LUNDI 15 OCTOBRE 2018 | N° 22534 | 2 € l’Humanité.

fr
l’Humanité

DROITS HUMAINS ET ENVIRONNEMENTAUX

Ce traité que Bruxelles

et les multinationales
veulent enterrer
LES
NÉGOCIATIONS DE
L’ONU REPRENNENT
POUR EN FINIR
AVEC L’IMPUNITÉ
DES GRANDES
BELGIQUE 2 € - LUXEMBOURG 2 € - ANTILLES-RÉUNION 2,20 € - ITALIE 2,30 € - ESPAGNE 2,30 € - MAROC 22 MAD

ENTREPRISES. DEUX
RAPPORTS
ACCUSENT.
P. 4
Siska Gremmelprez/Belga/AFP

CYCLISME
PCF AUTOMOBILE

Pour les communistes, PINOT, GM&S : le plan social

3’:HIKKLB=UUWUU]:?l@a@l@f@a";

tout est sur la table SIMPLE annulé par la justice

HÉROS
M 00110 - 1015 - F: 2,00 E

Après le vote sur la « base commune », Estimant que le sous-traitant avait

les dirigeants se sont réunis, ce week- À 28 ans, le coureur négligé les critères obligatoires pour
end, pour entrer dans le vif des débats français s’est offert établir son PSE, la cour administrative
préparatoires au congrès, fin novembre. un monument classique d’appel de Bordeaux a donné gain de
En discussion : européennes, projet, du vélo : le Tour de cause aux ex-salariés. Ils pourront être
Luk Benies/AFP

stratégie… et même direction. P. 7 Lombardie. P. 18 indemnisés. P. 9

Annonces légales et judiciaires en page 17.

 2 l’Humanité Lundi 15 octobre 2018 Une situation à dénoncer ?
Une injustice ? Envoyez-
nous vos informations à
VOTRE revelation@humanite.fr
Temps forts RÉVÉLATION

BONNE NOUVELLE
L’émissaire américain pour la paix en Afghanistan,
Zalmay Khalilzad, a confirmé la rencontre officielle,
vendredi au Qatar, d’une délégation talibane
pour évoquer la fin du conflit. Les talibans, qui ne
reconnaissent pas le gouvernement civil, refusent
la proposition de cessez-le-feu du président Ghani.
L’actualité sur l’Humanité.fr
RETRAITE Après le Code du travail,
Emmanuel Macron veut appliquer ses
recettes ultralibérales au droit à la retraite.
Cette réforme envisagée en 2019 prévoit
une refonte totale dont le but est de retarder
l’âge de départ en retraite. Cela a déjà
commencé à la suite de la fusion du régime
complémentaire Agirc-Arrco. Dans notre
dossier spécial en ligne, nous publions
un comparatif du droit à la retraite actuel

L’homme du jour
Fonseca/Brazil Photo Press/AFP Forum

JAPON
JUNINHO PERNAMBUCANO
FOOTBALLEUR BRÉSILIEN ANTI-BOLSONARO
C’est à un tacle collectif courageux que s’est essayé, ces derniers
Des yakuzas
dans la compétition
jours, l’ancien milieu de terrain brésilien de l’Olympique
Lyonnais, Juninho. Outré par les prises de position politiques
d’anciennes et actuelles stars de la Seleçao, ce tireur de coups francs hors norme
a fait mouche: « Je m’énerve quand je vois un ex-joueur de football voter pour l’ex-
trême droite. Nous venons d’en bas, nous avons été élevés au sein du peuple. Comment
l’oublier ? Comment être de ce côté ? » questionne l’ancien Lyonnais dans un en-
tretien paru dans El Pais. Juninho rappelle le risque d’un tel vote : « Beaucoup de
Brésiliens ignorent que d’autres ont été torturés et assassinés pendant la dictature.
olympique
C’est désespérant de voir des gens soutenir les interventions militaires. L’armée La mafia a négocié l’embauche de sans-abri dans la
existe pour défendre le pays, protéger les frontières, mais pas pour tuer les Brésiliens
dans les favelas. » Aujourd’hui, de grands noms comme Ronaldinho, Cafu, Claudio
construction de sites pour 2020. L’affaire révèle la persistance
Tafarel, Rivaldo, Edmundo, sans oublier la nouvelle génération, Alisson, Gabriel de liens entre le BTP et la pègre, malgré la répression.
Jesus ou Lucas Paqueta, s’aichent pourtant aux côtés de Jair Bolsonaro.
STÉPHANE AUBOUARD
l faut d’abord apprendre à s’incliner : comme un autre. Six membres du Kyokuto-

L’IMAGE DU JOUR I 90 degrés, pas moins. Puis, savoir

Près de 1 900 bateaux ont pris le départ, dimanche, de la 46e édition
de la grande régate Barcolana, dans le golfe de Trieste, tout au nord
de la mer Adriatique. Vincenzo Pinto/AFP
LE FIL ROUGE
filrouge@humanite.fr
Dijon (21) Les Amis de l’Humanité Dijon
présentent, du 13 au 20 octobre,
l’exposition « Mai 68 vu par les jour-
nalistes de l’Huma » à la maison des
Associations, rue des Corroyeurs, à
Dijon. Le vernissage aura lieu
aujourd’hui à 18 heures en présence
de Charles Silvestre, journaliste ho-
noraire, qui dédicacera son livre Fils
d’Humanité, et d’Hervé Bismuth, uni-
versitaire, qui donnera une conférence
sur « Aragon en 68 ».
Metz (57) Les Amis du Monde diplo-
matique, Artisans du monde, la
CGT’Educ57, la Confédération nationale
du travail, la Fédération internationale
des ligues des droits de l’homme, le
Nouveau Parti anticapitaliste, l’Union
juive française pour la paix et le collectif
BDS 57 vous invitent à partager « Le
temps de la Palestine » les 18, 19 et
20 octobre à travers une série d’expo-
sitions, de projections (notamment My
Land, de Nabil Ayouch), de débats sur
la légalité de la campagne internationale
Boycott, Désinvestissement, Sanctions.
Plus d’information sur les lieux et ho-
raires des rendez-vous sur https://
www.letempsdelapalestine.fr
s’excuser. Tout est question d’allé-
geance. Le sakazuki, le rite d’initia-
tion aux diférents gangs de la maia
japonaise, est souvent décrit comme une
deuxième naissance. Presque un engage-
ment religieux. Devenir yakuza, appartenir
au crime organisé, apprendre à vivre dans
un monde régi par ses propres lois, est
pourtant un apprentissage qui attire de
moins en moins de jeunes. Le plus illustre
des repentis est sans doute Satoru Takegaki.
Retiré depuis une dizaine d’années, l’ancien
yakuza tente de sortir ses pairs de leur
famille d’adoption. Il y a trois ans, treize
des soixante-douze clans associés au Ya-
maguchi-gumi, le plus important groupe
créé en 1915, ont fait scission ain de re-
joindre le Yamaken-gumi. Depuis, Satoru
Takegaki, ancien garde du corps, mise sur
des défections en masse. En 2017, 40 000
personnes faisaient toujours partie de la
pègre, soit 7 000 de moins que deux ans
auparavant. Loin du pic des années 1960,
où la maia comptait jusqu’à 180 000 petites
mains. « Il paraît indéniable que la maia
du Japon est en train de disparaître », note
Atsushi Mizoguchi, journaliste spécialiste
du crime organisé. L’ancien criminel Satoru
Takegaki regrette pour sa part le temps où
le « code de l’honneur » primait sur l’ar-
gent. « Nous ne vivons plus dans un monde
où les yakuzas peuvent faire des afaires à
l’air libre. Ils ne sont plus une nécessité »,
lâche-t-il de sa voix rauque et grasse,
caractéristique des maieux japonais.
Une main-d’œuvre peu
regardante sur les salaires
Une afaire, révélée la semaine dernière
par la presse japonaise, prouve pourtant à
quel point, malgré la loi antigang de 1992,
les yakuzas restent perçus par la police
japonaise comme un moyen de canaliser
la criminalité et, surtout, un employeur
kai ont ainsi été arrêtés mercredi dernier
pour avoir négocié l’embauche de sans-abri
dans la construction des installations des
jeux Olympiques de Tokyo en 2020. Les
travaux ont pris du retard et la pénurie
chronique de personnel dans le BTP pousse
toujours certaines entreprises à s’ofrir les
services de la maia, chargée de trouver
une main-d’œuvre abondante et peu
regardante sur les salaires. Les entreprises
de la construction auraient versé une
redevance à la maia ain qu’elle fournisse
un cortège déini de travailleurs, les gangs
Les gangs se réservent
le droit de prélever
une partie du revenu
journalier des ouvriers.
se réservant le droit de prélever une partie
du salaire journalier des ouvriers
(10 000 yens, soit environ 76 euros).
La pègre est impliquée de longue date dans
le secteur de la construction. « Les yakuzas
sont endémiques dans ce secteur depuis
l’immédiat après-guerre et je ne pense pas
que ce soit pire aujourd’hui », explique Kyle
Cleveland, professeur à la Temple Univer-
sity de Tokyo. Mais, à l’approche des jeux
Olympiques, l’afaire est du plus mauvais
efet. « Au cours de ces années, les grandes
entreprises, les entreprises de construction
et les hommes politiques ont efectivement
permis que cela se produise, et il faut des
exemples comme celui-ci pour révéler la
réalité chronique à long terme de la situa-
tion », relève-t-il. L’annonce de ce coup
de ilet dans le milieu agit comme un signal
envoyé par Tokyo aux autorités olympiques.
Les responsables politiques avaient en ef-
fet été accusés de fermer les yeux lorsque
les organisations criminelles avaient tiré

et de ce que prévoit la réforme, qui explique
pourquoi ça va être compliqué de partir
à 62 ans. Lire également l’analyse de
Catherine Perret, négociatrice de la CGT,
les analyses de la CFDT et de FO.
Le 21 juillet 2017, à Tokyo, la construction du Stade national qui accueillera les Jeux de 2020. Behrouz Mehri/AFP
parti du démantèlement et de la déconta-
mination de la centrale nucléaire de
Fukushima en recrutant des sans-abri.
Au fil du temps, les parrains se
sont rapprochés des conservateurs
La mafia s’est introduite dans les affaires
immobilières à la faveur de la bulle finan-
cière de 1989, qui plongea le pays dans une
crise sans précédent. Une manière de di-
versifier ses activités, jusqu’alors basées
sur le racket, la drogue, les bars, la pros-
titution, les clubs de karaoké et les salles
de jeu. « Son rôle ? Arranger l’obtention d’un
contrat pour telle entreprise en persécutant
des décisionnaires, en échange d’une com-
mission sur le montant encaissé par la firme
Secours populaire @SecoursPop
Apporter son aide peut se faire de multiples
façons : chacun peut trouver une formule qui
lui convient selon sa disponibilité, ses centres
d’intérêt, ses compétences ! Devenez bénévole.
sélectionnée grâce à elle. Autre méthode
employée, menacer les groupes de BTP de
perturber leurs chantiers s’ils refusent de
verser leur dîme au clan », explique la jour-
naliste et auteure Karyn Nishimura-Poupée.
S’ils ont longtemps servi à mater les grèves,
les yakuzas se sont rapprochés au fil du
temps des élus conservateurs afin de réduire
l’influence communiste en échange de
contrats. Loin de l’image véhiculée par le
cinéma, la pègre n’est plus ce repaire de
voyous tatoués à l’auriculaire coupé pour
« présenter des excuses » au parrain. Ces
nouveaux experts en finance ou en droit,
au « statut d’associés », ressemblent dé-
sormais à n’importe quel homme d’affaires
en costume. Et ils brassent des sommes
Lundi 15 octobre 2018 l’Humanité
Bruno Arbesu
colossales. Le chiffre d’affaires annuel de
Yamaguchi-gumi est évalué à 800 milliards
de yens (6 milliards d’euros). Après 2011,
le renforcement de la loi a compliqué les
liens entre les entreprises légales et les
yakuzas. Il leur est désormais interdit de
voir leurs comptes hébergés au sein des
banques traditionnelles, d’acquérir des
biens immobiliers, d’envoyer des pertur-
bateurs dans les conseils d’administration
et de répondre à des appels. Malgré les
sociétés-écrans, les montages se révèlent
de plus en plus complexes. Certains parrains
nouent désormais des liens avec les mafias
chinoise ou sud-coréenne. Un dernier
business plan avant liquidation ?
LINA SANKARI
3
Temps forts
ÉDITORIAL
Par Jean-
Emmanuel
Ducoin
Horloges
détraquées
Au cas où vous l’auriez oublié – soit
par lassitude, soit par désintérêt –,
nous devrions connaître en ce début
de semaine le nouveau casting gou-
vernemental. Ce lundi ? Mardi ? Un
peu plus tard ? À ce niveau de suspense
et d’attente, nous ne savons que pen-
ser, sinon que, à l’évidence, la « volonté
de faire au mieux », brandie par l’exé-
cutif, masque mal les épouvantables
difficultés de ressources humaines du
côté de la start-up nation… Après deux
semaines de tergiversations, de ru-
meurs et d’informations contredites,
Emmanuel Macron et Édouard Philippe
n’avaient pas « complètement calé » le
dispositif, hier, selon des indiscrétions
venant de l’Élysée. On nous affirme
que le maître des horloges assume de
prendre son temps. Mais le maître res-
semble à un apprenti retardataire pei-
nant dans la recherche du temps perdu ;
quant aux horloges, elles paraissent
bien détraquées pour qui se prend pour
Jupiter et prétend gérer les affaires de
l’État avec « le devoir de faire vite ».
Vu que nous n’attendons rien de
neuf de nouvelles têtes au service
absolu d’un pouvoir personnel, nous
pourrions nous amuser de cette si-
tuation surréaliste et nous rassurer
joyeusement en nous disant qu’une
chimère politique est définitivement
en train de s’effondrer. Le symptôme
est pourtant grave. Qui peut nier que
nous assistons à une crise gouverne-
mentale d’ampleur ? Or, entre la crise
gouvernementale et la crise politique,
il n’y a qu’une frontière : la crise de
confiance. Nous y sommes. Et même
au-delà. L’illusion du « et de droite
et de gauche » a vécu et avec elle
s’estompe progressivement l’escro-
querie politique et intellectuelle du
macronisme. Début octobre, le pré-
sident déclarait : « J’observe, j’écoute,
j’entends », ajoutant qu’il admettait
ne pas être « parfait » au point de
vouloir se « corriger ». Deux semaines
plus tard, la correction est sévère.
Colmater les brèches gouvernemen-
tales ne renversera pas l’injustice à
tous les étages qui caractérise ce quin-
quennat… et encore moins l’opinion
des Français.
4 l’Humanité Lundi 15 octobre 2018

L’APPEL DES PARLEMENTAIRES

En octobre 2017, 242 parlementaires français ont
demandé que la France prenne « le leadership
européen en faveur d’un traité de l’ONU » pour
mettre in à l’impunité des multinationales dans
L’événement le domaine des droits humains et écologiques.
9
C’est le nombre de résolutions prises
par le Parlement européen pour ce
traité sur les multinationales, malgré
l’hostilité de Bruxelles.

DROITS DE L’HOMME

Quand l’Europe tente de torpiller

un traité sur les multinationales
Deux rapports d’ONG pointent l’obstruction des diplomates de l’UE, au moment où s’ouvre à Genève un nouveau cycle de
négociations de l’ONU pour en finir avec l’impunité des grandes entreprises qui violent les droits humains et environnementaux.

oin, très loin des projecteurs du Conseil des droits de l’homme des La tragédie du Rana Plaza a sans doute tait la résolution 26/9 demandant la créa-

L
de l’actualité, sur les bords
du tranquille lac Léman,
une bataille diplomatique
insoupçonnée va faire rage
toute la semaine pour ten-
ter de favoriser l’adoption
d’un traité de l’ONU sur les multinatio-
nales. Un texte juridiquement contrai-
gnant – et c’est là toute la nouveauté –,
qui pourrait de ce fait être considéré
comme historique. Genève accueille à
partir d’aujourd’hui, et jusqu’au 19 oc-
tobre, la quatrième session annuelle du
groupe de travail intergouvernemental,
Nations unies (CDH), chargé d’élaborer
ce document visant à réguler les activités
des multinationales en matière de droits
humains et environnementaux.
Aux diplomates des 47 pays du CDH (un
système de rotation est utilisé entre les
193 membres de l’ONU), se sont joints, en
Suisse, plus de 100 ONG et mouvements
sociaux du monde entier pour en inir avec
l’impunité dont jouissent actuellement les
sociétés mères et donneuses d’ordres en
raison de la complexité de leur structure
juridique et de l’absence de mécanismes
judiciaires eicaces au plan international.
été celle de trop. L’effondrement, le
24 avril 2013, de cet immeuble pas aux
normes de sécurité de la banlieue de
Dacca, au Bangladesh, qui abritait les
ateliers de confection des sous-traitants
de groupes internationaux de l’habille-
ment, fit plus de 1 000 morts et
2 000 blessés sans qu’aucune de ces
grandes marques ne soit à ce jour inquié-
tée. Six mois après, plus de 140 organi-
sations de la société civile formaient
l’Alliance pour le traité (Treaty Alliance),
pour l’adoption d’un texte contraignant.
Et le 26 juin 2014, le CDH de l’ONU adop-
tion d’un groupe de travail sur ce sujet.
Ce n’est pas un hasard si c’est l’Équateur
qui a présenté cette résolution. Le pays
bataille depuis des décennies (voir page 6)
dans les tribunaux contre le pétrolier Che-
vron, dont la iliale Texaco a pollué une
partie de l’Amazonie. Les deux premières
sessions de la CDH, en 2015 et en 2016, ont
été qualiiées de « très réussies » par l’Al-
liance pour le traité. Mais celle de 2017 a
bien failli être la dernière. En no-
vembre 2017, l’Union européenne souhaitait
tout stopper, avant de se rétracter face au
tollé suscité.

OUVRIERS OUBLIÉS
« Cinq années se sont
écoulées et personne n’a
été jugé ou puni. » Nilufer
Begum Victime en 2013 du
Rana Plaza, au Bangladesh
« Nous comprenons que la résolution 26/9
du CDH ne prévoit que trois sessions du groupe
de travail intergouvernemental à composition
non limitée », écrivait l’Union européenne.
« Selon (cette dernière), la résolution de 2014
ne préciserait que la tenue des trois premières
sessions. Estimant qu’elles ont déjà eu lieu,
l’UE prétend que le groupe intergouverne-
mental de négociation n’aurait plus de man-
dat », dénonçait alors l’association Sherpa.
« L’Europe, principal obstacle sur la route
d’un traité international contre l’impunité
des grandes entreprises ? » s’interrogeait
l’Observatoire des multinationales.
Deux rapports d’ONG pointent
le rôle négatif de l’UE
Un an après, l’heure n’est plus aux inter-
rogations mais aux certitudes. Deux rapports
d’ONG publiés à l’occasion de cette réunion
à Genève pointent clairement le rôle négatif
joué par l’Union européenne. Rédigé par le
CCFD-Terre solidaire, le premier s’intitule :
« Une stratégie de diversion ». Ce document
recense toutes les manœuvres dilatoires de
l’UE pour faire échouer le futur traité.
Ce rapport rappelle que l’ensemble des pays
européens siégeant au CDH ont rejeté, avec
les États-Unis, le Japon et la Corée du Sud,
la résolution du 26 juin 2014 présentée par
l’Équateur. L’UE a ensuite boycotté la session
de 2015, puis a assisté de manière passive à
celle de 2016, avant de vraiment se mêler
aux débats en 2017. Puis l’UE, face aux avan-
À Paris, des militantes
manifestent contre
l’irresponsabilité et
l’impunité des grandes
multinationales et de leurs
lobbies, après la
catastrophe du Rana
Plazza.
Lionel Bonaventure/AFP
1 138
C’EST LE NOMBRE
D’EMPLOYÉS
DU TEXTILE TUÉS
DANS L’EFFONDREMENT
DU RANA PLAZA,
AU BANGLADESH,
EN 2013.
cées des discussions, a obtenu de l’Équateur
l’organisation de pas moins de cinq réunions
informelles entre mai et juillet 2018. À chaque
fois, « l’Union européenne n’a eu de cesse de
remettre en question le mandat du groupe de
travail intergouvernemental et de l’opposer aux
principes directeurs des Nations unies ! » s’in-
surgent les auteurs du document. Adoptés
par l’OCDE, ces principes sont des recom-
mandations non contraignantes, que les
gouvernements adressent aux entreprises
multinationales ain de respecter les droits
humains et environnementaux. « L’Union
européenne, via son service européen pour l’ac-
tion extérieure, SEAE, a failli à soutenir ce pro-
cessus de négociation historique », conclut le
CCFD-Terre solidaire.
Le titre du deuxième rapport, réalisé par
les Amis de la Terre, l’Observatoire des mul-
tinationales, le Cetim et TNI, est encore plus
explicite : « Impunité “made in Europe”. Les
liaisons dangereuses de l’Union européenne
et des lobbies contre un traité contraignant
sur les multinationales ». « Dans ces négo-
ciations à l’ONU, l’Union européenne dit exac-
tement la même chose – avec les mêmes
arguments et parfois les mêmes mots – que les
lobbies des multinationales », dénonce Juliette
Renaud, des Amis de la Terre France. Après
quatre années de vaines obstructions, l’UE
demande désormais que les entreprises trans-
nationales soient associées aux négociations.
Une nouvelle bataille en perspective.
DAMIEN ROUSTEL
Lundi 15 octobre 2018 l’Humanité 5
L’événement
Des entreprises européennes
épinglées par des ONG
Une vingtaine d’études de cas d’abus BHP (Angleterre-Australie)
des multinationales figurent dans le et l’efondrement du barrage
rapport « Impunité “made in Europe”». de Samarco (Brésil)
Morceaux choisis. Le 5 novembre 2015, un barrage a cédé
près de la ville historique de Mariana,
KiK (Allemagne) et la tragédie libérant une gigantesque coulée de boue
de Karachi (Pakistan) qui a totalement submergé le village de
Le 11 septembre 2012, un incendie Bento Rodrigues dans l’État de Minas
meurtrier ravageait Ali Entreprise au Gerais, dans le sud-est du Brésil. Le bilan
Pakistan, entraînant la mort de 254 ou- est lourd : dix-neuf personnes tuées, des
vriers du textile et faisant plus d’une centaines d’autres se retrouvent sans
cinquantaine de blessés graves. La cause abri. À la suite de cette tragédie, la justice
de cette tragédie ? Des normes de sé- brésilienne a lancé une ofensive judiciaire
curité non respectées par contre les respon-
les donneurs d’ordres. sables du site, le géant
Alors que le feu envahis- 254 ouvriers du anglo-australien BHP
sait l’usine, les tra-
vailleurs, prisonniers des textile meurent
Billiton et le brésilien
Va l e , ré c l a m a n t
lammes, n’ont pas pu à Karachi, le 43 milliards de dollars
accéder aux issues de en réparation des
secours, toutes bloquées 11 septembre 2012, d o m m a g e s . E n
au moment des faits. Le mars 2018, les sinistrés
distributeur allemand dans un incendie n’avaient presque rien
KiK, seul client connu reçu. Depuis la rupture
de l’usine, a accepté
meurtrier. du barrage et l’arrêt
après négociation de ver- du complexe minier,
ser la somme d’environ 5 millions d’eu- le chômage est passé de 5 % à 23 % dans
ros aux survivants et aux proches des la ville de Mariana.
victimes pour compenser la perte des
salaires, les soins médicaux et les coûts G4S (Angleterre) et les
de rééducation. Mais l’entreprise refuse détentions musclées en Palestine
de reconnaître ses torts et ses respon- G4S est une entreprise britannique de
sabilités dans ce drame. services de sécurité. Elle emploie
620 000 personnes et est présente dans
Salini (Italie) et les ravages de la 120 pays. Sous-traitante du gouverne-
vallée de l’Omo (Éthiopie) ment israélien dans les territoires pa-
Principal groupe italien de bâtiment lestiniens occupés, elle a été l’objet de
et de travaux publics, Salini est mis en plusieurs plaintes à Londres pour des
cause dans la construction de barrages cas de maltraitance dans des centres
hydroélectriques en Éthiopie. Selon le de détention dont elle avait la charge.
rapport, le projet Gibe III, commencé Elle a vendu ses activités israéliennes
en 2006, est disproportionné par rapport en 2016. Mais elle vient de nouveau
aux besoins des populations. Cela a d’être épinglée. Cette fois-ci dans sa
radicalement afecté l’écosystème de gestion d’un centre de réfugiés sur l’île
la vallée de l’Omo et de la région du lac de Manus (Papouasie-Nouvelle-Guinée)
Turkana. « Des centaines de maisons pour le compte de l’Australie.
ont été déplacées et des communautés STÉPHANE AUBOUARD
ont été chassées par la force », indique ET D. R
le rapport. À cause de ce barrage, Tur- .
kana, le plus grand lac désertique au « Impunité “made in Europe” ». Les liaisons
monde, situé en grande partie au Kenya, dangereuses de l’Union européenne e
est en train de rétrécir. Le 28 juin, il a t des lobbies contre un traité contraignant
été placé sur la liste du patrimoine sur les multinationales. Enco, les Amis
mondial en péril malgré l’opposition de la Terre France, Cetim, Observatoire
d’Addis-Abeba. des multinationales, Omal, TNI.
LA FRANCE, PIONNIÈRE EN EUROPE AVEC LA LOI DE 2017
La loi no 2017-399 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des
entreprises donneuses d’ordres a été promulguée le 27 mars 2017. Ce texte crée
l’obligation, pour les sociétés par actions employant, en leur sein ou dans leurs
filiales, au moins 5 000 salariés en France ou au moins 10 000 salariés dans
le monde, d’établir un plan de vigilance, de le mettre en œuvre et de le publier.
Ce plan doit comporter les mesures de « vigilance raisonnable propres à identifier
et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés
fondamentales, la santé et la sécurité des personnes, ainsi que l’environnement ».
6 l’Humanité Lundi 15 octobre 2018
L’événement
Le combat sans fin des victimes de l’or noir d’Amazonie
La lutte qui oppose depuis vingt-cinq ans les Indiens
d’Équateur à Chevron, accusé d’écocide, illustre
ce que pourrait éviter un traité rendant responsables
les multinationales en cas de violations des
droits humains.
I
ls seront nombreux, à Genève, pour soutenir l’adop-
tion d’un traité onusien permettant de tenir les
multinationales légalement responsables des vio-
lations des droits humains qu’elles commettent.
Justino Piaguaje, représentant de la communauté
siekopai, en Équateur, accompagné de Pablo Fajardo,
leur avocat, seront du voyage. Pour le représentant de
cette communauté, mais aussi de toutes celles de la
province de Sucumbíos (nord de l’Équateur), il est temps
de mettre in à l’impunité dont jouit la compagnie pé-
trolière américaine Chevron dans son pays. « Chez nous,
tous les fleuves qui traversent nos terres ont été pollués
par l’extraction pétrolière. Nos puits sont infectés, la terre
aussi. Cela suinte de partout. Impossible d’y pêcher. Im-
possible de cultiver quoi que ce soit qui n’ait pas le goût
du pétrole. Les eaux sont contaminées par tous les déchets
d’hydrocarbures que Chevron a laissés dans la terre »,
explique Justino Piaguaje.
Chevron a aussi déversé des résidus toxiques
directement dans la forêt amazonienne
Entre 1964 et 1992, la société américaine Texaco, rachetée
en 2001 par Chevron, a exploité les ressources pétrolières
du nord-est du pays. Pendant ces trois décennies, elle a
aussi déversé des résidus toxiques directement dans la
forêt amazonienne, créant des centaines de piscines pes-
tilentielles, toujours visibles. Du ni fait ni à faire. Jamais,
durant toute cette période, le pétrolier n’aura pris de
mesures de sécurité. « Texaco a extrait un milliard cinq
cents millions de barils brut dans une zone de quelque quatre
Manifestation d’Indiens et de paysans, regroupés en association de victimes, le 15 octobre 2013 à New York. Texaco-Chevron ne veut toujours pas payer. S. Platt/Getty Images/AFP
cent mille hectares et, délibérément, a reversé des tonnes
d’éléments toxiques et de déchets d’entretien, ainsi que
plus de soixante-douze milliards de litres d’eau sale dans
l’environnement », explique ainsi, dans un rapport, l’ONG
Accion Ecologica.
Sous la pression de l’État équatorien, la compagnie a
fait mine, un moment, de nettoyer. « Un tiers seulement
des piscines ouvertes, sur les centaines existant ! Ce net-
toyage a consisté essentiellement à couvrir les piscines
avec de la terre, des déchets pétroliers, des pneus ou du
ciment, dissimulés parfois sous une couverture végétale »,
explique l’Union des personnes victimes de Chevron
(Udapt). « Largement in-
Trente mille suffisant ! » répondent
pareillement les commu-
plaignants au nautés indigènes, qui ne
total ont ataqué comptent plus les milliers
de cas de cancers.
la multinationale Confrontées à ce déni
environnemental, sanitaire
en justice sur et même culturel, celles-ci
le sol américain. demandent réparation dès
1993. Trente mille plai-
gnants au total attaquent
la multinationale en justice sur le sol américain, là où se
trouve son siège social. Un risque pour Chevron. Pariant
sur le fait qu’il serait moins inquiété en Équateur, le pé-
trolier propose alors d’y délocaliser l’afaire. Mauvaise
pioche ! En 2011, après des années de procédure, le pétrolier
est condamné, par la cour équatorienne de la province de
Sucumbíos, à une amende record de 9,5 milliards de dollars
de réparations, soit 8 milliards d’euros.
La multinationale, jamais à court d’idées, trouve une
nouvelle parade et accuse la justice équatorienne de cor-
ruption. « Les multinationales se placent toujours en victimes !
s’énerve Pablo Fajardo. Chevron a demandé à être jugé dans
notre pays et il a perdu. Toutes les études scientifiques
démontrent sa responsabilité, alors il fait paravent avec une
supposée corruption. » Et cela fonctionne. En 2017, la Cour
suprême des États-Unis donne raison au pétrolier, en
estimant l’afaire entachée d’irrégularités.
Comme si cela ne suisait pas, en septembre dernier, la
Cour permanente d’arbitrage de La Haye est à son tour
venue à la rescousse de Chevron. Oiciant à l’instar d’un
tribunal international de commerce, elle a annulé la dé-
cision de la justice équatorienne prise en juillet 2018,
laquelle donnait encore une fois raison au collectif d’In-
diens et conirmait la condamnation de Chevron à payer
8 milliards d’euros de dédommagements. Les trois juges
de La Haye ont estimé que la sentence contre Chevron
avait été obtenue de manière frauduleuse, moyennant
des pots-de-vin et de la corruption.
« Nous demandons 8 milliards d’euros pour
sauver nos fleuves, notre santé et notre culture »
« Faux ! » rétorque Pablo Fajardo, qui n’en revient toujours
pas. « On ne peut pas laisser passer cette décision. Ces
juges, qui ne rendent de comptes à personne, qui sont
nommés par je ne sais qui, demandent à notre État d’an-
nuler une décision de la Cour équatorienne. En résumé, de
bafouer notre propre Constitution en mettant en cause
l’indépendance de notre justice. » Mais ce qui énerve
encore plus l’avocat, c’est que la multinationale compte
demander réparation : « Notre gouvernement attend de
savoir ce qui va lui être demandé. C’est inadmissible ! Les
8 milliards d’euros que nous avons obtenus devant la justice
sont pour nous d’intérêt public. Nous les demandons pour
sauver nos fleuves, notre santé et notre culture. Ils n’iront
pas dans la poche des gens, mais pour le bien commun et
le droit de la nature. C’est une question de survie. Pas une
question d’argent ! » conclut Justino Piaguaje.
ÉRIC SERRES
 Lundi 15 octobre 2018 l’Humanité 7

S’IL N’Y AVAIT QUE ÇA PAS DE FUMÉE BLANCHE

« Je n’aurais pas dû dire “président
normal”. » François Hollande,
ex-président de la République,
lors des rendez-vous de l’histoire,
ce week-end, à Blois.
À MATIGNON
Après le refus du socialiste Mathieu Klein
d’entrer au gouvernement, c’est au tour
de François Bayrou de déclarer n’avoir
« aucune envie de redevenir ministre ». Politique&Citoyenneté

ne semaine après un vote

U
inédit qui a placé en tête
un autre texte que celui
proposé par sa direction,
le conseil national du
PCF, qui se réunissait ce
week-end, était attendu
au tournant. « La question s’est dédrama-
tisée. Le conseil national s’est déroulé dans
une ambiance très constructive, notait hier
Pierre Laurent. Il existe une volonté partagée
de reconnaître le résultat du vote, de
construire un texte d’orientation qui per-
mette de rassembler, d’entendre le message
de ceux qui demandent une airmation plus
forte du parti et demandent des changements
sur la conduite de nos stratégies. » Le se-
crétaire national, dans son introduction,
a d’ailleurs redit sa « disponibilité » pour
un nouveau mandat. « J’insiste sur le besoin
de constituer une nouvelle équipe de di-
rection, aucun secrétaire natio-
nal, ni moi ni un autre, ne pourra
faire face aux problèmes aux-
quels nous sommes confrontés LE CONGRÈS DU PCF
sans », a-t-il précisé. SE TIENDRA
Il n’est cependant plus le À IVRY-SUR-SEINE
seul candidat. Le député du (VAL-DE-MARNE)
Nord, Fabien Roussel, l’un DU 23 AU
des signataires du « Mani- 25 NOVEMBRE.
feste », devenu « base com-
mune », s’est lui aussi affirmé
« disponible ». « Mon nom a été
cité. Si mon expérience, mon mandat de Le conseil national du Parti communiste se réunissait ce week-end, comme ici en 2016. Patrick Nussbaum
député peuvent être utiles, si ça peut ras-
sembler, si ça peut donner l’idée d’un Parti
qui bouge, se renouvelle, alors je veux bien CONGRÈS
me mettre à disposition. Pas pour diviser,

Le PCF entre
pas pour mener une campagne contre Pierre
Laurent », a-t-il insisté, demandant à
rencontrer ce dernier « pour en discuter ».
« Dans notre parti, il n’y a pas d’écurie,
pas d’éléphant derrière qui on se range. Il

dans le vif des débats

faut sortir tous gagnants », a également
ajouté le responsable de la fédération du
Nord, réaffirmant que le débat doit
d’abord porter sur le fond du projet plutôt
que sur le nom.

Le choix est désormais entre

les mains des communistes
Mais, parmi les autres soutiens du « Ma-
nifeste », les positions ne sont pas unanimes,
certains craignant que ne soit ainsi escamoté
le débat d’orientation, d’autres plaidant
pour que les noms soient en efet sur la
table. La question est désormais entre les
mains des communistes, qui doivent se
réunir en congrès locaux puis départemen-
taux, mais aussi de la « commission des
candidatures ». L’objectif de cette dernière,
explique Gilles Ravache, l’un de ses ani-
mateurs, est de présenter, au moment du
congrès, une liste de candidats à la direction
(dont le premier nom est en principe celui
du secrétaire national) qui permette d’éviter
un afrontement entre plusieurs proposi-
tions. La possibilité de constituer une « liste
alternative » en cas de désaccord restant
ouverte. Pour Frédérick Genevée, l’un des
initiateurs du texte « Pour un printemps
du communisme », « sur les candidats, les
choses commencent à s’éclaircir, mais sur
les questions de fond, ça n’a pas bougé ». Si
Après le vote des communistes sur la « base commune » de leur congrès, leurs dirigeants se
sont réunis ce week-end. Européennes, projet, stratégie, direction… tout est mis sur la table.
chacun a pris acte des résultats du vote (la
« commission du texte » a d’ailleurs été
modiiée en conséquence avec de nouveaux
membres et une codirection), beaucoup
estiment que le débat n’est pas clos pour
autant. « La question migratoire est un sujet
sur lequel il va falloir faire des amendements,
le Parti communiste porte la liberté d’ins-
tallation et de circulation », pointe, par
exemple, Cécile Dumas, des Alpes-Mari-
times. « Les communistes par leur vote ont
souhaité indiquer un cap, ils ont fait un choix
politique », estime l’économiste Frédéric
Boccara. « Ce texte est amendable sans
aucun problème, avec l’objectif de rassembler
le plus grand nombre, à condition qu’on ne
revienne pas sur ses orientations fondamen-
tales », explique également le député André
Chassaigne. De son côté, Pierre Laurent a
formulé une série de propositions pour
organiser les débats : « Nous avons un nou-
veau point de départ avec le texte du “Ma-
nifeste”. C’est maintenant aux communistes
de construire le point d’arrivée que sera le
texte d’orientation adopté au congrès »,
a-t-il déclaré.
Les européennes, « premiers
travaux pratiques du congrès »
À la clé, cinq grandes questions « sur
lesquelles le débat devrait être approfondi » :
la déinition du « communisme de notre
temps » ; le rassemblement et le rôle du
PCF ; la situation politique et la recompo-
sition en cours ; la mondialisation, l’in-
ternationalisme et l’Europe ; et enin les
transformations du PCF. Mais, à quelques
mois du scrutin, et alors que le PCF est
déjà en campagne, les élections euro-
péennes représentent les « premiers travaux
pratiques du congrès », note la députée
européenne Marie-Pierre Vieu. Le texte
choisi, s’il insiste sur la nécessité « d’en
inir avec la construction européenne ac-
tuelle », fait aussi état des diférentes pro-
positions en débat, sans trancher. C’est
cette « contradiction » qu’a relevée hier
Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF,
à l’occasion d’une séance de travail consa-
crée à la campagne des européennes.
« J’entends qu’on se félicite du contenu du
rapport de Ian (Brossat) dans l’orientation
qu’il donne. On a intérêt à ce que nos dé-
cisions de congrès et notre travail sur le
texte soient raccord avec la manière dont
il mène campagne. Pour l’instant, ça ne
l’est pas. Mais je souhaite qu’on y arrive
dans les prochaines semaines. »
Plus tôt, Ian Brossat, chef de ile pour le
scrutin du 26 mai 2019, avait dessiné
8 l’Humanité Lundi 15 octobre 2018

Politique&Citoyenneté

Le PCF entre dans le vif

des débats DÉPARTS
dans son rapport les grands axes de la
campagne qu’il compte mener. « L’Union
européenne ne fait plus rêver personne. Ils
nous promettaient la paix, c’est aujourd’hui
la guerre qui menace. Ils nous promettaient
Sans aile gauche,
la prospérité. L’Union européenne, c’est
très exactement 87 millions de pauvres…
Ils nous promettaient la démocratie. Où
est-elle quand quelques multinationales
que reste-t-il du PS ?
dictent leur loi ? » dénonce-t-il. « Nous Après le départ de Marie-Noëlle Lienemann et d’Emmanuel Maurel,
sommes la seule force politique de gauche
à avoir rejeté tous les traités sans exception le parti risque de se refermer sur une ligne hollandaise.
qui ont mis en place cette Europe-là »,
rappelle le chef de ile, qui plaide pour
« une transformation positive de l’Union ne partie de l’aile gauche
européenne ». « La clé de cette transfor-
mation est claire, souligne-t-il. Il s’agit,
pour nous, d’être le lobby des gens face au
lobby de l’argent qu’est aujourd’hui l’UE. »

La « stratégie de rassemblement »
toujours en débat
Si une majorité de communistes semblent
d’accord avec les quatre grands enjeux de
campagne proposés (travail-services pu-
blics-argent-enjeux écologiques), la « stra-
tégie de rassemblement » fait encore débat.
« Cette campagne va permettre aux com-
munistes de regagner en visibilité. Je suis
persuadé qu’on peut dépasser les 5 % », se
félicite Pierre Lacaze, secrétaire fédéral de
Haute-Garonne. « Dans le contexte politique
actuel, l’enjeu est bien plus grand que de se
faire plaisir et de se compter ! » lance Bob
Injey, des Alpes-Maritimes. « La question
essentielle, c’est celle de l’utilité du bulletin
de vote qu’on proposera et sa capacité à
incarner un espoir, en fonction du rapport
de forces politique », estime de son côté
Lydia Samarbakhsh, responsable du secteur
international.
« Au moment où Macron avance avec sa
politique antisociale, où l’extrême droite
menace, personne ne comprendrait que nous
ne soyons pas capables de nous retrouver
autour d’une table », explique Ian Brossat,
qui a déjà lancé un appel aux forces de
gauche « qui partagent avec (nous) la né-
cessité d’une autre Europe ». Un courrier
leur sera adressé aujourd’hui. Reste à voir
si la main tendue sera saisie.
JULIA HAMLAOUI ET
MAUD VERGNOL
U du PS – Pascal Cherki,
Guillaume Balas ou encore
Aurélie Filippetti – avait
déjà mis les voiles avec la
création du mouvement Génération.s
par Benoît Hamon. Une autre forma-
tion de la gauche socialiste va pro-
chainement voir le jour autour de
deux derniers porte-drapeaux de cette
tendance : l’eurodéputé Emmanuel
Maurel et la sénatrice Marie-Noëlle
Lienemann ont annoncé leur départ
du PS – une « scission », selon eux –
pour « participer à une dynamique de
convergences avec la France insoumise,
à un nouveau Front populaire ». Samedi, à Paris, Marie-Noëlle Lienemann est venue expliquer son choix
devant le conseil national du parti. Stephen Caillet/Panoramic
« Ce n’est pas avec un PS à
terre que la gauche ira mieux »
Dans leurs bagages, assurent-ils, ils défendu par Emmanuel Maurel et celui terre que la gauche ira mieux »,
emmènent « 500 à 600 cadres et élus » d’Olivier Faure, Luc Carvounas et Sté- complète-t-il.
socialistes, dont la liste sera publiée cette phane Le Foll. Maurel dénonce, lui, un repli sur
semaine. Maurel et Lienemann ont « na- Une manière d’oicialiser un « dés- l’aile hollandaise, la persistance d’une
turellement leur place » à la FI et « tous accord profond » sur la notion de « po- « confusion » sur la ligne et une ab-
les socialistes qui en ont par-dessus la pulisme » de gauche, pointe le premier sence de « bilan critique » du quin-
tête du vaisseau fantôme ont maintenant secrétaire, Olivier Faure, pour qui « il quennat dans l’espoir que l’ex-chef
un lieu d’atterrissage », a répondu hier reste un attachement à la social-dé- de l’État fasse son retour. Ce qui ne
Jean-Luc Mélenchon qui fut, au sein de mocratie » en France. Et si le parti facilitera pas les discussions avec une
l’ancien courant Gauche socialiste, par- peine à trouver une tête de liste et à gauche critique à l’égard du mandat
tenaire de Marie-Noëlle Lienemann et entamer les discussions à gauche, pour socialiste, qui a servi de tremplin à
de Julien Dray, qui réléchirait lui aussi Laurent Baumel, ex-député de l’aile Emmanuel Macron. D’autant qu’au
à suivre cette voie. Emmanuel Maurel, gauche qui reste au PS, cet épisode PS, certains se retrouvent en partie
lui, fut attaché parlementaire du chef n’est rien d’autre que des « retrou- dans la politique défendue par le nou-
de ile de la FI lorsqu’il était encore sé- vailles entre vieux potes ». Lui croit en veau pouvoir : le sénateur Didier
nateur socialiste. Leur départ a été an- une « gauche de gouvernement à la Guillaume et l’ex-secrétaire d’État
noncé alors que les militants PS étaient Jospin » qui en inirait avec le hollan- Juliette Méadel sont pressentis pour
invités à ixer la stratégie pour les euro- disme, et dont la gauche aura besoin récupérer un ministère.
péennes, et à trancher entre un texte à l’avenir. « Ce n’est pas avec un PS à AUDREY LOUSSOUARN

Parlement Agacés d’avoir été dénoncés
par Ruffin, les députés LaREM le taclent
Les députés marcheurs ont trouvé un nouveau punching-
ball. François Ruin, qui siège à l’Assemblée sur les bancs
de la France insoumise, est devenu la cible des macronistes
et de leurs éléments de langage. À l’origine, une propo-
sition de loi des députés « Les Républicains » pour élever
le statut des accompagnants d’enfants handicapés. Cette
proposition de loi a été amendée par la quasi-totalité des
groupes parlementaires. Seuls les députés LaREM et Mo-
dem se sont contentés de voter « contre, contre, contre,
contre, de lever la main en cadence, comme des Playmobil »,
a condamné François Ruin dans l’Hémicycle, jeudi, tout
en leur reprochant leur vote d’une motion de rejet préa-
lable. Il a ensuite posté les noms – déjà publics – des
députés signataires de cette motion, s’attirant les foudres
de ces derniers, dont Pierre-Alain Raphan, qui lui reproche
d’« attiser la haine » et qui, lui, assure que le gouvernement
est « au travail » sur « cette priorité ». O. M.
Paris L’Hôtel de Ville va héberger des
femmes sans abri, annonce Anne Hidalgo
« Il manque près de 3 000 places d’hébergement d’urgence
dans la capitale », a révélé hier Anne Hidalgo dans le JDD, où
la maire de Paris appelle à une « mobilisation générale » pour
aider les personnes sans domicile. En attendant la construc-
tion de nouvelles places d’hébergement, plusieurs lieux
municipaux seront mis à disposition dès le mois de novembre.
« Plusieurs mairies d’arrondissement – de gauche comme de
droite – ont accepté d’ouvrir des places d’hébergement dans
leurs locaux », rapporte l’édile. À l’Hôtel de Ville, les salons
des Prévôts et des Tapisseries seront transformés en accueil
de jour ainsi qu’en halte de nuit pour accueillir une cinquan-
taine de femmes SDF, jusqu’à une centaine en cas de grand
froid. « La “com” remplace l’eicacité ! » a osé tweeter l’UDI
Yves Pozzo di Borgo, conseiller du 7e arrondissement. « Uti-
liser les bureaux vides, utiliser les lieux en instance de réafec-
tation (est) une bonne initiative », a quant à lui estimé Éric
Pliez, président du Samu social. P. DU.
LR Accusation de fraude lors de l’élection
du président des Jeunes Républicains
Ancien collaborateur de Laurent Wauquiez, Aurane Reiha-
nian a été désigné, samedi, président des Jeunes Républicains.
Oiciellement, il a recueilli 58 % des voix face à Charles-
Henri Alloncle, ex-chef des Jeunes avec Sarkozy. Mais un
enregistrement rendu public par son opposant dès vendredi
révèle que ce proche de Wauquiez a expliqué à son entourage
comment « choper les codes » nécessaires pour voter. Il avait
déjà fait parler de lui l’an dernier après avoir déclaré que les
enfants nés de PMA « ne devraient même pas exister ». Ce
n’était pas un dérapage de la part de ce militant de 25 ans,
qui cherche, comme son mentor, à faire siennes les idées
de l’extrême droite pour redresser « Les Républicains ».
Quant aux guerres fratricides, les Jeunes Républicains
semblent n’avoir rien à envier à leurs aînés. Des proches de
Christian Estrosi ont dénoncé hier de « multiples irrégula-
rités » lors de l’élection à la présidence de la fédération des
Alpes Maritimes, remportée par Éric Ciotti. P. DU.
 Lundi 15 octobre 2018 l’Humanité 9

LES MÉDECINS FONT BLOC

Tous les médecins, soit 120 praticiens, ont démissionné
en bloc de la commission médicale d’établissement de l’hôpital
de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), en signe de leur désaccord
avec la direction. Cette décision collective va déclencher
une enquête de l’Inspection générale des afaires sociales (Igas).
90
C’est le pourcentage des emplois supprimés
dans un entrepôt du géant du vêtement
japonais Uniqlo. Des robots se chargeront du
triage, de l’étiquetage et de l’expédition. Capital/travail

AUTOMOBILE

GM&S : la justice annule

le plan social en appel
Estimant que le sous-traitant automobile n’avait pas pris en compte tous les critères obligatoires pour établir son PSE, la
cour administrative d’appel de Bordeaux a donné, vendredi, gain de cause aux ex-salariés, qui pourront être indemnisés.

n an après la reprise de

U
GM&S, sous-traitant au-
tomobile, par GMD – qui
s’était soldée par 157 li-
cenciements –, les ex-
salariés viennent de
remporter une petite vic-
toire. « C’est une satisfaction de voir que
ce qu’on dénonçait depuis le début a été
reconnu : le PSE chez GM&S a été mis en
œuvre pour arranger le repreneur – qui a
pu faire ses courses en reprenant qui il voulait
– et l’administrateur judiciaire qui a pu faire
des économies sur les primes de licenciement
en dégageant les moins anciens », résume
Vincent Labrousse, ex-délégué CGT dans
l’usine d’emboutissage de La Souterraine
(Creuse). La cour administrative d’appel
de Bordeaux a en efet annulé, vendredi,
le jugement pris en première instance par
le tribunal administratif de Limoges,
le 29 mai 2018, qui validait la procédure
d’homologation par la Direccte (direction
régionale des entreprises, de la consom-
mation, du travail et de l’emploi) de la
région Nouvelle-Aquitaine du plan social
mis en œuvre chez GM&S.
Les arguments de l’employeur
n’ont pas convaincu
« L’employeur qui procède à un licenciement
collectif pour motif économique est tenu,
pour déterminer l’ordre des licenciements,
de prendre en compte l’ensemble des critères
qui sont énumérés à l’article L.1 233-5 (…)
(du Code du travail – NdLr) et notamment
le critère des qualités professionnelles »,
argumentent les juges dans la décision
rendue vendredi. La loi prévoit en efet que
l’employeur doit tenir compte des charges
de famille, de l’ancienneté, de la situation
des salariés qui « présentent des caracté-
ristiques sociales rendant leur réinsertion
professionnelle particulièrement diicile,
notamment celle des personnes handicapées
et des salariés âgés », mais aussi des qualités
professionnelles « appréciées par catégo-
rie ». Or, en l’espèce, GM&S avait manipulé
ces critères en s’appuyant sur l’ancienneté
pour déterminer les qualités professionnelles
des salariés, ce qui revenait à surpondérer
ce premier critère, déjà pris en compte par
ailleurs. L’employeur avait, pour se justiier,
estimé qu’il manquait d’« éléments objectifs
permettant d’évaluer la qualité professionnelle
Selon l’avocat des ex-GM&S, maître Jean-Louis Borie, « cet arrêt va permettre à ceux qui ont saisi
les prud’hommes d’obtenir des indemnisations, soit environ 55 personnes ». Pascal Lachenaud/AFP
des salariés ». Un argument qui n’a pas
convaincu la cour administrative d’appel
de Bordeaux, qui a jugé que l’employeur
aurait pu s’appuyer sur des iches d’éva-
luation professionnelle ou sur d’autres
dispositifs pour estimer les compétences
des salariés. L’avocat des ex-GM&S, maître
Jean-Louis Borie, a expliqué à l’AFP
que cet arrêt « n’ouvre pas droit à la réin-
tégration » des salariés licenciés « mais va
permettre à ceux qui ont saisi les
prud’hommes d’obtenir des indemnisations,
soit environ 55 personnes ».
Si la décision de justice annule sur le fond
le plan de sauvegarde de l’emploi mis en
œuvre chez GM&S, elle vise également
la décision d’homologation prise par la
Direccte. L’administration du travail – censée
« C’EST
UNE PREMIÈRE
BELLE VICTOIRE,
ET ON ESPÈRE QU’IL
Y EN AURA D’AUTRES. »
YANN AUGRAS, DÉLÉGUÉ
CGT DE LA SOUTERRAINE
INDUSTRIE (EX-GM&S)
LA PROPOSITION DE
LOI FAIT SON CHEMIN
Pour éviter l’hémorragie
sociale dans l’industrie, des
ex-salariés de GM&S ont
élaboré au printemps
dernier une proposition
de loi visant à renforcer
la responsabilité des
donneurs d’ordres vis-à-vis
de leurs sous-traitants.
Après avoir rencontré de
nombreux parlementaires,
les ex-GM&S pourraient
bien obtenir « la création
d’une commission
parlementaire », croit
savoir Vincent Labrousse,
ex-délégué CGT.
garantir la légalité de la procédure – n’avait d’ordres de leur ex-employeur. « Ce sont
en effet pas trouvé à redire sur cette eux qui dirigeaient réellement GM&S, avec
manœuvre de la direction. « Ce PSE a été la complaisance des actionnaires de l’entre-
fait à l’arrache, il a été validé en deux-trois prise, c’est à eux de payer », souligne Vincent
jours par la direccte alors qu’ils avaient Labrousse. La diminution du volume de
vingt et un jours pour l’examiner », dénonce commandes de ces deux géants de la voiture
Vincent Labrousse. La cour administrative avait en efet plongé GM&S en grande dif-
d’appel a ainsi condamné l’État à verser iculté, avant que l’usine ne soit placée en
2 000 euros à la CGT GM&S Industry France, liquidation judiciaire et reprise par GMD
à l’association de soutien et de défense pour un euro symbolique en 2017. « J’ai
des salariés de GM&S et au comité adressé une lettre aux deux Carlos (Tavares,
d’entreprise de la société LSI (nouveau nom le patron de PSA et Ghosn, celui de renault)
de l’usine GM&S – NDLr) au titre du pour leur dire que je me tenais à leur dispo-
paiement des frais de justice. sition pour trouver une solution, faute de
Sur tous les fronts, les anciens salariés du quoi, j’entamerai une action en justice devant
sous-traitant creusois continuent par ailleurs le tribunal de grande instance », a mis en
à demander des comptes aux constructeurs garde maître Jean-Louis Borie.
automobiles renault et PSA, donneurs LOAN NGUYEN
10 l’Humanité Lundi 15 octobre 2018

Capital/travail

Amazon Un algorithme de Transports Pas de CDG Express

recrutement exclut les femmes
Chez le géant de la distribution en ligne,
une intelligence artiicielle (IA) triait les
candidatures. Elle analysait les CV, les
notait de une à cinq étoiles et proposait les
meilleurs. Pour élaborer les critères d’éva-
luation de leur algorithme, ses concepteurs
avaient nourri la machine à recrutements
de ces dix dernières années chez Amazon,
libre à l’IA d’en tirer la substantiique
moelle. Résultat, l’algorithme est devenu
un concentré de sexisme. Chaque fois qu’il
repérait le mot « femme » ou « féminine »
dans un CV, celui-ci tombait en bas de la
pile. Dans son système d’évaluation, l’IA
a aussi progressivement dévalorisé les
universités d’où sortaient une majorité de
femmes. À l’inverse, elle appréciait les
mots agressifs tels que « gagné », « exé-
cuté », « décroché »… Gênée aux entour-
nures, Amazon a réduit son IA au silence,
mais l’emploi de tels outils est de plus en
plus plébiscité par les services de ressources
humaines. Amazon planche désormais sur
un algorithme de détection des dépressifs
et « autres états émotionnels anormaux »,
dit le brevet, en utilisant la reconnaissance
vocale. Ses assistants vocaux vont scruter
le timbre, le rythme, les impulsions et
l’harmonie de la voix des personnes en
présence, ain notamment de suggérer des
médicaments.
pour Élisabeth Borne
Un décret paru ce samedi au Journal oiciel
note que l’attribution du contrat pour le
Charles de Gaulle Express – projet de liaison
ferroviaire entre Paris et l’aéroport de
Roissy – sera désormais coniée au ministre
de la Transition écologique, François de
Rugy. L’actuelle ministre des Transports
étant l’ancienne patronne de la RATP, il a
été jugé préférable qu’Élisabeth Borne conie
le dossier à son collègue « ain de prévenir
toute suspicion possible de conlit d’intérêts ».
La RATP est en efet membre d’un groupe-
ment, avec Bouygues et HSBC, candidat à
l’attribution. Censé relier à l’horizon 2023 Les salariés du Parc Hyatt Vendôme ont subi, vendredi, les feux croisés
la gare de l’Est au terminal 2 de l’aéroport d’une double répression. Pierrick Villette
parisien, le CDG Express, concurrence di-
recte au RER B, aura également
« un impact négatif en termes de ponctualité
RÉPRESSION
sur la ligne K, le TER Picardie, les RER D et
E, la ligne P, sans parler des conséquences
pour les traics fret », souligne l’association
Non au CDG Express présidée par Didier Le
Les grévistes du Parc
Reste. Et alors que le gouvernement liquide
ses parts d’ADP, « atrophie le service public
Hyat ne cèdent rien
ferroviaire et difère la réalisation de certaines Malgré les pressions et l’évacuation du piquet
lignes du Grand Paris Express », l’association
dénonce l’aberration d’une nouvelle liaison de grève par la police, les « petites mains » du
ferroviaire privatisée, à destination des plus palace parisien maintiennent leur mobilisation.
aisés, pour un coût estimé à plus de
2 milliards d’euros, dont 1,7 milliard garanti
par l’État. olestés par la sécurité pri- centaine de personnes se sont ras-

M
PI. M. PI. M.
vée du palace parisien, semblées, samedi, devant l’hôtel.
puis violemment délogés « Un aspirateur pour quatre »,
par la police nationale, les grévistes « moins d’une heure pour faire chaque
du Parc Hyatt Vendôme ont subi, chambre », « clients extrêmement
vendredi, les feux croisés d’une exigeants »… alors que les grévistes
double répression. En grève depuis listent les diicultés à faire leur
ÉVASION plus de vingt jours, ces « petites travail au quotidien, la direction

FISCALE
mains » de l’hôtel de luxe parisien, du palace, elle, reste sourde. Pour-
salariées en sous-traitance, exigent tant, certiie la CGT, le Parc Hyatt
LES SECRETS l’amélioration de leurs conditions « est le seul palace » parisien à faire
de travail, la revalorisation de leurs appel à une entreprise sous-trai-
D’UN SYSTÈME salaires et l’inter- tante pour son ser-
Cent pages de faits, d’analyses nalisation de leurs Ces « petites vice hébergement
contrats de travail.
et d’explications sur le système
Présents sur le pi-
mains » du palace qui emploie gouver-
nantes, équipiers,
d’évasion fiscale…
quet de grève ven- parisien exigent femmes et valets de
dredi, comme chambre. Mais la
chaque jour depuis l’amélioration de lutte des salariés du
Des exemples concrets : Bernard Arnault, le début du conlit, Parc Hyatt Vendôme
Bono, Whirlpool, Le Pen, Apple, Balkany, Nike… les salariés mobilisés leurs conditions n’est pas isolée. À
« ont tenté paciique- de travail. l’international, elle
Des contributions prestigieuses : Éric Bocquet, ment d’empêcher les résonne avec le
Pierre Ivorra, Monique Pinçon-Charlot, remplaçants des grévistes de pénétrer combat que mènent les personnels
Jean Ziegler… dans l’hôtel en leur demandant de de chambre dans plusieurs grands
6€ 10€ présenter le contrat de travail qui hôtels aux États-Unis. Ainsi, l’hôtel
JE SOUHAITE RECEVOIR LE HORS-SÉRIE À 6 EUROS + 2 EUROS DE FRAIS DE PORT justiiait leur présence », détaille la Hyatt de Chicago vient de connaître
(VALABLE UNIQUEMENT POUR LA FRANCE MÉTROPOLITAINE), SOIT : 8 € X ....... CGT hôtels de prestige et écono- le plus long mouvement social de-
EXEMPLAIRE(S) = ......... EUROS. miques (CGT-HPE). puis un siècle : vingt-huit jours de
PRÉNOM NOM
grève pour des conditions de travail
Sofiane et Moussa ont été décentes. Au même moment, « les
ADRESSE agressés sauvagement salariés de Marriott (autre chaîne
La direction n’a alors « rien trouvé d’hôtellerie haut de gamme – nDlR)
VILLE CODE POSTAL de mieux que d’envoyer ses agents de font grève dans huit villes américaines
sécurité agresser sauvagement nos depuis plusieurs jours » souligne la
TÉLÉPHONE E-MAIL deux camarades Soiane et Moussa », CGT. À Paris, déterminées à se faire
qui ont tous les deux « perdu entendre, les «petites mains» du
connaissance », poursuit le syndicat. Parc Hyatt Vendôme poursuivent
HQ 22534/2018

RENVOYER IMPÉRATIVEMENT CE BULLETIN ACCOMPAGNÉ DU RÈGLEMENT (CHÈQUE À L’ORDRE
DE L’HUMANITÉ) À : L’HUMANITÉ/SERVICE DIFFUSION MILITANTE, 3, RUE DU PONT-DE-L’ARCHE,
37550 SAINT-AVERTIN. TÉLÉPHONE : 01 55 84 40 30.
CHEZ VOS MARCHANDS DE JOURNAUX ET SUR HUMANITE.FR
Quelques heures plus tard, « à midi, la tenue d’assemblées générales.
neuf autocars de la police nationale Elles entendent, dès aujourd’hui,
ont débarqué rue de la Paix », pour remonter un piquet de grève devant
déloger les grévistes. En soutien l’entrée du palace.
aux salariés du Parc Hyatt, une MARION D’ALLARD
 Lundi 15 octobre 2018 l’Humanité 11

BRICOMARCHÉ S’EXCUSE
POUR LE GLYPHOSATE
Un Bricomarché du Finistère a présenté ses excuses après
124
millions de personnes souffrent
avoir incité ses clients à faire des stocks de Roundup, de faim aiguë dans le monde, selon
herbicide controversé dont le principe actif est le glyphosate, un nouvel indice réalisé par deux
avant son interdiction à la vente au 1er janvier prochain. ONG irlandaise et allemande. Une planète et des hommes

L’appel à manifester pour le climat a été lancé via les réseaux sociaux, par des acteurs plaidant l’apolitisme de la démarche. Ici à Marseille. Gérard Julien/AFP

MOBILISATIONS

Manifestations climat et
politique : je t’aime, moi non plus
Près de 120 000 personnes ont manifesté, samedi, pour exiger des actions immédiates en faveur du climat.
Un mouvement qui se revendiquait apolitique. Non sans nuances.

« IL EST
es ours polaires à la mine moins la volonté d’interpel- façon de voter », explique la Garance, même âge, est plus ouvertement

D
ofensive, des leurs dres-
sées comme des armes
de réaction massives, des
slogans balançant entre
alerte et humour… cinq
jours après la publication
du rapport du Giec démontrant que la li-
mitation du réchaufement à 1,5 °C se joue
tout de suite ou jamais, près de 120 000 per-
sonnes ont manifesté, samedi, à travers la
France, pour exiger des actions immédiates
en faveur du climat.
Comme pour les marches qui avaient suivi
la démission de Nicolas Hulot, l’appel a été
lancé via les réseaux sociaux, par des acteurs
plaidant l’apolitisme de la démarche. À
Paris, où près de 30 000 personnes ont déilé
entre Opéra et République, syndicats, partis
et même grandes ONG étaient invités à
déployer leurs banderoles en queue de cor-
tège ain de laisser place à un « mouvement
créatif et populaire dans lequel toutes celles
et ceux qui le souhaitent peuvent s’impli-
quer ». Certains y ont vu une condition pour
que la mobilisation s’élargisse. D’autres,
un rejet du politique n’ofrant qu’une pers-
pective limitée de changement de fond. Le
cortège, dans l’ensemble, portait à tout le
DEMANDÉ AUX
ler les décideurs, voire de ORGANISATIONS jeune femme, également méiante à l’égard de la politique, trop
pousser à « transformer le DE RESPECTER LE engagée, via une Amap, dans clivante à son goût. « L’apolitisme, c’est
système ». Alors, politiques CARACTÈRE CITOYEN la défense de l’agriculture justement ce qui me permet de m’impli-
ou pas, les manifestations DE L’ÉVÉNEMENT EN bio et relocalisée. « Je me quer », précise la jeune femme, qui
pour le climat ? N’AFFICHANT PAS DE retrouve plus dans ce type de s’occupe de distribuer un « pacte finance-
« Si se battre pour des va- DRAPEAUX », ONT PLAIDÉ mouvement, sans hiérarchie, climat », déjà cosigné par une centaine de
LES ORGANISATEURS.
leurs, c’est faire de la poli- qui donne le même espace de personnalités… dont Laurence Parisot.
tique, alors oui, c’est ce que décision à tous. » Aucun risque de greenwashing nominal,
nous faisons », conclut Céline, après venant de l’ex-patronne du Medef ? « Peut-
une minute de rélexion. La vingtaine, «L’apolitisme fait toujours le jeu être un peu… admet Garance. Mais cela
des cheveux noirs qui lui retombent en cas- de la droite ! » montre aussi que cette proposition est réa-
cade sur l’épaule et un tee-shirt estampillé Même génération, même remarque : Sé- lisable, non ? »
aux armes d’Alternatiba, elle arrive d’Ar- golène porte pour la première fois le gilet « L’apolitisme fait toujours le jeu de la
genteuil, dans le Val-d’Oise, où son asso- jaune luo d’ANV-COP21. « Il y avait un droite ! » peste pour sa part Valérie, la tren-
ciation tient, une fois par mois, une appel, sur les réseaux sociaux, à venir aider taine, taclant ledit pacte et ladite signature.
« gratiféria ». « C’est une forme de marché à l’organisation de la manifestation. J’avais Près d’elle, Sébastien arbore l’autocollant
non commercial, où chacun donne ou récupère envie d’agir, j’ai répondu, on m’a rappelée rouge du PCF sur la poitrine. Tous deux
gratuitement des objets d’occasion », explique et voilà : j’organise », raconte celle qui, il y sont militants dans le 12e arrondissement
Céline, qui y voit une façon de lutter contre a peu, militait encore à la Jeunesse com- de Paris. « On se bat aux côtés des cheminots
une surconsommation coûteuse en ressources muniste. « Bien sûr qu’il s’agit ici de dire contre la casse de fret ferroviaire ou pour
et en énergie. Une échelle d’actions qui, en stop aux politiques climaticides », ajoute-t- remettre en circulation le train de la ceinture
outre, lui convient, elle qui, sans manifester elle tout en notant, à l’instar de Céline, ne verte », détaille-t-elle. « Ces luttes sont
de rejet des structures politiques classiques, pas être sûre de trouver dans les partis l’outil aussi celles du climat. Mais la remise en
explique ne pas y retrouver ses petits. « Je qui lui convient le mieux pour cela. « Si je question doit être plus globale, poursuit la
préfère rester en dehors. J’aurais le sentiment devais adhérer, ce serait au PCF », note-t- jeune femme. Les solutions existent partout,
d’être… dans une case, de réduire mon champ elle sans lagornerie. « Mais, pour le moment, mais c’est faux de laisser croire que tout le
d’action », poursuit-elle. « Savoir ce que je je me sens plus à l’aise dans un mouvement monde les défend. »
mange et à qui je donne mon argent, c’est ma où tous les points de vue se confrontent. » MARIE-NOËLLE BERTRAND
12 l’Humanité Lundi 15 octobre 2018
Débats&Controverses
EHPAD, AIDES À DOMICILE, MOYENS HUMAINS ET FINANCIERS
Comment assurer un accompagnement
décent des personnes âgées ?
OSONS UNE SOCIÉTÉ
INCLUSIVE
Stéphane Landreau
Secrétaire général de la
FNAAFP/CSF, fédération
nationale associative
de l’aide à domicile
« Perte d’autonomie », « dépendance » et même « nau-
frage », disait Chateaubriand. Il est temps de changer
notre regard sur la vieillesse pour construire une société
qui réponde aux besoins des personnes âgées.
Pour cela, nous devons entendre ce qu’elles nous di-
sent : leur souhait de vieillir à domicile alors que beau-
coup se retrouvent en Ehpad sans l’avoir choisi. La
question est simple : faut-il continuer comme cela ou
faire le choix d’une autre société, plus bienveillante,
à l’écoute et dans laquelle on pourrait choisir son
parcours de vie ?
Nous croyons qu’un autre modèle est possible. Il sup-
pose de faire du maintien à domicile une véritable
priorité politique. Même si nous savons que rester à
domicile ne sera pas possible pour tou(te)s, faisons en
sorte que cela soit le cas quand c’est un choix
assumé.
Pour cela, il faut des mesures d’adaptation du domicile,
mais le principal enjeu est l’accompagnement humain
et le maintien du lien social. Nous devons soutenir les
intervenant(e)s à domicile qui sont au cœur du dis-
positif. Mais dans quelles conditions, aujourd’hui !
Faute de inancement suisant, l’État est depuis long-
temps maltraitant avec nos associations et par consé-
quent avec les salarié(e)s et les usagers. Il faut revaloriser
les métiers et inancer des salaires décents. Il faut aussi
leur reconnaître pleinement le statut de travailleurs
sociaux et arrêter de inancer les interventions à l’heure.
Olivier Thomas
Qui peut décréter qu’une aide au repas doit durer 30
minutes pour tou(te)s ? Un inancement au poste serait
plus respectueux des besoins des personnes.
Allons-nous également continuer à laisser les aidants
se débattre avec leurs problèmes au détriment de leur
vie professionnelle et de leur retraite ? Allons-nous
enin soutenir l’action des associations qui luttent
contre l’exclusion et la rupture du lien social ? Il est
urgent d’en faire une priorité de nos politiques
publiques.
Au lieu d’évaluer uniquement la perte d’autonomie
des personnes âgées, nous devons promouvoir les
principes de « compensation universelle » et de respect
du projet de vie de la personne, à l’instar de la loi du
11 février 2005 pour les personnes en situation de
handicap. La convergence des dispositifs d’accom-
pagnement des personnes âgées et handicapées doit
être engagée.
Enin, il faut inancer ces réformes. On nous dit que
nos concitoyens ne veulent pas d’impôt nouveau. Mais
quel est le choix ? Financer la perte d’autonomie par
RAPPEL DES FAITS Alors
que la situation dans les
Ehpad est au bord de la
rupture, de nombreuses
aides et services font les frais
des budgets en recul.
la solidarité nationale avec des prélèvements justement
répartis, ou laisser chacun faire face à l’explosion de
ces dépenses, avec des coûts insupportables pour les
plus fragiles d’entre nous ? Notre choix est clair, nous
devons mettre en œuvre un cinquième risque de
sécurité sociale inancé très majoritairement par la
solidarité nationale.
Agnès Buzyn a annoncé, la semaine dernière, le lan-
cement d’une concertation sur le grand âge qui va se
dérouler sur quatre mois, durée bien courte pour la
véritable révolution sociale que nous avons à mener.
Mais, ayons l’ambition d’être cette fois-ci à la hauteur
des enjeux. Osons une politique à l’écoute des besoins
des personnes et mettons en œuvre un projet de société
inclusif pour les plus fragiles d’entre nous.
À lire, le plaidoyer pour une réponse adaptée
aux besoins des personnes vieillissant à domicile
sur fnaafp.org/cp-plaidoyer
ÂGISME ET BIEN VIEILLIR
Pascale Champvert et Romain Gizolme
Président et directeur de l’Association des
directeurs au service des personnes âgées
(AD-PA)
L’article 13 du traité d’Amsterdam demande à tous les
pays européens de lutter contre tout type de discri-
mination (sexisme, homophobie, racisme…). Les dis-
criminations par l’âge et par le handicap igurent aussi
dans ce traité. De même, les textes français sur les
discriminations intègrent l’âgisme, qui fait partie des
attributions du Défenseur des droits. Aujourd’hui, si
un individu tient des propos sexistes, racistes ou ho-
mophobes, il est passible d’une condamnation. En
revanche, ce même individu peut dire qu’un vieux est
un « légume » ! Notre société pratique d’autant plus
l’âgisme qu’elle n’en est pas consciente.
Ainsi, dans son rapport de janvier 2015, l’OMS indiquait
que « aujourd’hui, l’âgisme peut constituer une forme
de discrimination encore plus universelle que le sexisme
ou le racisme » et rappelait que « les attitudes négatives
ou âgistes à l’égard des personnes âgées s’observent
partout », car « la plupart des gens n’ont pas conscience
des stéréotypes qu’ils entretiennent inconsciemment à
l’égard des personnes âgées ».
Personne ne veut vieillir. Chacun veut être jeune
ou, au minimum, faire cinq ou dix ans de moins
que son âge ; ainsi, pour être agréable à un ami
qu’on n’a pas vu depuis cinq ans, on lui dit qu’il
n’a pas vieilli. Parfois, depuis 2003, les médias
parlent de ces vieux-vieux, très abîmés par la vie,
d’autant plus effrayants s’ils sont porteurs de cette
pathologie monstrueuse : Alzheimer. On s’interroge
alors pour savoir s’ils sont encore des humains et
si leur vie vaut d’être vécue. Et on s’effraie à l’idée
qu’ils pourraient être de plus en plus nombreux et
donc de plus en plus coûteux.
La société laisse seuls face à eux-mêmes ses citoyens
par rapport à une question aussi majeure que le vieillis-
sement et accroît même leurs diicultés avec l’impératif
d’être toujours jeune !
L’Occident depuis la in des années 1950 a construit
son modèle de développement économique sur des
valeurs de jeune : performance, vitesse, adaptation,
changement, renouvellement rapide des biens de
consommation et des moyens de production. À jeter
ce qui est vieux, on en vient vite à jeter ceux qui sont
vieux. Il faut donc être jeune, actif, dynamique, tandis
que le lent, le profond et la sérénité sont rejetés au
second plan.
Les vieux sont sommés de rester jeunes, repoussant
dans la vieillesse les seuls vieux-vieux, fragilisés par
les maladies et les handicaps, et ainsi reclus à leur
domicile où on ne les voit pas ou dans des maisons
de retraite qu’on ne peut pas occulter mais qu’on
stigmatise comme porteuses de tous les vices.
La société fait en sorte que les vieux n’existent pas :
les uns sont intégrés dans le groupe des jeunes, les
autres sont ignorés quand ce n’est pas sortis de la
communauté des humains.
L’Occident a donc permis l’une des plus grandes
conquêtes de l’homme, la vie longue, mais il n’en
proite pas car il a oublié deux messages essentiels de
toute la pensée humaine : respecter les vieux (car être
vieux est l’avenir de chacun) et regarder sa mort en
face (car c’est la seule façon d’être heureux en
attendant).
En fait, au lieu de développer l’harmonie dans le groupe,
seul moyen de préserver l’équilibre dans la psyché de
chacun, l’Occident a développé l’âgisme, discrimination
par l’âge, qui conduit à dévaloriser les vieux et à dé-
valoriser ce qui est vieux en chacun d’entre nous.
Comme toute discrimination, l’âgisme dévalorise un
groupe. Cette dévalorisation s’exprime de diférentes
façons (vocabulaire compassionnel, infantilisant ou
dévalorisant, limites à la liberté d’aller et venir, report
permanent des politiques d’aide aux personnes âgées,
acceptation de milliers de morts comme à l’occasion
de la grippe en 2017…)

Cette discrimination se traduit enin très concrètement
également sur l’état de santé physique et psychique,
comme l’indique là aussi l’OMS : « Les personnes âgées
ayant une attitude négative vis-à-vis de leur propre
vieillissement ne se rétablissent pas aussi bien des in-
capacités et vivent en moyenne 7,5 années de moins que
celles ayant une attitude positive. »
La lutte contre l’âgisme vise à mieux intégrer ceux qui
appartiennent à ce groupe.
Comme toute ségrégation, l’âgisme a pour origine la
peur. La peur prend ici deux formes : peur de vieillir
et peur de mourir.
Au-delà, comme toute lutte contre une
discrimination, sortir de l’âgisme permet L’ORGANISATION
de mieux accepter pour chacun ce que
représente le groupe discriminé. Mais
lutter contre l’âgisme est diicile car la
MONDIALE
DE LA SANTÉ DÉFINIT
UNE PERSONNE ÂGÉE
À PARTIR DE 60 ANS.
société tout entière est âgiste, et donc C’EST AUSSI L’ÂGE
c’est l’âgisme qui paraît normal et sa DE LA PLUPART
dénonciation qui étonne. DES AIDANTS EN
Lutter contre l’âgisme, accepter les vieux,
c’est accepter ce qui est vieux en nous car à
tout moment de la vie chacun est traversé par
cette polarité fondamentale entre le jeune et vieux, le
neuf et l’ancien, la rupture et la continuité. À l’inverse,
maintenir la coupure sociale et la coupure psychique
est source d’anxiété pour la société et pour chacun.
Accepter l’égalité entre les vieux et les jeunes, c’est
accepter pleinement les vieux du dehors, c’est accepter
le vieux du dedans et c’est accepter le processus de
vieillissement, comme toute dynamique, avec des
pertes et des gains. Car, vieillir, c’est diminuer sur le
plan physique, mais c’est grandir sur le plan psychique,
en connaissance de soi, du monde et des autres, comme
le disent toutes les pensées humaines, spirituelles,
philosophiques ou thérapeutiques.
C’est sans doute cela, le vrai message d’optimisme et
la vraie clé du tant recherché « bien vieillir ».
LE MANQUE CHRONIQUE
DE PERSONNELS QUALIFIÉS
Malika Belarbi
Collectif des personnes âgées-Fédération CGT
santé et action sociale
Dégager des moyens pour assurer un accompagnement
décent des personnes âgées est une nécessité et une
urgence.
La France a accumulé un grand retard dans l’aide et
l’accompagnement de nos aîné.e.s dans les Ehpad,
lieu de vie accueillant des personnes âgées en perte
d’autonomie ain de leur apporter de l’aide dans
leurs actes de la vie quotidienne, « du bien-être et
confort ». Depuis trop longtemps, un fort mécon-
tentement des résident.e.s et de leurs proches et une
grande soufrance des salarié.e.s s’ampliient face
au manque criant de moyens. Aujourd’hui, l’accueil
comme l’accompagnement personnalisé et indivi-
û e
Chaque semaine,
retrouvez nos chroniqueurs
dans les pages
Débats&Controverses
dualisé sont défaillants. Au il des années, l’entrée
plus tardive des résident.e.s, souvent atteints de
troubles cognitifs et de dépendance avec des poly-
pathologies, a transformé l’Ehpad en lieu seulement
médicalisé au détriment d’un lieu de vie, d’un « chez-
soi ». Le manque chronique de personnel qualiié et
la non-reconnaissance des métiers ne sont pas en
adéquation avec les besoins et les attentes des rési-
dents et de leur famille. La loi adaptation de la société
au vieillissement (ASV), publiée in 2015, laisse to-
talement de côté le inancement des Ehpad ini-
tialement prévu ; bien au contraire, elle impose
des contraintes budgétaires supplémen-
taires : état prévisionnel des recettes et
des dépenses (EPRD), convergence ta-
rifaire et contrat pluriannuel d’objectifs
et de moyens (Cpom).
Les salarié.e.s se sont mobilisé.e.s mas-
sivement le 30 janvier et le 15 mars pour
dénoncer la situation dramatique dans
FRANCE. les Ehpad, avec le soutien de citoyens,
et pour réclamer des moyens immédiats. À
ce jour, localement, de nombreuses initiatives
se développent, tant dans le secteur public que privé
(grèves, interpellation de l’ARS et du conseil dépar-
temental), face à un gouvernement qui ne répond pas
aux problèmes réels de la prise en charge de nos aînés.
Les diférents rapports parlementaires ou celui du
Conseil économique, social et environnemental (Cese)
ont mis en évidence la situation problématique des
Ehpad. Dans sa feuille de route du 29 mai 2018, la
ministre, conirmant que la France n’a pas encore
trouvé un vrai modèle de la prise en charge de l’au-
tonomie, propose l’ouverture d’une concertation
citoyenne sur « l’accompagnement des personnes âgées
dépendantes ». Mais la feuille de route « grand âge et
autonomie » est très insuisante au regard de la
dégradation des conditions de travail des soignant.e.s
et du manque de considération des personnes âgées
en perte d’autonomie. Le gouvernement doit changer
de cap : sa politique d’austérité et du « ruissellement »
pour donner seulement aux plus riches est catastro-
phique ; elle met à mal l’aide et les soins à nos aînés.
Le inancement de la Sécurité sociale est possible
avec une politique de redistribution des richesses,
de relance de l’emploi permettant une amélioration
des conditions de travail, d’augmentation des salaires
et de reconnaissance salariale des métiers à prédo-
minance féminine pour donner l’envie à tous et à
toutes de travailler dans ce secteur (80 à 90 % de
femmes salarié.e.s dans les Ehpad avec de très bas
salaires). Un soignant pour un résident, soit plus de
200 000 emplois, est nécessaire et nous devons an-
ticiper pour le futur les formations incontournables.
L’accompagnement décent de nos aînés en perte
d’autonomie est une nécessité sociétale. Maintenir
la dignité et une in de vie confortable doit se faire
dans le respect des choix, des personnes, en main-
tenant les habitudes de vie et en répondant aux
besoins fondamentaux (hygiène, soin relationnel,
divertissement, environnement). Des moyens hu-
mains et matériels sont nécessaires comme priorité
pour la santé et le bien-être de nos aîné.e.s et des
salarié.e.s des Ehpad.
Mercredi Pierre Ivorra
Jeudi Francis Comb es et Patricia Latour
Vendredi d ans le cahier l’Humanité
d es d éb ats, la chroniq ue d e Cynthia Fleury
et le Bloc-Notes d e Jean-Emmanuel Ducoin.
Pierre Serna d ans la p ag e Cortex.
Lundi 15 octobre 2018 l’Humanité 13
Débats&Controverses
la chronique juridique
d’aline chanu
AVOCATE AU BARREAU DE PARIS
Votre interlocuteur
à Pôle emploi : le juge
ôle emploi décide de diligenter une
P enquête pour s’assurer que M. X, in-
termittent du spectacle, est en droit de
continuer à prétendre au versement de l’al-
location d’aide au retour à l’emploi. Pour
autant, Pôle emploi ne lui demande aucune
pièce justiicative dans le cadre de cette « en-
quête ». M. X, qui n’arrive plus à joindre son
conseiller depuis huit mois, décide de saisir
le médiateur national. N’ayant pas de réponse,
son avocat écrit à Pôle emploi pour savoir où
en est l’enquête. N’ayant toujours pas de
réponse, il saisit le tribunal de grande instance
en référé pour obtenir la régularisation de
ses droits par Pôle emploi. Au moment de la
saisine, cela fait un an que M. X s’est vu sus-
pendre abusivement ses droits ! Ce n’est
qu’avec la saisine du tribunal que Pôle emploi
obtempère et régularise rétroactivement la
situation de M. X en lui versant la somme de
15 400 euros.
M. X, considérant à juste titre avoir subi un
important préjudice, maintenait la procédure
judiciaire pour demander au juge des référés
d’ordonner la condamnation de Pôle emploi à
lui verser des dommages et intérêts. Le tribunal
de grande instance de Paris donne raison au
salarié en condamnant Pôle
emploi à verser 2 000 euros
en octroyant de dommages et intérêts et
des dommages 5 000 euros au titre de l’ar-
ticle 700 du Code de procé-
et intérêts, dure civile, considérant que :
« S’il entre dans la mission
le tribunal de Pôle emploi de lutter
sanctionne contre la fraude aux alloca-
tions, notamment dans le
clairement souci d’une bonne gestion
des données publiques, Pôle
Pôle emploi. emploi ne justifie d’aucun
texte qui l’autorisait à sus-
pendre le paiement des droits dans l’attente du
résultat des investigations menées alors qu’à
l’inverse une procédure de recouvrement des
indus est prévue. »
« Le délai ainsi écoulé apparaît anormalement
long et caractérise avec l’évidence requise en
référé un défaut de diligences de Pôle emploi
dans l’instruction des dossiers contentieux et
de l’information des allocataires. Dans ces condi-
tions, l’obligation de Pôle emploi d’avoir à in-
demniser le préjudice ainsi causé à M. X est non
sérieusement contestable. »
En octroyant des dommages et intérêts, le
tribunal sanctionne clairement Pôle emploi qui,
sous prétexte de contrôles, se permet de priver
de manière illicite les demandeurs d’emploi de
leurs droits. Cette afaire laisse malheureusement
présager le pire dans un contexte politique où
les moyens de contrôle de Pôle emploi sont
renforcés au détriment de l’accompagnement
des demandeurs d’emploi.
Tribunal de grande instance de Paris, ordonnance
de référé du 14 septembre 2018 n° 18-56606,
Monsieur X c/ Établissement public Pôle emploi
(avocat plaidant Florent Hennequin).
14 l’Humanité Lundi 15 octobre 2018

NON-LIEU POUR DEUX GENDARMES

Les deux gendarmes qui ont abattu le 30 mars 2017,
près de Blois, Angelo Garand, un homme de 37 ans
qui n’avait pas réintégré sa prison après une permission
de sortie, ont bénéicié d’un non-lieu. Le juge
Société&Solidarités d’instruction a retenu la thèse de la légitime défense.
34
C’est l’âge du vététiste assidu et
« parfaitement identifiable » qui a été
mortellement touché samedi soir par le
tir d’un fusil de chasse en Haute-Savoie.

ENSEIGNEMENT

Le projet de loi Blanquer

met le système scolaire en rang
Le ministre présente aujourd’hui devant le Conseil supérieur de l’éducation un texte beaucoup plus ambitieux
– et dangereux – que prévu, d’où émergent les contours de réformes libérales et une inquiétante volonté de reprise en main.

’était en mai 2017, quelques

C
jours après sa prise de fonc-
tion. « Il n’y aura pas de loi
Blanquer, et j’en serai fier »,
avait annoncé le nouveau
locataire de la Rue de
Grenelle. À l’évidence, Jean-
Michel Blanquer avait parlé trop vite. Comme
ses prédécesseurs qu’il raillait en creux, le
ministre présentera aujourd’hui, devant le
Conseil supérieur de l’éducation (une instance
consultative), « son » projet de loi, qui doit
entrer en vigueur en septembre 2019. Un
texte beaucoup plus ambitieux et dangereux
que ne le laissaient présager jusqu’ici ses
sorties faussement rassurantes. Baptisé « loi
pour une école de la coniance », le texte
devait se borner, pour l’essentiel, à traduire
dans la législation l’instauration de la
scolarisation obligatoire à 3 ans. Mais le
8 octobre, après des mois de mystère, les
syndicats ont découvert les 24 articles. Et
compris que du fourre-tout de mesures
prétendues techniques émergeaient de
profondes réformes et une inquiétante vo-
lonté de reprise en main.

Une logique de contrôle

sur la formation des professeurs
C’est tout le paradoxe – ou la duplicité, diront
certains – du ministre Blanquer. Côté pile,
il défend le pragmatisme scientiique. Côté
face, il marche sur les faits pour mieux im-
poser sa vision dogmatique de l’école. L’ar-
ticle 9 du projet de loi, qui prévoit la disparition
du Conseil d’évaluation du système scolaire
(Cnesco), résume à lui seul cette mécanique
blanquérienne. La jeune institution lancée
en 2014 était chargée d’évaluer en toute in-
dépendance les résultats du système scolaire.
Composé de quatre parlementaires, de deux
membres du Conseil économique, social et
environnemental et de huit personnalités
extérieures nommées pour six ans, le Cnesco
venait d’être salué par un rapport de l’As-
semblée nationale, qui en parle comme d’une
« instance productive et transparente », ré-
clamant une extension de ses missions. Blan-
quer, lui-même, estimait que ce conseil
« avait fait ses preuves ». Et donc ? Et donc,
le ministre décide de le remplacer par un
Conseil d’évaluation de l’école dont la Rue
de Grenelle n’aura pas grand-chose à
craindre. Sur les dix personnes qui le pilo-
teront, quatre seront des « représentants »
Le 18 décembre 2017, Jean-Michel Blanquer à l’école primaire Les Bleuets, à Lyon. Stéphane Audras/Réa
du ministre, quatre autres seront également
choisies par ce dernier « pour leurs compé-
tences », tandis qu’un député et un sénateur,
désignés par les présidents de ces deux
chambres, compléteront ce grotesque aréo-
page… Vous avez dit godillot ?
La même logique de contrôle est à l’œuvre
sur la formation des enseignants. S’il ne
dit rien de précis sur l’organisation ima-
ginée par Jean-Michel Blanquer, le projet
de loi acte, d’ores et déjà, la disparition
des écoles supérieures du professorat et
de l’éducation (Espé), qui forment depuis
2013 les profs de la maternelle au lycée.
Ces Espé seront remplacées par des ins-
tituts nationaux supérieurs du professorat
dont les dirigeants, une fois de plus, de-
vraient fêter les grandes idées du gou-
vernement en matière scolaire. Normal :
ils seront nommés directement par les
ministres de l’Éducation et de l’Ensei-
gnement supérieur ! Jusqu’ici, ces nomi-
nations se faisaient sur proposition du
conseil de l’Espé. Trop démocratique pour
Blanquer, apparemment.
La part belle à l’élitisme
macronien et au privé
Dans la même optique de mise au pas, le
projet de loi autorise le gouvernement à utiliser
les ordonnances pour imposer le futur dé-
coupage territorial des services académiques.
Cette réforme prévue pour 2020, qui entend
réduire le nombre d’académies à 13 (contre
30 aujourd’hui) tout en rêvant de « mutuali-
sation » et d’économies de postes, pourra
s’imposer sans débat parlementaire. D’autres
articles de ce projet soulignent, en creux, les
préoccupations budgétaires de l’exécutif au
détriment du service public. L’article 13, par
exemple, porte sur le recrutement des assis-
tants d’éducation, autrement dit les sur-
veillants. Pour ceux « inscrits dans une
formation préparant aux concours » de l’en-
seignement, le texte veut pouvoir leur conier
« des fonctions pédagogiques et d’enseignement
ou des fonctions d’éducation ». Traduction :
mettre dans les classes ces novices peu ou pas
formés pour pallier le manque d’enseignants
titulaires. Le tout-venant scolaire peut se
préparer à soufrir. En revanche, le projet de
loi fait la part belle à l’élitisme macronien et
au privé. À rebours de toutes les études sur les
inégalités sociales à l’école, l’article 6 du projet
de loi Blanquer propose de créer des établis-
sements publics locaux d’enseignement in-
ternational, sélectifs, qui dispenseront des
enseignements en langues française et étran-
gères uniquement pour des élèves « aptes » à
suivre. Des établissements dont le budget
pourra être abondé par « des personnes morales
de droit privé », autrement dit des associations
ou… des entreprises. Décidément, le « prag-
matisme » de Jean-Michel Blanquer puise
toujours dans les mêmes eaux libérales.
LAURENT MOULOUD
 Lundi 15 octobre 2018 l’Humanité 15

Société&Solidarités

VIOLENCES POLICIÈRES

Afaire Traoré : « Encore une

fois, on fabrique un non-lieu »
Un millier de personnes ont dénoncé, samedi, une expertise
dédouanant les gendarmes et réclamé « justice pour Adama ».
a manif a été organisée en quelques (Ali Ziri, Wissam El Yamni, Lamine Dieng)

L jours seulement, après la révélation

de la quatrième expertise médicale
sur la mort d’Adama Traoré. « Mon frère
ont participé à ce déilé où igurait, au pre-
mier rang, Théo Luhaka, blessé à Aulnay-
sous-Bois en février 2017… et mis en examen
n’est pas mort car il a couru, mon frère est depuis. Ont aussi répondu présent les maires
Jeudi, à Marseille, le représentant du gouvernement a cherché à déminer mort car des gendarmes l’ont frappé et laissé communistes d’Ivry-sur-Seine et de Stains,
la colère du monde HLM. Ian Hanning/Rea mourir », a clamé Assa Traoré avant le départ Philippe Bouyssou et Azzédine Taïbi, les
du cortège, gare du Nord. Transmise en députés (FI) Clémentine Autain, Éric Co-
septembre, la dernière expertise médicale querel et Danièle Obono, le sociologue Geof-
LOGEMENT SOCIAL attribue le décès du jeune homme à l’efort froy de Lagasnerie ainsi que des dizaines de
produit par la course sur un organisme militants parisiens réunis derrière une ban-
atteint de « trait drépanocytaire ». Un « men- derole « Racisme, exploitation, répression,
Julien Denormandie songe d’État », dénonce la famille, à l’origine
de ce rassemblement auquel plus d’un millier
nos alliances contre-attaquent ».
«Nous sommes dans un État où les policiers
en opération séduction de personnes ont répondu. La mère de la
victime a déploré que les gendarmes n’aient
déshumanisent nos frères. Dans les quartiers
populaires, on les tutoie, on les insulte, on les
toujours pas été entendus par les juges et frappe, on les viole et on les tue. Mon frère est
Devant un auditoire sans illusions, le secrétaire exigé une date de reconstitution. Une nou- mort à cause de ce système, et c’est ce système
d’État a clos le congrès HLM sans rien lâcher sur velle fois, dans cette afaire, on voit comment qu’un jour nous devrons renverser », a déclaré
le fond mais en proposant des aménagements. l’État « fabrique un non-lieu », estime une Assa Traoré. Avant d’ajouter : « Cette afaire
proche de Lamine Dieng, mort à la suite ne concerne pas que la famille Traoré, elle
d’une interpellation il y a près de onze ans. concerne tout le monde. Ils ne doivent plus
De nombreux collectifs réclamant justice avoir de droit de mort sur nos vies. »
Marseille (Bouches-du-Rhône), meilleures voies et chemins pour at- pour des victimes de violences policières PIERRE DUQUESNE
envoyée spéciale. teindre l’efort demandé », a-t-il
déclaré. Il a également promis de
uel contraste. Après la bronca retravailler « si nécessaire » les me-
Q de l’année dernière, c’est une sures d’accompagnement mises en
salle studieuse et désabusée qui place, notamment sous forme d’al-
a accueilli, jeudi, le discours de clô- longement de prêts, pour aider les
ture du secrétaire d’Etat à la Cohésion bailleurs sociaux à faire face au choc.
des territoires, Julien Denormandie, Aux associations de locataires, il a
au 79e congrès des HLM. Sur la forme, indiqué que les fonds pour la cam-
le ministre a pris soin pagne de sensibilisation
de ménager son audi- aux élections à venir
toire, choqué par les « Nous sommes allaient être doublés.
coupes budgétaires peut-être L’ouverture de négo-
sans précédent impo- ciations était deman-
sées par le gouverne- aux prémices dée par l’Union sociale
ment. « Je pense que le pour l’habitat (USH),
modèle français du lo- d’un cercle qui fédère l’ensemble
gement social est le bon des bailleurs. Mais
et doit être préservé
descendant.  » sera-t-elle suisante ?
dans ses fondamen- LOUIS DUMONT, « Vous me trouvez peut-
taux », a-t-il déclaré PRÉSIDENT DE L’USH être alarmiste, mais les
d’emblée. Il a ensuite chiffres sont là : une Je verse euros
Votre don vous donne droit à une réduction d’impôt
multiplié les hommages à cet « acquis programmation de logements locatifs
de 66% dans la limite de 20% du revenu imposable.
pour la cohésion sociale », cet ins- sociaux en baisse de 20 % entre la
trument de lutte « contre les fractures in de l’année 2016 et la in de l’année prénom nom
qui parcourent nos territoires et notre 2018 ; une accession sociale sécurisée
société ». Mais sur le fond, le ministre à la propriété en recul de 20 % sur les adresse
a peu évolué. deux premiers trimestres de cette
Les congressistes l’attendaient no- année. Nous sommes peut-être aux code postal ville
tamment sur la baisse des loyers prémices d’un cercle descendant dont
HQ 22534/2018

exigée pour compenser la réduction on ne sait où il s’arrêtera. Si loin du téléphone

des APL aux locataires. Ce système ‘‘choc de l’ofre’’ auquel nous aspi-
obligera les bailleurs à faire 1,5 mil- rons », avait mis en garde Jean-Louis e-mail
liard d’euros d’économies en 2020, Dumont, président de l’USH, en Je libelle mon chèque à l’ordre de : Presse et Pluralisme « Souscription Humanité ».
contre 800 les années précédentes. accueillant le ministre. Je retourne ce coupon complété et accompagné de mon chèque à :
Une marche insurmontable pour Durant le congrès, les acteurs du L’Humanité / secrétariat du directeur, 5 rue Pleyel, immeuble Calliope, 93 528 Saint-Denis Cedex
beaucoup qui attendaient un geste. logement social se sont montrés
Sur ce thème, le ministre n’a promis combattifs en cherchant des ré-
que l’ouverture de discussions. « Je ponses à un déi budgétaire sans
m’engage à ce qu’un point de revoyure précédent. Mais dans les couloirs
sur la situation soit fait d’ici in 2018, l’inquiétude était palpable.
début 2019, ain de déterminer les CAMILLE BAUER
16 l’Humanité Lundi 15 octobre 2018
Le monde en mouvement
L’afaire Khashoggi provoque
une tempête diplomatique
À une semaine du Davos du désert, regroupant la finance internationale, le meurtre probable du journaliste saoudien
écorne violemment l’image du prince Ben Salmane. Le doute rattrape les partenaires occidentaux.
S
i l’Arabie saoudite est
responsable, il y aura un
«
châtiment sévère. » Cette
sentence lapidaire pro-
noncée samedi par Do-
nald Trump en pleine
afaire Khashoggi sonne
comme une petite révolution dans les rap-
ports feutrés qu’entretiennent Washington
et Riyad depuis de longues années. En cause :
les atermoiements du prince héritier
Mohammed Ben Salmane, dit MBS, sur la
mystérieuse disparition – et le meurtre pro-
bable – du journaliste saoudien Jamal Khas-
hoggi le 2 octobre dans les locaux mêmes de
son propre consulat à Istanbul. Alors que le
jeune monarque – dans une posture de déi –
proposait aux autorités turques de venir
Un membre de l’organisation Justice pour Jamal Khashoggi en conférence de presse, devant
le siège du Washington Post, vendredi, à Washington. Umar Farooq/Anadolu Agency/AFPforum
REMANIEMENT AU PORTUGAL
Le premier ministre socialiste portugais Antonio
Costa a remanié son gouvernement, remplaçant
quatre ministres dont celui de l’Économie,
a annoncé la présidence de la République, hier,
à la veille de la présentation du budget 2019.
ARABIE SAOUDITE
fouiller le consulat vingt-quatre heures à Des partenaires économiques de poids se
peine après le début de l’afaire, dix jours sont clairement positionnés contre le
plus tard, aucun enquêteur n’a encore eu la royaume salaiste. À commencer par une
possibilité d’entrer dans les locaux de la dizaine de médias états-uniens et britan-
mission diplomatique. Samedi, le ministre niques, qui ont voulu marquer le coup dans
turc des Afaires étrangères, Mevlüt Cavu- une afaire concernant un de leurs confrères.
soglu, a réitéré aux autorités saoudiennes Dans les colonnes du Washington Post,
une demande de perquisition dans le consulat. Jamal Khashoggi, exilé aux États-Unis en
Une requête restée lettre morte. 2017, était en efet l’une des plumes les plus
acérées à l’encontre du prince Ben Salmane
Médias états-uniens et britanniques dont il fustigeait les politiques menées au
contre le royaume salafiste Yémen et au Qatar. Aussi le Financial Times,
À une semaine de l’ouverture à Riyad du le New York Times, The Economist et le Los
Davos du désert – saison 2 du « Future Angeles Times ont-ils décidé de boycotter
Investment Initiative », regroupant les l’événement, de même que les chaînes
principaux acteurs de la inance interna- américaines CNN ou Bloomberg, partenaire
tionale –, cette obstruction lagrante à oiciel de ce sommet. Un coup dur pour
l’enquête a d’ores et déjà des répercussions. MBS, pour qui cette rencontre devait servir
YÉMEN : 15 CIVILS
TUÉS À HODEÏDA
Au moins 15 civils
yéménites ont été tués et
plus de 20 blessés, samedi,
dans une attaque
contre des minibus dans
la province de Hodeïda,
dans l’ouest du pays en
guerre, a indiqué dimanche
l’ONU. D’après l’ONG
Conseil norvégien pour
les réfugiés, ils auraient
été tués dans un raid aérien
de la coalition militaire
dirigée par l’Arabie
saoudite, qui soutient
le régime officiel yéménite
contre les rebelles houthis.
LA BOURSE
DE RIYAD A PLONGÉ
DE 7 % APRÈS SON
OUVERTURE HIER,
SYMBOLE D’UN
MARCHÉ EN PLEINE
DÉFIANCE AVEC
LA DISPARITION DE
JAMAL KHASHOGGI.
18
C’est le nombre de soldats de l’armée
afghane tués samedi lors d’attaques
menées par les talibans contre deux
postes militaires dans l’ouest du pays.
de projecteur ain d’attirer les investisseurs
étrangers pour assouvir certains de ses
fantasmes. Parmi lesquels la construction
de la cité futuriste Neom, paradis pour très
riches planté en plein désert, au coût exor-
bitant de 500 milliards de dollars. D’im-
portants partenaires que ce projet intéressait
au premier chef ont ainsi décliné l’invita-
tion. C’est le cas du milliardaire britannique
Richard Branson. Le fondateur du groupe
Virgin, qui fut en 2017 un participant en-
thousiaste de la première mouture de ce
Davos des sables, a même annoncé sa dé-
cision de geler plusieurs projets en cours
avec Riyad. D’autres acteurs, plus prudents,
ont décidé d’attendre pour prendre parti.
Le géant allemand Siemens, par exemple,
n’a pas encore annulé sa participation mais
le groupe, comme d’autres multinationales,
a fait savoir qu’il « surveillait la situation
de près ». Autrement dit, leur présence est
aujourd’hui indexée à la manière dont le
royaume des Saoud saura faire la lumière
sur cette disparition. Ces dernières heures,
les autorités turques continuent d’avancer
l’hypothèse du meurtre. Des enregistre-
ments sonores récupérés par Ankara prou-
veraient que Jamal Khashoggi aurait bien
été assassiné dans le consulat. D’aucuns
parlent également d’un interrogatoire et
de tortures perpétrées par une quinzaine
de membres des services secrets saoudiens,
qui auraient fait l’aller-retour Riyad-Is-
tanbul dans la journée du 2 octobre. Le
corps du journaliste aurait été ensuite dé-
coupé avant d’être transféré par avion dans
des caisses hors du pays.
À l’heure actuelle, l’Arabie saoudite nie
toute implication dans cette afaire, qui
commence à lui coûter très cher. Au cours
des deux dernières séances boursières – jeudi
et dimanche –, le marché saoudien a perdu
50 milliards de dollars de capitalisation.
Seule bonne nouvelle pour le royaume perdu
au cœur d’un marasme diplomatique de
plus en plus pesant : l’assurance de pouvoir
continuer une guerre sans in au Yémen.
Malgré les menaces, Donald Trump a en
efet rappelé, concernant l’éventuel arrêt
de ventes d’armes à Riyad, que Washington
n’était pas encore prêt à franchir le pas. « Je
pense en fait que nous nous punirions nous-
mêmes si nous faisions cela », a subtilement
relevé l’hôte de la Maison-Blanche
STÉPHANE AUBOUARD
 Lundi 15 octobre 2018 l’Humanité 17

Le monde en mouvement

ISRAËL-PALESTINE

À l’écran ou dans la rue,

Rwanda Paris réclame
un non-lieu dans l’enquête
sur l’attentat de 1994
Le parquet de Paris a demandé l’abandon

Tel-Aviv veut étouffer Gaza des poursuites contre sept proches du pré-
sident rwandais Paul Kagame, mis en cause
dans l’attentat contre l’avion de l’ex-chef
d’état Juvénal Habyarimana, qui donna le
Blocus économique et blocus médiatique : Israël repart à l’offensive sur Gaza. Sept signal du déclenchement, en 1994, du géno-
cide de 800 000 Tutsis et Hutus démocrates.
personnes ont été tuées la semaine dernière lors de manifestations à la frontière. Après vingt ans de rebondissements, la justice
française estime que l’enquête n’a pu obtenir
de « charges suisantes » contre les accusés.
ès lors qu’il s’agit de « pu- lement autorisé pour se rendre à Gaza. osé une ofensive jusque-là inédite. « La position du ministère public est inaccep-

D nir » les enfants, les

femmes et les hommes
de la bande de Gaza, Is-
raël utilise parfois le prin-
cipe de la double peine. Non contents
d’un bilan de sept Palestiniens tués
par l’armée vendredi dernier lors de
manifestations à l’est du camp de
réfugiés d’al-Bureij (centre de l’en-
clave palestinienne), et près de Rafah
(au sud), les autorités israéliennes ont
cru bon d’enfoncer le clou en décré-
tant l’arrêt des livraisons de ioul à la
bande de Gaza. En vertu d’un récent
accord signé avec l’ONU, Tel-Aviv
avait daigné laisser passer depuis
mardi six camions transportant
450 000 litres de combustible à Kerem
Shalom, seul point de passage actuel-
Ce carburant devait renforcer la pro-
duction de la centrale électrique de
la bande, dont l’approvisionnement
actuel n’ofrait aux habitants que
quatre heures de courant par jour !
Cette situation intenable, fruit pourri
d’un embargo illégal vieux de onze ans,
a poussé, depuis le 30 mars dernier, des
dizaines de milliers de manifestants à
venir crier leur colère aux abords
de la frontière. Huit mois plus tard,
205 Palestiniens ont été tués par l’armée
israélienne. Une réalité crue qui semble
gêner de plus en plus Benyamin Neta-
nyahou et ses sbires, lancés dans une
course à la dénégation sans in, préférant
charger le Hamas de tous les maux des
Gazaouis. Aussi, en milieu de semaine
dernière, le régime israélien a-t-il
Dans une lettre adressée le 10 octobre
à la directrice de France Télévisions,
Delphine Ernotte, l’ambassadrice d’Is-
raël en France, Aliza Bin-Noun, a ainsi
exigé purement et simplement l’an-
nulation de la difusion d’un reportage
prévu le lendemain : « Gaza, une jeu-
table. Depuis dix ans, le parquet a lâché les
juges d’instruction pour des raisons notamment
politiques. La preuve en est que ce réquisitoire
arrive précisément au moment de la nomination
d’une Rwandaise (Louise Mushikiwabo) à la
tête de l’Organisation de la francophonie »,
a fustigé Philippe Meilhac, l’avocat d’Agathe
nesse estropiée ». Le prétexte avancé Habyarimana, veuve de l’ex-président. En
– « De nombreuses sollicitations in- 2009, une commission d’enquête rwandaise
quiètes des responsables de la commu- avait imputé l’attentat aux extrémistes hutus,
nauté juive française » – laisse songeur. quand Paris privilégiait, depuis 1998, la thèse
Le ilm, inalement difusé, ne fait d’une attaque des soldats de l’ex-rébellion
pourtant rien d’autre que retracer les tutsie du Front patriotique rwandais (FPR),
destins croisés d’Alaa, 21 ans, Moha- dirigé par Kagamé. En 2012, un rapport du
mad, 13 ans, et Atallah, 17 ans. Trois juge Trévidic donne un nouveau tour à l’af-
jeunes Gazaouis qui, le 30 mars 2018, faire et s’aligne sur l’hypothèse rwandaise.
ont perdu une jambe et une partie de Il revient désormais aux juges d’instruction
leurs espoirs emportés par la balle d’un du pôle antiterroriste de décider ou non
sniper israélien. S. A. d’un procès. L. S.

247x146 HQ AL Lundi 15 octobre 2018

Annonces légales
L’Humanité est officiellement habilité pour l’année 2018, pour la publication des annonces judiciaires et légales dans les départements :
75 (arrêté n° 2017-12-007) 5,50 euros HT/ligne, 92 (arrêté CAB/SDCI n° 2017-1024) 5,50 euros HT/ligne, 93 (arrêté n° 2017-3584) 5,50 euros HT/ligne, 94 (arrêté n° 2017-4555) 5,50 euros HT/ligne.
Ministère de la culture et de la communication (arrêté du 18 décembre 2015, version consolidée au 9 janvier 2018)
relatif au tarif annuel et aux modalités de publication des annonces judiciaires et légales NOR : MCCE1529458A). La ligne se définit par 40 caractères, signes ou espaces de corps 6.

AVIS D’ENQUÊTE
PUBLIQUE
MAIRIE
DE FONTENAY-
SOUS-BOIS
SUR LE PROJET
DE MODIFICATION N° 2 DU PLAN
LOCAL D’URBANISME (P.L.U)
Par arrêté n° 2018-A-120 en date du
11 mai 2018 :
Il sera procédé à une enquête pu-
blique sur la modiication n° 2 du
Plan Local d’urbanisme de Fonte-
nay-sous-Bois pour une durée de
33 jours consécutifs à compter du lun-
di 15 octobre 2018 jusqu’au samedi
du tribunal administratif de Melun, en
qualité de commissaire-enquêteur.
L’enquête se déroulera à la maison
de l’habitat et du cadre de vie, 6, rue
de l’Ancienne-Mairie. Chacun pourra
prendre connaissance du dossier et
consigner ses observations et propo-
sitions sur le registre d’enquête aux
jours et heures habituels d’ouverture
(lundi-vendredi, 9 heures-12 heures
et 13 h 30-17 h 30 et samedi 9 heures-
11 h 30) ou les adresser par écrit à
l’attention du commissaire enquê-
teur à la mairie de Fontenay-sous-
Bois, direction de l’urbanisme,
4, esplanade Louis-Bayeurte, 94125
Fontenay-sous-Bois CEDEX, ou
encore par voie électronique à l’adresse
suivante : enquetepubliquemodiica-
tion2plu@fontenay-sous-bois.fr
Le commissaire-enquêteur recevra à
la maison de l’habitat et du cadre de
Le commissaire-enquêteur dispose
d’un délai de 30 jours à la fermeture
de l’enquête pour transmettre au
président de l’établissement public
territorial ParisEstMarne&Bois son
rapport et ses conclusions motivées.
Dès réception, le rapport sera tenu à
disposition du public à la maison de
l’habitat et du cadre de vie, direction
de l’urbanisme et de l’aménagement,
6, rue de l’Ancienne-Mairie, 94120 Fon-
tenay-sous-Bois, pour une durée d’un
an.
AVIS DE CONSTITUTION
Suivant acte SSP du 8 octobre 2018, il
a été constitué une société dénommée :
IB TRANSPORT
Forme : SASU au capital variable
Capital : minimum 1 000 euros ; maxi-
mum : 140 000 euros
Avis est donné de la création d’une
société dénommée :
DIABOSS
SÉCURITÉ
Forme : SARL
Capital : 2 000 euros
Siège social : 95, avenue du Président-
Wilson, CS 5003, 93108 Montreuil
Objet social : surveillance humaine ;
systèmes électroniques de sécurité ;
gardiennage meubles et immeubles
Gérance : M. Diabaté Sékou, demeu-
rant 5, rue Langlier-Renaud, 93210
Saint-Denis
Durée : 99 ans, à compter de son imma-
triculation au RCS de Bobigny
Par acte SSP en date du 8 octobre
2018, il a été constitué une société
dénommée :
RS MULTIMEDIA
Durée : 99 ans, à compter de son imma-
triculation au RCS de Bobigny
Par acte SSP en date du 24 septembre
2018, il a été constitué une société
dénommée :
NEW SUJAN
Forme : SARL
Capital : 1 000 euros
Siège social : 5, rue d’Orgemont, 93800
Épinay-sur-Seine
Objet social : coiffure mixte
Gérance : M. Ramanathan Sritharan,
demeurant 89, rue Diderot, 93700
Drancy
Durée : 99 ans, à compter de son imma-
triculation au RCS de Bobigny
DIVERS SOCIÉTÉS
SARAH FOOD
SARL au capital de 200 000 euros
Siège social :
4, rue de la Pointe
SAMOURAI
SASU au capital de 2 000 euros
Siège social :
24, rue Henri-Barbusse
93700 Drancy
805 361 201 RCS Bobigny
Suivant acte SSP du 15 septembre
2018, il a été décidé de nommer nou-
veau président M. Ali Ikhlas, demeurant
50, rue Riquet, 75019 Paris, en rempla-
cement de M. Zeeshan Ali Chaudhary ;
de transférer le siège social au 6, rue
Legraverend, 75012 Paris ; suppression
de l’activité de : « restauration rapide de
type traditionnel, sandwicherie, vente
à emporter et sur place d’adjoindre en
remplacement à l’objet social les acti-
vités de: bureau d’études en travaux
de rénovation, peinture, plomberie et
d’électricité courant fort, courant faible,
alarme et vidéo surveillance, réalisation
de travaux d’installations et mise aux
normes de sécurité et de modiier la
dénomination sociale » qui devient:

17 novembre 2018.
Le projet de modiication consiste
principalement dans l’ajout d’un sec-
teur de plan masse, pour permettre
la requaliication du quartier de La
Redoute. La procédure permettra
également de corriger des erreurs
matérielles recensées.
Mme Marie-José Albaret Madarac, a
été désignée par Mme la présidente
vie les :
- lundi 15 octobre 2018, de 9 heures à
11 h 45 (ouverture de l’enquête) ;
- samedi 20 octobre 2018, de 9 heures
à 11 h 30 ;
- mercredi 7 novembre 2018, de 13 h 30
à 17 h 15 ;
- samedi 17 novembre 2018, de 9 heu-
res à 11 h 30 (fermeture de l’enquête).
Siège social : 12, rue Jules-Châtenay,
93380 Pierreitte-sur-Seine
Objet : voiture de transport avec chauf-
feur VTC : location de véhicules de tou-
risme sans chauffeur ; l’achat et vente
de véhicules
Président : M. Benlazar Ilies, demeu-
rant 12, rue Jules-Châtenay, 93380
Pierreitte-sur-Seine
Durée : 99 ans, à compter de son imma-
triculation au RCS de Bobigny
Forme : SARL
Capital : 3 000 euros
Siège social : 11, rue Étienne-Dolet,
93350 Le Bourget
Objet social : achat, vente et main-
tenance de téléphone portables,
multimédia, informatique, taxiphone,
épicerie, bazar
Gérance : M. Ramanathan Sritharan,
demeurant 89, rue Diderot, 93700
Drancy
93130 Noisy-le-Sec
805 340 023 RCS Bobigny
Suivant l’AGE du 1er octobre 2018, il a
été décidé de nommer nouveau gérant
M. Philippe David Hoton, demeurant
27, cours Mirabeau, 11100 Narbonne,
en remplacement de M. Farès Ham-
moudi, gérant et démissionnaire et de
transférer le siège social au 38, rue
Dunois, 75647 Paris CEDEX 13.
Mentions seront faites aux RCS de
Bobigny et de Paris.
SAMOURAI CONCEPT
Mentions seront faites aux RCS de
Bobigny et de Paris.
AVIS DIVERS
M. Py David, demeurant 14, rue du Ter-
rage, 75010 Paris, né le 4 septembre
1986 à Le Lamentin (972), dépose une
requête auprès du garde des sceaux à
l’effet de substituer à son nom patrony-
mique, celui de Py-Carmel.

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18 l’Humanité Lundi 15 octobre 2018

L’ÉTOILE ROUGE CONTRE-ATTAQUE…

L’Étoile rouge de Belgrade a annoncé, samedi, vouloir porter plainte contre
l’Équipe pour « défendre » son « honneur ». Le quotidien sportif avait révélé
la veille des soupçons de trucage du match de Ligue des champions perdu
par le club serbe face au PSG (6-1), le 3 octobre. Le service des courses
Soyons sports et jeux de la police judiciaire a ouvert une enquête sur ce match.
1
Comme le premier titre en 2018 de la tenniswoman
lyonnaise Caroline Garcia (16e mondiale),
qui s’est imposée, hier, en finale du tournoi
de Tianjin (Chine) face à la Tchèque Pliskova (6e).

CYCLISME

En Lombardie, qui va Pinot

va sano et lontano…
À 28 ans, Thibaut Pinot, leader de Groupama-FDJ, s’est offert, en remportant le Tour de Lombardie, samedi, un des
monuments du calendrier de la saison cycliste. Un succès qui fuyait les coureurs tricolores depuis près d’un quart de siècle.

n Italie et dans le micro- vaincu par un début de pneumonie et de

E
cosme du cyclisme, un
nouveau proverbe est né,
samedi, sur les pentes es-
carpées du mur de Sor-
mano, implacable juge de
paix du Tour de Lombardie
avec ses passages à 25 % de pente. Lequel ?
« Qui va Pinot va sano et lontano ! » Une
adaptation sémantique d’un des proverbes
populaires transalpins pour raconter, en
résumé, la performance du Franc-Comtois
Thibaut Pinot, qui a dominé le maestro
local Vincenzo Nibali – vainqueur du Tour
de France 2014 – ain de s’adjuger le Tour
de Lombardie, la dernière grande classique
de la saison cycliste. Amoureux presque
transi des courses italiennes, le Français a
ainsi conclu en beauté une semaine consis-
tante. Deuxième des Trois Vallées varésines
mardi, vainqueur de Milan-Turin le len-
demain, il est resté, samedi, sur son tempo
de vainqueur en maîtrisant l’un des cinq
« monuments » (1) qui jalonnent l’année
des chasseurs de classiques. Bref, l’ex-
meilleur jeune du Tour 2012 et troisième
de l’édition 2014 était « une jambe au-
dessus » dans le jargon du peloton cycliste
et ses pairs ne se sont pas fait prier pour le
reconnaître une fois les 241 kilomètres et
la ligne d’arrivée de la classique des feuilles
mortes enin laissée dans leur dos.
« C’est une belle victoire qui rejaillit
sur tout le cyclisme français »
Romain Bardet, héros des grandes batailles
de juillet sur les routes de la Grande Boucle
(6e et meilleur tricolore en 2018) mais
contraint à l’abandon en Lombardie au
bout d’un jour sans, a résumé cliniquement
les mérites de Pinot, son alter ego de la
génération 1990 : « Il a réalisé un grand
Thibaut Pinot en solitaire dans le final du Tour de Lombardie, samedi. Luk Benies/AFP
numéro. C’est une belle victoire
qui rejaillit sur tout le cyclisme
français. Chapeau ! » Il est
d’autant plus bas que Pinot,
vainqueur pour la première
fois d’un monument du cy-
clisme à l’âge de 28 ans, a
sacrément rafraîchi les sta-
tistiques. Il est en efet le
premier coureur français à
inscrire son nom au palmarès
depuis Laurent Jalabert en 1997.
Quant à l’écart creusé à l’arrivée – 32 se-
condes – sur son dauphin du jour, Vincenzo une condition extraordinaire. » Surtout,
Nibali, il est le plus important à l’arrivée l’Italie lui donne des ailes. Avant d’être
depuis le succès de l’Italien
Andrea Tafi (2 min 19 s) en
26 1996, la pleine période des
Victoires années EPO. Du coup, le
AU PALMARÈS Requin Nibali reconnaissait
DE THIBAUT PINOT, sans peine s’être fait croquer
PASSÉ PROFESSIONNEL par Pinot, éleveur de chèvres
EN 2010 AU SEIN
dans son fief de Mélisey
DE L’ÉQUIPE
LA FRANÇAISE (Haute-Saône) à ses heures
DES JEUX. non pédalées : « Je donne
toujours le maximum mais, à
un moment donné, les jambes ont
dit non, et puis Pinot était vraiment dans
terminer le dernier Giro à l’hôpital, il était
encore sur le podium virtuel de l’épreuve
à 36 heures de l’arrivée. « J’ai toujours eu
une vraie relation avec l’Italie, depuis tout
jeune déjà, raconte le campionissimo des
Vosges saônoises. C’est un pays avec beau-
coup de caractère, une tradition, une langue
magnifique, une gastronomie qui me plaît
beaucoup. J’aime les départs et les arrivées
au cœur des villes, dans les villages, même
au Giro. En Lombardie, j’ai ce ressenti, cette
harmonie avec le parcours, les routes, les
paysages. »
Un succès qui fait planer… Au point pour
le leader de la Française des Jeux de déjà se
projeter en 2020 sur le parcours montagneux
des Mondiaux de Martigny, en Suisse. « J’au-
rai peut-être ma chance dans deux ans »,
glisse-t-il, histoire de refaire le ilm du
dernier championnat du monde en Autriche
le 30 septembre dernier où le sélectionneur
Cyrille Guimard avait préféré miser sur
l’homme fort tricolore de la saison, Julian
Alaphilippe – maillot à pois et deux victoires
d’étape sur le Tour –, lequel a cependant
coincé au moment décisif. Bon prince, Pinot
a préféré ne pas s’étaler plus que de mesure
sur le sujet : « Au briefing avant la course,
on était tous d’accord sur le plan. Il n’y a pas
de regret à avoir. C’est vrai, le jour du Mon-
dial, j’étais très fort. Mais c’est comme ça
et je ne regrette pas. Ce n’est pas une frus-
tration. La vie est faite ainsi. » En décrypté,
il avait le mors aux dents pour la Lombardie :
« Je voulais montrer ce dont j’étais capable. »
Du meilleur…
FRÉDÉRIC SUGNOT
(1) Les quatre autres « monuments »
sont Milan-San Remo, le Tour des Flandres,
Paris-Roubaix et Liège-Bastogne-Liège.

COURSES HIPPIQUES AVEC P. ROSSO NOTRE CHOIX POUR LES QUINTÉS

Lundi à Enghien l Trot l BASES Mardi à Chantilly l Galop l BASES
R1 l 1e course à 13h47 l 13. SAHARA ONE R1 l 3e course à 13h47 l 11. ZAVRINKA
Attelé l 16 part. - Autostart l 8. CE BELLO ROMAIN Plat l Handicap l 16 partants l 1. GEORGE THE PRINCE
12. TESAURO 6. PARIGOTE
2.150 m. l Corde à gauche l 1. COBRA AR CARAC 1.200 m. l Ligne droite l 16. COMEDIA ERIA
CHANCES LE BON FAVORI : CHANCES
LE BON FAVORI :
CE BELLO ROMAIN 9. PAVE THE WAY GEORGE THE PRINCE 10. HOPELESS
2. BINIOU DE CONNÉE 9. ORANGEFIELD
L’OUTSIDER REPÉRÉ : 6. CARLO DE CARSI L’OUTSIDER REPÉRÉ : 5. DER GRAUE
SAHARA ONE 7. CITIZEN KANE PARIGOTE 3. FRENCH PEGASUS
 Lundi 15 octobre 2018 l’Humanité 19

Culture&Savoirs
CONSÉCRATION

Maryse Condé, prix Nobel

alternatif de litérature
Le jury de la Nouvelle Académie a couronné la romancière française d’origine guadeloupéenne,
voix majeure de la littérature des Caraïbes et d’Afrique.

a Guadeloupéenne Maryse Condé (81 ans),

L
voix majeure de la littérature des Caraïbes
et d’Afrique, a remporté vendredi dernier
le prix Nobel alternatif de littérature, décerné
par la Nouvelle Académie. Cette récompense
a été créée par des intellectuels suédois après
l’annonce du report du prix Nobel de litté-
rature 2018 à la suite du scandale sexuel touchant, au sein
de cette assemblée, l’époux français d’une académicienne,
condamné à deux ans de prison ferme début octobre.
« Dans ses œuvres, avec un langage précis, Maryse Condé
décrit les ravages du colonialisme et le chaos du post-colo-
nialisme », a souligné la Nouvelle Académie lors de la
proclamation. Dans une vidéo projetée ce jour-là, la ro-
mancière, qui vit aujourd’hui dans le village de Gordes
(sud de la France) et ne peut plus écrire en raison de pro-
blèmes de santé, a déclaré être « très fière de ce prix ». Elle
a précisé à nos confrères de Jeune Afrique : « Les Français
n’ont jamais voulu entendre la voix de la Guadeloupe. Je suis
heureuse qu’enfin cette voix singulière soit reconnue. »
Romancière et essayiste, Maryse Condé s’est forgé une
notoriété au il d’une œuvre au style dûment reconnais-
sable, martelé en phrases courtes, rapides, eicaces. Elle
est aussi connue pour le ton ironique de ses récits. On lui
doit une trentaine d’ouvrages dont Ségou (tomes I et 2
parus en 1984 et 1985), consi-
La romancière dérable succès populaire pour
cette saga monstre située au
n’a cessé Mali, à la in du XVIIIe siècle,
dans le royaume polythéiste
de s’interroger et animiste des Bambaras,
bientôt touché par l’esclavage
sur l’identité et la colonisation. Maryse
des descendants Condé n’a aussi cessé de s’in-
terroger sur l’identité des
des exilés. descendants des exilés.
Dans la Vie sans fards (2012),
elle disait avoir publié son premier livre à l’âge de 42 ans,
« quand d’autres, écrit-elle, commencent de ranger leurs
papiers et leurs gommes ».
Née à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) en 1937, dans une famille Romancière et essayiste, Maryse Condé a déclaré être « très fière de ce prix ». Philippe Matsas/Opale/Leemage
de huit enfants, mère institutrice, Maryse Condé est une
élève brillante. Elle décide tôt d’aller chercher ses racines
dans l’Afrique des années 1960. Sa première rencontre avec 1988) ou encore Traversée de la mangrove (1989). On lui Condé, le Britannique Neil Gaiman et le Japonais Haruki
le continent de ses ancêtres n’a provoqué en elle « aucun doit aussi, entre autres, la Migration des cœurs (1995), Murakami) avaient été choisis parmi une liste de 47 auteurs
coup de foudre ». Elle vivra longuement, entre autres, dans Desirada (1997), le Cœur à rire et à pleurer (1999), Célanire suggérés par les bibliothécaires suédois, liste à partir de
la Guinée de Sékou Touré (« Conakry, écrit-elle, a été ma cou-coupé (2000), Victoire, les saveurs et les mots (2006), laquelle 32 000 internautes du monde entier ont voté.
véritable porte d’entrée en Afrique »), mais aussi en Côte les Belles Ténébreuses (2008), En attendant la montée des Quatre jurés – une éditrice, une professeure de littérature,
d’Ivoire, au Ghana et au Sénégal. C’est aussi en Afrique eaux (2010). Son dernier livre, le Fabuleux et Triste Destin un critique littéraire et la directrice d’une bibliothèque,
qu’elle prendra conscience du racisme des Africains envers d’Ivan et d’Ivana (JC Lattès) est paru en 2017, deux ans tous suédois – ont été ensuite chargés de désigner le lau-
les Antillais. En Guinée, « seul pays d’Afrique francophone à après Mets et Merveilles, annoncé comme son ultime réat. Le prix, qui sera remis le 9 décembre à Maryse Condé,
se vanter de sa révolution socialiste », elle se politise. ouvrage. Maryse Condé a présidé le Comité pour la mé- est accompagné d’un versement d’un million de couronnes
De sa quête des origines naîtront Moi, Tituba sorcière… moire de l’esclavage, créé en janvier 2004. (environ 97 000 euros), soit un peu plus du dixième du
noire de Salem (1986), qui reçoit le grand prix littéraire de Les quatre inalistes du Nobel alternatif de littérature (la chèque perçu par les lauréats d’un Nobel.
la femme, la Vie scélérate (prix de l’Académie française en Québécoise d’origine vietnamienne Kim Thuy, Maryse MURIEL STEINMETZ
20 l’Humanité Lundi 15 octobre 2018

Culture&Savoirs

THÉÂTRE

Entre
désespoir et
soif d’amour
Dans l’Occupation, d’Annie
Ernaux, Romane Bohringer est
une belle femme sensible, trahie.

eurtrie et battante. Profondément

M humaine, féline et attachante. Dès

les premiers instants, Romane
Bohringer, femme délaissée par un homme
qui en aime désormais une autre, capte tout
Jouant sur une distanciation salutaire des acteurs, Frédéric Noaille, et Nicolas Bouchaud (allongé), le spectacle le soleil. Habitant une passion désespérée,
de quatre heures se dilue habilement dans le temps. DR Compagnie elle livre, incarne, toute la saveur ine et
l’humour subtil de ce court roman publié en
2002 (chez Gallimard) par Annie Ernaux.
THÉÂTRE L’Occupation est celle d’une mémoire
surchargée de souvenirs, de tendresses, de
regrets et aussi de questions. Dans une

Religion et révolution lettre à l’auteure, la comédienne souligne

« une écriture flamboyante qui parle de nous
tous ». En efet, que ceux qui n’ont jamais

sont les mamelles du destin

connu le désespoir d’une rupture, de celles
qui plongent dans des abîmes sans fond,
lèvent le doigt.
La solitude, à laquelle on s’habitue, est
Sylvain Creuzevault met en scène les Démons, d’après Dostoïevski. Effervescence un fait. La jalousie est un autre ressort. Plus
tendu. Plus nerveux. Moins contrôlé. Qui
et cafouillages à tous les étages. Cours, camarade, la révolution, c’est par où déjà ? est cette autre, cette remplaçante, dont
l’ex-compagnon, rencontré désormais
seulement pour un café ou un repas du
ros bazar sur le plateau. Des pans de murs chisme nihiliste, veut tout faire péter, mais il voudrait midi, moments neutres histoire de ne pas

G brinquebalants et coulissants, des poteaux qui l’assentiment de Stavroguine qui donnerait une certaine
barrent la vue, une desserte, un rideau de plas- légitimité à son geste. Reste Chatov, personnage clé dans
tique au fond, des chaises posées sur de petits l’adaptation du roman par Creuzevault, qui incarne à lui
gradins à cour et à jardin. Une sorte de ZAD qui tout seul la foi politique, religieuse et amoureuse, l’une
ne dirait pas son nom. Les acteurs accueillent les spectateurs chassant l’autre. Face à l’agitation de cette jeunesse qui
en leur ofrant des coupes de champagne. Santé ! Na zdarovié ! a l’intuition d’un régime à bout de soule (mais, histori-
En plus du programme, des feuilles anti-panique sont dis- quement, le bout de soule peut prendre de longues
interférer avec sa nouvelle vie, ne dit rien
ou presque ? Pour la jeune femme, il faut
savoir. Elle imagine des stratagèmes, mène
l’enquête, envisage même le recours à un
détective. L’autre est-elle belle, riche, in-
telligente ? Son âge accroît le malaise. Si
lui, W., n’est pas parti pour une jeunette,
tribuées. C’est toujours compliqué l’intrigue chez Dostoïevski. années), face au poids d’une Église dont les icônes sont est-ce parce qu’elle serait devenue bête et
Plus de mille pages, sans compter les noms accrochées dans le moindre recoin et eface laide ? La raison s’égare. La lucidité avec.
russes : entre patronymes à rallonge, dimi- Comment faire les traces sur les murs des graitis révolu-
nutifs à géométrie variable, on se perd fa- tionnaires, Creuzevault va chercher Adorno La porte des imaginaires
cilement. D’où les feuilles anti-panique. Un dans une Russie et un texte sur la pensée dont s’empare Et Romane Bohringer, lumineuse, ne se
résumé à la louche et utile de cette histoire Stépan : la pensée est bonheur, martèle- contente pas de suggérer, mais devient ce
où les intérêts (personnels, intimes) des uns féodale, où les t-il. La pensée… Mais devant l’impatience personnage qui dans une intensité constante
croisent le fer avec l’impérieuse nécessité paysans vivent des jeunes gens qui l’entoure, ses mots se cultive le dépit de l’abandon. La mise en
d’une révolution. Nous sommes en Russie, perdent dans des nuages de fumée et, sous scène de Pierre Pradinas (c’est leur dixième
seconde moitié du XIXe siècle, un peu avant sous le servage ? la houlette d’une énorme croix en glace qui spectacle commun) ouvre ainsi avec élé-
Tchekhov, en plein dans des bouillonnements fond lentement, très lentement…, Chatov, gance la porte des imaginaires. Avec, juste
prérévolutionnaires portés par Marx, Fourier, Proudhon… lui, est passé à autre chose. Le retour de sa femme qui un petit regret, des projections un peu
L’intelligentsia russe n’y est pas insensible. Entre pro-so- vient enfanter dans son lit est une reconstitution d’une envahissantes, presque au détriment de
cialistes et nihilistes, les idéaux révolutionnaires sont l’objet nativité, gore mais biblique. Et c’est sacrément bien vu. cet ensemble maîtrisé jusqu’au soule inal.
d’âpres discussions. Le spectacle dure quatre heures. Conçu comme un diptyque, D’autant plus que l’espace (la scène de
Les Démons s’inscrivent dans la continuité du travail de on ne sent pas le temps passer. Saluons les acteurs, les ha- l’Œuvre est modeste) est déjà en partie
Creuzevault sur la révolution, dessinant un triptyque bitués des spectacles de Creuzevault (Arthur Igual, Vladislav grignoté par les instruments, piano, harpe…
depuis Notre terreur (le Comité de salut public) et le Capital Galard…), mais aussi Valérie Dréville et Nicolas Bouchaud, et équipements électroniques de Christophe
et son singe (la Commune et le mouvement spartakiste). Michèle Goddet… Montés sur des ressorts, entre impros et « Disco » Minck, lequel souligne, accom-
Comment faire dans une Russie féodale, où les paysans conducteur, ils naviguent avec une joie contagieuse, sans pagne, épaule l’ensemble en direct. Dans
vivent encore sous le servage, écrasés par le poids d’une cesse jouant sur une distanciation salutaire. Creuzevault a les lumières d’Orazio Trotta, la femme
Église orthodoxe ? Dostoïevski brosse un état des lieux conié deux rôles masculins à des actrices. Peut-être a-t-il déchirée poursuit son idée ixe. Pour conti-
distancié incarné par Stavroguine, ils de bonne famille, été sensible aux remarques sur la domination masculine sur nuer à vivre. Écorchée. Avec une sensibilité
qui traverse son propre pays et les efervescences révolu- le plateau lors de ses précédents spectacles… Qui sait. Du redoutablement contagieuse.
tionnaires sous des airs de dandy, à la fois présent et absent. fond de la Creuse, Creuzevault entendrait-il des voix ? GÉRALD ROSSI
Autour de lui, les débats sont à la fois passionnés, irritants, MARIE-JOSÉ SIRACH
drôles et vaseux. Lui voudrait être un héros. À sa manière, Jusqu’au 2 décembre, Théâtre
il en est un, mais à chercher du côté des losers. Piotr, ils Jusqu’au 21 octobre au Théâtre de l’Odéon. Les 12 et 13 février de l’Œuvre, 55, rue de Clichy Paris 9e.
malheureux de Stépan Verkhovenski, convaincu d’anar- à la Nouvelle Scène de Cergy-Pontoise. Tournée à venir. Renseignements : 01 44 53 88 88.
 Lundi 15 octobre 2018 l’Humanité 21

Culture&Savoirs

THÉÂTRE
LA CHRONIQUE

Sous un hangar, une longue

THÉÂTRE DE JEAN-

Joël Lumien
PIERRE LÉONARDINI

nuit trouée de lumière Quand la classe parle,

non sans lutte
Philippe Baronnet façonne, tout en ombres et lueurs, l’univers lugubre, peuplé
enoît Lambert dirige, depuis janvier
de parias, dont Koltès fait dans Quai ouest la matrice d’une intrigue sophistiquée.
B 2013, le Théâtre Dijon Bourgogne -
Centre dramatique national. Il présente
en ce moment sa mise en scène de la comédie
e toutes les pièces de Bernard-Marie Koltès, retourner à la case départ, comme en rêve Cécile, une en trois actes de Marivaux le Jeu de l’amour

D ciselées comme des pièces d’orfèvrerie, Quai exilée noyée dans la nostalgie de sa terre natale. Mais,
ouest, avec ses accents de polar, est sans doute dans l’attente d’une hypothétique échappatoire, tout se
la plus sombre, celle dont l’architecture est monnaye, tout se marchande : jusqu’à la mort et la vie.
la plus complexe (1). Ici, c’est le lieu même Ici, chacun pour soi : on peut échanger sa propre sœur
qui semble forger les personnages et tisser à lui seul la contre des clés de voiture. Et la présence de Koch relance
trame d’une énigme complexe. Philippe Baronnet se
saisit de cette géographie des marges pour donner
trafics et transactions, dans une chorégraphie d’où jaillis-
sent les rêves fracassés de chacun des protagonistes.
et du hasard (1730) à l’Aquarium (1). Fondée
sur un double subterfuge, la pièce, modèle
canonique d’un époustouflant jeu de rôle,
jette ses personnages dans un imbroglio
amoureux, résolu in fine par deux unions
socialement logiques, suivant les ressorts de
ce que le poète Michel Deguy qualifie, chez
corps à un univers lugubre, longue nuit trouée L’exploration « psychologique » compte moins, notre auteur, de « machine matrimoniale ».
de lumière, peuplée de parias, de réfugiés, ici, que la mise au jour des puissances dont Silvia, fille de M. Orgon, ignorant que Dorante
de dealers, de truands qui se meuvent dans les personnages sont le siège et par lesquelles a agi de même en prenant l’état de Bourgui-
un temps désarticulé. Ce lieu, Koltès en a 1986 ils sont littéralement « agis ». Au cœur de gnon-Arlequin, son valet, fait mine d’être
eu l’intuition en explorant un hangar dé- QUAI OUEST EST CRÉÉE la mise en scène, la figure silencieuse, im- sa femme de chambre Lisette, celle-ci en-
saffecté des anciens docks, sur les rives de À NANTERRE DANS prévisible d’Abad (le danseur Marc Veh) dossant le costume de sa maîtresse… Silvia
l’Hudson River, à l’ouest de Manhattan. Il UNE MISE EN SCÈNE concentre, au ban du ban, cette tension. et Dorante, travestis en domestiques, se
en a fait la matrice d’improbables ren- DE PATRICE CHÉREAU. La charge politique de cette pièce majeure reconnaîtront donc dans l’amour vrai, tout
contres. Koch, un homme d’affaires ruiné, de Koltès est assumée, ici, sans circonvo- comme leurs subalternes, car on ne peut
conduit là, en Jaguar, par Monique, sa se- lutions. Il est question, de façon claire et manquer à sa classe, qui parle
crétaire ignorant ses desseins, entend mettre crue, de violence sociale, de racisme, de ségré- non sans lutte…
fin à ses jours en se jetant à l’eau, ayant pris soin, gation urbaine, d’arrogance de l’argent, de frontières
Giraudoux De la plus parfaite escrime
auparavant, de lester ses poches de pierres. Le lieu, plongé figées. « Pour ma part, j’ai seulement envie de raconter bien, notait, des dans la langue du XVIIIe, si
dans une épaisse obscurité, se révèle peu à peu, crasseux, un jour, avec les mots les plus simples, la chose la plus impor- claire et vive – le désir n’existe
jonché de planches et de détritus, à la vacillante lumière tante que je connaisse et qui soit racontable, un désir, une personnages, que par elle – quatre jeunes
d’une lampe de poche. Craquements, cris, aboiements, émotion, un lieu, de la lumière et des bruits, n’importe quoi comédiens (Rosalie Comby,
les deux comparses se cognent aux murs, comme déjà pris qui soit un bout de notre monde et qui appartienne à tous », que « leur Edith Mailaender, Malo Martin
au piège. Pas de retour en arrière possible : pneus crevés, affirmait Koltès. Philippe Baronnet tire patiemment ce fil,
clés subtilisées, la voiture est immobilisée. Du fond du pour faire entendre les échos de notre propre monde.
fantaisie ne et Antoine Vincenot) donnent
une version allègre et souple,
plateau se lève une aube indécise, quai et écran sur lequel ROSA MOUSSAOUI doit pas nous non sans ce soupçon d’hu-
se découpent, en ombres chinoises, le candidat au suicide meur sombre propre aux per-
et son énigmatique sauveteur. Collusion d’univers étran- (1) En tournée à Hérouville-Saint-Clair (Calvados), les 17 tromper ». sonnages de Marivaux, dont
gers, entrée dans un monde de perpétuelles négociations. et 18 octobre, à Dieppe (Seine-Maritime), le 22 novembre, Giraudoux notait justement
Tous ces éclopés ne brûlent que de décamper, quitte à et à Rouen (Seine-Maritime), les 28 et 29 novembre. que « leur fantaisie ne doit pas nous tromper ».
Cela se joue dans une scénographie qui envisage
les Lumières, celles-ci également dues, en
jouant sur les mots, à Antoine Franchet, qui
a planté des arbres côté jardin, c’est la nature,
et installé, côté cour, un petit cabinet de curio-
sités cher à M. Orgon, père noble un tant soit
peu farceur (Robert Angebaud), et à son fils
aîné Mario (Etienne Grebot), sacrément taquin,
qui ne ménage pas sa sœur Silvia. C’est que
nous sommes dans le registre de l’expérimen-
tation humaine. Marivaux y excella.
Dans cette réalisation, qui s’appuie sur une
réflexion dramaturgique manifestement
poussée, la visée intellectuelle ne mutile en
rien les figures imaginées par Marivaux, ici
habitant des corps jeunes fièrement présents,
sans perruques ni poussières académiques.
Patrice Chéreau, jadis, avait ouvert la voie
avec la Dispute et la Fausse Suivante. Ainsi
interprété, le théâtre de Marivaux retrouve
sa fraîcheur initiale sans afféterie. La preuve
en est à la fin l’enthousiasme de lycéens,
l’autre soir, au spectacle d’une œuvre qui ne
connut que quatorze représentations du vivant
de son auteur.

(1) À la Cartoucherie, route du Champ-

de-Manœuvre, Paris 12e, tél. : 01 43 74 72 74,
Ici, il est question, de façon claire et crue, de violence sociale, de racisme, de ségrégation urbaine, d’arrogance jusqu’au 21 octobre, avant une longue tournée
de l’argent, de frontières figées. Victor Tonelli/Hans Lucas en France jusqu’au 4 avril 2019.
22 l’Humanité Lundi 15 octobre 2018

Culture&Savoirs

LITTÉRATURE BIOGRAPHIE

Aragon, penser la vie, Frischmann,

le Gavroche
penser le monde des PTT
L’ écrivain Olivier Barbarant animera des conférences sur l’auteur d’Aurélien dans Le postier, combattant de la
le cadre de l’Université permanente à partir de ce mardi 16 octobre (1). Entretien. Libération de Paris, a marqué
les luttes politiques et syndicales.

A
urélien fut au programme
du concours des ENS en
2017. Son Roman inachevé
subit cette année le même
sort. Peut-on parler d’un
retour à Aragon ?
OLIVIER BARBARANT La contingence de
quelques professeurs des ENS plus
attentifs à son œuvre que d’autres
suit peut-être à expliquer cet état
de fait réjouissant : je l’ignore abso-
lument. Mais il est vrai que ce « coup
double » succède à une présence
d’Aragon dans des concours presti-
gieux, dont il est intéressant de suivre
la courbe. Avec Aurélien aux agréga-
tions de lettres en 1989, puis les Voya-
geurs de l’impériale en 2002, c’est le
romancier qui a d’abord accédé à la
reconnaissance universitaire, tandis
que le poète, particulièrement celui
de la Résistance, a toujours été étudié
dans les classes secondaires. Les pu-
blications dans la collection « la
Pléiade » ne sont sans doute pas étran-
gères à cette progression, avec les
Œuvres romanesques complètes, à
partir de 1997, puis les Œuvres poé-
tiques complètes en 2007. La corres-
pondance entre les genres mis à « Aragon connaît désormais une reconnaissance littéraire », souligne
l’honneur par l’édition et l’apparition Olivier Barbarant. Ici, le poête, le 9 décembre 1936. L’Humanité
dans les programmes forme un indice
éclairant. Mais ne nous gon-
lons pas d’orgueil : c’est le
temps surtout qui, pour
chaque grand écrivain, joue
son rôle, sculpte la bonne
place. Aragon connaît dé-
sormais une reconnaissance
littéraire. L’ensemble ne
produit pas un fugitif « mo-
ment » Aragon, ni un « re-
tour », mais une entrée enin
dans une possibilité d’étude
DR
nel, dont la beauté ne dérable : la part du poétique, celle
s’évade pas de manière du politique, avec les questions
décorative au-delà de la qu’elles nous posent, dans un
matière qu’il prend en contexte devenu différent qui peut
charge, qu’il s’agisse permettre une plus juste appréhen-
d’une émotion person- sion. J’ai souhaité ouvrir avec
nelle ou de l’Histoire des « L’impossible biographie », parce
hommes. Il propose une qu’Aragon propose de sa vie une
modernité qui ne croit analyse qui ne se réduit pas (comme
pas nécessaire de seu- on dirait d’une sauce !) en synthèse.
lement rompre avec le J’avoue que le plus important pour
GEORGES FRISCHMANN,
UNE BIOGRAPHIE SYNDICALE
ET POLITIQUE
Alain Gautheron
Institut d’histoire sociale CGT FAPT,
228 pages, 12 euros
’est efectivement une biographie
C très syndicale, très politique que
nous donne Alain Gautheron. Fruit
d’une recherche minutieuse, avec le rap-
port d’intelligence d’un ancien secrétaire
général de la fédération CGT des PTT. Un
point de vue pertinent pour expliciter les
choix d’une personnalité attachante,
décrite par tous comme passionné de
lecture, un Gavroche dont la vie se déroule
dans le cadre des 14e et 15e arrondissements
du Paris populaire d’alors. Père gazé,
Georges Frischmann (1919-2006), pupille
de la nation, fut un élève brillant lors de
ses trop courtes études. Entré dans l’ad-
ministration des postes à 18 ans au bureau
de Paris 15. Après plusieurs mobilités, il
passe les concours et s’élève dans la hié-
rarchie. 1939 : titularisé, il adhère à la
CGT la même année ; épouse en octobre,
pendant la drôle de guerre, Jeanne Gar-
nier, ille de cheminot révoqué après les
grèves de 1920.
Mobilisé pendant deux ans, c’est à la
poste de la rue d’Alleray (15e arrondisse-
ment) que Georges entre dans la Résistance.
Combattant dans le 15e lors de l’insurrec-
tion, ses camarades lui conient ses pre-
mières responsabilités, tant au syndicat
qu’au PCF. Ascension rapide jusqu’à de-
venir secrétaire général de la fédération
postale ; responsabilité qu’il assurera de
1950 à 1974, tandis qu’il est élu au comité
central, puis au bureau politique du PCF.
Pilote de la commission économique,
il deviendra membre du Conseil écono-

et de lecture qui ne sont pas Olivier passé, pour prendre ap- moi se jouera dans « Un auteur pour mique et social, puis député au Parlement
d’abord encombrées par les Barbarant pui sur lui. C’est une le XXIe siècle ». Le château n’est pas européen. L’auteur l’a fréquenté pendant
images de l’auteur ou les a Écrivain leçon à entendre, je un patrimoine : ses plus belles salles plus de trente ans. Il décrit une vie qui
priori politiques. « Commen- crois… Ainsi, à chaque demeurent peut-être dans des livres épouse les dures luttes de la période de
cez par me lire », demandait page, j’entends le fran- encore négligés. A-t-on pris la me- guerre froide : scission syndicale, division
Aragon. Les étudiants d’aujourd’hui, çais le plus étincelant et le plus dé- sure du verset d’Aragon, qui naît des personnels. « Nous ne nous battrons
m’ont conié leurs professeurs, com- chirant qu’il me soit donné de lire, dans le Roman inachevé, court pas pour les chapeaux », comme on l’en-
mencent par là. pour une œuvre ouvrant sur tout un jusqu’aux Adieux et saisit son actualité tendait alors, jusqu’à ce que soient conju-
siècle en même temps que sur les pro- pour dire le désordre du monde d’au- gués revendications des catégories les plus
De quelles manières Aragon, un des fondeurs d’un être. jourd’hui, et l’ordre qu’il s’agirait modestes et syndicalisme cadre. Georges
génies incontestables du siècle passé, d’y trouver ? sera d’ailleurs révoqué en février 1951 et
continue-t-il d’être présent et précieux Quels aspects de ce continent littéraire ENTRETIEN RÉALISÉ PAR ne sera amnistié qu’en 1981.
pour les lecteurs d’aujourd’hui ? aborderez-vous au cours de cette Uni- NICOLAS DUTENT NICOLAS DEVERS-DREYFUS
OLIVIER BARBARANT Deux choses n’en versité permanente ? Quelles pièces
inissent pas de m’éblouir : la profusion de ce château allez-vous entrouvrir ? (1) Qu’est-ce qu’une vie ? l’impossible Pour se procurer l’ouvrage : adressez vos nom
proprement géniale, et ce qu’il ap- OLIVIER BARBARANT Le programme est biographie Espace Niemeyer, et adresse à : IHS FAPT CGT, 263, rue de Paris,
pelait lui-même le « palpité ». Aragon divers. Nous tenterons de couvrir 2, place du Colonel-Fabien. Case 545-93515 Montreuil Cedex, avec un
fait déferler un langage toujours char- l’ensemble d’une œuvre-vie consi- 6, avenue Mathurin-Moreau, Paris 19. chèque de 12 euros à l’ordre de IHS FAPT CGT.
 Lundi 15 octobre 2018 l’Humanité 23

Culture&Savoirs

TÉLÉVISION NOTRE CHOIX TÉLÉ

Enfants échangées, familles

DOUZE HOMMES
EN COLÈRE
France 5, 20 h 55
Film de Sidney Lumet, avec

massacrées ?
Henry Fonda, Martin Balsam
et Jack Klugman

Pour son premier ilm, Sid-

ney Lumet a signé un clas-
Solen Roy-Pagenault, au scénario, et Agnès Obadia, à la réalisation, signent un téléfilm sique. Il propose sa vision
de l’Amérique à travers l’un
touchant et moins anecdotique qu’il n’y paraît sur les rapports parents-enfants. des piliers de toute société
démocratique, son système
judiciaire. Dans un huis clos
ILS ONT ÉCHANGÉ MON ENFANT audacieux, il réunit des jurés
TF1, 21 heures chargés de prononcer un
verdict au terme du procès
n titre peut être très moyen, voire franchement réd- d’un adolescent accusé du

U hibitoire, et cacher un téléilm plein de sensibilité. Ils

ont échangé nos enfants raconte l’histoire d’une mère,
Sophie (Julie de Bona), qui vit en harmonie avec sa
petite Manon depuis onze ans. Onze années durant
lesquelles David, le père de la illette, a décidé de dégager en touche,
persuadé d’avoir été trompé et de ne pas être le père de l’enfant.
Manon soufre beaucoup de cette situation : on n’est pas rejetée de
meurtre de son père. Le hui-
tième juré, interprété par
Henry Fonda, va peser de
tout son poids en faveur de
la présomption d’innocence
face aux onze autres qui re-
présentent tous les visages
façon aussi virulente par son père sans que cela ne crée du désé- du rêve américain.
quilibre. Un jour, l’odieux personnage va encore plus loin : il décide
de confronter Manon à un test de paternité. Or, quand Sophie MR. TURNER
récupère les résultats, elle découvre que son ex n’est efectivement Arte, 20 h 55
pas le père de sa ille… mais qu’elle n’en est pas non plus la mère : Le profond dilemne pour une mère et sa fille. Philippe Warrin/TF1 Film de Mike Leigh, avec
deux illettes ont été échangées à la naissance. Timothy Spall, Paul Jesson
et Dorothy Atkinson
Le téléilm est tiré d’une histoire vraie. Il raconte le combat d’une
mère, à la fois pour protéger celle qui est sa ille depuis onze ans, Roy-Pagenault, qui a créé la série Candice Renoir pour France 2, Mr. Turner est un ilm miroir.
mais aussi pour que la société reconnaisse son erreur. Or, l’héroïne est aussi une jolie rélexion sur le lien entre parents et enfants, sur Il y est question des vingt-
avance sur un terrain miné : ce genre d’histoires n’arrive jamais, ce qui se noue lorsqu’on s’occupe d’un enfant, fût-il ou non de cinq dernières années de la
et sa quête de vérité est toujours à deux doigts de lui exploser au soi. Le téléilm entre dans une série de ictions du réel qu’a com- vie du peintre anglais à tra-
visage, juridiquement ou humainement. Se reconnaître dans les mandées TF1, entre Jacqueline Sauvage et un ilm sur le harcèlement vers la manière dont il
traits d’une illette inconnue n’est pas non plus anodin, et la per- moral à l’école. Il ouvre, en soi, et sans que ce soit démontré, à tout exerce son métier. Un métier
turbe. Sa ille « naturelle », qui évolue dans une famille équilibrée un tas de rélexions qui peuvent s’étendre à l’adoption, et surtout qui lui permet d’échapper à
(avec Sonia Rolland et Stéphan Guérin-Tillé en guise de parents) aux élans du cœur. Une réussite. la laideur du monde grâce à
est jolie, brillante, gracieuse. Le ilm en deux parties, signé Solen CAROLINE CONSTANT la puissance de l’art.

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o postal 29,50 € l'action de la chaleur. Entends. 5. Gen- risienne. V. Avant l'automne. Être su- 4
Par chèque : dre de Mahomet. Attaque d'une troupe. prême. VI. Règle de dessinateur. Chien-
6. Chef-lieu du département du Calva- lit. VII. Cheville de golfeur. Personnes 5
o un an postal 465 € o 6 mois postal 255€ o un an au portage 499 €
dos. Les commodités de la vie. 7. Cou- plus âgées que d'autres. VIII. Envols.
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