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Réf.

: BIO5300 V1

Phytoremédiation des sols


Date de publication :
10 novembre 2011

Cet article est issu de : Environnement - Sécurité | Métier : responsable environnement

par Thibault STERCKEMAN, Stéphanie OUVRARD,


Pierre LEGLIZE

Résumé Dans cet article, sont présentés la phytoremédiation et ses principaux


processus, ainsi que les différents procédés que ce terme recouvre. On nomme
phytoremédiation l'utilisation des plantes et micro-organismes dans la dégradation et
l'élimination des contaminants du sol, les molécules organiques ou éléments dangereux
pour la santé humaine et celle des autres êtres vivants. Ce traitement biologique est
réputé peu coûteux, puisqu'il fonctionne en partie grâce à l'énergie solaire. Il a l'avantage
de fixer du CO2, de préserver la morphologie du sol et les fonctions qui ne sont pas
perturbées par la contamination et de restaurer les fonctions que la pollution a altérées.
Malgré tout, ces avantages sont plus potentiels qu'avérés car la phytoremédiation reste
pour le moment encore un procédé en émergence. [...]

Abstract This article presents the main phytoremediation processes and the various
procedures that this term encompasses. Phytoremediation refers to the usage of plants
and micro-organisms in the degradation and removal of contaminants from soils,
hazardous organic molecules or elements for the health of human beings and other living
beings. This biological treatment is known as being inexpensive as it is partly powered by
solar energy. It presents the advantages of fixing carbon dioxide, preserving both soil
morphology and the functions which are not impacted by contaminants as well as
restoring functions which have altered by pollution. Despite of this, these advantages
remain more potential than proven as phytoremediation is still a process in development.
[...]

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Phytoremédiation des sols

par Thibault STERCKEMAN


Ingénieur de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique
Stéphanie OUVRARD
Chargé de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique
et Pierre LEGLIZE
Maître de conférences à l’École nationale supérieure d’agronomie
et des industries agroalimentaires

1. Principes et définitions .......................................................................... BIO 5 300 - 2


1.1 Principes de la phytoremédiation ............................................................... — 2
1.2 Biodisponibilité des polluants..................................................................... — 3
1.3 Processus rhizosphériques.......................................................................... — 3
1.4 Processus liés à la plante ............................................................................ — 4
1.4.1 Exsudation racinaire ........................................................................... — 4
1.4.2 Absorption et transpiration de l’eau.................................................. — 4
1.4.3 Prélèvement et accumulation de solutés .......................................... — 4
1.4.4 Biotransformation ............................................................................... — 4
2. Procédés de phytoremédiation ............................................................ — 4
2.1 Phytostabilisation......................................................................................... — 4
2.1.1 Domaine d’application........................................................................ — 4
2.1.2 Principe et processus mis en œuvre ................................................. — 5
2.1.3 Amendements apportés au sol .......................................................... — 5
2.1.4 Types de végétation............................................................................ — 5
2.1.5 Études préliminaires et surveillance ................................................. — 6
2.1.6 Bilan de la phytostabilisation ............................................................. — 6
2.2 Rhizodégradation ......................................................................................... — 6
2.2.1 Domaine d’application........................................................................ — 6
2.2.2 Principe de processus mis en œuvre ................................................ — 7
2.2.3 Végétaux utilisés ................................................................................. — 7
2.2.4 Bilan de la rhizodégradation .............................................................. — 7
2.3 Phytoextraction ............................................................................................ — 8
2.3.1 Domaine d’application........................................................................ — 8
2.3.2 Principe et processus mis en œuvre ................................................. — 8
2.3.3 Végétaux utilisés ................................................................................. — 8
2.3.4 Phytoextraction assistée..................................................................... — 8
2.3.5 Bilan de la phytoextraction ................................................................ — 9
2.4 Autres procédés ........................................................................................... — 9
2.4.1 Phytovolatilisation .............................................................................. — 9
2.4.2 Phytodégradation................................................................................ — 10
3. Gestion de la biomasse végétale ......................................................... — 10
4. Développements futurs .......................................................................... — 10
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. BIO 5 300

a phytoremédiation est l’utilisation des plantes et des micro-organismes


L qui leur sont associés pour contenir, inactiver, dégrader ou éliminer les
contaminants du sol. Elle s’applique surtout à des contaminants chimiques,
molécules organiques ou éléments dangereux pour la santé humaine, celle des
autres êtres vivants ou des écosystèmes. La plante crée des conditions favo-
rables au traitement du polluant ou agit directement sur celui-ci. Il s’agit d’un

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est strictement interdite. – © Editions T.I. BIO 5 300 – 1

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PHYTOREMÉDIATION DES SOLS _______________________________________________________________________________________________________

traitement biologique, appliqué généralement in situ ou sur site, basé sur des
techniques agronomiques qui varient selon la classe de polluant et les caracté-
ristiques du sol ou du site traité. C’est un procédé réputé peu coûteux, puisqu’il
fonctionne grâce, en partie, à de l’énergie solaire et que dans certains cas, la
biomasse végétale produite peut être valorisée. Il a l’avantage de fixer du CO2 ,
de préserver la morphologie du sol et les fonctions qui ne sont pas perturbées
par la contamination et de restaurer ou d’améliorer les fonctions que la
pollution a altérées. Ce mode de traitement ne présente pas les nuisances d’un
chantier de traitement mécanisé et, sur le plan visuel, permet souvent une réin-
tégration du site dans son environnement. La phytoremédiation devrait
permettre de traiter des sols modérément contaminés, tels ceux ayant sup-
porté certaines activités industrielles, mais également ceux touchés par une
contamination moins intense mais sur de plus grandes superficies, comme les
terres agricoles ayant subi une pollution diffuse.
Cependant, tous ces avantages sont plus potentiels qu’avérés car la phytoremé-
diation est encore un procédé en émergence. Elle fait l’objet de nombreuses
recherches dans le but de lever les verrous scientifiques et technologiques dont
elle souffre. La phytoremédiation est relativement peu mise en œuvre dans la pra-
tique, et quand c’est le cas, notamment en phytostabilisation ou rhizodégradation,
on ne dispose pas encore d’assez d’informations pour évaluer correctement le
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procédé.
Dans cet article, nous présentons les principaux processus impliqués dans la
phytoremédiation des sols, ainsi que les différents procédés que ce terme
recouvre. Nous terminerons par les travaux de recherches qui sont actuellement
menés ou projetés.

1. Principes et définitions PHYTOVOLATILISATION


Transpiration Transfert dans l'atmosphère

1.1 Principes de la phytoremédiation Échanges gazeux PHYTOEXTRACTION


Exportation
Le terme de « phytoremédiation » (figure 1, tableau 1) recouvre Stockage
différents procédés dont les principaux sont la phytostabilisation, PHYTODÉGRADATION
la rhizodégradation, la phytodégradation, la phytoextraction et la Translocation Biotransformation
phytovolatilisation.
PHYTOSTABILISATION
Diminution
Échanges gazeux de la biodisponibilité
La phytostabilisation est l’utilisation d’un couvert végétal et de la mobilité
pour réduire le transfert des polluants, en réduisant leur
dispersion par érosion et en limitant leur absorption par des Exsudation racinaire
organismes vivants via la solution du sol ; ce dernier objectif RHIZODÉGRADATION
revient notamment à diminuer leur biodisponibilité. La rhizodé- Absorption d'eau et de soluté Augmentation de l'activité
gradation désigne la dégradation des contaminants, pour la microbienne dégradante
plupart organiques, sous l’action des racines et des micro-orga-
nismes associés. Elle se déroule dans le volume de sol sous
l’influence des racines, appelé « rhizosphère ». La phytodégra- Figure 1 – Principaux processus dans la rhizosphère
dation est entendue ici comme le procédé qui cherche à favori- et dans la plante et les principaux procédés de phytoremédiation
ser la biotransformation des polluants organiques à l’intérieur
des tissus végétaux, souterrains ou aériens. On peut également
Le phytomining ou phytomine est une variante de la phyto-
viser l’élimination des polluants grâce à la capacité des plantes
extraction dont le but est d’extraire de sols géochimiquement enri-
à les prélever par leurs racines et à les concentrer dans des
chis des substances de valeur, généralement des métaux tels que
organes que l’on peut récolter et traiter ; c’est la phyto-
le nickel ou l’or. Comme il ne s’agit pas d’une technique de dépol-
extraction. Enfin, la phytovolatilisation est l’utilisation de cer-
lution des sols, nous ne la présenterons pas plus dans cet article.
taines plantes et des micro-organismes associés pour faire
Nous ne détaillerons pas non plus la rhizofiltration, technique de
passer des contaminants volatils du sol à l’atmosphère. Ce
dépollution des eaux, utilisant l’absorption ou l’adsorption des
transfert peut se faire via la plante ou directement après trans-
contaminants par les racines de plantes dans des milieux humides
formation au voisinage des racines.
plus ou moins reconstitués.

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Tableau 1 – Procédés de phytoremédiation et principaux polluants pour lesquels


ils ont été employés ou testés
Procédé Type de contaminant

Phytostabilisaton Métaux (Bi, Cd, Cu, Ni, Pb, Zn...), métalloïdes (As, Sb...), solvants chlorés et phénols

Explosifs (DNT, HMX, nitrobenzène, nitrométhane, nitrotoluène, acide picrique, RDX, TNT), atrazine,
solvants chlorés (chloroforme, tétrachlorure de carbone, hexachloroéthane, tétrachloroéthène,
trichloroéthène, dichloroéthène, chlorure de vinyle, trichloroéthanol, dichloroéthanol,
Rhizodégradation acide trichloracétique, acide dichloroacétique, acide monochloroacétique, tétrachlorométhane,
trichlorométhane), DDT ; dichloroéthène ; bromure de méthyle ; tétrabromoéthène, tétrachloroéthane,
autres pesticides phosphorés et chlorés ; biphénols polychlorés, autres phénols et nitriles ;
hydrocarbures

Phytodégradation Solvants chlorés, DDT, atrazine, pesticides, PCB, phénols, anilines, nitriles, explosifs

Cd, Cr, Ni, Pb, Se, As, radionucléides, BTEX (benzène, éthyle benzène, toluène et xylène),
Phytoextraction
pentachlorophénol, composés aliphatiques à courte chaîne et autres composés organiques

Phytovolatilisation Solvants chlorés, Hg, Se

L’expression « atténuation naturelle » est utilisée pour décrire un


mode de gestion minimisant l’intervention humaine. Dans la prati-
que, elle consiste à laisser se développer une végétation spontanée C
sur le site favorisant a priori une dissipation lente de la pollution. Elle Contaminant
combine alors phytostabilisation, rhizodégradation, et éventuelle- lié Contaminant E Contaminant
D accumulé ou
ment phytodégradation. Le développement végétal initial peut être Dissociation absorbé
A transformé
aidé par un ensemencement et parfois entretenu par un fauchage.
La phytoremédiation suppose dans certains cas un traitement Contaminant B
des parties végétales, plus ou moins chargées en polluants. Elle Association libéré Membrane Réponse
gagne en rentabilité quand une valorisation de la biomasse pro- biologique
biologique
duite est possible, au travers, par exemple, de la production
d’énergie ou de matière première.
L’efficacité de la phytoremédiation dépend de la biodisponibilité Figure 2 – Processus contrôlant la biodisponibilité
des contaminants et de processus liés à la plante et aux orga-
nismes qui lui sont associés. Ces processus peuvent être mis en
Dans le domaine de la phytoremédiation, la quantité d’éléments
œuvre dans le sol au voisinage des racines, la rhizosphère ou dans
en traces biodisponible est souvent estimée par des extractions à
la plante elle-même.
l’aide de solutions salines (CaCl2 , NH4NO3 , NaNO3) ou de chélatant
(DTPA). Pour les contaminants organiques, les techniques utilisées
sont plus récentes et moins standardisées. On retrouve des techni-
1.2 Biodisponibilité des polluants ques d’extractions utilisant des solvants organiques plus ou moins
dilués (butanol, méthanol), mais aussi des phases solides de type
Le concept de biodisponibilité est essentiel pour estimer la faisa- résines adsorbantes (Tenax®) ou molécules cages (cyclodextrine).
bilité et l’efficacité du procédé de phytoremédiation. Il définit l’apti-
tude des composés à être disponibles pour interagir avec des
organismes biologiques (plante, micro-organisme du sol). La
biodisponibilité est contrôlée par des interactions physiques, 1.3 Processus rhizosphériques
chimiques et biologiques qui déterminent l’exposition des
micro-organismes, plantes et animaux aux contaminants présents
dans le sol. Cinq processus élémentaires peuvent être définis pour La rhizosphère, définie en 1904 par Hiltner, correspond à la
décrire le transfert d’un composé de la matrice solide du sol vers zone du sol sous l’influence des racines vivantes. Cette
un organisme vivant (figure 2) : proximité amène des modifications physiques, chimiques et
– la libération du composé adsorbé dans la solution du sol (A) ; biologiques.
– le transport du composé dans le milieu poreux (B) ;
– le transport du composé associé à un ligand (C) ;
– l’absorption au niveau de la membrane biologique (D) ; Les racines, par les échanges qu’elles réalisent avec le sol, en
– l’accumulation et/ou la transformation au sein de l’organisme modifient donc les conditions physiques, chimiques et biologiques :
vivant (E). – échanges gazeux : absorption d’oxygène et émission de CO2 ;
Les processus A à C ne dépendent que des réactions physico-chi- – absorption d’eau qui génère des flux hydriques vers les racines
miques quantifiables. Toutefois, la présence d’organismes biologi- et modifie l’humidité du milieu ;
ques peut amener à des modifications locales des conditions – échanges d’ions minéraux : prélèvement d’éléments nutritifs
physico-chimiques, par exemple : pH, ligands organiques libérés
par les plantes, biosurfactants produits par des bactéries. Il est ( NO3– , NH+4 , PO34– , Fe...) et excrétion de protons ou d’ions bicarbo-
important de noter que le concept de biodisponiblité est couram- nates pour maintenir la balance ionique ;
ment utilisé mais assez délicat à mesurer, car c’est la résultante de – sécrétions de molécules organiques (polysaccharides, sucres,
nombreux processus dans un contexte donné et que sa définition acides organiques, acides aminés, composés phénoliques) ;
est loin de faire l’unanimité dans la communauté scientifique. – dépôt de cellules mortes, notamment à l’apex.

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Ces divers processus amènent en particulier à des modifications 1.4.3 Prélèvement et accumulation de solutés
de pH du milieu ainsi qu’à une forte concentration en composés
organiques facilement assimilables par les communautés micro- Les végétaux terrestres absorbent des macro- et micronu-
biennes présentes dans le sol. La rhizosphère présente ainsi une triments essentiellement au niveau de leurs racines. Des éléments
activité microbiologique accrue qui pourra être mise à profit pour la essentiels tels que l’azote, le potassium, le phosphore ou le fer, le
biodégradation de contaminants organiques (rhizodégradation). cuivre, le manganèse entrent dans le cytoplasme des cellules raci-
Les variations de pH auront principalement un impact sur la disponi- naires en traversant le plasmalemme par le biais de transporteurs
bilité des éléments minéraux (par exemple, métaux lourds). Une spécifiques. Ils sont ensuite déversés dans les vaisseaux du
diminution du pH favorisera généralement leur solubilité et leur xylème dans lesquels circule la sève brute qui les emmène vers les
désorption des phases solides, alors qu’une augmentation conduira parties aériennes (tiges, feuilles, organes reproducteurs) où ils
à leur précipitation ou immobilisation. L’intensité et la nature des sont métabolisés. Ces éléments peuvent ensuite être redistribués
effets rhizosphériques seront dépendants de l’espèce végétale, des dans la plante, via le phloème, second système vasculaire qui
fertilisants apportés et plus généralement des propriétés du sol et véhicule la sève élaborée des feuilles vers d’autres organes,
de la conduite de culture. Une connaissance fine de ces processus et aériens et souterrains, pour assurer leur croissance et leur fonc-
du compartiment rhizosphérique est essentielle pour comprendre et tionnement. Il existe en outre des tissus de jonction entre xylème
donc optimiser la plupart des techniques de phytoremédiation. et phloème qui permettent à un soluté de la sève brute de passer
dans la sève élaborée avant même d’avoir atteint les organes pho-
tosynthétiques.
1.4 Processus liés à la plante Les polluants peuvent suivre des chemins similaires, plus ou
moins complets, à ceux suivis par les nutriments. Cela est permis
Les différents procédés de phytoremédiation sont basés sur l’uti- par le fait que les végétaux sont plus ou moins équipés de
lisation voire l’optimisation du fonctionnement de la plante. En mécanismes de détoxification basés sur la dégradation, la
effet, comme cela a été indiqué précédemment, les racines complexation et la séquestration des contaminants dans leurs
influencent les caractéristiques et le fonctionnement du sol dans le tissus.
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voisinage. De même, l’évapotranspiration ou la capacité d’accumu-


lation de certains composés organiques ou inorganiques par les
végétaux sont des processus pouvant être utilisés dans les procé- 1.4.4 Biotransformation
dés de phytoremédiation.

1.4.1 Exsudation racinaire La biotransformation correspond à un ensemble de proces-


sus permettant la conversion d’une molécule-mère en molé-
cules-filles (métabolisation) et pouvant aller jusqu’à sa
L’exsudation racinaire ou rhizodéposition correspond à la dégradation ultime en CO2 et éléments minéraux (minérali-
libération de composés organiques par les racines des plantes. sation).
Ce flux de carbone est issu de la photosynthèse et constitue la
source majeure de carbone pour le sol.
Les principaux acteurs de la biotransformation de composés
organiques dans un sol sont les bactéries et les champignons et,
Les rhizodépôts peuvent être classés en quatre catégories selon dans une moindre mesure, la plante par l’exsudation d’enzymes
leur nature et leur mode de libération : extracellulaires. Il est possible de distinguer deux types de bio-
– sécrétion de mucilage ; transformation. D’une part, les processus dont l’organisme tire un
– desquamation des cellules de la coiffe racinaire ; profit direct, par la production d’énergie, de matière ou la
– débris de matériel végétal issus de la sénescence et du renou- détoxification : c’est la métabolisation. D’autre part, les processus
vellement des parties racinaires ; sans profit direct pour l’organisme que l’on qualifie de
– excrétion de composés solubles. « co-métabolisme » ; c’est, par exemple, la synthèse d’oxygénases
dont la vocation est d’oxyder et assimiler un premier substrat et
Dans la mesure où l’activité microbienne est souvent limitée par qui vont par coïncidence oxyder un autre substrat qui pourra être
la disponibilité en carbone, la densité des micro-organismes dans assimilé par un organisme différent. Les processus de biotransfor-
la rhizosphère peut augmenter d’un facteur 10 à 20, en raison de mation réalisés dans la plante peuvent être qualifiés de
ce mécanisme d’exsudation. Les composés organiques libérés « phytotransformation ».
peuvent également être actifs vis-à-vis de la dynamique des pol-
luants dans les sols : métabolisation (enzymes extracellulaires),
disponibilité (surfactant, complexant).
2. Procédés
1.4.2 Absorption et transpiration de l’eau
L’absorption de l’eau par la plante est réalisée directement par
de phytoremédiation
les parties non subérifiées des racines ou indirectement, par
l’intermédiaire des hyphes de champignons mycorhiziens.
L’absorption de l’eau est fortement liée au mécanisme de transpi- 2.1 Phytostabilisation
ration foliaire qui crée un appel d’eau des feuilles jusqu’aux
racines. La transpiration résulte de l’évaporation d’eau à la surface 2.1.1 Domaine d’application
des feuilles, notamment au niveau des stomates. Elle dépend de
facteurs intrinsèques à la plante (surface foliaire, densité de La phytostabilisation est fréquemment appliquée à des sols
stomates, constitution de la feuille) et externes (nature et humidité contaminés par des métaux (bismuth, cadmium, chrome, cuivre,
du sol, température, humidité et agitation de l’air, luminosité). La nickel, plomb, zinc) et métalloïdes (arsenic, antimoine). De tels sols
transpiration est le moteur de la circulation de la sève brute dans sont rencontrés sur les sites d’extraction de minerais, d’industrie
le xylème. Elle permet le transfert des nutriments minéraux et métallurgique ou d’autres industries utilisant ces éléments. Elle
autres composés absorbés (polluants) vers les tissus de stockage concerne également des sols ayant subi d’importants épandages de
ou de métabolisation, principalement dans les feuilles. La transpi- déchets tels que des boues de station d’épuration, des eaux ou des
ration contribue à la régulation thermique. sédiments contaminés. La phytostabilisation peut s’appliquer à la

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contamination organique bien que, dans ce cas, il soit difficile de la organique des déchets tels que les boues de station d’épuration
dissocier de la rhizodégradation voire de la phytodégradation. Les compostées a souvent été employée en combinaison avec des
polluants visés sont alors nombreux : hydrocarbures aliphatiques, amendements calciques afin d’augmenter le pH du sol. Les boues
hydrocarbures aromatiques, solvants chlorés... que l’on trouve sur pouvant être une source de contamination, leur apport est cepen-
de nombreux sites d’activité industrielle. La technique est aussi utili- dant soumis à une réglementation variable selon les pays. L’usage
sée sur des sites présentant une pollution mixte, minérale et organi- d’amendement organique doit se faire avec prudence du fait que
que. Les sols touchés par les pollutions intenses sont souvent certains éléments (comme l’arsenic, le cuivre, le plomb) peuvent
dénudés et sujets à l’action de l’érosion éolienne et hydrique. être mobilisés sous forme de complexes avec des composés orga-
niques solubles.
2.1.2 Principe et processus mis en œuvre ■ Les cendres cycloniques, telles que la béringite, ont fré-
quemment été appliquées sur des sols lourdement pollués par des
métaux comme le plomb, le cadmium ou le zinc. Il s’agit de la
La phytostabilisation consiste à mettre en place un couvert fraction fine de déchets de combustion de schistes charbonneux.
végétal sur un sol contaminé, soit par le semis ou la plantation, Ce sont des alumino-silicates modifiés par la chaleur et qui
soit en favorisant l’installation d’une végétation spontanée. présentent de fortes capacités de sorption pour les éléments en
Cela suppose généralement une amélioration des propriétés traces. Des essais ont également montré l’intérêt d’autres alu-
physiques et chimiques des sols vis-à-vis de l’installation et de mino-silicates, tels que des zéolites et des argiles pour réduire la
la croissance de la végétation, par travail du sol, fertilisation et disponibilité des polluants métalliques.
amendement.
■ Des composés contenant des phosphates, tels que l’apatite,
l’hydroxyapatite ou phosphate diammonique ont été testés sur des
La présence d’un couvert végétal suffisamment dense et bien sites pollués par les éléments en traces métalliques du fait de la
enraciné a pour conséquence de réduire la dispersion des précipitation de ceux-ci, en particulier du plomb, qu’ils provo-
contaminants par l’érosion. En effet, les plantes diminuent l’impact quent. Par contre, dans certaines conditions, ils ont le défaut de
des pluies sur le sol, favorisent l’infiltration plutôt que le ruissel- désorber l’arsenic de la phase solide du sol et donc d’en augmen-
lement des eaux et retiennent les particules terreuses susceptibles ter la mobilité et la disponibilité.
d’être mobilisées avec le ruissellement et le vent. En outre, le cou-
vert prélève et transpire des quantités importantes d’eau du sol, ■ Les hydroxydes de fer, de manganèse et d’aluminium
limitant la percolation d’eau et avec elle la lixiviation de polluants présentent un intérêt pour la phytostabilisation de sols pollués par
solubilisés. l’arsenic, le plomb ou le zinc. Les boues rouges produites par
l’industrie de l’aluminium contiennent des oxydes de fer et d’alu-
Les végétaux peuvent stabiliser les contaminants par accumu- minium dont la réaction réduit la disponibilité des éléments en
lation dans ou près des racines, par exemple par précipitation dans traces métalliques tels que cadmium, zinc et nickel. La grenaille de
le cas d’éléments en traces, ou par adsorption dans ou sur les raci- fer a montré également sa capacité à réduire la disponibilité des
nes. Les plantes peuvent éventuellement modifier la forme chimi- éléments en traces métalliques pour les végétaux.
que des contaminants du fait des modifications de l’ambiance
physico-chimique du sol aux environs des racines : modification du ■ Le recouvrement du site avec une faible épaisseur de sol fertile
pH, du potentiel redox, des capacités complexantes de la solution peut également permettre une installation de la végétation plus
du sol par exsudation de molécules chélatantes. Ces modifications rapide et efficace, mais cette option présente l’inconvénient de
peuvent avoir un rôle positif dans l’inactivation des contaminants, consommer des ressources en sol non renouvelables et qui soient
mais aussi défavorable puisque, par exemple, une acidification du disponibles à un coût acceptable.
milieu va favoriser la désorption de nombre de cations polluants, de
même que la production par la racine de substances organiques
chélatantes. C’est pourquoi, le plus souvent, la mise en place d’un 2.1.4 Types de végétation
couvert végétal s’accompagne d’un amendement du sol avec un
Idéalement, les plantes utilisées pour le couvert végétal doivent
composé susceptible de réduire la disponibilité des contaminants.
posséder diverses caractéristiques, comme une forte tolérance aux
Cet amendement est rendu nécessaire dans le cas de fortes teneurs
contaminants et, si nécessaire, à d’autres facteurs de stress, tels
en éléments toxiques disponibles pour les plantes ; il favorise ainsi
que la sécheresse, des propriétés physiques défavorables ou la
le développement de la végétation en réduisant son intoxication. La
salinité. Elles doivent s’établir et croître rapidement, présenter un
phytostabilisation peut, en outre, favoriser la dégradation de
couvert et un enracinement denses. Il est souhaitable qu’elles ne
contaminants dans la rhizosphère et se combine alors avec une
transfèrent que faiblement les polluants dans leurs parties
rhizodégradation (voir ci-après).
aériennes afin d’éviter la contamination de la chaîne alimentaire
ou des alentours par envol des feuilles. Une durée de vie longue,
2.1.3 Amendements apportés au sol la capacité à s’autoentretenir et une disponibilité immédiate des
semences constituent des avantages supplémentaires.
■ Les amendements sont surtout employés, seuls ou en
combinaison, dans le cas de stabilisation de sites contaminés par Les espèces utilisées en phytostabilisation sont diverses, soit
des éléments en traces. Il s’agit d’amendements calciques tels que implantées, soit spontanées, souvent en mélange. Les espèces
la craie, le calcaire (CaCO3), la chaux vive (CaO) ou éteinte implantées doivent être adaptées aux conditions climatiques du
[Ca(OH)2] ou encore de cendres alcalines qui, en augmentant le site à traiter. Le couvert comporte fréquemment une strate herba-
pH, accroissent la sorption des éléments en traces métalliques et cée qui peut être associée à des arbres. Sous climat tempéré, on
diminuent leur disponibilité. implante des espèces herbacées telles que la fétuque (Festuca
rubra, F. arundinacea, F. ovina ), le ray-grass (Lolium perenne ), le
■ La matière organique est également apportée sous des formes dactyle (Dactylis glomerata ) ou l’agrostis (Agrostis capillaris,
peu coûteuses, telles que les boues de station d’épuration ou de A. gigantea ). De la luzerne (Medicago ssp) ou du trèfle (Trifolium
papeterie, éventuellement compostées. La matière organique amé- ssp) peuvent être présents. On peut aussi utiliser des espèces
liore les propriétés physiques du sol (densité apparente, stabilité spontanées tolérant les conditions édaphiques et climatiques du
des agrégats, infiltrabilité, rétention en eau), accroît l’activité site. Des feuillus comme le peuplier (Populus ssp), le saule
microbienne et apporte des éléments nutritifs majeurs (azote, (Salix ssp), l’aulne (Alnus ssp), le bouleau (Betula ssp) ou le pin
phosphore) et des oligo-éléments. Elle peut contribuer à la (Pinus ssp) sont plantés pour constituer la strate arborée. De
rétention des polluants trop solubles par (ad)sorption. La matière grande taille, le peuplier transpire des quantités importantes d’eau

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et peut ainsi efficacement réduire la lixiviation des contaminants peut être considérée comme une mesure temporaire pertinente, dans
avec les eaux en excès, voire provoquer un abattement de nappe, l’attente de la mise en œuvre d’autres procédés de traitement.
évitant à celle-ci un contact avec les couches superficielles
Elle souffre a priori de limitations. La pollution restant présente,
contaminées du sol.
cette technique réduit fortement les usages possibles du sol. De
plus, les contaminants peuvent redevenir mobilisables suite à des
2.1.5 Études préliminaires et surveillance modifications de conditions physico-chimiques des sols, en parti-
culier si une surveillance et des mesures de correction ne sont pas
La phytostabilisation, comme les autres procédés de phytoremé- mises en place. En outre, sur le plan juridique, la responsabilité du
diation, ne devrait être mise en œuvre sur une grande échelle propriétaire de la pollution reste généralement engagée tant que
qu’après une étude diagnostique du site et des essais au laboratoire celle-ci est présente.
et en petites parcelles. Cette préétude doit prendre en compte l’usage Concrètement, il n’est pas aisé de faire le bilan de la phytostabilisa-
ultérieur du site (restriction d’accès, terrain de jeu, réserve de biodi- tion à l’heure actuelle, car si des essais relativement nombreux ont
versité, parc d’agrément…). Il faut notamment prévoir des essais de été mis en place en laboratoire (cultures en pots) ou en parcelles
combinaisons d’amendements et de végétaux sur des petites parcel- expérimentales plus ou moins grandes, en dehors de ces recherches,
les sur le site, pour évaluer les possibilités d’implantation et l’effet des très peu de sites contaminés ont été traités par cette technique.
amendements sur le statut et la dynamique des polluants.
Dans les travaux expérimentaux, des succès et des échecs ont été
La phytostabilisation ne garantit pas actuellement l’inactivation enregistrés selon les situations et les approches employées, notam-
totale des impacts des polluants et un suivi du statut de ceux-ci et de ment selon les amendements. Dans différents essais, on a noté une
leurs effets doit être intégré dans le procédé. La surveillance peut amélioration de la situation au travers d’une réduction de la biodis-
être réalisée à partir d’indicateurs physico-chimiques et biologiques ponibilité et des transferts de polluants, un accroissement de la bio-
de la disponibilité, de la mobilité et de l’écotoxicité des masse et de la biodiversité sur les sites. Dans certains cas, la
contaminants. Les mesures doivent être faites régulièrement, à une réduction de la disponibilité du contaminant dans le sol ne s’accom-
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fréquence définie au cas par cas. On peut ainsi envisager de suivre pagnait pas d’une réduction des prélèvements par les plantes. On a
la disponibilité des polluants dans les sols, par exemple, à l’aide de remarqué que les amendements pouvaient parfois engendrer des
méthodes d’extraction chimique. On peut également mesurer leurs désordres nutritionnels chez les végétaux (carences) du fait de la
concentrations dans les organes végétaux et animaux, dans les baisse de la disponibilité d’éléments essentiels. Dans certains sites
eaux drainantes, ruisselantes ou de la nappe phréatique. On peut fortement contaminés sous climat défavorable, il a été impossible
également appliquer aux sols et aux eaux différents tests d’écotoxi- d’implanter un couvert végétal de manière satisfaisante.
cité. Un accroissement de la biodiversité, en particulier de la micro-
flore et de la mésofaune du sol, est un bon indicateur de la qualité et
de la durabilité de l’inactivation des contaminants. 2.2 Rhizodégradation

2.1.6 Bilan de la phytostabilisation 2.2.1 Domaine d’application


L’intérêt théorique de la phytostabilisation est de limiter assez rapi- La rhizodégradation, aussi appelée « phytostimulation »,
dement l’impact des polluants présents dans les sols, en les mainte- « bioremédiation rhizosphérique » ou « bioremédiation assistée
nant sous des formes peu ou pas mobiles. Cela est un atout pour des par les plantes », consiste principalement en une bioremédiation
sites lourdement contaminés pour lesquels aucun autre traitement microbienne stimulée dans la zone rhizosphérique. Elle s’applique
n’est techniquement ou financièrement possible, le coût d’une telle donc aux contaminants organiques tels que les solvants chlorés,
approche étant parmi les plus bas (tableau 2). La phytostabilisation les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), les polychlo-

Tableau 2 – Estimations de coûts de remédiation de sol


Coût (1)
(€/m2 de terre)
Procédé Contaminant Source
Minimum
Maximum
ou moyenne
Confinement in situ (France) Organiques et/ou minéraux 5 60 BRGM (2010)
Stockage de déchets non dangereux (classe 2) Organiques et/ou minéraux 17 34 BRGM (2010)
Extraction chimique hors site (France) Organiques et/ou minéraux 34 546 BRGM (2010)
Désorption thermique sur site (France) Organiques 25 46 BRGM (2010)
Stabilisation physico-chimique sur site (France) Métaux 10 50 BRGM (2010)
Vangronsveld et
Phytoremédiation (États-Unis) Métaux 4 39
al. (2009)
Phytostabilisation (France) Organiques et/ou minéraux <4 ADEME (2009)
Phytostabilisation (France) Organiques et/ou minéraux 2 12 BRGM (2010)
Phytoextraction (France) Métaux <4 ADEME (2009)
Phytoextration (France) Métaux 18 40 BRGM (2010)
3 3
(1) Les coûts en US $ ont été convertis en € (1 US $ = 1,41 €), ceux en €/t ou €/m en prenant une masse volumique de 1,4 t/m et en considérant la pollution sur
une épaisseur de sol de 0,3 m.

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robiphényles (PCB) et les pesticides. Elle peut être mise en œuvre dégradation. En effet, une grande diversité se traduit par une plus
sur des sols industriels ou agricoles (par exemple traitement des grande robustesse ou adaptabilité de l’écosystème sol face à une
pesticides) éventuellement multicontaminés. Comme toutes les contamination. Dans le cas de sites anciennement contaminés, il
autres techniques de phytoremédiation, la principale contrainte existe une microflore capable de transformer les contaminants
reste la possibilité d’établir un couvert végétal conséquent et donc présents. Sur des sites nouvellement contaminés, la microflore
que le sol à traiter présente une fertilité suffisante (c’est-à-dire res- présente n’est pas toujours adaptée, il est donc parfois nécessaire
source en eau disponible, présence d’éléments nutritifs, bonne d’apporter des micro-organismes précédemment sélectionnés
structure du sol, faible phytotoxicité). pour leur capacité métabolique (bioaugmentation). Cependant, ces
apports ne sont pas toujours efficaces. Les contraintes rencontrées
peuvent être de plusieurs ordres : conditions environnementales
2.2.2 Principe et processus mis en œuvre défavorables (caractéristiques pédologiques, climat...), compé-
tition/prédation avec les organismes autochtones, difficulté à ame-
ner l’inoculum précisément sur la zone à traiter.
Les principes de traitement sont similaires à ceux des
traitements biologiques des sols [G 2 620] et de la 2.2.3 Végétaux utilisés
bioremédiation [J 3 982]. Il s’agit de mettre à profit l’activité
dégradante des micro-organismes présents dans le sol pour L’optimisation du choix des plantes va essentiellement se faire
biotransformer les polluants. Comme pour toute activité biolo- selon deux types de critères. D’une part, ceux basés sur l’impact
gique, les principaux facteurs limitant la biodégradation sont : de la plante sur le sol comme le type d’exsudats racinaires synthé-
– la présence d’oxygène (la plupart des réactions ont lieu en tisés ou d’enzymes sécrétées en relation avec le contaminant ciblé
conditions aérobies) ; de manière directe ou indirecte par l’intermédiaire de la microflore.
– la teneur en eau ; D’autre part, les critères basés sur la résistance de la plante au
– la température ; milieu contaminé telles qu’une croissance rapide, des limites de
– l’accès à des éléments nutritifs (N, P, K) ; phytotoxicité élevées, une facilité d’installation, une production de
– la biodisponibilité du polluant. biomasse racinaire importante.
Les traitements classiques de bioremédiation consistent à Peu de résultats probants lient actuellement efficacité de rhizo-
apporter au sol ces différents éléments. La biostimulation dégradation et spécificité végétale. Certaines espèces sont
consiste en l’apport en N/P/K qui favorise l’activité des popu- connues pour être assez résistantes et ont prouvé leur efficacité
lations autochtones alors que la bioaugmentation est l’apport de relative, comme le peuplier (Populus berolinensis, P. deltoides, P.
souches spécialisées. Ces souches peuvent être isolées à partir nigra ), le saule (Salix alba, S. nigra ), le ray-grass, la fétuque, le
de sols contaminés puis sélectionnées, voire génétiquement trèfle, la luzerne. Mais dans de nombreux cas, c’est la végétation
modifiées en vue d’augmenter l’efficacité du traitement. se développant spontanément sur le site qui est le moteur du
traitement et on pourra apparenter cette technique de phytoremé-
diation à l’atténuation naturelle.
Ces deux techniques peuvent être également utilisées seules ou D’autres éléments peuvent toutefois intervenir dans le choix de
associées pour améliorer la phytoremédiation. Néanmoins, la spéci- l’espèce cultivée comme la valorisation de la biomasse produite ou
ficité de la phytoremédiation consiste à utiliser les ressources spéci- la volonté d’associer d’autres effets qu’une simple rhizodégra-
fiques apportées par la plante via son exsudation racinaire. Elle dation. Ainsi, les cultures de saules et de peupliers, du fait de leur
fournit aux micro-organismes présents dans la rhizosphère une forte transpiration sont souvent privilégiées dans le cas où il est
source de carbone stimulant leur croissance et accélérant les pro- nécessaire de protéger une nappe en limitant la propagation des
cessus de volatilisation, dégradation ou humification des polluants contaminants sur la durée du traitement.
organiques. Il est à noter que la quantité d’exsudats racinaires
dépend de la saison, de l’âge de la plante et de sa santé ; l’activité
des micro-organismes va donc être sujette à variations. En plus
2.2.4 Bilan de la rhizodégradation
d’être une source de carbone facilement disponible pour les Comme pour la phytostabilisation, la mise en place d’un couvert
micro-organismes, les exsudats peuvent être également des enzy- végétal constitue la première étape de la rhizodégradation. Cepen-
mes capables de dégrader les contaminants organiques (laccases, dant, dans la conduite technique du procédé, l’accent est mis sur
déhalogénases, nitroréductases, nitrilases, peroxydases). Cepen- les moyens d’augmenter la dégradation des contaminants
dant, cette activité reste minoritaire par rapport à celle des bactéries organiques par la biostimulation, en apportant des nutriments dis-
et des champignons. Enfin, certains métabolites secondaires exsu- ponibles pour la croissance des bactéries ou des molécules aug-
dés peuvent avoir des effets inducteurs vis-à-vis de la dégradation mentant la disponibilité des polluants (surfactant), par la
de contaminants organiques par les micro-organismes, comme cela bioaugmentation en apportant des souches microbiennes capables
a été observé pour des flavonoïdes induisant des activités enzymati- de dégrader ces contaminants ou des micro-organismes symbio-
ques impliquées dans la dégradation de PCB. tiques (champignons mycorhiziens, bactéries endophytes, bacté-
L’efficacité de cette méthode dépend de l’établissement de ries PGPR favorisant la croissance et la résistance des plantes), par
conditions de croissance des végétaux dans des sols contaminés le choix des espèces végétales favorisant la croissance micro-
qui ne présentent pas toujours des potentialités agronomiques adé- bienne via leur exsudation racinaire.
quates. En effet, les sites anthropisés présentent des teneurs en élé- Nota : Plant Growth Promoting Rhizobacteria (PGPR).
ments nutritifs disponibles souvent limitées, à la fois pour permettre
la croissance de la plante, mais également pour le métabolisme La principale limite rencontrée dans un certain nombre d’essais
microbien. Des apports en N/P/K permettent alors d’accélérer les de rhizodégradation à l’échelle du laboratoire ou sur de petites
cinétiques de dégradation de contaminations organiques par les parcelles est la faible disponibilité des contaminants organiques
bactéries du sol. Les engrais organiques permettent une libération dans les sols. Particulièrement dans le cas d’une contamination
plus lente des nutriments en fonction des cinétiques de minéralisa- ancienne où ces polluants sont fortement liés à la phase solide
tion. De plus, elles aident à améliorer la structure des sols, leur aéra- (vieillissement de la pollution). Cela se traduit par un blocage du
tion et leur réserve hydrique. Enfin, un apport en macronutriments processus avec une fraction résiduelle non dégradée.
permet de limiter les phénomènes de compétition qui pourraient De la même manière que pour la phytostabilisation, le nombre
avoir lieu entre la plante et les micro-organismes. limité d’essais sur le terrain et le fait que cette technique reste
La diversité des communautés microbiennes présentes sur le encore en développement ne permettent pas d’établir de bilan tech-
site joue également un rôle important dans l’efficacité de la rhizo- nique et économique précis. Cependant, la rhizodégradation ne sera

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applicable à grande échelle qu’une fois les verrous techniques (fai- le défaut de ne présenter qu’une production de biomasse relati-
ble disponibilité des contaminants, absence d’espèces végétales vement faible. Elles n’ont pas fait l’objet d’amélioration génétique
sélectionnées) levés. conduisant à des cultivars aux aptitudes améliorées et
homogènes ; de ce fait, il n’existe pas de production industrialisée
de semences ou d’organes de multiplication pour ces espèces.
2.3 Phytoextraction L’autre voie pour la phytoextraction est la culture de plantes à
forte production de biomasse, mais n’accumulant que relativement
2.3.1 Domaine d’application peu de polluants. On utilise des herbacées cultivées classiques tel-
La phytoextraction s’applique en théorie à tous les contaminants les le maïs (Zea mays ), la moutarde brune (Brassica juncea ), le
qui peuvent être absorbés par les plantes et accumulés dans leurs tournesol (Heliantus annuus ), le tabac (Nicotiana tabacum ), le riz
parties récoltables. Dans la pratique actuelle, elle vise surtout à (Oryza sativa ) dont on sélectionne les cultivars les plus accumula-
remédier aux contaminations modérées par les éléments en tra- teurs. Des arbres ont également été utilisés, essentiellement des
ces, plus rarement par des polluants organiques tels que des Salicaceae comme le saule osier (Salix viminalis ) ou le peuplier
composés organochlorés. Les contaminants du sol doivent être (Populus ssp), voire des arbustes comme le coton (Gossypium ssp).
dispersés sur une épaisseur du sol à la portée des racines. Ces ligneux peuvent être installés par bouturage et récoltés après 4
à 10 ans de culture, selon la conduite du taillis à courte rotation exis-
tant pour la production de biomasse énergétique ou de pâte à
2.3.2 Principe et processus mis en œuvre papier. La récolte des feuilles, plus riches en contaminants que le
bois, améliore sensiblement l’extraction. Les plantes à forte produc-
tion de biomasse ont été évaluées pour l’extraction d’éléments en
Le procédé de phytoextraction est assez proche d’un procédé traces tels que le cuivre, le plomb et le zinc, mais surtout pour le cad-
agricole de production végétale. Il s’agit de cultiver une plante mium en zone agricole faiblement contaminée. C’est dans cette
appropriée sur le sol contaminé, ce qui suppose des mesures situation que leur potentiel de dépollution est le plus élevé. Un des
adéquates en termes de travail du sol, d’amendement, de fertili-
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intérêts de telles espèces est qu’elles sont facilement disponibles ou


sation, d’irrigation, de protection sanitaire ou contre les adventi- multipliables et que leur culture, au moins en conditions agricoles,
ces, etc. On procède ensuite à l’enlèvement de la partie est bien connue. Leurs principaux points faibles sont :
récoltable de la végétation enrichie en contaminants. La bio-
– leur sensibilité aux contaminants qui, malgré une certaine tolé-
masse contaminée ainsi produite doit être traitée de façon à
rance, reste plus élevée que celle des hyperaccumulateurs ;
réduire son volume/masse (compostage, compactage, traite-
ment thermique) ou à la valoriser par la production d’énergie – la nécessité de gérer de grandes quantités de biomasse contaminée.
et/ou de matériau d’intérêt économique (métal, fibre, huile, etc.). En effet, les teneurs en polluants de cette biomasse sont suffisamment
élevées pour nécessiter des précautions lors de sa valorisation (par
exemple, cendres et fumées contaminées lors de la combustion) mais
La phytoextraction est donc basée sur la faculté des végétaux à trop faibles pour justifier une récupération métallurgique.
tolérer les contaminants, à les prélever par leurs racines puis à les
transférer et à les accumuler en quantité significative dans leurs
parties récoltables, le plus souvent les organes aériens (tige, 2.3.4 Phytoextraction assistée
feuilles, organes reproducteurs). Elle suppose la biodisponibilité La faible disponibilité du polluant limite souvent la phytoextraction
du polluant dans le sol. de façon considérable. Pour l’augmenter, les chercheurs ont utilisé
l’apport au sol de différents composés chimiques accroissant le pas-
2.3.3 Végétaux utilisés sage du polluant dans la solution du sol. Parmi ceux-ci, les plus étu-
diés sont les acides aminopolycarboxyliques (APCA), molécules
La plante idéale pour la phytoextraction doit tolérer divers chélatant les cations métalliques, telles que les acides éthylènediami-
contaminants, et les accumuler dans des organes facilement netétraacétique (EDTA), nitrilotriacétique (NTA), hydroxyléthylè-
récoltables qu’elle produit rapidement et en grande quantité. Elle nediaminetétraacétique (HEDTA) ou diéthylènepentaacétique
doit pouvoir être multipliée et installée facilement, présenter un (DTPA). Les APCA favorisent la désorption des métaux de la phase
enracinement profond et dense, tolérer les stress liés au sol, au cli- solide et souvent leur accumulation dans la plante, celle-ci étant fré-
mat et aux pathogènes. quemment du type faible accumulateur à forte production de bio-
Actuellement, deux grands types de végétaux sont étudiés pour masse (maïs, moutarde brune). Dans certains cas cependant, l’apport
la phytoextraction des éléments en traces. D’une part, les espèces d’EDTA a provoqué une baisse du prélèvement d’éléments en traces
dites « hyperaccumulatrices », susceptibles d’accumuler jusqu’à comme le cadmium et le zinc. Les mécanismes de l’action des APCA
quelques pourcents d’éléments en traces dans leurs parties sur la phytoaccumulation sont encore mal éclaircis. L’inconvénient de
aériennes. Il s’agit d’espèces non domestiquées, très souvent de la cette approche est la forte solubilisation du contaminant qui, non
famille des Brassicaceae dont une des plus connues est le tabou- absorbé par les racines, est lixiviable par les eaux météoriques.
ret calaminaire ou bleuissant, Noccaea caerulescens également Apportés en trop forte dose, les APCA peuvent également être toxi-
connue sous le synonyme Thlaspi caerulescens. C’est une petite ques pour les végétaux, la microflore et la faune du sol.
plante des moyennes montagnes d’Europe, dont la biomasse L’acidification du sol ou de la rhizosphère a également été ten-
aérienne sèche peut contenir souvent plus de 1 % de zinc, plus de tée, par l’apport d’engrais acidifiant ou de soufre. Il est connu que
1 % de nickel et jusqu’à 0,4 % de cadmium, selon l’écotype et les l’apport d’azote sous forme ammoniacale peut entraîner une acidi-
populations. Une autre Brassicaceae européenne, l’arabette de fication de la rhizosphère, qui accroît la désorption des cations
Haller (Arabidopsis hallerii ), est envisagée pour la phytoextraction métalliques. Le soufre élémentaire est, quant à lui, oxydé par cer-
du zinc et du cadmium alors que l’alysse des murailles (Alyssum taines bactéries aérobies, donnant de l’acide sulfurique qui favo-
murale ) hyperaccumulant le nickel est surtout utilisée pour le phy- rise la désorption des éléments en traces métalliques. Enfin,
tomining de ce métal, mais pourrait également l’être pour la l’introduction dans la rhizosphère de micro-organismes sélection-
décontamination. Sous climat plus chaud, de type tropical, Pteris nés, de type bactéries ou champignons mycorhiziens, a montré
vittata, une fougère hyperaccumulatrice d’arsenic découverte en dans différents essais un effet positif sur la phytoextraction des
Floride est envisagée pour la phytoextraction de cet élément, alors éléments en traces. Cette bioaugmentation, ainsi qu’il est d’usage
qu’en Chine, divers travaux sont menés autour de l’utilisation d’un de la désigner, pourrait être due à la sécrétion de chélatants par
orpin (Sedum alfredii, Crassulaceae ) pour l’extraction du cad- les bactéries (par exemple, des sidérophores), mais également à
mium. Si ces plantes présentent l’avantage de tolérer et d’accumu- l’augmentation de la croissance racinaire résultant de la présence
ler fortement les contaminants, elles ont cependant pour la plupart de rhizobactéries promouvant la croissance de la plante.

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2.3.5 Bilan de la phytoextraction 2.4.1.2 Principe et processus mis en œuvre

La phytoextraction est une technique expérimentale qui ne


connaît pas d’application commerciale. Ce sont essentiellement Comme pour la phytoextraction, les contaminants sont
par les travaux des instituts de recherche et des universités que absorbés au niveau des racines puis transférés dans la partie
cette technique a été conçue et évaluée, surtout au travers d’essais aérienne pour y être stockés. Ils peuvent être libérés dans
en conditions contrôlées (cultures en pots sous serre ou en l’atmosphère sous leur forme originale ou préalablement méta-
chambre de culture), plus rarement en conditions de plein champ bolisés en composés volatils. Ce processus ne génère pas de
sur des parcelles de taille souvent modeste. déchets car les plantes n’accumulent pas dans leurs tissus des
Les évaluations montrent que la durée du traitement est tou- concentrations importantes en contaminants. De plus, la plante
jours très longue. Ainsi, il faudrait de 60 à 250 ans pour faire bais- les volatilise tout au long de sa vie, l’extraction est donc
ser la concentration en cadmium d’un sol peu contaminé de 5 à continue. Toutefois, la phytovolatilisation, en déplaçant le pol-
2 mg · kg–1 en utilisant des plantes faiblement accumulatrices et à luant du sol vers l’atmosphère, transforme une pollution du sol
forte production de biomasse (comme le tabac, le colza ou le peu- en celle de l’air.
plier). En utilisant un hyperaccumulateur comme le tabouret cala-
minaire, une quinzaine d’années seraient nécessaires pour traiter
une telle contamination (à raison d’une récolte par an). Dans le cas du sélénium, celui-ci est métabolisé par les enzymes
de la voie d’assimilation des sulfates des plantes ou des bactéries.
La phytoextraction ne réduit que le compartiment biodisponible Il se forme dans un premier temps de la sélénométhionine qui
du contaminant, alors que la réglementation ne juge de son effica- peut être méthylée en diméthylsélénide qui est volatil. De plus, ces
cité qu’au regard de teneurs totales qui ne reflètent pas nécessai- composés sont de 500 à 700 fois moins toxiques que les formes
rement le risque. C’est pour cela que les chercheurs proposent de oxydées du sélénium ( SeO24– et SeO23–). Une fois dispersés dans
ne juger le rendement de la phytoextraction que sur l’épuisement l’atmosphère, ces composés peuvent constituer un danger pour
de la fraction du polluant disponible. les écosystèmes environnants. Cependant, les taux de dilution
Cette technique ne permet pas de traiter toutes les pollutions. dans l’atmosphère sont très importants, ce qui limite les risques
C’est le cas des pollutions qui s’étendent au-delà de la profondeur d’exposition. L’efficacité de volatilisation du sélénium est dépen-
d’enracinement, ou pour lesquelles il n’existe pas de plante accu- dante de certains paramètres environnementaux : communauté
mulatrice. En effet, on ne trouve pas de plante accumulatrice de microbienne adaptée présente dans la rhizosphère, spéciation du
chrome, de mercure et de cuivre en climat tempéré. Les plantes sélénium, teneur en matière organique, conditions physico-chimi-
hyperaccumulatrices, malgré leur forte tolérance, ne peuvent être ques. L’augmentation de la température induit une augmentation
cultivées sur des sites fortement contaminés, comme le sont cer- du taux de sélénium volatilisé, grâce à l’augmentation de la pres-
tains sites miniers et industriels. sion de vapeur des formes méthylées et à la stimulation de l’acti-
vité métabolique de la plante et de la microflore rhizosphérique. En
fonction de la forme du sélénium (sélénite/séléniate) présent dans
le sol, les cinétiques de volatilisation ne seront pas les mêmes. En
La phytoextraction est donc envisageable pour les
effet, l’étape de réduction du séléniate en sélénite se fait avec des
contaminations modérées de quelques mg · kg–1 pour le cad-
vitesses très faibles, ce qui constitue un frein à la formation des
mium à quelques dizaines de mg · kg–1 pour l’arsenic, le nickel,
formes méthylées du sélénium.
le zinc et le plomb. On voit que ce procédé peut trouver des
applications dans les situations de pollution diffuse de sols agri- Dans le cas du mercure, celui-ci présente une forte affinité pour
coles ou horticoles. On peut imaginer la phytoextraction comme les composés organiques présentant des groupements soufrés
culture intercalaire ou périodique dans la rotation. C’est ainsi (par exemple, thiols protéiques). Le processus de détoxification
qu’au Japon des essais de plein champ ont montré l’efficacité de passe par une première réaction de protonolyse d’un organomer-
certaines variétés de riz accumulant le cadmium pour dépolluer curiel avec libération d’Hg(II) qui peut être réduit en Hg(0) volatil et
les sols et réduire les teneurs dans les récoltes suivantes. moins toxique.

2.4.1.3 Végétaux utilisés


2.4 Autres procédés
Les méthodes de phytovolatilisation peuvent également s’appli-
quer au traitement de zones humides avec des espèces végétales
2.4.1 Phytovolatilisation comme le scirpe robuste (Scirpus robustus ) ou le roseau (Phrag-
mites australis ). De plus, il peut se développer dans ces écosys-
2.4.1.1 Domaine d’application tèmes des zones de micro-aérophilie voire d’anaérobie qui sont
favorables aux mécanismes de méthylation du sélénium par les
bactéries. Des espèces comme le peuplier (Populus deltoides x
La phytovolatilisation est le prélèvement et la vaporisation d’un nigra ), le tamaris (Tamarix parviflora ) et la luzerne (Medicago
contaminant organique ou métallique par une plante sous forme sativa ) semblent être bien adaptées à la volatilisation de solvants
de polluant pur ou sous forme de métabolites de ce polluant. chlorés, mais restent peu efficaces pour les composés moins
polaires comme ceux trouvés dans l’essence.
Ce procédé concerne plus particulièrement les composés volatils
à savoir les COV (composés organiques volatils), BTEX (benzène, 2.4.1.4 Bilan de la phytovolatilisation
toluène, éthylbenzène et xylène) et solvants chlorés pour les
polluants organiques et le sélénium, le mercure et l’arsenic princi- Le principal problème de ce procédé est le devenir des
palement, pour les polluants métalliques. Dans le cas de la volatili- contaminants traités et par conséquent l’augmentation ou le trans-
sation des métabolites, ceux-ci peuvent être issus du métabolisme fert du risque écotoxicologique plutôt que son atténuation. Si un
de la plante ou des micro-organismes présents dans la rhizosphère polluant toxique volatil est émis par les plantes durant le procédé
ou la plante (bactéries endophytes). Pour les processus de volatili- de phytoremédiation, le devenir du gaz devra être déterminé pour
sation liés aux bactéries, la plante peut être un facteur de stimu- évaluer le risque potentiel en jeu. De telles études ont été menées
lation de l’activité métabolique de la microflore et/ou le moteur de pour Se et Hg et ont montré que l’aire de dispersion de ceux-ci
l’évaporation grâce aux processus d’évapotranspiration. était suffisamment grande pour ne pas présenter de risque.

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PHYTOREMÉDIATION DES SOLS _______________________________________________________________________________________________________

Au niveau des polluants organiques, des études supplémen- de la biomasse produite. On peut ainsi envisager la mise en place de
taires restent nécessaires pour connaître avec précision la nature végétaux à croissance rapide et présentant un potentiel calorifique
des métabolites issus de la dégradation des contaminants, dans conséquent (par exemple, taillis à courte rotation utilisant le saule, le
une optique d’analyse de risque. peuplier, le robinier ou l’eucalyptus, culture de Miscanthus ssp).
Nombre de plantes utilisées actuellement en valorisation énergétique
peuvent tolérer un certain degré de pollution et pourraient être utili-
2.4.2 Phytodégradation sées sur des sols modérément pollués afin d’en abaisser les niveaux
Ce procédé est une phytoextraction combinée à une biotransfor- de contamination (rhizodégradation), limiter le transfert des polluants
mation du composé prélevé au sein de la plante. Il s’applique aux (phytostabilisation) et être valorisées.
composés organiques qui, une fois prélevés, sont stockés puis Parmi les applications envisageables, citons la production énergéti-
dégradés ou transformés en sous-produits. Par analogie avec les que par combustion dans une chaudière, un système de gazéification
processus observés chez les mammifères, ce procédé de détoxifi- du bois ou un méthaniseur. On peut également produire certaines
cation des composés organiques est aussi appelé « foie vert ». matières premières en même temps que l’on phytoextrait. Les fibres
produites par le cotonnier utilisé en phytoextraction n’accumulant
pas significativement d’éléments en traces, elles peuvent être utili-
La phytodégradation se décompose en quatre principaux sées pour le textile. Le tournesol pourrait être utilisé à la fois pour
processus : le prélèvement et le transport, les réactions de trans- phytoextraire le cadmium du sol et produire de l’huile à partir de ses
formations (oxydation, réduction), la conjugaison ou association graines. Le géranium à parfum testé pour la phytoextraction du
à d’autres composés (par exemple, acides aminés, sucres, acides plomb produit des huiles essentielles. Les métaux polluants
organiques), la séquestration ou compartimentation. Il s’agit ainsi eux-mêmes pourraient être récupérés par pyro- ou hydrométallurgie,
pour la plante de transformer le contaminant en une molécule comme cela a été étudié pour la phytomine.
moins toxique puis de l’isoler de ses zones d’activité métabolique.

Exemple
Parution : novembre 2011 - Ce document a ete delivre pour le compte de 7200049492 - univ paris ouest nanterre defense // 193.50.140.116

Les principaux composés organiques concernés par ce type de Dans le cadre de la réhabilitation du site de l’ancienne usine de
procédé sont les pesticides, en particulier l’atrazine, ainsi que les Metaleurop, à Noyelles-Godault, six hectares de sols pollués ont été
composés aromatiques nitrés et les explosifs. remis en culture en mai 2007 par la communauté d’agglomération
La présence de bactéries endophytes peut favoriser la phyto- d’Hénin-Carvin afin d’entamer une production expérimentale d’herbe
transformation de certains composés organiques tels que le à éléphant (Miscanthus ssp), une graminée à fort potentiel énergé-
toluène ou le trichloréthylène. L’inoculation des plantes par de tique capable d’endurer des concentrations élevées en métaux lourds
telles bactéries joue un double rôle en protégeant la plante de la dans le sol. Si cette expérience s’avère probante (les derniers résul-
phytotoxicité du contaminant mais aussi en protégeant l’environ- tats apparus en 2009 permettent de l’espérer, malgré des débuts
nement direct. En effet, l’évapotranspiration de TCE semble 4 à contrastés), la société SITA, chargée des travaux de dépollution sur le
5 fois moins importante en présence de bactéries endophytes sans site, pourra être amenée à installer une centrale à biomasse dans le
pour autant diminuer son taux de dégradation. cadre d’une production beaucoup plus importante.

3. Gestion de la biomasse 4. Développements futurs


végétale
Les recherches concernant la phytoremédiation portent actuel-
La biomasse végétale produite lors du traitement de phytoremé- lement sur les facteurs et mécanismes rhizosphériques qui
diation peut être gérée comme un déchet, elle est alors mise en contrôlent la disponibilité des polluants et les procédés pour la
décharge après séchage et une éventuelle incinération, ou être maîtriser. Elles visent également à comprendre les déterminismes
considérée comme une ressource valorisable. (éco)physiologiques et biomoléculaires de la tolérance des
Compte tenu du risque de transfert des contaminants vers la contaminants par la plante et la microflore associée. Un des buts
biomasse aérienne, une valorisation alimentaire humaine ou ani- appliqués est de produire par criblage des populations sauvages
male n’est pas envisageable. Par contre, diverses pistes sont des associations végétal-bactérie-champignon aux capacités de
actuellement explorées pour la valorisation alternative qui permet- survie et d’installation accrues dans des milieux contaminés
trait ainsi de réduire le coût de la dépollution et faciliter l’implan- hostiles à la plupart des organismes vivants. On cherche éga-
tation de la phytoremédiation. Cette valorisation peut s’inscrire lement à mieux décrire les mécanismes du prélèvement et de
dans les filières classiques de valorisation de la biomasse : bioma- l’accumulation des polluants (surtout les éléments en traces) par la
tériaux, biochimie, biocarburants ou biocombustibles. Les princi- plante, dans l’objectif de produire par modification génétique des
pales contraintes à ce développement sont la mise en adéquation cultivars améliorés pour la phytoextraction. Des démarches d’amé-
entre le traitement de phytoremédiation, la nature de la production lioration génétique plus classiques, par criblage des populations
végétale, la quantité et la qualité de la biomasse produite (teneur sauvages ou de cultivars agricoles, et d’amélioration par sélection
éventuelle en contaminant) et l’accès à une filière de valorisation à massale, mutagenèse ou croisement in vitro sont en cours.
proximité du lieu de production. Qu’elle soit énergétique ou par Des travaux visant à mettre au point des techniques d’instal-
production de matière première, cette valorisation pourrait s’avé- lation et de surveillance des couverts de phytostabilisation, à
rer un réel atout pour les techniques de phytoremédiation. D’un construire ou à améliorer des itinéraires techniques pour la culture
point de vue économique, elle permettrait d’abaisser les coûts glo- de phytoextraction sont en cours ou en projet, de même que des
baux de dépollution et, d’un point de vue environnemental, elle investigations sur l’impact écologique d’un site en cours de
valoriserait des ressources en sol par ailleurs délaissées et limite- traitement par phytoremédiation. Il est nécessaire, par exemple,
rait ainsi un usage de terres agricoles à plus forte valeur. d’évaluer la contamination des chaînes trophiques engendrée par
Le choix des espèces ne dépendrait alors plus uniquement de une monoculture de végétaux contenant des éléments potentiel-
considérations de traitement mais aussi de la valorisation potentielle lement toxiques (phytoextraction).

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P
O
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Phytoremédiation des sols R

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Thibault STERCKEMAN
par
Ingénieur de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique
N
Stéphanie OUVRARD
Chargé de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique
et Pierre LEGLIZE
Maître de conférences à l’École nationale supérieure d’agronomie
S
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A
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Pollution Research, 16, p. 876-900 (2009). 249(1), p. 37-43 (2003).

À lire également dans nos bases


VOGEL (T.M.). – Bioremédiation des sols. [J 3 982], BALLERINI (D.). – Traitements biologiques des sols.
base Opérations unitaires. Génie de la réaction [G 2 620], base Environnement (1999).
chimique (2001).

Événements
Conférence annuelle de International Phytotechnology Society no 11 du
14 janvier 2000 page 369 NOR : FPPA9910013D
http://www.phytosociety.org/index.htm

Annuaire
Organismes – Fédérations – Associations International Phytotechnology Society
(liste non exhaustive) http://www.phytosociety.org/index.htm

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