie humaine était contenue dans d’étroites
limites par le Destin était: rizq (soutien de l’homme), adjal (terme de sa vie), sexe de
l’enfant, le bonheur ou le malheur. Il ne s’agit pas de religion, mais plutôt d’une forme de
science. Ainsi, l’accomplissement de l’idéal de murûwah prenait place dans un cadre fixe.
Le terme arabe pour Dieu, Allâh, est une contraction de al-ilâh, qui comme le ho theos des
Grecs signifie simplement « le dieu », mais était communément pris dans le sens de « le dieu
suprême » ou « Dieu ».
Il est possible qu’antérieurement à l’époque de Muhammad les Mecquois païens aient usé
de « Allâh » pour désigner la principale divinité de Ka’bah, d’une manière analogue à l’usage
selon lequel la divinité vénérée à ath-Thâ’if était connue sous le nom d’al-Lât, « la déesse ».
Hypothèse très probable: « […] alors que certains Mecquois reconnaissaient Dieu, il ne leur
venait pas à l’idée que leurs vieilles croyances polythéistes étaient incompatibles avec la
croyance en Dieu et ils ne les rejetaient pas. » (p. 49)
Les Arabes avaient de nombreuses occasions de contact avec des Chrétiens et des Juifs.
L’empire byzantin et l’Abyssinie étaient deux pays chrétiens. Al-Hîrah, Etat vassal de la Perse,
était un avant-poste de l’Eglise de Syrie orientale ou nestorienne. Il y avait des Chrétiens à La
Mecque (commerçants, esclaves).
A Médine, il y avaient des Juifs qui vivaient côte à côte avec les Arabes. Il n’y avait
pratiquement pas de Juifs à La Mecque.
1. Généalogie de Muhammad
Muhammad était le fils de ‘Abdallâh, fils de ‘Abd al-Muththalib, fils de Hâshim, fils de ‘Abd
Manâf, fils de Quçayy, fils de Kilâb etc.
Plus tard, la dynastie des Abbâssides s’est flattée de descendre de Hâshim tandis que la
dynastie qu’elle était parvenue à évincer, les Omeyyades, faisait remonter son origine à son
frère, ‘Abd Shams.
Les quatre principaux fils de ‘Abd Manâf ont beaucoup fait pour le développement du
commerce de La Mecque: ‘Abd Shams se rendit au Yémen, Hawfal en Perse, al-Muththalib
en Abyssinie et Hâshim en Syrie.
Selon la tradition, ‘Abd Shams a cédé à Hâshim ses droits de fournir eau et vivres aux
pèlerins parce que Hâshim était moins absorbé par des voyages d’affaires.
Hâshim se meurt à Gaza. Son frère, al-Muththalib, se retrouve à la tête du groupe entier.
Les fils de Hâshim, ‘Abd al-Muththalibm élevé à Médine, gagne La Mecque sur l’ordre de son
oncle. Il creuse le puits de Zamzam à côté de la Ka’bah.
Pendant une courte période, la conduite des affaires passe des mains de Banû Hâshim à
celles d’az-Zubayr ben al-Muththalib. C’est l’époque de la guerre de Fidjâr et de l’Hilf al-
Fudhûl.
Le frère d’az-Zubayr, Abû Thâlib, est moins effacé. Respecté comme chef de clan, même si
les affaires ne sont pas prospères. Muhammad prendra son fils, ‘Alî, pour vivre avec lui.
La mère de Muhammad était Aminah bint Wahb du clan de Zuhrah des Koréishites. Sa mère
était du clan de ‘Abd ad-Dâr et sa grand-mère maternelle de celui de ‘Asad. Ainsi
Muhammad était allié à plusieurs des principales familles de La Mecque.
« Dans l’ensemble, l’impression que nous avons est que le clan de Muhammad s’était trouvé
autrefois à la pointe des affaires à La Mecque, mais qu’un tiers de siècle avant la mission de
Muhammad son influence s’était réduite, si bien qu’il n’était plus alors qu’un membre en
vue du groupe des clans plus pauvres et plus faibles. » (p. 56)
Sa mère se meurt avant qu’il ait six ans, son grand-père deux ans après. Il tombe à la charge
de son oncle Abû Thâlib.
La guerre de Fidjâr eut lieu quand Muhammad avait entre quinze et vingt ans. Il participa
quelque peu au combat à côté de ses oncles.
Khadîdjah bint Khuwaylid ben Asad engage Muhammad comme agent pour une caravane en
Syrie. Auparavant, elle avait eu deux maris. Satisfaite des services commerciaux de
Muhammad, elle lui fait une proposition de mariage. Elle avait quarante ans et Muhammad
vingt-cinq.
Les mariés ont eu sept enfants: al-Qâsim, Ruqayyah, Zaynab, Umm Khultûm, Fâthimah,
‘Abdallâh (ath-Thayyib) et ath-Thâlim. Les garçons moururent tous jeunes.
Muhammad disposait désormais d’un capital sufisant pour prendre une part modérée dans
des entreprises commerciales.
4. La vocation de prophète
D’après les récits traditionnels, à quarante ans Muhammad fut appelé par Dieu à être un
prophète et commença à recevoir de lui ses révélations. Le début de la révélation fut pour le
Messager de Dieu une vision véridique (ar-ru’yâ’ç-çâdiqah). Cela se fit en lui comme l’aurore.
Il existe une contradiction, au moins apparente, entre la thèse soutenue par l’exégèse
habituelle islamique de la Sourate an-Nadjm (53/1-8), qui affirme que Muhammad a vu
l’ange Gabriel, et un fragment qui laisse suggérer que l’objet de sa vision était Dieu lui-
même: « J’entendis une voix qui m’appelait, et regardant tout autour de moi, ne vis
personne, alors, je levai la tête et il était là, assis sur un thrône.” (Bukhârî, 65, 74, I). Or, le
Qur’ân est ici formel: « les regards (des hommes) ne L’atteignent pas. » (6/103)
Le sens précis et dérivé de tahannuth est incertain, bien qu’il s’agisse de façon évidente de
certaines pratiques de dévotion. Le terme n’est pas sans relation peut-être avec l’hébreu
tehinnôth ou tehinnoth (prières pour la grâce de Dieu).
d) « Tu es le Messager de Dieu »
Ces mots reviennent quatre fois dans les passages d’az-Zuhrî. Dans les deux derniers, c’est
l’ange Gabriel qui parle, dans le premier: « la Vérité », dans le second, simplement « lui ».
e) « Récite »
Les mots mâ aqra’u par lesquels Muhammad répons à l’iqra’ de l’ange doivent être traduits:
« Je ne puis lire » (ou « réciter »); ceci est mis en lumière par l’existence d’une variante mâ
anâ bi-qârin (« Je ne suis pas lecteur ou récitant », Bukhârî, 65), et par la distinction dans Ibn
Hishâm entre mâ aqra’u et mâthâ aqra’u où la seconde expression ne peut signifier que: «
Que réciterai-je? ». « C’est aussi le sens le plus naturel de mâ aqra’u. » (p. 71)
Selon Djâbir ben ‘Abdullâh al-Ançâri, les versets de préambule de la sourate al-Muddaththir,
ceux qui contiennent les mots: « Lève-toi et veille » semblent un ordre d’agir désormais en
apôtre ou messager, mais ne sauraient cependant représenter la première révélation qu’au
cas où Muhammad se serait aussitôt engagé dans son ministère public, snas aucune période
de préparation.
La tradition islamique dit qu’avant les dix années à La Mecque, quand la révélation fut faite à
Muhammad par Gabriel, il se passa trois ans où elle fut communiquée par Asrâfil. Le début
de ces trois années est souvent décrit comme période de venue de la nubûwah ou mandat
d’être prophète, et le début des dix ans comme période de venue de la risâlat ou mandat
d’être un messager ou apôtre.
Le mot muddaththir est communément donné pour signifier « enveloppé dans un dithâr »,
autrement dit, dans « un manteau ».
« Il y eut dans la carrière de Muhammad prophète ce que nous pourrions appeler un stage
préparatoire, durant trois ans. Il commença alors à recevoir des révélations d’un certain
genre. Il est dit dans les traditions d’Asrâfil que Muhammad « entendait sa voix mais ne
voyait pas son visage ». La première partie de la Sourate al-‘Alaq et la Sourate adh-Dhulâ
peuvent aussi en révéler. Peut-être y eut-il également des révélations d’un caractère plus
intime que Muhammad n’aurait pas jugées comme faisant partie du Qor’ân. Vers la fin de
ces trois années, aurait pris place la fatrah. Le passage du ministère non-public au ministère
public se placerait au moment le plus naturel de ces visions, celui où aurait été énoncé le
titre de « Messager de Dieu » et aussi de la Sourate al-Muddaththir […]. » (p. 74)
« Il serait toutefois difficile de prêter des idées de suicide à Muhammad, à moins qu’il eût
déclaré quelque chose d’assez explicite pour y donner aliment. » (p. 75)
h) Encouragements de Khadîdjah et de Waraqah
Comme Muhammad manque de confiance en lui, il est rassuré par Khadîdjah et Waraqah. Le
dernier nomme les révélations de Muhammad avec le terme nâmûs, communément donné
comme dérivant du nomos grec et désignant donc la loi, les écritures des Juifs et des
Chrétiens.
Des hommes avec lesquels Muhammad avait été en contact étroit, Waraqah émerge en
raison de sa connaissance des Ecritures des Chrétiens.
« Il est ainsi plus simple de supposer que Muhammad avait entretenu des relations
fréquentes avec Waraqah de bonne heure et beaucoup appris. Les conceptions islamiques
postérieures ont pu être largement imprégnées des idées de Waraqah, ce qui revient à
poser le rapport de la révélation de Muhammad avec les révélations antérieures. » (p. 77)
Depuis l’étude de Carlyle sur Muhammad dans Heroes and Heroworship, l’Occident s’est
rendu compte qu’il existait de bons arguments pour être convaincu de la sincérité de
Muhammad.
« Sa volonté de supporter d’être persécuté pour sa foi, le caractère élevé des hommes qui
croyaient en lui et pour qui il était un chef, enfin la grandeur de son œuvre dans ses
dernières réalisations, tout témoigne de sa foncière droiture. Soupçonner Muhammad
d’être un imposteur soulève plus de problèmes que cela ne résout. Aucune des grandes
figures de l’histoire n’a pourtant été appréciée de façon aussi indigente en Occident que
Muhammad. Les écrivains occidentaux se sont montrés surtout enclins à croire le pire de
Muhammad et chaque fois que la moinde interprétation critique d’un fait pouvait passer
pour plausible, ont tendu à l’accepter pour monnaie comptant. » (p. 77)
Une partie de la théorie islamique orthodoxe considère que certaines révélations ont été
abrogées par d’autres.
- Le séculariste occidental soutient que le Qur’ân est l’œuvre d’une part de Muhammad
autre que son esprit conscient.
L’auteur du présent étude n’a choisi aucun des trois points de vue, les considérant «
extérieurs au domaine de l’histoirien » (p. 78).
Pour décrire les visions évoquées dans la Sourate An-Nadjm, il est outile de recourir à
quelques termes techniques, tels qu’ils ont été employés par A. Poulain dans The Graces of
Interior Prayer. Poulain distingue entre types de visions intérieures et visions extérieures. «
Les locutions extérieures consistent en paroles saisies par l’oreille bien que n’ayant pas été
émises naturellement; et de même les visions extérieures (ou oculaires) sont des visions
d’objets matériels, ou qui semblent tels, perçus par les yeux. » (p. 79)
Les locutions intérieures sont divisées par Poulain en visions imaginatives et intellectuelles.
Les visions imaginatives sont reçues directement sans l’assistance de l’ouïe. Les visions
intellectuelles sont une communication de pensée sans mots et par conséquent sans aucune
forme de langage défini.
Les « manières » (kayfîyât) de révélation ont constitué un sujet de discussion chez les
docteurs de l’Islam. Dans l’Itqân, as-Suyûthî en mentionne cinq différentes; les savants en
ont dénombré jusqu’à dix. Les principales sont celles mentionnées dans la Sourate ash-
Shûrâ: « Il n’est point donné à l’homme qu’Allah lui parle directement. Il le fait seulement
par inspiration (wahyan) ou derrière un voile ou par l’envoi d’un Apôtre qui révèle (fayûhiya)
avec sa permission ce qu’Il veut… C’est ainsi que Nous t’avons inspiré par un Esprit à notre
ordre (awhyanâ). » (42/50-52)
La première « manière » est où Dieu parle par wahy. Richard Bell en dit: « en tout cas dans
les premiers morceaux du Qur’ân, wahy ne veut pas dire communication verbale du texte
d’une révélation, mais est: « suggestion », « souffle » ou « inspiration » survenant à l’esprit
de quelqu’un et venant du dehors ».
La seconde « manière » s’observe quand Dieu lui parle de derrière un voile. Les mots « de
derrière un voile » suggèrent qu’il ne s’agit pas d’une vision de celui qui parle, mais se fait
ajouté à la mention de paroles prononcées semble impliquer que les paroles furent
entendues et qu’il s’agit par conséquent d’une locution imaginaire (ou même d’une locution
extérieure).
La troisième « manière » s’observe là où Dieu envoye un messager pour suggérer (fa-yûhiya)
une communication au prophète. Certains savants islamiques ont adopté l’opinion que le
messager était Gabriel. Quand même, les savants occidentaux ont noté que Gabriel n’est pas
nommément cité dans le Qur’ân avant la période médinoise.
« Affirmer que les visions et les locutions de Muhammad sont des hallucinations comme
l’ont avancé certains, c’est tenir un jugement théologique sans être pleinement informé de
ce qui s’est produit, et par conséquent afficher une affligeante ignorance de la science et du
bon sens d’auteurs comme Poulain et de la discipline de la théologie mystique qu’ils
représentent. » (p. 82-83)
Des adversaires de l’Islam ont souvent affirmé que Muhammad était épileptique et que par
conséquent ses expériences religieuses n’étaient pas valables. « En fait, les symptômes
décrits ne sont pas identiques à ceux de l’épilepsie, cette infirmité conduisant à un
délabrement physique et mental, tandis que Muhammad n’a jamais cessé jusqu’au bout
d’être en pleine possession de ses facultés. Puis, même si l’allégation pouvait se soutenir,
l’argument serait absolument contraire à tout bon sens, sans aucun fondement que celui de
l’ignorance et du préjugé. Des manifestations physiques concomitantes n’ont jamais
consacré ni discrédité en soi une expérience religieuse. » (p. 32)
La question des dates exactes n’est pas d’une réelle importance pour une bonne
compréhension de la vie de Muhammad, et l’on n’aura guère à gagner en entreprenant
d’aller plus loin que le tableau inscrit dans les œuvres des écrivains musulmans sur ce sujet.
- pendant 3 ans Muhammad a exposé secrètement son message à des amis intimes et n’a
commencé à prêcher publiquement qu’à la fin de cette période;
- Abû Thâlib et Khadîdjah sont morts après la fin du boycott et trois ans avant l’Hégire (622
ap. J.-C.).
Dans ses Annales, Caetani adopte, non sans réserves, le tableau suivant:
Le but principal de ce tableau est de nous faire comprendre que le développement de l’Islam
à La Mecque fut un processus lent.
1. Datation du Qur’ân
Les docteurs de l’Islam sont parvenus à un certain accord sur le point de savoir quels avaient
été les sourates et versets révélés à La Mecque et ceux révélés à Médine.
Le savant allemand Théodore Nöldeke, dans son Histoire du Qur’ân publiée en 19860, a
avancé un critère: il trouva que si l’on étudiait la longueur des versets et si on en faisait la
comparaison avec les données de la tradition sur les circonstances, les premières sourates
réputées telles, avaient des versets courts et les sourates réputées postérieures avaient des
versets longs. Il avança dès lors l’hypothèse que les passages étaient plus anciens ou plus
récents selon que leurs lignes étaient plus courtes ou plus longues. S’appuyant sur ce critère,
Nöldeke rangea les sourates en quatre périodes, trois mecquoises et une médinoise.
Le principal progrès réalisé depuis Nöldeke ressort du travail de Richard Bell contenu dans sa
Traduction du Qur’ân, publicée en 1937-1939. Il entreprend de rendre aux sourates leur
stricte composition originelle et de donner une date aux passages séparés (autrement dit, il
prétend « réorganiser » al-Qur’ân).
Aparemment les premiers messages coraniques sont contenus dans les versets: 96/1-8;
74/1-10; 106; 90/1-11; 93; 86/1-10; 80/1-32 (23 omis?); 87/1-9, 14-15; 84/1-2; 38/17-20;
51/1-6; 52, fragments; 55. Ceux-ci constituent le message initial du Qur’ân, le kerygma
prophétique originelle.
2. Contenu des premiers passages
88/17-20 parle toujours de Dieu Créateur, tandis que les premières parties de 55 font
mention des corpes célestes et des mers.
Ainsi, l’aspect le plus important des premiers passages est celui du nombre important des
versets exposant le thème de la bonté et de la puissance de Dieu.
Il est surprenant le fait que dans ces passages il n’y a aucune mention de l’unité de Dieu.
Rien n’intervient pour mettre l’accent sur cette doctrine ni rien pour dénoncer l’idôlatrie.
Nous pouvons rejeter sans hésitation toute opinion telle que celle de Frants Buhl et de Tor
Andras qui voient dans la craitne des tourments du damné le propos primordial de la vie
religieuse de Muhammad au cours de la première période mecquoise.
Kâfir signifie incroyant, l’ingrat envers Dieu, qui a repoussé son messager.
L’attitude opposée à la gratitude est définie par les mots thaghâ (présomption) et istaghnâ
(indépendance), comme dans 96/6.
« Le sens fondamental de thaghâ semble être: il (c’est-à-dire un torrent ou une masse d’eau)
s’est enflé jusqu’à dépasser la limite ordinaire de l’abondance. Il en est alors venu à vouloir
dire, par métaphore, insolent, dépassant les brnes, l’idée apparaît d’un homme allant de
l’avant sans égards pour les obstacles et en particulier sans égards pour les considérations
morales et religieuses, qui ne se laisse arrêter par rien et nourrit une confiance sans bornes
en sa propre puissance. » (p. 93-94)
C’était l’attitude à laquelle les Mecquois fortunés étaient sujets – la confiance dans la
richesse.
Le mot istaghnâ est difficile à traduire, parce qu’il implique à la fois richesse et
indépendance. Le sens fondamental surpris dans sa racine est « libre de besoins ».
La gratitude trouve son expression dans l’adoration. D’où les divers commandements
d’adoration dans les premiers passages.
« Nous devons dant tout cela essayer de faire table rase de l’idée d’adoration fréquemment
trouvée en Occident, qui en considère l’essence comme inhérente à un sentiment subjectif,
peut-être décrit comme un sens de la présence de Dieu. Les Arabes retiennent beaucoup
plus les aspects objectifs de l’adoration, et tout spécialement sa signification. » (p. 95)
D’un bout à l’autre du Qur’ân ath-thazakkî signifie islâm. Autrement dit, « se purifier soi-
même » est équivalent à « se livrer à Dieu » ou « devenir un Musulman ».
Tazakkâ dans les passages mecquois se rapporte à l’emploi similaire de la racine en hébreu,
araméen et syriaque. Il désigne la pureté morale, fait penser aux vertus de vie grâce
auxquelles un homme s’assure de recevoir une récompense éternelle. C’est aussi ce que
nous voulons dire par droiture.
a) Social
S’il ne semble pas qu’une très grande pauvreté soit alors développé à La Mecque, il est
probable par contre que le fossé entre riches et pauvres s’était élargi dans les dernières
cinquante ans. Tout ceci a dû signifier une perte du sens de la communauté.
Selon le Qur’ân, il fallait que l’argent cessât d’être un facteur de division sociale, et il fallait
d’amener les riches à reconnaître qu’ils étaient gérants plutôt que propriétaires absolus de
leurs fortunes.
Chez l’homme, la conscience de soi en tant qu’individu avait pris naissance, et devait dès lors
être acceptée et prise en considération.
b) Moral
L’idéal nomade de murûwah n’a plus de sens dans une communauté mercantile.
La vertu de générosité, qui a pour opposé le vice d’avarice, est un élément du vieil idéal
arabe. Or, le comportement des riches Mecquois aurait passé pour contraire à l’honneur au
désert, mais il n’existait rien dans l’atmosphère de la cité pour leur en faire éprouver de la
honte. Le Qur’ân, en insistant sur les actes de générosité, faisait revivre un aspect de l’ancien
idéal arabe, et bâtissait sur des fondations déjà présentes à l’esprit des Arabes.
c) Intellectuel
Les Mecquois en venaient à nourrir une opinion exagérée des pouvoirs de l’homme et à
oublier le caractère précaire de la créature.
Les dirigeants mecquois, ceux qui détenaient le pouvoir politique et n’étaient pas
précisément des exemples remarquables de murûwah, ont dû éprouver des doutes
intellectuels sur la destination finale de la murûwah en tant qu’idéal et peut-être aussi sur
l’influence de l’hérédité et son aptitude à transmettre la murûwah.
Les actes de la vie humaine que les païens mettent au compte du Destin ou du Temps (dahr)
sont mis au compte de Dieu. La puissance et la bonté de Dieu sont montrées propres à jeter
des semences qui grandiront. C’est Dieu qui décide de la mort de l’homme et au Dernier
Jour décide de sa félicité ou de sa misère définitives.
d) Religieux
La vieille religion nomade puisait le sens de la vie dans l’honneur et dans la perpétuité de la
tribu puisque c’était dans la tribu que l’honneur s’incarnait.
Le Qur’ân voit dans la confiance en l’argent le pêché dominant des Koréishites. La confiance
en l’argent porte avec elle un excès d’égoïsme et conduit l’homme à oublier sa dépendance
envers Dieu. Les exhortations coraniques à la gratitude, à l’adoration, sont des exhortations
à reconnaître et confesser la dépendance de l’homme envers Dieu, et donc à abandonner
toute confiance excessive en la richesse.
Même si les actes de générosité avaient des suites sociales et économiques, cela ne
constituait pas l’aspect le plus important du problème.
« Quoi qu’il en soit, l’enseignement des premiers passages du Qur’ân trouve son point
culminant dans l’enseignement de la bonté et de la puissance de Dieu (en tant que Créateur
et Juge) et dans l’exhortation faite à l’homme de reconnaître et exprime sa dépendance
envers Dieu. » (p. 108)
4. Autres reflexions
Selon une thèse, la naissance de l’Islam n’est pas sans rapports avec le paysage d’une
économie nomade à une économie de négoce.
Le changement économique ne se produit pas in vacuo, mais dans une communauté déjà
dotée d’une certaine constitution sociale, morale, intellectuelle et religieuse. Le trouble est
la conséquence d’une incapacité de l’homme à s’ajuster au changement économique à
cause de certaines attitudes antérieures. « Les nouvelles circonstances économiques
conduisent l’homme à un accroissement de sa confiance en lui sans la compensation du
sentiment de sa nature d’être créé, à un individualisme dans les affaires sociales sans la
compensation d’un nouvel idéal moral ni d’une nouvelle vision religieuse pour donner une
signification à l’individu. » (p. 108-109)
Dans une catastrophe spirituelle, le Qur’ân fournit une analyse de la situation et une guide
pour l’action.
« Le Qur’ân considère donc les troubles de l’époque sont d’abord dus à des causes
religieuses en dépit de sous-courants économiques, sociaux et moraux et ne sauraient être
redressés que par l’intervention de mouens avant tout religieux. Considérant la réussite des
efforts de Muhammad, hardi serait celui qui mettrait en doute la sagesse du Qur’ân. » (p.
109)
b) Originalité du Qur’ân
Il faut considérer la kerygme coranique comme une irruption créatrice dans la situation
mecquoise.
« Le kerygme coranique résout certes des problèmes sociaux, moraux, intellectuels, mais pas
tous à la fois ni tous de manière évidente. Un historien séculier dirait que ce fut par pure
chance et pour des raisons secondaires que Muhammad trébucha sur des idées qui étaient
la clé de la solution des problèmes fondamentaux de son temps; et cela n’est pas plausible.
Ni un tâtonnement empirique ni une pensée pénétrante et acharnée ne rendent compte
comme il faut de la kerygme coranique. » (p. 110)
L’irruption créatrice coranique est d’une forme littéraire typiquement arabe, bein qu’il
n’existe pas d’autres littérature arabe tout à fait comparable.
Tout réformateur, et Muhammad n’y fait pas exception, s’adresse aux gens tels qu’ils sont.
Les sourates mecquoises ne contiennent aucune critique de l’usure, l’ordre de ne pas la
pratiquer ne pouvait se concevoir comme règle mise en pratique que du jour où une
nouvelle communauté se constituerait sur la base du commandements divins énoncés dans
le Qur’ân.
« Il est clair qu’il existe un certain contraste entre la prédication de Muhammad, sur la base
du Qur’ân, et les anciens modes de pensée arabes. S’il n’en avait pas été ainsi, il n’y aurait
pas eu une opposition violente contre lui. On peut toutefois distinguer entre l’aspect
religieux et l’aspect strictement moral de murûwah. L’aspect religieux est ce que j’ai appelé
humanisme; il consiste en une fierté de l’homme, de ses accomplissements et le sentiment
que le sens de la vie doit être trouvé dans l’excellence humaine; cela, le Qur’ân l’attaque
sans équivoque et avec force. L’aspect purement éthique (ce que j’ai à l’esprit en général en
parlant de murûwah), c’est l’idéal moral incluant bravoure, patience, générosité, fidélité et
autres vertus comparables. C’est ce que le Qur’ân se garde toujours d’attaquer et qu’il
reproche même aux Mecquois de ne pas observer. » (p. 111)
L’Islam a imposé des limitations à la liberté personnelle, par exemple par rapport au vin et
aux femmes.
L’Islam a institué un mode de prière impliquant une attitude incompatible avec l’amour de
l’indépendance des nomades.
« Le Qur’an est une irruption créatrice dans la vie mecquoise. Discuter de ses « sources »,
c’est à peu près la même chose que discuter des « sources » de l’Hamlet de Shakespeare. »
(p. 112)
On peut se poser la question jusqu’à quel point les parallèles entre Qur’ân et conceptions
judéo-chrétiennes comportaient de rapports avec les idées présentes à l’esprit de ces gens
avant que le Qur’ân leur fût révélé.
En ce qui concerne les idées fondamentales telles que la conception de Dieu et du jugement,
le Qur’ân et la science occidentale soutiennent ensemble que les conceptions coraniques
sont en gros identiques à celles du judaïsme et du christianisme. « Cela doit-il signifier que le
Qur’ân n’est pas une œuvre originale, n’est pas une irruption créatrice? Pas du tout.
L’identité, pour autant qu’il y ait identité, découle du fait que le Qur’ân est destiné à des
gens (Muhammad inclus) dont certains étaient déjà familiarisés avec ces idées, bien que de
manière peut-être asses vague ou obscure. Ici comme ailleurs le Qur’ân s’adresse aux gens
tels qu’ils sont. Aucun Juif ni Chrétien de langue arabe n’eût pu parvenir au succès de
Muhammad en paraissant à La Mecque pour y prêcher ses idées juives ou chrétiennes,
l’expression en eût été trop étrangères. Le Qur’ân avance ces idées judéo-chrétiennes dans
la forme « arabisée » sous laquelle elles étaient déjà présentes dans l’esprit des Mecquois
les plus éclairés. Son originalité consiste en ce qu’il leur donna plus de précision et de détail,
les présenta avec plus de force et, en mettant l’accent sur telle ou telle chose, en fit une
synthèse plus ou moins cohérente, par dessus tout enfin, il a tout concentré sur la personne
de Muhammad et sur sa vocation particulière de messager de Dieu. La révélation et le
prophétisme sont certainement des idées judéo-chrétiennes. Dire « Dieu se révèle Lui-même
par la personne de Muhammad » n’est pas une répétition pure et simple du passé, mais une
part d’une irruption créatrice. » (p. 113)
Il est d’étroites analogies entre le Qur’ân et les documents judéo-chrétiens non point
d’ordinaire les livres canoniques de la Bible, mais les œuvres rabbiniques et les apocryphes
non orthodoxes du Nouveau Testament. Dans ces cas-là, le savant occidental résiste
difficilement à conclure que le Qur’ân est l’œuvre de Muhammad et qu’il répète des
histoires déjà entendues.
Le point de vue musulman admet que Muhammad a pu avoir ainsi connaissance des faits
nus, mais que les significations le dépassaient largement.
Il est unanimement admis que Khadîdjah fut la première à croire en son mari et à son
message.
On n’est pas sûr quant au premier musulman mâle: ‘Alî, Abû Bakr ou Zayd ben Hârithah. ‘Alî
avait à l’époque neuf ou dix ans. A l’époque de l’affaire d’Abyssinie, Abû Bakr était le
musulman le plus important. C’est peut-être Zayd ben Hârithah qui aurait les meilleures
titres à être considéré comme le premier Musulman masculin, puisqu’il était un affranchi de
Muhammad et il y avait un fort attachement mutuel.
Selon ath-Thabarî, après ces trois les convertis sont: ‘Uthmân ben Affân, az-Zubayr ben al-
‘Awwân, ‘Abd ar-Râhman ben ‘Awf, Sa’d ben Abî Waqqâç, Talhab ben ‘Ubaydallâh.
La liste des premiers Musulmans fournie par Ibn Ishâq peut être acceptée comme exacte en
gros. « Il est à noter que cette liste contient les noms d’un certain nombre de personnes
n’ayant pas joué de rôle éminent plus tard bien qu’ayant apparemment tenu le devant de la
scène au cours de la période initiale. » (p. 116)
Il faut citer:
- Khâlid ben Sa’îd ben al-‘Âç, dont le père était à l’époque le financier le plus influent à La
Mecque;
- Sa’îd ben Zayd ben ‘Amr, dont le père avait été un « chercheur de religion » avant la
prédication de Muhammad;
- Nu’aym an-Nahhâm qui était peut-être le chef du clan de ‘Adî mais ne se rendit à Médine
qu’en 6 après l’Hégire.
2. Les premiers Musulmans
Hâshim. Sous la direction d’Abû Thâlib, le clan perdiat du terrain. A part Muhammad et sa
maison, les principaux premiers convertis furent Dja’far ben Abî Thâlib et Hamzah ben ‘Abd
al-Muththalib. Leurs positions dans le clan semblent être inférieures.
Taym. Un autre clan qui ne comptait guère dans les affaires de La Mecque. Au cours de la
jeunesse de Muhammad, son dirigeant fut ‘Abdallah ben Yud’ân. Parmi les convertis il faut
citer: Abû Bakr, Thalhah et Çuhayb ben Sinân.
Zuhrah. Ce clan semble avoir été beaucoup plus prospère que ceux de Taym et al-
Muththalib. Certaines branches étaient en relation d’affaires avec ‘Abd Shams. Le principal
personnage converti fut ‘Abd ar-Rahmân ben ‘Awf, âgé de 43 ans à Hégire et qui avait la
réputation d’être un homme d’affaires fort astucieux. Un autre converti fut Sa’d ben Abî
Waqqâç, âgé de 17 ans seulement au moment de sa conversion. Il est à noter qu’un de ses
frères, ‘Utbah ben Abî Waqqâç, fut l’un des quatre personnages qui, devant Uhud, avaient
juré de tuer Muhammad ou de mourir.
‘Adî. Ce clan avait antérieurement dépendu d’Ahlaf, mais il était maintenant rapproché de
Makhzûm et d’Ahlâf. Mamar ben ‘Abdallâh a été son premier converti. Un autre converti fut
Nu’aym ben ‘Abdallâh, qui tous les mois distribuait de la nourriture aux pauvres du clan.
Al-Hârith ben Fihr. Clan à la limite entre Koréishites al-Bithâh et Koréishites az-Zawâhir. Les
principaux premiers convertis furent ‘Abd ‘Ubaydah ben al-Djarrâh et Suhayl ben Baydhâ’.
‘Âmir. Autre clan à la limite entre Koréishites al-Bithâh et Koréishites az-Zawâhir. Le principal
membre qui se rendit à Badr fut Suhayl ben ‘Amr. Les deux représentants du clan dans la
liste des Musulmans de la première heure furent ses frères, Hathib et Salîth.
Asad. Ce clan fonctionnait dans la sphère des « grosses affaires ». Zam’ah ben al-Aswad, Abû
‘l-Bakhtarî, Nawfal ben Khuwaylid et Hakîm ben Hizâm jouaient un rôle de premier plan
parmi les païens de La Mecque. Az-Zubayr y fut apparemment le premier converti à l’Islam.
Nawfal. Peu nombreux, c’était quand même un des plus influents clans à La Mecque. Le seul
Musulman cité par Ibn Sa’d parmi eux – et non l’un des premiers – fut un confédéré du clan
et son affranchi.
‘Abd Shams. – Celui-ci disputait à celui de Makhzûm la première place à La Mecque. Après
Badr, Abû Sufyân ben Harb devint le premier citoyen de La Mecque, plusieurs des principaux
personnages de Makhzûm ayant été tués. Les premiers convertis de ce clan furent ‘Uthmân
ben ‘Affân, Abû Hudhaufah ben ‘Utbah ben Rabî’ah, Khâlid ben Sa’îd et la famille des
confédérés Djahsh.
Makhzûm. Apparemment le groupe politique dominant à La Mecque. Le clan était
nombreux. Les deux principaux convertis de la première heure étaient Abû Salamah et al-
Arqam.
Sahm. Un des plus puissants clans. Al-‘Âç ben Wâ’il et al-Hârith ben Qays sont cités parmi les
principaux ennemis de Muhammad. Le seul converti de première heure cité fut Khunays ben
Hudhâfah ben Qays.
Djumah. Egalement puissant, mais pas autant que Sahm. ‘Uthmân ben Maz’ûn fut l’un des
plus importants Musulmans de la première heure. ‘Uthmân paraît avoir incliné au
monothéisme et à l’ascétisme avant même d’avoir rencontré Muhammad.
‘Abd ad-Dâr. Ce clan avait le privilège de porter l’étendard, mais ne comptait plus pour
grand-chose dans les affaires à La Mecque. Muç’ab (al-Khayr) ben ‘Umayr ne fut pas un
converti au nombre de tout premiers.
Les principaux « Musulmans de la première heure » peuvent être divisés en trois catégories:
- Jeunes gens des meilleures familles. « Il importe de noter qu’à Badr, il y eut des exemples
de frères, de père et de fils, d’oncle et de neveu, combattant dans les rangs des deux partis.
» (p. 125)
- Hommes, principalement jeunes, d’autres familles. Sauf peu d’exemples, la majorité des
convertis n’avait probablement pas la trentaine au moment de devenir musulmans et un ou
deux seulement dépassaient trente-cinq ans.
Les confédérés (hulafâ’) ne constituent pas une classe à part. Le principe de la confédération
(hilf, tahaluf) exclut l’inférieurité de tout membre, impliquant avant tout assistance et
protection.
Ainsi que l’a bien vu l’écrivain égyptien ‘Abd al-Muta’âl aç-Ça’îdî, le jeune Islam fut
essentiellement un mouvement de jeunes hommes. Ce ne fut pas un mouvement de « gens
de classe inférieure et en marge », de la lie de la population, de « parasites » sans affinités
tribales franches, échoués à La Mecque. Par contre, il tira sa force de ceux qui se situant à
peu près au milieu, ayant pris conscience de l’écart entre eux-mêmes et les privilégiés du
sommet, avaient commencé à se convaincre qu’ils étaient des sous-privilégiés. « Ce fut bien
moins une lutte entre « possédants » et « non-possédants » qu’entre « possédants » et «
presque-possédants ». » (p. 127)
a) La lettre de ‘Urwah
Ce document a été gardé par ath-Thabarî. Ainsi, nous apprenons que la première opposition
a été soulevée par la mention des idoles. Deuxièmement, certains Koréishites bien nantis à
ath-Thâ’if furent les instigateurs du mouvement contre Muhammad. Troisièmement, tout
cela précéda l’émigration en Abyssinie.
La mention d’idoles la plus notable dans la partie mecquoise du Qur’ân se trouve dans la
Sourate an-Nadjm. Mais quand Muhammad en vint aux versets: « Avez-vous considéré al-Lât
et al-‘Uzzâ, et Manât, la troisième autre idole?” alors, poursuit la tradition, comme il se le
disait à lui-même, ardent à la communiquer à son peuple, Satan lui glissa sur la langue: «
Voici les cygnes exaltés, espère leur intercession. » En entendant cela, les Mecquois furent
enchantés et quand à la fin Muhammad se prosterna, tous firent de même. Alors Gabriel
survint auprès de Muhammad et lui montra son erreur. Pour sa sauvegarde, Dieu lui révéla
22/51 et abrogea les versets sataniques en lui dévoilant la suite véritable de la sourate.
« Si nous comparons les différentes versions et essayons de faire la distinction entre les faits
externes avec lesquels elles sont en accord et les mobiles retenus par l’histoirien afin
d’expliquer les faits, nous notons deux faits dont nous pouvons nous estimer certains. Tout
d’abord, Muhammad a dû réciter publiquement à un moment les versets sataniques comme
faisant partie du Qur’ân. Il serait impensable que l’histoire ait été inventée par des
Musulmans par la suite où frauduleusement insinuée par des non-Musulmans. En second
lieu, Muhammad déclara quelque temps plus tard que ces versets ne devaient pas être pris
comme partie véridique du Qur’ân et y devaient être remplacés par d’autres d’une teneur
considérablement différente. Les toutes premières versions ne spécifient pas combien de
temps après ceci se produisit. Le plus probable est qu’il s’agit de quelques semaines, ou mois
peut-être. » (p. 134)
Les savants musulmans ont considéré Muhammad comme ayant été informé en toute
connaissance de cause, dès le début, de la teneur entière du dogme orthodoxe. Il est donc
difficile d’expliquer comment il avait pu ne pas voir l’hétérodoxie des versets sataniques.
Quand même, il est à supposer que Muhammad tenait al-Lât, al-‘Uzzâ, Manât pour des êtres
célestes d’un rang inférieur à Dieu, un peu comme des djinns. « Cela étant, il est peut-être à
peine nécessaire de découvrir un motif spécial aux versets sataniques. Ils ne témoigneraient
d’aucun recul conscient du monothéisme, mais seraient simplement l’expression de vues
que Muhammad avait toujours soutenues. » (p. 136)
La tradition d’après Abû ‘l-‘Âliyah indique que les Koréishites firent des propositions à
Muhammad pour l’admettre dans leur cercle s’il acceptait de mentionner leurs divinités.
La promulgation des versets sataniques peut être mise en relation avec un compromis
échoué. Muhammad a compris que la reconnaissance des Banât Allâh, comme on appelait
les trois idoles, signifiait une réduction de Dieu à leur niveau.
Selon toutes les apparences, il y avait un certain nombre de dirigeants mecquois intéressés
au commerce à ath-Thâ’if qui avaient réussi à attirer les activités commerciales de ce centre
à la sphère d’influence financière de La Mecque. La révocation de la reconnaissance du
sanctuaire d’al-Lât dut menacer de manière ou d’autre leurs entreprise, et excita leur colère
contre Muhammad.
La Sourate al-Kâfirîn (109) est celle qui constitue la rupture totale avec le polythéisme et
rend tout compromis impossible à l’avenir.
« Muhammad avait dû obtenir assez de succès auprès des chefs koréishites pour être pris au
sérieux. Des pressions se firent jour pour l’obliger à reconnaître de manière ou d’autre le
culte des sanctuaires voisins. D’abord disposé à le faire, à la fois en vue des avantages
matériels ainsi offerts, et parce qu’il avait l’impression de mener plus facilement à la bonne
fin sa mission. Peu à peu, cependant, à ses yeux pas le conseil divin, il vint à constater que ce
serait un compromis fatal, et il forma aussitôt alors le projet d’améliorer plutôt ses moyens
en se conformant à la vérité telle qu’elle lui apparaissait. Le rejet du polythéisme fut énoncé
en termes vigoureux, qui fermaient la porte à tout compromis. » (p. 140-141)
« Les Occidentaux tendent toujours à croire que les Musulmans confondent religion et
politique d’un manière peu souhaitable (bien que ceci ne soit pas réservé an propre aux
Musulmans; les Chrétiens orientaux et d’autres font de même). Il serait peut-être plus vrai
de dire que les Musulmans saisissent plus clairement que les Occidentaux le support
religieux des questions politiques. Muhammad s’intéressait aux conditions sociales,
politiques et religieuses à La Mecque, mais jugeait l’aspect religieux fondamental.
Cependant, parce que les conséquences étaient vitales, ses décisions religieuses
comportaient des implications politiques. » (p. 141)
Même si Muhammad n’a envisagé pour soi que le rôle de l’homme mettant en garde, rôle
purement religieux, il a dû comprendre plus tard que le divorce entre la vocation
prophétique et la fonction de dirigeant politique ne pouvait durer.
2. L’affaire d’Abyssinie
a) Le récit traditionnel
Les histoiriens musulmans disent, à partir du récit fourni par Ibn Hishâm, qu’il y eut deux
hégires en Abyssinie et que certains firent les deux. Un petit nombre retourna à La Mecque
et prit part à l’hégire à Médine. Les autres restèrent jusqu’en l’an 7 de l’Hégire, époque à
laquelle ils rejoignirent alors le Messager de Dieu à Khaybar.
Selon Caetani, il n’y eut pas deux émigrations séparées distinctes en Abyssinie, parce qu’Ibn
Ishâq ne le déclare pas explicitement. Il n’y a aucune mention d’un premier contingent
retourné pour repartir une seconde fois.
Question: Si les Musulmans ne s’étaient rendus en Abyssinie que pour se soustraire à des
persécutions, pourquoi certains y seraient-ils donc restés jusqu’en 7 après l’Hégire, alors
qu’ils auraient pu rejoindre Muhammad en toute sûreté à Médine? « Toute réponse à cette
contre-question implique que les émigrants obéissaient pour agir comme ils agissaient, à
quelque autre raison que celle de se soustraire à des persécutions, et sans doute plus
importante. » (p. 146)
Une troisième raison possible est qu’ils seraient partis pour aller faire tout bonnement du
commerce. Il est évident qu’ils durent avoir des moyens d’existence et qu’il s’agissait
presque certainement d’activités commerciales.
Quatrièmement, aurait-il été possible que cela fit partie d’un plan subtil de Muhammad?
Nourissait-il l’espoir d’une aide militare des Abyssins? Ou bien Muhammad espérait-il faire
de l’Abyssinie une base d’assaut contre le négoce mecquois, comme il le fit en fait plus tard
à Médine?
L’histoire d’après laquelle les Mecquois auraient dépêché deux hommes comme envoyés
auprès du Négus (le roi d’Abyssinie) est plausible et intervient à l’appui de l’idée que
l’émigration avait des implications économiques et politiques. Mais la nature exacte de cette
mission et ses résultats demeurent du domaine des hypothèses.
La cinquième raison de cette émigration serait celle d’une forte division d’opinion dans la
communauté embryonnaire de l’Islam. Apparemment, il y eut une rivalité entre ‘Uthmân
ben Maz’ûn et le groupe d’Abû Bakr et de ‘Umar.
Selon l’auteur du présent étude, en supposant que les émigrants eussent tous obéi à la
même raison, la plus plausible reste la cinquième. Les émigrants en Abyssinie étaient
visiblement des hommes animés de convinctions religieuses authentiques.
« L’indication que Muhammad prit l’initiative peut être une tentative de dissimuler d’assez
vils mobiles parmi ceux qui l’abandonnaient dans La Mecque. Il n’est toutefois pas
indispensable d’interpréter les données dans ce sens. Il aurait été tout à fait dans le
caractère de Muhammad de s’apercevoir très vite de l’apparition d’un schisme et de le
couper à la racine en suggérant un voyage en Abyssinie à l’appui d’un plan pour sauvegarder
les intérêts de l’Islam, plan dont nous ne connaissons toujours pas clairement la véritable
nature puisque dans ses buts apparents son succès fut maigre. La reconciliation relativement
rapide entre ‘Uthmân et les autres revenus à La Mecque avant l’hidjrah à Médine suggère du
moins qu’il n’y eut jamais rupture complète entre eux et Muhammad. Ils en vinrent
certainement en fin de compte à accepter l’autorité de Muhammad ainsi que la position
privilégiée d’Abû Bakr et combatirrent avec courage comme Musulmans à Badr. » (p. 150)
Les détails fournis par Ibn Hishâm et ath-Thabarî pour le reste de la période mecquoise sont
assez maigres.
Les persécutions des Musulmans par Abû Djahl étaient: des attaques verbales contre les
personnes influentes, des pressions économiques sur des gens de moindre importance et
des violences corporelles à l’égard de ceux n’en ayant aucune.
« Comme la plupart des clans Koréishites demeuraient suffisamment forts pour causer de
sérieux ennemis, sinon davantage, à quiconque eût maltraité un membre ou un confédérés,
il est à présumer que le nombre des malheureux exposés à des violences physiques dut être
très faible et ne devait guère comprendre que des esclaves ou des gens sans aucun lien
défini avec un clan (tels que Khabbâb ben al-Aratt). » (p. 151)
Ce sont des actes comme ceux d’Abû Djahl que les sources évoquent quand parlent de la
séduction ou des épreuves (fitnah, yaftinâ) auxquelles étaient soumis les Musulmans. Les
biographies d’Ibn Hishâm, d’ath-Thabarî et d’Ibn Sa’d contribuent à convaincre que la
persécution fut légère.
Muhammad fut attaqué verbalement, exposé à des injures telles que de voir les ordures de
ses voisins amassées devant sa porte, ces désagréments s’étant peut-être accrus après la
mort d’Abû Thâlib.
Les exemples les plus notables de violences physiques furent les traitement infligés à des
esclaves comme Bilâl et ‘Âmir ben Fuhyrah.
Un autre genre de persécution: pressions exercées même sur des membres de familles et
clans influents par des pères, des oncles, des frères aînés (ex: al-Walid ben al-Walid, Salamah
ben Hishâm, ‘Âyyâsh ben Abû Rabî’ah).
« La persécution des Musulmans fut donc d’un caractère assez mitigé. Le système de
sécurité en vigueur à La Mecque – la protection par les clans de leurs membres respectifs –
impliquait qu’un Musulman ne pouvait jamais être sérieusement molesté par un membre
d’un autre clan, même si son propre clan n’avait aucun penchant pour l’Islam. S’abstenir de
défendre un collègue de clan en butte à un homme d’un autre clan aurait été une atteinte à
l’honneur du clan. Cette persécution fut limitée:
1. à des cas ne portant pas atteinte aux rapports claniques comme lorsque les persécuteurs
étaient membres du même clan ou comme lorsque la victime ne disposait de la protection
d’ucun clan existant,
2. à des actes non prévus au code traditionnel de l’honneur, tels que mesures économiques,
peut-être aussi injures verbales et autres outrages mineurs n’atteignant que la personne et
non le clan. Cette persécution en vérité très limitée fut peut-être suffisante en elle-même
pour donner un petit coup de fouet à l’Islam naissant, mais certainement impropre à
détourner le moindre croyant sérieux. » (p. 153)
Abû Lahab, jeune frère d’Abû Thâlib, avait épousé une sœur d’Abû Sufyân, le principal
dirigeant de La Mecque. Quand l’opposition à Muhammad se durcit, il se rallia à l’attitude du
clan de sa femme contre son neveu.
Peu à peu, les opposants à Muhammad entreprirent de monter une coalition de presque
tous les clans Koréishites contre Hâshim (avec al-Muththalib). Une vaste alliance à institué
un boycott des clans de Hâshim et d’al-Muththalib. Aucune des autres ne devait plus avoir
de rapports d’affaires avec eux, et il ne devait plus y avoir d’alliances matrimoniales.
Ce boycott fut maintenu plus de deux ans. Quand même les clans boycottés avaient des
liaisons de parenté avec d’autres clans, ce qui rendait la décision difficile à maintenir.
Après le début du boycott, certains dirigeants mecquois ont tenté d’amener Muhammad à
convenir d’un compromis.
L’identité de ceux qui ont proposé le compromis est: al-Walîd ben al-Mughîrah (Makhzûm),
al-‘Âç ben Wâ’îl (Sahm), al-Aswad ben al-Muththalib (Asad) et Umayyah ben Khalaf
(Djumah).
Le motif de l’action a été la convinction que le prophétisme de Muhammad allait, pour peu
qu’il réussît, le porter inévitablement à la direction politique.
4. Le témoignage du Qur’ân
Le Qur’ân confirme l’impression des premiers histoiriens d’après laquelle la persécution des
Musulmans n’avait pas été très rigoureuse.
Dans les passages mecquois il est fait allusion à la critique de la résurrection. Les Mecquois
ne concevaient pas comment un corps humain aurait pu revenir à la vie après avoir été
enterré dans une tombe.
Le Qur’ân ne traite pas de la résurection dans l’abstrait, mais en parle comme d’un fait
implicitement lié au Jugement Dernier et à la récompense ou à la punition éternelles.
Le problème des corps tombant en poussière semblait aux adversaires de Muhammad une
objection contre l’ensemble de la doctrine eschatologique. Cette ligne de pensée se résume
toute entière dans le mot takdhîb (« incroyance », au sens de « compter faux »), distinct de
kufr (qui est l’« incroyance » opposée à îmân « foi »).
Les histoiriens des prophètes qui tiennent tant de place dans le Qur’ân ont eu partie pour
but de réfuter cette prétention de marcher sur les traces des ancêtres. « Les histoires des
prophètes devaient les aider à comprendre qu’en tant qu’adeptes d’un prophète, ils
accédaient à un lignage spirituel privilégié. » (p. 161)
La croyance que les paroles lui parvenant étaient une révélation de Dieu a dû s’emparer très
tôt de Muhammad, mais certains des tout premiers passages du Qur’ân retracent les efforts
des opposants pour décourager Muhammad, en insinuant d’autres explications à ses
expériences que le fait qu’elles « lui venaient » de Dieu.
L’allégation la plus commune à son encontre fut qu’il était madjnûn, fou, ou plus
précisément, possédé par les djinn.
D’autres insinuations: kâhin (devin), sâhir (sorcier-magicien), enfin shâ’ir (poète). Ceux qui se
livraient à des allégations ne mettaient pas en doute que les expériences de Muhammad
fussent à un certain égard d’origine surnaturelle, mais ils avançaient qu’il s’agissait ou d’une
créature démoniaque ou d’une puissance surnaturelle de degré inférieur, toutes différentes
de la Puissance qui régit l’univers.
L’affirmation que Muhammad était un poète fait encore allusion au surnaturel, car pour ses
contemporains un poète était un homme possédé d’un génie familier ou djinn.
« Ces insinuations sur l’origine des révélations obéissaient à l’intention de faire croire qu’il
ne fallait pas prendre au sérieux les mises en garde et autres sujets contenus dans ces
révélations. Elles n’avaient rien de nécessairement véritable. La pensée sous-jacente était
sans doute guidée par l’idée que les créatures surnaturelles qui produisent ou
communiquent les révélations peuvent parfaitement être animés par la malveillance ou
manquer de connaissances. Ces allégations ont pu avoir pour seul but de discréditer
Muhammad et sans que les gens qui les soutenaient y aient dans l’ensemble jugées comme
fondées. » (p. 163)
Une seconde tentative des adversaires pour donner une explication des révélations fut
l’affirmation qu’elles étaient une création totalement humaine, œuvre soit de Muhammad
lui-même soit d’un aide.
Une troisième ligne d’attaque consistait à dire que Muhammad n’était pas le genre de
personnage à qui des révélations auraient pu survenir (à cause du manque d’importance). «
Une fois de plus, des remarques de cette nature ne doivent être prises pour des exposés
impartiaux des faits. » (p. 164)
Une autre critique: pourquoi la révélation ne s’est-elle pas manifestée à Muhammad en une
seule fois?
Une critique d’un autre genre est celle des mobiles de Muhammad, insinuant qu’il voulait
acquérir fortune et position en vue. Mais les faits rendent très improbable que l’ambition
politique ait été à la source de ses actes. L’insistance du Qur’ân à préciser que Muhammad,
comme les autres prophètes, n’attend aucune récompense des hommes mais de Dieu seul,
est une réfutation de cette accusation d’ambition purement personnelle.
Les critiques et controverses verbales jouent le principal rôle dans le tableau de l’opposition
dans le Qur’ân.
Muhammad a supporté avec patience leurs critiques verbales, et la patience était bien le
parti le plus sage à prendre à La Mecque.
Un exemple plus particulier d’hostilité active est celui de l’empêchement fait à un abd de
prier.
Il est clair que l’opposition était dirigée par les hommes les plus influents des principales
familles Koréishites. Les noms des opposés mecquois se trouvent surtout dans les listes des
hommes tués ou faits prisonniers à Badr.
L’opposant le plus en vut fut Abû Djahl du clan de Makhzûm. C’est lui qui a organisé la ligue
des clans contre Hashîm et al-Muththalib.
Il a été suggéré que le motif le plus déterminant de l’opposition fut la crainte que, si les
Mecquois adoptaient l’Islam et abandonnaient l’idolâtrie, les nomades cesseraient de se
rendre au sanctuaire qu’ainsi le commerce mecquois serait ruiné. Or, cette raison n’est pas
satisfaisante, vu que dans le Qur’ân il ne se trouve aucune attaque contre le culte à la
Ka’bah. Cette théorie de motifs économiques inspirés de la crainte de l’attaque contre
l’idolâtrie doit être laissé de côté.
Ce qui est certain est que les individus dont les intérêts étaient liés au culte aux sanctuaires
particuliers pris sous le feu de l’attaque contre l’idolâtrie furent très contrariés.
« Mais le principal motif de l’opposition n’en fut pas moins presque à coup sûr le fait que les
dirigeants koréishites s’aperçurent que la convinction de Muhammad d’être un prophète,
allait avoir, pour peu qu’elle fût prise au sérieux, des conséquences politiques. La vieille
tradition arabe disposait que le gouvernement dans la tribu ou le clan devait aller à l’homme
le plus doué, en sagesse, en prudence et jugement. Si les Mecquois se mettaient à donner
créance aux avertissements de Muhammad et donc à s’informer de la manière dont leurs
affaires devraient alors être menées, qui serait le plus qualifié pour les conseiller, sinon
Muhammad lui-même? » (p. 171)
« Les motifs de l’opposition à l’Islam furent donc ainsi, tout intérêt personnel mis à part, la
crainte de ses conséquences politiques et économiques, ainsi qu’un conservatisme pur et
simple. La conjoncture qu’affronta Muhammad était un malaise ayant des symptômes
sociaux, économiques, politiques et intellectuels. Son message fut essentiellement religieux
en ce qu’il tendit à remédier aux causes religieuses sous-jacentes du malaise, mais il atteignit
également les autres aspects, si bien que l’opposition elle-même revêtit aussi divers aspects.
» (p. 173)
Il se remarie avec Sawdah bint Zam’ah, une des toutes premières adeptes et devenue veuve.
« Mais nous savons fort peu de chose au sujet de Sawdah et pouvons supposer que ses
relations avec Muhammad furent principalement de caractère domestique. » (p. 174)
Le successeur d’Abû Thâlib à la tête de Banû Hâshim semble avoir été son frère, Abû Lahab.
Bien qu’Abû Lahab se fût associé à la « grande alliance » contre Hâshim pendant le boycott,
il s’était engagé d’abord à protéger Muhammad comme Abû Thâlib l’avait fait, selon la
conduite traditionnelle d’un sayyid arabe.
2. La visite à ath-Thâ’if
Dans un certain sens, ath-Thâ’if était une petite réplique de La Mecque. Il y avait deux
principaux groupes politiques, les Banû Mâlik et les Ahlaf. La garde du sanctuaire de la
déesse leur était confiée.
Ce fut vers ath-Thâ’if que Muhammad se tourna apparemment tout d’abord dans sa
recherche de nouveaux adhérents à l’Islam. Les sources le montrent animé de l’espoir de
faire des convertis.
Muhammad commence à prêcher à des tribus nomades (Banû Kindah, Banû Kalb, Banû
Hanîfah, Banû ‘Âmir ben Ça’ça’ah). Il rencontra un refus tout net.
Médine est la forme française usuelle de al-Madînah, la ville; on dit que c’est une
abréviation de Madinât an-Nabî, la ville du Prophète. Avant le rôle joué avec Muhammad,
elle s’appelait Yathrib.
« C’était moins une ville à proprement parler qu’un ensemble de hameaux, de fermes et de
points forts dispersés à travers une oisis, sur une bande de terrain fertile d’une trentaine de
kilomètres carrés, entourée de collines, de rochers et de terrains caillouteux incultivables. »
(p. 179)
La population était composée surtout de Banû Qaylah, connus plus tard sous le nom d’Ançâr
(ou Secoureurs).
Dans le oasis il y avaient aussi deux groupes puisants et riches, branches hébraïques ou
Arabe judaïsés: Banû Qurayzah et Banû ‘n-Kadhir. Une troisième tribu juive, moins influente:
les Banû Qaynuqâ’.
Médine était très divisée: dans les biographies de ceux qui combattirent à Badr dans les
rangs musulmans, Ibn Sa’d range les Koréishites en quinze « clans » tandis qu’il en compte
trente-trois pour les Aws et les Khazradj de Médine.
« Un prophète, avec une autorité ne reposant pas sur le sang mais sur la religion, était
capable de se tenir au-dessus des groupes rivaux et tenir le rôle d’arbitre. Les sources
parlent des Ançâr imaginant que Muhammad était le Messie attendu par les Juifs et pressés
de se mettre en bons termes avec lui. S’il y a un fond de vérité dans cette histoire, c’est que
la conception d’un Messie avait contribué à familiariser les Ançâr avec l’idée d’une
communauté dont le centre d’intégration serait un personnage doué de qualités spéciales
de caractère religieux. » (p. 182)
Les Ançâr avaient de solides raisons d’accepter Muhammad comme prophète. En plus
l’Islam apportait une solution à leurs petites guerres sans fin.
Les premiers convertis médinois reconnus furent six hommes de Khazradj venus vers
Muhammad en 620. Au pèlerinage de 621, cinq d’entre eux retournèrent en emmenant sept
autres, dont deux hommes des Aws. Ces douze-là sont réportés avoir fait le serment d’éviter
divers péchés et d’obéir à Muhammad. L’acte est connu sous l’expression de Serment des
Femmes, bay’at an-nisâ’.
Muhammad encourage ses adeptes à aller à Médine. C’est l’Hidjrah (Hégire) ou migration du
Prophète. « Hégire » est une translitération, et « fuite » une traduction imprécise.
Le premier jour de l’année arabe durant laquelle l’Hégire eut lieu, le 16 juillet 622, fut choisi
plus tard pour marquer le début de l’ère islamique.
Les Médinois ont donné leur agrément à l’accueil des Muhâdjirûn ou émigrants de La
Mecque.
Question: Quels plans avait Muhammad pour ses compagnons après leur venue à Médine? Il
n’a pas pu avoir le dessein d’en faire des invités à perpétuité des Médinois, et n’avait
sûrement pas songé à les installer comme cultivateurs.
Muhammad dut se rendre compte que cette migration à Médine conduirait tôt ou tard à
une lutte ouverte avec les Mecquois.
Caetani a exprimé le point de vue que les Médinois acceptèrent Muhammad comme un
devin parce qu’ils avaient en vue la paix intérieure de Médine et non point parce qu’ils se
montraient empressés à accepter l’enseignement du Qur’ân. Seule, une poignée furent
d’authentiques adeptes.
Il faut tout de même estimer que la masse des Médinois qui soutenaient Muhammad
comprenaient et acceptaient les principes essentiels de l’Islam: Dieu Créateur et Souverain
maître du monde, juge au Dernier Juge, Muhammad médiateur et interprète du message de
Dieu aux Arabes.
5. L’Hégire
Certains, tels que Nu’aym an-Nahhâm, Musulman éminent, ne quittèrent pas La Mecque et
ils ne furent jamais accusés d’apostasie.
Les chefs koréishites tinrent une réunion et donnèrent leur accord à un plan d’Abû Djahl, à
savoir qu’un groupe de jeunes hommes, un de chaque tribu, attaqueraient ensemble
Muhammad à coups d’épée, de telle sorte que la faute du sang versé serait partagée sur eux
tous. A ce conseil, le clan de Nawfal se trouvait représenté par Thu’aymah ben ‘Adî et
Djubayr ben Muth’im, frère et fils de l’homme qui avait donné protection à Muhammad.
L’imminence de ce danger précipita le départ de Muhammad.
Apparemment, Muhammad et Abû Bakr couraient plus de dangers sur la route qu’à La
Mecque.
Selon le récit d’Ibn Ishâq, quand Muhammad eut compris qu’il lui fallait quitter La Mecque, il
pria ‘Alî de se mettre à sa place dans son lit pour faire croire aux Mecquois qu’il dormait
tranquillement, puis s’éclipsa sans être vu et accompagné d’Abû Bakr fit route secrètement
vers une grotte à peu de distance au sud de La Mecque et s’y tint caché un jour ou deux
jusqu’à ce que le fils d’Abû Bakr vint leur rapporter que les recherches pour le retrouver
s’étaient relâchées. Tous deux repartirent alors montés sur des chameaux, accompagnés par
un affranchi et un guide. Ils arrivèrent, après avoir suivi des pistes détournées, sains et saufs
à Qubâ’, aux lisières de l’oisis de Médine, le 12 de Rabî’ I (24 septembre 622).
L’Islam était définitivement arrêté dans ses grandes lignes à l’époque de l’Hégire. La prière
et le culte formels ne sont pas complètement définis, bien que les bases en soient jetées.
Toutes les idées fondamentales: Dieu unique, le Dernier Jour, le Paradis et l’Enfer, l’envoi de
prophètes, étaient pleinement en lumière.
« Il est probablement exacte qu’il y eut peu de conversions et peu de véritable piété au sens
où on le comprend en Occident, mais c’est parce que les conceptions occidentales ne sont
pas strictement applicables aux manifestations de la religion au Proche-Orient. Au regard
des données du Proche-Orient, les conversions et la piété étaient probablement
authentiques. Faire une déclaration de foi publique avait probablement beaucoup plus de
sens pour un Arabe de cette époque que cela en aurait pour un Occidental aujourd’hui. » (p.
191)
L’Islam était susceptible d’apporter la solution aux problèmes rencontrés par les nouvelles
communautés sédentaires: à La Mecque, le principal défaut était l’individualisme égoïste; à
Médine, le besoin d’un arbitre suprême.
La grande œuvre de l’Islam a été en un sens de modifier la morale nomade à l’usage des
conditions de vie sédentaire et la clé de cette transformation fut un nouveau principe
d’organisation de la société.
Le nouveau principe a en centre le prophète comme foyer d’intégration. L’union sociale est
cimentée par le fait qu’un prophète a été envoyé à tous ensemble. Les membres de la
communauté ont pour devoir commun d’obéir aux commandements de Dieu qui leur ont
été révélés par le prophète.
Les derniers passages du Qur’ân se remarquent par l’emploi croissant du mot ummah,
communauté.
Des passages se rapportant aux Ahâbîsh se trouvent dans Ibn Hishâm, al-Wâqidî et ath-
Thabarî. En fait, selon les sources, rien n’autorise à penser que les Ahâbîsh ne sont pas des
arabes.
Les Ahâbîsh étaient apparemment organisés en tribu, mais certaines des expressions
employées suggèrent qu’ils ne devaient pas constituer une tribu ou groupe de tribus
ordinaire.
« Quoi qu’il en soit – et il demeure quelque chose de mystérieux à leur sujet – ils n’ont pas
joué de rôle de première importance dans les campagnes signalées, bien que leur nombre
ait pu ajouter aux difficultés des Musulmans. La supposition méchante de Lammens, suivant
laquelle la puissance de La Mecque était basée sur une armée d’esclaves noirs est sans
fondement. Les princes marchands n’étaient pas des amateurs de faits d’armes et essayaient
de les éviter, mais ils étaient capables de livrer beaucoup d’eux-mêmes en cas de nécessité.
» (p. 198-199)
La question jusqu’à quel point des influences juives et chrétiennes s’étaient exercées sur
Muhammad recouvre en fait l’affirmation que, sauf quelques exceptions, le monothéisme
était inconnu des Arabes. Cette affirmation ne repose sur rien de certain.
« Les tout premiers passages du Qur’ân présupposent au contraire chez ceux auxquels ils
étaient d’abord destinés, une familiarité établie avec la conception d’un Etre suprême et sa
reconnaissance; d’autres traits enfin tendent à confirmer que l’atmosphère intellectuelle de
l’Arabie en général et de La Mecque en particulier avait été impregnée de monothéisme. »
(p. 199)
C. C. Torrey, presque à contre-cœur, doit admettre dans The Jewish Fondations of Islam que
tous les termes religieux coraniques étaient familiers à La Mecque. Comme l’existence des
mots signale l’existence des idées, nous devons accepter au moins la présence d’un
monothéisme vague, « autrement dit un monothéisme ne s’exprimant pas de lui-même en
actes de culte définis et non pleinement conscient de ses différences avec le paganisme ».
(p. 200)
Ainsi, l’histoire doit se poser la question essentielle de l’extension des influences juives et
chrétiennes à La Mecque en l’an 600, et non sur Muhammad ou sur le Qur’ân.
Torrey note, à partir de la Sourate an-Nahl (16/105) que Muhammad ne nie nullement avoir
eu « un maître humain, mais insiste seulement sur le fait que l’enseignement venait d’en-
Haut ». La plupart des critiques occidentaux ont eu du mal a résister à l’envie de conclure
que Muhammad a été instruit par une personne, ou des personnes.
Un Musulman orthodoxe, s’il admet que le Prophète a pu se familiariser avec les histoires
judéo-chrétiennes, soutient néanmoins que Dieu a révélé « l’enseignement » y étant
contenu. Quand même, le verset coranique 11/51 plaide pour la révélation concernant le
fonds, mais aussi la forme.
- nous pouvons supposer que Muhammad ne faisait pas de distinction entre l’histoire et «
l’enseignement » qui y est implicitement contenu, et le second étant compris par la vertu de
la révélation, considérait le tout comme révélé;
- les histoires ont pu parvenir à sa conscience par la vertu de quelque faculté de caractère
télépathique;
- la traduction n’est peut-être pas très fidèle, en particulier le mot nûhî, « produit par
inspiration » peut signifier quelque chose comme « disposant à comprendre l’enseignement
implicite en, ou la signification de ».
« Il n’y a guère de difficulté à prétendre que la forme précise, le motif, la signification plus
lointaine enfin des histoires ont été communiqués à Muhammad par voie de révélation et
non par un prétendu informateur. » (p. 202)
Ibn Ishâq cite quatre hommes d’une génération avant Muhammad qui avaient abandonné
les pratiques païennes pour rechercher la hanîfîyah, la religion d’Abraham.
Dans le Qur’ân, les hanîf étaient les gens qui suivaient les données idéales d’origine de la
religion arabe. Muhammad proclame à Médine que les Arabes maintenaient la religion
d’Abraham dans sa purete, alors que Juifs et Chrétiens l’avaient laissée se corrompre.
Le premier groupe (2/162, 3/71, 4/52, 53/33), véhicule un sens clair. Zakkâ est employé avec
le sens « justifier » ou « juste compte ». Le sens est celui de la pensée: Ne vous justifiez pas
vous-mêmes, Dieu justifie qui Il lui plaît.
Dans le second groupe (2/123, 2/146, 3/158, 62/2), il est déclaré qu’un messager est envoyé
pour « purifier » (yuzakkî) un peuple.
L’emploi de tazakkâ et at-tazakkî qui constituent le troisième groupe (20/78, 35/19, 79/18,
80/3, 87/14, 92/18) est légèrement différent. Dans 80/3 et 7 le but de Muhammad dans sa
prédication est visiblement de conduire un homme au tazakkî, donc au conversion. Ainsi,
tazakkî semblerait signifier l’excellence morale qui est partie du but suprême de la vie.
La racine arabe zaka signifie croître, prospérer, être florissant. Suite à un rapprochement de
la racine syriaque thakâ, le terme tazakkâ signifie « pureté », « droiture ».
Le mot zakât est fréquemment employé dans le sens technique, accouplé d’ordinaire avec
çalât.
Dans 9/104, le sens moral de la racine zakâ semble s’allier à la pureté rituelle de thahara.
Le commentateur Ibn Zayd, cité par ath-Thabarî, va jusqu’à identifier tazakkî avec l’islâm.
Le mot zakât est probablement dérivé de l’araméen zakât, signifiant pureté et non don
d’aumônes.
« L’idée de faire le sacrifice de quelque chose de très précieux, d’un fils premier-né au
besoin, était une idée profondément enracinée dans la pensée sémitique, sur la convinction
sans doute qu’un acte de cette nature tendait à se rendre propice une divinté jalouse et à
s’assurer une jouissance sans coups du sort du reste des biens. Pour des gens pénétrés de
cette pensée, il devenait naturel de considérer l’aumône, le don d’une part de son argent, de
ses biens, comme une forme de sacrifice propitiatoire. » (p. 209)
Appendice E. Les traditions d’après ‘Urwah
Les données tirées de ‘Urwah ben az-Zubayr pour la période mecquoise de la vie de
Muhammad ont une importance considérable. Le père d’Urwah, az-Zubayr ben al-‘Awwâm,
était un des Musulmans de la première heure, ami intime d’Abû Bakr. En plus, ‘Âishah était
sa tante maternelle.
On dit qu’il a été le premier à réunir des éléments épars pour la biographie de Muhammad.
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Anonymous commented:
Je souhaiterais obtenir le courriel d'Eric Geoffroy pour lui poser quelques questions au sujet
d...
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compre...
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Bonjour,J'ai mis en ligne sur mon blog une fiche de lecture consacrée à l'ouvrage de Mircea
...
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