Najat El Maskini
FSJES Settat- Université Hassan 1er Settat
Résumé :
L’objectif de cet article est d’essayer de cerner les notions d’intelligence territoriale et
d’attractivité. Ceci afin de comprendre comment les territoires peuvent participer à la
compétitivité des acteurs économiques qui les composent. Dans ce cadre, on va prendre le cas
du grand Casablanca qui doit contribuer à faire progresser le territoire vers plus d’attractivité
et surtout grâce à la place stratégique de tous ses acteurs. La démarche d’intelligence
territoriale implique une coordination de tous les acteurs pour réaliser des actions qui vont
développer le bien-être collectif (citoyens, entreprises,…). Parmi ces actions, on trouve la
stratégie de l’Offshoring qui consiste à délocaliser une partie des activités des entreprises
étrangères vers certaines régions du territoire marocain. Afin de démontrer l’importance de
l’attractivité du territoire de Casablanca, on va prendre comme exemple le parc
CasaNearShore.
gouvernance. Il a été un des premiers économistes à en donner une définition prospective qui
donne plus d’importance à la connaissance du territoire et de son développement et aussi à
l’appropriation de l’information et de la communication qui constituent une étape
indispensable dans le processus d’apprentissage afin d’agir de façon pertinente et efficiente.
En effet, pour lui « L'intelligence territoriale est notamment utile pour aider les acteurs
territoriaux à projeter, définir, animer et évaluer les politiques et les actions de développement
territorial durable ». Dans cette définition, on remarque le rapport entre la connaissance et
l’action, en effet pour agir, le territoire doit disposer d’un arsenal d’informations et de
connaissances. Ainsi, la maîtrise de la connaissance est la garantie de toute politique efficace
de l’Aménagement et du développement des Territoires. Afin d’initier une démarche de veille
et d’intelligence territoriale au service des territoires et de ses acteurs, il faut faire appel au
savoir-faire de tous les intervenants. Par ailleurs, et pour Y. Bertacchini (2010),
« l’intelligence territoriale implique des processus d’interaction, des méthodes et des outils de
connaissance et d’action. Elle a notamment pour objectif de contribuer à la rénovation de la
gouvernance locale ». On remarque une place importante donnée à la notion de gouvernance
locale afin de disposer d’outil d’aide à la prise de décision et à la définition des politiques
publiques territorialisées. L’intelligence territoriale doit, dans ce cas, suivre les politiques
publiques à l’œuvre et comprendre leurs impacts sur le territoire en prenant en considération
des indicateurs et des données fiables et pertinentes. Tout en ayant une capacité d'anticipation,
de maîtrise du renseignement économique et technique, et l'utilisation organisée des réseaux
d'influence et d'actions, l'intelligence économique territoriale contribue à profiter toute la
collectivité locale. Si l’intelligence économique est aujourd'hui assez habituelle dans les
entreprises ou autres organisations, elle occupe progressivement une place dans des projets
structurants des territoires. Le concept émergent d’intelligence territoriale souligne la capacité
des territoires à accomplir des coopérations et à développer leur intelligence collective au
travers d’une gouvernance participative. Selon F. Ludovic (2008), un dispositif de
l’intelligence territoriale doit :
- Améliorer les performances des entreprises installées localement
- Permettre l’émergence de nouvelles entreprises
- Attirer des investissements étrangers.
Connaitre et mobiliser les ressources du territoire reste un facteur déterminant dans
l’intelligence territoriale. Par conséquent, et pour répondre à ce défi majeur, un nouveau
modèle de gouvernance, souple et basé sur les concepts de projets, de collaboration, de
participation et de contractualisation, doit être mis en place. Cette gouvernance doit répondre
aux besoins des acteurs et doit envisager la gestion des territoires comme un processus qui
assure équité et efficience. Pour R. Février et P. Raymond « Le concept d’intelligence
territoriale, décliné en termes de stratégie globale ou de recommandations opérationnelles,
constitue, pour les élus municipaux, un moyen efficient et peu onéreux de s’approprier un
ensemble d’outils et de dispositifs pratiques susceptibles de contribuer efficacement à la
valorisation du territoire dont ils ont la charge ». Par conséquent, les outils développés par
l’intelligence territoriale nécessitent une adaptation par les acteurs. Ce qui implique une
nouvelle culture du développement, basée sur une confiance et une vision commune et
systémique du territoire et inscrite dans un ensemble de valeurs partagées qui va accompagner
les projets soutenus par les acteurs. Dans cette démarche, il faut développer, d’une part, la
connaissance du territoire pour mieux maitriser les ressources et les infrastructures et se
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préparer pour les situations de crise. Et d’autre part, chercher les bonnes pratiques dans
d’autres territoires pour se comparer et réaliser un benchmarking et par la suite assurer plus
d’attractivité des investissements.
o La compétitivité structurelle ou hors prix, qui est liée à des caractéristiques du bien ou du
service autres que le prix telles que la qualité des produits, la qualité des services
englobant le produit ou la qualité de la production.
Ainsi, et pour être compétitive, avec les conditions modernes de la technologie et l’évolution
des marchés, toute entreprise doit construire un avantage concurrentiel pour se développer et
rester sur le marché. Pour se faire, elle doit développer une organisation performante se basant
sur la création de liens avec touts les acteurs économiques que constitue le territoire. Ce
dernier doit jouer un rôle prépondérant dans le développement de ces liens avec la
mobilisation des ressources tant matérielles qu’humaines nécessaires à la compétitivité des
acteurs. Par conséquent, la compétitivité des territoires nécessite l’existence d’avantages
spécifiques de localisation. Parmi les ressources du territoire, on trouve le travail, le
capital et les matières premières. De nos jours, et avec le développement de l’économie de la
connaissance d’autre ressources dites cognitives sont de plus en plus importantes dans la
compétitivité des acteurs. L’intérêt à ces ressources s’explique par des raisons d’ordre
économique, social et environnemental. Ainsi, de nouvelles préoccupations sont apparues, le
développement ne s’attache plus aux questions seulement économiques et marchandes, mais
s’intéresse aussi à l’équité sociale, la préservation de la nature et des ressources. Par
conséquent, les acteurs du territoire doivent faire attention à l’exploitation raisonnable et à la
durabilité de leurs ressources. Dans ce cadre, et lors de la Conférence des Nations Unies sur
l’environnement et le développement, tenue à Rio en 1992, que l’« Agenda 21 », dit aussi «
Action 21 », soit un document comprenant 2500 mesures pour le XXIème siècle, a été
accepté. Un agenda 21 local vise à transcrire au plan local les principes du développement
durable tels qu’ils figurent dans le rapport Brundtland de 1987 (Gérard Granier 2010) : un
développement économique qui soit compatible avec la préservation de l’environnement et
qui cherche à promouvoir plus d’équité sociale. En effet, l’agenda 21 donne une grande place
à la gouvernance participative et l’implication de toutes les parties prenantes afin d’élaborer
les plans d’actions fondamentales.
Afin de promouvoir la bonne gouvernance locale et le développement durable, le Maroc a
adapté des « Agendas 21 locaux » dans plusieurs villes et centres urbains avec le soutien
financier du Ministère marocain de l’aménagement du territoire, de l’eau et de
l’environnement et le concours du PNUD pour lutter contre la pauvreté, l’exclusion et la
marginalisation, et surtout avec la mobilisation de l’ensemble des acteurs locaux concernés. A
coté de l’agenda 21, il y a le Plan Communal de Développement (PCD) : Selon l’article 36 de
la charte communale, le PCD décrit pour six années, dans une perspective de développement
durable et sur la base d'une démarche participative prenant en considération notamment
l'approche genre, les actions de développement dont la réalisation est prévue sur le territoire
de la commune1.
Afin de définir les objectifs de développement durable au niveau du territoire, le PCD doit
mobiliser les moyens à mettre en œuvre, pour cela il doit se baser sur un diagnostic de la
situation initiale et des perspectives futures, ce qui va améliorer les conditions et la qualité de
vie des populations tout en protégeant et valorisant les ressources naturelles et le patrimoine
culturel. En étant un instrument de gestion quotidienne, le PCD donne une idée précise sur les
1
Voir la NOTE DE CADRAGE DU PROJET DE DECRET FIXANT LA PROCEDURE D'ELABORATION DU PLAN
COMMUNAL DE DEVELOPPEMENT.
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projets de politique communale dans tous les secteurs jugés compétitifs par la commune et
pour les années à venir. Dans cette démarche et tout en occupant un place centrale dans le
développement du Maroc, Casablanca a pris un intérêt particulier pour les acteurs régionaux
et locaux pour lui accorder une stratégie ambitieuse (Casablanca 2030) afin de lui donner sa
place d’une grande métropole mondiale.
1-3- Le grand Casablanca et l’attractivité des investissements
Selon C. Chamard et al. (2014), « La mesure du pouvoir d’une ville ne dépend pas
uniquement des flux constatés, mais aussi de sa propension à générer de nouveaux flux à
l’avenir ». D’une superficie de 1 615 km², et d’une population de 3 897 748 habitants avec un
taux d’urbanisation de 60,2 %, la région du Grand Casablanca, moteur économique du Maroc
par excellence, couvre le plus grand pôle industriel, la place financière nationale et des
secteurs d’activités marqués par les nouvelles technologies et la recherche-développement.
Parmi ces secteurs porteurs, on trouve l’Industrie et Services : Offshoring, Aéronautique,
Automobile, Electronique, Textile, Agro-industrie, Tourisme, BTP. Casablanca se distingue
aussi par des infrastructures qui se hissent aux standards internationaux, des zones
industrielles et une population jeune et qualifiée. Dans notre étude, on va s’intéresser à la
stratégie d’offshoring.
2
Voir circulaire n° : 9/2007 du 7 mai 2007
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Un cadre incitatif attractif autour d'un Impôt sur le Revenu effectif plafonné à 20% ;
Un dispositif de développement des Ressources Humaines qualifiées :
• un système d'aide aux opérateurs dans leurs efforts de formation à l'embauche
et continue ;
• un plan de formation adapté aux besoins du secteur de l'Offshoring ;
Une offre d'infrastructures et de services aux investisseurs aux meilleurs standards
internationaux à travers le développement de six zones Offshoring dédiées »3.
Dès les années 2000, le Maroc a développé la délocalisation des services et surtout les centres
d’appels de Casablanca. Dans le cadre du plan Émergence, plusieurs mesures ont été prises
pour développer cette offre, parmi lesquelles on trouve l’impôt sur le revenu effectif, plafonné
à 20%, et l’exonération de l’IS pendant les cinq premières années ; un dispositif de
développement des ressources humaines qualifiées (aide directe à la formation pour les
entreprises) et des infrastructures et services répondants aux standards internationaux, à
travers le développement de six zones offshoring. Le Maroc a été élu par l'Association
Européenne de l'Offshoring (EOA) en tant que meilleure destination de l'offshoring pour
l'année 2012. Cette distinction vient reconnaitre l'attractivité du Maroc en tant que plateforme
parfaitement adaptée pour l'externalisation des services administratifs et des services IT pour
les entreprises européennes à la recherche de nouvelles destinations compétitives en termes de
coûts et de qualité de service. Le Maroc est le premier pays devant cinq autres
présélectionnées comme l'Afrique du Sud, la Roumanie, la Serbie, la Slovaquie et l'Egypte.
Les membres du jury de l'EOA ont reconnu le développement du Maroc dans la mise en place
d'une industrie attractive de l'offshoring. Ce ci est bien évident avec la présence des grandes
entreprises européennes, qui sont présentes actuellement dans le pays, telles : Dell, Logica,
Deloitte, Hp et Attento. Le chiffre d'affaires du secteur de l'offshoring a atteint 7,3 milliards
de dirhams (MMDH) en 2012, tandis que les emplois du secteur, toutes filières confondues,
sont estimés à 57 000, selon le ministère de l'Industrie, du commerce et des nouvelles
technologies. Près de 90 entreprises, dont une palette de référence internationale, sont déjà
installées dans les plateformes industrielles intégrées offshoring, six ans après le lancement de
la stratégie de développement de ce créneau4. En effet, après un passage à vide entre 2012 et
2014, le secteur a renoué avec la croissance en 2015. Le marché CRM (call center)
revendique 4,7 milliards de DH de chiffre d’affaires (7,9 milliards de DH en incluant BPO et
ITO). Le microcosme des call centers table sur une croissance de 8% en 20165.
3
Voir le Pacte Nationale pour l’émergence industrielle, contrat programme 2009-2015.
4
Voir le site : http://www.apebi.org.ma/detail-actualite.
5
Selon l’Economiste, Edition N°:4709 Le 16/02/2016
Revue Organisation et Territoire n°2, 2016
Conclusion
L’Etat doit s’engager dans une politique d’intelligence territoriale afin de développer des
projets créateurs d’emploi et de richesses, anticiper les mutations économiques, notamment
les évolutions de marché et les développements des technologies pour promouvoir
l’attractivité des territoires et promouvoir les réseaux de développement économique et social
des territoires. Le Maroc dispose de nombreux atouts pour satisfaire les attentes des
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Références
- C. Chamard, J. Gayet et C. Alaux (2014), « Le marketing territorial : comment développer
l’attractivité et l’hospitalité des territoires », édition de Boek, p. 18-19.
- Yann Bertacchini « Intelligence territoriale : une lecture retro-prospective », Revue
internationale d'intelligence économique 1/2010 (Vol 2), p. 65-97 URL
: www.cairn.info/revue-internationale-d-intelligence-economique-2010-1-page-65.htm
- C. Dechamps et N. Moinet (2011), « La boîte à outils de l'intelligence économique »,
édition Dunod, pp 6-7.
- Rémy Février et Patrice Raymond 2010, « Intelligence Economique et collectivités
territoriales », édition Ellipses, p. 231.
- Gérard Granier, 2010, « Les agendas 21 locaux De nouvelles pratiques au service du
développement durable ? », IUFM, Reims, www.cndp.fr/crdp-
reims/fileadmin/documents/.../agenda21_g_granier.pdf.
- Jean-Jacques GIRARDOT 2010 « Qu’est-ce que l’intelligence territoriale ? »,
http://www.collaboratif-info.fr.
- Jean-Jacques GIRARDOT, 2000 « Principes, Méthodes et Outils d’Intelligence
Territoriale. Évaluation participative et Observation coopérative », Conhecer melhor para
agir melhor, Actes du séminaire européen de la Direction Générale de l’Action Sociale du
Portugal, EVORA (Portugal), pp. 7-17.
- F. Ludovic (2008), « Intelligence territoriale : l’intelligence économique appliquée au
territoire », édition Tec & Doc Lavoisier, p. 6.
- Gérard Koening, 1996, “Management-stratégique-paradoxes-interactions-apprentissages”
édition Nathan Université.
- Audrey Knauf, 2010, « Les dispositifs d’intelligence économique, compétences et
fonctions utiles à leur pilotage » édition l’Harmattan, p. 223.
- PELISSIER Maud, « Étude sur l’origine et les fondements de l’intelligence territoriale :
l’intelligence territoriale comme une simple déclinaison de l’intelligence économique à
l’échelle du territoire ? », Revue internationale d’intelligence.
http://www.markintell.com/introduction-vernon-prior.
- Alexandre MOINE, 2006 « Le territoire comme un système complexe : un concept
opératoire pour l’aménagement et la géographie », L’Espace géographique, tome 35, pp.
115-132.
- P. VELTZ, 2004, « Il faut penser l’attractivité dans une économie relationnelle…. »,
Pouvoirs Locaux N° 61, dossier II.
- NOTE DE CADRAGE DU PROJET DE DECRET FIXANT LA PROCEDURE
D'ELABORATION DU PLAN COMMUNAL DE DEVELOPPEMENT.
http://www.cites-unies-france.org/IMG/pdf/PCD.pdf.
- l’Economiste, Edition N°:4709 Le 16/02/2016
- Circulaire n° : 9/2007 du 7 mai 2007 : http://www.crifes.ma/pdf/Procdures/circulaire-
Offshoring/Circulaire_Offshoring_version_07-05-07Final-2-.pdf
- Pacte Nationale pour l’émergence industrielle, contrat programme 2009-2015,
www.invest.gov.ma
- http://www.apebi.org.ma/detail-actualite.