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LA VIE MIRACULEUSE
DE S- PATRICE.
ÁRCHE VESQUE,
ET PRIMAT D'HYBERNIE.
AVEC L'HISTOJRE
& la Description du Purgatoire ,
les Remarques & '^Rencontres
que Louis Enius y A&j&ites , son
Entrée sa^ííorùe -^rés avoir
rcfìfléaux tourmens V'^j^/tons
des malins Esprits. '**jSSJ^
Ouvrage tres*utile SûjheceíTaire â ceux
qui desirent imiter les Saints.
Mis «n FrMfois, f<tt k I{-P. Fr. B0V1 L L ON,
4t l'Ordrc d* S. Vunf,isy &^4cheLtycA Tbi«legie.
A PARIS,
Chez Charles Fosset, rue S.Jacques,1
à la Resutrection, ptés S- Benoist.
M. DC LXXXIII.
AFEC APÏRQBATÌON.
AVIS ÀV LECTEVR
PERMISSION
du R. Père Provincial.
P, Coppin,
L'HISTOIRE
LHISTOIRE
LAVIE
MIRACULEUSE
D£ S.PATRICE
E T &
DU purgatoire:
■———:
CHAPITRE PREM^TER.
NTRE le Septentrion &
l'Occident/llyâuneflíIe qu'on
appelle Hybernie , 'smais plus
communément l lande. Cette contréese
nommok aurrefois , par le respect l'Iste
A
2 LA VIE
des Saints , parce qu'un grand nombre de
ses habitans étans éclairez des lumieres
surnaturclles,adoroientle vray Dieu, ex-
posoient genereusement leur vie , pour la
défense dclaFoy Catolique, à la fureur
& à la rage d'un Tyran cruel, à qui le nom
de Chtétien étoit aurant exécrable , que
dans la pensée de ces peuples il écoit ve
nerable. C'étoit en quoy ils çflayoient pat
un reciproque amour , de rendre la pareil
le à l'Aureur de leur estre , qui avoit si li
beralement prodigué son sang & sa vie,
pour nous garantir de nos mal'heurs , Sc
nous affranchir d'une mort eternelle, à la-"
quelle nous étions tous engagez , par la
revolte de nos premiers ayeuls : Aussi est-
ce en cela que c insiste le plus haur point
& l'amour des fideles.
A l'opposite de cette Ifle, du côté de la
Grand' Bretagne, que nous appelions au-
jourd'huy Angletetre , ptés le rivage de
lamerHybcrnique,ily a un petit village
~p\*u habité,cjui s'appelle Empthor en lan-
gueVtrr^aire du Pays. C'est en ce petit lieu
champestrc" que prit naissance un jeune
homme U \avantageuíement patragé des
dons 5t des, graces du Ciel, qu'encor qu'il
s'efforçast ífelon son pouvoir, decouvrir
les saintes /actions de fa vie exemplaire,
sous la cendre d'une humilité sainte : tì«
DES. PATRICE. 3
chant de ne les pratiquer qu'à laVeuëde
Dieu, qui penetre les cœurs & juge des
pensées aussi bien que des œuvres : nean
moins il ne les pûc si bien cacher, que leur
éclat brillant ne parût beaucoup aux yeux
des hommes. Ce qui le rendoit d'aurant
plus recommandable à tous en cet âge,
que rtrement une excellente vertu & fa-
gesse se rencontre accompagnée d'une
grande jeunesse. La lecture des belles
actions des Saints occupoit la meilleure
partie de son téps , mais fur tour il s'étu-
aioir si soigneusement à la parfaite imita
tion de leurs vertus, qu'il évita heureuse
ment les écueils dangereux, qui suivent
ordinairement lajcunefle, & qui les pté
cipitent souvent dans des labyrinthes
étranges; au moins les faisant pancher au
libertinage , lej disposent à une cheure
\ rnal'heureuse.
II y avoit en ce temps vis-à-vis de fa
maison une jeune Demoiselle Françoise,
qui s'appelloirConchese, qui menoit aussi
une vie solitaire & retitée, & vivoit cn
une si haure estime de vertu , qu'encore
que le Ciel I'eût si avantageusement par
tagée des dons narurels , qu'elle piísoit en
repuration de la plus ravissante beauré
de toures les Dames de cette conttée :
neanmoins ses vetrus,& les exemplesde
^ LA VIE
sa Vie innocente, h rcndoient si recom-
mandable à tour le monde , qu'ils ternis-
soient presque entierement le lustre de
cette excellente beauté ; de sorte que ce
qui sembloit le moins estimable en ce petlc
miracle denature, étoirl'éclarde son visa
ge , qnoy que capable cependant d'animer
les rochers , & de donner du sentiment
aux marbres. Ce jeune homme ayant joui
quelque temps de la conversation de cet
te innocenteDcmoisclle [avec les respects
&la modestie possible] 8c reconnu les me
rites d'un objet si charmant, fçachant au
vray que le Sacrement de mariage le met-
toit à couvert du peril où la vue trop fre
quente d'une parfaite beauré le pouvoit
reduire , resolut enfin de la rechercher
pour épouse, ils en viennent au pourpar
lers les parens prennent jour de part 8c
d'aurre pour s'assembler , & deliberer fui
cette affaite , qu'ils conclurent fur lc
champ, &C bien- tôt aprés effectuerent cet
heureux hymenée, d'aurant plus volon
tiers, que chacun d'eux de son côté esti-
moir gagner en ce rencontre.
Ces deux vertueux amans vécurent quel
ques années ensemble avec beaucoup de
contentement & tres-gtande satisfaction
l'un de l'aurre , quoy que fans obtenir les
fruits de leur mariage , qui s'appelle dans
DE S. PATRICE. /
le ménage,/* paix des martes Certe peti
te disgrace obligea cette Tertueuse De
moiselle d'adresser ses vœux au Ciel pour
implorer son secours, faisant de tresar-
dentes prieres à Dieu , qu'elle accompa-
gnoit souvent de ses larmes , de benir leur
couche nuptiale, d'ôter les obstacles de
leur bon-heur, & leur donner un fils, qui
ne degenerast en rien des vertus, ny de la
saintete de son Epoux. Oc comme les re-
questes des justes font benignement écou
tees du Ciel > & favorablement reçues de
vant le trône adorable de la Divine Maje
sté, qui se plaist fort d'estre importunée
par les prieres des Saints, à peine eur- elle
poussé les élansdans la ferveur de son zélej
qu'elle obtint enfin l'octroy de sa juste de-
mande:sibien queDieu luy donna Patrice,
qui prenant naissance de ses couches,vinc
au monde comme un beau Soleil rayon-
' nant de lumiere , & qui foîtant de son
Orient chasse l'obscurité des ombres Sc
-des tenebres , qui voiloient la beauré de
la tetre , parce que des rayons éclatans de
fa sublime doctrine, il de voit dissiper les
épaisses tenebres , & les nuages de l'Idola-
trie,qur e'toit lors en triomphe en cette
conttée , reduisant doucement les esprits
les plus obstinez de l'Evangilc à la parfai
te connoissance de la vraye ReligionChre-
tienne. A iij
6 LA VIE
La creance du vray Dieu etoít si rare et»
ces quartiers pour lors, & le Christianis
me si peu en asseurance, que se declarer
Catoliquc ou Chretien , étoit un crime
capital, qui netrainoit rien moins apres
soyque sa ruine & sa perte. Aussi les
parens de Patrice le baptiserent - ils se-
crettement : car encor qu'à l'ezterieur ils
semblassent estre dans l'esclavage d'une
Babylone malheureuse , ainsi que le reste
des habitansde cette Iíle, dans Tinterieur
pourtant te quant à la pratique des vertus
Chtétiennes, ilsestoient vrayement Ci
toyens de la Celeste Jerusalem.
Or comme ils n'ignoroient pas que la
fin principale du mariage est la
tion des enfans pour succedera l'heritage
desPeres, voyans que ía Divine bonté
ayant à gré leurs vœux , & accordé leurs
requestes, a voit beny leur couche nuptia
le d'une heureuse lignée, leur donnant Pa
trice, & deux belles filles pour succeder à
leurs biens , lassez de vivre dans les tracas
du monde, ils resolurent ensemble de me
ner un aucregentede vie, êeplûtost An
gelique qu'humaine. De sorte que tous
deux faisans voeu de chasteté , Conchese
dans ce saint propos se retira dans un
Cloistre, & se fit Religieuse : & son Epoux
dans le même dessein se piesentant auxOr-
DE S. PATRICE. 7
dres , se fit Prestre , si bien que l'un & l'au
tre finirent heureusement leurs jours au
service de Dieu , affranchis des dangers 5c
des grands embatras du siecle. Ce gene
reux dessein ne s'accomplit pas pourtant
fans beaucoup de sensibles regrets & de
cuisantes larmes , tant de leur part, que du
côté de ceux de leur connoiílànce, qui ne
pouvoient souffrir s"nscnnuy la dure se.
paration d'une fi sainte Compagnie.
Cependant Patrice , qui estoit encore
d'un âge tendre & enfantin , fur commis à
Ja turelle & conduite d'une sienne tante,
déja fort avancée en âge : & comme Dieu
fait souvent connoistre aux hommes les
furures merveilles qu'il veur operer par le
ministere de ses fervireurs par quelques si*
gnes visibles & sensibles , voulant faire pa-
roistreau monde les faveurs & les oraces
dont il vouloit orner cette ame innocente,
Iuy communiqua liberalement ses dons
en abondance, auparavant même qu'il eut
oleine liberté de la langue pour parler, &
qu'il pût distinctement articuler ícs paro
les, pour luy faire quelque requeste. 11 nc
déplaist pas à fa Divine bonté que l'on
croye qu'elle se soie declatée amie de Pa
trice, non point par une feinte simulation,
comme font les mondains de ce siccle,mais
dans les veritables effets qu'elle luy fait
S LA VIE
sensiblement éprouver de sa bien- veillan-
ce.En voicy une preuïC assez remarqua
ble ce me semble.
Gormas natif d'un perit village voisinde
ce Saint, étant aveugle de naissance, im-
portunoit fans cesse le Ciel par prieres ,
qu'il fe montrât pitoyable à ses vœux, luy
ouvrant lesyeux pour voir & contempler
ses beaurez,& jouyr de la clarté des lu
mieres du Soleil, afin de louer l'Aureurde
ces rares merveilles ; Comme il étoit un
jour dans la ferveur de son Oraison, il en-
tendit une voix parmy l'air retentir à fes
oreilles, qui luy commanda d'aller trou
ver Patrice,encor petit enfant, & nouvel
lement baptisé, lequel luy imprimât par
trois diverses fois repetées le signe de la
sainte Croix sur les yeux, dont un defaut
naturel l'avoit fatalement privé: ce qu'il
experimenta avec contentement:car ayant
obey à la voix qui luy parloir , il obrint
heureusement les fruitsde ses prieres, Dieu
faisant connoistre par ce miracle les pro
diges fururs qu'il devoir operer au mon
de par l'entretnise de ce sien serviteur.
Cette méme bonté souveraine aurenri-
que encor cetre verité par une aurre mer
veille , sinon plus signalée, au moins plus
étendue, Sc plus publique que cette pre
miere , & bien.plus haurement louée des
DE S. PATRICE. 9
spectateurs qui en admirerent Ic prodige
confirmé- Le miracle fur rel.le Ciel, ou
l'inclemence de l'aix, ayanteouvert de né-
ges toures les tetres de cette conttée , Sc
venant à se fondre & à se reduire en eau li
quide,* kfaveur des rayons duSoleil,ils'en
forma comme un petit deluge qui inon
da toure la surface de la tetre de ce pays,
& serpentant d'un cours rapide de village
en aurre , ravageoir les campagnes , inon-
doit les champs, & noyost les maisons : lî
bien que celle de Patrice étoit fur le point
d'estre bouleversée par tetre, ic sapée par
les fondement. Alors ce jeune enfant- qui
à peine pouvoit lors atteindre l'âge d'on
ze à douzean*, voyant un si étrange desa
stre, armé d'une constante Foy, fit le signe
de la sainte Croix sur les ondes furieuses
de ce petit deluge , & fur le champ, à la
vûë de tour le monde,les eaux se retirerent
dans le sein dr la mer, & la tetre demeu
ra aptés aussi seiehe qu'au plus fort des
chaleurs de l'Bté.
Etant un peu plus avancé en âge, Sc en
trant dans l'adolefcencc, son esprit inno
cent commença à se polir , fie à se perfe
ctionner de plus en plus. Ses exercices
plus ftequens & plus ordinaires étoient
les jeûnes, les veilles,& le* mottification*
de ses propres sentimens , & de fa chair,
20 'LA VIE
pour conserver saintement à Dieu, la cha
steté du corps & la pureté de l'cfprit : aussi,
enfit'ilun vœu particuliet, pour s'offrir
plus purement à la Divine Majesté comme
victime innocente en toures les persecu
tions qu'il se preparoit à souíFrir,sans met
tre en consideration le pesant poids de ses
éminentes vertus , ny les haurs merites
qu'il s'étoir déja acquis parla pratique de
ses bonnes œuvres, en quoy consiste l'cx-
cellence de la perfection Cbté tienne, & le
plus haur point d'an parfait amour de
Dieu, de s'oublier soy-méme pour le sujet
que Ton aime cherement.
Inexperience commune fait voir comme
Dieu par fois traite avec moins de carcíTcs,
& plus de rigueur ceux qu'il aime tendre
ment , que beaucoup d'aurres qui luy font
indifferens, même qu'enfin il rebute cora-
me ses ennemis, car comme l'or sortant de
ses mine-, ainsi qu'une terte commune se
purifie dans le creuset, aufll les vrais ser
viteurs de Dieu s'épurent dans le feu des
afflictions, & se raffinent parmy les fiâmes
des souffrances. C'estjustement ce qui ar
riva à ce jeune Adolescent, lors qu'envi
ron à sage de seize ans, il se promenoir un
matin à la fraischeur sur le rivage de la
mer avec quelques siens compagnons , re-
cuansle Psaurier ensemble , il fur prispa;
ÍL
DE S. PATRICE. iî
des pirates qui côtoyoient cette Iflc , £c
avec luy tous ceux de fa fuite emmenez ca-
ptifs, fans aurre resistance, ny espoir de se
cours que duCiel. Car Come ces Piraresra-
vis d'une telle prisc,craignoicnr qu'elle ne
leur échapât, ils Ce realncerent si prom-
i ptement dans leur Vaisseau pour singler en
haure mer , qu'il ne leur fur pas aisé de fe
sauver de leursmains. Patrice vint aborder
aux confins d'Hybcrnie, où il fur vendu à
|* prix d'Argent , comme un aurre Joseph, à
1 un Princedecette lfle,ces voleursle rejet-
tant de leur Vaisseau, comme inurile, &
plus propre à la garde des bêtes, qu'à quel-
u'aurre exercice plus relevé : auffi luy
onna-t' on cet employ peu honorable.
Mais comme iletoit parfait imitateur da
Sauveur du monde, qui nous a laissé les
exemples d'une humilité sainte , cette ru
stique charge luy fur fort agreable.
Or comme l'amour de Dieu trouve plus
d'éloquence dans la solitude,& les deserts
écartez des villes & des bourgades, que
parmy la foule fie l'affluence des habitans
des citez, il occupoitla meilleure partie
des jours & des nuits aux entretiens avec
Dieu, & dans les doux transports de son
saint amour; en sorte qu'il se íervoit de
toures les choses creées pour honorer son
culte , fie publier ses adorables merveilles.
12 LA VIE
Il drefloîc souvent des Temples Sc des
Aurels à la Divine Majesté de branches
d'arbres,& de rameaux enjolivez de fleurs,
& se servoit même de campagnes desertes,
pour plus souvent luy reiterer le» offran
des de son cœur, Sc luy faire un sacrifice
agreable de toures les actions de fa vie ,
avec mil sottes d'actions de graces , SC
plusieurs Cantiques de louanges, dont il
raiioit retentir l'air , & resonner les ro
chers.
Le nombre des troupeaux qnî avoieat
été commis à fa conduite. & à fi garde dés
le commencement de son esclavage f pa-
roiífant à veíied'œ 1 multiplié de joui à au
tre, vint à U connoisîance de son maître,
aussi bien que l'eelat de ses rares vertus.
Car comme dans l'obfcurite! d'une nuit
sombre, il écoit dans son lict pour prendre
re",os, il vit en songe durant son sommeil,
son esclave Patrice tour rayonnant de lu
miere, de la bouche duquel sortoit une
triple flamc fort éclatante , quifrapant sur
ses deux fliles de ses rayons , les embrafoit
de son feu,& les reduisent en cendre, le
laissant seul libre sans le toucher de fa cha
leur. 11 s'éveillecn sursaut fort confus, &
étonné d'une vision si extraordinaire, rê
vant le reste de la nuit fur les mysteres de
fou songe. À peine vit-il paroistrç la poin»
DE J. PATRICE. >/
te de l'Aurote, qu'il depêcha un valet vers
son Esclave Patrice , pour l'obliger de ve
nir à luy, auquel il raconta parle menu les
merveiJes qu'il avoit vûës dans son íom-
meil.avec instantes prieresdr luy cn expli
quer le mystere. Ce S. Pe? sonnage obeys-
sant volontiers aux dtsirs curieux de ce
Prince, repond hardiment & d'un courage
asteuté , lans apprehender lesuccez qui
powroit atriver de son discours : Que cet
te triple fiante qu'il avoit vâè'en songe du
rant son sommeil, n'étoit aurre choie que
la Fr,y du Mystere adorable de la tres-sain*
teTnn ié, que dés un long-temps il avoit
esté inspiré de prei"chcr,àluy & à ses filles:
mais parce qu'il ptévoyoit que sesfoibles
paroles ne devoient faire aucune imptes-
sion efficace sur son esprit obstiné , pour
luy persuader forterrient la croyance du
mystere ineffable, la fíame ne le devoit nul
lement toucher de ses lumieres, & ainsi il
coutroit fortune de mourir mal heureuse
ment dans l'aveu^lement de son infideli-
té ; mais parce que ses deux filles se dc-
voient rendre souples & flexibles aux se
montes du Ciel , & à ses voix , & se laiïïer
vaincre à la foi ce des raisons & des veritez
Chrétiennes, qu'il leur annonceroit pour
les defaHuser , ©ieu permettroit par sa
bonté liberalle, qu'elles fussent éclaitées
B
LA vin
des lumieres de la Foy , & embrasées des
fiames de son faint amour, pour un joue
parvenir heureusement à la fin pour la
quelle elles avoient esté creées & noutries.
Et aptésce discours, prenant congé de son
Maître, il s'en retourna à ses troupeaux",
luy laissant l'esprit si ptéoccupé & con
fus de l'explication de cet Enigme , qu'il
avoir peine à se resoudre s'il 1c devoitre-
compenser deroures ses peines passées, ou.
bien s'il le de voit châtier, & punir fa te
merité pour les. choses étonnantes qu'il
luy annoríçoit, qui atri verent ponctuelle
ment, ainsi que le Saint avoir predit.
Ce vertueux Personnage mena cette vie
rustique & champestre quelques années
dans un grand repos &r tranquilitéd'es-
prir , jusqu'à tant que Dieu ne le voulant
plus si solitaire qu'il étoit , commit son
Ange Gardien, nommé Victor, pour luy
faire compagnie dans ce desert , où il n'en
avoir aurre que ses t roupeaux,& quelques
bêtes sauvages qui par fois le visitoient.
Er avec cet esprit bien-heureux,il pouvok
communiquer familierement tous ses des
seins ,& se consoler doucement dans son
esclavage.
Or comme st passoit ks-nuits presque
entieres en ferventes jÉHêres *&atriva
qu'en une,entre Icsaut.res,tl fuç ravjrdaa»
DE S. PATRICE. js
on divin transport x>u extase , où il vit
comme dans une belle glace, ou miroir
bien poly, un homme grave, Sc de pre
stance majestueuse : l'habit éV l'équipage
luy fir connoistre qu'il pouvoit estie dece
pays-lì, & il luy sembla à sa mine, qu'il
luy apportoit une lettre, ce qui l'obligeadc
l'aborder de plus ptés pour en voir l'in-
scriprion, qui portoit ces paroles : C'est icj
la voix de tour le peuple d'H) berme, & com
me il l'eur ouverte pour voir ce qu'elle
contenoir , il luy fur avis qu'il y lisoit,
que rousles babitans d'Irlande, hommes,
femmes, enfans, petits & grands, l'appe-
loient à eux , disant : Patrice, nous vous
frions tons ensemble, que vous ver.ie\prow
ftentent à nôtre secours , pour nous affran
chir par pitié , du joug miserable sous le
quel nous soupirons, & sommes detenus cow
me esclaves. Revenant à soy de ce sommeil
extatique , il consulta son Ange Gardien
sur ce qu'il devoit faire en cette pressante
necessité , où il s'agissoit du salur des peu
ples de cette Ifle, le priant de plus, de fai-
ic en forte qu'il pût estre racheté en bref
de la' captivité qui l'atrestoit en ce lieu,
ménageant doucement fa delivrance , par
ce qu'il desiroit - ardemment secourir le
pays en ce renccmtre.où il temoignoit par
ses plaintes avoir besoin de son assistance.
B ij
iS LA VI B
Son bon Ange con noiíTant la constance
áe sa genereuse resolurion > lujr enseigna
une caverne , où il fúy ordonna d'entrer
pour y prendre aurant d'Or & d'Argent
que bon luy sembíeroir , & qu'il jugeroit
estre necessaire pour obtenir sa delivran
ce. Ce qu'il fit aussi promptement qu'il de-
firoit passionnement sa franchise ,& ainsi
de ces deniers miraculeusement trouvez,
il paya entierement sa rançon > & sans
differer beaucoup de temps , disposa tou
tes choses necessaires pour et voyage desi
té. Auparavant neantmoins que de pren
dre congé du Prince qui avoit esté son
Maistre 1e temps de Con esclavage, il fit se-
crertement baptiser ses deux filles, aptés
les avoir suffisamment instruites desMy*
steres de nôtre Religion Catholiques , 8c
des principaux points de la Foy qu'elles
devoient professer au Baptême.
Or quoy qu'il eût un ttes-ardent defic
de voir fa chere patrie, de laquelle il étoit
absent depuis un si long-temps,rpour s'af
fermir neanmoins davantage en la doctri
ne de l'Evangile, &. s'éclaircir de plusieurs
difficultez qu'il pensoit ne sçavoir pas as
sez nettement ; (quoy queceluy qui sçaic
parfaitement aimer Dieu , peur dire qu'il
n'ignore rien de çe qu'il doit sçavoir )
neantmoins il voulur premierement fairo
D£ S. P ÀTRICE. s?
un voyage en Franee où il vint visiter
S. Germain Evesque,qui 1e teceut si cour
toisement, & luy témoigna tant de bien
veillance, qu'il l'engagca insensiblement
à demeurer avec luy , où il séjourna en
viron l'espace de dix-huit ans , s'adonnanc
soigneusement à la pratiquede l'Oraison,
& à l'étàdedes saintes lettres. Au bour de
ce temps là , il luy fit recevoir les Ordres
íacrez , & l'admit au Sacerdoce, luy don
nant ordre & licence de ptécher le Saint
Evangile dans .toure l'etendue de son Dio
cese : Et quelque temps aptés prenant
congé de luy , ils se separerent avec de fi
sensibles regrers de part & d'aurre , que
tous deux furent contraints de le temoi
gner par leurs larmes.
Continuant son voyage de France, il al
la trouver S. Martin Arthevesque de
Tours, qui étoit propre frere de Conche-
sese mere;& daurant que ce saint Prelat
avoit esté Religieux au commencement de
son Sacerdoce , il luy conseilla d'en pren
dre l'habiti poar mieux s'inftruire, & se
former plus exaòtemeut dans les exercices
spirituels t & s'affermir plus fortement
dans la pratique des vertus. A quoy Pa
trice o'beïilaat volontiers & sacs repu-
gnance, se retira dans un Cloistre de Reli
gieux^ se fit Moine, où il mena une vie si
jf Z A VIE
téguliere ic si exemplaire, qu'il sic parfai
tement cotrespondre, & ses mœurs 5c ses
actions au saint habit qu'il portoit.
Aptés avoir passé quelques années dans
l'éttoite observance des vœux solemnels
qu'il avoir protesté en cet état , il sç reso
lur de communiquer avec S. Martin son
oncle, sur un pieux & Ioiiablcdessëin,que
des assez long-temps Dieu ldy avoit inspi
té cnl'ame, luy déclarant le zele fervent
qui le poussoir d'entreprendre le voyage
de Rome pour visiter par devotion & pie
té les saintes Reliques des bien-heureux
Apôtres, & des Martyrs qui font conser
vez en cette sainte Cité,& baiser humble
ment les pieds de fa Saintete', Vicaire de
Jesus » Christ en tetre , & successeur de
S. Pietre , afin que l'aurhorité de ce saint
Prelat intervenant à saprierc,jointe à cel
le de son cher Maître S. Germain, qu'il y
employa pareillement, il pût obtenir plus
aisémentla licence necessaire desonSupe-
rieur pour faire ce voyage.
Ce saint projet luy succeda aussi heu
reusement qu'il le desiroit avec zele, par
ce que l'on jugea sa demande si raisonna
ble & si justc , qu'elle portoit son appro
bation avec soy.
Prenant donc 1a licence de son Supe-
rieur , & l'agrcemcnt de tous fes freres
DE S. PATRICE. 19
Religieux, aptés avoir convié tendrement
leurs charitez,de le recommander à nôtre
Seigneur, il sortit du Monastere oû il lais
sa le regret de son absence à tous , & se mit
en chemin pour Rome.
Maisy allant , il passa par Auxetre,pour
communiquer son dessein à son Majftic
S. Germain , lequel loua grandement sa
devotion, Sc luy donna un bon Prestrc
nommé Sergecius,pour l'accompagner en
son voyage. En chemin, lors qu'il cstoic
déja fort avancé , & qu'il s'approchoit de
Rome, Dieu ('inspira, & luy fit entendre
par une revelation manifeste , que sa vo
lonté étoìt, qu'il allât visiter un Hermite
nommé Justus, lequel vivoit solitaire dans
unelfledelamerTytrene, où étant atrivé
il trouva un vieillard, qui. luy demanda
son nom, & la cause de sa venue. Il luy té
pondit qu'il s'appelloit Patrice, & sitost
que le S. Hermite eur entendu le nom de
Patrice, fans entendre le reste de fa tépon
se, il se jetra à son Col, l'cmbrassant avec
de grandes cairefles, en temoignage d'affe
ction, comme une personne qu'il atten-
doit depuis un long-tems. Ce qui rendit
Patrice tour confus, ne fçachant point Ja
cause d'une joye si extraordinaire & si su
bite. Neantmoins ayant rendu le salut re
ciproque, SL les dignes remercimens que
Z A VI Z
meritoir un accueil si favorable dans cet
abord inopiné : il convia l'Hcrmite avec
instantes prieres, de luy declarer d'où Sc
comment il 1c connoiflbit, & pourquoy au
íccit de son nom il avait temoigné tant
d'allegresse & de joye. Le bon Hermite
Justus luy dit, qu'un jour nôtre Seigneur
Jesus-Christ luy avoit fait l'hooneurdele
visiter en personne fous la forme d'un pe
lerin, tenant un bâton en fa main. Que
lors il n'a voit point d'aurre pensée , sinon
.de recevoir quelque pauvre passant qui
avoit besoin de retraite, & de luy faire la
charité de le loger selon fa courume, & le
sustenter de cc qu'il pouvoit avoir dans fa
petite cabane. Mais que le matin étant ve
nu, ce nouvel Hoste luy dit , je fuis Jesus
pour l'amour duquel vous travaillez, Sc
faites tant de charitez aux passans Sc tant
d'aurresbonnes œuvres : prenez ce bâton,
& le gardez jusqu'à ce qu'il passera par ici
un de mes fidclles serviteurs nommé Pa-
trice,auquel vous le baillerez de ma part,
Sc qu'ausiltest il étoit remonté au Ciel.
Que c'íítoit là le sujet qui luy avoit donné
tant de joye fie causé un ravissement si ex
traordinaire à la prononciation de ce nom
de Patrice, lequel il avoit si fortement g ta-
v é en sa memoire , qu'aptés une si longue
attente il n'a voit piîse contenir, voyant
DE S. PATRICE. 21
celuy que Jcsus-Christ luy avoit predit,
avec lequel ildesiroic avec impatience se
conjouyr des graces que Dieu luy fai-
soit,de participer au bon-heur qu'il avoir
d'estrecheri de Dieu , se recommander à
ses prieres, & fur tour pour s'acquirerdu
commandement que Jesus - Christ luy
avoit fait de luy mettre ce bâton en la
main, qui luy serviróitde marque de Tassi-
stance Divine, & d'instrument pour ope-
rerde» merveilles en toutes les occasions
où il en auroit besoin. De fait, il donna ce
bâton à Patrice, qui le receur comme de la
main de Dieu, avec reverence & humilité,
sc repurant indigne d'une faveur si parti
culiere, ôc depuis il le porta par tour en ses
voyages. Il demeura quelques jours à con
ferer 5c à s'exercer en la pieté avec Justus
Sc avec les aurres Hermites qui habitoient
en cette même Ifle, aux environs 8c aílcz
proche de Justus. Puis prenant congé
d'eux, il continua son voyage de Rome,
oûpour lorsCelestin premier du nomte-
noit la Chaire Pontificale de S. Pietre.
Ce saint Pontife ayant appris l'atri-
vec de Patrice en cettc Ville, par la haure
repuration de ses rares vertus, & de la sain-
tetédesa vie exemplaire, l'cnvoyacher-
cherà dessein de luy communiquer quel
ques affaires importantes au bien com-
%
22 lA VIE
mun de toure l'Eglise Nôtre Pelerin obeît
promptement au commandement qui luy
fur fait de la part du souverain Pontife ; 8c
aptés avoir humblement baise les pieds de
fa Sainteté , tëpondit avec tant d'asscu-
rance 8c de subtilité d'esprit à toures les
demandes qui luy furent proposées , qu'il
fit bien connoistre par ses discours, que
l'opinion que l'on avoit conceue' dans
Rome de fa vertu & de fa suffisance ,n'é-
toit point vàinc ,mais tres-veritablc.
Et en erTct,le souverain Pontife trouva
tant de solidité en fa doctrine Sc en sa ver
tu, tant d'adresse fie de prudence en son es
prits tant,dc raresconditions en la no
blesse de son courage, qu'il ne fe contenta
pas de le ctéer Evefque, mais fe souvenant
de rexireme neceífité qu'a voit toure l'Hy-
berniede^uelque personne de probité de
mœurs, & signalé en vertus, pour cultiver
le peu de foy, 5c de vraye Religion qui re«
ftoit en cette tetre , luy donna une ample
commission pour y reparer les ruines 5c
les restes du Christianisme , qui tendoit
aux derniers abois , parce que sçachant la
langue du Pays,& connoissant lesexcez
d'impieté qui y regnoient , plus facile
ment il y pourvoyeroic de remedes, & les
divertissant du culte facrilegue de leurs'
fausses Diviniccz , les rameneroit heureu-
DE S. PATRICE. 2f
sement à la connoiílance des veritez de
l'E vangile , & à l'adoration du vray Dieu.
O Dieu 1 qui poutra croire combien
cet ce honorable commission fur agreable
à Patrice , & avec quel contentement il la.
receur. Il luy estoic avis que fa Sainteté li-
foit en son visage les desirs de son cœur,
n'y ayant rien au monde qu'il souhaitait
avec plus de passion que cette charge j foie
dans l'ardeur d'un zele fervem>d'y tem-
porter la palme du martyre, ou bien dans
le dessein d'y faire un grand fruit à l'Eglise
de Dieu , par son travail laborieux, &la
ferveur de fes Predications.
II dispose donc le retour de son voyage,
il sort en toure diligence de Rome, accom
pagne de vingt hommes, & passant par la
France,où il s'atresta quelque remps pour
i conferer avec S. Germain,lcquelluy don-
^ na quantité de choses neceiïàires à un
* Evefque envoyé pour la conversion des
infidelles, à fçavoir des Calices,des Livres,
des O rnemens convenables aux fonctions
Episcopales , & generalement rour ce qui
luy étoic nccessaire,tant pour fa personne,
que pour fa compagnie en un voyage de
telle importance; sitôt que son équipage
fur dressé , il ne tarda point à partir ; de
forte que s'étant embarqué fur mer en peu,
de jouis , il arriva en Hibernie , da côte de
2+ . 'LA VI B
Lagenie, où il demeura quelque temps.
Puis s'étant rembarqué pour aller vers les
parties Septentrionales de cette Ifle , il
aborda en Uiidie.
Orle Roy de cette Ifl?, & des aurres
voisines ( qui éroit alors Leogarius fils de
Ncil } «tant informé par ses M-giciens du
procedé de Patrice, luy persuadèrent qu'il
vouloir usurper , non entierement au
moins la meilleure partie de fa Monar
chie , parce que la force de les raisons
croient si efficaces &. si puissantes , que
chacun y douneroit faciìernent libre' cncan-
Ce , & qu'ainsi il luy seroit aisé de reduite
san¥ grand' peine le menu peuple à la
commune creance des Chtétiens , au pre
judice de leur Religion.
Ce Roy idolâtre plein de colere, & d'or
gueil d'entendre ce discours, se resolur de
Ic poursuivre de tour son pouvoir, & de
bannir cette peste contagieuse de fa Repu
blique, ( tel ctoit le nom dont il baptisoit
celuy quiétoit l'antidote & le vray the-
riaque contre le venin mortel qui empoi-
sonnoit leurs cœurs> tant il étoit aveugle,
& enscvely dans les épaisses tenebres de
son infidelité. ) De façon qu'il commanda
qu'on les liât tous de grosses chaisn" pour
s'asscurer de leurs personnes.
Pendant tous ces orages , 6c ces tonner
res
DE S. PAT RI Cl. 2f
resfouiroyans en menaces , Patrice & ses
compagnons demeurerent inébranlables
& insensibles ; parce qu'ils 3Voient une si
force confiance en la providence Divine,
qu'ils s'aífeuroient qu'élcvans leurs es
prits au Ciel , comme saint Paul , i!s ver-
roient les Cieux ouverts , & Dieu à l'erí-
trée,les contemplant dans le combat, à qui
ilseroit facile , s'il étoir expedient pour fa
gloire de les affranchir de leurs chaînes, ÔC
de les delivrer du pouvoir tyrannique de
cet aurre Pharaon.
Ce Roy barb ire fans aurre information
que ces soupçons, ny aurre crime que son
aveuglement, les condamna iniquement
à une mort honteuse & infame, comme
des inventeurs de nouvelles courumes , &
ceremonies, & ennemis des Dieux qu'il
adoroit. Ce saint Prelat fort courageuse
ment des cachots , fui. i de ses disciples &
compagnons , qui surpalloient déja le
nombre de quarante, plusieurs aurres Ca
tholiques s'étans joints avec eux-, pòúr
suivre leurs exemples & leurs vettùS : ifc
quoy qu'en verité ils desirassent tous ar
demment obtenir la couronne du martyre;
& repandre genereusement leur Oang 8c
leur vie , pour défendre & authonser la
Foy qu'ils prefchoienf , jettans neant-
moins les y eux fur un si grand nombre de
>2<r L A VIE
peuple qui couroientà perte d'oeil à leur
perte inévitable dans l'aveuglement dé
plorable du Paganisme, & de la Gentilité,
qui s'étoient tous aflemblez en une Place
publique , pour voir ce pitoyable specta
cle, il luy sembla que sa vie , & celle de ses
compagnons pouvoit encore estre neces
saire à la reduction de ces pauvres etrans,
& que peur- estre Dieu les toucheroit par
leurs instructions & leurs exemples, &
qu'ainsi épargnant leur vie pour ce coup,
, ils gagneroient beaucoup d'ames à Dieu.
Etant donc plûtôr touché de compas
sion de la perte de ces infidelles , que du
desir de vivre davantage , il dresta ses
vœux au Ciel, & fit priere à Dieu de sus
pendre sa mort par sa puissante bonte, jus
qu'à ce qu'il eust reduit aux vetitez de
.l^Evangile , & à la connoissance de la Foy
Catholique aurant de ces Payens qu'il
poutroit. Si bien qu'animant ses compa
gnons au combat, & à souffrir constam
ment le glaive du martyre , s'il le falloit,
.ils repererent tous ensemble avec des lar
mes de tendresse ce verset de David : Qus
çegrand 7} tenue fasse que se lever & nous
montrer son visage , tant de furieux ennemis
gui nous font la guerre en haine de ce que
mus l'adorons , épouvantes en un montent)
ftendront la fuite , & se dijstftrm*
m S. F4TXÏCJ. s?
A peine èurent-ils achevé les dernieres
paroles de ce verser,queDieu voulant faire
connoître qu'il avoir agreé la priere de
son serviteur , & qu'il consentoit volon
tiers aux justes desirs , qui partoientde la
ferveur de son zele , permit que la terre,
comme s'il y cust eu une mine mouvante
dans ses entrailles , &£ un feu reserté dans
son sein par contrainte , qui antoit émeu
sa constante fermeté ; se desunit avec un
bruit éclatant , & un tremblement si ef-.
froyable , que ces miserables infidelles
penfoient tous estre perdus, fans ressource
d'éch:.per du naufrage : si bien qu'eílàyant
de prendre la fuite, ils fe-rencontroient
l'un l'aurre, & íefrapoientsi rudement,
qu'ils pen(oien : plus íoigneufement à sc
Çarentirdc la moit qui les íuivoit, qu'à
oter la vie àces grands serviteurs de Dieu,
qui fans s'effrayer de ce débris , demeu-
roienteonstans fans mouvor fur ía ferme
té de la tetre qu'ils fouloient , qui n'étoit
nullement agitée de cette secousse , ny al
tetée de ce tremblement ; si bien ques'é-
tant recueillis en eux mêmes pour remer
cier Dieu de fa protection,ils demeurerent
en asseurance, & à couverc de la colere de
Dieu itrité contre la malice de ces tygres,
qui tous tremblottans d'effroy, & voyans
les sensibles effets d'un miracle si aurhen-
%8 LA VIE
tique , conseilbient haurement , que le
Dieu de Patrice étoit le vray Dieu, qui
seul devoir estee reconnu Sc adoté des peu
ples , puisqu'il protegeoit si avantageuse
ment (es enfans, & chátioitavec tant de
rigueur ceux qui les offenfoient.
1 Êr pur ce miracle signalé, ce íàint Prelat,
8c tousses compagnons furent affranchis
de la mort à laquelle ils étoient tous desti
nez, & injustement condamnez; ensuite
de quoy un nombre infini d~ personnes
furent convertis à la Foy Catholique, tous
crians à haure voix par les rues &C pu les
Places publiques, qu'ils desiroient rece-
Voirle Baptême, comme étant le premier
degté de ['escaliet, par lequel on monte à
l'aconnoissançe du vray Dieu,pour ensuite
atriver à sa gloire. Le seul coeur de ce Roy
tyran demeura endutcy en son opiniâtre
té , & impenetrable de tour point aux
avertisfemens de Dieu , & aux prodiges
éttanges qu'il avoir veus devant ses yeux :
si bien qu'au lieu de reconnoître son er
reur, & de rechercher le remede à son
aveuglement , il alloir roûjours ruminant
en soy-meme dans la confusion de ses
pensées extravagantes , pour inventer des
moyens plausiblesde décredirerPatrice,&
lé rendre odieux parmy le peuple, afin que
deformais il ne se laiflat plus persuader
jCí S. PATRICE. 2}
pat ses paroles, ny vai ncre partes raisons,
non plus que par la force de ses miracles.
D'où vient que celebrant publiquement
le saint Sacrifice de la Messe un jour de fê
te solemnelle , il survint un soldat inso
lent, qui parórdredece Prince endurcy,
luy atracha par violence le Calice des
mains aptés la Consecration des especes,
& d'une audace effrontée & sacrilegue,
versa sur l'Aurel ces especes sactées, qui
contenoient cn soy le Corps & le Sang
precieux de nôrre Seigneur fur ses Au
tels- A!ors ce saint Prelat celebrant , tout
confus Sc inrerdir d'an crime si énorme,
poussé d'une sainte colere contre cet at
tentat , éleva les mains & les yeux au
Ciel , comme demandant à Dieu une ju
ste vengeance de l'affront injurieux qui
renoit d'être fait à fa divine Majesté . au
gtand mépris du plus auguste desSacre-
mens de son Eglise, & voilà que fur le
champ , le Ciel quoy que calme , se gros
sissant 4e nué - s & d'éclairs , lança un coup
de foudre fur ce facrilegue,& le reduisit en
poussiere à la vûë' d'un chacun. Eteníuite
il semble à la terre , qu'elle ne se devoit
non pluyçontrer insensible que le Cie^
à l'affront qui avoit esté fait à l'aurheur de
son estre, fournit un autre gente de sup
plice póuí achever la juste punition que
jo LA VIE
meritoit cet. Idolâtre pour renormitêde
son forfait, faisant aussi- tôt ouvrir sou
sein pourenscvelit les restes des os, & des
cendres de cet impie t dans le creux de ses
entrailles , afin que tous ceux qui a voient
été spectateurs de cet ourrage, étonnez de >
ce châtiment exemplaire, ípnnuílent clai
rement que pour punir un si. témeraire at
tentat, il ne faloic pas moins que le Ciel
& la terte joints ensemble, pour enfourr
nir lesinstrumens.
Et pour auroriser davantage la sainte*
té de Patrice , & faire éclater plus haure
ment les merveilles de la toure-puiilance
de Dieu en fa personne, fa divine Majesté
permit que le Sang qui avoit esté épan
ché par l'infolence de cet impie , fur re-
cueilly par le ministere d'un Ange , Sc
remis dans le Calice , fans que lès na-
pes , ou les aurres linges de l'Aurel en
fussent aucunement tachez : pour mon
trer par ce^aurre miracle , que Dieu , lors
qu'il y va de l'interest de fa gloire , fçait
uiflamment garantir son honneur , aussi
ien que la repuration de ses amis, à la
honte & confusion des ennemis de son
saint Nom. ...
Or l'urilitéqui resulta de ce châtiment
fut tres-grande ; car elle ne fur pas moin-
die que la conversion du Roy Lcogarius,
DE S. PATRICE. jz
Sc de Fenicie ion épouse, avec encore plus
de douze mi] personnes qui receurent le
Baptême en ce rencontre.Ne voilà pas un
heureux succez, flenn fruit tres- notable à
l'Eglise de Dieu pour un seul coup ? Ce
progrez avantageux donna une si grande
satisfaction à l'efprit de Patrice, qu'iLsere-
solur dés lors de paíTeraux àurres i Ile s voi
sines, dansl'csperance que peur-estre il
n'y feroit pas un moindre profit qu'en
celle là. A son atrivée en ces tetres infi-
delles , il faisoit éclater des prodiges si ex
traordinaires, qu'il ravifloit d'admiration
& d'étònnement tour le monde qui le
voyoir.earil gueriflbit toures sortes d« ma
lades, de quelque langueur ou infirmité
qu'ils fussent attaquez, il faisoit parler les
muets .rendoit la vûëaux aveugles, ou-
vroit les oreilles aux sourds, rappelloit les
morts des tombeaux, reduisoit les pauvres
etrans. & devoyez à la foy du vray Dieu,
& fur tour, il preschoit avec tantdezeleôc
de ferveur à ce peuple barbare, qu'il ne
s'écouloit aucun jout, qu'il ne fist quel
que nouveau progrez & notable fruit à
l'Egljsc de Dieu , dont sans cesse il rendoit
des actigjudegraces immortelles à la di
vine borWta^incomparables merveilles
qu'il operoWpir son ministere, pour l'in-
terest de la gloire de son nom,& l'augmen-
C iiij
/
32 L j4 VIE
ration de la Foy Catholique cn quelque
lieu qu'il se rentontrait.
Qui voudra voir à loisir, & plus au long
les mir;cles innombrables que nôtre Sei
gneur a opeté par le ministere de ce faine
Prelat, poutra consulter un volume assez
gros, nommé la Fleur dts Saints.d'Hy«
bernie: , où est particulierement & fort
amplement traité de fa vie admirable , qui
est reduite au terme de cent treize ans, di
visez en cette forte. Il fur seize ans du
rant fa tendre jeunesse fous les aîles de ses
pare.ns.-en son pays natal : six ans fous le
joug barbare- de la captivité des Pirates:
dix-huit fous la discipline & l'instruction
de saint Germain Evesque son bon Maî
tre : quinze dans h ville de Rome à com
muniquer les hommes doctes & lettrez.
pour s'éclaircir de ses doures , & des
veritez Catholiques qu'il se persuadoit
n'entendre pas aflez parfaitement. 1 1 pr ioit
fans cesse nôtre Seigneur de luy donnet
l'espritde ferveur & de zele pour travail
ler urilement à sa vigne durant ce temps»
là, il employa trentecinqansà Pcxercice
de la Predication de l'Evangile par toure
l'Hybernie,OÌi il ftt les grandsiM^grez que
nous avons dit cy-devan^Hmigt- trois
( qui font les derniers de mÊJh vacquant
à la contemplation des mysteres divins,
D E S. P 4TRICE. }j
& des succez qui atrirent dans la vie furu
re, aux bons Sc aux Impies, & alors il se re
tira dans un Monasterede Religieux qu'il
avoit fait bâtir & fondé, où il fit une pe
nitence si extraordinaire , que la caducité
de fa vieillesse auroiteu juste sujet de se
plaindre de ses excessives mortifications.
U a eu trois sœurs,ainsi que nous avons
dit au commencement , qui toures trois
ont esté les miracles de leur si/cle, & des
prodiges de sainteté : Lupina, qui étoic
l'aînée, fit vœu de virginité,se faisant Re
ligieuse : Tygridia, qui é roit la seconde,
furmanéc, & fi heureuse en cnfans ver
tueux, qu'elle eur cinq filles , & dix- sept
garçons , sept desquels furent admis au
Sacerdoce , six autres entrerent dans un
Cloître pour se faire Religieux : & les
quatre derniers qui furent Evefques , ac
compagnerent leur saint oncle au voyage
d'Hvbernie, pour travailler avecluyàla
conqueste des ames. Toures les filles su-
rent R el:gtcuses,& menerent une vie fotr
sainte & exemplaire. La pluj jeune de ses
sœurs , nommée Doichea, fut mariée avec
un Cavalier de leur race, &" donna trois
Evefques à l'Eglise de Dieu: de façon que
toure cette tjÊÊÍe famille a este' sainte, Sc
d'une vie prWpc miraculeuse. D'où 1 on
peur inferer que lòuvent les enfaus heri-
£f LÀ VIE
testt des vertus de leurs parens , auflî bien
que de leurs biens, & succent les bonnes
mœurs de leurs Peres , avec le laict qu'ils
tirent de la mammelle de leurs meres.
Ce saint Prel. tfit le voyage de son re
tour dans l'Hybernie, cheminant toujours
à pied : mais lors qu'il y fur atrivé, à cause
de la rudesse, & de la difficulté des che
mins, il se fit faire un petit chariot, à la
mode du pajrs, pour un peu se soulager
dans ses lassitudes. Ses vétemens éroient
tissus de laine, fort honétes, &dccents,
conformément à son état , & au rang qu'il
tenoit dans l'Eglise. Sa conversation étoit
douce, agreable & urile, joignant ptes-
que toujours en chaque parole qu'il avan-
çoit , se profit & la reprehension, la do
ctrine & la delectation.
Il a voir l'usage de cinq Langues diver
ses en perfection, de la Grecque, de la La
tine, de fAngloisc , de l'Hybernoise , &
de!?. Françoise. Neantmoins nonobstant
fa rare doctrine, àplusieursdemandes CU-«
rieuse>|qu'on luy faisoit par fois,il tépon-
doit en toure humilité, qu'il n'en sçavoit
pas la resolurion. Il potfedoit avantageu
sement le don de Prophetie, aussi étant
chargé d'années & dem^^te^a divine
Majesté voulant l'aífranth^Wu joug im
portun de cette vie languissante & morç
DE S. PATRICE, js
telle , pour le faire vivre eternellement
d'une vie immortelle , & glorieuse , com
me il sortoit un soir sur la brune , des con
fins d'Ulidie, pour aller à Armacana , ville
des plus fameuses de cette Province , il
rencontra un Ange,, qui l'avertit de re
tourner fur íes pas , & qne ce nétn tpas la
volonté de 'Dittt, qu'il fortifi alors de cet
te conttée putr entrepren in quelque voya
ge. Ce quil'obl.gei de reDrouíïer chemin
iour court.
Quelques jours aptés e'tant dans l'E-
glise avec sainte Brigidc , discourant des
choses saintes , l'on vit descendre du Ciel
ane lumiere éclatante , qui de la pointe de
ses rayons édairoir l'endroit où devoit
cstte fa sepulcure, & comme lesaíïìstans
qui apperceurent cette merveille, luy de
manderent que vouloit signifier cette
nouvelle clarté qu'ils avoient veu paroi--
tre, encore qu'il n'en ignorastpasle my
stere, il lesrenvoya pourtantà sainte Bri-
gide ( selon sa modestie ordinaire ) pouc
en avoir rintelligence. Cette Sainte aver
tie du Ciel de ce qui devoit artiver en bref,
leur dit : £hie cette clarti extraordinaire,
montroit la f act , où dans fett de jours l'A'
f«ire i'Hjbernàe devoit frendre son repos.
Ce qui fit qu'a même temps cette grande)
Sainte pensa à disposer un beau linceul,
36 LA V J-E
qu'elle fit de ses propres miins , pour en
sevelir ce saine Corps; de íotre qu'a peine
eur elle parachevé cet ouvrage , que le
voilà frapé d'une maladie mortelle. &r aus
sitôt que Ion infirmité l'cur reduit sur le
grabar, cetec Sainte bien-heureuíè apper-
ceur à loncheve; son Ange Gardien , qui
luy faisoit compagnie , & ce Saint qui éle
vant les yeux en haur.conttmploit le Ciel
ouvert, comme un aurre saint Eitienne, Sc
Jesus-Christ qui í'attendoit à la brèche,
entre les bras duquel il rendit son ame
bien-heureuse , en presence de la sainte
Vierge, de toure la Courceleste, qui luy
tendant les bras entonnoient des Canti
ques de rejouissance , pour congratuler
son enttée.
C'est ainsi qu'otdimirement meurent
les Justes qui ont vécu dans un parfait rè
glement de toures leurs actions, pour se
ptéparer à bien mourir , & ainsi ils meu
rent, ouplûtôt ils cessent de vivre d'une
vie languiflante /k miserable, p jur revivre
éternellement d'une vie bien-heureuse &
immortelle. Tour le Clergé s'assembla à
la nouví lledu ttépas de ce grand servi
teur de Dieu lçs Laïques & les Religieux,
les Prestres Reguliers . & |cs seculiers, &
tour le peuple de cetre Ifle, pour celebrer
honorablement ses funerailles, & preíq ue
ton ,
DES. PATRICE. 57
tous verserent abondance de larmes de
reflêntiment & de douleur , pour la perte
d'un si saint Prelat, & d'amour, pour se
promettre en sa personne un puilïant A-
vocat dans le Ciel. Et on remarquera lors
qu'aurant de temps que durerent ses obi
seques, & ses pompes funebtes, quantité
de flambeaux & d'eclatantes lumieres pa
rurent au Ciel en témoignage de rejouis
sance & de feste solemnelle de l'enttée
triomphante de cette ame bien- heureuse,
au sejour de la gloire érernelle.
, Le jour de son heureux ttépas fur le \ 6Ì
ctfAvril, l'an de l'íncarnation de nôtre Sei-
neur, quatre cens nonante & trois , & son
corps fur entetré solemnellement en la
Ville de Du n , qui est entre le Midy , &
l'Occident , sous le Pontificat du Pape Fé
lix, durant qu'Anastase tenoitleiténesde
l'Empire Romain , pendant qu'Aurelius
Ambrosius éroit Roy d'Angletetre, For-
quenus d'Hybernje , Clodoveus de Fran
ce , & ALuic des Gots , qui fur le premier
qui donna des Loix écrites en Espagne.
Les grands miracles que Dieu opere
• tous les jours à l'attouchement de ses íaini
tes Reliques, sonten tel nombre , que qui
eavoudroit faire la liste, ou les décrire par
le menu, entreprendroit de vouloir nom-
brer l'infini, dont pat humble gratification
j$ LA VIE
5c rcconnoisiàncc au Ciel , nous devons
rendre des graces immortelles à la di
vine Bonté qui les opere , & à ses
Saints qui en sont les instrumens, par le
merite desquels ses divines misericordes,
& ses graces nous font liberalement élar
gies , & favorablement communiquées.
CHAPITRE I I.
í
DE S. PATRICE.
tes , jusqu'à la venue du Messie au mon
de, qui les devoit toures transferer au
Ciel , pour prendre. possession de la gloire
qu'il leur auroit acquise par son sang &
par sa mort.
Er parce que mon dessein est de traiter
seulement du Purgatoire , pour parler
avec plus de fondement & de clarté de ce-
luy qu'on appelle de S. Patrice , jepasse-
ray fous silence le discours des aurtes
lieux , & n'en diray qu'aurant qu'il fera
necessaire pour l'éclaircisscment du su
jet que j 'entreprens, étant une matiere
assez souvent dispurée entre les Doctes, 5c
puissamment aurorisée par la Foy Cato-
lique.
Les Justes , qui détachez des foins de
cette vie mortelle , sortent de ce monde
sans aucune tache de coulpe venielle, Sc
fansestre reliquataires à la divine Justice
des peines temporelles duës aux crimes
mortels dont ils fe font confeíTez & re
pentis, iront tour droit au Ciel , pour
jouir de la gloire, & de la vision bien-neu-
reufede l'essence divine, & des contente*
mens si grands que l'esprit humain , quoy
que d'une capacité infinie , est trop té-
traint & limité pour en comprendre l'é-
tendue. II faudroit que le meme Dieu qui
les a preparez à ses Eleus élevast nôtre en-
+6 .' LA VIE
tendement au dessus des bornes de son
activité , pour nous faire concevoir ce
souverain bien \ Sc que nous ouvrant les
yeux de l'esprit , il nous obligeast à vivre
en sotrepour mourir, que la mort à nôtre
égard changeast de nom, & fat plurôt ap-
pellée un effet de la divine providence, qui
heureusement nous fait meriter la jouys-
sancc de tant da plaisirs , dans lesquels
nous serons un jour comme absorbez dans
Téternité bien- heureuse.
Ceux qui par un malheur deplorable ont
mal usé du Sang precieux de Jesus- Christ,
epanchc si liberalement pour eux fur le
Calvaire, & ont negligé les secours des
graces dont il les abenignement favorisez
en cette miserable vie , decedans en état de
peché mortel , qui est le mémc que mourir
en fa disgrace finale , dont la seule pensée
me transit le cœur d'effroy , & me glace le
sang dans les veines d'apprehension, ceux-
là , dis-jc , iront pour jamais recevoir les
t, châtimens & les supplices de leur juste
condamnation aux flammes éternelles de
l'Enfer , où les peines font si sensibles & si
cuisantes, que la premiere qui s'offre à la
pensée humaine, semble cstre la plus gran
de de toures. ^
Or quoy que ces peines soient presque
infinies eu nombre aussi bien qu'en leur
DE S. P ATRI CE. 47
dutée , j'en toucheray neantmoins feule
ment vingt en passant des plus cuisantes $
pour les faire redourer au Lecteur de cetre
Histoire. , dix de celles qui sont destinées
pour crucifier les corps, & dix aurresde
celles qui font prepatées pour affliger les
ames : afin que la vive crainte de leur r*,
gueur nous serve d-'une forte bride , Sc
d'un frein puissant pour nous maintenir
en nôtre devoir , & pour atrester le cours
de nôtre libertinage & de nos crimes :5c
aufli afin que maintenant , que nous en
considerons les atteintes , nous prenions-
pour azile asseuré dans nos frayeurs, la
retraite amoureuse du côté ouvert de Jesus
crucifié , d'où sort toure la gloire & l'hcu-
reux#cpos des Justes.
La premiere est la peine d'un feu éternel
qui brûle fans cesse, & ne se consomme
point , car encor que ce feu soit corporel,
& l'amc spirituelle, il atrivera neanmoins,
que comme pendant qu'elle etoitunieau
corps, elle ressenroit lesmouvemens des
passions qui ragitoient,& fouffroit vio
lence par leur revolte, ainsi la divine Ju
stice permettra qu'elle endurera aussi ve
ritablement les ardeurs de ce feuenfouf-
té, que si par effet elle étoit encor unie
au corps <&4'informoir. . ,
{Cette peine fera suivie d'une seconde
4% LA VIE
toure contraire à la premiere, qui sera
d'un froid tres-aigu & penetrant , en telle
sotte que deux contraires-oppofez , se li
vrant une cruelle guetre , & se combatant
l'un l'aurre en un même sujet, sans se pou
voir détruire .redoubleront beaucoup les
douleurs des coupables. La troisième fera
un bruit effroyable quifrapera vivement
leurs sens, & assourdira les oreilles des
condamnez , qui fe plaindront impitoya
blement de la rigueur de leurs peines, quoi
qu'en vain , étant fans remedes. La qua-'
triçme fera une épaifle fumée, qui dans
une opiniâtre continuité offusquera les
sens , & leur étouffera le respi r, fans qu'ils
puissent mourir. La cinquième fera l'hor-
rible puanteur du feu ensouffre1 do*c ils
brûleront , & de la fange dont ils fe
ront infectez , pour les douces odeurs
dont ils auront mal usé dans leurs delices.
La sixième fera la hideuse & perpetuelle
vision des demons effroyables , & des mê
mes condamnez , dont chacun d'eux servi
ra d'épouvante à l'aurre , n'en pouvant
supporter la presence ny la vûe. La septiè
me, fa faim cruelle & canine qu'ils fouffri*
rontà jamais, ourre que leurs membres
seront rous difloquez Sc disjoints parla
violence des tourmens , & l'aigreur de
leùrs douleurs. La huitième , la soif insa
tiable
DES. PATRICE. 49
tiable quileur sera causée du brasier ardant
qui leur rongera les entrailles & 1c cœur,
&c qui leur fera piteusement ouvrir la
bouche, & craqueter les dents avec des
grimaces effroyables , crians fans cesse à la
soif, fans que personne prenne compassion
de leurs plaintes. La neuvième, la foule &
l'emprellement où ils seront setrez parmy
le nombre infini des mal'heureux : en telle
forte quf quand la malice des demons fe
lasseroit de les tourmenter, ils feroient en-1
core assez affligez par les approches des
uns auxaurres.Ladixiéme &derniere,fera
la honte & la confusion hotrible qu'ils
souffriront de se voir exposez tous nuds ,
& traitez fans pitié comme des esclaves,
ou des forçats de galere.
Les peines qui d'aurre côte tourmente
ront l'amc , ne font pas moins cuisantes
que celles des corps , & ce sont les dix sui
vantes. La premiere, est l'éternelle priva
tion de la vision bien-heureuse de Pcssence
Divine, nôtre souverain bien, qui est le
plus grand mal'hcur , & le plus cruel sup-
flice qui puisse tomber dans la pensée de
honnie : car jamais personne ne sçaura
suffisamment exprimer le desir insatiable
qu'a une amc raisonnable , de voir son
Dieu en face,dont elle est l'image vivante.
La seconde, sont les remords continuels
so L A V 2 B -
de conscience qu'elle ressentira , connois-
santavec quelle équité & justice elle aura
esté condamnée à tant de souffrances pour
l'énormitéde ses forfaits, & combien fa.
cilement elle auroit pu ptévenir son mal
heut, & se garantir de se$ peines ,fe fai
sant entôler par ses bonnes œuvres au Li
vre de vie, oti font écrits tous les Eleus.
La troisième , la haine entagée qu'ils au
ront conçue contre les Justes, voyant l'ac-
cueil favorable des Anges, & le bon trai
tement que Dieu leur fait dans le Ciel, &
l'exttémc rigueur & severité dont il châ
tie justement leur revolte. La quatrieme,
l'hotreur , & l'aversion étrange qu'ils ont
de Dieu , quoy que vaine , & fort inurile,
puis qu'elle ne leur sert que de honte, &
d'accroissement à leurs supplices. La cin
quième l'envieuse jalousie qu'ils conçoi
vent fans cesse de la félicité des bien-heu-
ieux, à laquelle ils ne peuvent atteindre,
nymême jamais pretendre. La sixième, U
crainte des peines encore plus cuisantes &
plus sensibles, dont les demons les vont
toujours menaçant , pour intimider leur
foiblesse , par la vive apprehension de
nouveaux tourmens. La septième , l'af-
seurance trop certaine qu'ils ont, que leur
condamnation est pour jamais, fans res
source d'espoir qu'elle puisse un jour
DE S. PATRICE, f/
iprendre fin , ou leur donner un petit mo
ment de relâche. La huitième , la tristesse
ennuyeuse , les chagrins importans qui
leur rongeront le cœur , deplorant leur
desastre éternel. La neuvième, le desir ex
trême qu'ils conçoivent de mourit, ou
s'aneantir tour-à-fait dansle desespoir fi-
ml , que quelque joui assez fortuné puis
se atriver, qui termine une vie si lamenta
ble , qui traîne apiés soy tant de miseres.
La dix éme enfin, l'hotrcur & la honte
qu'ils auront de l'excez des crimes qu'ils
ont commis tandis que l'ame étoit unie
au corps , qui pour lors scront rous expo
sez par opprobres à la vue de rour le mon
de. Cette confusion leur fera souhaiter
mille fois que la tetre ouvre son sein pour
les englourir fans pitié dans le creux de
ses abysmes , pltltôt que de souffrir que
leur infamie soit découverte devant tant
de personnes, leur honte fera exposée pu
bliquement à la face du Ciel & de la tetre.
Les petits enfans decedez au ventre de
leurs meres, ou qui n'ayant encor atteint
l'âge de discretion , ny l'ufage de raison,
meurent par quelque accident funeste ,
sans avoir esté ondoyez des eaux baptis
males ,8c regenerez de l'onction du S. Es
prit par la grace qui se confere à la rece.
ptionde ce Sacrement, auront les Lym
E ij
'jí LA VIE
bes pour retraite éternelle : où , quo/
qu'ils ne soient pas touchez de la peine du
sentiment comme les condamnez pour
leurs crimes actuels, ils feront neanmoins
privez pour jamais de la vision de l'eíïence
divine, à cause de la coulpe originelle
qu'ils ont contractée aux entrailles de
leurs meres , dans "la premiere souche de
la race humaine , qui est Adam , dont ils
n'ont pas esté purgez par le Baptême.
Si tourefois nous n'aimons mieux, Sc
plus doucement penser avec saint Ansel
me , & les aurres Aureurs citez par Ty ri-
nus, fuir l'cxplicatien de la seconde Epître
de saint Pietre, qui tous croyent pieuse
ment, que lesinnocens coupables apt es
le Jugement universel habiteront la tetre
( deserte pour lors d'aurres habitan$)apté«
qu'elle aura esté purifie'e par le feu qui
precedera ce grand jour : qui pour lot»,
difent-ils , fera émaillée de quantité dp
nouvelles fleurs ttes- odoriferantes * qui
ne se faneront point comme à pretent,
qu'un même jour les voit naître & pe
rir i & ce grand nombre de beaux arbres
portans fleurs & fruits de toures fortes,
environnez de quantité de claires fontai
nes, qui coulant doucement atrouseront
ces plantes de Phumidité de leurs eaux ; &
enjolivées de tous les aurres ornemens de
DE S. PATRICE. 5/
la nature, qui poutront contribuer à son
lustre &à sa beauré. De là ces pecitsen-
fanS,disent-ils, poutrontà l'aisc contem
pler leCiel, le Soleil & les aurres Astres
qui fervent de flambeaux pour éclairer ce
grand Univers , aussi bien que la mer &
les aucres choses creéesen ce bas monde,
qui leur serviront de motifs pu iflans pour
s'elever à Dieu , & pour adorer , aimer. &
Jouer à jamais l'Aureur de tant de rares
merveilles :SC que là, ilsrrîenerjont ainsi
eternellement une vie douce, tranquille SC
paisible , (ans reílentir i'atteinte d'aucune
maladie, inquietude , ennuy , ou dégoust
de leur fort & condition ,r& sansTouffrir
aucune peine sensible , qui n'est ordonnée
que pourle peché actuel , mais feulement
lajxeine du dam , qui est la privation de la
claire? vision de Dieu, dqnt ils ne jouiront
point en cetiiéiat , pour n'ítvoir pas esté
purgez de la rasehe originelle qu'ils ont
contractée en leur conception , par la ts-
Tolte de nos premiers parcns.Le sentiment
des Peres alleguez, me semble si raisonfca-
ble.que je m'y atrtste d'aurant plus vo
lontiers, qu'il releve davantage la miseri
corde de Dieu dans ses effets adorables. '
Ceux qui font partis de ce monde im
monde, chargez de quelques pechez ve
niels , ou qui n'ont pas entierement satis
' E iij
L A Vlè
fait aux peines dues aux pechez mortess
commis & confessez, seront releguez pour
un certain temps determiné dans les fia m*
mes brûlantes du feu du Purgatoire , où
leurs ames seront purifiées, ainsi que For
se purifie , Sc se raffine dans le creuset ex
posé à la fournaise , auparavant que de
pretendre d'approcher de Dieu , qui est la
pureté méme qui les doit rendre bien-heu
reuses. Et voilà en peu de mots les quatre
lieux destinez pour la retraite des ames
aptés la separation de leurs corps.
Pour suivre nôtre premier dessein, il
nous faur maintenant traiter d'un aurre
lieu, vulgairement appelle le Crcux.laOa-
verne , ou le Purgatoire de saint Pattke,
où un homme peur entrer, pour expier ses
faures; étant encor plein de vie, & en par
faite santé. Et quoy que L' Eglise Carotï-
que, nôtre mere commune,ne nous oblige
Jpas fous peine d»nathéme ,& d'estreinfi-
delleà ses saintes Ordonnances, à croire
comme un article de foy , que cette caver
ne se rencontre dans le monde, neanmoins
nous en avons des Traditions si aurenti-
ques* on en produit des argumens si con-
vainquans , des convenances si plausibles,
& des raisons si puissantes , que c'est un
acte de pieté Chrétienne de donner les
mains, & d'ajoûcer foy pieusement par
1>E S. PATRICE. ff
respect aux Traditions de nos Peres , qui
l'ont tenu pour certain , ainsi que vous
poutrez remarquer cy-aptés » décrivanc
par le menu touces les particularisez & les
circonstantes qui en poutront appuyer les
témoignages ,&c en auroriser la créance.
Et pour reussir heureusement dans ce
pieux dessein , que quelques curieux de
mes amis , à qui je dois beaucoup de re
spect , tant pour l'aurorité de leur con-
dition , que pour leur bien - veillance
particuliere , m'ont obligé d'entrepren
dre la composition de ce petit traité,qui se
ra sans doure fort urile & necessaire au pu
blic. Je traitera y premierement du lieu ou
cette Caverne est située. Apres je parleray
du motif qui convia charitablement ce
saint Personnage à demander à 1* divine
Bonté la grace d'un miracle si extraordi
naire 6c h rare. En troisième lieu, jedé-
duiray les fortes raisons, & les gra ndes au
torisez qui prouvent puissamment la ve
rité de ce Purgatoire. Nous vetrons enfui,
te les soigneuses diligences , & les reli
gieuses ceremonies qui se pratiquent par
ceux qui desirent entrer en ce lieu. Et en
fin l'Histoire prodigieuse d'un soldat dé
bauché, qui pour faire une penitence con
venable &: saluraire des faures qu'il a voie
commises, choisit cette Caverne pourre
E iiij
j6 LA VIE
traite dans la repentance de ses pechez, 8c
de l'amplc recit qu'il ea fit à fa íottie.
Nous déduirons toures ces circonstances
par ordre , fans que l'une "contredise à
l'aurre, & retranchant diserettement ce
qui est inurile&fuperSus en cette matiere,
ainsi que )e l'ay reconnu dans quantité de
petits manuscrits qui courent par le mon
de. Nous tirerons succinctement la naï
ve verité de l'Histoirc , par le Chapitre
suivant. . .. . .
CHAPITRÉ iíì.
traitte de la fitustion de la Ca
verne de saint Patrice , & des mo
tifs particuliers qui obliterent ce saint
.Personnage à demander à Dieu qu'il
luy reveUst ce Purgatoire.
CHAPITRE IV.
CHAPITRE V.
CHAPITRE - VI.
i
DE S. PATRICE. u;
combatans, plu tôt à dessein de suivre le
conrs ordinaire de ses malices impuné
ment, que pour aurre desir qu'il eût de
porter les armes pour le service du Roy de
France, dont il étoit sujet naturel. II of
frit pourtant de faire teste à l'enncmy avec
Jes aurres gens de guetre , & comme il
éroit courageux & hardy, i ! fit des exploits,
si genereux dans les rencontres, qu'il s'ac
quit la repuration d'un vaillant Capitaine
cn peu de temps , si bien que le Lieure
nant de la Compagnie oùil s'étoit emô-
lé, ayant esté tué dans la mêlée ,il luy suc
ceda à sa Charge par son propre merite :
ce qui ne l'aurorisapas peu dans ses débau
ches ; car déja. appuyé fur l'aílcurance de
son courage &desa valeut, sc ptévalant
de surplus de la preéminence de la Charge
qu'il exerçoit , il tramoit tous les 'ouïs
mille supercheries à tous ceux qui le fre-
quentoient : Mais Dieu dont la bonté in
effable surpasse infiniment l'exciz d- nos
malices , Payant écrit au nombre de ses
Eleus, luy ouvrit les yeux pour luy faire
connoîere l'erat déplorable de son ame,
& les ptécipices écranges oùil couioità
petre d'haleine pour se perdre sans res
source , lors qu'il y avoit moi.rs d'appa-
rence de remede.
II arriva donc qu'ayant fiir marché
K iij
//* LA VI 2
pour un assassinas, il sortit seul de la cham
bre sur la brune pour trouver son homme
à Theure precise qu'il croyoit devoir pas
ser par l'endroit où il se campa: mais com
me il l'avoit devancé par un bon- heur
inespere , il se tésolur de l'attendre, pour
s'acquiter de sa promeíle par l'cxecurion
de ce massacre.
Il n'y a point d'heures plus ennuyeu
ses à passer à un homme , comme celles
qu'il employe à attendre quelqu'un de
nuit dans U solitude & le silence , parce
qu'alors l'esprit agissant sans cesse , fait
une revde gencrale surlepaflé , & se re
met en memoire roures les actions bonnes
ou mauvaises que l'on a faites en tour lc
cours de fa vie : ( je dis ce mot en passant,
daurant que nôtre Lieurenant, qui éroit
dans l'attente importune de celuy qui
dans £a pensée étoit déja au rang des
morts , ne se souvenoit d'aucune bonne
action qu'il eur jamais faite, & reu mê
me que celle qu'il projettoit ctoit une des
plus criminelles) il luy sembla qu'au des
sus de son chapeau il y avoit quelque cho
se qui voltigeoit , qui quoy que petite,
faisoit poutrant un grand bruit, il s'écarta
du lieu où il étoit , & levant tant soit peu
les yeux en haur, vit un Papier voltigeant
paimyl'air , Cans qu'il semblât tomber à
DE S. PATRICE. itf
tetre. Cette nouveauré le surprit , & s'é-
tonnant ce que ce pou voit estre, il s'cffor-
ça aurant qu'il pût de l'attraper : de fa
çon que rodant ça & là pour le prendre, il
s'employa avec tant de ferveur en cette
diligence , qu'il se trouva en peudetemr/S
fort éloigné du lieu où il s'éioit mis en
embuscade , où lors qu'il retourna , celuy
qu'il attendoit avec impatience étoit déja
passé 6c rentté dans fa maison , & quoy
qu'il l'appcllaft deux ou trois fois inurile
ment, il ne voulur point paroître nyté-
pondte , soupçonnant quelque trahison
qu'on luy tramoit : si bien qu'il fur con
traint de retourner en fa chambre, & de
remettre à la nuit suivante l'execution de
malice.
Il ptiîa le teste de la nuit, & tour le jour
cn. gtande inquietude , rêvant sur ce qu'il
avoir vû si extraordinairement , ne pou
vant comprendre le mystere qui étoir ca
ché dans ce Papier qui avoit paru à se,
yeux sans le pouvoir prendre. M ais com
me fa temerité ne luy permettoit pas de
rien craindre ; la nuit suivante approchant
il retourna au même lieu , & dans le mê
me dessein que la precedente, le billet re
tourna pareillement au même endroit,
pour l'importuner avec plus d'opiniâtreté
que devant , fans qu'il pût comprendre le
u6 LA VIE
sujet de ce prodige. Car ses pensées crimr*-
n el les étoient si éloignées du souvenir de
Dieu & de fes misericordes , qu'il n'avoit
gard; de se persuader que c'étoient aurant
d'avis saluraires que la divine Bonté luy
donnoic, pour le divertir c^e fes pernicieux
desseins , ou afin qu'il atrelUt \í cours de
son libertinage, ou bien (comme l'infinie
misericorde de Dieu ne manque jamais de
diligence pour reparer nos disgraces, &
remediera nos maux) parce que possible
Pnomme. dont il desseignoit 1c masíacre ,
n'étoitpas en état de mourir alors. Enfin
la troisième nuit se trouvant encorau mê»
me lieu . dans un pareil dessein , il luy ar
riva ainsi qu'aux deux aurres ; ce qui l'o-
bligea à redoubler fespe;nes& ses dili
gences pour attraper ce billet , ce qu'enfist
il obtint.
A peine eur-il ce P»pierentrelesmains,
qu'il apperceur une Croix proche de luy,
éclaitée d'un flambeau: & au bas ces paro
les écrues en nôtre langue : Jcj a été tué
n» homme , fritz. Die» pour s»n ame. Il
retourna fur ses pas tour en colere, & ou
vrant ce Papier avec violence, il n'y trou
va aurre discours qu'une mort en peinture
semblable aux representations qu'on met
fur les corps des défunts au jour de leurs
funerailles , avec cette Inscription en gros
Í)E $. PÂTRICÉ. u?
&ractere$;JE SUIS LOU'S ENIUS.
Il dem ura aíTez long-temps en dcfaillan-
ceaptéscette lecture; si bien que ne pou
vant plus se tenir debour, les forces luy
manquant, il fur contraint de s'appuyer
à la muraille. Eiifin rappellant ses forces
& son courage, & revenant de ces pâmoi
sons, il s'en retourna chancellant comme
il pur, en la maison de son hôte, où il de
meura huit jours entiers sans f n íortir, re
vant fur cette nouveauré, & considerant
plusieurs fois ce Papier qu'il a voit leu.
Qui doure, disoit cet esprit inquieté,
que ce ne soit un preseg- aíleuré de ma
mortprochain?,& que déjaleCiel lassé de
me souffrir sur la tetre dans l'enormité de
mes crimes, m'avertit de ma perte inévi
table? ou bien possible* que par un trait de
sa bonté ordinaire il veur solliciter par
cette voye les remedes à mes mal'heurs :
mais quojr ? que me servira-il deformais
de resistera mes mauvú ses habitudes, & à
mes inclinations brurales, s'il est: impossi
ble de revoquer les malices que j'ay com
mises, puis- je faire, que ce que j'ay fait ne
le soit pas ì de prendre la resolurion de me
confeflet, qui est Tunique voye que je
devrois suivre, & le seul remede auquel je
dois avoir recours pour la guerison de
jnon ame, cela me semble surpasser le pos
JiS tÁ VIE
íible: car il y a de;a vingt ans & plus, que
je fais la guetre au Ciel , comme ennemy
juté & de Dieu &. de fa gloire, fans m'é-
tre reconcilié une feule fois avec luy par
les S ac remens de son Eglise, & que ies
excez de mes crimes sont en fi grand nom
bre , & si énormes, quele moindre que je
poutrois vomir dans ma Confession, scan-
daliseroit les oreilles d'un Confesseur le
plus accourumé d'entendre les méchance-
rez des pécheurs les plus débordez & les
plus obftinez en leurs malices. De plus,
quand je me confesseray de rour ce que
j'ay fait , quelle penitence plus rigou
reuse & plus austere qu'elle piuílc estre»
feroit capable d'expier la moindre patrie
de l'excez d? m?s faures ? quelles richeíTes
poutroient satisfaire à tant de larcins ì
quelle pieté pour tant de facrileges ,
quelles vies poutrois-je prod'guer pouc
tant de morts que j'ay mis au rombeau ?
Si donc je fuis hors d'espoir & de pou
voir de satisfaire à tant de pechez si griefs,
de quoy ferviroit la Confession de mes
crimes, sinon d'une.honte insupportable
de declarer mes hotribles forfaits à un au
tre qui ignore mes malices, & puis retour
ner aussi tôt au même état que je fuis à
present.
C'est l'ancienne malice du Demon , Sc
De s. tatri ce. 119
la ruse ordinaire, d'animer de la force 1c
courage das hommes à commettre les cri
mes, & de leur imprimer de la crainte, &
de la lâchete' au cœur , pour confcíTer
leur faures , dans le deleípoir d'en obte
nir le pardon.
Cette verité est trop évidente en cette
rencontre , pour en dourer, veu que Louis
dans tant d'entreprises perilleuses, tant à
son honneur qu'à (a vie, qui tenoìent plu
tôt de la temerité que du courage , il n'en
manqua jamais, & que maintenant la feu
le imagination de ion peché luy fait peur,
ne pouvant inventer , à ion avis , des
voyes seures , pour se munir contre ses
apprehensions.
Il est vray que ses crimes font énormes,
& que les circonstances qui les accompa
gnent font aggravantes , neantmoins s'il
fait un poids, nôn feulement de tous les
pechez qu'il a commis , mais qu'il pour-
roit jamais commettre , & qu'il les mette
d'un côté dans Ieplat d'une balance , 6c
que dans l'aurre il mette seulemeur une
petite gourte du Sang precieux , que
Jesus - Christ a tépandu fur le Calvaire
pour le salur des hommes , il connoîtra
qu'aisément elle fera páncher la balance,
& emportera le poids de la gravité de ses
faures.
20 z a vin
Louis donc plurôt dans la méfiance de
lafragili é humaine, cjuedes divines mise
ricordes, prit son chemin droit à Rome
dans la resolurion de se confesser genera
lement au grand Penitencier de sa Sainte
té de toures ses faures commises , avec un
genereux dessein de satisfaire pleinement
au peril même de fa vie lariguissante,à,tant
de crimes qu'il avoit faits , íî bien qu'en
trant dans l'Eglise de saint Paul, qui est
sur le grand chemin d'Ostie, distant envi-
ion d'un quart de lieue de la ville de Ro
me, il entendit ptécher un saint Religieux
de l'Ordrcde saint Dominique , qui d'un,
zele fervent desireux d'attirer à Dieu les
ames les plus desespetées & les plus per
dues , crioit hiurement, que personne
ne perdît courage , pour criminel qu'il
pér estre devant Dieu & ses Anges , qu'il
conjuroit un chacun de la part du même
Dieu , de se ptéparer à faire uneConfes-
fi->n generale & saluraire de leurs faures
passées, & qu'ils trouveroient une douce
facilité à la remission de leurs offenses,
atrêtant le coutroux de ce Juge Souve
rain , juste vengeur de nos malices : & que
luy-même ayant esté le plus grand pe
cheur de la compagnie , il les confesseroit
tous , fans s'étonner de quoy qu'on luy
pur dire , & que le plus grand contente
ment
DE S. ^P'AT R I C E. J'2V
ment qu'il peur recevoir en ce bas mon
de, il 1c reflentoit alors qu'il voyoir en
trer en fa chaflïbre quelque pecheur no
table repentant de íes faures.
Ccc homme veritablement Apostoliques
animoit ce discours íd'uii zele tsi ardent ,
qu'il fembioit bien avon herité avec l'ha.
bit qu'il portoit , les mœurs &la ferVeut
de- ion bien- heureux Pcre íàint Domini
que. Louis téveillant un peu son courage
ab.batu:de chagrin & de crainte, & se, sen-
tarjt.animé des favorables promesses de ce
hon Pcre, à peint le Sexmon.fur-il ache
vé , qu'il l'alla trouver ;a.ussutost dans fa ì
chambre, & se prostrrnant humblement
à ses pieds , luy raconta par le me au , dans
1 amertume de son cœur, l'état déplorable
de sonamc, le cours de fa vie libertine, 5c
enfin fa genereuse resolurion & son bon
propos. Ce saint: Religieux touché de
compassion de fa verirable douleur, Icre-
ceur amoureusement , & le traita avec une
tres-grande douceur , en l'cxhortant de
faire une exacte recherche de toure fa vie
passée, depuis qu'il avoit l'usage de rai
son , jusqu'alors > Sc qu'en peu de temps il
se fentiroit Lbre de U pesante charge des
crimes qui l'accabloient: quoy qu'il n'y
ait point d'épaules au monde assez forte,
pour.supporteï le pesant poids d'un seul
122 L A V I E
peché mortel , beaucoup moins d'un si
grand nombre ,Sc de tant d'especes diffe
rentes*
Ce nouveau Soldat de Jesus - Christ
obeyssant tres- volontiers à tes douces se
monces, sedifpoûa un examen rigoureux
de tous les pechez qu'il avoit commis
pendant fa vie , parcourur les lieux où il
avoit esté, fait liste de toures les person
nes qu'il avoit frequentées , se ressouvient '
des mauvaises habitudes qu'il avoit suivies.
Et parce qu'il craignoit que fa memoire
ne le trahist en cette rencontre, il écrivit
le tour par ordre fur un billet , afin de rap-
peller avec plus de facilité toures les
actions de fa vie passée. C'étoit déja beau
coup se peinet, fans estre pourtant atri
vé au point qu'il desiroit , qui éroit de se
confesser cxactcment.au moins à peu ptés,'
de tous les pechez qu'il avoit faits, qui
pour estre en nombre excessif, il en pour-
roit possible obmettre quelques-uns, s'il
rie s'aíleuroit plurôt au caractere de fa plu
me,qu'àla íoibleflede fa memoire- Le jour
atrivé , qu'il devoit faite le recit de ses
beaux faits, ce bon Pere l'accueillit avec
tanrde courtoisie & de témoignages d'af
fection , que la civilité fembloit convier
tour 1c monde à se confesser à luy. Il se
montroit bien diffèrent de quantité de
DE S. F ATRICE. ixj
Confesseurs de ce temps,qui traitent leurs
Penitens d'un visage si severe fc si austere,
qu'ils impriment plurôt la crainte & la re
tenue aux cœurs & à la langue des pé
cheurs , que la liberté de confesser leurs
crimes. ....
Entre un grand nombxe de faures & d'at
tentats qu'il avoir commis, qui Juy génoit
davantage l'esprir, éloit d'avoir fait tant
de meurtres, St tué tant d'hommes en si
mauvais état, qui à son avis auroientesté
condamnez aux peines de l'Enfet à ion oc
casion. Si bien qu'il se representoit en
soy-même , que Dieu l'appellant à son Ju
gement, pourluy demander compte de ses
actions, !uy disoit : O homme pervers,sou
viens ttsj que j'ay qurtté le Ciel % le sejour
de ma gloire , & suis venu en terre four
sauver les aurres hommes , & les racheter
auprix de mon sang , les retirant d'une mort
éternelle : l 'espace de trente trois ans je me
fuis somàs aux infirmites de la Nature hu-
maint , qui ne repugnaient point à ma condi
tion de Redempteur , & a)\ enfin enduté les
tourment les plus cruels & les plrnfenfibles
quipuifjenr tomber Sans la pensée d'aucun
des mortels ; & comme tant de Martyrs à
monexemplc ont exposé eur vie , & épanché
leursang pour s 'appliq utr les merites que je
Jeter ay acquis par la mienne. , & pour s'ae
\ï3*f. ' L A VIE
querir lé gloire , four laquelle jt lesayereez,
& éleves Et toy hommt sanguinaire &
cruel , fans fenfer à mes seines , au mons
qui me les a fait endurer avec tant de con
fiance yH» «s iniquement ôte''la vie à tant de
personnes fans sujet, quifour s'cftmtrtuv*
lors en ma disgrace ont eté condamnez, fans
.rejj'ource aux fiames cuisantes d'un Enfer
eternel. Or ay-moj de quelle monnoje tu
fourrées fayer me fi notable perte., & conti
nent tu pourras reparer le tort que tu m'**
.faitfar trs meurtres , & dem'avoirravi ir>-
. jujrement ces ames que j'avois rachepté au
prix de tant desueurs , & de larmes & de
tourments t & ce qui eft encor pire , tant de
goûtes de mon Sangprecieux , qui à, ton occa- >
fien a éie repan lu en vain pour U regaìddt
ces ames là. Parque/le fatisfaftionfourras-
tu reparer un fi grand dommage ì puis que
Us mérites de ma Pajfion fie ; laignant de ta
malice, te serviront d'accusateurs irrepro-
cljjtbles au Tribunal -dé- m* Jujhiee venge-
'rtjje de tant d'impietes: qui fera la princi
pale cause de ta condamnation éternelle- si
Le pauvre Louis roulant duis ses tru
stes pensées roures 'ces considerations,
avoit peine à se resoudre , & à calmer son
esprit de can r. d'inquietudes : mais ce bon
Pere , comme sage, prudent Sc discret, .deV
^rcux du salur de ccetc a me affligée., l'etf*'
DES. PAT El CE. J2j
couragea charitablement dans son saint
propos , si bien que s'étant prosterné à ses
pieds, d'uncaur vrayemem rcpcntanr, il
se confellà avec tant de douleur , qu'à pei
ne les larmes qui ruisseloicnt fur son vi
sage , luy donnoient la liberté de mouvoir
la langue pour parler , & déclarer toures
ses faures.
Ce saint Religieux voyant sa Yeritable
contrition, luy imposa une penitence fort
legere & médiocre , luy étant avis que sa
douleur étant si extrême qu'il témoignoit,
étoit suffisante pour le purger de tant de
crimes qu'il avoit commis. Ce nouveau
Penitent étonné d'un châtiment si doux
pour expier tant de faures, demanda à ce
bon Perc, s'il avoit entendu tour ce qu'il
luy avoit dit , car s'il Tavoit où'y, ri œe
pouvoit comprendre comment une peine
si legete pût satisfaire à une si grande coul-
pe. Le Pere ConfeíTêur luy repartit, Cju'tí
avoit tour entendu fort distinctement , &
que l'tbondance des larmes qu'il verfoic,
avoit eíluy c une partie de ses crimes, St le
difpcnsoit de luy imposer une penitence
plusrudeque celle-la: que cettedouieur
qu'il ressentoit en son aroe, effaceroit une
partie de la peine que meuroient ses ofr
íences,& qu'il satisfit au reste par cette
legere penitence ; si bien qu'il luy donna
jz6 L A V I E
l'absolurion de ses faures ,& luy ayant en
fuite administté le tres-auguste Sacrement
del'Eucrianstie,iIs se separerent pour lors,
prenanteongé l'un de l'aurre, da,ns le des
sein de se revoir quelque temps aptés.
Louis dans ce nouvel état resta íí joyeux
& content en son ame , que le principal
empìoy de son temps, les iours &c les nuits
depuis, il étoit occupé à rendre des actions
de graces infinies à la divine Bonté pour
les grandes misericordes dont il avoitusé
en son endroit, ayant attendu comme ce
pitoyable creancier , qu'il eust la volonté
de satisfaire à ses debres.
Or comme il s'oecupoit à diverse lectu
re , ilatriva par bon- heur qu'un certain li
vre luy tomba entre les mains , qui trai-
toit de l'é rat des ames du Purgatoire , &
des cuisantes peines qu'elles souffrent en
ce lieu de supplices, pour se purger des fau
tes venielles , & effacer les mortelles,
qu'elles ont confessées, & ausqûelles el
les n'ont pas entierement satisfait. Cette
crainte fit telle impression fur cet esprit
inquieté . qu'il ne pouvoit se rasseurer de
ses craintes , qui même s'augmentoient
tant plus qu'il pourfuivoit attentivement
cette lecture , & ainsi pensoit en soy-mê-
mequels motifs luy poutroient estre uri
les pour moderer tant de tourmens qui
DE S. PATRICE. 127
l'atrendoient cn l'aurre vie. Quelquefois
il déhberoit d'.illet trouver le Penitencier
pour faire de nouveau, une Confession ge
nerale de ía vie ,afin que luy ayant impo
sé une penitence convenable à la grandeur
de ses faures , elle luy servir de Purgatoi
re en ce monde , pour expier la peine qu'il
meritoit en l'aurre : d'aurtefois il faisoit
resolurion de passer à Alger ou en Angle
tetre , avec un dessein génereux d'y ré
pandre son sang pour la défence de sa foy»
& d'y obtenir la palme du Martyre.
Or comme il se rencontra un soir dans
la conversation de quelques personnes
qui découvroient des esprits, & de l'état
des ames des défunts, il entendit dire tant
de merveilles du Purgatoire de saint Pa
trice, que téveillant son esprit, son cou
rage & son zéle, il s'informades particula
risez de ce lieu , & des fruits que rempor-
toient ceux qui aVoient assez d'asseurance
pour y entrer , vû qu'ils s'expòsoient à
tant de hazards si perilleux qu'ils asseu-
roient. Tous unanimement luy firent té
ponse , que Furilité qu'on en ' retiroit ,
étoit telle, que quiconque étoit assez heu
reux d'y entrer , avec une forte resolurion
de sacrifier sa vira tous les dangers qui se
presenteroient à luy danS Pespace de vingt
quatre heures, il se purgeioit entierement
ut LA VI 2.
de tous ïej crimes qu'il auroit commis du*
rant fa Tie , pour énormes qu'ils pussest
estre. A peine cur-il entendu ces raisons,
Sc quelques aurres semblables qu'il reso
lur d'aller en Hybernic , & de se mettre
en chemin, pour y atriver heureusement :
car ourre le delTcia d'endurer quelque
chose pour l'expiation de fessantes, le de
sir de revoir le lieu de fa naissance, luy
anima encor plus le courage pour entre
prendre ce voyage. Si bien qu'aprés avoir
rendu fes vœux 8c fes hommages aux sain*
tes Reliques de» corps bien-heureux des
saints Apeures & Martyrs que poflede la
ville de Rome , il en partit promptement,
prenant saroure vers Hybernic : où «tant
atrivé, & s'informant de ce qu'on luy a voit
dir de ce Purgatoire privilegié , tous luy
répondirent la méme chose qu'il a-oit
•ppris auparavant. La plupart íuydiíTua-
doient la re solurion d'entrer en ce lieu,
Í>arce que c'étoit une entreprise si peril-
euse, qu'à moins d'avoir une forte con
stance & d'être assisté d'un puissant secours
du Ciel, c'étoit temerité d'y aspirer. Non
obstant toures les raisons qu'on luy alle-
guoir, pour le détourner de ce voyage,
ii ne perdit point courage , mais íans déli
berer davantage fur cedeflein, ií alla trou-
Ver l'Evcque du lieu , selon la coutume ,
JD B g. PATRICE. 129
'. áúquel il'fit un ample natré des déborde-
mens de fa rie, & del'exttémc desir qu'il
avoit de fc purger de ses crimes par cecte
voye éxtrabrdinaire.
L'Evéqíie voyant son zéle & sa resolu
tion , & avec qacîle importúnité il sollici-
toit certe licence, disant que Ténormité
de ses faures -meritoir bien la satisfactioa
d'une entreprise si temeraire, condécen-
. dant enfin à ses importunes prieres, luy
'donna des Lettres addressantes au Pere
.Prieur du Monastere auquel il comman-
doit exactement , que celuy cy fût l'un des
premiers , auquel il pernaît l'enttée de
cette Caverne. Louis s'enaîla fort joyeux
arec ses Dépêches, & il fit tant de dili
gence en ce chemin , qu'en peu de temps il
atriva au Monastere destiné , où s'étant
prepaté l'espace de neufjours avec les ce
remonies accoutumées que nous avons,
dit, suivant les Ordonnaneëí'ldlKlieu, le
Pere Prieur le conduisit a ft 'ëôke'de la
cave pour le faire entrer : &T Payant em-
brassé plusieurs fois -tendrement en le re
commandant à nôtre *eigneur , il iuyjrt-
ta de l'c.»u benîte , & luy tépeta les paro
les dont il se dt voit souvent munir pour le
garantir des dangers ausiauels il s'expo-
loit si gayement. Ce font les mêmes que
neus avons touchées Cy - devant : Us»»
l;o 'LA VTE
S'ils it Dieu vivant , faites mìscr'tarde à
moj pauvre & miserable pecheur. Et y étant
enttéavec une constance nompareille , &
le plus grand courage qui se soit amais vtì,
il referma la porte aptes luy , & le laiíTà à
la gardedenôtre Seigneur , íe promettant
d'y retourner le lendemain à la méme heu
re, dans une forte confiante enladivinc
Eonté, qu'il en rcíîòrtiroit saintement,
avec un heureux (uccezde ces saints desirs,
saconstante & ía vertu ne luy pouvantpas
moins promettre pour recompense de son
courage & de sa pieté.
L'on a pu sçavoir par sa Relation ce
qui se voit & íe rencontre dans ce lieu pe
rilleux , avec beaucoup plus de particula-
titez que d'aucun aurre qui y aitentié. Et
parce qu'il luy sembla à son retour , que
pour aimer Dieu parfaitement, &c pour nc
pas s'éloigner d'unpctic point de sesDi- j
vines YrtJQjajez, l'état le plus alïeuté est
celuy 4§if /R eligion , il supplia tres-hum-
blemcnt íofte verend.Pere Prieur , & tous
les Religieux de ce saint Monastere, de
luy conceder le saint H^bitdeleur Or
dre, ce qu'ils luy accorderent d'aurant plus
volontiers, que son zéle leur étoit connu.
Or comme le R, P, Prieur étoit curieux
de sçAvoir les particularisez ds ce qui luy
atrivé dans cepenlleux voyage de la
DE S. PATRICE. iji
Caverne , il luy ordonna d'en faire le re
cit devant tous, pour en apprendre la ve
rité : Ainsi que fit ce saint Penitent d'un
gtand zéle , tant pour accomplir le prece
pte de l'obedience à son Superieut, qui
luv commandoir, que pour émouvoir plus
efficacement les cœurs des Fideles à la
penitence de leurs faures commises, pour
{'apprehension des cuisantes peines que
l'on souffre eh la vie furure: il raconta lc
tour de point en point en cette sorte.
CHAPITRE VII.
13* LA vin
démons, dont |*hotrible vision mefaííoír
hcriíser les cheveux à la tête : car ourre
que le nombre e'roít excessif, ils étoient
si hideux òc si difformes , que la feule pen
sée m'en donne de la crainte.
Sitôt qu'Us m'aperçûient.ils me vintent
saluer, me siúfrnt gvande feste ,& me di
sant qu'ils in'étoient beaucoup plus obli-
g.z qu'à tous les aurres hommes, veu
qu'ils ne cécendoient avec eux qu'aprés
leur mort , &c quoy que moy je prevenois
le remps pour lt. r faire compagnie:Quoy
que cetic action nous agiéc for r, repliqua
un aune , comme rres-)uste , veu qu'ayant
commis tant de crimes, il est raisonnable
que dés cette vie tu ressentes les peines
qui te font prepatées pour de justes cltâ-
timens , tourefois pirce que tu nous as si
fiiellement servis dans ta jeunesse , je juge
plus à propos pour grarification & recon-
noiflancede tes services, que tu retournes
entor aumonde jusqu'au jour de ton tté-
{>as, pour passer le reste de tes jours dans
es délices que tuas.déja goûté ; Sc alors
revenant avec nous, tu feras receu avec
plus d'appareil & de ceremonies. Er par
ce que certe Caverne est sombre Sc obscu
re, 6c le chemin difficile à tenir pour s'en
retourner , l'un de nous aurres Raccompa
gnera jusqu'à la porte, aurrement ce seroit
DE S. PATRICE.
te faire tort , & mal paye r les bons servi
ces que tu nous as rendu si long-temps, de
te faire souffrir tanc de peines devant Ie
temps.
Ils me tintent de tels & semblables dis
cours quelque temps , pour tenter , si
leurs rLieuies paroles & promesses pour,
roient íL-chir mon courage , & me faire
Condecendre à leurs persuasions tromoeu*
ses. Mais Dieu par u bomc.idor jb.e me
donna alois tant de constance dans marc-
solution; que (ans rcr,ondre un seul mot à
leur Harerie, amsi qu'uné personne qui
mépriíe le ca o\d'un importun , je tour-
nay la teste &jlcs yeux de part & d'áutr?,
comme pour regarder & admirer la bi*auïé
des voûtes & des arcades qui croient au
haur de ['escalier.
Ces Lutins voyans que c'étoit en vain
qu'ils ti choient de me persuader le retour,
aptés m'ayoir rudement frappe de plu
sieurs coups de bâtons & de crochets, fi
rent allumer un grand feu au milieu de
cette grande Salle , & m'ayant gatrotté
pieds Sc mains, me traînerent fins pirié
par tour ce Cloistre , arraché de grosses
chaînes de fer , & enfin pour me ptécipirer
fans pitié dans les fiâmes du brasier ardent
qu'ils avoíent allumé. Mais comme je
oa'étoisarmc d'une constante Foy, pour
M iiii
14» lA VIE
me preparer à ces rencontres & à d'aurres
pareilles , Dieu ne permit pas qu'en ce
danger je misse en oubly la memoire de
son saint nom j si bien qu'à peine eus-je
reclamé son secours , & imploté ses divi
nes misericordes , que rous les demons
disparurent, à mes yeux, le feu s'éteignit
devant moy, fans qu'il en restât aucun
vestige , & me trouvay non feulement li
bre detour danger, mais même plus sain
& plus robuste qu'auparavant , de façon
que dés lors je propolay de ne plus rien
craindre , puis que dans cette premiere
attaque je m'étois rendu si íçavant des
moyens que je devois suivre pour triom
pher de leurs menaces & des íupplices
qu'ils me preparoient.
des. patrzcf: 1+t
fm .. - ■
CHAPITRE VIII.
y
• O iiij
16+ LA Vit
CHAPITRE IX.
F I N.
í** m m m-- m- -m- m-.mt&.m m
TABLE
DES CHAPITRES
du contenu en ce Livre.
CHAPITRE PREMIER.
FIN DE LA TABLE.