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6 CHAPITRE 1.

UN COFFRE D’OUTILS

1.2 Théorie des nombres


La théorie des nombres s’intéresse aux propriétés des entiers, c’est-à-dire des éléments de
l’ensemble ZZ = {. . . , −3, −2, −1, 0, 1, 2, 3, . . .}.
1. Les nombres figurés.
Il est souvent commode de visualiser les entiers positifs à l’aide d’arrangements de
points disposés selon des formes géométriques particulières ; on parle alors de nombres
figurés (ou encore de nombres géométriques). Pour une forme géométrique donnée, par
exemple un certain polygone régulier, on obtient une suite de nombres d’une même
famille. Voici quelques familles célèbres.
– Les nombres carrés

...

1 4 9 16

Le ne nombre carré est donné par n2 = n × n.


– Les nombres triangulaires

...
1 3 6 10

Appelons Tn le ne nombre triangulaire ; nous avons alors

T1 = 1 ,
T2 = 1 + 2 = T1 + 2 ,
T3 = 1 + 2 + 3 = T2 + 3 ,
..
.
Tn = 1 + 2 + · · · + n = Tn−1 + n .

On se convainc facilement du fait que

n(n + 1)
Tn = .
2
La figure suivante en fournit une preuve visuelle (Tn correspond à la moitié des points
formant un rectangle de côtés n et n + 1).
1.2. THÉORIE DES NOMBRES 7

– Les nombres pentagonaux

...
1 5 12

n(3n − 1)
On peut vérifier que le ne nombre pentagonal est donné par .
2
Le procédé peut être poursuivi ; on obtiendra ainsi des nombres hexagonaux, hepta-
gonaux, octogonaux, etc. On peut aussi passer à 3 dimensions : on parlera alors de
nombres cubiques, pyramidaux, etc.
L’usage a consacré l’expression carré parfait pour désigner un entier qui est le carré
d’un entier, comme on vient de le voir ; cette expression vise à insister sur le fait
√ que
même si un nombre comme 5 pourrait être vu comme un carré (à savoir de 5), ce
n’est pas vraiment ce qu’on a à l’esprit lorsqu’on parle d’un entier qui est un carré. De
la même façon, on a la notion de cube parfait.
2. Divisibilité.
On dit qu’un entier b est divisible par un entier a = 0 s’il existe un entier x tel que
b = ax, auquel cas on écrit a | b. Dans le cas contraire, on écrit a  | b. Si a | b, on dit
aussi que a est un diviseur ou un facteur de b, que a divise b ou encore que b est un
multiple de a. Dans le cas où a | b et a = b, on dit que a est un diviseur propre de b. Il
est à noter que pour tout entier non nul a, on a, par définition même, a | 0.
Exemple:
120 possède 16 diviseurs : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 8, 10, 12, 15, 20, 24, 30, 40, 60, 120.
Les principales propriétés de la relation de divisibilité sont les suivantes ; elles découlent
immédiatement de la définition.
(i) 1 | x et x | x, quel que soit l’entier x ;
(ii) a | b et b | c ⇒ a | c ;
(iii) a | b ⇒ a | bx, quel que soit l’entier x ;
(iv) a | b et a | c ⇒ a | (b ± c) ;
8 CHAPITRE 1. UN COFFRE D’OUTILS

(v) a | b et a | (b ± c) ⇒ a | c ;
(vi) a | b et b | a ⇒ a = ±b ;
(vii) a | b et b = 0 ⇒ |a| ≤ |b|.

Démonstration:
Nous démontrons la propriété (vi). Comme a | b, il existe un entier u tel que b = au. De
même, puisque b | a, il existe un entier v tel que a = bv. Mais alors a = bv = (au)v = a(uv),
d’où il suit que uv = 1. Mais les seuls cas possibles de produits d’entiers donnant 1 sont 1 × 1
et −1 × −1. On a donc v = ±1, c’est-à-dire a = ±b.
On écrit ai b pour signifier que ai | b mais que ai+1  | b. Lorsque ai b, i est donc
l’exposant de la plus grande puissance de a divisant b.
Un nombre pair est un multiple de 2 ; il est donc de la forme 2k pour un certain entier
k. Les nombres impairs sont de la forme 2k + 1.
Exemples:
(a) impair + impair = pair ; impair × impair = impair .
Calculons : (2j + 1) + (2k + 1) = 2j + 2k + 2 = 2(j + k + 1) et (2j + 1) × (2k + 1) =
4jk + 2j + 2k + 1 = 2(2jk + j + k) + 1.
(b) Montrer que n2 est pair si et seulement si n est pair. De même en remplaçant le mot
“pair” par “impair”.
Cela découle du fait que pair × pair = pair et que impair × impair = impair .
(c) Montrer que la différence entre des carrés parfaits successifs est un nombre impair.
(n + 1)2 = n2 + (2n + 1). La figure ci-dessous illustre le cas n = 4. On remarquera que
le nombre impair qui constitue la différence croı̂t avec n.

(d) Montrer que n2 − n est pair, quel que soit l’entier n.


Remarquons que n2 − n = n(n − 1). Il y a deux cas à examiner. Si n est pair, donc de
la forme 2k, alors n2 − n = 2k(2k − 1) = 2m, avec m = k(2k − 1). Et si n est impair,
donc n = 2k + 1, alors n2 − n = (2k + 1)2k = 2p, avec p = k(2k + 1). Dans les deux cas,
n2 − n est divisible par 2.
(e) Montrer que n2 − 1 est divisible par 8 lorsque n est impair.
Nous écrivons n2 − n = (n + 1)(n − 1). Il est commode de voir les entiers impairs comme
étant de la forme 4k + 1 ou 4k + 3. Si n = 4k + 1, alors n2 − 1 = (4k + 2)4k = 8m,
avec m = k(2k + 1). Et si n = 4k + 3, alors n2 − 1 = (4k + 4)(4k + 2) = 8p, avec
p = (k + 1)(2k + 1). Dans les deux cas, n2 − n est divisible par 8.
(f) Montrer qu’il n’existe pas d’entier n tel que 4 | (n2 + 2).
1.2. THÉORIE DES NOMBRES 9

Si n = 2k, alors n2 + 2 = 4k 2 + 2. Comme 4k 2 est un multiple de 4, le multiple de 4


suivant est donc 4k 2 + 4, ce qui fait que 4k 2 + 2 ne peut être un multiple de 4. Et si
n = 2k + 1, alors n2 + 2 = 4k 2 + 4k + 1 + 2 = 4(k 2 + k) + 3 ; comme précédemment, ce
nombre ne peut pas être un multiple de 4.

3. La division euclidienne.
Le résultat suivant joue un rôle fondamental en théorie des nombres ; il nous dit com-
ment diviser dans ZZ.
Soit a et b deux entiers, a > 0 ; alors il existe des entiers q (le quotient) et r (le reste),
tous deux uniques, tels que b = qa + r, où 0 ≤ r < a ; de plus, si a  | b, alors 0 < r < a.
Exemples:
(a) a = 3 et b = 14 ; alors 14 = 4 × 3 + 2.
(b) a = 3 et b = −14 ; alors −14 = −5 × 3 + 1.

La division par 2 donne deux restes possibles : 0 ou 1. Les entiers sont donc de la
forme 2k (les pairs) ou 2k + 1 (les impairs). De même, en divisant par 3, on voit que
les entiers sont soit de la forme 3k, soit 3k + 1, soit 3k + 2.
Exemple:
Montrer qu’à l’exception de 2 et de 3, tout nombre premier est voisin d’un multiple de 6.
Répartissons les naturels en six catégories, selon leur reste dans la division par 6 ; ils sont
donc de l’une des formes suivantes :

6k, 6k + 1, 6k + 2, 6k + 3, 6k + 4, 6k + 5.

Mais remarquons que 6k + 2 et 6k + 4 sont forcément divisibles par 2, que 6k + 3 est divisible
par 3 et bien sûr que 6k est divisible par 6. Les seules catégories qui ne sont pas éliminées
a priori sont 6k + 1 et 6k + 5. Et on peut réécrire 6k + 5 comme 6(k + 1) − 1. Ceci montre
donc que tout premier, sauf 2 et 3, est de la forme 6j ± 1 où j ∈ IN∗ .
Par exemple, 29 = 6 · 5 − 1 et 31 = 6 · 5 + 1.
4. Le plus grand commun diviseur de deux entiers.
Soit a et b deux entiers différents de zéro. Le plus grand commun diviseur (pgcd) de
a et b est l’unique entier positif g qui divise à la fois a et b et qui est tel que si c | a et
c | b, alors c ≤ g. On le désigne par le symbole pgcd(a, b), ou tout simplement — si le
contexte ne porte pas à confusion avec la notion de couple — par (a, b).
Exemples:
(9, 24) = 3, (9, −18) = 9, (9, 14) = 1 .
Voici quelques propriétés du pgcd de deux nombres.
(i) Si c | a et c | b, alors c | (a, b) ;
(ii) (a, b) = (b, a) ;
(iii) pour chaque entier positif m, on a (ma, mb) = m(a, b) ;
 
a b
(iv) si g = (a, b), alors ,
g g
= 1;
(v) (a, b + ma) = (a, b), pour m ∈ ZZ.
10 CHAPITRE 1. UN COFFRE D’OUTILS

Démonstration:
Nous démontrons la propriété (v). Posons d = (a, b) et g = (a, b + ma). Puisque d | a et d | b,
alors d | (b + ma). Mais alors d | g est une conséquence de d | a et de d | (b + ma). Par ailleurs,
g | a et g | (b + ma) impliquent que g | a et g | b, donc g | d. Comme d | g et g | d et que d et
g sont positifs, on conclut que d = g.
Puisque 1 | a et 1 | b, on a toujours (a, b) ≥ 1. On dit de deux entiers a et b qu’ils
sont relativement premiers lorsque (a, b) = 1. Par exemple, 9 et 14 sont relativement
premiers.
(vi) (a, a + 1) = 1 ;
(vii) si (a, b) = 1 et a | bc, alors a | c ;
(viii) si (a, b) = 1 et (a, c) = 1, alors (a, bc) = 1.

Démonstration:
Nous démontrons la propriété (vi). Soit d est un diviseur commun de a et a + 1. Comme
a = dk pour un certain k, le multiple suivant de d est d(k + 1) = a + d ; mais ce multiple ne
peut coı̈ncider avec a + 1 que si d = 1. (Les propriétés (vii) et (viii) peuvent se démontrer en
considérant les factorisations premières des nombres en cause.)

5. L’algorithme d’Euclide.
Conjuguons la propriété (v) de la section qui précède avec la relation de division eu-
clidienne : si r est le reste de la division de u par v, c’est-à-dire si u = qv + r, on a
alors
(u, v) = (v, r) .
Appliquant cette égalité à répétition, on obtient ainsi une méthode commode de calcul
d’un pgcd : l’algorithme d’Euclide.
Exemple:
Voici comment trouver (867, 748).

867 = 1 × 748 + 119


748 = 6 × 119 + 34
119 = 3 × 34 + 17
34 = 2 × 17 + 0 .

Il s’ensuit que (867, 748) = (748, 119) = (119, 34) = (34, 17) = (17, 0) = 17.
Ces mêmes calculs nous permettent de voir que le pgcd de a et b peut toujours s’écrire
sous la forme
(a, b) = xa + yb
pour des entiers x et y convenablement choisis.
Exemple:
Reprenons le calcul précédent, mais en le parcourant de bas en haut.

17 = 119 − 3 · 34
1.2. THÉORIE DES NOMBRES 11

= 119 − 3 · (748 − 6 · 119)


= 19 · 119 − 3 · 748
= 19 · (867 − 748) − 3 · 748
= 19 · 867 − 22 · 748 .

L’algorithme d’Euclide peut s’appliquer à des entiers exprimés sous une forme générale.
Exemple:
21k + 4
Montrer que pour tout entier k, la fraction est irréductible.
14k + 3
Nous utilisons l’algorithme d’Euclide pour montrer que le numérateur et le dénominateur
sont relativement premiers.

21k + 4 = 1 · (14k + 3) + (7k + 1)


14k + 3 = 2 · (7k + 1) + 1 .

On a donc pgcd(21k + 4, 14k + 3) = 1.


On définit de façon analogue le pgcd de plusieurs entiers. Par exemple, (9, 15, 24) = 3.
On peut vérifier que (a, b, c) = ((a, b), c).
6. Le plus petit commun multiple de deux entiers.
Soit a et b deux entiers non nuls. On dit que c est un multiple commun de a et b si
a | c et b | c ; le plus petit commun multiple (ppcm) de a et b, dénoté par ppcm[a, b] ou
encore tout simplement par [a, b], est le plus petit entier positif parmi tous les multiples
communs de a et b. Il satisfait les propriétés suivantes :
(i) Si a | c et b | c, alors [a, b] | c ;
(ii) [a, b] = [b, a] ;
(iii) si m > 0, alors [ma, mb] = m[a, b].
Une égalité remarquable relie le pgcd et le ppcm de deux entiers :

(a, b) · [a, b] = |ab| .

7. La représentation des entiers dans une base donnée.


Chacun sait fort bien ce que représente le symbole 8243 : il s’agit d’une abréviation
pour l’expression

(∗) 8 × 103 + 2 × 102 + 4 × 101 + 3 × 100 .

Mais pour être plus précis, il faudrait peut-être écrire (8243)dix afin de signifier qu’il
s’agit bien d’un symbole numérique interprété dans le système décimal : notre base
usuelle de numération est la base dix (comme dans dix doigts !).
Exemple:
Trouver un nombre dont l’écriture dans le système décimal comporte six chiffres et tel qu’en
12 CHAPITRE 1. UN COFFRE D’OUTILS

intervertissant (en bloc) les trois premiers chiffres avec les trois derniers, on se trouve à le
multiplier par un facteur de 6.
Posons n = 1000x+y, où x et y sont des nombres à trois chiffres. La manipulation décrite dans
la donnée revient à introduire le nombre 1000y + x. Par hypothèse, 1000y + x = 6(1000x + y),
de sorte que 5999x = 994y. Simplifiant par 7 = (5999, 994) (calculé par exemple à l’aide de
l’algorithme d’Euclide), on obtient 857x = 142y. On a donc 857 | 142y ; mais puisque 857
et 142 sont relativement premiers, il s’ensuit que 857 | y. Mais n’oublions pas que y est un
nombre à trois chiffres, ce qui entraı̂ne que y = 857. On en tire que x = 142, de sorte que
n = 142 857.
Revenons au nombre (8243)dix ; comment ce même nombre se représente-t-il dans
d’autres bases, par exemple en base deux (numération binaire) ? Il s’agit de trouver
une expression analogue à (∗) mais dans laquelle interviennent des puissances de 2. Il
y a plusieurs façons de procéder ; en voici une.
On cherche d’abord la plus grande puissance de 2 n’excédant pas 8243. Comme 8192 =
213 , on a donc 8243 = 213 + 51. On fait de même avec 51, et ainsi de suite. On obtient
alors successivement

8243 = 213 + 51
= 213 + 25 + 19
= 213 + 25 + 24 + 3
= 213 + 25 + 24 + 21 + 20
= (10000000110011)deux .

De manière générale, étant donné un entier b ≥ 2 (la base de numération), tout nombre
entier positif n peut s’écrire de manière unique sous la forme

n = ak bk + ak−1 bk−1 + · · · + a2 b2 + a1 b + a0 ,

où les ai sont des naturels satisfaisant à 0 ≤ ai < b. Les chiffres ai forment ce qu’on
appelle le développement de n en base b, que l’on écrit habituellement sous la forme

n = (ak ak−1 . . . a2 a1 a0 )b .

Lorsque b > 10, on doit introduire de nouveaux chiffres pour représenter les nombres
“dix”, “onze”, etc. En base douze, par exemple, on pourra prendre A pour dix et B
pour onze.
Exemples:
Voici le développement de quarante-sept dans diverses bases :
(47)dix , (101111)deux , (1202)trois , (233)quatre , (142)cinq , (57)huit , (3B)douze .
Les méthodes de calcul familières en numération décimale se transposent facilement
aux bases autres que dix. Mais certaines pratiques doivent cependant être revues.
Exemples:
(a) Voici une multiplication par trois en base trois :
1222 × 10 = 12220.
1.2. THÉORIE DES NOMBRES 13

(b) Voici quelques puissances de quatre exprimées en base quatre :


102 = 100, 103 = 1000, 104 = 10000, etc.
(c) Le nombre (232)cinq est impair même s’il se termine par un chiffre pair : il faut donc
reviser les critères de divisibilité, car ils dépendent de la représentation des nombres,
donc de la base de numération.

8. Représentation des réels.


Le système de représentation des entiers en base b peut se prolonger aux nombres réels
par l’introduction de termes correspondant aux puissances négatives de la base. Tout
réel r peut se représenter sous la forme d’une “somme infinie”

r = ak bk + ak−1 bk−1 + · · · + a2 b2 + a1 b + a0 + a−1 b−1 + a−2 b−2 + a−3 b−3 + · · · ,

où chaque ai est un naturel tel que 0 ≤ ai < b. Le développement de r s’écrit habituel-
lement sous la forme suivante, à l’aide d’une virgule :

r = (ak ak−1 . . . a2 a1 a0 ,a−1 a−2 a−3 . . .)b .

Exemples:
(a) En base dix,
4 38= 4,3750000 . . . = 4,375;
1
11 = 0,09090909 . . . = 0,09;

2 = 1,4142135623730950488016887 . . . .
 
1
(b) Voici le développement de la fraction 4 dix dans diverses bases :
(0,01)deux , (0,02)trois , (0,1)quatre , (0,1)cinq , (0,13)six ,
(0,15)sept , (0,2)huit , (0,2)neuf , (0,25)dix , (0,28)onze .

Pour que cette méthode de représentation des réels produise un développement unique
pour chaque réel r, il faut exiger qu’il n’y ait pas d’entier m tel que ak = b − 1 pour
tout k < m. Sinon, on aurait, par exemple en base dix, 1 = 0,9 ; en effet,

1
0,99999 . . . = 9 × 0,11111 . . . = 9 × = 1.
9

9. Les nombres premiers.


Un entier p > 1 est appelé un nombre premier (ou tout simplement un premier ) s’il
possède exactement deux diviseurs, à savoir 1 et p. Un entier plus grand que 1 qui n’est
pas premier est dit composé.
Voici la liste des nombres premiers p < 200 :

2, 3, 5, 7, 11, 13, 17, 19, 23, 29, 31, 37, 41, 43, 47, 53, 59, 61, 67,
71, 73, 79, 83, 89, 97, 101, 103, 107, 109, 113, 127, 131, 137, 139,
149, 151, 157, 163, 167, 173, 179, 181, 191, 193, 197, 199.
14 CHAPITRE 1. UN COFFRE D’OUTILS

Exemple:
Montrer que pour tout premier p > 2, 24 | (p3 − p).
On a que p3 − p = (p − 1)p(p + 1). Comme p est impair, p − 1 et p + 1 sont donc deux pairs
consécutifs, l’un d’eux étant un multiple de 4. Par ailleurs, l’un des trois nombres p − 1, p ou
p + 1 est un multiple de 3. Il s’ensuit donc que (p − 1)p(p + 1) est divisible à la fois par 8 et
par 3.
La propriété fondamentale des nombres premiers est la suivante :
Si p est premier et si p | ab, alors p | a ou p | b.
Autrement dit, lorsqu’un nombre premier est “contenu” (multiplicativement parlant)
dans un produit de deux facteurs, il est tout entier dans l’un des facteurs. Cela n’est
pas vrai d’un nombre composé : par exemple, 12 | 6 · 8, mais 12  | 6 et 12  | 8.
On tire comme conséquences de cette propriété des premiers que
– si un nombre premier divise le produit de plusieurs nombres, alors il divise au moins
l’un de ces nombres ;
– si un nombre premier divise le produit de plusieurs nombres premiers, alors il est
l’un de ces nombres premiers.
10. Le théorème fondamental de l’arithmétique.
Tout nombre naturel n > 1 peut s’écrire comme un produit de nombres premiers, et
cette représentation est unique, à part l’ordre dans lequel les facteurs premiers sont
disposés. (Une telle représentation s’appelle la factorisation première, ou décomposition
en facteurs premiers, du nombre n.)
Ce théorème affirme que dans l’ensemble des nombres naturels, la factorisation en
nombres premiers est unique. Ce résultat peut sembler banal, mais il n’en est rien. En
effet, il arrive que dans d’autres ensembles où on peut définir une notion de “nombres
entiers” et une notion de “nombres premiers”, la factorisation d’un entier en produit
de nombres premiers n’est pas unique. En voici un exemple classique. Considérons
l’ensemble E = {2n : n ∈ IN∗ }, l’ensemble des nombres pairs positifs ; par analogie
avec le cas usuel, un élément m de E est considéré comme premier seulement si m
n’est pas le produit de deux nombres de E. Ainsi les nombres premiers de E sont :
2, 6, 10, 14, 18, 22, 26, 30, . . . . Or 60 ∈ E et 60 peut s’écrire comme 2 × 30 ou encore
comme 6 × 10. Il s’ensuit que la factorisation en nombres premiers dans cet ensemble
n’est pas unique.
Il est souvent plus commode d’énoncer le théorème fondamental de l’arithmétique de
la façon suivante : Tout nombre naturel n > 1 peut s’écrire de manière unique sous la
forme
n = q1α1 q2α2 . . . qrαr
où les qi sont premiers et distincts et où les αi sont des entiers ≥ 1. (L’exposant ai
s’appelle la “multiplicité” de qi dans n.) Il est d’usage de prendre q1 < q2 < · · · < qr .
On appelle souvent cette dernière représentation la forme canonique du naturel n. Par
exemple, la forme canonique de 60 est 60 = 22 · 3 · 5. La forme canonique d’un entier
z < −1 s’obtient en précédant du signe − la forme canonique de |z|. Par exemple,
−72 = −(23 · 32 ).
1.2. THÉORIE DES NOMBRES 15

L’unicité de la factorisation première intervient dans de nombreux arguments.


Exemple:
Trouver tous les premiers p tels que 17p + 1 est un carré parfait.
Si 17p + 1 = n2 , alors 17p = n2 − 1 = (n + 1)(n − 1). On a donc un certain nombre qui est
exprimé d’une part comme un produit de deux premiers, 17p, et d’autre part un produit de
deux entiers, (n + 1)(n − 1). En vertu de l’unicité de la factorisation première, on en conclut
que ou bien 17 = n + 1 et p = n − 1, ou bien 17 = n − 1 et p = n + 1. Dans le premier cas,
on trouve p = 15, ce qui ne va pas puisqu’on cherche un premier. Dans le deuxième cas, on
a p = 19 ; il s’agit là de la seule solution possible, qui correspond à 324 = 182 .
11. Quelques applications de la factorisation première.
Plusieurs questions en théorie des nombres trouvent facilement réponse lorsque les
entiers que l’on considère sont donnés comme des produits de nombres premiers. En
voici quelques exemples.
Un naturel n = q1α1 q2α2 . . . qrαr est un carré parfait si, et seulement si, chacun des expo-
sants αi est pair. De même, n est un cube parfait si, et seulement si, αi est un multiple
de 3 pour tout i.
Exemple:

Soit des naturels n et k ≥ 2. Montrer k n est un nombre irrationnel sauf dans le cas où n est
une k e puissance parfaite.
Supposons au contraire que n n’est pas une k e puissance parfaite mais que

k
a
n=
b

pour des entiers a et b. Élevant à la puissance k de chaque côté, on obtient alors

(∗) ak = nbk .

Comme n n’est pas une k e puissance parfaite, l’exposant d’(au moins) un de ses diviseurs
premiers n’est pas un multiple de k ; soit q0 , un tel premier et soit ν0 son exposant dans la
factorisation première de n.
L’exposant de q0 dans ak est de la forme kα0 , un multiple de k. De même l’exposant de q0
dans bk est de la forme kβ0 , de sorte que son exposant dans nbk est ν0 + kβ0 . Mais en vertu
du théorème fondamental de l’arithmétique (partie unicité), l’égalité (∗) entraı̂ne que

kα0 = ν0 + kβ0 ,

ce qui est impossible puisque ν0 n’est pas un multiple de k. Il nous faut donc rejeter l’hy-

pothèse que k n est rationnel.
La connaissance de deux entiers a et b via leur factorisation première permet de trouver
facilement leur pgcd et leur ppcm. En effet, modifions légèrement leur forme canonique
a = q1α1 q2α2 . . . qrαr et b = q1β1 q2β2 . . . qrβr en permettant aux exposants αi et βj de prendre
la valeur 0, de sorte qu’on puisse comparer une à une les multiplicités des divers nombres
premiers apparaissant dans l’une et l’autre factorisation. On voit alors que
min(α1 ,β1 ) min(α2 ,β2 )
(a, b) = q1 q2 . . . qrmin(αr ,βr )
16 CHAPITRE 1. UN COFFRE D’OUTILS

et
max(α1 ,β1 ) max(α2 ,β2 )
[a, b] = q1 q2 . . . qrmax(αr ,βr ) .

Exemple:
Soit a = 60 et b = 294. Comme 60 = 22 · 31 · 51 et 294 = 21 · 31 · 72 , on peut écrire

60 = 22 · 31 · 51 · 70 , 294 = 21 · 31 · 50 · 72 .

On trouve donc (60, 294) = 2min(2,1) · 3min(1,1) · 5min(1,0) · 7min(0,2) = 21 · 31 · 50 · 70 = 6 et


[60, 294] = 2max(2,1) · 3max(1,1) · 5max(1,0) · 7max(0,2) = 22 · 31 · 51 · 72 = 2940.
On remarquera que les formules précédentes pour le calcul d’un pgcd et d’un ppcm
fournissent un preuve directe de la relation

(a, b) · [a, b] = |ab|.

Démonstration:
Illustrons la chose à l’aide de l’exemple précédent.

(60, 294) · [60, 294] = (21 · 31 · 50 · 70 ) · (22 · 31 · 51 · 72 )


= (22 · 31 · 51 · 70 ) · (21 · 31 · 50 · 72 )
= 60 · 294.

En effectuant le produit (a, b) · [a, b], chaque premier qi survient donc à deux reprises : une
fois avec l’exposant dont il est affecté dans la factorisation première de a et une autre fois
avec l’exposant dans b (pensons au fait qu’on a mis min(αi , βi ) dans le pgcd et max(αi , βi )
dans le ppcm).
r αi
Il est facile de voir que le nombre de diviseurs distincts de n = i=1 qi est donné par


r
(αi + 1) ;
i=1

en effet, les seuls nombres premiers pouvant figurer dans la factorisation première d’un
diviseur de n sont q1 , q2 , . . . , qn , chaque qi pouvant survenir 0, 1, . . . , αi fois. On peut
aussi montrer, mais cela est un peu plus difficile, que la somme des diviseurs de n est
 α +1 

r i
qi −1
.
i=1 qi − 1

Exemple:
120 = 23 · 3 · 5 a 4 · 2 · 2 = 16 diviseurs : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 8, 10, 12, 15, 20, 24, 30, 40, 60, 120. Leur
somme est
24 − 1 32 − 1 52 − 1
· · = 15 · 4 · 6 = 360 .
2−1 3−1 5−1
1.2. THÉORIE DES NOMBRES 17

12. L’infinitude des nombres premiers.


Environ trois cents ans av. J.-C., Euclide a démontré qu’il existe une infinité de nombres
premiers. La démonstration de ce résultat est si simple et si élégante que nous la
présentons brièvement. On utilise ici la technique de “preuve par contradiction”.
Démonstration:
Nous supposons le contraire, c’est-à-dire qu’il existe seulement un nombre fini de nombres
premiers, disons p1 , p2 , . . . , pk , et nous considérons le nombre

N = p1 p2 . . . pk + 1.

Si N est premier, on a donc trouvé un nombre premier plus grand que tout élément de la
liste p1 , p2 , . . . , pk , ce qui constitue une contradiction. Si, par contre, N est composé, N peut
donc s’écrire comme un produit de nombres premiers ; mais comme p1 , p2 , . . . , pk sont les
seuls premiers existants, il doit exister un i (1 ≤ i ≤ k) tel que pi | N ; mais alors il découle
de la définition de N que pi | 1, ce qui est à nouveau une contradiction. On a donc le résultat
désiré.
Les nombres construits comme le N dans cette démonstration sont parfois premier
(2 · 3 · 5 · 7 · 11 + 1 = 2311), mais pas toujours (2 · 3 · 5 · 7 · 11 · 13 + 1 = 30 031 = 59 · 509).
Mais dans tous les cas un “nouveau” premier survient.
La même technique de démonstration permet d’établir qu’il existe une infinité de
nombres premiers de la forme 4n + 3. Il est également vrai qu’il existe une infinité
de premiers de la forme 4n + 1, mais l’approche précédente ne saurait en fournir
une démonstration. Ce résultat peut cependant être vu comme une conséquence d’un
théorème général dû à Dirichlet (1837) : Soit deux entiers positifs a et b tels que
(a, b) = 1 ; alors il existe une infinité de nombres premiers de la forme an + b.
Observons qu’il est possible de trouver des suites aussi longues que l’on veut d’entiers
consécutifs qui sont tous composés ; en effet, les k naturels

(k + 1)! + 2, (k + 1)! + 3, . . . , (k + 1)! + (k + 1)

sont tous composés, puisque pour 2 ≤ n ≤ k + 1, on a que (k + 1)! + n est divisible par
n tout en étant différent de n.
13. Les congruences.
La notion de congruence, qui constitue un outil de base en théorie des nombres, a été
introduite par le grand mathématicien allemand Carl Friedrich Gauss en 1801. On lui
doit la notation qui prévaut encore de nos jours.
Soit m un entier positif. Si a et b sont deux entiers, on dit que a est congru à b modulo m
si les restes obtenus lors de la division de a et de b par m sont les mêmes ; on écrit alors
a ≡ b (mod m). Dans le cas contraire, on écrit a ≡ b (mod m). On a l’équivalence
suivante :
a ≡ b (mod m) ⇐⇒ m | (a − b).

Exemples:
(a) 19 ≡ 9 (mod 10), 1 ≡ −11 (mod 12), 32 ≡ 4 ≡ −1 (mod 5).
18 CHAPITRE 1. UN COFFRE D’OUTILS

(b) n est pair ⇐⇒ n ≡ 0 (mod 2).

La manipulation des congruences repose sur les propriétés suivantes, qui se démontrent
facilement à partir de la définition.

(i) a ≡ a (mod m) ;
(ii) a ≡ b (mod m) si et seulement si b ≡ a (mod m) ;
(iii) si a ≡ b (mod m) et b ≡ c (mod m), alors a ≡ c (mod m) ;
(iv) si a ≡ b (mod m) et k | m, k > 0, alors a ≡ b (mod k) ;
(v) a ≡ b (mod m1 ) et a ≡ b (mod m2 ) si et seulement si
a ≡ b (mod [m1 , m2 ]) ;
(vi) si a ≡ b (mod m) et c ≡ d (mod m), alors
a + c ≡ b + d (mod m) et a − c ≡ b − d (mod m) ;
(vii) si a ≡ b (mod m) et c ≡ d (mod m), alors ac ≡ bd (mod m).

Démonstration:
Nous démontrons la propriété (v).
(⇒) Puisque, par hypothèse, m1 | (a − b) et m2 | (a − b), alors a − b est un multiple commun
de m1 et m2 . Conséquemment, [m1 , m2 ] | (a − b).
(⇐) On a par hypothèse que [m1 , m2 ] | (a − b). Mais comme m1 | [m1 , m2 ] et m2 | [m1 , m2 ],
on a donc que mi | (a − b), i = 1, 2.

Les congruences peuvent donc s’additionner, se soustraire et se multiplier. Mais pour


la division, il faut être un peu plus prudent.
Exemple:
6 10
6 ≡ 10 (mod 4) et 2 ≡ 2 (mod 4) ; mais 2 = 3 ≡ 5 = 2 (mod 4).
On a cependant les propriétés suivantes :

(viii) si ac ≡ bc (mod m) et (c, m) = 1, alors a ≡ b (mod m) ;


(ix) si ac ≡ bc (mod m), alors a ≡ b (mod m/d), où d = (c, m).

Démonstration:
(viii) Puisque par hypothèse ac ≡ bc (mod m), on a donc m | c(a−b). Et comme (c, m) = 1,
il s’ensuit que m | (a − b), c’est-à-dire a ≡ b (mod m).
m c c
(ix) On a, comme dans le cas précédent, m | c(a − b), d’où | · (a − b). Et comme et
d d d
m m
sont relativement premiers, on a donc | (a − b).
d d
Il résulte des propriétés précédentes que si a ≡ b (mod m), alors pour tout naturel
n, an ≡ bn (mod m) ; plus généralement, si P est un polynôme à une variable et à
coefficients entiers, alors a ≡ b (mod m) entraı̂ne que P (a) ≡ P (b) (mod m).
Exemples:
1.2. THÉORIE DES NOMBRES 19

(a) Trouver le chiffre des unités dans la représentation décimale de 3400 .


On travaille en congruence modulo 10. Observons d’abord que 34 ≡ 1 (mod 10) ; cela
peut se voir soit en calculant directement 34 = 81, soit à partir de la congruence 3 ≡ 3
(mod 10) que l’on multiple par elle-même : on a successivement 32 ≡ 9 (mod 10),
33 ≡ 27 ≡ 7 (mod 10) et 34 ≡ 21 ≡ 1 (mod 10). Il s’ensuit donc que 3400 = (34 )100 ≡
1100 = 1 (mod 10), de sorte que le chiffre des unités de 3400 est 1.
(b) Trouver le chiffre des unités dans la représentation décimale de 3345 .
On utilise comme précédemment le fait que 34 ≡ 1 (mod 10). Alors
3345 = 34·86+1 = (34 )86 · 31 ≡ 3 (mod 10).
Le chiffre des unités de 3345 est donc 3.
(c) Montrer que 3 · 2101 + 9 est un multiple de 7.
Puisque 2101 = 299+2 = (23 )33 · 2 et que 23 ≡ 1 (mod 7), on a
3 · 2101 + 9 ≡ 3 · 133 · 4 + 9 ≡ 12 + 9 ≡ 0 (mod 7),
d’où la conclusion.
(d) Trouver le reste de la division de 737 par 17.
Voici une façon de trouver le reste
72 ≡ −2 (mod 17),
74 ≡ (−2)2 ≡ 4 (mod 17),
78 ≡ 42 ≡ −1 (mod 17),
732 ≡ (−1)4 ≡ 1 (mod 17),
736 ≡ 732 · 74 ≡ 4 (mod 17),
737 ≡ 736 · 7 ≡ 4 · 7 ≡ 28 ≡ 11 (mod 17).
Cet exemple montre qu’il est parfois utilise de travailler avec les négatifs dans un tel
contexte.
(e) Montrer que 232 + 1 = 4 294 967 297 est divisible par 641.
5
Il s’agit du nombre de Fermat F5 = 22 + 1. Avec un brin d’astuce, les congruences
ramènent cette vérification à quelques manipulations élémentaires.
Puisque 641 = 5 · 27 + 1, on a donc 5 · 27 ≡ −1 (mod 641). Élevant à la 4e puissance,
on obtient
54 · 228 ≡ 1 (mod 641).
Par ailleurs observons que 641 = 54 + 24 , de sorte que 54 ≡ −24 (mod 641). En
substituant dans la congruence précédente, on trouve −232 ≡ 1 (mod 641), c’est-à-
dire
232 + 1 ≡ 0 (mod 641).
Remarque : Pierre de Fermat a émis en 1640 la conjecture que tout nombre de la forme
n
22 + 1 est premier, ce qui est le cas pour les premières valeurs de n :
F0 = 3, F1 = 5, F2 = 17, F3 = 257 et F4 = 65 537.
Un siècle plus tard, Leonhard Euler (1707–1783) a réfuté la conjecture de Fermat en
montrant que F5 = 641 × 6 700 417. On ne sait toujours pas aujourd’hui si, à part les
cinq valeurs précédentes, il existe d’autres nombres premiers de cette forme. On sait
cependant que pour 5 ≤ n ≤ 23, Fn est composé.
20 CHAPITRE 1. UN COFFRE D’OUTILS

14. Quelques applications des congruences.


Nous présentons ici quelques résultats qui découlent facilement des propriétés des
congruences.
Tout carré parfait est de la forme 4k ou de la forme 4k + 1.
En effet, 
2 0 (mod 4) si n est pair,
n ≡
1 (mod 4) si n est impair,
puisque (2j)2 = 4j 2 ≡ 0 (mod 4) et (2j + 1)2 = 4j 2 + 4j + 1 ≡ 1 (mod 4).
Tout carré parfait est de l’une des formes 8k, 8k + 1 ou 8k + 4.
En effet, ⎧

⎨ 0 (mod 8) si n ≡ 0 (mod 4),
2
n ≡⎪ 4 (mod 8) si n ≡ 2 (mod 4),

1 (mod 8) si n est impair.
Pour le dernier cas, observons que

j(j + 1)
(2j + 1)2 = 4j 2 + 4j + 1 = 4j(j + 1) + 1 = 8 · + 1 = 8Tj + 1,
2
où Tj est le j e nombre triangulaire.
À l’aide des congruences, on peut établir des critères (ou caractères) de divisibilité,
c’est-à-dire des règles permettant d’identifier facilement les naturels qui sont divisibles
par un naturel m fixe. (Soulignons que de fait, ces règles nous permettront non seule-
ment de savoir si un nombre est divisible par m, mais plus précisément de trouver le
reste obtenu lors de la division par m.)
Soit donc le naturel n = ak ak−1 . . . a2 a1 a0 donné sous forme de développement décimal
et considérons d’abord le cas m = 3.
n est divisible par 3 si et seulement si ak + ak−1 + · · · + a2 + a1 + a0 est divisible par 3.
En effet, comme

n = ak 10k + ak−1 10k−1 + · · · + a2 102 + a1 10 + a0 ,

il s’agit de regarder les restes modulo 3 des puissances de la base 10. De 10 ≡ 1


(mod 3), il suit que pour tout j, 10j ≡ 1j ≡ 1 (mod 3). n a donc le même reste,
lorsque divisé par 3, que la somme de ses chiffres.
Le même raisonnement montre que
n est divisible par 9 si et seulement si ak + ak−1 + · · · + a2 + a1 + a0 est divisible par 9.
Exemple:
Soit n = 3 456 789. La somme des chiffres de n est 3 + 4 + 5 + 6 + 7 + 8 + 9 = 42. Comme
3 | 42 mais 9  | 42, on a 3 | n et 9  | n. Observons de plus que n ≡ 42 ≡ 0 (mod 3) et que
n ≡ 42 ≡ 6 (mod 9).
n est divisible par 22 (ou encore par 52 ) si et seulement si le nombre a1 a0 l’est.
1.2. THÉORIE DES NOMBRES 21

Observons que 10 = 2 · 5, de sorte que 10j ≡ 0 (mod 22 ) pour j ≥ 2. Le raisonnement


est le même pour 52 . On pourrait généraliser à des puissances quelconques de 2 ou de
5 : n est divisible par 2j (ou par 5j ) si et seulement si le nombre formé des j derniers
chiffres de n l’est.
Exemple:
n = 65 375 est divisible par 5, par 25 et par 125 (puisque 5 | 5, 25 | 75 et 125 | 375), mais pas
par 625 (puisque 625  | 5375).
n est divisible par 11 si et seulement si la somme alternée a0 −a1 +a2 −a3 +· · ·+(−1)k ak
est divisible par 11.
Comme 10 ≡ −1 (mod 11), on a donc que 10j ≡ (−1)j (mod 11). Autrement dit, il
s’agit de faire la différence entre la somme des chiffres aj pour j pair et la somme des
aj pour j impair.
Exemple:
123456789 n’est pas divisible par 11, puisque la somme alternée 9−8+7−6+5−4+3−2+1 = 5
n’est pas divisible par 11. Mais 123 406 789 est divisible par 11, car sa somme alternée est
0, un multiple de 11. Remarquons que 123 456 789 ≡ 5 (mod 11) et que 123 406 789 ≡ 0
(mod 11).
Exactement de la même façon, il est possible d’établir des critères de divisibilité dans
une base b quelconque. Étant donné

n = (ak ak−1 . . . a2 a1 a0 )b ,

on a les cas suivants :


– divisibilité par b ou un diviseur de b :
si d | b et si j ≤ k, alors n = (ak ak−1 . . . a2 a1 a0 )b est divisible par dj si et seulement
si (aj−1 . . . a2 a1 a0 )b est divisible par dj ;
– divisibilité par b − 1 ou un diviseur de b − 1 :
si d | (b − 1), alors n = (ak ak−1 . . . a2 a1 a0 )b est divisible par d si et seulement si
ak + ak−1 + · · · + a2 + a1 + a0 est divisible par d ;
– divisibilité par b + 1 ou un diviseur de b + 1 :
si d | (b + 1), alors n = (ak ak−1 . . . a2 a1 a0 )b est divisible par d si et seulement si
a0 − a1 + a2 − a3 + · · · + (−1)k ak est divisible par d.
Exemples:
Soit n = (234 560)neuf .
(a) n est divisible par 33 , puisque 33 | (560)neuf . En effet, en base neuf, 560 = 30 · 18.
(b) n est divisible par 4, puisque la somme 2 + 3 + 4 + 5 + 6 + 0 = (22)neuf est un multiple
de 4.
(c) n n’est pas divisible par 5. La somme alternée 0 − 6 + 5 − 4 + 3 − 2 = −4 n’est pas un
multiple de 5. Notons que (234 560)neuf ≡ −4 ≡ 1 (mod 5).

15. Les équations diophantiennes.


Une équation diophantienne (ainsi nommée en l’honneur de Diophante, mathématicien
grec qui a vécu au cours du 3e siècle apr. J.-C.) est une équation de la forme P (x, y, z, . . .) =
22 CHAPITRE 1. UN COFFRE D’OUTILS

0, où P est un polynôme à coefficients entiers, dont on cherche à connaı̂tre les solu-
tions entières, s’il y en a. Il n’existe pas de méthode générale pour trouver les solutions
d’une équation diophantienne quelconque, lorsqu’elle en a. Et même plus : il n’existe
pas de méthode permettant de déterminer si une équation diophantienne quelconque
possède ou non des solutions dans ZZ (sans qu’on se préoccupe pour autant d’identifier
ces solutions). Ce résultat, qui apporte une réponse négative au célèbre “10e problème
de Hilbert”, a été établi en 1970 par le mathématicien russe Yuri V. Matiyasevich,
alors âgé de 22 ans ; la technique de la démonstration repose sur des développements
récents en logique mathématique.
L’équation diophantienne la plus célèbre est sans aucune doute l’équation xn + y n =
z n , où l’exposant n est un entier positif. Lorsque n = 1 ou n = 2, cette équation
possède des solutions entières (en fait, une infinité de solutions entières). Pierre de
Fermat (1601–1665) avait affirmé que pour n’importe quel n ≥ 3, cette équation ne
possède pas de solutions dans ZZ∗ , les entiers non nuls. Cette conjecture a fait l’objet
de recherches intenses au fil des ans, mais ce n’est qu’en 1993 qu’Andrew Wiles en a
donné une démonstration dans laquelle interviennent des outils complexes et puissants
de la théorie des nombres moderne.
Il est parfois possible, à l’aide des congruences, de montrer que certaines équations
diophantiennes n’ont pas de solution.
Exemple:
Montrer que l’équation diophantienne x2 − 8y 2 = 3 n’a pas de solution.
Si u et v étaient des entiers tels que u2 − 8v 2 = 3, on aurait alors, pour tout entier m positif,
u2 ≡ 8v 2 + 3 (mod m). Mais cela ne fonctionne pas lorsqu’on prend m = 8, car on aurait
u2 ≡ 3 (mod 8), ce qui est impossible car un carré est congruent, modulo 8, à 0, 1 ou 4.
Nous nous concentrons ici sur deux cas importants d’équations diophantiennes, l’équa-
tion diophantienne linéaire à deux variables ax + by = c, avec a, b ∈ ZZ∗ , et l’équation
pythagoricienne x2 + y 2 = z 2 .
16. L’équation ax + by = c.
Soit donc des entiers a, b et c avec a et b non nuls. Résoudre l’équation diophantienne
ax + by = c revient à rechercher des points à coordonnées entières appartenant à une
certaine droite. Observons d’abord le fait suivant : L’équation ax + by = c possède des
solutions dans ZZ si, et seulement si, (a, b) | c.
Démonstration:
Posons g = (a, b), avec a = ge et b = gf .
(⇒) Soit une solution (x0 , y0 ) de l’équation ; on a alors c = ax0 + by0 = gex0 + gf y0 =
g(ex0 + f y0 ), de sorte que g | c.
(⇐) Supposant maintenant que g | c, posons c = gh. Comme g est le pgcd de a et b, on sait
qu’il existe des entiers x et y  tels que g = ax + by  . Mais alors c = gh = a(x h) + b(y  h), de
sorte que x = x h et y = y  h constituent une solution de l’équation ax + by = c.
Soit maintenant d = (a, b) et supposons que d | c, c’est-à-dire que l’équation ax+by = c
possède des solutions entières. Posant a = da , b = db et c = dc , on a donc (a , b ) = 1.
Mais par simplification, l’équation ax+by = c devient a x+b y = c ; et réciproquement,
1.2. THÉORIE DES NOMBRES 23

cette dernière se transforme, par multiplication par d, en la première. Il s’agit donc là
de deux équations ayant exactement les mêmes solutions, de sorte qu’il est toujours
possible de travailler avec une équation dont les coefficients sont relativement premiers.
Exemple:
L’équation 14x + 35y = 91 a exactement les mêmes solutions que l’équation 2x + 5y = 13.
Nous voulons maintenant donner la forme générale des solutions de l’équation ax+by =
c lorsque a et b sont relativement premiers. Il est remarquable que la connaissance d’une
seule solution de cette équation permette de les trouver toutes. On a en effet le résultat
suivant : Si (x0 , y0 ) est une solution de l’équation ax + by = c (avec ab = 0, (a, b) = 1),
alors toute solution (x, y) de cette équation est de la forme

x = x0 + bt, y = y0 − at,

où t est un entier.


Démonstration:
L’équation est résoluble, puisque (a, b) = 1 et que 1 | c. Soit donc (r, s), une solution quel-
conque de ax + by = c. Comme c = ax0 + by0 = ar + bs, on a que

(∗) a(r − x0 ) = b(y0 − s),

donc a | b(yo − s). Mais comme (a, b) = 1, on a forcément a | (y0 − s). Il existe donc un entier
t tel que at = y0 − s, c’est-à-dire s = y0 − at. Remplaçant y0 − s par at dans (∗) et simplifiant
par a, on trouve que r = x0 + bt.

Exemple:
On voit, par simple inspection, que (4, 1) est une solution de l’équation 2x + 5y = 13, de sorte
que la solution générale est de la forme x = 4 + 5t, y = 1 − 2t, où t ∈ ZZ.
Revenons à une équation quelconque ax + by = c et posons d = (a, b). Lorsque d | c, on
voit, après simplification par d, que les solutions de cette équation sont données par
b a
x = x0 + · t, y = y0 − · t,
d d
où t est un entier arbitraire et (x0 , y0 ) est une solution particulière de ladite équation.
Exemple:
Soit l’équation 14x + 35y = 91, dont on observe que (4, 1) en est solution. Alors la solution
générale est de la forme
35 14
x=4+ · t = 4 + 5t, y =1− · t = 1 − 2t.
7 7

17. L’équation x2 + y 2 = z 2 .
Étudier les solutions entières de l’équation diophantienne x2 +y 2 = z 2 revient à chercher
tous les triangles rectangles dont les longueurs des côtés sont des entiers, la variable
z correspondant à l’hypoténuse. En l’honneur du mathématicien grec Pythagore (6e
24 CHAPITRE 1. UN COFFRE D’OUTILS

siècle av. J.-C.), on appelle triplet pythagoricien un triplet d’entiers positifs (u, v, w)
tels que x = u, y = v et z = w constituent une solution de cette équation.
Il est clair qu’il existe une infinité de triplets pythagoriciens ; par exemple, on vérifie
facilement que pour n’importe quel entier positif n,

(2n + 1, 2n2 + 2n, 2n2 + 2n + 1)

est solution de l’équation x2 + y 2 = z 2 .


Exemples:
Pour n = 1, 2, 3, 4 et 5, on obtient ainsi les triplets pythagoriciens (3, 4, 5), (5, 12, 13), (7, 24, 25),
(9, 40, 41) et (11, 60, 61).
Une autre façon de se convaincre du fait que l’équation x2 + y 2 = z 2 admet une infinité
de solutions est de constater que si (u, v, w) est un triplet pythagoricien, alors il en est
de même de (ku, kv, kw) pour tout entier positif k.
Exemples:
Partant de (3, 4, 5), on trouve que (9, 12, 15), (12, 16, 20) et (15, 20, 25) sont aussi des triplets
pythagoriciens. (5, 12, 13) donne (10, 24, 26).
La question que nous voulons examiner est de voir s’il est possible de donner une règle
permettant de trouver tous les triplets pythagoriciens. Remarquons que tout triplet
pythagoricien ne relève pas forcément de l’une des deux techniques qui précèdent. Par
exemple (15, 8, 17) n’est ni de la forme (2n + 1, 2n2 + 2n, 2n2 + 2n + 1), ni de la forme
(ku, kv, kw).
Un triplet pythagoricien (u, v, w) est dit primitif lorsque pgcd(u, v, w) = 1.
Exemples:
(3, 4, 5), (5, 12, 13), (15, 112, 113) et (15, 8, 17) sont des triplets pythagoriciens primitifs.
Tout triplet pythagoricien primitif (u, v, w) engendre une infinité de triplets non pri-
mitifs (ku, kv, kw), k = 2, 3, . . . . Réciproquement, tout triplet pythagoricien correspond
à un unique triplet primitif obtenu en divisant u, v et w par leur pgcd. Il suffit donc
de se concentrer sur les triplets pythagoriciens primitifs.
Soit donc un triplet pythagoricien primitif (u, v, w). Il va de soi que u et v ne peuvent
être tous deux pairs. Mais ils ne peuvent non plus être tous deux impairs, car alors
u2 ≡ v 2 ≡ 1 (mod 4), et donc w2 ≡ 2 (mod 4), ce qui est impossible. Il faut donc
que l’un d’eux, disons v, soit pair et l’autre impair. Il s’ensuit que w2 est impair, et
donc w aussi. Nous montrons maintenant que les triplets pythagoriciens primitifs sont
d’une forme bien particulière :
Tout triplet pythagoricien primitif (u, v, w) est de la forme


⎨ u = r 2 − s2 ,
v = 2rs,


w = r 2 + s2 ,

où r et s sont des entiers arbitraires de parité opposée tels que r > s > 0 et (r, s) = 1.
1.2. THÉORIE DES NOMBRES 25

Il est facile de vérifier que tout triplet d’entiers (u, v, w) satisfaisant ces trois équations
est bel et bien un triplet pythagoricien : u2 +v 2 = w2 ; on peut aussi démontrer qu’il est
primitif. Nous voulons maintenant démontrer que les triplets pythagoriciens primitifs
sont tous de cette forme.
Démonstration:
Soit donc (u, v, w) un triplet pythagoricien primitif. Comme v est pair, on a v = 2t, de sorte
que l’égalité u2 + v 2 = w2 peut se réécrire 4t2 = w2 − u2 = (w + u)(w − u). Mais u et w étant
impairs, w + u et w − u sont tous les deux pairs ; on a donc
w+u w−u
(∗) t2 = · ,
2 2
où les facteurs à la droite de (∗) sont non seulement des entiers, mais sont de plus relativement
premiers. En effet, tout facteur qui leur est commun doit aussi diviser leur somme, qui est
w, ainsi que leur différence, qui est u ; mais comme nous avons un triplet primitif, le pgcd
de u et w est 1.
Soit maintenant p, un premier divisant le membre de gauche de (∗) ; l’exposant dont il est
affecté dans la factorisation première de t2 étant pair, il doit en être de même du côté droit
de (∗). Mais aucun premier ne pouvant diviser simultanément les deux facteurs à la droite,
p doit donc se retrouver dans un seul de ces facteurs et y être affecté d’un exposant pair.
Autrement dit, chacun des deux facteurs à la droite de (∗) est un carré parfait, disons
w+u w−u
= r2 et = s2 ,
2 2
où on peut supposer que r et s sont positifs.
Additionnant des deux équations, on trouve w = r2 + s2 , et en soustrayant, u = r2 − s2 .
Puisque u > 0, il s’ensuit que r > s. Comme w est impair, r et s ne peuvent être de la même
parité. On a vu plus haut que r2 et s2 sont relativement premiers, ce qui entraı̂ne qu’il en
est de même pour r et s. Notons enfin que t2 = r2 s2 , de sorte que v = 2t = 2rs.
Il est clair, d’après le résultat précédent, qu’il existe une infinité de triplets pythagori-
ciens primitifs : on n’a qu’à balayer les valeurs possibles de r et de s. Le tableau suivant
donne les triplets obtenus en prenant r ≤ 7.

r s u v w
2 1 3 4 5
3 2 5 12 13
4 1 15 8 17
4 3 7 24 25
5 2 21 20 29
5 4 9 40 41
6 1 35 12 37
6 5 11 60 61
7 2 45 28 53
7 4 33 56 65
7 6 13 84 85
26 CHAPITRE 1. UN COFFRE D’OUTILS

Exemples:
(a) Trouver tous les triplets pythagoriciens primitifs (u, v, w) avec u = 15.
Il s’agit de résoudre l’équation diophantienne w2 − v 2 = 152 . Notons qu’il ne peut y
avoir qu’un nombre fini de solutions, puisque la différence entre des carrés consécutifs
devient de plus en plus grande.
Comme on a 15 = (w + v)(w − v), les deux facteurs à la droite doivent être soit 15 et
1, soit 5 et 3. En résolvant
w + v = 15 et w − v = 1,
on trouve w = 8 et v = 7, ce qui correspond au triplet (15, 112, 113). L’autre cas donne
w = 4 et v = 1, d’où le triplet (15, 8, 17).
(b) Trouver tous les triplets pythagoriciens primitifs (u, v, w) avec v = 28.
Posons v = 2rs. Les seules possibilités pour rs = 14 sont r = 14, s = 1 et r = 7, s = 2,
qui mènent respectivement aux triplets primitifs (195, 28, 197) et (45, 28, 53).
(c) Trouver tous les triplets pythagoriciens (u, v, w) avec v = 28.
Cela revient à chercher tous les triplets pythagoriciens primitifs (a, b, c) pour lesquels il
existe un entier k tel que (ka, kb, kc) est de la forme (u, 28, w). Il s’agit donc de prendre
chacun des diviseurs de 28, à savoir 1, 2, 4, 7, 14 et 28, et de voir s’il peut figurer dans
un triplet pythagoricien primitif.
Soit d’abord d, un diviseur pair de 28. Si d est élément d’un triplet primitif, il doit
donc être de la forme 2rs. Le cas 2rs = 2 est impossible, car on aurait rs = 1 alors
que r et s sont de parité opposée. Le même raisonnement montre qu’on ne peut avoir
2rs = 14. Avec 2rs = 4, on trouve r = 2 et s = 1, qui donne le triplet primitif (3, 4, 5) ;
en multipliant par 7, on obtient alors le triplet (21, 28, 35). Enfin, l’équation 2rs = 28 a
été étudiée dans l’exemple précédent, donnant les deux triplets primitifs (195, 28, 197)
et (45, 28, 53).
Considérons maintenant un diviseur impair d de 28, qui doit être de la forme d =
r2 − s2 . L’équation 1 = r2 − s2 n’a pas de solution dans les entiers positifs. Cependant
7 = r2 − s2 = (r + s)(r − s) donne r = 4 et s = 3, menant au triplet primitif (7, 24, 25).
En multipliant par 4, on obtient le triplet (28, 96, 100), que l’on réécrit (96, 28, 100),
puisqu’on veut avoir v = 28.
Il y a donc quatre solutions au problème : les triplets primitifs (195, 28, 197) et (45, 28, 53),
ainsi que les triplets (21, 28, 35) et (96, 28, 100).

18. La congruence linéaire ax ≡ b (mod m).


Soit une congruence de la forme P (x) ≡ 0 (mod m), où P est un polynôme à co-
efficients entiers et m est un entier positif. Résoudre une telle congruence consiste à
trouver les valeurs entières de x la satisfaisant.
Soit a une solution de la congruence, donc P (a) ≡ 0 (mod m), et supposons que
a ≡ b (mod m) ; alors b est aussi solution : P (b) ≡ 0 (mod m). En effet, cela découle
directement du fait que P (a) ≡ P (b) (mod m). Lorsque P (x) ≡ 0 (mod m) a une
solution, il y en a donc automatiquement une infinité. On s’intéresse évidemment aux
solutions qui ne sont pas congruentes, modulo m, les unes avec les autres.
Lorsque m n’est pas trop grand, il est possible de résoudre de telles congruences par
tâtonnements.
1.2. THÉORIE DES NOMBRES 27

Exemple:
Soit la congruence x3 + x + 2 ≡ 0 (mod 3). On a ici P (x) = x3 + x + 2. Or P (0) = 2 ≡ 2
(mod 3), P (1) = 4 ≡ 1 (mod 3), et P (2) = 12 ≡ 0 (mod 3). On a donc une seule solution,
à savoir x ≡ 2 (mod 3), c’est-à-dire x ∈ {2, 5, 8, . . .}.
Une congruence linéaire à une variable est de la forme ax ≡ b (mod m). L’étude de
telles congruences revient à celle d’équations diophantiennes linéaires à deux variables.
En effet,
ax ≡ b (mod m) ⇐⇒ m | (ax − b),
de sorte qu’on est ramené à l’équation diophantienne ax−my = b ; l’entier x est solution
de ax ≡ b (mod m) si et seulement s’il existe un entier y tel que ax − my = b. Posant
d = (a, m), on sait qu’il y a solution seulement si d | b ; et dans ce cas, les solutions
sont données par
m a
x = x0 + · t, y = y0 + · t,
d d
où t ∈ ZZ et (x0 , y0 ) est une solution particulière de ax − my = b. Les valeurs de x telles
que
m
x = x0 + ·t
d
sont les solutions de la congruence linéaire, et il y en a une infinité.
Il reste maintenant à voir combien de ces solutions ne sont pas congruentes, modulo m,
les unes avec les autres. Soit donc deux solutions x1 et x2 , déterminées par des entiers
t1 et t2 , dont on suppose qu’elles sont congruentes. On a donc
m m
x0 + · t1 ≡ x0 + · t2 (mod m) ,
d d
d’où il suit que
m m
· t1 ≡ · t2 (mod m) .
d d
Mais comme m/d est le pgcd de m et de m/d, il découle de la propriété (ix) des
congruences que
t1 ≡ t2 (mod d).
Il y a donc autant de solutions non congruentes qu’il y a de restes dans la division
par d. En bref : Soit la congruence linéaire ax ≡ b (mod m), avec m > 0, et posons
d = (a, m). Alors cette congruence a des solutions si et seulement si d | b. Et dans un
tel cas, il y a exactement d solutions non congruentes.
Exemples:
(a) La congruence 3x ≡ 2 (mod 6) n’a pas de solution, puisque (3, 6) = 3 et que 3  | 2.
(b) Soit la congruence 7x ≡ 4 (mod 12). Comme (7, 12) = 1, on a donc une seule solution,
modulo 12. Pour la trouver, on considère l’équation diophantienne linéaire 7x−12y = 4.
À l’aide de l’algorithme d’Euclide, on peut exprimer le pgcd de 7 et 12 sous la forme
1 = 3 · 12 − 5 · 7. Il s’ensuit que 4 = 4 · (3 · 12 − 5 · 7) = 12 · 12 − 20 · 7, de sorte que
x0 = −20 et y0 = 12 est une solution particulière de 7x − 12y = 4. La solution de la
congruence est donc donnée par x = x0 ≡ −20 ≡ 4 (mod 12).
28 CHAPITRE 1. UN COFFRE D’OUTILS

(c) Soit la congruence 9x ≡ 12 (mod 15). Comme (9, 15) = 3 et 3 | 12, on a donc trois
solutions non congruentes. Considérant l’équation diophantienne 9x − 15y = 12, on
trouve à l’aide de l’algorithme d’Euclide que 3 = 2·9−1·15, de sorte que 12 = 8·9−4·15.
On a donc une première solution x = x0 ≡ 8 (mod 15). Les deux autres solutions non
congruentes sont obtenues en additionnant des multiples appropriés de 15/3 = 5. On
trouve ainsi x = x0 + 5 ≡ 13 (mod 15) et x = x0 + 5 · 2 ≡ 18 ≡ 3 (mod 15).

19. La fonction partie entière [x].


Étant donné un nombre réel x, on désigne par [x] le plus grand entier inférieur ou égal
à x. C’est la partie entière de x, c’est-à-dire l’unique entier satisfaisant les inégalités
[x] ≤ x < [x] + 1.
La partie fractionnaire de x, {x}, est définie par {x} = x − [x]. On a donc x = [x] + {x}
et 0 ≤ {x} < 1.
Exemples:
[2,8] = 2 et {2,8} = 0,8 ; [7] = 7 et {7} = 0 ; [−3,1] = −4 et {−3,1} = 0,9 ; [π] = 3 et
{π} = 0,14159265 . . . ; [1/3] = 0 et {1/3} = 1/3 = 0,3.
Notons que lorsqu’on applique la division à des entiers a et b, obtenant b = qa + r avec
0 ≤ r < a, on a alors

b b
q= et r =b−a .
a a
Voici quelques propriétés utiles de la fonction [x], dont la plupart découlent directement
de la définition.
Soit x, y ∈ IR ; alors
(i) x − 1 < [x] ≤ x < [x] + 1 ;
(ii) [x] = x si et seulement si x ∈ ZZ ;
(iii) [x + m] = [x] + m pour tout m ∈ ZZ ;
(iv) si x ≤ y, alors [x] ≤ [y] ;
(v) [x] + [y] ≤ [x + y] ≤ [x] + [y] + 1 ;
(vi) si x ≥ 0 et y ≥ 0, alors [x] · [y] ≤ [xy] ;

−[x] si x ∈ ZZ,
(vii) [−x] =
−[x] − 1 sinon ;
(viii) −[−x] est le plus petit entier ≥ x ;
 
[x] x
(ix) = si m ∈ IN.
m m
Démonstration:
(v) Posant n = [x] et m = [y], on a donc x = n + h et y = m + k, avec 0 ≤ h < 1 et 0 ≤ k < 1.
Alors
n + m ≤ [n + h + m + k]
= n + m + [h + k]
≤ n + m + 1,
1.2. THÉORIE DES NOMBRES 29

la dernière inégalité provenant du fait qu’on a soit 0 ≤ h + k < 1 soit 1 ≤ h + k < 2.


(vii) Nous montrons que [x] + [−x] vaut 0 lorsque x ∈ ZZ et −1 lorsque x ∈ / ZZ.
Soit x = n + h où 0 ≤ h < 1. On a donc −x = −n − h = −n − 1 + 1 − h avec 0 < 1 − h ≤ 1.
Alors

[x] + [−x] = n + [−n − 1 + 1 − h]


= n − n − 1 + [1 − h]

0 si h = 0,
=
−1 si 0 < h < 1.

(ix) Soit x = n + h où 0 ≤ h < 1. Par division euclidienne, on a des entiers q et r tels que
n = qm + r avec 0 ≤ r ≤ m − 1. Conséquemment,
     
x qm + r + h r+h
= =q+ = q,
m m m
puisque 0 ≤ r + h < m. Mais on a d’autre part
     
[x] n r
= = q+ = q.
m m m
Le résultat suit donc immédiatement.

Exemples:
√ √  
10 [ 10] 3
(a) = = = 1.
2 2 2
(b) Montrer que lorsque n et a sont des entiers positifs, [ na ] est le nombre de multiples
positifs de a qui sont inférieurs ou égaux à n.
Pour n < a, on a bien [ na ] = 0. On suppose maintenant n ≥ a et soit a, 2a, 3a, . . . , ka, la
liste de tous les multiples positifs de a n’excédant pas n. Il nous faut donc montrer que
k = [ na ]. Mais alors le multiple suivant de a, (k + 1)a, est supérieur à n, de sorte que
n
ka ≤ n < (k + 1)a, c’est-à-dire k≤ < k + 1.
a
n
Mais cela exprime justement le fait que l’entier k est la partie entière de la fraction a.
(c) De manière analogue à l’exemple précédent, donner une interprétation de l’expression
a ], où n, a et t sont des entiers positifs et t ∈ {1, 2, . . . , a − 1}.
[ n+t
Posons k = [ n+t a ]. On a donc

n+t
(∗) k≤ < k + 1, c’est-à-dire ka ≤ n + t < (k + 1)a.
a
Nous distinguons deux cas. Lorsque n + t < a, c’est-à-dire n < a − t, on a k = 0. Soit
maintenant n ≥ a − t ; on peut alors réécrire la dernière expression de la ligne (∗) sous
la forme ka − t ≤ n < (k + 1)a − t, ou encore (k − 1)a + (a − t) ≤ n < ka + (a − t). On
est donc en train de compter les entiers de la forme ja + (a − t).
Bref, dans les deux cas, k = [ n+t
a ] est le nombre d’entiers inférieurs ou égaux à n qui,
lorsque divisés par a, donnent un reste de a − t.
30 CHAPITRE 1. UN COFFRE D’OUTILS

20. Une belle représentation de n!.


Le résultat suivant constitue une application intéressante de la fonction partie entière.
Il a été démontré par le mathématicien français Adrien Marie Legendre en 1808.
Soit p un nombre premier et n un nombre naturel. Alors l’exposant α dont est affecté
p dans la factorisation première de n! est donné par


 n n n n
α= i
= + 2 + 3 + ···.
i=1 p p p p

La valeur de α donnée par cette somme est donc le plus grand exposant tel que pα | n!,
c’est-à-dire pα n!. La somme en question est bien sûr finie, puisque n < pj lorsque j
est suffisamment grand.
Démonstration:
Si p > n, alors p n’apparaı̂t pas dans la factorisation première de n, de sorte que chaque

terme de la somme ∞ i
i=1 [n/p ] est nul, comme désiré.
Soit maintenant p ≤ n ; il s’agit donc, pour chaque k ∈ {1, 2, . . . , n}, de compter le nombre
de fois que p survient comme facteur premier dans la factorisation première de k, c’est-à-dire
de trouver l’exposant αk tel que pαk k. Plutôt que de considérer une à la fois chacune des
valeurs de k, nous effectuons ce comptage en considérant l’une après l’autre les puissances
possibles de p.  
n
Tel que vu à la section précédente, l’expression correspond au nombre d’entiers dans
p
{1, 2, . . . , n} qui sont multiples de p, à savoir
 
n
p, 2p, 3p, . . . , p.
p
 
n
Parmi ceux-ci, sont divisibles à nouveau par p :
p2
 
n
2 2 2
p , 2p , 3p , . . . , 2 p2 .
p
 
n n
En effet, si m est le plus grand entier tel que mp2 ≤ n, on a alors m ≤ 2 , donc m = 2 .
 
p p
n
Par le même raisonnement, on voit que 3 de ces derniers entiers sont divisibles par p une
p
troisième fois ; ce sont  
n
p , 2p , 3p , . . . , 3 p3 .
3 3 3
p
∞ i]
En répétant cet argument un nombre fini de fois, on conclut que la somme (finie) i=1 [n/p
donne le nombre total de fois que p divise un nombre dans {1, 2, . . . , n}.

Exemples:
(a) La plus grande puissance de 11 qui divise 1000! est 98, car
∞ 
     
1000 1000 1000
= + = 90 + 8 = 98.
i=1
11i 11 121
1.2. THÉORIE DES NOMBRES 31

(b) Déterminer par combien de zéros se termine la représentation décimale de 777!.


Le problème revient à déterminer le nombre de fois que le facteur 10 = 2 · 5 apparaı̂t
dans le produit 777 × 776 × · · · × 2 × 1. Comme il y a moins de multiples de 5 que de
multiples de 2 dans ce produit, il s’agit donc de déterminer la plus grande puissance de
5 qui divise 777!. On trouve
       
777 777 777 777
+ 2
+ 3
+ = 155 + 31 + 6 + 1 = 193,
5 5 5 54
de sorte que 777! se termine par 193 zéros.
(c) Donner la factorisation première de 20!.
Pour chaque p ∈ {2, 3, 5, 7, 11, 13, 17, 19}, on recherche l’exposant α tel que pα 20. On
trouve        
20 20 20 20
+ 2 + 3 + 4 = 10 + 5 + 2 + 1 = 18,
2 2 2 2
   
20 20
+ 2 = 6 + 2 = 8,
3 3
 
20
= 4,
5
 
20
= 2,
7
       
20 20 20 20
= = = = 1,
11 13 17 19
de sorte que 20! = 218 · 38 · 54 · 72 · 11 · 13 · 17 · 19.

21. Quelques familles fameuses de nombres.


Certaines suites de nombres se rencontrent si souvent en mathématiques que l’usage
leur a consacré des noms spéciaux. Même si chaque nombre a, en soi, une existence
propre, savoir les reconnaı̂tre au sein de diverses classes peut parfois s’avérer un atout
en résolution de problèmes mathématiques.
On a mentionné dans les pages qui précèdent de nombreux exemples de suites de
nombres. Ainsi, il y a les suites reliées simplement à la notion de reste dans une
division, tels les nombres pairs {0, 2, 4, 6, . . . , 2n, . . .} ou impairs {1, 3, 5, 7, . . . , 2n +
1, . . .} ; plus généralement, on aura les nombres de la forme kn + j avec k et j fixes,
0 ≤ j < k. D’autres suites de nombres découlent de l’agencement de points selon
une forme géométrique : ce sont les nombre figurés, tels les nombres triangulaires
{1, 3, 6, 10, . . . , n(n+1)
2
, . . .}, carrés {1, 4, 9, 16, . . . , n2 , . . .}, cubiques {1, 8, 27, 64, . . . , n3 , . . .},
etc. Il ne faut évidemment pas oublier une suite bien particulière, la suite des nombres
premiers {2, 3, 5, 7, 11, 13, . . .}.
Nous introduisons maintenant une suite de nombres ayant des propriétés remarquables,
les nombres de Fibonacci , définis en 1202 par Léonard de Pise, alias Leonardo Fibo-
nacci, dans son Liber abaci . On pose
f1 = 1, f2 = 1, fn = fn−1 + fn−2 pour n ≥ 3.
La suite de Fibonaci commence donc ainsi :
1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55, 89, 144, . . . ,
32 CHAPITRE 1. UN COFFRE D’OUTILS

chaque terme à partir du troisième étant la somme des deux précédents.


Exemples:
(a) Montrer que pour tout entier positif n, f1 + f2 + f3 + · · · + fn = fn+2 − 1.
On a en effet

f1 = f3 − f2 ,
f2 = f4 − f3 ,
f3 = f5 − f4 ,
..
.
fn = fn+2 − fn+1 .
n
Additionnant membre à membre ces égalités, on trouve i=1 fi = fn+2 − f2 = fn+2 − 1.
On peut démontrer de même que

f1 + f3 + f5 + · · · + f2n−1 = f2n ,

d’où il suit que


f2 + f4 + f6 · · · + f2n = f2n+1 − 1.

(b) Montrer que pour tout entier positif n, (fn , fn+1 ) = 1.


Nous utilisons l’algorithme d’Euclide pour calculer le pgcd de fn+1 et fn :

fn+1 = fn · 1 + fn−1 ,
fn = fn−1 · 1 + fn−2 ,
..
.
f4 = f3 · 1 + f2 ,
f3 = f2 · 2 + 0.

Il suit donc que (fn , fn+1 ) = f2 = 1.

Plus généralement, on a que


(fm , fn ) = f(m,n) ,
mais ce résultat est plus difficile à établir.
Les nombres de Fibonacci constituent un exemple de suite récurrente (on dit aussi
suite définie par récurrence ou par récursion). Une telle suite est déterminée par des
termes initiaux ainsi que par une égalité exprimant le terme général de la suite à l’aide
de termes déjà connus.

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