Abane-Dehilès
"Fier de mon aînée qui était courageuse, audacieuse et battante pour l'Algérie
indépendante. Il n'y a pas un jour qui passe, haute de ses 87 ans que ce soit le matin, midi
ou soir lorsque je prends le café avec elle, sans qu'elle me raconte un épisode poignant de la
guerre d'Algérie. Elle resta enfermée durant 03 mois à taper sur sa machine dactylographe
les résolutions du congrès de la Soummam" écrit Ali Dehilès de sa maman Izza Bouzekri,
connu sous le nom de Madame veuve Abane Ramdane, devenue après son mariage avec le
colonel Sadek, Mme Dehilès Izza. Cette grande dame est décédée aujourd'hui. Ali Dehilès
nous a transmis le témoignage laissé par cette résistante de la première heure qui fut la
veuve d'Abane Ramdane.
"Je suis née à La Casbah, au 17, rue Pyramide, en 1928. A l'âge de trois ans j'ai perdu
mon père qui gagnait péniblement sa vie. Nous avons déménagé à Notre Dame
d'Afrique, rue du Carmel où j'ai fréquenté l'école communale jusqu'à l'obtention du
certificat d'études puis j'ai continué à la Chabiba où j'ai été impregnée et sensibilisée
à la cause nationale par cheikh Tayeb el Okbi qui a eu une grande influence sur moi.
Nous étions pauvres et ma mère, veuve, travaillait. Je l'aidais comme je pouvais.
J'avais conscience de l'indigence des indigènes comparés au train de vie des colons.
L'injustice était flagrante.
Le lendemain par une belle journée de juillet, nous avons pris un taxi direction la
Glacière à El Harrach. Un homme nous attendait. J'ai tout de suite compris que
j'avais affaire à un élément important du FLN. Il m'a d'emblée tutoyer :
- Tu fais quoi ?
- Je suis la secrétaire d'un avocat
- Tu tapes à la machine
- Oui
- Tu as des contacts et des refuges sûrs ?
- Oui
- Alors tu seras contactée à ton boulot.
Il a tourné les talons et a disparu.
J'ai eu l'honneur de taper les six premiers numéros d'El Moudjahid ainsi que la
plateforme de la Soummam.
Après la grève des 8 jours, la répression policière a été telle qu'Abane Ramdane a dû
fuir Alger pour Tunis en février 1957, me laissant seule avec notre bébé. Ma vie de
militante s'est arrêtée net. Je n'ai plus eu de ses nouvelles jusqu'en décembre 1957,
date a laquelle je reçois un télégramme : "Rejoins-moi".
Arrivée à Tunis début janvier 1958, il était trop tard, il venait d'être assassiné mais je
l'ignorais et on m'a laissé dans l'ignorance durant 5 longs mois... Je l'ai recherché
sans relâche jusqu'au jour où j'ai croisé Slimane Dehiles son ami de toujours, le
défenseur de la veuve et l'orphelin.
Nous avons pleuré Abane ensemble et je l'ai épousé en novembre 1959
Et depuis, je suis murée dans mon silence !"
Izza Bouzekri
Veuve Abane Ramdane
épouse de Slimane Déhiles dit le colonel Saddek.